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Dossier : 2006‑2016(IT)G

ENTRE :

PETER MUDRY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 21 janvier 2008 à Windsor (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge E. P. Rossiter

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Arthur M. Barat

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Frédéric Morand

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

       L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2004 est accueilli, et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mars 2008.

 

 

 

« E. P. Rossiter »

Juge Rossiter

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de septembre 2008.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


 

 

 

Référence : 2008CCI160

Date : 20080320

Dossier : 2006‑2016(IT)G

ENTRE :

PETER MUDRY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Rossiter

 

Contexte

 

[1]     L’appelant a reçu des services médicaux à l’Institute of Integrative Medicine de New York et du New Jersey, aux États‑Unis (l’« Institut »), administrés sous la supervision et la direction d’un médecin en titre. L’appelant a reçu des services médicaux semblables à la Toronto Clinic for Preventative Medicine (la « Clinique »), sous la supervision et la direction de médecins en titre, mais administrés par des infirmiers. Des paiements ont été versés par l’appelant à l’Institut et à la Clinique respectivement pour ces services. Ni l’Institut ni la Clinique ne sont des hôpitaux privés ou publics. Il s’agit plutôt d’établissements qui emploient des médecins en titre et des infirmiers. L’appelant a cherché à obtenir des crédits d’impôt pour frais médicaux à l’égard des paiements qu’il avait effectués pour ces services médicaux, mais l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a refusé la demande, parce que les paiements n’avaient pas été versés à un médecin comme l’exige l’alinéa 118.2(2)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

Les faits

 

[2]     L’appelant est un professeur et directeur d’école retraité âgé de 85 ans. Il a souffert d’une crise cardiaque massive en 2004 et peu après a été victime d’un accident vasculaire cérébral. Après une période d’hospitalisation, sa situation a semblé se stabiliser. Il a demandé conseil à la Clinique sur le traitement par chélation. En raison de la gravité de son état de santé, la Clinique ne lui a pas donné le traitement, mais l’a dirigé vers un expert en traitement par chélation, le Dr Majid Ali de l’Institut. L’appelant s’est rendu à New York et au New Jersey, où il a reçu des traitements par chélation à l’Institut sous la supervision et la direction du Dr Ali, médecin en titre habilité dans les États de New York et du New Jersey. L’appelant a déboursé 5 457,78 $ pour les traitements par chélation reçus à New York et au New Jersey; 2 138,51 $ ont été payés pour les traitements, et le reste pour les déplacements, le logement et les repas liés à ses aller‑retour à New York et au New Jersey.

 

[3]     Sur recommandation du Dr Ali, l’appelant a poursuivi les traitements par chélation à la Clinique, où ils étaient administrés par des infirmiers autorisés avec la permission et sous la direction du Dr Bryn Waern et du Dr Louis Spencer. Tous deux sont des médecins qui offrent des services de conseil à la Clinique de concert avec le Dr Ali. Selon le témoignage de la fille de l’appelant, pour le traitement par chélation à la Clinique, on faisait habituellement appel à un infirmier autorisé qui prenait la température et la pression sanguine de l’appelant, au médecin qui vérifiait son dossier et à l’infirmier qui insérait l’aiguille intraveineuse par laquelle circule le traitement. Le Dr Waern et le Dr Spencer y prenaient toujours part en donnant des directives concernant le traitement. L’appelant a déboursé 21 136,13 $ pour les traitements par chélation reçus à la Clinique; 14 673,85 $ pour le traitement lui‑même, et le solde pour les déplacements, le logement et les repas reliés aux aller‑retour à Toronto.

 

[4]     En se fondant sur les lettres du Dr Ali en date du 23 février 2006, du Dr Thomas J. Barnard, médecin de famille de l’appelant, en date du 23 janvier 2006 et du Dr Bryn Waern, en date du 7 février 2006, on peut dire que le traitement a été couronné de succès. L’appelant s’est très bien rétabli et environ trois ans plus tard, il était présent à la cour pendant toute l’audition de l’appel.

 

[5]     L’Institut comptait des infirmiers autorisés, de nombreux médecins en titre, dont certains étaient des professeurs de médecine, et du personnel assurant des services de conseil en nutrition et s’acquittant de travaux de recherche et de laboratoire. La Clinique est affiliée à l’Institut tel qu’il est indiqué sur son site Web, où l’on peut lire entre autres :

 

[TRADUCTION]

 

Affiliations

 

La Toronto Clinic for Preventative Medicine a une affiliation professionnelle avec la Capital University of Integrative Medicine of Washington, D.C., et est parrainée par l’Institute of Integrative Medicine de Denville, New Jersey, du Dr Madjid Ali. Le Dr Ali joue le rôle d’expert‑conseil auprès de la Clinique et est régulièrement consulté pour les cas difficiles.

 

[6]     Les paiements pour les services médicaux fournis à la Clinique ou à l’Institut par les médecins en titre – le Dr Ali à l’Institut, et le Dr Spencer, le Dr Waern et le Dr Ali à la Clinique –, ont été versés à l’Institut ou à la Clinique par l’appelant ou par sa fille, que l’appelant remboursait ensuite. Pour l’année d’imposition 2004, l’appelant avait présenté à l’ARC des reçus à l’appui d’une demande de crédit pour frais médicaux relativement au traitement par chélation, mais ces reçus ont été rejetés comme étant insuffisants et renvoyés à l’appelant. Celui‑ci a alors obtenu des reçus additionnels, y compris une lettre de l’Institut en date du 23 février 2006 et signée par le directeur de bureau, dont un extrait est reproduit ci‑dessous :

 

[TRADUCTION]

 

Le patient susmentionné s’est présenté à nos bureaux les 6, 7 et 8 octobre 2004 pour consulter le Dr Ali et se faire examiner par lui ainsi que pour recevoir plusieurs traitements par voie intraveineuse et subir des tests médicaux spécialisés.

