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Dossier : 2007-2539(IT)I

ENTRE :

RICHARD FERDINAND MOLL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 14 février 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Valerie A. Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Kandia Aird

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, dont l’avis est daté du 16 août 2006 et porte le numéro 44040, est rejeté conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d’avril 2008.

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de juillet 2008.

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


 

 

 

 

Référence : 2008CCI234

Date : 20080424

Dossier : 2007-2539(IT)I

ENTRE :

RICHARD FERDINAND MOLL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge V.A. Miller

 

[1]     Il s’agit d’un appel d’une cotisation établie en vertu de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). L’appelant a fait l’objet d’une cotisation au moyen d’un avis daté du 16 août 2006, pour le motif qu’il était administrateur de MFS Automation Ltd. (« MFS ») lorsqu’il a omis de verser les retenues à la source au receveur général, du 1er janvier 2002 au 31 mars 2003. Le montant de la cotisation s’élevait à 69 916,71 $, ce qui comprenait les retenues à la source non versées, au montant de 41 660,98 $, ainsi que les intérêts et pénalités s’y rapportant, au montant de 28 255,73 $.

 

[2]     L’appelant prend la position selon laquelle il a démissionné en sa qualité d’administrateur de MFS le 23 janvier 2003, soit plus de deux ans avant de faire l’objet d’une cotisation en vertu de l’article 227.1 de la Loi.

 

[3]     L’intimée prend la position selon laquelle, conformément à l’article 119 de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. B.16, art. 56 (la « LSAO »), la démission de l’appelant n’a pas pris effet.

 

LES FAITS

 

[4]     L’appelant est machiniste général de profession. Il détient une licence en cette qualité et il est titulaire d’un diplôme collégial. MFS a été constituée en société le 24 avril 1995 en vertu de la LSAO. L’appelant était l’unique actionnaire et l’unique administrateur de MFS. La société MFS fabriquait de la machinerie pour diverses entreprises canadiennes et américaines. Selon l’appelant, il fallait débourser beaucoup d’argent pour fabriquer la machinerie et il fallait toujours un certain temps pour recouvrer les créances. Par conséquent, tous les paiements en faveur de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») au titre des retenues à la source étaient effectués d’une façon sporadique.

 

[5]     L’appelant a déclaré que les difficultés financières de MFS sont en bonne partie attribuables au ralentissement de l’économie après le 11 septembre 2001. Selon la preuve qu’il a soumise, MFS avait perdu presque tous ses clients américains. Avant le 11 septembre 2001, le produit des ventes conclues par MFS avec des entreprises américaines s’élevait à 85 786 $ et, après le 11 septembre 2001, le chiffre d’affaires avait chuté à 125 $. L’appelant a également déclaré qu’entre 2001 et 2003, un grand nombre de clients avaient omis de payer MFS.

 

[6]     L’appelant a témoigné avoir conclu, en 2002, une entente avec l’ARC en vertu de laquelle la dette non réglée de MFS serait payée avant que MFS mette fin à ses activités. Il a déclaré qu’à ce moment‑là, MFS devait 32 000 $ à l’ARC. MFS a vendu une machine à Conros Corporation (« Conros »), au prix de 54 000 $. Selon la preuve soumise par l’appelant, l’ARC avait dit qu’elle recouvrerait l’argent de Conros. L’appelant a déclaré avoir appris, deux ans et demi plus tard, que l’ARC n’avait pas reçu l’argent de Conros. L’ARC a alors pris des mesures pour qu’il paie la dette de MFS.

 

[7]     L’appelant a soumis trois documents (pièce A‑1) montrant qu’il avait démissionné en sa qualité d’administrateur de MFS :

 

1.       Une photocopie d’une page intitulée [traduction] « Registre des administrateurs » qui montre que l’appelant a été élu administrateur le 24 avril 1995 et qu’il a démissionné le 23 janvier 2003. Aucune société n’est désignée dans ce document;

 

2.       Une photocopie d’une page intitulée [traduction] « Registre des dirigeants » qui montre également que l’appelant avait occupé la charge de président du 24 avril 1995 au 23 janvier 2003. Aucune société n’est désignée dans ce document;

 

3.       Une lettre de l’appelant adressée à MFS, datée du 23 janvier 2003, dans laquelle il est dit ce qui suit :

 

[traduction]

Richard Moll                            290, chemin Brock

Dundas

Ontario  L9G 2Y8

 

 

Le 23 janvier 2003

 

 

MFS Automation Ltd.

