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Dossier : 2004-600(GST)G

ENTRE :

MUNICIPAL DISTRICT OF SPIRIT RIVER NO. 133,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

County of Two Hills No. 21, 2004-1606(GST)G, et

de County of Lethbridge, 2004-1974(GST)G,

les 15 et 16 décembre 2008, à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

Avocat des appelants :

MCurtis Stewart

Avocates de l’intimée :

MMarta Burns et MKim Palichuk

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie sous le régime de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 10 septembre 2002, relativement à la période du 1er juillet 2001 au 30 septembre 2001, est accueilli, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu des faits suivants :

 

1.       Pour la période pertinente, Spirit River a droit aux crédits de taxe sur les intrants suivants (nets du remboursement OSP) au titre des programmes de subvention qui ne sont plus en litige :

 

Rural Road Study Initiative Program                         1 194,74 $

Resource Road/New Industry Program                            22 898,45 $

Canada-Alberta Infrastructure Program                                     0,00 $

Bridge/Culverts Agreement Program                                0,00 $

 

2.       Pour la période pertinente, Spirit River a droit à un crédit de taxe sur les intrants (net du remboursement OSP) de 28 003,17 $ au titre des sommes relatives au programme de RTG qui ne sont plus en litige.

 

3.       Pour la période pertinente, Spirit River n’a pas droit à un crédit de taxe sur les intrants (net du remboursement OSP) de 3 314,89 $ au titre des sommes relatives au programme de RTG qui ne sont plus en litige.

 

4.       Pour la période pertinente, Spirit River n’a pas droit à des crédits de taxe sur les intrants de 29 235,44 $ au titre du programme de RTG puisque les activités liées au gravillonnage des routes effectuées dans le cadre de ce programme constituent des fournitures exonérées.

 

          Dans l’attente des observations qui seront présentées par les avocats des parties, je n’adjuge aucuns dépens à ce stade‑ci de l’instance, mais je me réserve le droit de le faire ultérieurement.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20jour de janvier 2009.

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de juin 2009.

 

 

 

François Brunet, réviseur.


 

 

Dossier : 2004-1606(GST)G

ENTRE :

COUNTY OF TWO HILLS NO. 21,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Municipal District of Spirit River No. 133, 2004-600(GST)G,

et de County of Lethbridge, 2004-1974(GST)G,

les 15 et 16 décembre 2008, à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

Avocat des appelants :

MCurtis Stewart

Avocates de l’intimée :

MMarta Burns et MKim Palichuk

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie sous le régime de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 7 octobre 2003, relativement à la période du 1er juillet 2001 au 30 septembre 2001, est accueilli, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu des faits suivants :

 

1.       Pour la période pertinente, Two Hills a droit aux crédits de taxe sur les intrants suivants (nets du remboursement OSP) au titre des programmes de subvention qui ne sont plus en litige :

 

Street Improvement Program                                  6 246,99 $

Rural Road Study Initiative Program                       1 208,12 $

Resource Road/New Industry Program                            7 392,29 $

Secondary Highways Transition Agreement                    0,00 $

Bridge/Culvert Agreements Program                               0,00 $

 

2.       Pour la période pertinente, Two Hills a droit à un crédit de taxe sur les intrants (net du remboursement OSP) de 25 298,79 $ au titre des sommes relatives au programme de RTG qui ne sont plus en litige.

 

3.       Pour la période pertinente, Two Hills n’a pas droit à un crédit de taxe sur les intrants (net du remboursement OSP) de 20 951,12 $ au titre des sommes relatives au programme de RTG qui ne sont plus en litige.

 

4.       Pour la période pertinente, Two Hills n’a pas droit à des crédits de taxe sur les intrants de 66 053,56 $ au titre du programme de RTG puisque les activités liées au gravillonnage des routes effectuées dans le cadre de ce programme constituent des fournitures exonérées.

 

          Dans l’attente des observations qui seront présentées par les avocats des parties, je n’adjuge aucuns dépens à ce stade‑ci de l’instance, mais je me réserve le droit de le faire ultérieurement.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20jour de janvier 2009.

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de juin 2009.

 

 

 

François Brunet, réviseur.


 

Dossier : 2004-1974(GST)G

ENTRE :

COUNTY OF LETHBRIDGE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Municipal District of Spirit River No. 133, 2004-600(GST)G,

et de County of Two Hills No. 21, 2004-1606(GST)G,

les 15 et 16 décembre 2008, à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

 Comparutions :

Avocat des appelants :

MCurtis Stewart

Avocates de l’intimée :

MMarta Burns et Me Kim Palichuk

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie sous le régime de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 10 avril 2003, relativement à la période du 1er avril 2001 au 30 juin 2001, est accueilli, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu des faits suivants :

 

1.       Pour la période pertinente, Lethbridge a droit aux crédits de taxe sur les intrants suivants (nets du remboursement OSP) au titre des programmes de subventions qui ne sont plus en litige :

 

Rural Road Study Initiative Program                             293,03 $

Resource Road/New Industry Program                            60 830,60 $

Secondary Highways Transition Agreement                      0,00 $

Bridge/Culvert Agreements Program                                 0,00 $

 

2.       Pour la période pertinente, Lethbridge a droit à un crédit de taxe sur les intrants (net du remboursement OSP) de 90 702,36 $ au titre des sommes relatives au programme de RTG qui ne sont plus en litige.

 

3.       Pour la période pertinente, Lethbridge n’a pas droit à un crédit de taxe sur les intrants (net du remboursement OSP) de 28 909,77 $ au titre des sommes relatives au programme de RTG qui ne sont plus en litige.

 

4.       Pour la période pertinente, Lethbridge n’a pas droit à des crédits de taxe sur les intrants de 68 512,52 $ au titre du programme de RTG puisque les activités liées au gravillonnage des routes effectuées dans le cadre de ce programme constituent des fournitures exonérées.

