Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2003-2412(EI)

ENTRE :

CAMIL OUELLET,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 20 avril 2004 à Baie-Comeau (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Avocate de l'appelant :

Me Lise Bibeau

Avocate de l'intimé :

Me Julie David

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mai 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2004CCI367

Date : 20040514

Dossier : 2003-2412(EI)

ENTRE :

CAMIL OUELLET,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel d'une détermination en date du 15 avril 2003. La décision était que le travail exécuté par l'appelant durant la période du 23 juin au 28 septembre 2002, pour le compte de la Société 9104-5658 Québec Inc., n'était pas assurable pour le motif qu'il ne s'agissait pas d'un véritable contrat de louage de services.

[2]      Pour expliquer et justifier la détermination portée en appel, l'intimé s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)      Le payeur, constituée le 18 mai 2001, se spécialise dans l'achat et la vente de petits fruits;

b)      L'unique actionnaire du payeur est Daniel Racine;

c)      Le payeur a une activité saisonnière qui se déroule de l'été jusqu'à l'automne;

d)      Le payeur achète principalement des bleuets sur la côte nord du fleuve St-Laurent et les revend à des détaillants de Montréal;

e)      L'appelant a été embauché par le payeur en vertu d'une entente verbale;

f)       Les tâches de l'appelant consistaient à acheter les bleuets des bleuetières ou des cueilleurs indépendants, d'en vérifier la qualité, de les peser et de les transvider dans des paniers en bois pour ensuite les entreposer dans son garage;

g)      Les bleuets étaient achetés en proportion égales entre les bleuetières et les cueilleurs indépendants;

h)      L'appelant recevait chez lui les cueilleurs de bleuets et organisait son propre horaire de travail;

i)       L'appelant avait la responsabilité de défrayer le coût des annonces publicitaires l'identifiant, auprès des cueilleurs de bleuets, comme étant l'acheteur;

j)       Il n'existait aucune entente particulière entre le payeur et les vendeurs de bleuets;

k)      Le payeur établissait le prix des bleuets que l'appelant achetait;

l)       L'appelant a assumé une perte de revenus lorsqu'il a dû revendre, à un prix inférieur, les bleuets de moindre qualité que le payeur avait refusés;

m)     L'appelant qui utilisait son garage à titre d'entrepôt, a dû défrayer pour l'achat d'un ventilateur de plafond;

n)      L'appelant utilisait un bureau dans sa résidence personnelle afin de compiler ses achats;

o)      L'appelant a souscrit à une assurance pour la responsabilité civile;

p)      Le payeur n'exerçait aucun contrôle sur le travail de l'appelant. Il se présentait chez ce dernier aux 2 jours afin de ramasser les bleuets et, par la même occasion, lui remettre des paniers vides;

q)      La récolte a débuté durant la 1ère semaine du mois d'août et s'est terminée le 28 septembre 2002;

r)      Du 23 juin jusqu'au début d'août 2002, l'appelant n'a que réparé quelques paniers brisés fournis par le payeur et a assemblé les boites de carton contenant les petits casseaux;

s)      L'appelant avait la responsabilité d'embaucher du personnel pour le remplacer lors d'absence;

t)       Pendant la période en litige, il a occasionnellement eu recours aux services de sa fille;

u)      L'appelant recevait une rémunération brute hebdomadaire de 700 $ qui lui a été versée en argent comptant aux 2 semaines.

[3]      Plusieurs faits niés se sont avérés véridiques; je fais notamment référence aux paragraphes a), b), h), m), n), o), q) et t). Les faits admis sont ceux aux paragraphes c), d), e), f), i), j), k) et u).

[4]      Lors de son témoignage, l'appelant a minimisé l'importance de plusieurs hypothèses de fait. Il a notamment admis avoir déboursé les coûts de publicité, mais a ajouté qu'il s'agissait d'un montant tout à fait minime.

[5]      Il admet avoir subi des pertes à la suite de l'achat de bleuets de piètre qualité, mais a ajouté qu'il s'agissait seulement de quelques paniers dont le poids était de 14 livres et demie chacun.

[6]      Il admet avoir payé l'acquisition du ventilateur, en ajoutant l'avoir installé lui-même et avoir déboursé un montant d'environ 35 $ pour l'achat.

[7]      Même minimisation pour les travaux de peinture de son garage, pour l'utilisation du garage, pour l'utilisation d'un bureau dans sa maison, pour les frais d'appels - rares, selon l'appelant - et pour l'utilisation du coffre-fort dont il était propriétaire avant le début de la période en litige.