 

Les frais médicaux totaux pour ces services étaient de 1 554 $US.

 

De plus, le patient susmentionné a payé 105 $US chacune deux consultations téléphoniques de suivi avec le Dr Ali le 15 novembre 2004 et le 31 mars 2005, soit un total de 210 $US.

 

            Le total général des frais médicaux susmentionnés est de 1 764 $US.

 

            Ce montant ne comprend que les frais médicaux et non les frais de déplacement ou de logement du patient.

 

[7]     L’appelant a également présenté un reçu pour un montant total de 14 673,85 $ facturé par la Clinique, signé par le Dr Cristina Radulescu, directrice de la Clinique, dans lequel l’appelant est décrit comme étant le patient et le Dr Waern comme le médecin approbateur.

 

[8]     En annexe au reçu de la Clinique, figurait un tableau indiquant la date et le service médical rendu, la pression artérielle et le pouls du patient au moment où le service a été rendu, le nom de la personne qui a consigné les inscriptions et la facture pour chaque service médical par ordre chronologique. Un état des frais médicaux du patient, qui était un reçu de prescription officiel pour les médicaments acquis par la Clinique qui administrait le traitement intraveineux à l’appelant, indiquait les médicaments achetés par l’intermédiaire du Dr Waern et du Dr Spencer, les médecins conseils de la Clinique. L’acquisition des médicaments qui figurent sur l’état des frais médicaux du patient correspond d’une façon générale au calendrier des services médicaux fournis à l’appelant par la Clinique.

 

[9]     En ce qui concerne les traitements par chélation reçus par l’appelant à l’Institut, l’intimée admet que 1) le Dr Ali est un médecin qualifié et autorisé à exercer sa profession; 2) le traitement à l’Institut était fourni et administré à l’appelant par le Dr Ali ou sous sa supervision; 3) les traitements par chélation ont été reçus en 2004 et payés en 2004 par l’appelant; et 4) si les frais des traitements par chélation sont autorisés comme frais médicaux, les frais y afférents, à savoir les frais de déplacement, devraient être également acceptables.

 

[10]    La documentation présentée à l’ARC par l’appelant relativement aux services médicaux fournis à la Clinique indique les noms des médecins, le Dr Spencer et le Dr Waern, qui ont autorisé le traitement, l’adresse de la Clinique, confirme les dates de traitement, les dépenses par date de traitement et désigne le patient. Il a été admis par l’intimée que le traitement a été reçu en 2004 et payé en 2004, et que si les frais des traitements par chélation sont autorisés comme frais médicaux, les frais y afférents, à savoir les frais de déplacement, devront être acceptés.

 

[11]    Selon le témoignage de l’agent des litiges de l’ARC, M. Denis Deloges, pour établir la validité d’une demande de crédit pour frais médicaux, on doit, dans l’ensemble de la documentation, désigner le médecin, fournir l’adresse du médecin, confirmer les dates de traitement, les montants totaux des frais et désigner le patient. Il n’est pas nécessaire que la documentation soit signée par le médecin ou qu’elle présente une ventilation des frais. Le même témoin a encore déclaré qu’il est raisonnable de penser que : 1) une partie des paiements serait versée aux médecins; 2) une partie serait utilisée pour payer d’autres frais liés à l’exploitation d’un cabinet médical; et 3) les médecins exploitaient une entreprise consistant à fournir des services médicaux rémunérés à l’acte. La lettre de l’Institut en date du 23 février 2006 et le reçu délivré par la Clinique répondent tous deux à toutes les exigences de documentation énumérées par l’agent des litiges de l’ARC, mais celle‑ci a refusé d’accorder le crédit pour frais médicaux en raison du fait que le paiement a été versé à l’Institut ou à la Clinique et non à un médecin et, dans le cas de la Clinique, parce que le service médical n’a pas été fourni par un médecin ou un infirmier.

 

Questions

 

[12]    1)       Est‑ce que l’expression « les frais payés à un médecin… » comprend les sommes versées à une clinique ou à un institut, lorsque la clinique ou l’institut fournit le service médical par l’intermédiaire d’un médecin ou d’un infirmier qu’elle emploie?

2)       Les services médicaux fournis par la Clinique étaient‑ils administrés par un médecin ou un infirmier?

 

Le droit et analyse

 

[13]    L’alinéa 118.2(2)a) de la Loi prévoit entre autres ce qui suit :

 

(2)       Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

 

a)         à un médecin, à un dentiste, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé, pour les services médicaux ou dentaires fournis au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à la charge du particulier (au sens du paragraphe 118(6)) au cours de l’année d’imposition où les frais ont été engagés [...] [Non souligné dans l’original.]

 

Il n’est pas question ici de savoir si les services médicaux étaient fournis par un hôpital public ou un hôpital privé agréé, étant donné que l’Institut et la Clinique n’étaient ni l’un ni l’autre. En outre, selon la preuve présentée à l’audience, il a été établi que les services médicaux reçus à la Clinique étaient administrés par un infirmier sous la direction d’un médecin.

