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2001‑3601(EI)

2001‑4483(EI)

ENTRE :

 

AMERICAN INCOME LIFE INSURANCE COMPANY,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de American Income Life Insurance Company (2001‑3602(CPP) et 2001‑4485(CPP)) le 10 avril 2002 à Vancouver (Colombie‑Britannique) par

 

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

 

Comparutions

 

Avocate de l'appelante :                                Me Cheryl M. Teron

 

Avocate de l'intimé :                                     Me Nadine Taylor

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel est accueilli, et la décision du ministre est modifiée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 


Signé à Sidney (Colombie‑Britannique),

ce 18e jour de juillet 2002.

 

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.


 

2001‑3602(CPP)

2001‑4485(CPP)

 

ENTRE :

 

AMERICAN INCOME LIFE INSURANCE COMPANY,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de American Income Life Insurance Company (2001‑3601(EI) et 2001‑4483(EI)) le 10 avril 2002 à

Vancouver (Colombie‑Britannique) par

 

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

 

Comparutions

 

Avocate de l'appelante :                                Me Cheryl M. Teron

 

Avocate de l'intimé :                                     Me Nadine Taylor

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel est accueilli, et la décision du ministre est modifiée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 


Signé à Sidney (Colombie‑Britannique),

ce 18e jour de juillet 2002.

 

 

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.


 

 

Date: 20020718

Dossiers: 2001‑3601(EI)

2001‑3602(CPP)

2001‑4483(EI)

2001‑4485(CPP)

ENTRE :

 

AMERICAN INCOME LIFE INSURANCE COMPANY,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

 

[1]     L’appelante en appelle d’une décision datée du 4 juillet 2001 dans laquelle le ministre du revenu national (le « ministre ») a décidé que l’emploi de Camille Burbank chez American Income Life Insurance Company (« American »), au cours de la période du 23 avril au 23 août 2000, constituait un emploi assurable et ouvrant droit à pension en vertu des dispositions pertinentes de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») et le Régime de pensions du Canada, (le « Régime ») respectivement, parce qu’il était employé dans le cadre d’un contrat de louage de services. Un appel distinct – 2001‑3602(CPP) – a été déposé et les parties ont convenu qu’ils seraient entendus en même temps que les autres appels, comme il est mentionné ci‑dessous.

 

[2]     L’appelante en appelle également – 2001‑4483(EI) – d’une décision datée du 19 septembre 2001 dans laquelle le ministre a décidé que l’emploi de Jerry Jahraus – avec American – au cours de la période du 16 octobre 2000 au 26 janvier 2001 représentait un emploi assurable et ouvrant droit à pension en vertu de la Loi et du Régime, respectivement, parce qu’il était employé dans le cadre d’un contrat de louage de services. Un appel séparé – 2001‑4485(CPP) – a été déposé et les parties ont convenu qu’il serait entendu en même temps que les autres appels déjà mentionnés.

 

[3]     Une autorisation pour modifier l’avis d’appel déposé dans le dossier 2001‑3601(EI) a été accordée à l’égard du paragraphe 1 de celui‑ci, pour substituer [traduction] « contrat d’entreprise » à [traduction] « contrat d’entreprise » à la ligne 1; en plus, une rectification a été apportée au paragraphe 35 dans laquelle on a remplacé la date [traduction] « 23 avril 2001 » par celle du [traduction] « 23 avril 2000 ».

 

