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Dossier : 2003-1066(GST)G

ENTRE :

TELUS COMMUNICATIONS (EDMONTON) INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 8 et 9 novembre 2007, à Edmonton (Alberta).

Devant : L’honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Curtis Stewart

Me Jasmine Sidhu

Avocate de l’intimée :

Me Margaret Irving

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour la période allant du 1er mars au 31 décembre 1995, dont l’avis est daté du 25 mai 2000 et porte le numéro 10BT‑116854811, est accueilli dans la mesure et pour les raisons énoncées dans les motifs du jugement ci‑joints, les dépens étant adjugés à l’intimée, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément auxdits motifs.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de février 2008.

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juin 2011.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

Référence : 2008CCI5

Date : 20080213

Dossier : 2003-1066(GST)G

ENTRE :

TELUS COMMUNICATIONS (EDMONTON) INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

I.     Introduction

 

[1]     Le présent appel se rapporte à des fournitures que l’appelante a payées par suite de la prise en charge du passif survenue dans le cadre de l’acquisition par l’appelante du central téléphonique local autrefois exploité par Edmonton Telephones Corporation (« Ed Tel »), une filiale à cent pour cent de la Ville d’Edmonton. L’acquisition a pris effet le 10 mars 1995.

 

[2]     Les fournitures avaient été commandées par Ed Tel et effectuées par des fournisseurs avant que l’entreprise soit acquise, mais, lors de l’acquisition, elles n’avaient pas encore été payées. L’appelante s’est engagée à payer ces fournitures et elle les a de fait payées après l’acquisition, y compris la TPS y afférente. L’appelante a ensuite demandé des crédits de taxe sur des intrants (les « CTI ») à l’égard des paiements ainsi effectués au titre de la TPS.

 

[3]     En résumé, l’intimée affirme que l’appelante n’était pas l’acquéreur des fournitures et qu’elle ne peut pas demander les CTI, et ce, bien qu’elle ait payé la TPS en sa qualité de personne responsable du paiement des fournitures. L’intimée fait valoir que l’obligation de l’appelante consistait à verser à Ed Tel le prix d’achat de l’entreprise qu’elle avait acquise, et que l’appelante a pris en charge le passif d’Ed Tel dans le cadre de l’exécution de cette obligation. Il n’y avait pas de lien contractuel entre les fournisseurs et l’appelante – celle‑ci n’avait pas d’obligation envers le fournisseur. Il a été soutenu que, pour que l’appelante soit considérée comme l’acquéreur des fournitures à l’égard desquelles des CTI peuvent être demandés, il doit exister une obligation envers le fournisseur. L’intimée a en outre soulevé une question subsidiaire, en alléguant que les factures étaient défectueuses, au cas où je conclurais que l’appelante était l’acquéreur des fournitures en cause.

 

[4]   En résumé, l’appelante affirme satisfaire aux exigences des dispositions pertinentes de la Loi sur la taxe d’accise (concernant la TPS) (la « Loi ») lorsqu’il s’agit d’être considérée comme l’acquéreur du fait de l’obligation qui lui incombait de payer les fournitures. L’appelante affirme que, si tel n’est pas le cas, elle a droit à un remboursement ou à une réduction de la taxe nette payable, puisqu’elle a payé la TPS sans être tenue de le faire en vertu de la Loi. De plus, l’appelante met en question la méthode employée dans la cotisation lorsqu’il s’est agi de déterminer le montant des CTI refusés à l’égard de petites opérations. La méthode employée à l’égard des petites opérations, soit des fournitures pour lesquelles les paiements effectués au titre de la TPS étaient inférieurs à 10 000 $, consistait à faire une extrapolation, à partir de certaines factures prises comme échantillons qui avaient été acquittées au cours d’un mois donné, pour arriver au pourcentage des CTI demandés pour le mois en question qui se rapportait aux fournitures effectuées avant le 10 mars 1995. Le pourcentage établi grâce à l’échantillon était appliqué à toutes les demandes de CTI concernant de petites opérations pour le mois concerné, et le résultat de ce calcul était le montant des CTI refusés pour ce mois‑là. La période de cotisation allait du 1er mars au 31 décembre 1995, mais les résultats obtenus à l’aide des échantillons ne permettaient pas d’aller plus loin que le mois de mai 1995. Dans le cas de grosses opérations, pour lesquelles les CTI demandés s’élevaient à plus de 10 000 $, chaque facture a été examinée. Par suite de cet examen, aucun CTI n’a été refusé à l’égard des fournitures payées après le mois de mai 1995. Par conséquent, les seules demandes de CTI en litige se rapportent aux fournitures qui ont été payées entre le 10 mars 1995 et la fin du mois de mai 1995.

 


II.    L’acquisition

 

[5]     Il est fait état des opérations qui ont donné lieu aux questions en litige dans l’exposé conjoint partiel des faits accompagnant les présents motifs. Une série d’opérations et de transferts ont été effectués au moyen d’un arrangement pris en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (l’« arrangement »); toutefois, cette série d’opérations et de transferts ne sert qu’à nous éloigner des questions cruciales ici en cause. Les avocats des parties ont effectivement convenu qu’en traitant la série comme si l’appelante avait directement acquis le central téléphonique local autrefois exploité par Ed Tel, on obtiendrait le même résultat que celui qui serait obtenu en recherchant les conséquences à chaque étape de la série d’opérations et de transferts. Telle est l’approche que j’adopterai. Je suis convaincu que cette approche facilite l’analyse sans pour autant la déformer ou lui porter atteinte.

 

[6]     Partant, je suis convaincu que les faits ci‑après énoncés peuvent être considérés comme fournissant le contexte approprié aux fins de la décision à rendre sur les questions dont je suis ici saisi. Il s’agit des faits suivants :

 

-         L’appelante a acquis l’entreprise, les biens, les actifs et les droits d’Ed Tel dans leur totalité, y compris la survaleur, à l’égard du central téléphonique local autrefois exploité par Ed Tel (l’« entreprise »), la date de prise d’effet de l’acquisition étant le 10 mars 1995 (la « date limite » ) conformément à l’arrangement;

 

-         Des choix conjoints ont été effectués en vertu du paragraphe 167(1) de la Loi;

 

-         Avant l’acquisition, Ed Tel avait commandé des fournitures dans le cours normal de l’exploitation de l’entreprise. Toutes les fournitures ici en cause (les « Fournitures ») sont celles qui ont ainsi été commandées et qui ont été effectuées par des fournisseurs avant la date limite;

 

-         Aucune des Fournitures n’avait été payée lors de l’acquisition;

 

-         L’appelante devait payer le prix d’achat de l’entreprise qu’elle avait acquise à la date de prise d’effet en émettant des actions et des titres d’emprunt et en prenant en charge le passif du vendeur, Ed Tel, y compris l’obligation qui incombait à Ed Tel de payer les Fournitures;

 

-         Ed Tel n’était pas dégagée de l’obligation qui lui incombait envers les fournisseurs en vertu des contrats conclus dans le cadre de l’arrangement;

 

-         Il n’existait aucune relation contractuelle entre les fournisseurs des Fournitures et l’appelante;

 

-         Conformément à son engagement, l’appelante a payé les Fournitures, y compris la TPS facturée à l’égard de celles‑ci, après le 10 mars 1995 dans le cours ordinaire de l’exploitation de l’entreprise qu’elle avait acquise d’Ed Tel;

 

-         L’appelante a demandé des CTI à l’égard des paiements ainsi effectués au titre de la TPS.

 

III.   Arguments et analyse

 

La question de l’acquéreur

 

[7]     Je traiterai en premier lieu du principal argument invoqué par l’intimée. Aux dires de l’intimée, l’appelante n’est pas l’« acquéreur » des Fournitures et elle ne peut donc pas demander de CTI conformément au paragraphe 169(1).

 

[8]     L’article 123 de la Loi définit le mot « acquéreur » en ces termes :

« acquéreur » – « acquéreur »

a) Personne qui est tenue, aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

b) personne qui est tenue, autrement qu’aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

c) si nulle contrepartie n’est payable pour une fourniture :

            (i) personne à qui un bien, fourni par vente, est livré ou à la disposition de qui le bien est mis,

            (ii) personne à qui la possession ou l’utilisation d’un bien, fourni autrement que par vente, est transférée ou à la disposition de qui le bien est mis,

            (iii) personne à qui un service est rendu.