[8]      Il a reconnu avoir souscrit une police d'assurance au début des années 2000 alors qu'il avait fait une tentative dans le commerce du bleuet. Les primes pour la couverture étant peu élevées, il a décidé de renouveler le contrat année après année, d'où le fait que la police soit encore en vigueur lors de la période en litige.

[9]      Sa fille l'a aidé, mais essentiellement de façon ponctuelle, le temps qu'il puisse se rendre à la banque pour aller chercher le comptant dont il avait besoin dans le cadre des opérations.

[10]     Pour ce qui est du travail exécuté avant le début de la cueillette des bleuets à la fin juillet ou au début août, là, les choses étaient très différentes; il a alors soutenu que l'intimé avait minimisé la quantité de travail. Selon l'appelant, il avait effectivement effectué un travail fort important en réparant et préparant un très grand nombre de contenants devant ensuite être remplis de bleuets.

[11]     Depuis le début des années 1990, l'appelant exploitait sa propre entreprise de nettoyage et de lavage de tapis ainsi que de vente, de réparation et d'entretien d'aspirateurs de marque « Rambo » . Il a indiqué avoir totalement cessé les activités commerciales de son entreprise durant la période en litige, soit du 23 juin au 28 septembre 2002.

[12]     L'appelant était disponible chez lui de très tôt le matin jusqu'à tard tous les jours et ce, plus particulièrement durant la période forte de la cueillette des bleuets, s'étalant de la fin juillet à la fin septembre, alors qu'il recevait les cueilleurs qui venaient lui vendre leurs produits.

[13]     Selon l'importance des achats quotidiens effectués, monsieur Racine, que l'appelant a décrit comme son employeur venait en prendre possession; il lui remettait l'argent le plus souvent au comptant, afin qu'il puisse poursuivre les achats de bleuets.

[14]     L'appelant a indiqué qu'il était responsable des comptes; en d'autres termes, si les comptes n'étaient pas en équilibre, il devait assumer la perte.

[15]     Étant donné qu'il y avait des faits pour le moins surprenants à certains égards pour quelqu'un qui ne se considérait que comme employé ou salarié, il aurait été très important de témoigner le payeur pour obtenir une version des faits plus complète, mais aussi plus nuancée, afin que le tribunal puisse avoir une preuve plus complète, mais aussi plus transparente.

[16]     Même si le tribunal acceptait la version des faits soumise par l'appelant comme totalement véridique, plusieurs éléments militent pour la conclusion que l'appelant exploitait sa propre entreprise lors de la période en litige.

[17]     Les montants investis dans la publicité, l'achat d'équipement (peinture et ventilateur) les appels interurbains, l'électricité et l'utilisation des lieux (garage, coffre-fort et bureau) ne représentaient pas des déboursés importants, mais il s'agissait tout de même là d'éléments qui ne sont pas propres à un contrat de louage de services.

[18]     Même si les outils utilisés appartenaient déjà à l'appelant avant le début de la période en litige, cela était sans effet sur la qualification de la nature du travail exécuté.

[19]     Même si les pertes n'étaient pas substantielles, l'appelant a fait référence à trois paniers de 14 livres et demie chacun; il a toutefois admis qu'il avait la responsabilité des bleuets malpropres ou de mauvaise qualité. Il a aussi indiqué que si le montant de l'encaisse n'était pas en équilibre, il en était responsable; il y a lieu de présumer qu'il aurait dû assumer les conséquences d'un vol de la caisse, ou de la perte de l'inventaire en totalité ou partie due à une avarie, au feu, au vol, ou autre.

[20]     L'exercice visant à déterminer si un travail donné a été exécuté dans le cadre d'un contrat d'entreprise ou d'un contrat de louage de services ne nécessite pas nécessairement qu'il existe des situations factuelles à l'appui de l'un ou l'autre des possibilités. il suffit d'être en mesure de pouvoir répondre aux questions hypothétiques soulevées par la présence ou non des critères distinctifs.

[21]     À titre d'exemple, si une personne devait assumer les coûts de publicité, devait être propriétaire des outils de travail et devait assumer tous les risques liés à l'activité en litige, les chances que l'on soit en présence d'un contrat d'entreprise seraient très élevées et ce, même si aucun déboursé n'a été fait et aucune perte subie.