[4]     Debbie Gamble a affirmé, dans son témoignage, qu’elle était première vice‑présidente de l’appelante et que – en février 2000 – elle travaillait au Service d’agence qui coordonne l’interaction entre les agents sur le terrain et l’établissement principal. Avant d’assumer cette responsabilité, Mme Gamble avait travaillé pour l’appelante pendant 22 ans en tant que vendeuse de polices d’assurance de personnes. L’appelante possède trois bureaux, un à Waco, au Texas, un autre en Indiana et un autre à Washington, DC. Il y a 250 employés au bureau de Waco qui ne sont pas directement impliqués dans la vente de polices d’assurance. Mme Gamble a affirmé que l’appelante conclut des contrats avec des personnes ou des entités en tant qu’agents à l’intérieur d’une région assignée et que ces personnes ou entités ont la possibilité de bâtir une plus grande agence. Il y a différents niveaux d’agents, comprenant un agent général de gestion (AGG), un agent général d’État (AGE) et des agents à trois autres niveaux qui gagnent différentes commissions basées sur le placement à l’intérieur de la structure organisationnelle appelée [traduction] « la hiérarchie ». L’appelante a commencé à opérer au Canada en juillet 1998 et elle possède actuellement des contrats avec 185 agents. Au cours des treize dernières années, American a probablement eu des contrats avec entre 240 et 300 agents par année, parce que le taux d’abandon est élevé. Mme Gamble a affirmé que le ministre a antérieurement rendu une décision dans laquelle 7 à 10 personnes avaient été déclarées être des employées, mais que, puisque les montants qui lui étaient réclamés étaient minimes, l’appelante a choisi de les payer plutôt que d’en appeler de la cotisation en résultant. Mme Gamble s’est rapportée à un contrat – pièce A‑1 – conclu entre American et Camille Burbank et à un autre – pièce A‑2 – conclu entre American et Jerry Jahraus. À la page 2, Mme Gamble se rapporte à une clause indiquant : [traduction] « L’agent n’est pas un employé de la société. » Selon la désignation du GE, M. Burbank avait le droit de recevoir une commission de 40 p. 100 sur la vente des polices. M. Jahraus était en mesure de recevoir le même taux, mais il était inscrit sous deux autres personnes qui avaient le droit de gagner des commissions basées sur ses ventes. Les contrats avec les agents potentiels étaient expédiés à Tania Donaldson, vice‑présidente adjointe en agence, à Waco, au Texas pour signer au nom de l’appelante. Mme Gamble a expliqué que les agents sont recrutés en raison d’annonces placées dans les journaux, mais celles‑ci ne sont pas payées par American. Au lieu de cela, elles sont insérées par les agents supérieurs existants cherchant à étendre la portée de leurs opérations. Chaque police vendue produit un montant précis de prime, mais il y a des taux de commission variables, parce que différents types d’assurance – comme l’accident et l’invalidité – ont des marges de profit moins élevées et que la rémunération aux agents à l’égard de cette couverture est d’environ 50 p. 100 de celle gagnée pour la vente d’une police d’assurance‑vie. Mme Gamble a déclaré qu’American ne fournissait aucune directive sur la manière avec laquelle les ventes devaient être faites et les agents n’étaient pas tenus de produire quelque rapport que ce soit. American n’a pas établi de route devante ni de territoire et il n’y avait aucune priorité ni aucun délai établi dans le but de motiver les agents à faire des ventes. American n’a aucune exigence selon laquelle un agent doit entreprendre un certain nombre de présentations dans un temps spécifié. L’appelante n’exigeait pas des agents qu’ils assistent à des réunions et ils étaient en mesure d’engager leurs propres travailleurs pour aider de différentes façons à condition que seul un agent autorisé puisse soumettre une demande de couverture d’assurance à l’appelante. MM. Burbank et Jahraus étaient tous les deux autorisés par la province d’Alberta et pouvaient vendre des polices d’assurance partout dans la province. Mme Gamble s’est rapportée à un T4A – pièce A‑3 – émis à M. Burbank – selon lequel il avait gagné la somme de 5 391,56 $ au moyen de commissions de travailleur indépendant au cours de l’année d’imposition 2000. Un T4A – pièce A‑4 – émis à M. Jahraus – indiquait que ses commissions de travailleur indépendant – en 2000 – étaient d’une somme de 1 227,54 $. Une lettre – pièce A‑5 – datée du 25 septembre 2000 – envoyée par le Service d’agence d’American à M. Burbank – l’informait qu’il devait la somme de 1 218,00 $ et que ce montant – s’il n’était pas remboursé – serait inclus dans le T4A. Une lettre semblable – pièce A‑6 – a été envoyée à M. Jahraus indiquant qu’il devait à American la somme de 1 952,00 $. Mme Gamble a expliqué que les agents pouvaient recevoir des avances sur les commissions anticipées découlant des renouvellements de première année des polices et que le système utilisait une formule pour déterminer le montant d’une avance, bien que la prime n’avait pas été reçue par l’appelante. Habituellement, les commissions étaient payées aux agents sur une base mensuelle – ou autrement, régulière – seulement après que l’appelante a reçu le paiement d’un détenteur de police. Les feuilles de grand livre concernant les gains et les paiements de commission à M. Burbank et à M. Jahraus ont été déposées comme pièces A‑7 et A‑8, respectivement. Mme Gamble a affirmé que le but des relevés du grand livre consistait à enregistrer la position monétaire d’un agent en rapport avec l’appelante. La tenue de livres est importante, parce que les contrats entre American et les agents ayant les désignations d’AGE ou d’AGG exigeaient que ces personnes assument toutes les dettes découlant des avances – par American – aux agents relevant d’eux dans la hiérarchie. Lorsqu’un agent présentait une demande remplie à American, un chèque en blanc accompagnait le formulaire et, si la police était délivrée par l’appelante, ledit chèque était alors utilisé afin d’établir un mécanisme avec l’institution financière désignée pour le retrait automatique chaque mois. La décision concernant la question de délivrer ou non la police – basée sur des niveaux de risques acceptables – ne revenait qu’à l’appelante. Puisque M. Burbank et M. Jahraus ne détenaient qu’une licence de niveau 1 en Alberta, ils n’étaient pas autorisés à vendre des polices pour d’autres sociétés qu’American, mais d’autres niveaux de licence autorisaient un agent à entreprendre la vente de produits offerts par d’autres assureurs. American ne possédait aucun bureau au Canada et les services fournis par les agents se faisaient habituellement à partir des résidences des détenteurs potentiels de polices. Afin de travailler, un agent avait besoin d’un véhicule, d’un téléphone cellulaire et d’un bureau à la résidence. Mme Gamble a affirmé qu’American fournissait des formulaires de vente uniformisés qui avaient préalablement été approuvés par un organisme de réglementation dans une certaine juridiction ou une autre en vue de la sollicitation d’affaires. Les agents devaient assumer leurs propres dépenses et n’étaient pas remboursés par l’appelante ni n’avaient aucune retenue à la source, puisqu’il avait toujours été dans l’intention de l’appelante que les agents exploiteraient leur propre entreprise en tant qu’entrepreneurs indépendants. Le bureau de Waco a reçu un avis – pièce A‑9 – de Mme Lyse de Calgary selon lequel la relation de M. Burbank – comme agent – avec American était résiliée, à compter du 15 septembre 2000. Un avis de résiliation – pièce A‑10 – en rapport avec M. Jahraus était en vigueur à compter du 26 janvier 2001.

 

[5]     En contre‑interrogatoire, Debbie Gamble a affirmé que le siège social d’American était à Waco, au Texas. Elle a été référée à un document – pièce R‑1 – indiquant une adresse à Calgary, en Alberta et Mme Gamble a affirmé qu’il y avait une entité – connue sous le nom de Altig – qui fonctionnait comme agent général d’État dans le cadre d’un contrat avec American. Altig plaçait des annonces dans les journaux de Calgary cherchant des personnes intéressées à vendre de l’assurance‑vie et elle était en mesure de payer des commissions à des niveaux divers aux agents travaillant pour elle. Chaque niveau d’agent est payé à un taux de commission différent et tant M. Burbank que M. Jahraus étaient à 40 p. 100 de commission pendant les soixante premiers jours de leur contrat. American s’occupait du suivi des montants de commission dus aux agents et ceux‑ci étaient payés mensuellement, mais des avances pouvaient être effectuées sur une base hebdomadaire. Altig – une entreprise d’agence appartenant à Richard Altig et exploitée comme une entreprise individuelle – faisait affaire dans 17 états des États‑Unis et dans les provinces de l’Ouest. American représentait la société pour laquelle tous les agents détenant des licences de niveau 1 émises par la province d’Alberta pouvaient solliciter le public en vue de vendre des polices. Mme Gamble a affirmé qu’American fournissait certains formulaires aux agents, tels que ceux requis pour changer les bénéficiaires ou les méthodes de paiement, mais qu’elle ne fournissait aucune référence directement.

 

[6]     En réinterrogatoire, Mme Gamble a affirmé qu’elle n’avait pas vu le document – pièce A‑1 – avant qu’on ne lui montre en Cour et elle a ajouté qu’American n’avait pas autorisé Altig à utiliser cette en‑tête en particulier. Pour ce qui est de conclure un contrat avec Altig comme une personne exploitant une agence en tant qu’entreprise individuelle, Mme Gamble a affirmé qu’il s’agissait d’une pratique commerciale habituelle d’American pour éviter de traiter avec des corporations, puisqu’elle désirait se réserver le droit de poursuivre une personne physique plutôt qu’une personne morale pour des dettes.