Par ailleurs, la mention d’une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l’acquéreur de la fourniture.

 

[9]     Les CTI sont prévus au paragraphe 169(1) de la Loi qui, au moment pertinent, était ainsi rédigé :

 

169(1) Règle générale [concernant les crédits de taxe sur les intrants] – Sous réserve de la présente partie, le crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle importe ou qui lui est fourni, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à l’importation ou à la fourniture devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

A × B

où :

A représente la taxe relative à l’importation ou à la fourniture qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

B représente :

        a) dans le cas où la taxe est réputée, par le paragraphe 202(4), avoir été payée relativement au bien le dernier jour d’une année d’imposition de la personne, le pourcentage que représente l’utilisation que la personne faisait du bien dans le cadre de ses activités commerciales au cours de cette année par rapport à l’utilisation totale qu’elle faisait alors dans le cadre de ses activités commerciales et de ses entreprises;

b) dans le cas où le bien ou le service est acquis ou importé par la personne pour l’utilisation dans le cadre d’améliorations apportées à une de ses immobilisations, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne utilisait l’immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales immédiatement après sa dernière acquisition ou importation de tout ou partie de l’immobilisation;

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

 

[10]    L’intimée a soutenu que seul l’acquéreur peut demander des CTI, et ce, bien qu’au paragraphe 169(1), il ne soit pas expressément fait mention d’un « acquéreur ». Toutefois, selon le libellé de la disposition, un CTI est accordé à une personne « relativement à un bien ou à un service qu’elle importe ou qui lui est fourni ». Selon la partie finale de la définition du mot « acquéreur », « la mention d’une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée » vaut mention de l’acquéreur. En l’espèce, les Fournitures ont été effectuées au profit d’Ed Tel, de sorte que la mention d’une personne, au paragraphe 169(1), doit s’interpréter comme se rapportant à Ed Tel en sa qualité d’acquéreur.

 

[11]    Je souscris donc à la conclusion selon laquelle, dans la mesure pertinente, Ed Tel était un acquéreur au sens de la définition donnée à ce terme. Néanmoins, Ed Tel satisfait aux exigences relatives aux CTI énoncées au paragraphe 169(1) en tant que personne à qui les Fournitures ont été fournies, c’est‑à‑dire que le libellé exprès de la disposition en question confirme que la personne à qui un bien était fourni dans le cadre d’une opération particulière touchant une fourniture taxable avait droit, selon le libellé de la disposition qui était en vigueur en 1995, à des CTI à l’égard de cette opération. En ce qui concerne les opérations dans le cadre desquelles les Fournitures avaient été effectuées, cette personne était non pas l’appelante, mais Ed Tel. L’appelante a acquis les fournitures qui avaient été les Fournitures effectuées au profit d’Ed Tel, mais il s’agissait pour elle de fournitures effectuées dans le cadre d’une seconde opération non taxable, à savoir le transfert prévu conformément à l’arrangement. Néanmoins, comme j’admets que les « acquéreurs » en tant que tels ont droit à des CTI en vertu du paragraphe 169(1), j’examinerai maintenant l’argument de l’appelante selon lequel elle est un « acquéreur » des Fournitures du fait qu’elle avait l’obligation de payer celles‑ci et que, cela étant, elle a droit aux CTI demandés[1].

 

[12]    L’appelante a soutenu qu’elle était un « acquéreur » des Fournitures selon la définition figurant dans la Loi étant donné que, comme le prévoit l’alinéa a) de la définition, elle était tenue aux termes d’une convention de payer la contrepartie des Fournitures. En fait, l’appelante affirme que rien n’empêche qu’il y ait plus d’un « acquéreur » d’une fourniture au sens de la définition donnée dans la Loi (étant donné qu’Ed Tel était responsable en vertu de conventions conclues avec les fournisseurs, elle serait également un « acquéreur »), ou encore que la prise en charge et le paiement d’une dette ont pour effet de substituer un acquéreur à un autre. Une telle interprétation de la Loi entraînerait un certain nombre de possibilités ténues et permettrait notamment à un fournisseur exonéré non inscrit de transférer des CTI à un fournisseur inscrit. Une telle interprétation aurait également pour effet d’obscurcir ou de déplacer l’obligation de payer la TPS en vertu de l’article 165 et influerait sur le droit de la Couronne de percevoir la TPS en vertu de l’article 296[2]. À mon avis, une telle interprétation est donc d’une façon générale intenable. Le droit de la Couronne de percevoir la TPS auprès de l’acquéreur (bien que ce droit vienne après son droit de percevoir la TPS des fournisseurs[3]) est un droit qui, en règle générale, ne doit être exercé qu’à l’encontre de la personne de qui le fournisseur peut exiger le paiement lorsque cette personne est l’acquéreur par suite de cette obligation. En outre, même si le fournisseur peut exiger le paiement auprès de deux personnes (par exemple, la personne qui acquiert une fourniture et celle qui se porte garante de cette personne), il semble qu’il n’y aurait qu’un seul « acquéreur ». Par définition, l’« acquéreur » est la personne qui est tenue de verser « la contrepartie ». À mon avis, il doit s’agir de la personne qui effectue le paiement à titre de contrepartie de la fourniture particulière à laquelle se rapporte le mot « acquéreur ». L’acquéreur d’une fourniture n’est pas la personne qui est tenue de verser au fournisseur un montant correspondant à la contrepartie payable en raison d’une obligation qu’elle a contractée à l’occasion de la réalisation d’une fourniture distincte entre elle et l’acquéreur dont il est question plus haut.

 

[13]    Quoi qu’il en soit, lorsqu’il existe une convention entre un fournisseur et la personne à qui la fourniture est effectuée au profit de cette personne (soit Ed Tel en l’espèce), il n’y a qu’un alinéa de la définition du mot « acquéreur » qui puisse s’appliquer, à savoir l’alinéa a). En l’espèce, on ne saurait pas vraiment soutenir, à mon avis, que la convention mentionnée à l’alinéa a) de la définition du mot « acquéreur » peut être autre chose que cette convention‑là, soit la convention entre le fournisseur et la partie ou les parties qui concluent un contrat avec le fournisseur à l’égard de la fourniture à effectuer. Il ne peut s’agir d’une autre convention telle que la convention de prise en charge du passif intervenue en l’espèce.

 

[14]    Je ferai remarquer ici que ce que je viens d’énoncer ne s’applique pas nécessairement dans tous les cas. De fait, des circonstances factuelles différentes ont amené la Cour à accorder la qualité d’« acquéreur », et l’autorisation de demander des CTI, à des personnes qui avaient payé la TPS pour des fournitures effectuées à une autre personne même si cette autre personne était tenue, en vertu d’une convention, de payer ces fournitures. Bien sûr, l’appelante se fonde sur ces décisions. Toutefois, je suis d’avis qu’il est possible de faire une distinction à leur égard et qu’il faut faire une telle distinction.

 

[15]    Dans la décision 163410 Canada Inc. v. Canada[4], les services d’un entrepreneur qui avait fait faillite avaient été retenus pour qu’il construise une résidence pour personnes âgées; l’entrepreneur avait été payé pour des travaux non encore exécutés et il devait de l’argent à des sous‑traitants. Pour sauver le projet, il fallait injecter de nouveaux capitaux. L’appelante agissait comme promoteur du projet; elle avait pris des dispositions avec le prêteur qui finançait le projet en vue de se faire avancer de nouveaux fonds à des fins précises se rattachant au projet. Ces fonds étaient détenus en fiducie aux fins de leur emploi par l’appelante. Selon les ententes qui avaient été conclues lorsque les fonds avaient été mis de côté, les avocats du prêteur avaient été rémunérés à l’aide des fonds mis de côté pour des services fournis avant que le projet soit sauvé et après qu’il a été sauvé. En ce qui concerne la question de savoir si l’appelante était l’« acquéreur » des services juridiques, la Cour a conclu qu’étant donné que l’appelante était tenue de payer ces services à l’aide des fonds mis de côté, elle était l’« acquéreur ». Au paragraphe 11, la Cour donne à entendre que cette conclusion n’était pas tributaire de la question de savoir si l’appelante était la cliente du cabinet d’avocats, mais au paragraphe 8, la Cour laisse entendre qu’elle a conclu à l’existence d’une convention entre le cabinet d’avocats en sa qualité de fournisseur et l’appelante en sa qualité de partie responsable du paiement des fournitures, et qu’elle s’est fondée sur cette convention. Il convient de faire une distinction entre cette affaire et celle qui nous occupe. En l’espèce, il n’y a pas de convention entre l’appelante et les fournisseurs. De plus, dans la décision 163410 Canada Inc., la Cour a conclu que la convention aux termes de laquelle l’appelante payait la fourniture était celle qui entrait en ligne de compte pour l’application de l’alinéa b) de la définition du mot « acquéreur », ce qui permettait de conclure qu’il n’y avait pas d’autre convention aux termes de laquelle le cabinet d’avocats pouvait imposer au prêteur l’obligation de payer ses honoraires. La Cour considérait que la convention visant à sauver le projet l’emportait sur toute convention entre le cabinet d’avocats et le prêteur, et qu’elle remplaçait peut‑être une telle convention, de façon à empêcher en fait l’application de l’alinéa a) de la définition du mot « acquéreur ». Je ne puis tirer aucune conclusion de ce genre dans la présente espèce.