 

[14]    Dans le présent appel, le litige dont la Cour est saisie porte sur les montants versés par l’appelant à l’Institut ou à la Clinique pour des services médicaux fournis par un médecin ou par un infirmier employé par l’Institut ou par la Clinique. L’intimée fait valoir que cet article doit être lu de façon stricte et littérale – les frais médicaux sont les frais payés à un médecin, à un dentiste, à un infirmier et à personne d’autre – en insistant sur le fait que le paiement doit être versé « directement » à un médecin. L’intimée va jusqu’à dire que le paiement se rapportant aux services médicaux ne peut pas être versé à une société par actions, à une entreprise individuelle, à une société en nom collectif, à une clinique ou à un institut, et ce, même si le service médical a été fourni par un médecin ou un infirmier employé par une société par actions, une entreprise individuelle, une société en nom collectif, une clinique ou un institut.

 

[15]    Je crois que l’alinéa 118.2(2)a) comporte une ambiguïté, vu que la Loi ne précise pas si le paiement doit être versé directement à un médecin ou s’il peut lui être versé indirectement. L’intimée, au nom de l’ARC, fait valoir que le paiement doit être versé « directement », mais pourquoi la Couronne interpréterait‑elle la Loi comme comportant ce terme plutôt que le terme « indirectement »?

 

[16]    Je prends connaissance d’office du fait que, dans la société actuelle, il est rare qu’une personne paie des services médicaux en rétribuant directement le médecin. Le paiement va presque toujours à une société professionnelle, à une clinique, à un centre de santé, à un centre médical, à un groupe de santé, à un institut de santé, à un institut médical, à une société en nom collectif ou à une autre entité possédant un nom commercial dont le médecin est un employé, un exploitant ou un conseiller. Les services médicaux sont fournis dans des contextes commerciaux divers et dans des milieux physiques divers, allant du domicile à de grands instituts ou cliniques franchisés ayant des bureaux multiples et dotés d’un personnel qualifié dans de nombreuses disciplines. Comme il s’agit d’une entreprise, on l’exploite de la façon qui répond le mieux à ses objectifs commerciaux, que ce soit sur le plan de la commercialisation, de la planification fiscale ou de la prospection de clientèle.

 

[17]    Dans l’interprétation des lois, l’approche textuelle, contextuelle et téléologique (« TCT ») a été établie dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54 aux paragraphes 10 et 11, où la Cour suprême du Canada déclare ce qui suit :

 

Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50.  L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble.  Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation.  Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important.  L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

 

En raison du principe du duc de Westminster (Commissioners of Inland Revenue c. Duke of Westminster, [1936] A.C. 1 (H.L.)), selon lequel le contribuable a le droit d’organiser ses affaires de façon à réduire au maximum l’impôt qu’il doit payer, le droit fiscal canadien a reçu une interprétation stricte à une époque où l’interprétation littérale des lois était plus courante qu’aujourd’hui.  De nos jours, il ne fait aucun doute que toutes les lois, y compris la Loi de l’impôt sur le revenu, doivent être interprétées de manière textuelle, contextuelle et téléologique.  Cependant, le caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales a souvent incité à mettre l’accent sur l’interprétation textuelle.  Lorsque le législateur précise les conditions à remplir pour obtenir un résultat donné, on peut raisonnablement supposer qu’il a voulu que le contribuable s’appuie sur ces dispositions pour obtenir le résultat qu’elles prescrivent.

 

[18]    L’application de l’analyse TCT a été clarifiée dans l’arrêt Ontario (Ministre des Finances) c. Placer Dome Canada Limited, 2006 CSC 20, dans lequel le juge LeBel a déclaré ce qui suit aux paragraphes 21 à 24 :

 

Dans l’arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, notre Cour a rejeté l’approche restrictive en matière d’interprétation des lois fiscales et a statué que la méthode d’interprétation moderne s’applique autant à ces lois qu’aux autres lois.  En d’autres termes, « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (p. 578) : voir l’arrêt 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50.  Toutefois, le caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales a souvent incité à mettre davantage l’accent sur l’interprétation textuelle : Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54, par. 11.  Les contribuables ont le droit de s’en remettre au sens clair des dispositions fiscales pour organiser leurs affaires.  Lorsqu’il est précis et non équivoque, le texte d’une loi joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation.

 

Par contre, lorsque le texte d’une loi peut recevoir plus d’une interprétation raisonnable, le sens ordinaire des mots joue un rôle moins important et il peut devenir nécessaire de se référer davantage au contexte et à l’objet de la Loi : Trustco Canada, par. 10.  De plus, comme la juge en chef McLachlin l’a fait remarquer au par. 47, « [m]ême lorsque le sens de certaines dispositions peut paraître non ambigu à première vue, le contexte et l’objet de la loi peuvent révéler ou dissiper des ambiguïtés latentes. »  La Juge en chef a ensuite expliqué que, pour dissiper les ambiguïtés explicites ou latentes d’une mesure législative fiscale, « les tribunaux doivent adopter une méthode d’interprétation législative textuelle, contextuelle et téléologique unifiée ».

