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Dossier : 2008-1102(IT)I

ENTRE :

GERALDINE M. FRIZZLE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[traduction française officielle]

____________________________________________________________________

Appel entendu à Sydney (Nouvelle‑Écosse), le 6 novembre 2008.

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. George Beverly Frizzle

Avocat de l’intimée :

Me Kendrick Douglas

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2006 de l’appelante est accueilli, sans dépens, et la question déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que la somme à inclure dans le calcul du revenu de l’appelante pour 2006 en application de l’alinéa 6(1)f) de la Loi de l’impôt sur le revenu doit être réduite de 10 $, et que, si l’appelante s’est vu refuser la déduction de frais judiciaires s’élevant à 8 488 $, la déduction de cette somme dans le calcul de son revenu pour 2006 doit être permise.

 

       Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique) ce 27e jour de novembre 2008.

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de janvier 2009.

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

Référence : 2008 CCI 651

Date : 20081127

Dossier : 2008-1102(IT)I

ENTRE :

GERALDINE M. FRIZZLE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]         Dans le présent appel, la question est de savoir si un paiement forfaitaire reçu par l’appelante en 2006, à titre de règlement d’une poursuite qu’elle avait intentée à l’encontre de son ancien employeur et de la compagnie d’assurance à laquelle l’ancien employeur avait fait appel pour fournir un régime d'assurance revenu de longue durée (le « régime d’assurance revenu »), doit être inclus dans le revenu de l’appelante pour 2006 en application de l’alinéa 6(1)f) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Le régime d’assurance revenu constitue un régime d’assurance invalidité pour l’application du sous‑alinéa 6(1)f)(ii) de la Loi. L’alinéa 6(1)f) de la Loi prévoit notamment ce qui suit :

 

6(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

 

[…]

 

f) le total des sommes qu’il a reçues au cours de l’année, à titre d’indemnité payable périodiquement pour la perte totale ou partielle du revenu afférent à une charge ou à un emploi, en vertu de l’un des régimes suivants dans le cadre duquel son employeur a contribué :

           

            (i) un régime d’assurance contre la maladie ou les accidents,

 

            (ii) un régime d’assurance invalidité,

 

            (iii) un régime d’assurance de sécurité du revenu;

 

            […]

 

[2]         L’appelante était caissière pour la Banque Canadienne Impériale de Commerce (la « CIBC »). Elle est devenue handicapée, et ne pouvait plus travailler. Son employeur avait payé les primes du régime d’assurance revenu, et l’appelante a reçu des paiements d’assurance mensuels de 1 055 $ à partir du 27 septembre 2001. Au début de 2002, la compagnie d’assurance a cessé de faire ces paiements. Il n’a pas été contesté que les paiements d’assurance reçus par l’appelante en 2001 et en 2002 en vertu du régime d’assurance revenu étaient imposables entre les mains de l’appelante.

 

[3]         L’appelante a intenté une poursuite à l’encontre de son ancien employeur et de la compagnie d’assurance. L’appelante et son mari ont assisté à une conférence de règlement au début de 2006. Les défenderesses de la poursuite ont offert 20 500 $ pour régler toutes les réclamations de l’appelante à leur endroit. L’appelante a accepté cette offre, et la somme en question lui a été versée en 2006.

 

[4]         L’appelante a présenté des copies des feuillets T4A délivrés par la compagnie d’assurance pour 2001 et 2002. Dans les deux cas, les feuillets T4A indiquaient le revenu (c'est-à-dire les sommes versées à l’appelante en vertu du régime d’assurance revenu) et le montant d’impôt sur le revenu retenu. L’appelante a aussi présenté une copie du feuillet T4A délivré pour 2006, lequel indiquait que la somme de 20 500 $ constituait un revenu, mais qu’aucun impôt sur le revenu n’avait été retenu. Quoique l’appelante a soutenu que l’absence de retenue d’impôt sur le revenu sur le paiement forfaitaire de 20 500 $ est significative, l’absence d’une telle retenue ne suffit pas, à elle seule, à rendre ce paiement non imposable. C’est plutôt la nature d’un paiement et ce qu’il doit remplacer qui permet de déterminer si une somme doit être incluse dans le revenu de l’appelante, et non pas si de l’impôt sur le revenu a été retenu.

 

[5]         L’appelante s’est aussi appuyée sur une décision de la Cour, Landry v. The Queen 98 DTC 1416, [1998] 2 C.T.C. 2712. Cependant, cette décision avait été rendue en 1998, avant que la Cour suprême du Canada ait rendu son arrêt dans Tsiaprailis c. La Reine, 2005 CSC 8, 2005 DTC 5119, [2005] 2 C.T.C. 1, 248. Dans une décision majoritaire, la Cour suprême du Canada a conclu que la portion d’une somme forfaitaire ayant servi à régler une poursuite relative à un régime d’assurance invalidité portant sur l’arriéré des paiements qui auraient dû être faits périodiquement devait être incluse dans le revenu du bénéficiaire, à condition que les paiements périodiques aient dû être inclus dans le revenu du bénéficiaire. La portion du règlement versée pour éteindre un droit à des versements futurs n’est pas imposable. Le juge Charon, de la Cour suprême du Canada, s’est ainsi exprimé :

 

[11] Si l’on applique ce raisonnement à la présente espèce, il appert que la somme consentie en règlement de toute obligation future imposée par le régime d’assurance invalidité n’a pas été versée (« pursuant to ») « en vertu » du régime, celui‑ci ne prévoyant aucune obligation de verser une somme forfaitaire. La partie de la somme forfaitaire correspondant aux prestations futures constitue un paiement de capital et n’est pas imposable sous le régime de l’al. 6(1)f) de la Loi.