11, avenue Garden, unité 4

Stoneycreek (Ontario)

L8E 2Y8

 

À qui de droit,

 

C’est avec énormément de regret qu’après avoir agi comme administrateur de MFS pendant 16 ans, je me vois obligé de démissionner aujourd’hui, le 23 janvier 2003, à la suite de la fermeture complète de MFS Automation Ltd., qui ne reprendra jamais ses activités. J’ai fait de mon mieux pour essayer de sauver l’entreprise, mais il est maintenant temps de démissionner.

 

Veuillez agréer l’expression de mes meilleurs sentiments.

 

Richard Ferdinand Moll

Ancien administrateur de MFS

 

[8]     Leeanne Feltrin, agente de recouvrement à l’ARC, a témoigné pour le compte de l’intimée. Elle a déclaré qu’en 2002, MFS comptait sept employés et qu’en 2003, MFS en comptait deux. MFS a cessé ses activités au mois de février 2003. Mme Feltrin a déclaré que, depuis le mois de novembre 1995, MFS avait l’habitude de ne pas verser les retenues à la source en temps opportun. Mme Feltrin a fait l’historique du compte de retenues à la source de MFS auprès de l’ARC; des échanges que l’ARC avait eus avec l’appelant; des échanges que l’ARC avait eus avec le comptable de MFS; et des cotisations dont MFS avait fait l’objet. Son témoignage montrait que MFS ne versait les retenues à la source à l’ARC que si cette dernière communiquait avec elle pour lui demander de le faire. MFS effectuait la plupart de ses paiements en faveur de l’ARC au moyen de chèques postdatés dont certains n’étaient pas honorés par la banque.

 

[9]     Mme Feltrin a parlé des communications suivantes entre l’appelant et l’ARC en 2003 et en 2004 :

 

Avril 2003 – Un examen complémentaire a été effectué au sujet de renseignements manquants pour les années 2002 et 2003. Il n’y avait pas de livres, et une cotisation arbitraire basée sur les chiffres antérieurs a été établie. Le nouveau solde s’élevait à environ 70 000 $. L’appelant a remis trois chèques postdatés à l’examinateur. Chaque chèque était libellé au montant de 1 500 $. C’est à ce moment‑là que l’appelant a informé l’ARC que l’entreprise avait mis fin à ses activités au mois de février 2003.

 

Septembre 2003 – L’ARC a communiqué avec l’appelant, qui a promis d’effectuer d’autres paiements. Il a fait savoir qu’il avait de la difficulté à recouvrer les créances.

 

Septembre 2003 – Un chèque postdaté a été retourné avec l’inscription « sans provision ».

 

Novembre 2003 – L’appelant s’est rendu au bureau des services fiscaux pour remettre six chèques postdatés à l’ARC. Chaque chèque était libellé au montant de 1 500 $, et les chèques étaient datés pour la période allant du mois de décembre 2003 au mois de mai 2004.

 

Novembre 2003 – Un chèque postdaté antérieur a été retourné avec l’inscription « sans provision ».

 

Janvier 2004 – Un chèque postdaté a été retourné avec l’inscription « sans provision ».

 

Janvier 2004 – L’ARC a appelé l’appelant et a laissé un message.

 

Janvier 2004 – L’ARC a envoyé des demandes péremptoires de paiement à toutes les banques dans lesquelles MFS avait des comptes. Toutes les demandes ont été retournées étant donné qu’il n’y avait pas de fonds.

 

Février 2004 – Les trois autres chèques postdatés ont été retournés à l’appelant étant donné que tous les chèques antérieurs avaient été retournés à l’ARC avec l’inscription « sans provision ».

 

Février 2004 – La lettre de proposition précotisation a été envoyée à l’appelant.

 

[10]    Mme Feltrin a déclaré que l’ARC n’avait jamais reçu d’indication que l’appelant avait démissionné en sa qualité d’administrateur de MFS. De plus, elle a déclaré que la déclaration de l’appelant selon laquelle les difficultés financières de MFS étaient attribuables aux événements du 11 septembre 2001 n’était pas justifiée. MFS avait, même avant cette date, de la difficulté à verser les retenues à la source en temps opportun.

 

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

 

[11]     L’article 227.1 de la Loi est ainsi libellé :

 

227.1 (1) Lorsqu’une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu aux paragraphes 135(3) ou 135.1(7) ou aux articles 153 ou 215, ou a omis de verser cette somme ou a omis de payer un montant d’impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d’imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle‑ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s’y rapportant.