 

[16]    Selon une autre interprétation de la décision 163410 Canada Inc., pour se prononcer sur l’application de l’alinéa a) ou de l’alinéa b) de la définition du mot « acquéreur », il ne faut pas seulement tenir compte de l’existence d’une obligation de payer la contrepartie de la fourniture, mais il faut aussi tenir compte de la personne qui est en fin de compte tenue de payer et qui, dans les faits, effectue le paiement. C’est ainsi que la décision 163410 Canada Inc. a été appliquée dans la décision Immeubles Sansfaçon Inc. v. R.[5]. Aux paragraphes 33 et 34, la Cour a conclu que l’« acquéreur » était la personne qui était en fin de compte tenue de payer plutôt que la personne qui n’avait rien payé, même si celle‑ci était tenue de le faire. Cette approche a été adoptée dans la décision Bondfield Construction Co. (1983) Ltd. c. R.[6].

 

[17]    Toutefois, il est possible de faire une distinction à l’égard des faits de ces affaires, et ce, pour la raison même pour laquelle une distinction peut être établie à l’égard de l’affaire 163410 Canada Inc.

 

[18]    Dans l’affaire Bondfield, l’appelante s’engageait à payer la contrepartie de la fourniture aux termes d’une convention conclue avec le fournisseur. L’appelante payait la fourniture, mais le tiers dont le travail défectueux avait rendu la fourniture en question nécessaire la remboursait. L’appelante a été considérée comme un intermédiaire par l’entremise duquel le tiers contractait une obligation envers le fournisseur. Il n’y avait pas de lien contractuel entre le fournisseur et le tiers, mais c’était l’argent du tiers qui était dépensé. Le tiers était l’« acquéreur ». En l’espèce, c’était l’argent d’Ed Tel qui avait été dépensé (le produit de la disposition, touché lors de la vente de l’entreprise). L’appelante était l’intermédiaire par l’entremise duquel Ed Tel avait finalement payé ses fournisseurs.

 

[19]    Dans l’affaire Immeubles Sansfaçon Inc., l’appelante s’était engagée à payer les coûts d’infrastructure d’une municipalité dans le cadre d’un projet d’aménagement de terrain. La municipalité avait conclu des contrats avec des fournisseurs qui lui avaient envoyé leurs factures. Elle avait transmis les factures à l’appelante. Dans cette affaire‑là, la municipalité était l’intermédiaire par l’entremise duquel l’appelante était devenue responsable des paiements, et l’appelante effectuait les paiements en utilisant ses propres fonds plutôt que les sommes dues à la municipalité pour une fourniture différente. Par conséquent, l’appelante a eu gain de cause. En l’espèce, l’appelante a émis le chèque en utilisant l’argent d’Ed Tel et elle ne peut pas avoir gain de cause.

 

[20]    L’appelante se fonde également sur la décision rendue par la Cour dans l’affaire Bokrika Inc. v. R.[7]. Dans cette affaire‑là, une municipalité avait dû payer des tiers chargés de remédier à des défectuosités liées au contrat qu’elle avait conclu avec l’appelante. La municipalité avait utilisé les fonds de l’appelante (mis à sa disposition au moyen de la ligne de crédit de celle‑ci) afin de payer les fournitures destinées à remédier aux défectuosités. Il a été conclu que l’appelante était l’« acquéreur » même si elle n’était pas partie à la convention portant sur ces fournitures. Encore une fois, la municipalité servait simplement d’intermédiaire utilisant l’argent de l’« acquéreur ». C’est l’inverse de ce qui se produit dans l’affaire dont je suis saisi ici.

 

[21]    Par conséquent, je conclus que les décisions invoquées par l’appelante ne lui sont pas utiles.

 

[22]    Avant d’examiner les arguments subsidiaires de l’appelante, je ferai remarquer que l’appelante a soutenu que la modification de la Loi, qui a pris effet en 1997, appuie sa prétention selon laquelle il n’était pas nécessaire qu’il y ait un lien contractuel entre le fournisseur et la personne à qui le bien était fourni en vertu de la disposition qui s’appliquait avant que cette modification soit effectuée. L’appelante a fait valoir que le 1er avril 1997, la disposition concernant le crédit de taxe sur les intrants figurant au paragraphe 169(1) a été resserrée de sorte que seule la personne qui « acquiert » la fourniture (par opposition à la personne à qui le bien a été fourni) puisse obtenir le CTI. Selon l’argument avancé, même si l’appelante n’a pas acquis les Fournitures, elle pouvait néanmoins être un acquéreur selon la Loi, tel qu’elle était rédigée au moment pertinent. Il me semble qu’il n’est pas tenu compte d’une exigence établie au paragraphe 169(1) tel qu’il existait en 1995, selon laquelle les Fournitures devaient être fournies à l’appelante. À mon avis, Ed Tel était à la fois la personne qui avait acquis les Fournitures et la personne à qui les Fournitures étaient effectuées. Quoi qu’il en soit, je conclus que l’argument avancé par l’appelante n’est pas utile. Le fait qu’il y avait peut‑être une anomalie ou une incertitude dans la Loi avant la modification de 1997, en ce qui concerne le bien transféré dans une province, et que des précisions s’avéraient nécessaires, ne m’amène pas à reconnaître que cette modification étaye l’argument de l’appelante[8].

 

[23]    À mon avis, le seul « acquéreur » des Fournitures était Ed Tel. C’est Ed Tel qui a commandé les Fournitures à son profit, pour son propre compte, et qui les a payées à l’aide des sommes qui lui étaient dues par suite de la vente de son entreprise. Il n’y a aucun second « acquéreur », nouvel « acquéreur » ou « acquéreur » substitué. Toute conclusion contraire irait tout simplement à l’encontre de l’économie de la Loi.

 

[24]    Par conséquent, l’appelante ne peut pas avoir gain de cause à l’égard de ses demandes de CTI, du moins pour ce qui est de l’argument selon lequel elle était un « acquéreur » ou une personne au profit de laquelle la fourniture était effectuée.

 

La question de la méthode fondée sur une extrapolation

[25]    Cela m’amène à examiner l’argument subsidiaire de l’appelante concernant le calcul des CTI qui ont été refusés à l’égard de la TPS payée sur des Fournitures de moindre valeur. Ce calcul, qui concerne environ 25 p. 100 des Fournitures (résultat auquel on a finalement abouti), a été effectué au moyen d’une analyse mensuelle d’une fraction des factures se rapportant à des fournitures de moindre valeur que l’appelante avait acquittées après la date limite, en vue de décider quelle partie de ce groupe de fournitures était des Fournitures (c’est‑à‑dire des fournitures dont Ed Tel était l’acquéreur), et d’extrapoler ensuite les résultats pour arriver à la fraction des demandes globales de CTI se rapportant à ce groupe de fournitures qui était applicable aux Fournitures. L’appelante s’opposait à l’emploi de cette méthode de calcul. Il s’agit d’une approche arbitraire aux fins du calcul d’une obligation fiscale. L’appelante soutient que le calcul et la cotisation ne peuvent pas être à ce point arbitraires.

 

[26]    Pour mieux répondre à cet argument, je décrirai brièvement la méthode employée.