 

Le degré de précision et de clarté du libellé d’une disposition fiscale influe donc sur la méthode d’interprétation.  Lorsque le sens d’une telle disposition ou son application aux faits ne présente aucune ambiguïté, il suffit de l’appliquer.  La mention de l’objet de la disposition [traduction] « ne peut pas servir à créer une exception tacite à ce qui est clairement prescrit » : voir P. W. Hogg, J. E. Magee et J. Li, Principles of Canadian Income Tax Law (5e éd. 2005), p. 569; Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622.  Lorsque, comme en l’espèce, la disposition peut recevoir plus d’une interprétation raisonnable, il faut accorder plus d’importance au contexte, à l’économie et à l’objet de la loi en question.  Par conséquent, l’objet d’une loi peut servir non pas à mettre de côté le texte clair d’une disposition, mais à donner l’interprétation la plus plausible à une disposition ambiguë.

 

Bien qu’il existe une présomption résiduelle en faveur du contribuable, elle demeure seulement résiduelle et ne s’applique donc que dans le cas exceptionnel où les principes d’interprétation ordinaires ne permettent pas de régler la question en litige : Notre‑Dame de Bon‑Secours, p. 19.  Tout doute concernant le sens d’une loi fiscale doit être raisonnable et la présomption ne peut être invoquée que si l’application des règles d’interprétation habituelles n’a pas permis de déterminer le sens de la disposition en cause.  J’estime qu’en l’espèce la présomption résiduelle n’est d’aucune utilité à PDC puisque l’application des règles ordinaires d’interprétation législative permet de dissiper l’ambiguïté de la Loi de l’impôt sur l’exploitation minière.  Je reviendrai sur cette question plus loin. [Non souligné dans l’original.]

 

[19]    À mon avis, les termes de l’alinéa 118.2(2)a) peuvent recevoir plus d’une interprétation raisonnable – le paiement par le contribuable pourrait devoir être fait « directement » au médecin –, par contre, il pourrait peut‑être être versé indirectement au médecin, c’est‑à‑dire lorsque le médecin est employé par un autre médecin ou utilise un nom d’entité quelconque, à condition que le service médical soit fourni par un médecin. D’après l’approche TCT, le sens ordinaire de ce paragraphe joue un rôle moins important. Dans le cadre du processus d’interprétation, je dois examiner le contexte et l’objet de la disposition afin de lui trouver un sens qui s’harmonise avec l’ensemble de la Loi.

 

[20]    Des crédits d’impôt pour frais médicaux sont accordés pour les sommes payées en contrepartie d’un service médical fourni. Quel serait le but visé par le régime fiscal s’il fallait que le paiement se rapportant au service médical soit versé directement à un médecin par opposition à la société professionnelle, la société en nom collectif ou l’employeur du médecin qui fournit le service? C’est : 1) la fourniture d’un service médical; 2) par l’une des nombreuses personnes énumérées au paragraphe 118.2(2), c’est‑à‑dire un médecin, un infirmier, etc., qui est importante. Un service médical demeure un service médical même s’il est payé à une certaine entité non définie dans la Loi dans la mesure où c’est la compétence de la personne qui fournit le service qui est importante. Manifestement, c’était l’intention du législateur d’accorder un allégement fiscal aux contribuables qui assument des frais médicaux pour des services médicaux fournis par certains professionnels énumérés qui, de l’avis du législateur, peuvent offrir les services voulus.

 

[21]    Dans sa position, l’intimée ne tient pas compte des faits dont j’ai pris connaissance d’office et qui sont très courants dans la société actuelle. Pour qu’un service médical puisse donner lieu aux crédits d’impôt pour frais médicaux, il suffit qu’il soit fourni par un médecin ou par l’une des personnes énumérées à l’alinéa 118.2(2)a) de la Loi.

 

[22]    De plus, l’ARC a compris qu’il serait absurde de demander à un contribuable de payer directement au médecin les services médicaux reçus, dans son bulletin d’interprétation IT 519R2 (« IT »).

 

[23]    L’IT publié par l’ARC énonce sa politique administrative relativement à l’application des crédits d’impôt pour frais médicaux. Selon moi, un bulletin d’interprétation ne vise qu’à informer le public de la position que l’ARC adopterait sur une question donnée, en l’occurrence les crédits d’impôt pour frais médicaux. Au paragraphe 20 de l’IT, l’ARC traite, en partie, des paiements qui peuvent donner lieu aux crédits d’impôt pour frais médicaux; le paragraphe en question est ainsi rédigé :

 

20. Les paiements faits à des sociétés, à des institutions et à des associations pour des services médicaux que leurs employés ou leurs associés ont fournis sont admissibles comme frais médicaux, à condition que la personne qui a fourni le service soit un médecin, un dentiste ou un infirmier autorisé à exercer sa profession selon l’une des législations mentionnées aux points 3a) à c) ci‑dessus. Par exemple, la Société d’Arthrite emploie des physiothérapeutes pour prodiguer des soins à des personnes atteintes d’arthrite ou de rhumatisme. Les sommes versées à cette société en échange des services de ces employés sont admissibles comme frais médicaux. Il existe d’autres organismes semblables, comme les Infirmières de l’Ordre de Victoria et les Services d’auxiliaires familiales de La Société canadienne de la Croix‑Rouge. Les paiements sont admissibles dans la seule mesure où ils sont effectués pour des services fournis pendant que le patient est à son domicile. Par contre, les paiements versés pendant la période où l’infirmier ou l’infirmière ne fait que s’occuper de la maison et des enfants, lorsque le père ou la mère est à l’hôpital ou ailleurs à l’extérieur du foyer, ne sont pas admissibles, puisque les frais constituent alors des frais personnels ou de subsistance. Dans certains cas, comme celui de la Canadian Mothercraft Society, il peut arriver que ce soit l’infirmier visiteur qui donne les reçus au lieu de la société qu’il représente, mais, si l’on peut établir qu’il s’agit d’un infirmier auxiliaire, le Ministère acceptera ces reçus. [Non souligné dans l’original.]