 

          Dans l’attente des observations qui seront présentées par les avocats des parties, je n’adjuge aucuns dépens à ce stade‑ci de l’instance, mais je me réserve le droit de le faire ultérieurement.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20jour de janvier 2009.

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de juin 2009.

 

 

 

François Brunet, réviseur.


 

 

Référence : 2009 CCI 42

Date : 20090120

Dossiers : 2004-600(GST)G

2004-1606(GST)G

2004-1974(GST)G

 

ENTRE :

MUNICIPAL DISTRICT OF SPIRIT RIVER NO. 133,

COUNTY OF TWO HILLS NO. 21 et

COUNTY OF LETHBRIDGE,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

 

[1]              En qualité de juge de la Cour canadienne de l’impôt, je suis souvent appelé à trancher des questions qui relèvent entièrement du domaine ou de la compétence d’autres personnes. La présente instance introduite par le County of Lethbridge, le Municipal District of Spirit River No. 133 et le County of Two Hills No. 21 en est un exemple classique. L'expression "entretien des routes" englobe-t-elle le rechargement des routes empierrées? Et pourquoi cette question est‑elle importante sur le plan fiscal? Parce que l’entretien de routes constitue une fourniture exonérée suivant l’alinéa 21.1d) de la partie VI de l’annexe V de la Loi sur la taxe d’accise[1]; les appelants ne peuvent donc pas demander des crédits de taxe sur les intrants.

 

[2]              Les parties ont produit un exposé conjoint des faits. Les appelants ont fait témoigner M. Brandon Smith, expert‑conseil auprès de municipalités rurales de l’Alberta, et M. Delwyn Fredlund, spécialiste des sols non saturés et du gravillonnage des routes non revêtues. L’intimée a fait témoigner M. Jim Coxford, spécialiste du processus de gravillonnage des routes.

 

[3]              Il n'est pas inutile de reprendre certaines parties de l’exposé conjoint des faits, même si je renverrai à des éléments de preuve tirés de documents et des témoignages au moment opportun.

 

[traduction]

 

PARTIE I : FAITS GÉNÉRAUX RELATIFS À TOUS LES APPELANTS

 

1.         Aux moments pertinents, la province d’Alberta (l’« Alberta ») a conclu avec les municipalités appelantes, sous le régime de la Public Highways Development Act (la « Highways Act »), des ententes par lesquelles elle s’engageait à accorder des subventions aux municipalités afin qu’elles réalisent certains projets et se livrent à certaines activités touchant les routes lui appartenant. L’un de ces programmes était le Rural Transportation Grant (le « programme de RTG »).

 

2.         Selon la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15 (la « Loi »), les municipalités appelantes reçoivent un remboursement à titre d’organismes de services publics (« ROSP »).

 

3.         Pendant la période pertinente, les municipalités appelantes ont demandé la totalité des crédits de taxe sur les intrants (« CTI »), moins les ROSP, relativement à la TPS payée au titre des biens ou des services consommés, utilisés ou fournis dans le cadre de l’exercice des activités admissibles liées aux programmes de subvention, y compris le programme de RTG.

 

4.         Le ministre a refusé les CTI et, après l’introduction des appels, les questions suivantes ont été soulevées lorsqu'il a fallu décider si les appelants avaient droit aux CTI demandés :

 

a)         Les municipalités appelantes ont‑elles effectué une fourniture à l’Alberta dans le cadre de chacun des programmes de subvention?

 

b)                  Les fonds accordés comme subvention ont‑ils été versés en contrepartie de ces fournitures?

 

c)                  Si on répond par l’affirmative aux questions a) et b), les fournitures constituaient‑elles, en tout ou en partie, des fournitures exonérées suivant l’article 21.1 de la partie VI de l’annexe V de la Loi?

 

5.         Les parties se sont adressées à la Cour canadienne de l’impôt suivant l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) afin qu’elle se prononce sur certaines questions de droit touchant les deux premiers points en litige.

 

6.         Dans une décision rendue le 14 février 2006, le juge R.D. Bell de la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’en ce qui concernait chacun des programmes de subvention en cause, les appelants avaient bel et bien effectué une fourniture à l’Alberta. La Cour a en outre conclu qu’à l’exception du Canada‑Alberta Infrastructure Program et du Bridge/Culvert Agreements Program, les fonds accordés à titre de subvention avaient été versés en contrepartie de cette fourniture.

 

7.         À la lumière du présent exposé conjoint des faits et des conclusions tirées par la Cour canadienne de l’impôt relativement aux questions dont elle était saisie, les parties ont ainsi circonscrit la seule question toujours en litige: les sommes déduites comme CTI au titre des coûts de gravillonnage et demandées dans le cadre du programme de RTG entre les années 1997 à 2001 constituent-elles des fournitures exonérées suivant l’article 21.1 de la partie VI de l’annexe V de la Loi?

 

8.         Il s’agit donc, dans les présents appels, de décider si le gravillonnage des routes (à l’exception du « gravillonnage localisé ») constitue une fourniture exonérée suivant l’alinéa 21.1d) de la partie VI de l’annexe V de la Loi.

 

PARTIE II :   PROGRAMME DE RTG

 

9.         Le programme de RTG vise à fournir aux municipalités rurales de l’aide en matière de réseaux routiers locaux.

 

L’article 7.1 des Administrative Guidelines for the Rural Transportation Grant[2] (Lignes directrices administratives concernant l'aide au transport rural) prévoit ce qui suit :

 

[traduction]

 

7.1              Objet

 

Aider les comtés, les districts municipaux, les établissements métis et les zones spéciales de l’Alberta par l’octroi de subventions annuelles destinées à l’amélioration durable de leur réseau routier local. Aider les municipalités rurales à aménager un réseau routier qui satisfait à une norme uniforme et qui répond à la demande et aux besoins en la matière. Accroître la sécurité du public voyageur par la lutte contre les poussières. Enfin, veiller à ce que les travaux d’ingénierie requis soient entrepris pour les projets approuvés.

