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Dossier : 2007-3078(IT)I

ENTRE :

 

ANTHONY MARCHAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

___________________________________________________________________

Appel entendu le 3 mars 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Sharon Lee

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2005 de l’appelant est rejeté sans frais.

 

       Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 17e jour de mars 2008.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2008.

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


 

 

 

Référence : 2008CCI158

Date : 20080317

Dossier : 2007-3078(IT)I

ENTRE :

 

 

ANTHONY MARCHAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Webb

 

[1]     La question en litige en l’espèce est de savoir si l’appelant peut, en vertu du paragraphe 126(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), déduire dans le calcul de son impôt à payer en application de la Loi pour 2005 certains montants retenus sur le produit de la disposition d’actions de la société The Boeing Company (« Boeing »).

 

[2]     L’appelant est comptable. Il travaillait pour Boeing Toronto Limited, une filiale en propriété exclusive de Boeing, à Toronto. Selon les modalités de son emploi, l’appelant a reçu des options d’achat d’actions de Boeing. En 2005, il a levé une partie de ces options et a ensuite revendu 190 actions de Boeing à Boeing.

 

[3]     L’appelant n’a rien payé pour les options. Il a présenté un relevé récapitulatif indiquant la vente des actions de Boeing. Le tableau suivant résume l’information relative à l’acquisition et à la disposition des actions :

 

Date de levée

27 avril 2005

27 avril 2005

9 août 2005

Total

Quantité (1)

120

40

30

190

Prix de l’option ($US)(2)

34,58 $

40,28 $

40,28 $

 

Coût (1) x (2) ($US)

4 149,60 $

1 611,20 $

1 208,40 $

6 969,20 $

Prix de vente ($US)

59,97 $

59,97 $

57,10 $

 

Produit brut ($US)

7 196,40 $

2 398,80 $

2 013,00 $

11 608,20 $

Produit brut ($CAN)

8 971,03 $

2 990,34 $

2 444,18 $

14 405,55 $

Commissions/frais ($CAN)

25,32 $

6,35 $

30,46 $

62,13 $

Produit net ($CAN)

8 945,71 $

2 983,99 $

2 413,72 $

14 343,42 $

Coût ($CAN)

5 172,89 $

2 008,52 $

1 467,24 $

8 648,65 $

Impôt retenu ($CAN)

2 504,81 $

835,52 $

675,84 $

4 016,17 $

Chèque ($CAN)

1 268,01 $

139,95 $

270,64 $

1 678,60 $

 

[4]     Je conclus que le prix de levée pour les actions a été payé par l’appelant au moment où il a levé l’option, car le prix de l’option a été déduit du produit brut qui aurait dû autrement être versé à l’appelant à la vente de ses actions. Le montant total des trois chèques faits à l’appelant pour les 190 actions était de 1 352,34 $US, soit 1 678,60 $CAN.

 

[5]     Le tableau suivant montre le gain en capital, le gain en capital imposable et le montant retenu en pourcentage du produit net et du gain en capital imposable :

 

Date de levée

27 avril 2005

27 avril 2005

9 août 2005

Total

Quantité

120

40

30

190

Produit brut ($CAN)

8 971,03 $

2 990,34 $

2 444,18 $

14 405,55 $

Commissions/frais ($CAN)

25,32 $

6,35 $

30,46 $

62,13 $

Produit net ($CAN)

8 945,71 $

2 983,99 $

2 413,72 $

14 343,42 $

Coût (PBR) ($CAN)

5 172,89 $

2 008,52 $

1 467,24 $

8 648,65 $

Gain en capital ($CAN)

3 772,82 $

975,47 $

946,48 $

5 694,77 $

Gain en capital imposable ($CAN)

1 886,41 $

487,73 $

473,24 $

2 847,38 $

Impôt retenu ($CAN)

2 504,81 $

835,52 $

675,84 $

4 016,17 $

Impôt retenu en pourcentage du produit net

28 %

28 %

28 %

28 %

Impôt retenu en pourcentage du gain en capital

66 %

86 %

71 %

71 %

 

[6]     Lorsque l’appelant a produit sa déclaration de revenu pour 2005, il a déclaré un gain en capital de 5 695 $ et un gain en capital imposable de 2 847 $. L’intimée accepte ces deux montants. Le seul point en litige a trait au montant de 4 016,17 $ déduit par l’appelant en vertu du paragraphe 126(1) de la Loi dans le calcul de son impôt à payer. Il s’agit du montant retenu par la maison de courtage qui s’est occupée de la vente des actions de Boeing.