 

[7]     Melinda‑Rae Lyse a affirmé, dans son témoignage, qu’elle demeurait à Calgary, en Alberta et qu’elle était une agente général régionale vendant des polices d’assurance en vertu d’un arrangement contractuel avec American. Elle a débuté comme agente en 1994 et elle a déclaré qu’Altig possédait plusieurs bureaux au Canada et aux États‑Unis. Mme Lyse tient un bureau à partir de sa résidence et elle vend également des polices à Edmonton, en Alberta ainsi qu’à London, en Ontario. De plus, elle utilise les locaux d’Altig situés dans ces villes. À Calgary, elle travaille également dans les bureaux d’Altig, mais elle ne paie aucun loyer, puisqu’il ne s’agit pas d’un espace privé et que d’autres agents peuvent l’utiliser. Mme Lyse a expliqué qu’elle avait deux employés qui étaient tous les deux assujettis aux retenues à la source. Ils travaillent dans le bureau d’Altig à Calgary ou à partir de leur propre bureau à domicile. Elle est responsable du paiement de leurs salaires et elle n’est pas remboursée par Altig ou American. Mme Lyse a décrit la hiérarchie comme commençant – au sommet – avec l’agent général d’État ou AGE, une désignation détenue par Altig. Ensuite, il s’agit de l’agent général régional – AGR – et ensuite, il y a l’agent général de gestion – AGD – suivi de l’agent général – AG – et d’un agent surveillant ou AS. Mme Lyse a affirmé que – à titre d’AGR – elle recevait une partie de toutes les commissions gagnées par les personnes relevant d’elle dans la hiérarchie. En tant qu’agente de vente directe, son taux de commission était établi à 75 p. 100 de la prime perçue en rapport avec toute police vendue par ses propres efforts. Le contrat d’agent – pièce A‑1 – a également été signé par Mme Lyse en sa qualité d’AGD. Le contrat – pièce A‑2 – avec M. Jahraus a été signé par Steve Lee en tant qu’AGD et Mme Lyse en tant qu’AGR. Mme Lyse a affirmé qu’Altig avait placé des annonces cherchant des personnes – aptes à travailler comme agents – en invitant les personnes cherchant une carrière à répondre, mais il n’y avait aucune mention précise du produit à vendre. Une fois que les personnes étaient acceptées en tant qu’agentes – et qu’elles détenaient la licence requise – il n’y avait aucune nécessité pour elles de se rapporter au bureau d’Altig et les demandes d’assurances étaient livrées à l’AGD et/ou à l’AGR pour être transmises au bureau d’American à Waco. Il n’y avait pas d’horaire de travail établi, mais un modèle que l’agent pouvait suivre était fourni dans le but de réussir dans le domaine de l’assurance. À titre d’AGR, c’était dans son meilleur intérêt d’avoir des agents relevant d’elle qui pourraient réaliser des ventes, puisqu’elle recevait une part de toutes les commissions générées. Une présentation de documents imprimés – approuvés par l’Alberta Insurance Council – pouvait être utilisée par les agents. Chaque vendredi, habituellement, les agents faisaient rapport aux personnes dont ils relevaient dans la hiérarchie et fournissaient les détails du nombre de rendez‑vous effectués, des présentations effectuées et des ventes réalisées. Cependant, il n’était pas obligatoire d’être présent et M. Burbank et/ou M. Jahraus n’y étaient pas toujours. On retrouvait le plus haut taux de présence des agents – environ 75 p. 100 – aux réunions du personnel vendeur lorsque des sujets pertinents à l’augmentation de la production étaient discutés. Cependant, l’omission de se présenter n’avait aucune conséquence si un agent choisissait de ne pas y participer. Les agents étaient encouragés à rapporter les pistes qu’ils avaient suivies afin d’éviter qu’une visite soit refaite par un autre agent. Il n’y avait aucune capacité de prendre des mesures disciplinaires à l’égard d’un agent qui ne suivait pas les pistes, mais – en tant qu’AGR – Mme Lyse ne délivrait pas de cartes additionnelles avec des noms d’acheteurs potentiels. Bien qu’un agent licencié soit le seul autorisé à vendre la police d’assurance, d’autres personnes peuvent être engagées pour organiser des rendez‑vous et pour accomplir les aspects administratifs se rapportant à l’entreprise. Même si des agents avaient été engagés antérieurement pour vendre pour une autre compagnie d’assurance, ils devaient tout de même être formés – pendant un à trois jours – parce que le produit d’American était différent. Les documents d’étude ainsi qu’un exemple d’examen étaient fournis aux agents potentiels pour se préparer aux tests de licence. Mme Lyse a affirmé qu’American désirait que les agents génèrent, chaque trimestre, la somme de 12 000 $ en primes d’assurance‑vie annualisées, mais si ce but n’était pas atteint, une prolongation de trois mois était alors accordée. Les agents pouvaient obtenir une avance d’American calculée sur la base de 65 p. 100 des gains de commissions probables. Les statistiques concernant le nombre de visites de vente devant être effectuées dans le but de générer un certain niveau de revenu étaient fournies par American et étaient reconnues dans l’ensemble de l’industrie de l’assurance. Les visites de vente étaient effectuées au domicile des clients potentiels et un espace commun – dans les locaux d’Altig – était disponible les vendredis pour pouvoir remplir les documents nécessaires. Les agents pouvaient utiliser les photocopieurs et les télécopieurs, mais il n’y avait pas de ligne téléphonique spéciale disponible pour leur usage particulier. Les agents potentiels devaient être parrainés par une compagnie d’assurance et ils devaient acheter des livres – au coût de 75 $ – et payer un droit de 50 $ pour passer les deux examens, de même qu’un droit de licence de 85 $, s’ils obtenaient les notes de passage. L’ensemble des coûts pour les téléphones cellulaires, les fournitures de bureau, les dépenses d’automobile ou le divertissement et la promotion encourus par un agent n’était pas remboursés par qui que ce soit. Mme Lyse a affirmé que M. Burbank avait signé un contrat avec American sur la base qu’il opèrerait à titre d’entrepreneur indépendant. Selon son expérience, les personnes avaient suffisamment de temps pour lire, réfléchir et examiner les implications relativement au contrat avant de le signer et de le soumettre à American pour signature par un représentant désigné à Waco.