 

10.       Dans le cadre du programme de RTG, les municipalités étaient tenues de soumettre la liste des travaux proposés pour l’année suivante à l’examen et à l’approbation de l’Alberta, au plus tard le 1er avril de l’année en cause.

 

Plusieurs lettres des municipalités énonçant les projets à venir ont été versées au dossier. Il est utile de reproduire une portion de l’une d’elles. L’extrait suivant est tiré d’une lettre que le County of Lethbridge a adressée à Alberta Transportation le 27 juin 1997[3] :

 

          [traduction]

 

Nous tenons à vous remercier pour la subvention au transport de 388 207 $ qui a été accordée au County of Lethbridge.

 

Ces fonds sont reçus avec grande reconnaissance et ils sont nécessaires pour assurer la sécurité du public voyageur par la conception, la construction et l'entretien appropriés de l’infrastructure du réseau routier.

[Non souligné dans l’original.]

 

11.       Les projets comme le nivellement/renivellement, le gravillonnage, la couche de base, le revêtement, la couche de scellement au bitume, la signalisation, la signalisation horizontale et la lutte contre les poussières constituaient des activités admissibles dans le cadre du programme de RTG.

 

Selon l’article 7.3.3 des Administrative Guidelines for the Rural Transportation Grant, l’entretien fait partie des activités non admissibles au financement.

 

[traduction]

 

12.       Après examen de la liste des travaux proposés, l’Alberta a informé la municipalité qu’elle lui accordait une subvention. Les fonds ont été versés pour 100 pour 100 des projets approuvés jusqu’à concurrence de l’octroi annuel auquel la municipalité avait droit.

 

Les municipalités devaient présenter à la province des comptes définitifs confirmant la façon dont les fonds avaient été dépensés.

 

[traduction]

 

PARTIE III : ENTENTES

 

13.       L’article 21 de la Highways Act autorise la province à conclure une entente avec n’importe quelle municipalité afin de contribuer au coût de construction et d’entretien d’une rue ou d’une route.

 

14.       Des ententes de principes (les « ententes ») ont été conclues entre la province et chacun des appelants en application de l’article 21 de la Highways Act. Selon ces ententes, des fonds étaient accordés aux appelants au titre de projets approuvés dans le cadre du programme de RTG.

 

Le préambule des ententes de principes[4] conclues entre la province d’Alberta et les municipalités énonce ce qui suit :

 

           [traduction]

 

          Attendu que, selon l’article 21 de la Public Highways Development Act, la province peut conclure une entente avec n’importe quelle municipalité urbaine ou rurale pour la construction d’une rue ou d’une route qui est de son ressort, qui est sous son contrôle et qu’elle administre; […]

 

[…]

 

PARTIE IV : GRAVILLONNAGE DES ROUTES

 

17.       Dans la partie de l’Alberta constituée de prairies, les routes de gravier sont habituellement composées d’un revêtement de gravier et d’un sol de fondation ou d’une couche de fond en argile.

 

18.       Le gravillonnage des routes se fait selon l’un de deux procédés. Le premier procédé, qui fait l’objet de la seule question toujours en litige dans les présents appels, consiste en l’application d’une couche de gravier soit 1) sur le dessus d’un sol de fondation en argile nouvellement construit, soit 2) sur le dessus d’une couche existante de gravier et d’un sol de fondation existant en argile. Le second procédé consiste en du « gravillonnage localisé », c’est‑à‑dire l’application de gravier à un endroit de la route qui pose problème.

 

19.       Les appelants avaient toute latitude pour décider quand et où appliquer une couche de gravier sur les routes.

 

20.       L’application de couches de gravier sur une route existante se fait au moyen d’un camion de gravier. Ce dernier est chargé de gravier à une gravière ou à un endroit où se trouve une réserve de gravier en pile. Le camion de gravier se rend à la route de gravier. Il soulève ensuite sa boîte ou il ouvre son hayon et il se dirige lentement le long de la route jusqu’à ce que son chargement soit complètement répandu. Ce processus est répété jusqu’à ce qu’une quantité suffisante de gravier soit appliquée sur la partie visée de la route.

 

21.       Pendant la période pertinente, toutes les couches de gravier ont été appliquées sur des routes de gravier existantes. Certaines activités de gravillonnage ont eu lieu sur des routes secondaires.

 

Selon le témoignage de M. Smith, 95 pour 100 des routes en question avaient au moins 10 ans. Les vieilles routes faisaient l’objet d’un rechargement tous les trois à cinq ans.

 

[traduction]

 

            PARTIE V :    APPELANTS

 

                        (A)       COUNTY OF TWO HILLS NO. 21

 

[…]

 

28.       Si les activités de gravillonnage entreprises par Two Hills dans le cadre du programme de RTG ne sont pas des fournitures exonérées suivant l’article 21.1 de la partie VI de l’annexe V de la Loi, les parties conviennent que Two Hills a en outre droit à des crédits de taxe sur les intrants (nets du remboursement OSP) de 66 053,56 $ au titre du programme de RTG.

 

(B)              MUNICIPAL DISTRICT OF SPIRIT RIVER NO. 133

 

[…]

 

35.       Si les activités de gravillonnage entreprises par Spirit River dans le cadre du programme de RTG ne sont pas des fournitures exonérées suivant l’article 21.1 de la partie VI de l’annexe V de la Loi, les parties conviennent que Spirit River a en outre droit à des crédits de taxe sur les intrants (nets du remboursement OSP) de 29 235,44 $ au titre du programme de RTG.