 

[27]    Le vérificateur a divisé son analyse en deux parties. La première partie, portant sur environ 75 p. 100 des CTI, se rapportait à des opérations pour lesquelles, selon le grand livre de l’appelante, le montant des CTI demandés s’élevait à plus de 10 000 $. Pendant toute la période de cotisation allant du 1er mars au 31 décembre 1995, il y a eu environ 28 500 opérations, d’une valeur approximative de vingt millions de dollars, sur lesquelles la TPS a été payée. Environ quinze millions de dollars se rapportaient à des opérations individuelles, ou à des opérations qui pouvaient facilement être groupées, à l’égard desquelles les demandes de CTI s’élevaient à plus de 10 000 $. Ces grosses opérations ont été vérifiées individuellement. Il y avait 116 opérations de ce genre (c’est‑à‑dire 116 factures à examiner individuellement).

 

[28]    La vérification d’opérations individuelles a nécessité la récupération des factures des fournisseurs conservées sur microfiches. Sur les 116 opérations examinées après que ces documents ont été récupérés, 13 se rapportaient à des Fournitures (c’est‑à‑dire les fournitures effectuées en faveur d’Ed Tel) payées par l’appelante. Les paiements se rapportant aux Fournitures ont tous été effectués au cours des mois de mars et d’avril. Au mois de mars, neuf factures, identifiées comme se rapportant aux Fournitures, ont été acquittées. Les CTI, d’un montant de 298 932 $, ont été refusés à l’égard de ces Fournitures. Au mois d’avril, quatre paiements facturés ont été identifiés comme se rapportant à des Fournitures. Ces quatre paiements ont donné lieu à des demandes de CTI s’élevant à 1 014 118 $, demandes qui ont toutes été rejetées. Quant au mois de mai, on n’a pu identifier aucune facture concernant une grosse opération qui aurait été acquittée à l’égard des Fournitures. Par conséquent, toutes les demandes de CTI relatives à des opérations de plus de 10 000 $ payées au mois de mai ont été acceptées. De plus, toutes les demandes concernant des factures acquittées après le mois de mai 1995 ont été acceptées sans autre vérification.

 

[29]    Quant aux opérations de moindre valeur, pour lesquelles les CTI demandés étaient inférieurs à 10 000 $, le vérificateur a utilisé un système informatique afin de choisir au hasard des opérations. Il n’était pas possible d’examiner les quelque 28 400 opérations individuelles concernant des fournitures faisant partie de ce groupe, conservées dans une base de données électronique, à l’égard desquelles des documents sur microfiche devaient être récupérés. Ne serait‑ce qu’aux mois de mars, d’avril et de mai, il y avait environ 8 700 opérations de ce genre. Encore une fois, on estimait qu’il ne serait pas possible d’examiner un tel nombre d’opérations. On estimait qu’une vérification par échantillonnage était l’unique approche réalisable. Il s’agissait de choisir des échantillons suffisamment importants pour obtenir un degré de confiance de 90 p. 100 tel qu’il était déterminé par le programme utilisé. À cette fin, il suffisait de choisir 100 échantillons. En doublant la taille de l’échantillon, on ne ferait qu’accroître le degré de confiance de 2 p. 100, de sorte que 100 échantillons ont été vérifiés pour accélérer le processus. Les documents sur microfiche ont été obtenus pour les 100 opérations concernées, et une vérification a été effectuée à leur égard, de la même façon qu’elle l’avait été dans le cas de grosses opérations. L’échantillon du mois de mars concernait 34 opérations sur les 2 563 opérations pour lesquelles des CTI étaient demandés. Vingt‑quatre des 34 factures vérifiées se rapportaient aux Fournitures (c’est‑à‑dire qu’elles avaient été établies au nom de quelqu’un d’autre que l’appelante avant la date limite)[9]. Selon les calculs, le pourcentage des CTI demandés (en dollars) pour ces 24 factures par rapport au montant global demandé pour les 34 factures était d’environ 86 p. 100 (le « pourcentage d’erreurs »). Par conséquent, 86 p. 100 des demandes de CTI de moins de 10 000 $ pour le mois de mars au complet ont été refusées, de sorte que des CTI de 401 830 $ ont été refusés[10].

 

[30]    La même méthode a été utilisée pour les mois d’avril et de mai. En avril, 33 opérations ont été examinées, et il a été conclu que neuf opérations se rapportaient aux Fournitures. L’extrapolation a donné lieu au refus d’accorder des CTI d’un montant de 120 370 $. Il y avait 2 331 factures pour la période, et le pourcentage d’erreurs était d’environ 25 p. 100. En ce qui concerne le mois de mai, 33 opérations sur 3 903 ont été examinées, et il a été conclu qu’une seule opération se rapportait aux Fournitures. Le montant de la TPS se rapportant à la facture relative à cette opération était de 130,71 $, soit 2 p. 100 du total de la TPS se rapportant aux 33 opérations examinées. En se fondant sur le pourcentage d’erreurs ainsi calculé, on a chiffré à 13 971 $ le montant des CTI qui a été refusé. Le vérificateur a conclu qu’il était inutile de procéder à d’autres sondages, et il a donc supposé qu’après le mois de mai 1995, tous les CTI avaient été demandés à juste titre.

 

[31]    Comme l’appelante, je me pose des questions au sujet de la méthode employée : pourquoi n’a‑t‑on pas utilisé un second échantillon de 100 autres factures afin de vérifier le degré de confiance prédit par le programme utilisé? Pourquoi n’a‑t‑on pas davantage pondéré l’échantillon à l’égard du mois de mars ou pourquoi n’a‑t‑on pas utilisé un second échantillon de 34 autres factures pour le mois de mars? Pourquoi a‑t‑on procédé à une extrapolation pour le mois de mai, alors que la vérification détaillée révélait qu’il n’y avait pas de Fournitures en mai et que les autres échantillons pris au hasard n’ont révélé qu’une seule erreur négligeable? Comme l’appelante, j’ai des doutes sur la fiabilité de la méthode employée; toutefois, contrairement à l’appelante, je n’ai pas la responsabilité de présenter des éléments de preuve qui font plus que simplement soulever des questions. De toute évidence, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a fondé la cotisation sur l’hypothèse selon laquelle la TPS au montant établi (1 849 230 $) était le montant à payer à l’égard des fournitures acquises par Ed Tel. Cette hypothèse amène la certitude mathématique nécessaire en ce qui concerne le montant relatif aux Fournitures pour lesquelles les CTI ont été refusés. Il incombe à l’appelante de réfuter cette somme, c’est‑à‑dire de réfuter la validité du montant relatif aux Fournitures sur lequel l’hypothèse est fondée. Or, l’appelante n’a présenté aucun élément de preuve en vue de réfuter la validité du montant correspondant aux Fournitures à l’égard desquelles les CTI étaient refusés. On ne peut simplement se contenter de soulever des questions au sujet du montant en litige. L’hypothèse relative au montant en litige doit être réfutée ou du moins mise en doute par la preuve; un argument de pure forme ne suffit pas, et ce, même si cet argument a un certain attrait sur le plan de l’intuition.

 

[32]    Il aurait probablement fallu procéder à une analyse comparative en utilisant une méthode différente ou en employant le même programme à l’aide d’un autre échantillonnage pris au hasard. Il aurait peut‑être fallu soumettre une preuve d’expert. Quoi qu’il en soit, je tire une inférence négative du fait que l’appelante n’a soumis aucune preuve en vue de réfuter le témoignage du vérificateur qui a parlé de la fiabilité du programme informatique et de son utilisation dans les vérifications, et ce, avec l’approbation de l’Institut Canadien des Comptables Agréés (l’« ICCA »). Je ne puis voir pourquoi l’appelante n’aurait pas pu employer ou examiner le programme, de façon à pouvoir présenter une preuve au sujet de son caractère fiable et adéquat.

 

[33]    Néanmoins, l’appelante s’est fondée sur la décision rendue par la Cour dans l’affaire Huyen v. R.[11], en soutenant que des extrapolations ne peuvent pas remplacer une vérification complète lorsque des documents sont disponibles, comme c’était ici le cas. Toutefois, dans cette décision, la Cour a reconnu, au paragraphe 10, qu’il incombait à l’intimée de procéder selon « des standards minimums raisonnables », permettant de tirer une conclusion digne de foi. Ces normes varient selon les circonstances. En l’espèce, l’échantillonnage et les extrapolations peuvent avoir été « minimes », mais ils n’étaient pas déraisonnables. L’approche employée donnait à l’ARC un fondement raisonnable pour estimer le montant des Fournitures visées par de petites opérations qui avaient été effectuées avant la date limite, du moins lorsqu’il s’agissait d’émettre l’hypothèse que l’Agence a de fait émise. À mon avis, à une réserve près, cela suffit pour imposer à l’appelante le fardeau de soumettre une preuve en vue de réfuter l’exactitude de l’estimation obtenue par la méthode d’extrapolation que l’intimée a employée. Or, l’appelante ne s’est pas déchargée de ce fardeau.