 

[8]     En contre‑interrogatoire, Melinda‑Rae Lyse a affirmé qu’American n’avait pas de bureau à Calgary, même si l’en‑tête – pièce R‑1 – indiquait le contraire. Toute la documentation et tous les documents se rapportant à la vente d’une police d’assurance font référence à American. On fournissait aux agents un script de 12 pages qu’ils devaient mémoriser et les présentations qui en découlaient étaient pratiquées dans une classe. Par la suite, les nouveaux agents « observaient » un agent expérimenté dans le but d’apprendre les techniques de vente et de se familiariser avec les détails du produit offert. Un agent occupant le rôle d’AGD communiquait avec un agent relevant de lui ou d’elle de temps à autre afin de découvrir comme les choses progressaient en ce qui avait trait à la vente de polices. Les AGD et les AGR étaient préoccupés par tout manquement à l’éthique ou par la fourniture de mauvais renseignements au cours des présentations de vente de la part des agents relevant d’eux dans la hiérarchie. Des agents à différents niveaux vérifiaient les documents des autres agents avant qu’ils ne soient soumis au siège social. Les agents supérieurs fournissaient des relations et des conseils dans le but d’aider les nouveaux agents à générer un niveau de revenu raisonnable. Entre 50 et 75 pistes – sous forme de cartes – étaient fournies aux agents chaque semaine par Altig et étaient supposées être retournées accompagnées d’un rapport à savoir si une relation avait été visitée et le résultat, le cas échéant. American désirait un rapport concernant toute mesure prise relativement à chaque piste fournie et les pistes n’étaient disponibles qu’aux réunions du vendredi matin. Certains agents fonctionnaient sur la base que 20 visites à des clients potentiels résultaient en six ventes et certains d’entre eux voyaient quatre personnes par jour pendant cinq jours, alors que d’autres pouvaient utiliser un autre modèle de travail qu’ils choisissaient parmi trois ou quatre modèles disponibles pour être mis en application. L’éventail de commissions était établi par American et débutait à 40 p. 100 pour le premier 10 000 $ de primes ou 60 jours – le premier des deux prévalant – et il était ensuite augmenté à 50 p. 100. American payait les commissions directement dans les comptes des agents et la pièce R‑1 – un exemple de rapport – énonçait les sommes payées à différents agents. American s’occupait des calculs nécessaires et envoyait également un chèque à Altig – ou à Mme Lyse – pour leur part appropriée relativement aux commissions d’un agent spécifique générées au cours d’une certaine période. Durant la période pertinente aux présents appels, le droit régissant les agents d’assurance en Alberta exigeait que la vente de polices constitue une occupation à plein temps. De la documentation de présentation – contenue dans un relieur à feuilles mobiles – était fournie aux agents par American. Les agents devaient payer pour leur propres cartes d’affaires, mais le logo d’American se retrouvait sur la carte. American était l’assureur pour les polices et elle établissait les primes que devait payer un détenteur de police. Une fois qu’American acceptait la demande d’assurance, le siège social s’occupait de toutes les perceptions de primes continues. Si une demande était rejetée, le chèque soumis avec le formulaire était retourné. Toutes les promotions à un niveau plus élevé dans la hiérarchie devaient être approuvées par le siège social d’American. Selon Mme Lyse, le retrait volontaire d’agents – en raison de niveaux de ventes insatisfaisants – réglait habituellement la question de la mauvaise productivité de certaines personnes au sein du personnel de vente.

 

[9]     En réinterrogatoire, Mme Lyse a affirmé que – à titre d’AGR – elle croyait au fait de prêcher par l’exemple. Elle était en mesure de gagner plus de revenus si les agents relevant d’elle étaient des vendeurs efficaces, parce qu’elle recevait une commission indirecte sur leurs commissions. Les pistes fournies aux agents provenaient d’une agence de relations publiques et étaient confiées à American plutôt que de provenir directement du propre bureau de l’appelante.

 