 

(C)              COUNTY OF LETHBRIDGE

 

[…]

 

43.       Si les activités de gravillonnage entreprises par Lethbridge dans le cadre du programme de RTG ne sont pas des fournitures exonérées suivant l’article 21.1 de la partie VI de l’annexe V de la Loi, les parties conviennent que Lethbridge a en outre droit à des crédits de taxe sur les intrants (nets du remboursement OSP) de 68 512,52 $ au titre du programme de RTG.

 

[4]              Je me penche maintenant sur les rapports des deux spécialistes, lesquels offrent des points de vue fort différents. M. Fredlund, éminent universitaire spécialisé dans les sols non saturés, a examiné la question du gravillonnage d’un point de vue théorique. Il s’est fié à ses propres recherches et documents d’étude de même qu’aux thèses de ses étudiants de deuxième cycle au fil des ans. M. Coxford a adopté une approche pratique. Il avait déjà sillonné les municipalités sur les routes en cause et il s’est fié à son expérience dans le secteur de la construction routière, dont 16 années passées à travailler au projet routier de l’Alaska. Sous réserve d’une exception notable, les deux spécialistes n’étaient pas vraiment en désaccord l’un avec l’autre. C’est plutôt qu’ils ont choisi une approche diamétralement opposée pour analyser la situation. L’exception en question tient au fait que M. Fredlund a soutenu que le gravier ajouté aux routes disparaît avec le temps non seulement à cause de la circulation, qui le déplace, mais aussi parce que le gros gravier se transforme en fin gravier et s’amalgame à la couche d’argile située sous le gravier de surface, ce qui entraîne un renforcement général de la route. Après avoir inspecté les routes, M. Coxford a conclu que la presque totalité du gravier était déplacée par la circulation; il n’a constaté que peu d’amalgame, voire aucun, à l’interface entre le gravier et l’argile. Il a donc conclu que le gravillonnage servait à [traduction] « retourner le matériel composant la surface granulaire à son épaisseur et à sa résistance initiales ».

 

[5]              La réponse donnée par M. Fredlund à la question suivante exprime on ne peut mieux l’essentiel de son opinion[5] :

 

[traduction]

 

Question 4.)    Les couches de gravier appliquées postérieurement à la couche de gravier initiale incorporée à la route de gravier peuvent‑elles être assimilées à une « amélioration » de la route?

 

Oui. Les couches de gravier appliquées après la couche de gravier initiale ont pour résultat une « amélioration » de la route puisque la solidité de sa surface est accrue. L’application initiale de gravier ne procure qu’une partie des avantages liés au gravillonnage des routes. Le gravillonnage d’une route doit être considéré comme un « processus » qui englobe plusieurs applications de gravier et qui mène à la construction définitive de la route de gravier. L’« amélioration » de la chaussée ou les avantages liés au gravillonnage de la route ne peuvent se concrétiser qu’au fur et à mesure que le mélange souterrain d’argile et de gravier devient plus solide. Les couches de gravier additionnelles ajoutées postérieurement à l’application initiale de gravier permettent une amélioration de la structure de la route.

 

[6]              Monsieur Fredlund a produit un tableau dans lequel il décrit le processus de construction des routes de gravier. Ce tableau donne à penser que la qualité de la route augmente dès les premières applications de gravier au cours des premières années d’existence de la route jusqu’au stade qu’il a appelé le stade de transition. Après ces quelques premières années, le tableau fait état d’une [traduction] « qualité stable », bien que M. Fredlund ait soutenu dans son témoignage que même les applications subséquentes de gravier entraînaient une résistance ou une solidité accrue de la route en raison d’un certain mélange au niveau de l’interface. Il a toutefois également convenu, pendant le contre‑interrogatoire, que lorsque l'on recharge une route empierrée, elle répond alors à la norme de conception applicable ou à la norme atteinte au stade de transition.

 

[7]              Monsieur Coxford a procédé au contrôle direct des routes et il a notamment effectué des vérifications au moyen d’excavations sur les routes elles‑mêmes. Il a tiré deux conclusions. Premièrement, la détérioration de la couche de surface de gravier était principalement attribuable au fait que la circulation routière supprimait le gravier de la route. Deuxièmement, l’amalgame du gravier au matériel formant le sol de fondation était minime, voire inexistant.

 

[8]              Monsieur Coxford m’a en outre renvoyé au document intitulé Highway Maintenance Guidelines and Level of Service Manual (Lignes directives en matière d'entretien des routes et manuel de niveau de service) que la province d’Alberta remet aux entrepreneurs chargés de l’entretien des routes. L’article 3.4 de ce manuel porte sur le rechargement des routes empierrées. En voici le premier paragraphe est libellé comme suit[6] :

 

[traduction]

 

La perte excessive de gravier d’une route se traduit par une perte de traction, par une réduction de la résistance, par de l’orniérage ainsi que par la détérioration de la surface de la route et des pentes latérales. Le gravillonnage des routes nécessite leur rechargement en moyenne tous les trois ans. À la fin de l’automne, chaque année, le ministère procédera au contrôle de l’ensemble des routes afin d’évaluer leur condition. Le processus d’évaluation de la condition servira notamment à déterminer quelles routes nécessiteront un rechargement au cours de l’année suivante. Le rechargement d’une route sera envisagé lorsque celle‑ci présente l’une ou l’autre des caractéristiques suivantes : […]

 

Question en litige

 

[9]              Les activités de gravillonnage exercées par les appelants sont‑elles assimilables à la fourniture d’un service consistant à réparer ou à entretenir les routes? Dans l’affirmative, les appelants ne pourront se prévaloir de crédits de taxe sur les intrants au titre de ces fournitures exonérées.