 

[34]    Toutefois, cela n’empêche pas la Cour d’exercer dans une certaine mesure son pouvoir discrétionnaire en effectuant des rajustements avantageux pour le contribuable, lorsqu’il semble probable que la méthode « estimative » employée par l’ARC ne laisse pas au contribuable un bénéfice du doute suffisant. Je comprends bien les fondements statistiques des extrapolations, mais l’emploi d’une telle méthode aux fins du calcul d’une obligation fiscale m’aurait peut‑être paru un peu plus rassurant si l’on avait procédé à d’autres sondages ou si l’on avait dans une certaine mesure laissé le bénéfice du doute au contribuable, notamment en utilisant un pourcentage d’erreurs basé sur le nombre relatif d’opérations dans les cas où cela favorisait le contribuable, ou en abandonnant la méthode de l’extrapolation dans les cas où l’incidence d’« erreurs » était nettement inférieure au degré de confiance qu’offre cette méthode, comme cela est arrivé à l’égard des opérations du mois de mai. L’appelante n’a pas plaidé en faveur de telles concessions, mais je vais néanmoins accorder un certain montant afin d’apaiser mes propres inquiétudes.

J’accorderai 10 p. 100 du montant des CTI concernant les petites opérations qui ont été refusés pour le motif que l’ARC a utilisé un programme afin de produire un résultat qui, selon elle, n’était valable que dans une proportion de 90 p. 100. La probabilité que le montant auquel on est parvenu soit erroné est de 100 p. 100. La probabilité qu’il soit exact dans une proportion de 90 p. 100 a en fait été attestée sans que l’appelante ait produit une contre‑preuve. C’est donc le montant que je refuserai, c’est‑à‑dire que j’accorderai à l’appelante des CTI additionnels de 52 355 $, soit 10 p. 100 des CTI refusés selon l’approche fondée sur l’extrapolation que l’ARC a employée.

 

[35]    Étant donné que j’accepte l’argument principal de l’intimée, je n’ai pas à tenir compte d’un argument additionnel qu’elle a invoqué, à savoir que la plupart des factures à l’appui des demandes de CTI étaient incomplètes, justifiant ainsi le refus des CTI demandés. Néanmoins, il semble bon de faire un bref commentaire. Les prétendues lacunes se rapportent à des renseignements qu’il faut fournir conformément aux paragraphes 286(1) et (3) du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants. Presque toutes les prétendues lacunes découlaient de l’omission d’indiquer le nom de l’appelante à titre d’acquéreur. Si l’appelante était l’acquéreur du fait qu’elle avait acquitté ou qu’elle était tenue d’acquitter les factures en question, il me semble que les pièces justificatives mises à la disposition de l’ARC étaient suffisantes pour satisfaire aux objectifs de ce règlement. Je suis donc porté à dire que, s’il fallait se prononcer sur la question de savoir si les factures étaient incomplètes pour les besoins du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants, je conclurais que les CTI ne pouvaient pas être refusés sur ce fondement. Les contrats indiquant que l’appelante était tenue de payer les Fournitures et la documentation connexe, tirée de documents sur microfiche soumis comme on l’avait demandé, montrent de manière suffisamment claire, s’ils sont considérés ensemble, qui était le prétendu acquéreur. Si cette assertion (à savoir que l’appelante était l’acquéreur) l’avait emporté, l’argument fondé sur les lacunes aurait à mon avis échoué[12]. Pour étayer davantage cette conclusion, je ferai remarquer que, dans des affaires comme l’affaire Bokrika Inc. (où il n’existait aucun lien contractuel entre le fournisseur et l’« acquéreur »), il semble probable que la preuve documentaire concernant l’identité de l’« acquéreur », qui avait permis aux appelants dans ces affaires d’avoir gain de cause, ne se trouvait pas dans les factures ou dans les états délivrés par le fournisseur. Il semble donc raisonnable de soutenir que l’argument invoqué par l’intimée en l’espèce ne devrait pas être sanctionné judiciairement, puisqu’il permettrait au ministre de s’approprier les fonds de personnes qui sont en fait des « acquéreurs » et qui ont par ailleurs droit à des CTI.

 

[36]    Il convient de mentionner un autre point : à l’instruction, le vérificateur de l’ARC a témoigné que certaines Fournitures étaient peut‑être bien des fournitures exonérées étant donné qu’elles avaient été effectuées par une municipalité ou par un organisme paramunicipal. On a soutenu que cela devrait constituer un autre motif de refus des CTI demandés. À mon avis, la possibilité que certaines Fournitures soient exonérées ne saurait constituer un motif de rejet des CTI demandés. Aucune hypothèse n’a été émise au sujet de fournitures exonérées. De fait, lorsqu’on lui a demandé, à l’interrogatoire préalable, s’il pouvait y avoir des fournitures exonérées dans ce cas‑ci, le vérificateur a répondu que, dans le cours normal des affaires, il n’y en aurait pas.

 

[37]    On peut encore se demander si le fait qu’il est possible que les Fournitures soient exonérées constitue un motif additionnel de ne pas permettre le transfert de la qualité d’acquéreur lorsqu’il s’agit de déterminer les droits aux CTI. Je ne le crois pas. En décidant si une fourniture est exonérée, dans le but de refuser les demandes de CTI, il faut examiner la qualité du fournisseur et les fournitures elles‑mêmes, et ce, peu importe qui est l’acquéreur[13]. Néanmoins, si la question du transfert est examinée d’une façon plus générale, je note qu’au début de la vérification, on a soutenu que c’était Ed Tel qui devait demander les CTI. Apparemment, la chose n’intéressait pas Ed Tel. Il pouvait en être ainsi parce qu’Ed Tel ne s’était pas engagée envers l’appelante à demander le crédit et, en outre, qu’elle n’avait probablement rien à gagner puisqu’elle avait transféré l’entreprise à l’appelante. À coup sûr, une meilleure approche contractuelle aurait pu être adoptée au départ si les questions de TPS avaient été prises en considération d’une façon appropriée avant la conclusion de l’arrangement. Quoi qu’il en soit, au moment où l’appelante a commencé à exercer des pressions sur l’ARC pour que celle‑ci permette à Ed Tel de demander des CTI, ces demandes étaient prescrites. À moins que les dispositions relatives au remboursement ne s’appliquent, il s’agit d’un obstacle qui empêche l’appelante d’obtenir le résultat qu’elle mériterait peut‑être. Somme toute, comme l’avocat de l’appelante l’a affirmé, l’appelante n’est pas le consommateur final des Fournitures et elle ne devrait pas avoir à payer la TPS. Puisqu’elle a payé la TPS, elle a besoin des CTI, à défaut de quoi elle sera pénalisée, et le Trésor (le fisc) s’enrichira sans cause – l’appelante sera considérée comme le consommateur final qui n’a ajouté aucune valeur additionnelle au flux de fournitures de consommation. Toutefois, le régime envisagé par la Loi n’aurait pas ainsi pénalisé l’appelante si celle‑ci avait organisé les opérations de façon à arriver au résultat voulu ou si elle avait obtenu d’Ed Tel les engagements nécessaires en vue d’arriver au résultat voulu. Le fait que l’omission d’Ed Tel de demander les CTI en temps opportun pourrait conférer au fisc un gain fortuit n’est pas une chose à laquelle un juge peut remédier, à moins que les dispositions de la Loi ne prévoient une telle réparation.

 

La question du remboursement

[38]    Cela m’amène à examiner l’argument de l’appelante, à savoir que, si elle n’a pas droit aux CTI demandés pour le motif qu’elle n’est pas l’« acquéreur », elle a droit à un remboursement ou à une réduction de la taxe nette conformément aux paragraphes 261(1) et 296(2.1), et ce, pour le plein montant établi dans la cotisation. Ces dispositions prévoient ce qui suit :

 

261(1) Remboursement d’un montant payé par erreur

Dans le cas où une personne paie un montant au titre de la taxe, de la taxe nette, des pénalités, des intérêts ou d’une autre obligation selon la présente partie alors qu’elle n’avait pas à le payer ou à le verser, ou paie un tel montant qui est pris en compte à ce titre, le ministre lui rembourse le montant, indépendamment du fait qu’il ait été payé par erreur ou autrement.

