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Référence : 2007CCI631

 

Dossier : 2006-3300(CPP)

 

ENTRE :

 

BENTWATER CREATIVE SERVICES INC.,

 

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

 

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

CERTIFICATION DE LA TRANSCRIPTION DES

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Que la transcription certifiée des motifs du jugement que j’ai prononcés à l’audience tenue à Toronto (Ontario), le 27 septembre 2007, soit déposée.

 

 


Signé à Toronto (Ontario), ce 3e jour de novembre 2007.

 

 

« N. Weisman »

Juge suppléant Weisman

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de décembre 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

                                                                                                               Référence :  2007CCI631

                                                                                                             Dossier : 2006-3300(CPP)

 

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

RÉgime de pensions du Canada

 

ENTRE :

 

BENTWATER CREATIVE SERVICES INC.,

                                                                                                                                                                                appelante,

 

- et -

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

                                                                                                                                                                                      intimé.

 

 

APPEL ENTENDU DEVANT M. LE JUGE WEISMAN

au Service administratif des tribunaux judiciaires,

Centre judiciaire fédéral, 180, rue Queen Ouest,

Toronto (Ontario)

le jeudi 27 septembre 2007, à 16 h 5.

 

                                                                                                

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l’appelante :                                                                                                            Mme Kathy Hollett

Avocat de l’intimé :                                                                                                                         Me Laurent Bartleman

 

 

 

Est également présente :

 

Greffière de la Cour :                                                                                                                       Mme Roberta Colombo

 

 

 

 

A.S.A.P. Reporting Services Inc. 8 2007

 

200, rue Elgin, bureau 1004                                             130, rue King Ouest, bureau 1800

Ottawa (Ontario)  K2P 1L5                                               Toronto (Ontario)  M5X 1E3

613-564-2727                                                                      416-861-8720


                                                                                              (ii)

 

 

                                                                                           INDEX

 

 

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Motifs du jugement rendus oralement                                                                                                                              1

 

 

 

 

*************

 

 


                                              Toronto (Ontario)

--- Motifs rendus oralement le jeudi 27 septembre 2007, à 16 h 5.

M. le juge WEISMAN :  Cet après‑midi, j’ai entendu un appel interjeté par Bentwater Creative Services Incorporated (la société « Bentwater ») à l’encontre d’une décision rendue par l’intimé selon laquelle la travailleuse, Mme Kate Hollett, était engagée à titre d’employée aux termes d’un contrat de louage de services pendant les années 2002 et 2003 et l’appelante était donc responsable des cotisations au Régime de pensions du Canada pour la période. L’appelante interjette appel en invoquant comme moyen que Mme Hollett n’est pas une employée, mais une entrepreneure indépendante en sa qualité de directrice de l’entreprise de Bentwater.


Pour trancher la question dont la Cour est saisie, je suis obligé de tenir compte de l’ensemble de la relation entre les parties, et il existe des lignes directrices sur la façon dont je dois m’y prendre. Il existe un ensemble d’arrêts sur le sujet qui sont intitulés Wiebe Door Services, Sagaz Industries et Precision Gutters. Et, en fait, ces arrêts établissent un ensemble de lignes directrices m’aidant à régler le problème. Je vais donc essayer de comprendre quelle était l’entreprise de Mme Hollett, si elle était effectivement une entrepreneure indépendante. Il y a quatre lignes directrices : le contrôle, la propriété des instruments de travail, la possibilité de profit et le risque de perte.

Avant de commencer à examiner la preuve en fonction de ces quatre lignes directrices, je dirais qu’il s’agit d’une instance introduite en vertu du Régime de pensions du Canada (le « Régime »). Si l’instance avait été engagée en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi, il y aurait eu des dispositions dans cette loi prévoyant que les personnes qui ont un lien de dépendance avec leurs payeurs n’occupent pas un emploi assurable et qu’elles n’ont donc pas droit aux prestations d’assurance‑emploi. Il s’agit sûrement de la position que Mme Hollett a adoptée en tant qu’unique actionnaire et administratrice de l’appelante, mais il n’y a pas de disposition comparable dans le Régime.