 

Analyse

 

[10]         Voici le texte de l’article 21.1 de la partie VI de l’annexe V de la Loi sur la taxe d’accise, lequel énumère les fournitures exonérées :

 

21.1     La fourniture d’un des services suivants effectuée par une municipalité ou par une commission ou autre organisme établi par une municipalité :

 

a)         l’installation, le remplacement, la réparation ou l’enlèvement de panneaux de signalisation, de panneaux indicateurs, de barrières, de lampadaires, de feux de circulation ou de biens semblables;

 

b)         l’enlèvement de neige, de glace ou d’eau;

 

c)         l’enlèvement, la coupe, la taille, le traitement ou la plantation de végétaux;

 

d)         la réparation ou l’entretien de routes, de rues, de trottoirs ou de biens semblables ou adjacents;        [Non souligné dans l’original.]

 

e)         l’installation d’entrées ou de sorties.

 

[11]         Il ne s’agit pas de termes complexes. Pourtant, les appelants soutiennent que, si l’expression « la réparation ou l’entretien » peut être raisonnablement interprétée de plus d’une façon, il y a lieu d’accorder moins d’importance au sens ordinaire et de préférer l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique. Le droit semble parfois se livrer avec joie à des contorsions inimaginables et compliquées pour atteindre un résultat alors qu'il suffit de prendre du recul et d’adopter une approche fondée sur le simple bon sens pour aboutir directement à la réponse appropriée. Le rechargement d’une vieille route empierrée tous les trois ou cinq ans peut‑il être assimilé à l’entretien de cette route? Il me semble bien que oui. De toute évidence, à la lecture des propres lignes directrices relatives à l’entretien routier formulées par le gouvernement de l’Alberta, celui-ci est du même avis. De même, il est tout aussi évident, à la lumière des lettres qu’il a lui‑même envoyées à la province d’Alberta au sujet du programme de RTG, que le County of Lethbridge est également de cet avis. J’avancerais même que l'Albertain raisonnable, passant par une douce journée d’été près d’un camion de gravier qui est en train de recharger la surface d’une route, abonderait dans le même sens. En réalité, poser la question, c’est y répondre : comment des mesures devant être prises tous les trois ans au cours de la longue vie d’une route pourraient‑elles être autre chose que de l’entretien? Pourquoi donc cette question est‑elle devenue à ce point difficile et compliquée?

 

[12]         Toutes sortes de raisons l'expliquent. Premièrement, les dispositions pertinentes de la Loi sur la taxe d’accise (articles 21 et 21.1) ne visent pas le cas particulier des activités de gravillonnage qui sont exercées par des municipalités et qui sont considérées comme une fourniture à une province. Deuxièmement, M. Smith a vu la possibilité pour les comtés d’obtenir davantage que le remboursement à titre d’organismes de services publics auquel ils avaient droit. Troisièmement, la langue est imparfaite, et la langue du législateur ne fait sûrement pas exception. Quatrièmement, parce que les spécialistes ne s’entendent pas sur la question. Je pourrais continuer longtemps, mais j'en resterai là. Je procéderai plutôt à l’analyse plus approfondie que nécessitent les arguments très solides des avocats des parties, lesquels font état des facteurs qui rendent la situation complexe, mais mènent néanmoins au même résultat fondé sur le bon sens.

 

[13]         Il importe de préciser dès le début qu’il n’appartient pas à la province d’Alberta ni aux municipalités de décider en quoi consiste l’entretien des routes aux fins de la Loi sur la taxe d’accise (il leur appartient toutefois clairement de déterminer quels sont les projets admissibles dans le cadre du programme de RTG), pas plus qu’aux spécialistes. De même, les dictionnaires ne permettent pas non plus de trancher cette question. Cette tâche incombe à la Cour, laquelle doit tenir compte de tous les facteurs pertinents pris en compte. Comme l’a si bien observé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Shaklee Canada Inc. v. Minister of National Revenue[7] :

 

16        Les lois sont présumées être rédigées à l’intention des citoyens à qui elles s’appliquent et les tribunaux s’efforcent d’en arriver à des interprétations qui tiennent compte le plus possible de cette présomption dans les limites imposées par d’autres facteurs contextuels concurrents.

 

17        L’objectif de toutes ces règles est de donner effet à l’intention du législateur. Pour y parvenir, les tribunaux consultent souvent les dictionnaires. Ils peuvent également prendre en considération les témoignages donnés par les témoins experts ou d’autres sources pertinentes, telles que les publications spécialisées et gouvernementales. Toutefois, il importe de rappeler qu’aucune de ces sources n’est déterminante. En dernière analyse, le tribunal doit exercer son propre jugement et soupeser tous les facteurs pertinents dans le contexte factuel et législatif de l’espèce.

 

[14]         Je vais entamer ma mission en me prononçant en premier lieu sur la question de savoir si, abstraction faite de toute entente conclue entre la province d’Alberta et les appelants, les activités de gravillonnage font partie de l’entretien des routes. Après avoir conclu que ces activités constituent bel et bien de l’entretien, j’examinerai ensuite la question de savoir si cette conclusion doit être infirmée à la lumière du libellé des ententes conclues entre la province d’Alberta et les appelants. Je terminerai par un bref examen des incidences des articles 21 et 21.1 sur le plan de la politique générale.