296(2.1) Application d’un montant de remboursement non demandé – Le ministre, s’il constate les faits suivants relativement à un montant (appelé « montant de remboursement déductible » au présent paragraphe) lors de l’établissement d’une cotisation concernant la taxe nette d’une personne pour une période de déclaration de celle‑ci qu’elle était tenue de verser en vertu de la présente partie au plus tard un jour donné ou tout autre montant qui est devenu payable par une personne en vertu de la présente partie un jour donné, peut appliquer tout ou partie du montant de remboursement déductible en réduction de la taxe nette ou de l’autre montant comme si celle‑ci avait payé ou versé, le jour donné, le montant ainsi appliqué au titre de cette taxe nette ou de l’autre montant :

a) le montant de remboursement déductible aurait été payable à la personne à titre de remboursement s’il avait fait l’objet d’une demande produite aux termes de la présente partie le jour donné;

b) le montant de remboursement déductible n’a pas fait l’objet d’une demande produite par la personne avant le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé;

c) le montant de remboursement déductible serait payable à la personne s’il faisait l’objet d’une demande produite aux termes de la présente partie le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé, ou serait refusé s’il faisait l’objet d’une telle demande du seul fait que le délai dans lequel il peut être demandé a expiré avant ce jour.

 

[39]    L’octroi du remboursement non demandé prévu au paragraphe 296(2.1) permet simplement la présentation d’une demande de remboursement malgré certaines restrictions ou certains délais qui sont par ailleurs imposés, par exemple en vertu des paragraphes 261(2) et (3). Il est peut‑être trop tard pour qu’Ed Tel en sa qualité d’acquéreur admissible aux CTI présente cette demande à l’égard des Fournitures, mais l’appelante soutient qu’il n’est pas trop tard pour qu’une autre personne qui a payé la TPS sur les Fournitures demande le remboursement de la TPS concernée si elle n’était pas tenue d’effectuer le paiement en vertu de la Loi. La dispense de présenter la demande de remboursement dans le délai prescrit accordée à la personne qui a effectué un paiement par erreur vise à empêcher le fisc de s’enrichir sans cause. Toutefois, aucune dispense de ce genre n’est accordée aux acquéreurs tels qu’Ed Tel lorsque le délai prévu aux fins de la présentation d’une demande de CTI a expiré[14].

 

[40]    L’appelante fait valoir que le remboursement doit être accordé non seulement en raison du libellé exprès du paragraphe 261(1) qui, selon elle, permet la chose, mais aussi compte tenu du fait que, s’il ne l’est pas, le fisc s’enrichira sans cause. L’argument contraire consiste à dire que cet enrichissement découle de l’omission d’Ed Tel de présenter en temps opportun une demande de CTI et non d’une erreur que l’appelante a commise en acquittant les obligations qu’elle a assumées lors de l’acquisition de l’entreprise.

 

[41]    Cela étant, il faut examiner le libellé exprès du paragraphe 261(1) pour voir s’il satisfait aux exigences applicables au remboursement comme l’affirme l’appelante. De toute évidence, étant donné que j’ai conclu que l’appelante n’était pas l’acquéreur des Fournitures, l’appelante n’était pas tenue, selon l’article 165 (soit selon la partie pertinente de la Loi), de payer la TPS qu’elle a payée. Par conséquent, il est clair que le montant que l’appelante a payé au titre de la TPS n’était pas un montant dont elle était redevable selon la Loi. La TPS a été payée aux termes de l’arrangement, et elle a donc été payée « autrement » que par suite du fait qu’elle était payable selon la Loi. S’il est interprété littéralement, le libellé exprès du paragraphe 261(1) doit donc être considéré comme permettant à l’appelante d’obtenir le remboursement du montant établi dans la cotisation.

 

[42]    L’argument invoqué par l’intimée est essentiellement qu’on ne saurait interpréter la disposition en question sans reconnaître que l’obligation de l’« acquéreur » Ed Tel, conformément au paragraphe 165(1) de la Loi, devait s’éteindre par suite du paiement effectué par l’appelante. À cet égard, il faut reconnaître que l’appelante a effectué le paiement pour le compte d’Ed Tel. L’appelante était l’intermédiaire qui effectuait le paiement, en droit et en fait, pour le compte d’Ed Tel. L’intimée a clairement accepté le paiement des fournisseurs qui ont versé la TPS payée par l’appelante en tant qu’acquittement de l’obligation que la Loi imposait à Ed Tel à l’égard de fournitures taxables. Ed Tel était admissible aux CTI, de sorte qu’elle ne peut pas demander un remboursement et que son intermédiaire ne peut pas le faire non plus. La TPS qui a été payée l’a été au titre d’une obligation relative à la TPS payable selon la Loi. On ne saurait demander un remboursement en se fondant sur le fait qu’un tel paiement a été effectué par « erreur ».

 

[43]    L’argument de l’appelante pose un problème : en effet, pour permettre un remboursement, lorsque l’obligation des acquéreurs en vertu de la Loi a été acquittée par un non‑acquéreur de la fourniture qui s’est engagé à l’assumer, il faudrait que le ministre examine la source de chaque versement afin de s’assurer que le montant versé pour une fourniture n’aura pas à être rendu en tant que remboursement avant que l’acquéreur fasse l’objet d’une cotisation. Si l’on ne procédait pas à un tel examen impossible, tous les acquéreurs de fournitures taxables pourraient se soustraire à la TPS, et ce, indépendamment de la question de savoir si des CTI pouvaient être demandés. Par conséquent, l’interprétation littérale préconisée par l’appelante entraînerait des résultats absurdes. Le fait qu’il n’y a aucun résultat absurde en l’espèce (parce qu’Ed Tel n’est pas l’utilisateur final des Fournitures et qu’elle aurait pu recevoir les CTI si elle avait fait une demande en temps opportun) ne résout pas ce problème intrinsèque posé par l’interprétation littérale de la disposition relative au remboursement que l’appelante préconise.

 

[44]    L’arrangement visait clairement à libérer Ed Tel de l’obligation qui lui était imposée par la Loi au moment où l’appelante effectuerait le paiement pour son compte. Le paiement a été effectué par l’appelante au titre d’une obligation prévue par la Loi que l’appelante voulait éteindre. Le mécanisme des CTI énoncé dans la Loi doit constituer le seul moyen prévu par le législateur aux fins du rapprochement de pareils paiements. Dans le cas d’Ed Tel, le recours au mécanisme de demande de CTI prévu au paragraphe 225(1) à l’égard des Fournitures impliquait la nécessité de faire une déclaration en temps opportun. Or, Ed Tel n’a jamais présenté pareille demande. En fin de compte, voici ce qui est arrivé : Ed Tel n’a jamais coopéré avec l’appelante en vue de lui permettre de bénéficier de la réparation que cette dernière aurait dû obtenir aux termes de l’arrangement si celui‑ci avait été structuré d’une façon appropriée.

 

[45]    À mon avis, tel est malheureusement le contexte dans lequel il faut interpréter le paragraphe 261(1). La personne mentionnée dans cette disposition comme étant la personne qui a effectué le paiement n’est pas celle qui fait le chèque ou qui transfère les fonds. C’est la personne pour le compte de laquelle le paiement est effectué. En l’espèce, il s’agissait d’Ed Tel. Ni Ed Tel ni l’appelante n’ont droit à un remboursement.

 

IV.     Conclusion

 

[46]    Je conclurais ici normalement que, pour les motifs énoncés, l’appel doit être rejeté, sauf pour la somme de 52 355 $ susmentionnée qui est accordée. Toutefois, certaines questions en litige dans l’appel ont été réglées en faveur de l’appelante avant l’instruction. J’ai accepté d’incorporer ce règlement dans mon jugement. Par conséquent, lorsqu’il est mentionné dans mon jugement que l’appel est accueilli, il l’est en ce qui concerne les sommes convenues suivantes, en plus du montant de 52 355 $ susmentionné :

 

1.       En ce qui concerne la [traduction] « question des images de factures », le montant de la taxe nette qui a été établi sera ramené de 199 427 $ à 99 500 $;

 

2.       Quant aux [traduction] « questions diverses », le montant de la taxe nette qui a été établi sera ramené de 98 392,86 $ à 10 785,79 $. Cette réduction (87 607,07 $) concerne les montants mentionnés aux alinéas 38b) et 25cc) de la réponse à l’avis d’appel modifié à deux reprises.