Il y a une disposition qui définit le terme « fonctionnaire ». Et le Régime indique que les fonctionnaires comprennent les administrateurs et que les fonctionnaires sont des employés. Or, cela aurait pu poser un problème pour l’appelante. Toutefois, comme Me Bartleman l’a reconnu en toute franchise, cela n’a pas été plaidé par le ministre, ce moyen n’a pas été invoqué jusqu’à maintenant par le ministre, et, selon la loi, le ministre n’a pas le droit de surprendre les gens en invoquant des moyens à la dernière minute lors de l’instruction. Je ne tiendrai donc pas compte de cet élément dans mes motifs.


En ce qui concerne le contrôle, nous nous penchons sur la question du voile de la personnalité juridique, qui est bien établie en droit. Par exemple, dans les affaires en matière d’impôt sur le revenu, il y a une nette distinction entre la société et ses actionnaires. Mais, en l’espèce, nous parlons du contrôle, et la question est donc de savoir si Bentwater pouvait contrôler Mme Hollett. Il est très difficile de conclure autrement que la société avait certainement le droit de la contrôler, d’autant plus qu’elle était l’unique actionnaire et l’administratrice de la société.

Nous sommes donc en présence d’une situation où la question est de savoir si Mme Hollett pouvait se contrôler elle‑même, ou bien de savoir si Mme Hollett, en sa qualité d’unique actionnaire et d’administratrice de Bentwater, pouvait se contrôler elle‑même. De plus, Mme Hollett ne s’est pas exprimée en ces termes, mais sa position était que c’était presque comme si sa personnalité faisait en sorte qu’elle ne faisait pas toujours ce qu’elle pensait qu’elle devait faire. Elle n’était pas toujours capable de se contrôler ou de contrôler ses émotions. Je pense qu’en droit, il est très difficile pour une personne d’alléguer qu’elle n’a pas le droit de se contrôler. Je crois que le critère du contrôle ne peut qu’indiquer que Mme Hollett était une employée.


Propriété des instruments de travail : La preuve va dans les deux sens. D’un côté, il ressort de la preuve que Mme Hollett était propriétaire des locaux situés sur la rue Dundas, que Bentwater lui louait les locaux, et que Mme Hollett les utilisait gratuitement pour son travail de graphisme. D’un autre côté, Mme Hollett possédait son propre ordinateur à la maison et dans les locaux sur la rue Dundas, ainsi que le logiciel, l’imprimante et le papier. Le ministre a souligné que, dans ses déclarations de revenu, Mme Hollett n’a pas déduit ces éléments en tant que dépenses, mais je ne tire pas de conclusion à son encontre à cet égard. J’accepte son témoignage sous serment selon lequel elle fournissait les outils nécessaires pour exercer le métier de graphiste.

Cela pose toutefois problème parce qu’il est devenu évident après un certain temps qu’elle ne prétendait pas être une graphiste indépendante, mais une directrice indépendante. Le revenu de 21 000 $ qui lui a été versé en 2002, et celui de 25 000 $ qui lui a été versé en 2003 étaient tous les deux des revenus de gestion. Encore une fois, je ne tire aucune conclusion défavorable du fait que, dans les déclarations, il est indiqué qu’il s’agit de « salaires ». C’est à moi de décider s’il s’agissait de salaires ou de paiements versés à une entrepreneure indépendante. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agissait de montants versés pour des services de gestion, pas pour des services de conception graphique ou de création artistique. Pour examiner la question, je me concentre donc sur les outils relatifs à l’entreprise de gestion.


Si je comprends bien, l’ordinateur comprenant le logiciel spécialisé était utilisé pour les travaux de graphisme. J’en conclus que, en sa qualité de directrice, Mme Hollett n’avait vraiment pas besoin de fournir de fournitures. La principale chose dont elle avait besoin était les locaux, auxquels Bentwater lui donnait accès gratuitement. Par conséquent, le critère des instruments de travail indique également qu’elle était une employée.