 

[15]         Les définitions figurant dans la Alberta Public Highway Development Act[8](Loi sur le développement des routes publiques de l'Alberta) constituent un bon point de départ. Bien qu’il m’ait demandé avec insistance de ne pas examiner cette question sous l’angle de la distinction entre l’entretien des routes et la construction routière, l’avocat des appelants m’a néanmoins fourni la définition de ces deux termes qui se trouve dans ce texte de loi :

 

[traduction]

 

1b)       « construction » S’entend de la construction ou de la reconstruction d’une route et de tous les autres travaux nécessaires pour rendre celle‑ci praticable pour les voitures, à l’exclusion de l’entretien;

 

[…]

 

1k)       « entretien » S’entend de la préservation et de la réparation d’une route et de tous les autres travaux nécessaires pour maintenir celle‑ci en état de service;

[…]

 

[16]         Je conviens qu’il est inutile de se demander en quoi consistent ces activités s’il ne s’agit pas d’entretien des routes. La seule question pertinente est justement celle de savoir s’il s’agit bien d’entretien des routes. S’agit‑il de préserver et de réparer une route afin de la conserver en état de service? Les définitions figurant dans les dictionnaires englobent aussi la notion de préservation. Dans le Canadian Oxford Dictionary, le terme [traduction] « maintenir » (maintain) désigne l’action de [traduction] « préserver une route ou en assurer la préservation pour qu’elle soit en bon état ». L’intimée invoque la définition suivante donnée dans le Oxford Dictionary : [traduction] « conserver en bon état par des vérifications ou des réparations périodiques ». Les appelants font valoir que ces définitions ne comportent aucune notion d’amélioration et que, compte tenu de la preuve qui donne à penser qu’il y a eu une certaine amélioration, il doit s’agir d’autre chose que de l’entretien. Je ne peux retenir cette prétention. Les appelants donnent au terme « amélioration » un sens beaucoup trop large. L’application de gravier sur la route n’aura certainement pas pour effet d’empirer l’état de cette dernière : elle bénéficiera de la couche de gravier, mais elle demeurera néanmoins pour l’essentiel une route de gravier en état de service. La distinction tient au qualificatif [traduction] « durable » qui est joint au terme [traduction] « amélioration », et également au fait d’envisager que l’amélioration transcende la chose qui en fait l’objet. Je pense que l’argument des appelants doit être rejeté  sur les deux points.

 

[17]         L’amélioration était‑elle durable? Non. Chacun semble convenir, même les spécialistes, que le rechargement périodique est nécessaire. On ne peut affirmer qu’une seule couche de gravier est durable; de fait, aussitôt qu’une première voiture emprunte la route, la surface de celle‑ci commence à se détériorer. Cela n’a rien de durable.

 

[18]         De même, l’application d’une couche de gravier sur une route ne la transforme pas en nouvelle route. Rien dans la preuve n’établit que les couches de gravier ont donné lien à une augmentation des limites de vitesse ou ont permis à des véhicules différents de circuler sur la route. Celle-ci est demeurée une route de gravier destinée aux mêmes voitures et remplissant les mêmes fonctions tant avant qu’après l’application de la couche de gravier.

 

[19]         Les appelants s’appuient sur le témoignage de M. Fredlund pour soutenir qu’il existe un degré d’amélioration à partir duquel le rechargement revêt une nature autre chose que celle de l’entretien. Selon le témoignage de M. Fredlund, les quelques premières couches de gravier faisaient en réalité partie de la construction initiale de la route puisqu’elles ont servi à la renforcer et à la rendre étanche jusqu’à atteindre le stade qu’il a appelé le stade de transition ou, comme l’a exprimé l’intimée, le stade du respect de la norme de conception applicable. Le fait est qu’il n’est pas ici question de ces quelques premières couches de gravier. Il s’agit plutôt du rechargement subséquent de vieilles routes empierrées, lesquelles, selon le propre tableau de M. Fredlund, sont de [traduction] « qualité stable ». Je conviens qu’il a précisé sa position lorsqu’il a déclaré, dans son témoignage, que même ces couches subséquentes de gravier avaient donné lien à un certain renforcement de la route grâce au processus d’amalgame. Certes, voilà la théorie. M. Coxford, qui a concrètement emprunté et vérifié les routes, a mentionné que l’amalgame était minimal, voire inexistant. Je conclus que le rechargement n’avait aucun effet de renforcement et que tant son objet que son résultat tenaient au remplacement du gravier déplacé. Bref, le témoignage des spécialistes confirme ma propre conception, à titre de profane, du rechargement des routes empierrées. Ce n’était rien de plus que la préservation de la route de gravier et, selon n’importe quelle définition, il s’agit d’entretien.

 

[20]         Cette conclusion est en outre étayée par les propres lignes directrices de la province d’Alberta, dont un extrait est reproduit plus haut. La province consacre, dans ses lignes directrices relatives à l’entretien, une section entière portant sur le rechargement de surface, confirmant ainsi que les routes nécessitent un rechargement tous les trois ans. Aucune mention n’est faite d’une amélioration durable ou du fait que le processus de rechargement transforme la chaussée en route nouvelle ou reconstruite. Il s’agit tout simplement d’entretien.

 

[21]         Les parties ont bien cité de la jurisprudence portant sur la réparation des routes, mais elle n’ajoute rien à ma façon de voir l’entretien routier.

 

[22]         Je me penche maintenant sur la question de savoir si les ententes conclues entre la province d’Alberta et les appelants ont une incidence sur ma conclusion. À titre récapitulatif, l’article 21 de la Public Highways Development Act permet au ministre de s’entendre avec les municipalités pour [traduction] « contribuer au coût de construction et d’entretien d’une rue ou d’une route ». Les préambules des ententes elles‑mêmes font uniquement mention de la [traduction] « construction de rues ou de routes ». De plus, les lignes directrices relatives au RTG prévoient à l’article 7.3.3 que l’[traduction] « entretien » est une activité non admissible au financement, tandis qu’elles précisent explicitement que le [traduction] « gravillonnage » constitue un projet admissible. Il s’ensuit que la province ne considérait pas que le [traduction] « gravillonnage » constituait de l’entretien pour les besoins du financement des municipalités. Cependant, les autorités provinciales n'avaient pas à l'esprit la Loi sur la taxe d’accise. En outre, on pourrait soutenir que, comme l’entente stipule explicitement qu’il est admissible, le gravillonnage constituait une exception expresse aux projets d’entretien non admissibles. Je ne suis saisi d’aucun témoignage de fonctionnaires des appelants ou de la province d’Alberta susceptible de m’éclairer sur l’interprétation de ces dispositions. Le libellé de celles-ci ne m’incite tout simplement pas à changer d’avis.