[22]     Il en est ainsi au sujet du contrôle; la Cour d'appel fédérale a souvent rappelé que l'existence d'un contrat de louage de services ne nécessite pas la preuve d'un contrôle réel, mais plutôt la preuve de l'existence d'un pouvoir de contrôle. En d'autres termes, le contrôle n'a pas besoin d'avoir été et d'être exercé, il suffit que le droit de contrôle existe pour qu'on soit en présence d'un contrat de louage de services.

[23]     Le même principe existe quant au critère du « risque de perte et chance de profit » . Il n'est pas essentiel de faire la preuve d'un profit ou d'une perte substantiel pour qualifier un travail; il suffit de vérifier ou d'analyser si la personne qui a exécuté le travail en cause avait ou non des chances de profit ou des risques de perte lors de l'exécution du travail.

[24]     Certaines explications et divers faits rapportés par l'appelant ont soulevé des doutes très réels quant à la vraisemblance, d'où il aurait été souhaitable que la preuve soit plus complète.

[25]     Je fais notamment référence à l'absence du payeur Racine, au fait que la rémunération était payée au comptant, au fait que le travail en litige correspondait au nombre exact d'heures requises pour avoir droit à l'assurance-emploi et, finalement, au fait que la rémunération était telle qu'elle permettait à l'appelant d'avoir droit au montant maximal de prestations d'assurance-emploi. L'appelant a également soutenu avoir totalement interrompu les activités de l'entreprise qu'il exploitait depuis le début des années 1990, ce qui est plus que surprenant.

[26]     L'appelant exploitait depuis le début des années 1990 une entreprise de lavage et de nettoyage de tapis, tout en faisant la vente, le service et la réparation d'appareils de marque « Rambo » . Comment imaginer qu'il soit possible de suspendre pendant trois mois toute activité pour se consacrer à un autre travail?

[27]     En 2000, il avait tenté sa chance dans le commerce du bleuet. En 2003, il a repris l'activité, mais à titre d'entrepreneur qui vendait son produit auprès à plusieurs acheteurs. En 2002, il prétend avoir été un simple employé travaillant sous les ordres et les directives d'un certain monsieur Racine moyennant un salaire hebdomadaire brut de 700 $. Ces faits auraient dû faire l'objet d'une preuve plus complète.

[28]     L'appelant avait le fardeau de la preuve. Il a soumis une preuve constituée de son seul témoignage. Son témoignage a été nébuleux quant à certains éléments pourtant fort importants pour permettre une analyse complète. Il a cependant fait ressortir plusieurs éléments qui soutiennent fortement que le travail exécuté l'a été dans le cadre de sa propre affaire.

[29]     À l'appui de cette conclusion, je rappelle que l'appelant assumait les risques de perte, qu'il était propriétaire de plusieurs outils de travail, les plus importants étant son garage, son ventilateur, son téléphone, et son bureau. Finalement, aussi bien avant qu'après la période en litige, il exploitant sa propre entreprise.

[30]     Quant à la présence ou non d'un réel pouvoir de contrôle, il aurait été utile, voire essentiel, que la personne dont on prétend qu'elle détenait un tel droit, soit un certain monsieur Racine, vienne devant le tribunal pour le démontrer.

[31]     L'appelant a affirmé avoir été rémunéré en argent comptant. Il aurait reçu une rémunération lui permettant de toucher le montant maximal à titre de prestations. La période du prétendu travail assurable correspond exactement au nombre d'heures dont il avait besoin pour avoir droit aux prestations d'assurance-emploi. Finalement, celui qui aurait pu apporter des précisions d'une importance fondamentale quant à la présence ou non d'un quelconque pouvoir de contrôle, le payeur présumé, n'a pas témoigné.

[32]     Ce sont là des faits qui regroupés soutiennent largement la détermination qui a résulté de l'analyse du dossier par l'intimé, à savoir que le travail exécuté par l'appelant l'a été dans le cadre non pas d'un contrat de louage de services mais à titre d'entrepreneur. L'appelant n'ayant pas satisfaire au fardeau de la preuve qui lui incombait en présentant une preuve déficiente et non complète, son appel doit être rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mai 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :

2004CCI367

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-2412(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Camil Ouellet c. M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Baie-Comeau (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 20 avril 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

Le 14 mai 2004

COMPARUTIONS :

Avocate de l'appelant :

Me Lise Bibeau

Avocate de l'intimée :

Me Julie David

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Me Lise Bibeau

Étude :

Bureau d'aide juridique Baie-Comeau

Centre communautaire juridique de la Côte-Nord

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.