 

(2) Un administrateur n’encourt la responsabilité prévue au paragraphe (1) que dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la société est responsable selon ce paragraphe a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 223 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

 

b) la société a engagé des procédures de liquidation ou de dissolution ou elle a fait l’objet d’une dissolution et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant le premier en date du jour où les procédures ont été engagées et du jour de la dissolution;

 

c) la société a fait une cession ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant la date de la cession ou de l’ordonnance de faillite.

 

(3) Un administrateur n’est pas responsable de l’omission visée au paragraphe (1) lorsqu’il a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

 

(4) L’action ou les procédures visant le recouvrement d’une somme payable par un administrateur d’une société en vertu du paragraphe (1) se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle l’administrateur cesse pour la dernière fois d’être un administrateur de cette société.

 

 

ANALYSE

 

[12]    Il n’y avait rien qui puisse étayer les déclarations de l’appelant selon lesquelles il avait conclu une entente quelconque avec l’ARC au sujet de la dette impayée de MFS. Il s’agit néanmoins de savoir si l’appelant a démissionné en sa qualité d’administrateur de MFS plus de deux ans avant la date du 16 août 2006 à laquelle la cotisation a été établie. Dans la négative, l’appelant a‑t‑il agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables?

 

[13]    Il ressort de la jurisprudence que, pour savoir à quel moment un administrateur cesse d’occuper sa charge, il faut examiner la législation régissant la constitution en personne morale. Voir The Queen v. Kalef, [1996] 2 C.T.C. 1 (C.A.F.), paragraphe 10 :

 

La Loi de l’impôt sur le revenu ne définit pas le terme « administrateur » et elle n’établit pas de critère en ce qui concerne le moment où une personne cesse d’occuper ce poste. Compte tenu du silence de la Loi de l’impôt sur le revenu, il est logique de se tourner vers la loi régissant la constitution en personne morale de la compagnie pour y trouver une réponse. [...]

 

 

[14]    MFS a été constituée en vertu de la LSAO; l’article 121 indique à quel moment un administrateur cesse d’occuper sa charge :

 

121(1) Le mandat d’un administrateur prend fin lorsque se produit l’un des événements suivants :

 

a) il décède ou, sous réserve du paragraphe 119(2), il démissionne;

 

b) il est destitué en vertu de l’article 122;

 

c) il devient inhabile aux termes du paragraphe 118(1).

 

(2) La démission d’un administrateur prend effet à la date de réception par la société d’un écrit à cet effet ou à la date postérieure qui y est indiquée.

 

[15]    L’appelant prend la position selon laquelle il a démissionné de ses fonctions d’administrateur de MFS le 23 janvier 2003, conformément au paragraphe 121(2) de la LSAO. La lettre était adressée à MFS. L’appelant était président, unique administrateur et unique actionnaire de MFS. La lettre de l’appelant était adressée à lui‑même en sa qualité d’actionnaire de MFS, comme je le suppose.

 

[16]    L’intimée a invoqué le paragraphe 119(2) de la LSAO pour faire valoir que l’appelant, en sa qualité d’unique administrateur de MFS, ne pouvait pas démissionner. Le paragraphe 119(2) est ainsi libellé :

 

119(1) Le mandat des administrateurs désignés dans les statuts commence à la date d’endossement du certificat de constitution et se termine à la première assemblée des actionnaires.

 

(2) Jusqu’à la première assemblée des actionnaires, la démission d’un administrateur désigné dans les statuts ne prend effet que si, au moment où sa démission doit prendre effet, un successeur a été élu ou nommé.

 

[17]    Le paragraphe 119(2) de la LSAO parle des premiers administrateurs, à savoir ceux qui sont désignés dans les statuts (les « statuts »). Je ne sais pas si l’appelant était désigné à titre d’administrateur dans les statuts étant donné que ces statuts n’ont pas été produits en preuve dans le présent appel.

 

[18]    Il ressort de la jurisprudence qu’un administrateur unique peut démissionner sur avis écrit à la société. Dans la décision Netupsky v. The Queen, [2003] G.S.T.C. 15, le juge Bell (tel était alors son titre) a conclu qu’un administrateur unique avait démissionné et qu’en fait, le paragraphe 131(3) de la Company Act (Colombie‑Britannique) envisageait qu’il était possible qu’une société n’ait pas d’administrateur. Le paragraphe 115(4) de la LSAO prévoit également le cas dans lequel tous les administrateurs d’une société ont démissionné ou ont été destitués. Toutefois, selon cette disposition, la personne qui gère ou qui supervise la gestion de l’entreprise est réputée être l’administrateur de la société. Le paragraphe 115(4) est libellé en ces termes :

 

115(4) Si tous les administrateurs démissionnent ou sont destitués par les actionnaires sans être remplacés, quiconque dirige ou supervise les activités commerciales et les affaires internes de la société est réputé un administrateur pour l’application de la présente loi.