[10]    Camille Burbank a affirmé, dans son témoignage, qu’il avait travaillé en tant que vendeur au cours de la période pertinente et qu’il avait répondu à une annonce en expédiant son curriculum vitæ à l’adresse qui y était indiquée. Plus tard, il a reçu un appel pour se rendre à une rencontre. L’annonce n’avait pas mentionné que cela portait sur l’assurance‑vie et ce n’est que lors de la rencontre qu’il a découvert que cela portait sur la nature du produit et l’identité d’American. Cependant, ce n’est qu’environ dix mois plus tard qu’il a décidé de poursuivre la question, qu’il a expédié un autre curriculum vitæ au bureau d’Altig et qu’on lui a fait passer une entrevue. À ce moment‑là, on lui a offert la chance de vendre des produits d’assurance rendus disponibles par American. Il avait découvert qu’il devait étudier pour les examens – et les passer – dans le but d’obtenir une licence pour vendre de l’assurance. On lui avait fourni la documentation d’études et les exemples de tests. Il a participé à des séances de formation dans une classe pendant une période de quatre ou cinq jours et il a mémorisé un long script à être utilisé au cours des présentations de vente. Avant que Melinda‑Rae Lyse ne lui permette d’aller faire des visites de vente, il a dû démontrer sa compétence à faire la présentation et elle a travaillé avec lui dans des scénarios de jeux de rôles. M. Burbank a affirmé qu’on lui prodiguait des conseils ainsi qu’aux autres nouveaux agents selon lesquels il était imprudent de sortir du script préparé, mais il n’y avait pas de méthode permettant de surveiller que la présentation recommandée était respectée. On l’a informé du nombre de visites de vente qui devraient probablement être effectuées dans le but de produire le revenu nécessaire afin de maintenir un style de vie particulier. Il a signé un contrat – pièce A‑1 – mais il n’a jamais reçu de copie portant la signature de Tania Richardson, la représentante d’American. M. Burbank a affirmé qu’il comprenait la hiérarchie permettant à un agent de progresser par les différents niveaux. Au début de sa carrière de vendeur, M. Burbank a affirmé qu’il se rapportait à Steve Lee – un agent surveillant – concernant le progrès au niveau de l’activité de vente et qu’il se rendait à des visites avec M. Lee et d’autres agents, puisque ce plan d’action avait été fortement recommandé en tant qu’outil d’apprentissage. Il se rapportait quotidiennement – ou tous les deux jours à M. Lee – mais il le faisait principalement parce qu’il cherchait des réponses aux questions qui avaient été soulevées dans l’intervalle. Lors des réunions du vendredi, il y avait des discussions et des documents étaient remplis. Après deux semaines, M. Burbank a affirmé qu’il les remplissait lui‑même, mais que d’autres personnes au bureau d’Altig continuaient à aider à remplir les documents nécessaires avant qu’ils soient soumis au siège social d’American. Il était au courant du fait que d’autres agents avaient été contactés par M. Lee et/ou Mme Lyse si leur volume de vente était inadéquat. Il savait également que d’autres agents avaient engagé des secrétaires, mais – à son propre niveau de commissions – le revenu produit était insuffisant pour assumer ce coût. Des pistes étaient fournies aux agents à la suite de l’envoi de lettres aux syndicats et à d’autres groupes invitant les membres à participer à une protection de la garantie‑maladie supplémentaire. M. Burbank a affirmé qu’il recevait entre 40 et 50 pistes chaque semaine et l’on pouvait en obtenir plus pourvu que des mesures aient été prises – et les rapports faits – relativement à liasse qu’il avait reçue précédemment. Certaines pistes étaient distribuées – conformément aux codes postaux de Calgary – mais les agents étaient libres de développer leurs propres pistes et n’étaient pas limités à cette région – ou n’importe quelle autre – à l’intérieur de la province. À mesure que le temps passait, M. Burbank a affirmé qu’il n’avait plus de question à poser à M. Lee et – au lieu de cela – il a commencé à former de nouveaux agents et à leur donner des conseils. Puisque les pistes étaient distribuées après la réunion du vendredi, M. Burbank considérait obligatoire le fait d’y être présent. Il prenait des rendez‑vous pour voir des clients potentiels durant les soirées et les fins de semaine et visitait – rarement – des gens au cours de la journée. Le paiement de commissions de 40 p. 100 était fixé par American – sans négociation – mais il a était augmenté à 50 p. 100 une fois qu’un agent avait produit 10 000 $ de revenu de primes et il y avait une période de trois mois au cours de laquelle ce but pouvait être atteint, mais des prolongations étaient habituellement accordées. Selon M. Burbank, il n’y avait pas de stage en vigueur, puisque durant le processus de formation, des personnes – de leur propre gré – abandonnaient simplement. Une fois que les agents commençaient à faire leurs propres visites de vente, il n’y avait aucune forme de surveillance en vigueur. Il était payé conformément à un rapport de commissions qui lui était régulièrement fourni. M. Burbank a affirmé qu’il était au courant du fait qu’il pouvait opérer sa propre agence élargie – comme entreprise – de la même façon que Melinda‑Rae Lyse. M. Burbank utilisait sa propre voiture, son propre téléphone cellulaire et rencontrait des clients potentiels à leur domicile. Il a préparé son propre relieur de présentation à feuilles mobiles en utilisant des documents rendus disponibles au bureau d’Altig et on lui a fourni des trousses pour recueillir – à l’occasion – des échantillons de salive selon le type de police demandé par un proposant. M. Burbank a affirmé qu’il a toujours considéré les détenteurs de police comme des clients d’American et – une fois qu’une demande avait été approuvée – l’appelante s’occupait de toute l’administration subséquente se rapportant à la police. Certaines demandes étaient rejetées et s’il avait reçu une avance en anticipation qu’une police allait être approuvée, ce montant lui était alors réclamé et déduit d’un futur paiement qui serait déposé – électroniquement – dans son compte. M. Burbank a affirmé qu’il se voyait comme un travailleur indépendant vendant des produits appartenant à American.

 

[11]    En contre‑interrogatoire, Camille Burbank a affirmé que lorsqu’il avait formulé une demande de prestations d’assurance‑emploi, il avait avisé l’agent qu’il avait été un vendeur à son compte et qu’il avait été libre de choisir les heures de travail et la façon dont celui‑ci était effectué. Il n’a jamais fait valoir audit agent qu’il était un employé ou un agent d’American. Il était informé concernant Altig, mais ne comprenait pas la nature de la relation entre cette entreprise et American et lorsqu’il utilisait le script de 12 pages, il ne se rappelait pas du nom – le cas échéant – pour identifier la paternité ou la propriété de cette documentation de formation. Quant à la supervision, M. Burbank a affirmé que c’était dans les deux sens et qu’il entreprenait habituellement des visites pour M. Lee ou à Mme Lyse pour de l’aide relativement à un aspect de l’entreprise. Quelquefois, il s’agissait simplement une question qui avait été soulevée en rapport avec les documents. M. Burbank a affirmé qu’il avait probablement manqué une ou deux réunions du vendredi et il pense qu’il aurait communiqué un motif pour son absence. Les réunions du personnel vendeur réunissaient de 7 à 18 personnes selon le vendredi en particulier dans la période pertinente et il y avait une rotation constante d’agents. Il a décrit les réunions comme [traduction] « une atmosphère d’équipe dans laquelle les gens s’aidaient les uns les autres ». M. Burbank a affirmé qu’il acceptait la plupart des suggestions des agents supérieurs dans un effort pour améliorer les ventes et les amitiés développées en conséquence de cette interaction. Les cartes contenant des renseignements concernant des clients potentiels – ou des pistes – comportaient une adresse de retour de Waco, au Texas. M. Burbank a affirmé qu’il n’y avait aucune exigence pour se présenter au bureau d’Altig et que la formation avait eu lieu dans une classe. Il devait passer les examens dans le but d’obtenir son certificat qui précisait qu’American était la compagnie fournissant le produit qu’il était autorisé à vendre. Dans les locaux d’Altig, il n’avait aucun téléphone ni d’espace de bureau désigné, mais il avait accès au télécopieur et au photocopieur. M. Burbank a affirmé qu’il avait décidé de résilier sa relation avec American, parce qu’il avait conclu qu’il ne croyait plus au produit. Avant de devenir un agent d’assurance, il avait travaillé comme vendeur chez une société de revêtements de sol et actuellement, il vend des uniformes commerciaux. Vers la fin de sa carrière comme vendeur d’assurance, il avait des difficultés à se motiver pour faire des visites, mais aucune mesure disciplinaire n’a jamais été prise en conséquence de son activité de vente réduite. Au cours de la période pertinente, on ne lui a jamais demandé d’exécuter quelque autre tâche pour American et il comprenait qu’on s’attendait à ce qu’il remplisse l’exigence de faire des ventes conformément à son contrat écrit.