Je dois examiner de façon approfondie la question de savoir si Mme Hollett avait la possibilité de réaliser des profits dans le cadre de ses rapports avec Bentwater, et je ne peux pas dire qu’elle avait cette possibilité. Elle recevait ce que la société pouvait lui payer. Cependant, pour réaliser des profits en tant que directrice, il faudrait que son revenu d’entreprise excède ses dépenses d’entreprise, mais je ne vois aucun revenu d’entreprise. La société lui versait son salaire annuellement ou lors de certaines périodes de temps où elle avait les moyens de la payer, mais, pour ce qui est des profits, il faudrait comparer la situation de Mme Hollett à celle de nombreux autres entrepreneurs indépendants qui ont un investissement financier dans leur entreprise.


Je comprends que Mme Hollett avait un investissement financier dans Bentwater, mais la question est de savoir si elle avait investi financièrement en tant que directrice. Elle n’engageait pas d’employés en tant que directrice. Elle n’investissait pas d’argent en tant que directrice. Ce sont les gens qui prennent des risques et qui espèrent que les avantages, soit les profits, vont excéder les risques qui sont des entrepreneurs. Je ne vois aucune possibilité de profit dans la relation que Mme Hollett avait avec l’appelante, Bentwater.

Le risque de perte est même plus évident, parce que, dans son témoignage, elle a mentionné qu’elle dépensait de l’argent pour Bentwater, mais que les dépenses qu’elle engageait lui étaient remboursées. Par conséquent, je ne vois aucun risque de perte. Les critères de la possibilité de profit et du risque de perte indiquent tous les deux que Mme Hollett était une employée.


Toutes ces lignes directrices ne sont là que pour m’aider à essayer de comprendre la relation entre les parties. Si Mme Hollett était en mesure d’établir qu’elle gérait non seulement l’entreprise de Bentwater, mais aussi plusieurs autres entreprises et qu’elle était payée dans chacun des cas, je pourrais voir qu’elle exploitait peut‑être une entreprise de gestion. Toutefois, lorsqu’une personne n’offre ses services de gestion qu’à un seul client et que ce client est sa propre société, il est difficile de conclure que cette personne exploitait une entreprise de gestion.

Mme Hollett a mis le doigt sur le problème ici. Elle a dit : [traduction] « Je fais de mon mieux pour que Bentwater prospère, et ce n’est pas le travail d’un employé ». Bien, cela est tout à fait vrai. C’est le travail d’un propriétaire.

Il faut établir une distinction entre ce que Mme Hollett et les gens en général font en tant qu’actionnaires et propriétaires de la société et ce qu’ils font en tant que travailleurs pour la société, ce qui revient très souvent. C’est d’ailleurs une question qui se pose très souvent pour les entreprises saisonnières. On peut constater que les propriétaires de sociétés exécutent des tâches pour la société sans rémunération et hors saison parce qu’ils en sont propriétaire. La question est donc la suivante : Font‑ils cela en tant qu’actionnaire/administrateur ou en tant qu’employé? Il s’agit d’une distinction qu’il faut faire.

La distinction que j’établis en l’espèce est que lorsqu’une personne comme Mme Hollett dit qu’elle met tout en œuvre pour que son entreprise puisse prospérer, elle le dit en tant que propriétaire et administratrice, pas en tant qu’employée. La question est donc de savoir si elle fait tout ce qu’elle peut pour que son entreprise prospère en tant que directrice. Et, selon moi, Mme Hollett n’exploitait pas d’entreprise en tant que directrice. C’est ce que la loi m’oblige à faire.


La question que je dois poser est de savoir quelle entreprise, s’il y a lieu, j’estime que cette personne exploite, et, d’après moi, Mme Hollett n’exploitait pas d’entreprise pour son propre compte.

Il incombe à Mme Hollett de réfuter (ou bien de « démolir ») les hypothèses énoncées au paragraphe 8 de la réponse du ministre à l’avis d’appel, et elle n’a réfuté aucune d’entre elles, sauf pour ce qui est des hypothèses e) et f), celles qui indiquent qu’elle fournissait des services de graphisme. Cependant, ce n’est pas en tant que graphiste qu’elle déclarait ce revenu, mais en tant qu’entrepreneure indépendante, que directrice. Pour ce qui est de l’hypothèse f), soit que la travailleuse fournissait également des services de consultation et de gestion à l’appelante, après un examen plus approfondi, il s’est avéré que ce n’était pas vraiment des services de gestion qu’elle fournissait.