 

[19]    Si l’appelant a démissionné en sa qualité d’administrateur le 23 janvier 2003 (je reviendrai ci‑dessous dans les présents motifs sur la lettre de démission), il est réputé continuer à agir comme administrateur de la société, et ce, parce qu’il était celui qui gérait les affaires internes de la société. Après le 23 janvier 2003, l’appelant était réputé être administrateur et il n’a pas cessé d’agir en cette qualité lorsque MFS a mis fin à ses activités puisqu’il a continué à se présenter à titre d’administrateur.

 

[20]    Dans la décision Charles Bremner c. La Reine, 2007 CCI 509, M. Bremner a admis qu’il était administrateur de fait et administrateur réputé selon la description donnée au paragraphe 115(4) de la LSAO. Le juge en chef adjoint Rip devait décider à quel moment un administrateur de fait ou un administrateur réputé cessait d’être un administrateur. Voici ce que le juge a dit au paragraphe 26 :

 

[26]      Aucune règle fixe ne permet de déterminer le moment où l’administrateur de fait ou l’administrateur « réputé » cesse d’être administrateur. Toutefois, pour paraphraser le juge Potter Stewart, on peut savoir quand quelqu’un cesse d’être administrateur quand on le constate. Le comportement de la personne est important. Il manquera quelque chose dans la relation entre le particulier et la société. Comme tout administrateur, l’administrateur de fait ou l’administrateur « réputé » cessera d’être administrateur lorsque les actionnaires éliront son remplaçant ou lorsqu’il démissionnera. Si aucune de ces situations ne se produit, l’administrateur conserve son mandat. L’administrateur de fait ou l’administrateur « réputé » peut également mettre fin à son mandat en donnant un avis à cet effet à la société et en cessant vraiment de diriger ou de superviser la gestion de la société. Dans la présente affaire, le lien d’administrateur entre M. Bremner et Excel n’était pas rompu. Je reconnais qu’il peut être difficile pour l’unique actionnaire d’une société de délaisser les activités normalement dévolues à l’administrateur, mais si cette personne accomplit les tâches d’un administrateur, alors elle est administrateur. Dans le présent appel, les faits suivants, entre autres, appuient la conclusion selon laquelle M. Bremner a continué d’être administrateur de fait après le 1er septembre et en octobre 2000 : il était l’unique actionnaire d’Excel et la seule personne à avoir géré et supervisé Excel; aucun élément de preuve n’indique qu’il a informé des tiers, créanciers ou autres, à l’exception peut‑être de son fils, lequel n’a pas témoigné, qu’il ne se présentait plus comme un administrateur d’Excel; il a continué d’agir au nom d’Excel après septembre 2000, des paiements ayant notamment été faits pour le compte d’Excel en regard des arriérés de TPS.

 

[27]      Dans sa lettre du 10 avril 2001, M. Bremner a indiqué au fisc qu’il [traduction] « était » directeur d’Excel et a demandé à l’ADRC de modifier ses dossiers en conséquence. Le fait qu’il a écrit au fisc donne à penser qu’il s’occupait encore de diriger ou de superviser les actions d’Excel, peu importe leur importance.

 

[28]      M. Bremner se présentait lui‑même comme administrateur d’Excel, même s’il n’en portait pas le titre, et a continué d’agir comme administrateur de fait après le 30 septembre 2000. Le fait qu’Excel a cessé ses activités au mois d’août n’est pas vraiment pertinent. Les administrateurs des sociétés ont des devoirs qui subsistent après la fin de l’exploitation de leurs sociétés. M. Bremner s’est lui‑même chargé de voir à la liquidation ordonnée des activités commerciales et des affaires internes de la société, qui s’est poursuivie jusqu’en octobre 2000.

 

 

[21]    Comme dans l’affaire Bremner, précitée, l’appelant s’est présenté comme étant l’administrateur de MFS après avoir censément démissionné. Aucun élément de preuve ne montre qu’il avait informé qui que ce soit, et en particulier les tiers créanciers, qu’il n’était plus administrateur; il a continué à agir comme administrateur après le 23 janvier 2003; ainsi, il a continué à rencontrer les représentants de l’ARC et à leur remettre des chèques postdatés à titre de paiements pour le compte de MFS. Il importe peu que MFS ait cessé ses activités au mois de février 2003.