 

[12]    L’avocate de l’appelante a soumis que le travailleur – M. Burbank – était raisonnablement fondé de croire qu’il était un travailleur indépendant, faisant affaire pour lui‑même en utilisant des compétences pour la vente qu’il avait acquises auparavant. De la façon dont l’avocate perçoit la preuve, il y avait une démonstration claire du manque de contrôle ou de supervision des activités des agents et toutes les restrictions imposées résultaient souvent de l’obligation de respecter les règles de licence et la politique de réglementation administrée par le ministère approprié du gouvernement provincial. En tenant compte de toute la preuve, l’avocate a soumis que la meilleure approche consistait de voir les agents – MM. Burbank et Jahraus – comme des personnes qui faisaient affaire dans le domaine de la sollicitation de ventes de polices d’assurance et – à ce titre – étaient sujets à la chance de bénéfice et au risque de perte découlant de l’exécution du travail prévu au contrat.

 

[13]    L’avocate de l’intimé a concédé que l’industrie de l’assurance‑vie est quelque peu inhabituelle et elle a accepté que certains agents pouvaient développer leur volume de vente au point où ils deviennent des entrepreneurs faisant affaire à leur propre compte. Cependant, en ce qui a trait à M. Burbank et à M. Jahraus ainsi qu’à d’autres agents qui étaient des novices au sein de cette branche particulière de la vente, la preuve fait pencher la balance du côté du fait qu’ils étaient des employés d’American et que le degré de contrôle et de supervision exercé était plus important qu’il n’y paraît à prime abord. L’avocate a soumis que l’entreprise en question était clairement celle d’American et que MM. Burbank et Jahraus n’avaient pas acquis suffisamment d’indépendance au cours des courtes périodes d’emploi – dans chacun des cas – dans le but de sortir du moule.

 

[14]    La Cour suprême du Canada – dans une décision récente – 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 (2001 CSC 59; 274 N.R. 366) – (Sagaz) traite d’un cas de responsabilité du fait d’autrui et, en examinant une variété de questions pertinentes, la Cour devait également se pencher sur la question de savoir ce que constitue un entrepreneur indépendant. Le jugement de la Cour a été rendu par le juge Major qui a examiné le développement de la jurisprudence dans le contexte de l’importance de la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant relativement à l’impact que cela avait sur la question de la responsabilité du fait d’autrui. Après s’être référé aux motifs du juge MacGuigan dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 ([1986] 2 C.T.C. 200) et aux références qui y sont faites au critère de l’organisation de Lord Denning – et à la synthèse du juge Cooke dans l’arrêt Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 – le juge Major a statué ce qui suit aux paragraphes 45 à 48, inclusivement, de son jugement :

 

Enfin, un critère se rapportant à l'entreprise elle‑même est apparu. Flannigan (loc. cit., p. 30) énonce le [TRADUCTION] « critère de l'entreprise » selon lequel l'employeur doit être tenu responsable du fait d'autrui pour les raisons suivantes : (1) il contrôle les activités du travailleur, (2) il est en mesure de réduire les risques de perte, (3) il tire profit des activités du travailleur, (4) le coût véritable d'un bien ou d'un service devrait être assumé par l'entreprise qui l'offre. Pour Flannigan, chaque justification a trait à la régulation du risque pris par l'employeur, et le contrôle est donc toujours l'élément crucial puisque c'est la capacité de contrôler l'entreprise qui permet à l'employeur de prendre des risques. Le juge La Forest a lui aussi formulé un « critère du risque de l'entreprise » dans l'opinion dissidente qu'il a exposée relativement au pourvoi incident dans l'arrêt London Drugs. Il a écrit, à la p. 339, que « [l]a responsabilité du fait d'autrui a pour fonction plus générale de transférer à l'entreprise elle‑même les risques créés par l'activité à laquelle se livrent ses mandataires. »

 

À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l'arrêt Stevenson Jordan, précité, qu'il peut être impossible d'établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [TRADUCTION] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d'apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l'opinion du juge MacGuigan lorsqu'il affirme ‑‑ en citant Atiyah, op. cit., p. 38, dans l'arrêt Wiebe Door, p. 563 ‑‑ qu'il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

[TRADUCTION] [N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant [page1005] d'identifier les contrats de louage de services [...] La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui‑même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

 

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

 

[15]    Une analyse de la décision de la Cour suprême du Canada a été entreprise par Joel Nitikman, un associé chez Fraser Milner Casgrain, s.r.l., à Vancouver, en Colombie‑Britannique. Dans un article intitulé « 671122 Ontario Ltd. v. Sagaz Industries Canada Inc. : Employee vs. Independent Contractor » publié dans le Canadian Current Tax, décembre 2001, volume 12, no 3, à la p. 30, Nitikman a discuté du développement de la jurisprudence dans ce domaine, y compris de l’arrêt Wiebe, précité, qui a suivi la décision du Conseil privé dans City of Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd. et al., [1947] 1. D.L.R. 161 (CP), aux p. 169 et 170, confirmant [1945] 4 D.L.R. 225 (C.S.C.). À la suite d’un examen des motifs du juge Major, Nitikman – à la p. 32 – a conclu ce qui suit :

 

[traduction]

 

Donc, il est maintenant évident que pour trancher la question employé c. entrepreneur, les facteurs mentionnés ne constituent pas des critères en soi, mais représentent simplement des éléments de preuve qui peuvent avoir plus ou moins d’importance dans une situation particulière lorsqu’il s’agit de déterminer si le travailleur fait simplement partie de l’entreprise du payeur ou s’il travaille réellement à son compte.

 

[16]    J’examinerai les faits en rapport avec les indices énoncés dans le jugement du juge Major dans l’arrêt Sagaz.