 

[47]    À tous les autres égards, l’appel est rejeté, les dépens étant adjugés à l’intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de février 2008.

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juin 2011.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

[TRADUCTION]

 

Dossier : 2003-1066(GST)G

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

ENTRE :

 

TELUS COMMUNICATIONS (EDMONTON) INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

 

Exposé conjoint partiel des faits

 

       Par l’entremise de leurs avocats respectifs, les parties s’entendent par les présentes sur les faits et documents suivants, l’entente ne devant toutefois s’appliquer que pour les besoins du présent appel et ne pouvant pas être utilisée à l’encontre de l’une ou l’autre partie dans quelque autre contexte ou par quelque autre personne.

 

A.    HISTORIQUE

1.    Avant le 10 mars 1995, Edmonton Telephones Corporation (« ETC ») agissait comme exploitant de télécommunications à Edmonton, et exploitait notamment le central téléphonique local, l’entreprise éditrice de l’annuaire téléphonique et les entreprises de communication cellulaire et de radiomessagerie ainsi que d’autres entreprises de communication mobile. Pendant la période pertinente, ETC était une filiale à cent pour cent de la Ville d’Edmonton, corporation municipale régie par les lois de l’Alberta.

2.    Pendant la période pertinente, ED TEL Inc. (« ETI ») était une société constituée en vertu de la Business Corporations Act de l’Alberta (l’« ABCA »). Avant le 10 mars 1995, toutes les actions d’ETI étaient détenues par ETC.

3.    ED TEL Communications Inc. (« ETCI ») est une société constituée en vertu de l’ABCA. Pendant la période pertinente, toutes les actions d’ETCI étaient détenues par ETI. ED TEL Communications Inc. a par la suite changé de nom pour adopter celui de TELUS Communications (Edmonton) Inc., soit l’appelante dans la présente espèce.

4.    ED TEL Directory Inc. (« ETDI ») est une société constituée en vertu de l’ABCA. Pendant la période pertinente, toutes les actions d’ETDI étaient détenues par ETI.

5.    ED TEL Mobility Inc. (« ETMI ») est une société constituée en vertu de l’ABCA. Pendant la période pertinente, toutes les actions d’ETMI étaient détenues par ETI.

6.    Pendant la période pertinente, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le « CRTC ») réglementait les entreprises de télécommunications au Canada.

7.    Conformément à une directive du gouverneur en conseil en date du 25 octobre 1994, le CRTC a approuvé la réorganisation d’ETC (la « réorganisation ») selon les modalités suivantes :

       a)         le transfert par ETC, en faveur d’ETI, de ses actifs dans le domaine des télécommunications et d’entreprises connexes;

       b)         par la suite, le transfert par ETI de ses actifs dans le domaine des télécommunications et d’entreprises connexes en faveur d’ETCI, d’ETDI et d’ETMI.

       Une copie de l’accord de transfert conclu entre ETC et ETI figure à l’onglet 2 du recueil conjoint de documents. Les accords de transfert conclus entre ETI et ETCI, entre ETI et ETDI et entre ETI et ETMI figurent aux onglets 3,4 et 5 du recueil conjoint de documents, respectivement.

8.    La réorganisation a été effectuée au moyen d’un arrangement pris en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions; elle a pris effet le 10 mars 1995. Une copie de l’entente relative à l’arrangement figure à l’onglet 1 du recueil conjoint de documents.

9.    Une fois la réorganisation menée à bonne fin, l’entreprise autrefois exploitée par ETC était exploitée de la manière suivante :

       a)         le central téléphonique local était exploité par ETCI;

b)         l’entreprise locale d’inscription dans l’annuaire téléphonique était exploitée par ETDI;

c)         les entreprises de communication cellulaire, de radiomessagerie et les autres entreprises de communication mobile étaient exploitées par ETMI.

10.   Immédiatement après la réorganisation, ETC a vendu à TELUS Corporation toutes les actions émises et en circulation d’ETI. Une copie de la convention modifiée d’achat d’actions conclue entre la Ville d’Edmonton, Edmonton Telephones Corporation (« ETC ») et TELUS Corporation figure à l’onglet 6 du recueil conjoint de documents.

11.   Au cours de la période en cause, l’appelante a calculé et déclaré la taxe nette pour l’application de la Loi et a produit des déclarations relatives à la TPS en vertu de la partie IX de la Loi.

12.   L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), autrefois l’Agence des douanes et du revenu du Canada, a procédé à une vérification de ces déclarations, et cette vérification a donné lieu à certains rajustements de la part du ministre, lesquels font l’objet du litige dans le présent appel, à savoir :

a)       le ministre a refusé d’accorder les CTI demandés par l’appelante, de 1 849 230,75 $ (la « question de la date limite d’ED TEL »);

          b)      supprimé sur consentement;

          c)       supprimé sur consentement;

          d)      supprimé sur consentement.

 

B.      LES COTISATIONS EN LITIGE

13.     Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l’égard de l’appelante au moyen de l’avis de cotisation no 00000001690 en date du 22 octobre 1999, se rapportant à la période de déclaration allant du 1er mars au 31 décembre 1995 et visant la taxe nette de 14 442 335,78 $, des intérêts nets de 605 793 $ et une pénalité de 768 169,55 $, à l’égard des déclarations relatives à la TPS pour la période en question. Dans la cotisation, le ministre a effectué les rajustements suivants :

         


a)         Erreur d’écriture dans l’inscription au grand livre

de la TPS payée                                                                                   9 909,22 $

 

b)         Crédits de taxe sur les intrants demandés

par l’inscrit sur des achats, alors que l’inscrit

n’est pas l’acquéreur                                                                      1 849 230,75 $

 

c)         Crédits de taxe sur les intrants demandés par

l’inscrit pour lesquels il n’existe aucune pièce

justificative                                                                                          68 780,12 $

 

d)         Inscriptions différentes de la TPS dans le

système de facturation et dans le grand livre                                       251 319,33 $

 

e)         Fournitures pour lesquelles l’inscrit a omis

de percevoir et de déclarer la TPS                                                      98 392,86 $

                                                                                                                        __________

 

            TOTAL                                                                                         2 277 632,28 $

 

          Des copies de l’avis de cotisation et des rajustements résultant de la vérification figurent aux onglets 8 et 9 du recueil conjoint de documents.

 

14.     L’appelante a déposé un avis d’opposition le 19 janvier 2000 à l’égard de toutes les questions en litige, sauf à l’égard de la question concernant l’erreur d’écriture de 9 902,22 $. Une copie de l’avis d’opposition figure à l’onglet 10 du recueil conjoint de documents.

 

15.     Le 25 mai 2000, le ministre a délivré à l’appelante un avis de décision à l’égard de l’avis d’opposition du 20 janvier 2000 et, à la même date, il a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante par l’avis de cotisation 10BT‑116854811 pour la taxe nette de 14 290 443,45 $, les intérêts nets de 363 022,80 $ et la pénalité de 449 068,12 $ à l’égard des déclarations relatives à la TPS se rapportant à la période en question. Dans la nouvelle cotisation, le ministre a effectué les rajustements suivants :

a)                  Erreur d’écriture dans l’inscription au grand livre

de la TPS payée                                                                                   9 909,22 $

 

b)                  Crédits de taxe sur les intrants demandés par

l’inscrit sur des achats, alors que l’inscrit

n’est pas l’acquéreur                                                                       1 849 230,75 $

 

c)                  Crédits de taxe sur les intrants demandés par

l’inscrit pour lesquels il n’existe aucune pièce

justificative                                                                                           68 780,12 $

 

d)                  Décalage entre les inscriptions de la TPS dans

le système de facturation et dans le grand livre                        199 427,00 $

 

e)                  Fournitures pour lesquelles l’inscrit a omis

de percevoir et de déclarer la TPS                                                       98 392,86 $

                                                                                                                        __________

 

            TOTAL                                                                                          2 225 739,95 $

 

Des copies de l’avis de décision et de l’avis de nouvelle cotisation figurent aux onglets 11 et 12 du recueil conjoint de documents.

16.   L’appelante a déposé un avis d’opposition le 22 août 2000 à l’égard de toutes les questions en litige, sauf à l’égard de la question concernant l’erreur d’écriture de 9 902,22 $. Une copie de l’avis d’opposition figure à l’onglet 13 du recueil conjoint de documents.