 

[23]         Les appelants ont invoqué l’observation suivante tirée de l’arrêt Hidden Valley Golf Resort Association c. R.[9], dans lequel on renvoie à la décision Dyrham Park Country Club v. Customs and Excise Commissioners, [1978] V.A.T.T.R. 244 (Royaume‑Uni), à la page 252 :

 

[traduction] À notre avis, lorsque les parties concluent une opération en vertu de laquelle une partie remet une fourniture à l’autre, la taxe (le cas échéant) exigible à cet égard doit être déterminée par rapport au fond de l’opération, mais le fond de l’opération doit être déterminé par rapport au caractère réel des accords conclus entre les parties.

 

[24]         Je suis d'avis que, vu la véritable nature des ententes, le gravillonnage doit être soit admissible au financement. La façon dont les parties ont pu qualifier cette activité n’a pas d’incidence sur la nature véritable de l’entente. Cela ne constitue certainement pas un élément convaincant aux fins de la Loi sur la taxe d’accise.

 

[25]         La lettre que le County of Lethbridge a adressée à la province et dans laquelle on qualifie explicitement le gravillonnage d’entretien me parait également pertinente. Cet élément conforte mon opinion selon laquelle le gravillonnage doit être considéré comme de l’entretien – même dans le cadre des lignes directrices relatives au RTG – et comme une exception applicable à la catégorie des projets non admissibles.

 

[26]         Je suis en outre conforté dans cette opinion par les lignes directrices de l’Alberta en matière d’entretien des routes mentionnées plus haut, selon lesquelles le rechargement des routes empierrées constitue de l’entretien. Les lignes directrices relatives au RTG et les ententes conclues entre la province d’Alberta et les appelants ne suffisent pas à me convaincre que le gravillonnage ne constitue pas une activité d'entretien aux fins de la Loi sur la taxe d’accise.

 

[27]         Enfin, il importe d’examiner les incidences sur le plan de la politique générale des articles 21 et 21.1 de la Loi sur la taxe d’accise. Il ressort sans équivoque des notes explicatives[10] publiées par le gouvernement en juillet 1997 que l’article 21 exonère l’entretien des routes offert aux propriétaires de biens‑fonds à titre de service municipal usuel, mais qu’il ne vise pas le cas où ce genre de service est fourni aux ménages à titre individuel moyennant redevance. Ainsi, on a ajouté le nouvel article 21.1 afin d’exonérer toutes les fournitures de ce genre de services lorsqu’elles sont effectuées par une municipalité. Les notes du gouvernement contiennent les remarques suivantes :

 

Le nouvel article 21.1 de la partie VI de l’annexe V exonère la fourniture de certains services lorsqu’ils sont effectués par une municipalité ou par une commission ou un autre organisme établi par une municipalité. Sont compris parmi les services qui sont actuellement exonérés par l’article 21 de cette partie la réparation et l’entretien des voies publiques, l’enlèvement de la neige et la taille des arbres, s’ils constituent des services municipaux usuels offerts aux propriétaires de biens‑fonds. Toutefois, l’article 21 n’exonère pas ces services s’ils sont fournis aux ménages à titre individuel moyennant paiement. Selon le nouvel article 21, tous ces services sont exonérés lorsqu’ils sont offerts par une municipalité ou par un organisme établi par une municipalité.                                                        [Non souligné dans l’original.]

 

L’article 21 de la partie VI de l’annexe V renferme une exonération générale pour les services municipaux usuels assurés aux propriétaires de biens‑fonds dans une localité donnée. Sont compris parmi ces services la construction et l’éclairage des voies publiques. Dans la plupart des municipalités, ces services sont financés sur les recettes générales. Toutefois, dans certains cas, la municipalité peut préciser le coût du service séparément aux résidents. Cette disposition fait en sorte que ces frais ne soient pas taxables.

[Non souligné dans l’original.]

 

[28]         Manifestement, ces dispositions ne visent tout simplement pas la fourniture d’un service par une municipalité au gouvernement provincial. Les remboursements prévus à l’article 259 visent la fourniture de ce genre de services effectuée par une municipalité. Or, la Cour a conclu que le gravillonnage constitue une fourniture et je dois donc appliquer ces dispositions d’une manière que nul n’avait envisagée. Le gravillonnage est une fourniture et il ne fait aucun doute qu’il s’agit de la fourniture d’un service. Il ne reste donc à la Cour qu’à se demander si la fourniture tient de la nature de l’entretien des routes. Comme j’arrive à la conclusion que c’est le cas, les conditions fixées à l’alinéa 21.1d) sont remplies et la fourniture est exonérée. Je conclus que cette issue refète l’esprit et l’objet de la Loi sur la taxe d’accise en ce qui touche les organismes du secteur public. À titre d’intervenants dans le monde fiscal, nous – juges, avocats‑fiscalistes, comptables fiscalistes, fiscalistes‑conseils, législateurs en matière fiscale et contribuables – faisons face à la législation la plus complexe et la plus compliquée qui soit. Nous devrions peut‑être résister à la tentation de la parcourir en zigzag pour dénicher une application astucieuse et imprévue des mesures complexes qu’elle renferme en vue d’arriver au résultat souhaité. On pourrait ainsi éviter de compliquer encore davantage une législation déjà complexe.