Le refus d’accorder à l’appelant les crédits d’impôt pour frais médicaux, parce que des chèques ont été établis à l’ordre d’un institut ou d’une clinique, est contraire à la position que l’ARC a énoncée dans l’IT.

 

[24]    L’IT fait référence à des paiements versés à des sociétés, à des associations ou à des sociétés en nom collectif, mais ne fournit aucune indication quant à la nature de ces structures et ne dit pas si la Clinique ou l’Institut tombe dans l’une ou l’autre de ces catégories. Ni l’IT ni la Loi ne définit ces termes et, par conséquent, on doit se fier sur la jurisprudence provenant d’autres domaines du droit.

 

[25]    Dans l’arrêt R. v. AFC Soccer, 2004 MBCA 73, 2004 CarswellMan 212, 32 C.P.R. (4th) 53, la juge Steel, définissant une [traduction] « association » (society) dans le but d’établir si l’AFC Soccer pouvait, en droit, faire l’objet d’une poursuite relative à la violation des droits d’auteur, a déclaré ce qui suit au paragraphe 9 :

 

[TRADUCTION]

 

Un nom commercial n’est manifestement pas un organisme public ni une personne morale. Il n’est pas non plus une société ou une association. Une « société » est définie dans le Black’s Law Dictionary, 6e éd., comme une « [u]nion ou groupement de personnes en vue de l’exploitation d’une entreprise commerciale ou industrielle; une société en nom collectif, une société par actions, une association, une société par actions à responsabilité limitée ». Une « association » est définie dans le même dictionnaire comme :

 

Une union ou un groupement de personnes (généralement non constituées en société) unies par consentement mutuel dans le but de réfléchir à un objectif commun, d’établir un objectif commun et d’agir ensemble pour l’atteindre. [Non souligné dans l’original.]

 

[26]    Le concept d’une « association » (association) a été abordé dans la décision Archibald v. Canada (Wheat Board), (1997), 44 C.R.R. (2d) 105 (C.F. 1re inst.), par le juge Muldoon, aux paragraphes 58 et 59, dans laquelle la Cour fédérale devait décider si certaines parties de la Loi sur la Commission canadienne du blé étaient inconstitutionnelles. Je reproduis ci‑dessous un extrait de cette décision :

 

La liberté d’association a tout à voir avec le sens du mot « association ». Dans le The Oxford English Dictionary, 2e éd. 1989, Clarendon Press, la définition première et la plus importante du mot « association » est la suivante [TRADUCTION] : « action d’unir en vue d’un objectif commun; l’état de cette union; groupement, ligue ». Cette définition fait manifestement référence à un groupement de personnes, et non de choses. Dans la version 1985 du Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, Paris, la première et la troisième définitions comportent la même idée : « 1‑Action d’associer qqn à qqch. V. Participation, collaboration, coopération... 3‑Groupement de personnes qui s’unissent en vue d’un but déterminé... "Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme". » Là encore, il est question de la réunion de personnes, et non de choses, en vue d’atteindre un objectif précis.

 

Dans les deux langues officielles, le mot « association » provient du latin : associare, [TRADUCTION] « se joindre (à) associer (avec) », et, plus fondamental encore : societas : [TRADUCTION] « 1. Le fait d’être associé en vue d’un but commun, partenariat... 2. Un groupe de personnes associées en vue d’un but commun. [...] 3. Association (entre peuples ou souverains) en temps de guerre, etc., alliances. » (Oxford Latin Dictionary, éd. combinée 1985, Oxford University Press.) Des définitions larges et ancestrales peuvent mener à de nombreuses directions différentes, mais, en l’espèce, l’important est que le genre d’association dont la Charte garantit la liberté est une association de personnes, et non simplement de choses, d’effets ou de biens appartenant à des personnes. L’avocat principal des demandeurs a admis devant la Cour, sans l’ombre d’un doute, que le grain dont il est question dans le présent litige est un produit commercial (ce qui est fort évident, en tout état de cause), une chose, en fait, mais non une personne. C’est donc dire que l’alinéa 2d) de la Charte n’a rien à voir avec le fait que les grains de producteurs différents soient mélangés dans des wagons de marchandises, des silos et des caisses de toutes sortes. Étant une chose inanimée et non humaine, le grain est incapable d’« association » au sens de l’alinéa 2d) de la Charte. Le fait que leur grain soit mélangé n’entraîne donc pas les producteurs dans une sorte quelconque d’association de nature constitutionnelle.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[27]    La Loi sur les sociétés en nom collectif, L.R.O. 1990, ch. P.5, définit la société en nom collectif à l’article 2, en ces termes :

 

La société en nom collectif est la relation qui existe entre des personnes qui exploitent une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice. Ne constitue toutefois pas une société en nom collectif, au sens de la présente loi, la relation qui existe entre les membres d’une compagnie ou d’une association constituée en personne morale par une loi générale ou spéciale en vigueur en Ontario ou ailleurs ou en application de celle‑ci, ou inscrite comme personne morale aux termes d’une telle loi.