17.   Par un avis de décision daté du 9 décembre 2002, le ministre a ratifié la nouvelle cotisation. Une copie de l’avis de décision figure à l’onglet 14 du recueil conjoint de documents.

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI5

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2003-1066(GST)G

 

INTITULÉ :                                       Telus Communications (Edmonton) Inc.

                                                          et

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 8 et 9 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable J. E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 13 février 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Curtis Stewart

Me Jasmine Sidhu

 

Avocate de l’intimée :

Me Margaret Irving

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             Me Curtis Stewart

                                                          Me Jasmine Sidhu

 

                   Cabinet :                         Bennett Jones LLP

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Il a été conclu dans plusieurs décisions de la Cour que les « acquéreurs » en tant que tels ont droit aux CTI; l’intimée n’a pas contesté cette position. Voir par exemple Bondfield Construction Co. (1983) Ltd. v. R., [2005] G.S.T.C. 110 (C.C.I.), paragraphe 121. L’intimée a reconnu que les « acquéreurs » ont droit aux CTI, mais elle n’a pas reconnu que l’appelante était un « acquéreur ». Selon un argument invoqué par l’intimée, pour qu’une personne soit l’« acquéreur », il faut que la facture se rapportant à la fourniture soit établie à son nom. Sauf en ce qui concerne les remarques qui seront ci‑dessous faites dans les présents motifs au sujet des exigences réglementaires auxquelles il faut satisfaire pour demander des CTI, les présents motifs ne traitent pas de cet argument. Cet argument est tout simplement dénué de fondement. L’appelante n’a pas allégué qu’elle avait conclu avec qui que ce soit une entente qui aurait pu donner lieu à la facturation, de la part de cette personne, de fournitures à l’appelante à titre d’acquéreur. Je n’accorde aucune importance à ce fait en décidant qui était l’acquéreur des Fournitures. De fait, l’intimée elle‑même veut prendre cette position lorsque la chose lui convient. Lorsque l’appelante était désignée à titre d’acquéreur dans une facture, l’intimée ne considérait pas l’appelante comme étant l’acquéreur de cette fourniture parce que d’autres éléments de preuve (se rapportant à la question de savoir qui avait commandé cette fourniture, qui l’avait reçue et qui était tenu de la payer) révélaient que l’appelante n’était pas l’acquéreur, ce qui revient à admettre que le nom figurant dans la facture n’était absolument pas déterminant. Par conséquent, la seule question qui se pose, lorsqu’il s’agit de décider si l’appelante était un acquéreur des Fournitures, est de savoir si l’obligation qui lui incombait de payer ces fournitures a pour effet de faire de l’appelante un « acquéreur », au sens de la définition de ce terme qu’on retrouve dans la Loi. La définition du mot « acquéreur » met avant tout l’accent sur la personne qui est tenue de payer la fourniture. Voir West Windsor Urgent Care Centre Inc. v. R., [2005] G.S.T.C. 179, paragraphe 26.

 

[2] Les acquéreurs sont redevables de la taxe en vertu de l’article 165 et ils peuvent faire l’objet d’une cotisation en vertu de l’alinéa 296(1)b). S’il y avait plus d’un acquéreur, il pourrait y avoir double imposition d’une part et un problème de perception pourrait se poser d’autre part, étant donné la restriction énoncée au paragraphe 278(2), comme il en a été question dans la décision Banque Royale c. R., 2007 CCI 281; [2007] G.S.T.C. 122 (C.C.I.).

 

[3] Voir le paragraphe 278(2) et Banque Royale c. R., paragraphes 68 à 72.

 

[4] [1999] G.S.T.C. 44 (ang.) (C.C.I.); 1998 CarswellNat 3000 (C.C.I.).

 

[5] 2000 CarswellNat 3179; [2001] G.S.T.C. 10 (ang.) (C.C.I.).

 

[6] 2005 CCI 78; [2005] G.S.T.C. 110 (C.C.I.).

 

[7] 2006 CCI 301; [2006] G.S.T.C. 78 (C.C.I.).

 

[8] Les notes techniques (juillet 1997) concernant la modification effectuée au mois d’avril 1997 expliquent comme suit la raison pour laquelle cette modification a été effectuée :

Le paragraphe 169(1) prévoit les règles générales sur le calcul du crédit de taxe sur les intrants d’une personne relativement à un bien ou un service. Ce paragraphe ne fait mention que des biens ou services qui sont fournis à la personne ou importés par elle. Il est modifié de façon à ce qu’il y soit également fait mention des biens transférés dans une province participante, au sens du paragraphe 123(1), puisqu’il s’agit là d’un fait par suite duquel une taxe pourrait devenir payable par la personne aux termes de la section IV.1 et faire l’objet d’une demande de crédit de taxe sur les intrants (voir les notes concernant l’article 204 du projet de loi).

Le paragraphe 169(1) est aussi restructuré de façon à porter sur « un » crédit de taxe sur les intrants relatif à un bien ou un service pour une période de déclaration et non sur « le » crédit de taxe sur les intrants. Il est ainsi tenu compte de la possibilité qu’une personne ait plus d’un tel crédit relatif à un même bien pour la même période de déclaration. Cela pourrait se produire, par exemple, si la taxe devenait payable au cours de la période sur l’achat du bien ainsi que sur son transfert dans une province participante. La taxe pourrait également devenir payable relativement à plusieurs acquisitions présumées du bien aux termes de l’article 136.1, selon lequel une fourniture distincte par bail, licence ou accord semblable est réputée effectuée pour chaque période de location (au sens de cet article) qui fait partie de la période de déclaration. L’inscrit pourrait ne pas avoir droit, dans la même mesure, à un crédit de taxe sur les intrants relatif à chacun de ces montants de taxe qui deviennent payables à différents moments d’une même période de déclaration puisque l’usage auquel un bien ou un service est destiné pourrait changer d’un moment à un autre. C’est pourquoi la formule prévue au paragraphe 169(1) s’applique séparément à chaque montant de taxe qui devient payable relativement à chaque fait taxable, qu’il s’agisse d’une acquisition, d’une importation ou d’un transfert dans une province participante.

 

[9] Les factures, si elles n’étaient pas établies au nom d’Ed Tel, l’étaient au nom d’autres entités liées dont les entreprises ont été transférées à l’appelante dans le cadre de la mise en œuvre de l’arrangement.

[10] Si le pourcentage d’erreurs avait été calculé en fonction du nombre d’opérations, par opposition au montant en cause, on obtiendrait un pourcentage d’erreurs de 70,59 p. 100 seulement, ce qui se traduirait par le refus d’accorder des CTI d’un montant de 328 843 $, par opposition au montant de 401 830 $ que l’on a refusé en utilisant le pourcentage d’erreurs de 86 p. 100.

[11] [1997] G.S.T.C. 42 (ang.) (C.C.I.); 1997 CarswellNat 526 (C.C.I.).

[12] Je note également que, selon l’appelante, on s’est fondé sur les lacunes en réponse à l’argument qu’elle avait invoqué au sujet du remboursement et que cela ne constituait aucunement le fondement de la cotisation. Dans la réponse, aucune hypothèse n’a été émise au sujet des documents incomplets sauf pour une somme d’environ 68 000 $ que l’appelante a acceptée au début de l’audience. Si la charge de la preuve a été inversée sur ce point, on peut soutenir que l’intimée ne s’est pas acquittée de l’obligation qui lui incombait à cet égard. Toutefois, le dossier semble montrer qu’au stade de l’opposition, les questions qui se posaient au sujet des documents incomplets se rapportaient à un montant supérieur à ces 68 000 $.

 

[13] Ce point se rattache également à la question du remboursement. Si un organisme paramunicipal lié qui était exonéré avait effectué une fourniture en faveur d’Ed Tel, toute TPS payée par Ed Tel pour cette fourniture pour le compte de l’appelante aurait pu donner lieu à un remboursement. Il s’agirait alors de savoir si l’appelante est la personne qui a qualité pour demander et recevoir ce remboursement.

[14] L’intimée n’a pas soutenu que la demande de remboursement n’avait pas été présentée en temps opportun. Par conséquent, la question de savoir s’il était pertinent pour l’appelante de se fonder sur le paragraphe 296(2.1), qui est entré en vigueur le 1er juillet 1996, n’est donc pas entrée en ligne de compte.

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