 

[…]

 

[15] Les questions décisives sont les suivantes : (1) que visait à remplacer le paiement et, si la réponse est suffisamment claire, (2) l’élément remplacé aurait‑il été imposable pour la personne qui en a bénéficié? En l’espèce, la preuve de ce que le paiement visait à remplacer est claire et convaincante. Comme le fait observer ma collègue, la preuve établit que la somme forfaitaire a été négociée « en fonction de trois éléments, les arriérés, les prestations futures et les dépens, une somme étant attribuée à chacun d’eux » (par. 54 (je souligne)). Il est donc manifeste qu’une partie de la somme forfaitaire visait à remplacer des prestations d’invalidité échues. Nul ne conteste non plus que ces prestations auraient été imposables si elles avaient été versées à Mme Tsiaprailis.

 

[16] Dans les circonstances, conclure que la somme versée au titre des prestations échues n’a pas été payée « en vertu » (« pursuant to ») du régime d’assurance invalidité prive de son sens le principe de la substitution. Par conséquent, je conclus à l’imposabilité de cette somme et rejette le pourvoi, sans prononcer d’ordonnance quant aux dépens.

 

[6]         En l’espèce, la compagnie d’assurance a cessé de faire les paiements d’assurance au début de 2002. Ainsi, lorsque l’entente de règlement est intervenue au début de 2006, l’arriéré de paiements, calculé en fonction d’un paiement mensuel de 1 055 $, dépassait 50 000 $. Par conséquent, l’arriéré accumulé en date du règlement représentait plus du double de la somme acceptée par l’appelante comme règlement. Aucun document n’a été présenté pour expliquer comment la somme forfaitaire de 20 500 $ avait été fixée ou comment elle avait été répartie. Il me semble raisonnable de penser que les éléments composant la réclamation de l’appelante sont les mêmes que ceux de la réclamation décrite dans Tsiaprailis; trois éléments seraient donc visés par la réclamation : les arriérés (c'est-à-dire les paiements qui n’ont pas été faits entre janvier 2002 et le moment du paiement du règlement), les prestations futures et les dépens. Sans savoir comment la somme de 20 500 $ avait été calculée ni comment cette somme avait été répartie, je ne peux pas conclure que l’appelante a démontré qu’une portion importante de cette somme avait servi à éteindre son droit à des prestations futures. L’appelante aura 65 ans en 2009, et, de toute manière, les paiements faits en vertu du régime d’assurance revenu auraient cessé à ce moment. En date du règlement, la période relative à l’arriéré était donc plus longue que la période relative aux paiements futurs.

 

[7]         La somme reçue par l’appelante à titre de règlement est de beaucoup inférieure à l’arriéré qui avait été accumulé en date du paiement du règlement. Il me semble donc raisonnable de penser que la quasi‑totalité du règlement a servi à compenser les paiements périodiques que l’appelante n’avait pas reçus. Comme le règlement avait pour but de remplacer, en partie, les paiements périodiques que l’appelante soutient qu’elle aurait dû recevoir en vertu du régime d’assurance revenu et comme l’appelante aurait été tenue d’inclure ces paiements périodiques dans son revenu si elle les avait reçus, la quasi‑totalité de la somme forfaitaire reçue par l’appelante doit être incluse dans le calcul de son revenu en application de l’alinéa 6(1)f) de la Loi.

 

[8]         Dans la réponse à l’avis d’appel, l’intimée a reconnu que l’appelante avait engagé des frais judiciaires s’élevant à 8 488 $. L’avocat de l’appelante avait déduit ces frais de la somme payée à titre de règlement en 2006; ces frais ont donc été payés en 2006. Dans la réponse l’avis d’appel, il n’est pas dit si l’appelante avait pu déduire ces frais judiciaires. Dans Farrell c. La Reine, 2005 CCI 352, 2005 DTC 842, [2005] 3 C.T.C. 2360, la juge Campbell a confirmé que les frais judiciaires engagés pour recouvrer des sommes dues en application d’un régime d’assurance invalidité sont déductibles en vertu de l’alinéa 8(1)b) de la Loi.

 

[9]         Je ne sais pas si l’on a permis à l’appelante de déduire ces frais judiciaires; la question devrait donc être déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que, si l’on a refusé à l’appelante la déduction de frais judiciaires de 8 488 $, cette déduction devrait être permise. Comme le paragraphe 171(1) de la Loi exige qu’un appel soit accueilli pour qu’une question puisse être déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, l’appel est accueilli et 10 $ du paiement de règlement sont réputés avoir servi à éteindre le droit de l’appelante à des paiements futurs. En vertu de l’alinéa 6(1)f) de la Loi, la somme servant ainsi à éteindre le droit de l’appelante à des paiements futurs n’a pas à être incluse dans son revenu.

 

[10]    Par conséquent, l’appel est accueilli, sans dépens, et la question déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que la somme à inclure dans le calcul du revenu de l’appelante pour 2006 en application de l’alinéa 6(1)f) de la Loi de l’impôt sur le revenu doit être réduite de 10 $, et que, si l’appelante s’est vu refuser la déduction de frais judiciaires s’élevant à 8 488 $, la déduction de cette somme dans le calcul de son revenu pour 2006 doit être permise.

 

       Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique) ce 27e jour de novembre 2008.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de janvier 2009.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2008 CCI 651

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2008-1102(IT)I

 

INTITULÉ :

Geraldine M. Frizzle et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Sydney (Nouvelle‑Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 27 novembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. George Beverly Frizzle

Avocat de l’intimée :

Me Kendrick Douglas

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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