 

[28]    Dans l’arrêt Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] R.C.S. no 63, au paragraphe 22, il a été noté que le libellé de l’article 2 de la Loi sur les sociétés en nom collectif, qui est commun à la plupart des lois sur les sociétés en nom collectif, comporte trois éléments essentiels pour ce qui est de la constitution d’une société en nom collectif : 1) une entreprise, 2) exploitée en commun, 3) en vue de réaliser un bénéfice.

 

[29]    Aucune preuve n’est présentée à la Cour quant à la nature de l’Institut ou de la Clinique, c’est‑à‑dire de la question de savoir s’il s’agit de personnes morales, de sociétés en nom collectif, d’entreprises individuelles, de sociétés, d’associations; de plus, ni la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA »); ni la Loi ontarienne sur les sociétés par actions (la « LOSA ») n’aident à définir un institut ou une clinique. Toutefois, les deux termes sont ainsi définis dans le Webster’s Ninth New Collegiate Dictionary :

 

[TRADUCTION]

 

institut Quelque chose qui est institué : tel a 1) : un principe élémentaire reconnu comme faisant autorité 2)  au pluriel : un ensemble de principes et préceptes; en particulier : un recueil juridique : une organisation en vue de la promotion d’une cause : association institut de recherche > institut pour les aveugles > : une institution éducative et plus particulièrement une institution consacrée aux domaines techniques : un cours intensif, habituellement bref, de formation sur des sujets choisis touchant un domaine particulier < un institut d’études urbaines >.

 

clinique : une classe d’instruction médicale dans laquelle des patients sont examinés et étudiés : une réunion de groupe consacrée à l’analyse et à la résolution de problèmes concrets ou à l’acquisition de compétences ou de connaissances spécifiques dans un domaine donné clinique d’écriture > clinique de golf > : un établissement (tel un hôpital) pour le diagnostic et le traitement de patients externes : groupe de médecine formé de plusieurs médecins qui travaillent en collaboration.

 

[30]    Lorsqu’on examine le papier à en‑tête de l’Institut, il est tout à fait évident que les membres du personnel clinique et du personnel consultatif de la Clinique sont associés d’une façon ou d’une autre pour promouvoir des buts ou des causes communs, c’est‑à‑dire assurer les services médicaux pour traiter des troubles découlant de problèmes immunitaires chroniques, d’allergies, de causes liées à l’écologie, à la nutrition, aux maladies dégénératives et au stress. On peut en dire autant de la Clinique. Les docteurs Spencer, Waern et Ali sont tous des médecins-conseils auprès de cette clinique, tout comme certains autres tels que le docteur Cristina Radulescu.

 

[31]    Bien que les bulletins d’interprétation publiés par l’ARC ne soient pas des textes de loi, ils peuvent être utilisés par les tribunaux comme outils d’interprétation comme l’a déclaré la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Placer Dome Canada Ltd. v. Ontario (Minister of Finance), 2004 CarswellOnt 3491, 190 O.A.C. 157, où ce qui suit a été noté :

 

[TRADUCTION]

 

[49]      Bien qu’une politique administrative préexistante ne soit pas un facteur concluant lorsqu’il s’agit de décider de l’interprétation qu’il convient de donner à une disposition législative, le tribunal doit néanmoins lui accorder la considération appropriée. À mon avis, il serait exagéré de prétendre que la démarche interprétative ne doit pas, dans la présente affaire, être influencée par la politique du ministre, qui existe depuis plusieurs années et qui porte précisément sur la question qui nous occupe. Dans Will‑Kare Paving & Contracting Ltd. c. La Reine, [2000] 1 R.C.S. 915 (C.S.C.), le juge Binnie a dit ce qui suit au paragr. 66 :

 

La politique et l’interprétation de l’administration ne sont pas des sources concluantes, mais elles ont un certain poids en cas de doute sur la signification d’un texte législatif […] [Renvois omis.]

 

[50]      Le commentaire formulé par le juge Binnie dans Will‑Kare est particulièrement pertinent dans les affaires où la disposition législative en cause est ambiguë ou imprécise. Bien que j’aie conclu qu’il n’existe aucune ambiguïté dans la définition du terme « couverture » qui figure dans la Loi, le juge de première instance est de toute évidence parvenu à une conclusion différente. Si, comme il l’a déclaré, la définition du terme « recettes » contenue dans la Loi donnait lieu à une redondance et avait donc une incidence sur l’interprétation du mot « couverture », alors j’estime qu’il aurait été utile et nécessaire de recourir à la politique administrative du ministre. Cette politique rejette expressément la décision Echo Bay, qui constitue l’essentiel du fondement de la décision du juge de première instance.

 

[51]      Un des précédents invoqués par le juge Binnie dans Will‑Kare est l’arrêt Harel c. Sous‑ministre du Revenu (Québec), [1978] 1 R.C.S. 851 (C.S.C.), où le juge de Granpré a dit ce qui suit à la page 859 :

 

Encore une fois, je n’affirme pas que l’interprétation administrative puisse aller à l’encontre d’un texte législatif clair mais dans une situation comme celle que je viens d’esquisser, cette interprétation a une valeur certaine et, en cas de doute sur le sens de la législation, devient un facteur important.