 

[22]    La conclusion que j’ai ci‑dessus tirée suffit pour établir que l’appelant a continué à agir comme administrateur de MFS après le 23 janvier 2003. Toutefois, j’aimerais faire certaines remarques au sujet de la pièce A‑1. À mon avis, l’appelant n’a pas démissionné le 23 janvier 2003. Je n’accepte pas la preuve qu’il a soumise, et ce, pour les raisons suivantes :

 

          a)       Les pages du prétendu registre des procès-verbaux sont des photocopies et aucune société n’y est mentionnée. Elles éveillent des soupçons quant à leur authenticité;

 

          b)      L’ARC a communiqué avec l’appelant à quatre reprises après le 23 janvier 2003 et l’appelant n’a jamais informé l’ARC de sa démission. Lors du contre‑interrogatoire, l’appelant a admis n’avoir jamais dit à l’ARC qu’il avait démissionné de ses fonctions d’administrateur. Sa lettre de démission a été remise à l’ARC lors de l’audition du présent appel seulement;

 

          c)       L’appelant a continué à remettre des chèques postdatés à l’ARC en 2003;

 

          d)      La lettre dit que l’appelant avait agi comme administrateur de MFS pendant 16 ans, alors que la preuve révèle que MFS a été constituée en société en 1995;

 

          e)       La lettre dit que, le 23 janvier 2003, MFS avait complètement mis fin à ses activités, alors que l’appelant a dit à l’ARC que MFS avait cessé ses activités au mois de février 2003.

 

[23]    La dernière question qui se pose dans le présent appel est de savoir si l’appelant a invoqué avec succès le moyen de défense prévu au paragraphe 227.1(3) de la Loi.

 

[24]    Dans l’arrêt Soper c. Canada (C.A.), [1998] 1 C.F. 124, la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit :

 

[40]     Le moment convient bien pour résumer mes conclusions au sujet du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu. La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi est fondamentalement souple. Au lieu de traiter les administrateurs comme un groupe homogène de professionnels dont la conduite est régie par une seule norme immuable, cette disposition comporte un élément subjectif qui tient compte des connaissances personnelles et de l’expérience de l’administrateur, ainsi que du contexte de la société visée, notamment son organisation, ses ressources, ses usages et sa conduite. Ainsi, on attend plus des personnes qui possèdent des compétences supérieures à la moyenne (p. ex. les gens d’affaires chevronnés).

 

[41]     La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi n’est donc pas purement objective. Elle n’est pas purement subjective non plus. Il ne suffit pas qu’un administrateur affirme qu’il a fait de son mieux, car il invoque ainsi la norme purement subjective. Il est également évident que l’intégrité ne suffit pas. Toutefois, la norme n’est pas une norme professionnelle. Ces situations ne sont pas régies non plus par la norme du droit de la négligence. La Loi contient plutôt des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la « compétence » et l’idée de « circonstances comparables ». Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme « objective subjective ».

 

[25]    L’appelant est titulaire d’un diplôme collégial. Il exploite MFS depuis 1995. Il était l’unique administrateur de la société et il s’occupait de la gestion quotidienne de celle‑ci. Il a déclaré qu’il prenait toutes les décisions et qu’il était responsable du versement des retenues à la source.

 

[26]    Au cours de la période allant du mois de janvier 2002 au mois de mars 2003, MFS n’a effectué aucun paiement en faveur de l’ARC de sa propre initiative. Ce n’est qu’après que l’on a communiqué avec lui que l’appelant a tenté de verser les retenues à la source en remettant des chèques postdatés à l’ARC. Lorsqu’on lui a demandé s’il prenait des mesures pour s’assurer que les retenues à la source étaient versées à temps, l’appelant a répondu qu’il essayait de choisir des clients qui étaient en mesure de payer.

 

[27]    Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait satisfait à la norme de soin exigée au paragraphe 227.1(3) de la Loi. L’appelant n’a pas pris de mesures pour prévenir l’omission de MFS de verser les retenues à la source lorsqu’elles étaient dues.

 

[28]    L’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d’avril 2008.

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de juillet 2008.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI234

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-2539(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Richard Ferdinand Moll

                                                          et

                                                          La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 14 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Valerie A. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 24 avril 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Kandia Aird

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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