 

[7]     L’appelant a déclaré également que ses revenus admissibles aux fins du sous‑alinéa 126(1)b)(i) de la Loi totalisaient 14 343 $ pour 2005. C’est l’équivalent du produit net susmentionné. Toutefois, bien que l’appelant ait inclus ce montant quand il a calculé ses revenus admissibles, il ne l’a pas fait quand il a déterminé son revenu aux fins du sous‑alinéa 126(1)b)(ii) de la Loi. Le seul montant relatif aux actions de Boeing que l’appelant a inclus dans son revenu aux fins du sous‑alinéa 126(1)b)(ii) de la Loi était 2 847 $ – le gain en capital imposable.

 

[8]     Le paragraphe 126(7) de la Loi dispose ce qui suit :

 

« revenus admissibles » Les revenus d’un contribuable tirés de sources situées dans un pays, déterminés conformément au paragraphe (9).

 

[9]     Les revenus qui constituent des « revenus admissibles » seraient ceux qui sont déterminés conformément à la Loi. Par conséquent, en ce qui concerne une disposition d’actions qui donne lieu à un gain en capital aux fins de la Loi, le produit réalisé à la disposition moins les commissions et frais afférents ne constituerait pas le montant qui doit être ajouté lors de la détermination des revenus admissibles pour les besoins du paragraphe 126(1) de la Loi. Le montant à inclure serait le gain en capital imposable.

 

[10]    Toutefois, la question en l’espèce est de savoir si les montants déduits par la maison de courtage constituaient des impôts qui ont été payés aux États‑Unis. Afin de se prévaloir d’un crédit pour impôts étrangers en vertu de l’article 126 de la Loi, l’appelant doit avoir payé au gouvernement d’un pays étranger de l’impôt sur un revenu ne provenant pas d’entreprises.

 

[11]    L’intimée est d’avis en l’espèce que l’appelant n’avait aucune obligation de payer de l’impôt au gouvernement des États‑Unis au titre de la disposition d’actions. L’appelant n’était ni un résident ni un citoyen des États‑Unis. Il travaillait à Toronto et était résident du Canada. Il est également citoyen du Canada. Selon l’intimée, tout gain réalisé par l’appelant à la disposition des actions serait exempté de l’impôt aux États‑Unis en vertu de l’article XIII de la Convention fiscale entre le Canada et les États‑Unis.

 

[12]    L’appelant avance quant à lui que le régime d’options d’achat d’actions a été établi par son employeur, que les montants ont été déduits par la maison de courtage agissant pour le compte de son employeur, qu’il n’exerçait aucun contrôle sur la déduction de ces montants et que ceux‑ci constituaient de l’impôt. Il a présenté une copie de l’article 1441 de l’Internal Revenue Code, qui figure au titre 26 du United States Code, sous‑titre A, chapitre 3, sous‑chapitre A. Cet article est rédigé en partie comme suit :

 

[TRADUCTION]

1441. Retenue d’impôt pour les étrangers non‑résidents

a) Règle générale

 

À moins d’indication contraire à l’alinéa c), toute personne, indépendamment de la qualité dans laquelle elle agit (y compris comme locataire ou prêteur hypothécaire à l’égard de biens réels ou personnels, fiduciaire, employeur, dirigeant ou employé des États‑Unis), qui contrôle, reçoit, garde, a à sa disposition ou obtient en paiement un des éléments du revenu précisés à l’alinéa b) (dans la mesure où l’un de ces éléments constitue un revenu brut tiré de sources situées aux États‑Unis) d’un étranger non‑résident, qu’il s’agisse d’un particulier non‑résident ou d’une société de personnes étrangère, doit (sauf disposition contraire du règlement pris par le Secrétaire en application de l’article 874) déduire de ces éléments un impôt égal à 30 p. 100 de ces éléments […]

 

[Aucun gras ni souligné dans l’original.]