 

[52]      Plus récemment, le juge Sexton a formulé une remarque semblable dans l’arrêt Silicon Graphics Ltd. c. La Reine, [2003] 1 C.F. 447 (C.A.F.), au paragr. 52 :

 

Bien entendu, les déclarations des fonctionnaires de Revenu Canada ne sont pas déclaratoires du droit. Toutefois, dans la décision récente de Canadian Occidental U.S. Petroleum Corp. c. Canada (2001), 2001 DTC 295 (C.C.I.), le juge en chef adjoint Bowman a fait remarquer que bien que la position administrative de Revenu Canada ne soit pas déclaratoire du droit, elle est néanmoins utile dans des circonstances où le ministre souhaite établir une nouvelle cotisation d’une manière qui n’est pas compatible avec sa propre position administrative. Il a déclaré ce qui suit, au paragraphe 30 :

 

La Cour n’est pas liée par la pratique du ministère même s’il n’est pas rare de l’examiner pour voir si elle peut être utile pour résoudre un doute : Nowegijick c. La Reine, [83 DTC 5041, à la page 5044]. J’ajouterais comme corollaire que la pratique du ministère peut être utile pour résoudre un doute en faveur d’un contribuable. On ne pourrait justifier son utilisation comme moyen de résoudre un doute en faveur du ministère même qui a élaboré cette pratique.

[Non souligné dans l’original.]

 

[32]    Comme l’a fait remarquer le juge en chef Bowman, les bulletins d’interprétation peuvent néanmoins être utiles lorsque le ministre souhaite établir une nouvelle cotisation à l’égard d’un contribuable d’une manière qui n’est pas compatible avec sa propre position administrative, ce qui est le cas dans l’affaire dont je suis saisi. Le ministre refuse d’accorder des crédits pour frais médicaux dans des circonstances qui ne sont pas compatibles avec sa propre position administrative telle qu’elle est énoncée dans son propre bulletin d’interprétation. L’application du bulletin d’interprétation en l’espèce aide à résoudre un doute en faveur du contribuable.

 

[33]    En me fondant sur les interprétations énoncées dans l’IT, sur les définitions susmentionnées, sur les faits dont j’ai pris connaissance d’office ainsi que sur les autres circonstances de la présente affaire, je conclus que la Clinique et l’Institut sont visés par les définitions de sociétés ou d’associations pour le besoin du bulletin d’interprétation. La Clinique ou l’Institut pourraient avoir été des dénominations commerciales utilisées par les médecins à des fins commerciales, qu’il s’agisse de commercialisation, de planification fiscale, d’établissement de profils de clientèle ou de regroupement d’une variété de professionnels pour fournir des services médicaux, et il s’ensuit donc que, lorsque les paiements sont versés à la Clinique ou à l’Institut, ils le sont au médecin qui a fourni les services médicaux.

 

[34]    La Cour devrait donner l’interprétation la plus équitable et la plus large possible au paragraphe 118.2(2) lorsqu’il s’agit de frais médicaux. Je renvoie à l’arrêt Johnston v. R., 98 DTC 6169, où le juge Létourneau, parlant au nom de la Cour d’appel fédérale, a déclaré en partie ce qui suit aux paragraphes 10 et 11 :

 

[10]      L’objectif des articles 118.3 et 118.4 ne vise pas à indemniser la personne atteinte d’une déficience mentale ou physique grave et prolongée, mais plutôt à l’aider à défrayer les coûts supplémentaires liés au fait de devoir vivre et travailler malgré une telle déficience. Comme le juge Bowman le dit dans l’arrêt Radage v. R., à la p. 2528 :

 

L’intention du législateur semble être d’accorder un modeste allégement fiscal à ceux et celles qui entrent dans une catégorie relativement restreinte de personnes limitées de façon marquée par une déficience mentale ou physique. L’intention n’est pas d’accorder le crédit à quiconque a une déficience ni de dresser un obstacle impossible à surmonter pour presque toutes les personnes handicapées. On reconnaît manifestement que certaines personnes ayant une déficience ont besoin d’un tel allégement fiscal, et l’intention est que cette disposition profite à de telles personnes.

 

Le juge poursuit à la p. 2529 en faisant la remarque suivante, à laquelle je souscris :

 

Pour donner effet à l’intention du législateur, qui est d’accorder à des personnes déficientes un certain allégement qui atténuera jusqu’à un certain point les difficultés accrues avec lesquelles leur déficience les oblige à composer, la disposition doit recevoir une interprétation humaine et compatissante.

 

[11]      En effet, même si elles ne s’appliquent qu’aux personnes gravement limitées par une déficience, ces dispositions ne doivent pas recevoir une interprétation trop restrictive qui nuirait à l’intention du législateur, voire irait à l’encontre de celle‑ci.

 

[35]    Je suis d’avis que l’interprétation adoptée par l’intimée en l’espèce est trop restrictive et nuit à l’intention du législateur ou va à l’encontre de celle‑ci. Je crois que le législateur avait pour objectif de donner aux contribuables qui ont engagé des frais médicaux pour recevoir des services médicaux fournis par un médecin un allégement qui atténuerait jusqu’à un certain point le fardeau financier accru avec lequel ils sont aux prises en raison des frais médicaux en question. L’interprétation restrictive adoptée par l’intimée ne répond pas à l’objectif du législateur, ni n’est compatible avec la position de l’ARC énoncée dans son bulletin d’interprétation.