 

Conclusion

 

[29]         Les parties ont convenu de ce qui suit :

 

[traduction]

 

25.       Pour la période pertinente, les parties conviennent que Two Hills a droit aux crédits de taxe sur les intrants suivants (nets du remboursement OSP) au titre des programmes de subvention qui ne sont plus en litige :

 

            Street Improvement Program                                          6 246,99 $

            Rural Road Study Initiative Program                                1 208,12 $

            Resource Road/New Industry Program               7 392,29 $

            Secondary Highways Transition Agreement                            0,00 $

            Bridge/Culvert Agreements Program                                      0,00 $

 

26.       Pour la période pertinente, les parties conviennent que Two Hills a droit à un crédit de taxe sur les intrants (net du remboursement OSP) de 25 298,79 $ au titre des sommes relatives au programme de RTG qui ne sont plus en litige.

 

27.       Pour la période pertinente, les parties conviennent que Two Hills n’a pas droit à un crédit de taxe sur les intrants (net du remboursement OSP) de 20 951,12 $ au titre des sommes relatives au programme de RTG qui ne sont plus en litige. […]

 

32.       Pour la période pertinente, les parties conviennent que Spirit River a droit aux crédits de taxe sur les intrants suivants (nets du remboursement OSP) au titre des programmes de subvention qui ne sont plus en litige :

 

            Rural Road Study Initiative Program                                  1 194,74 $

            Resource Road/New Industry Program               22 898,45 $

            Canada-Alberta Infrastructure Program                        0,00 $

            Bridge/Culverts Agreement Program                                        0,00 $

 

33.       Pour la période pertinente, les parties conviennent que Spirit River a droit à un crédit de taxe sur les intrants (net du remboursement OSP) de 28 003,17 $ au titre des sommes relatives au programme de RTG qui ne sont plus en litige.

 

34.       Pour la période pertinente, les parties conviennent que Spirit River n’a pas droit à un crédit de taxe sur les intrants (net du remboursement OSP) de 3 314,89 $ au titre des sommes relatives au programme de RTG qui ne sont plus en litige. […]

 

40.       Pour la période pertinente, les parties conviennent que Lethbridge a droit aux crédits de taxe sur les intrants suivants (nets du remboursement OSP) au titre des programmes de subvention qui ne sont plus en litige :

 

            Rural Road Study Initiative Program                                     293,03 $

            Resource Road/New Industry Program               60 830,60 $

            Secondary Highways Transition Agreement                              0,00 $

            Bridge/Culvert Agreements Program                                        0,00 $

 

41.       Pour la période pertinente, les parties conviennent que Lethbridge a droit à un crédit de taxe sur les intrants (net du remboursement OSP) de 90 702,36 $ au titre des sommes relatives au programme de RTG qui ne sont plus en litige.

 

42.       Pour la période pertinente, les parties conviennent que Lethbridge n’a pas droit à un crédit de taxe sur les intrants (net du remboursement OSP) de 28 909,77 $ au titre des sommes relatives au programme de RTG qui ne sont plus en litige[11].

 

[30]         En ce qui a trait aux activités de gravillonnage en cause devant moi, je conclus qu’il s’agit de fournitures exonérées et, par conséquent, que :

 

(i)      Two Hills n’a pas droit à des crédits de taxe sur les intrants supplémentaires de 66 053,56 $.

 

(ii)      Spirit River n’a pas droit à des crédits de taxe sur les intrants supplémentaires de 29 235,44 $.

 

(iii)     Lethbridge n’a pas droit à des crédits de taxe sur les intrants supplémentaires de 68 512,52 $.


 

[31]         Les parties ont mentionné à la fin de l’audience qu’elles pourraient souhaiter présenter des observations sur la question des dépens, selon l’issue de l’instance. Dans l’attente de ces observations de la part de leurs avocats, je n’adjuge donc aucuns dépens à ce stade‑ci de l’instance, mais je me réserve le droit de le faire ultérieurement.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de janvier 2009.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de juin 2009.

 

 

 

François Brunet, réviseur.


RÉFÉRENCE :                                            2009 CCI 42

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :                   2004-600(GST)G, 2004-1606(GST)G et 2004-1974(GST)G

 

INTITULÉ :                                                 Municipal District of Spirit River No. 133, County of Two Hills No. 21 et County of Lethbridge et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            Calgary (Alberta)

 

DATES DE L’AUDIENCE :                        Les 15 et 16 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                         L’honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                             Le 20 janvier 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

MCurtis Stewart

Avocates de l’intimée :

MMarta Burns et Me Kim Palichuk

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                          Nom :                                MCurtis Stewart

 

                          Cabinet :                            Bennett Jones LLP

                                                                   Calgary (Alberta)

 

       Pour l’intimée :                                     John H. Sims, c.r.

                                                                   Sous-procureur général du Canada

                                                                   Ottawa, Canada



[1]           L.R.C. 1985, ch. E‑15, et ses modifications.

[2]           Recueil conjoint de documents, pièce A-2, onglet 17, annexe « A ».

 

[3]           Recueil conjoint de documents, pièce A-2, onglet 35.

[4]           Recueil conjoint de documents, pièce A-2, onglet 4.

[5]           Pièce A-3, pages 2 et 3.

 

[6]           Pièce R-1, onglet 3, page 19.

[7]           [1996] 1 C.T.C. 180 (C.A.F.).

[8]           R.S.A. 2000, ch. P-38, et ses modifications.

[9]           [2000] A.C.F. no 869.

[10]          Modifications visant la Loi sur la taxe d’accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur le compte de service et de réduction de la dette et des lois connexes, Notes explicatives, publiées par le ministre des Finances, l’honorable Paul Martin, c.p., député, juillet 1997.

[11]          Exposé conjoint des faits, 15 décembre 2008, pièce A‑1.

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