 

          Degré de contrôle :

 

[17]    La preuve révèle que le travailleur M. Burbank et les autres agents ont eu la possibilité de faire leurs visites de vente et leurs présentations selon leur propre horaire, une fois qu’ils avaient obtenu la licence appropriée et qu’ils avaient commencé à maîtriser le script qui leur avait été fourni – à titre de modèle – pour être suivi au cours des visites aux clients potentiels. Le témoignage de M. Burbank indiquait que sa communication avec l’agent surveillant – Steven Lee – était dans les deux sens et qu’il avait demandé des conseils à M. Lee et à d’autres agents plus expérimentés pendant les deux premières semaines. Après cela, il avait demandé des conseils – de temps à autre – mais cela concernait habituellement la manière de remplir les documents avant de les soumettre au siège social de l’appelante. M. Burbank ne se sentait pas comme s’il était assujetti à quelque contrôle ou mesure disciplinaire que ce soit et, lorsqu’il a commencé à être désillusionné, il a simplement commencé à réduire son activité de vente jusqu’à ce qu’il en arrive à quitter. Il utilisait les pistes fournies comme un outil de marketing, mais il a toujours su qu’il avait le droit de vendre des polices d’assurances à toute personne située dans la province d’Alberta. Il considérait le fait d’être présent aux réunions de vente du vendredi comme ayant été obligatoire, mais il s’était absenté à au moins deux d’entre elles, quoiqu’il ait fourni une excuse pour son absence à chacune des occasions. Il établissait son propre horaire pour faire des visites de vente et il avait découvert qu’il devait travailler le soir et les fins de semaine, lorsque les détenteurs de police potentiels seraient à la maison. L’atmosphère au bureau d’Altig semblait être caractérisée par des agents expérimentés qui en aidaient d’autres qui étaient nouveaux dans ce domaine de vente hautement spécialisé. Bien sûr, certains des agents supérieurs recevaient une commission indirecte sur les ventes des agents relevant d’eux et étaient motivés pour agir comme mentors dans le but que la production s’améliore au sein du personnel de vente. Le contrôle exercé par American était pratiquement nul en ce qui concerne l’exécution des activités de vente par les agents. Les mesures prises – par les agents supérieurs – afin de modifier le comportement d’autres agents ne relevaient pas de l’agence au nom d’American; cela visait plutôt à servir leurs propres intérêts, parce qu’ils recevaient une tranche de la commission sur les ventes faites par les agents relevant d’eux. Certaines exigences devaient être remplies dans le but de respecter les normes de licence et de réglementation établies par le gouvernement provincial ou le conseil de l’industrie et quelques unes de celles‑ci étaient énoncées dans le contrat de l’agent – pièces A‑1 et A‑2 – sous le titre, « Obligations de l’agent. » M. Burbank ne se voyait pas comme ayant déjà été assujetti à quelque sorte de stage que ce soit et il a fait remarqué que c’était le processus de formation – en tant que tel – qui avait pour effet d’éliminer ceux dont la vente d’assurance‑vie ne leur convenait pas.

 

Fourniture de l’outillage et/ou des assistants :

 

[18]    La preuve révèle que Melinda‑Rae Lyse – une agente supérieure – avait engagé deux adjoints pour l’aider au niveau de l’administration associée à la direction de son entreprise qui était consacrée à la vente de polices d’assurance. Bien que seul l’agent autorisé pouvait faire la vente, d’autres tâches étaient effectuées par les assistants qui étaient payés par Mme Lyse sans remboursement de la part d’Altig ou d’American. Au cours de la période pertinente, M. Burbank savait que sa structure courante de commission et son niveau de ventes ne généraient pas suffisamment de revenus de primes pour lui permettre d’engager des adjoints, mais il comprenait également que – avec le temps – il pouvait devenir comme Mme Lyse en ce que l’ensemble des volumes de vente provenant de ses propres efforts – et de ceux des agents relevant de lui – pouvait croître au point où il pourrait retenir les services de travailleurs pour s’occuper des aspects administratifs de l’entreprise. Il utilisait son propre véhicule et en supportait tous les coûts. Il fournissait son propre téléphone cellulaire et payait les dépenses qui y étaient associées. Il était responsable des déboursés associés à l’obtention de sa licence de vente et il payait toutes les autres dépenses découlant de son activité de vente. Il avait préparé son propre relieur à feuilles mobiles – pour utilisation au cours des présentations de vente – en rassemblant de la documentation provenant de différentes sources, y compris Altig. Au bureau d’Altig, il était en mesure d’utiliser le télécopieur et le photocopieur – sans frais – mais il n’y avait pas d’espace de bureau désigné ou de ligne téléphonique dédiée à l’usage exclusif des agents.

 

Étendue des risques financiers et de la responsabilité des mises de fonds et de la gestion :

 

[19]    Selon la compréhension que M. Burbank avait de sa relation avec American, il était un travailleur indépendant vendant des produits appartenant à American. Il était au courant que son niveau de licence actuel délivré par le gouvernement provincial ne lui permettait que de vendre des produits offerts par American. Il était conscient que son rôle dans l’ensemble du système consistait à solliciter les personnes pour qu’ils présentent des demandes de couverture d’assurance qui étaient ensuite soumises à American pour approbation ou rejet. C’était American – détenant le pouvoir en tant qu’assureur en vertu de la législation fédérale et provinciale – qui pouvait offrir des polices d’assurance au public. Une fois qu’une police était approuvée, les mécanismes de perception des primes étaient remplacés par l’appelante utilisant sa propre infrastructure. La preuve présentée par l’appelante établit que les agents devaient faire un certain nombre de visites de vente efficaces dans le but de conclure un nombre correspondant de ventes qui générait un montant de revenu vérifiable du fait qu’ils avaient droit de recevoir un certain taux de commission selon le poste de l’agent au sein de l’ensemble de l’organisation de l’entreprise structurée verticalement. Il n’y avait aucune garantie de revenu et toute avance sur les ventes projetées étaient déduites du revenu de commission réel, gagné et à venir. M. Burbank, M. Jahraus et d’autres agents étaient tenus d’assumer les risques financiers d’obtenir la licence et les outils du commerce, y compris un bureau à la maison – dans le but d’entreprendre le travail nécessaire afin de produire un revenu. On s’attendait à ce qu’une approche responsable envers l’activité de vente conduise à la vente de couverture d’assurance augmentée – ou supplémentaire – et il y avait la possibilité de continuer à gagner des commissions pour le renouvellement de la couverture sur une base continue pour une certaine période suivant la vente initiale. Une saine gestion, comme le maintien des rapports avec les détenteurs de police, pourrait limiter l’étendue des déchéances de polices, ce fléau redouté au sein de l’industrie de l’assurance. La soumission rapide – au bureau de l’appelante à Waco – des formulaires de demande dûment remplis et des autres documents connexes garantirait que le revenu de commission puisse être calculé et versé au compte de l’agent en particulier en temps opportun.