 

[36]    Je conclus que l’appelant a aussi rempli toutes les conditions énumérées par le propre témoin de l’intimée, l’agent des litiges de l’ARC, conditions qui sont nécessaires pour répondre aux exigences de l’alinéa 118.2(2)a) de la Loi permettant à l’appelant de recevoir des crédits d’impôt à l’égard des frais médicaux pour la durée des traitements reçus à l’Institut et à la Clinique, y compris à l’égard des frais de déplacement engagés pour ses traitements.

 

[37]    Je remercie les parties d’avoir restreint les questions en litige et circonscrit la preuve présentée devant la Cour. J’accueille l’appel et ordonne que l’affaire soit renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu de ce qui suit :

 

Pour l’année d’imposition 2004, l’appel est accueilli et l’appelant se verra accorder :

 

a)       des frais médicaux et des frais de déplacement de 5 457,78 $ relativement aux traitements par chélation qu’il a reçus à l’Institute of Integrative Medicine;

 

b)      des frais médicaux et des frais de déplacement de 21 136,13 $ relativement aux traitements par chélation qu’il a reçus à la Toronto Clinic for Preventative Medicine;

 

c)       par consentement, 1 139,80 $ pour des frais médicaux pour les traitements reçus au Victoria Hospital de London (Ontario);

 

d)      par consentement, 138,50 $ pour des frais de stationnement dans divers établissements médicaux où les frais médicaux susmentionnés ont été engagés;

 

e)       par consentement, un transfert libre d’impôt, en vertu du paragraphe 60(l) de la Loi, du REER de Scotiabank numéro 2398197, numéro de régime 009543158, au montant de 16 745,63 $ du fonds de revenu de retraite de la conjointe décédée de l’appelant à l’appelant pour l’année d’imposition 2004, ce qui donne lieu à une réduction du revenu de l’appelant de 16 745,63 $ pour l’année d’imposition 2004.

 

[38]    En ce qui concerne la question des dépens, en vertu du paragraphe 147(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), la Cour a entière discrétion pour adjuger les frais et dépens aux parties à une instance, pour en déterminer la somme, pour les répartir et pour désigner les personnes qui doivent les supporter. En exerçant le pouvoir discrétionnaire susmentionné, j’ai pris en compte ce qui suit :

 

1.       Le résultat de l’instance – L’appelant a eu gain de cause dans l’affaire, et l’intimée n’a pas réussi à faire rejeter l’appel.

 

2.       Les sommes en cause – Bien que les sommes en cause ne soient pas énormes, elles ont certainement de l’importance pour ce contribuable de 85 ans.

 

3.       Importance des questions en litige – Ces questions sont non seulement importantes pour le contribuable mais très certainement d’une grande importance pour le grand public. Les contribuables engagent régulièrement des dépenses médicales pour payer les services médicaux fournis par des médecins – la question est très importante pour l’ensemble des contribuables compte tenu de l’ambiguïté de la disposition en cause.

 

4.       Offres de règlement présentées par écrit – J’ai constaté en consultant le dossier de la Cour qu’aucune partie à l’instance n’a déposé d’offre de règlement scellée.

 

5.       Charge de travail – Bien que la question ait été relativement restreinte et que j’aie remercié les parties d’avoir circonscrit la preuve qui m’a été présentée, ce dossier a nécessité une charge de travail considérable en raison de la nouveauté de la question dont la Cour a été saisie et du peu de jurisprudence qui existe relativement à l’interprétation de la disposition en question.

 

6.       Complexité de la question en litige – La question en litige était relativement complexe et difficile. Il est ardu d’interpréter les lois et d’essayer de dégager l’intention du législateur par l’application de l’approche textuelle, contextuelle et téléologique en matière d’interprétation de textes de loi.

 

7.       Conduite des parties – Les deux parties ont été très attentives à la question et ne se sont pas écartées du sujet devant la Cour.

 

8.       Dénégation d’un fait ou refus d’admettre un fait par une partie – Aucune des deux parties n’a fait preuve de négligence en refusant d’admettre un fait qui aurait dû l’être. Les deux parties se sont montrées très accommodantes l’une avec l’autre ainsi qu’avec la Cour en orientant cette dernière strictement sur la question en litige.

 

9.       Étapes de l’instance inappropriées, vexatoires ou inutiles – Aucune étape de l’instance n’aurait pu être jugée inappropriée, vexatoire ou inutile.

 

10.     À mon avis, il y a un autre facteur qui s’applique avec pertinence à la question des dépens. L’ARC a adopté une interprétation très étroite et très stricte de la disposition en cause, et cette attitude est particulièrement inquiétante lorsqu’on examine le bulletin d’interprétation 519R2, où l’ARC semble défendre une position contraire à celle qu’elle a prise à l’égard de l’appelant dans le présent appel.

 

[39]    J’accorde les dépens à l’appelant et, après avoir tenu compte du tarif en vigueur, j’établis les dépens à 3 000 $ plus des débours et taxes applicables.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mars 2008.

 

 

 

« E. P. Rossiter »

Juge Rossiter

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de septembre 2008.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI160

 

NO DU GREFFE :                              2006‑2016(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Peter Mudry

                                                          et

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Windsor (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 21 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge E. P. Rossiter

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 20 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Arthur M. Barat

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Frédéric Morand

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      Me Arthur M. Barat

 

                          Cabinet :                  Barat Farlam Millson

                                                          Windsor (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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