Elle était une femme à tout faire parce qu’il s’agissait de sa société. Lorsque la société n’avait pas les moyens d’engager quelqu’un pour faire quoi que ce soit, elle le faisait, y compris les travaux de plomberie. Il s’agit des nouveaux éléments de preuve qui ont été présentés relativement à l’hypothèse figurant à l’alinéa f). Ce n’était pas tant des services de gestion qu’elle fournissait, que tous les services nécessaires pour aider la société.


À l’alinéa g), le ministre a également allégué que Mme Hollett n’avait pas à payer pour la location des locaux, mais il y avait un ordinateur, un logiciel et une imprimante. Or, la seule chose que j’ai entendue était que le logiciel et l’imprimante étaient requis pour l’entreprise de graphisme. Je suis certain que l’ordinateur et l’imprimante étaient parfois utilisés pour l’entreprise de Bentwater, mais  Mme Hollett a clairement indiqué dans son témoignage qu’elle ne les avait pas achetés pour cela. Ce n’était pas la raison principale de leur acquisition, et ils n’étaient certainement pas nécessaires pour une femme à tout faire, particulièrement pour ce qui est des travaux de plomberie. Il est vrai que l’hypothèse à l’alinéa g) est pratiquement établie, que le lieu de travail était fourni gratuitement et que le critère de la propriété des instruments de travail tend également à indiquer qu’elle était une employée. Elle a accepté chacune des hypothèses.

Et pour ce qui est de l’alinéa i), dans lequel le ministre a souligné les deux déclarations de revenu en indiquant qu’elle a touché des salaires en tant que directrice — Mme Hollett a allégué qu’il ne s’agissait pas de salaires, mais de paiements versés à une entrepreneure indépendante. De plus, elle a convenu que l’hypothèse à l’alinéa j) était vraie parce que la société lui remboursait ses dépenses. Cela a été fait en incluant les montants pour les dépenses dans le salaire de 21 000 $ qu’elle a touché en 2002 et dans celui de 24 000 $ qu’elle a touché en 2003.


En fait, je conclus que l’appelante n’a pas réfuté les hypothèses énoncées dans la réponse du ministre et que, dans la mesure où elle était la principale témoin pour Bentwater, elle n’a pas réussi à jeter le doute sur les autres hypothèses qui suffisaient amplement pour appuyer la détermination du ministre.

Je ne crois pas que l’appelante a présenté des nouveaux éléments de preuve qui mettraient en doute la décision du ministre ou que le ministre a mal interprété des éléments de preuve. Par conséquent, je conclus que la détermination du ministre était objectivement raisonnable. Dans ces conditions, je ne peux que conclure que Mme Hollett n’exploitait pas d’entreprise pour son propre compte. Par conséquent, l’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée. Je suis désolé.

Mme HOLLETT :  Y a‑t‑il d’autres recours dont je peux me prévaloir, ou bien c’est tout?

M. le juge WEISMAN :  Je suis désolé, je ne vous entends pas.

Mme HOLLETT :  Désolée, y a‑t‑il d’autres recours dont je peux me prévaloir?

M. le juge WEISMAN :  Oui, vous pouvez porter ma décision en appel.

Mme HOLLETT :  O.K.

M. le juge WEISMAN :  Vous pouvez même descendre au troisième étage, et une personne vous dira comment vous pouvez procéder.

Mme HOLLETT :  D’accord. Merci.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de décembre 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice



 

RÉFÉRENCE :

2007CCI631

 

NO DU DOSSIER :

2006-3300(CPP)

 

INTITULÉ :

Bentwater Creative Services Inc.

c. Ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge suppléant N. Weisman

 

DATE DU JUGEMENT ORAL :

Le    novembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l’appelante :

Kathy Hollett

 

Avocat de l’intimé :

MLaurent Bartleman

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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