 

Possibilité de tirer profit de l’exécution des tâches :

 

[20]    La chance de bénéfice demeurait entièrement entre les mains de MM. Burbank et Jahraus. Il n’y avait aucun salaire de formation, ni d’allocation de stage ni de garantie de salaire minimuM. Ces personnes étaient totalement livrées à elles‑mêmes et si les revenus de vente ne coïncidaient pas avec les dépenses, il n’y aurait aucun bénéfice, malgré les efforts important déployés à cette fin. Il y avait un taux de roulement élevé parmi les agents et on peut comprendre les motifs des nombreuses personnes qui décident de ne pas demeurer dans ce domaine d’activité. Le commerce de l’assurance‑vie est caractérisé par l’activité solitaire de l’agent de vente qui fait cavalier seul dont le dévouement à la tâche donne soit des résultats heureux et rentables ou un désappointement cruel selon l’effort, le talent, l’aptitude de la personne ainsi qu’une variété d’impondérables, y compris l’apparence de bonne fortune. Dans le cas où M. Burbank ou M. Jahraus pourraient devenir agents supérieurs au sein de la hiérarchie et pourraient en recruter d’autres qui relèveraient d’eux dans leur travail, la possibilité d’en tirer profit augmenterait alors, puisqu’ils seraient – comme Melinda‑Rae Lyse – en mesure de gagner de l’argent à partir des efforts d’autres.

 

[21]    Dans la décision de Cie d’assurance Combined d’Amérique c. Canada (Ministre du Revenu national ‑ M.R.N.), [1999] A.C.I. no 113, le juge MacLatchy a décidé qu’une représentante d’assurance était une entrepreneure indépendante en ce qu’elle était responsable de la gestion de ses propres activités et qu’elle devait assumer les dépenses associées aux visites de vente. Le juge MacLatchy a conclu que les travailleurs exploitaient leur propre entreprise et – au paragraphe 16 de son jugement – il a déclaré :

 

[...] Ils dirigeaient leur propre entreprise, ce qui veut dire qu’ils créaient leur propre clientèle, qu’ils embauchaient le personnel de soutien, tenaient à jour les permis, faisaient les remises exigées, payaient les assurances responsabilité et fidélité requises sans ingérence de la part de l’appelante ou sans obtenir l’approbation de celle‑ci.

 

[22]    Dans la cause susmentionnée, il y avait une garantie de huit semaines pour une somme de 3 200 $, mais cet arrangement avait été fait entre la travailleuse et le directeur des ventes ainsi que le directeur de district et non par la compagnie d’assurance appelante.

 

[23]    Dans la décision Mutuelle du Canada, compagnie d’assurance sur la vie c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [1996] A.C.I. no 668, le juge Hamlyn a décidé que le travailleur – un représentant d’assurance‑vie – était un entrepreneur indépendant. Le juge Hamlyn a conclu que l’agent de vente était libre de choisir l’emplacement de son bureau ainsi que la méthode de marketing et qu’il fournissait presque tous les outils de base nécessaires, y compris le véhicule, le bureau et les fournitures. La rémunération était totalement basée sur des commissions provenant des ventes, mais si les dépenses dépassaient les revenus, les pertes étaient assumées par le travailleur.

 

[24]    Dans les présents appels, il est évident qu’il y a deux entreprises différentes exploitées en même temps. L’une d’elles – du point de vue de M. Burbank – découle de son activité comme travailleur indépendant faisant affaire dans le commerce de la sollicitation à l’égard de couverture d’assurance auprès des membres du public. Il a entrepris les étapes nécessaires afin de devenir autorisé et formé dans le but de se mettre dans une position où il pourrait gagner un revenu de commissions à partir de la vente de polices. Une fois qu’il avait rempli le formulaire de demande et fourni les renseignements nécessaires – y compris une méthode pour le paiement des primes – sa tâche était terminée. La question de savoir si une police était délivrée ou non dépendait d’American, l’assureur ayant le pouvoir de souscrire la police. Jusqu’à ce moment‑là, il devait compter sur sa capacité d’utiliser judicieusement les pistes et d’utiliser ses compétences administratives et organisationnelles afin de fixer des rendez‑vous d’une façon efficace et rentable et de maximiser ses compétences de présentation dans le but de conclure une plus grande proportion de ventes par rapport aux visites de vente effectuées. Encore une fois, il faut souligner que la jurisprudence demande que la Cour aborde l’analyse à partir du point de vue des personnes présumées avoir été des employés.

 

[25]    Dans l'affaire Le ministre du Revenu national c. Emily Standing, C.A.F., nA‑857‑90, 29 septembre 1992, le juge Stone a dit ce qui suit à la page 2 (147 N.R. 238, aux pages 239 et 240) :

 

[...] Rien dans la jurisprudence ne permet d'avancer l'existence d'une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l'arrêt Wiebe Door. [...]

 

[26]    Dans les présents appels, les travailleurs ont agi d’une manière compatible avec l’entente écrite qui – sans doute – est un peu curieuse dans le sens que des agents supérieurs – M. Lee et/ou Mme Lyse – étaient également des signataires sans être réellement des parties au contrat entre American et M. Burbank ou American et M. Jahraus. Sur la feuille – jointe aux deux pièces A‑1 et A‑2 – MM. Burbank et Jahraus, respectivement, sont appelés – ayant inscrit un « X » dans la case appropriée – des « SG », apparemment une autre forme de désignation à être appliquée à un agent. Aucune explication n’a jamais été fournie concernant la signification de ces initiales, sauf que cela s’applique manifestement aux débutants arrivant tout juste dans le personnel de vente.

 

[27]    Ayant examiné l’ensemble de la preuve, je suis convaincu que l’appelante a démontré que les décisions rendues par le ministre sont incorrectes, parce que selon la réponse à la question principale, MM. Burbank et Jahraus rendaient chacun des services comme des personnes en affaires à leur propre compte. Les appels sont accueillis et les décisions pertinentes du ministre sont, par les présentes, modifiées comme suit :

 

          que Camille Burbank n’était pas employé par American Income Life Assurance Company dans un emploi assurable ou ouvrant droit à pension durant la période du 23 avril au 23 août 2000, parce qu’il était un entrepreneur indépendant.

 

          que Jerry Jahraus n’était pas employé par American Income Life Assurance Company dans un emploi assurable ou ouvrant droit à pension durant la période du 16 octobre 2000 au 26 janvier 2001, parce qu’il était un entrepreneur indépendant.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique),

ce 18e jour de juillet 2002.

 

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

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