 

[13]    Cet article dispose donc que, s’il est applicable, le montant à retenir est égal à 30 % des éléments de revenu précisés à l’alinéa 1441b), qui énonce en partie ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

b) Éléments du revenu

 

Les éléments de revenu visés à l’alinéa a) sont les intérêts (autres que l’escompte initial à l’émission au sens de l’article 1273), les dividendes, loyers, salaires, traitement, primes, rentes, indemnités, rémunérations, émoluments ou tout autre montant fixe ou déterminable, annuel ou périodique, au titre de gains, profits et revenus, de gains décrits aux alinéas 631 b) ou c), de montants assujettis à l’impôt en vertu de la division 871a)(1)(C), de gains assujettis à l’impôt en vertu de la division 871a)(1)(D), et de gains sur les transferts décrits à l’article 1235 et faits au plus tard le 4 octobre 1966 […]

 

[14]    Le formulaire 1099 que l’appelant a reçu pour 2005 de la maison de courtage porte à croire que le montant retenu a été calculé sur le produit net indiqué dans le tableau ci‑dessus. Cependant, le montant retenu représentait 28 % du produit net et non pas 30 % (ce montant est tiré du tableau ci‑dessus et est égal au pourcentage calculé en fonction des montants en dollars américains indiqués dans le formulaire 1099). En outre, puisque le prix de l’option a été déduit du produit à verser à l’appelant (et donc que l’appelant a payé le prix de l’option), le payeur connaissait le montant du gain réalisé par l’appelant et on ne sait pas exactement pourquoi le montant retenu n’a pas été calculé sur le gain au lieu du produit net.

 

[15]    L’article 1441 du United States Code ne permet pas, cependant, de conclure avec certitude que les montants auraient dû être retenus en application de cet alinéa. L’article dispose que les personnes identifiées dans la première partie doivent [TRADUCTION] « sauf disposition contraire du règlement pris par le Secrétaire en application de l’article 874 » déduire et remettre les montants appropriés. Toutefois, puisque le règlement en question n’a pas été déposé à l’audience, il est impossible de savoir s’il contient une exception à cette exigence de retenue et, par conséquent, il est impossible de savoir si ces montants devaient obligatoirement être retenus à l’égard de l’appelant.

 

[16]    La disposition d’un règlement pris en application des lois des États‑Unis serait une question de droit étranger. Le juge Rothstein, dans l’affaire Backman v. The Queen, 178 D.L.R. (4th) 126, [1999] A.C.F. no 1327, a déclaré ce qui suit :

 

[38]     Lorsque c’est la loi étrangère qui s’applique dans une affaire, il s’agit d’une question de fait qui doit être expressément plaidée et établie à la satisfaction de la Cour. Le professeur J.‑G. Castel a résumé les conséquences de l’omission d’une partie de faire la preuve du droit étranger :

 

[traduction] Si le droit étranger n’est pas plaidé et établi ou s’il est établi d’une façon insuffisante, il est présumé être le même que celui du tribunal saisi. Cela semble comprendre les lois ainsi que le droit établi au moyen de décisions judiciaires.

[39]     Le professeur Castel reconnaît que certains tribunaux canadiens ont hésité à appliquer la présomption selon laquelle le droit du ressort étranger est le même que celui du tribunal saisi lorsque le droit de pareil tribunal est établi par une loi. Toutefois, dans l’arrêt Fernandez c. Le « Mercury Bell », le juge Marceau, J.C.A., a statué que la distinction importante ne consiste pas à savoir si le droit du tribunal saisi est établi par une loi ou par la common law :

 

Une constante se dégage toutefois de la lecture des différents jugements, soit la réticence des juges à trancher des litiges mettant en cause des étrangers et le droit d’un autre pays en se fondant sur des dispositions de notre législation particulières à des situations locales, liées à des conditions locales ou établissant des exigences réglementaires. Cette réticence procède d’une distinction entre les dispositions de fond à caractère général, et les autres dispositions, qui sont à caractère interne ou réglementaire; cette distinction, que je considère entérinée de façon formelle par le juge Cartwright dans les deux passages que je viens de citer, est, contrairement à la simple division opérée entre la common law et le droit écrit, tout à fait raisonnable. […]

Dans un avis concordant distinct, le juge Hugessen, J.C.A., a fait remarquer que, même à l’époque où le droit anglais était en général d’origine jurisprudentielle, il n’aurait probablement pas été soutenu qu’une loi d’application générale ne devait pas être visée par la règle relative à la présomption :

 

Ma seconde remarque concerne la suggestion de certains auteurs selon laquelle la loi du tribunal saisi vise uniquement la common law établie dans les décisions judiciaires, à l’exclusion du droit écrit. Là encore, je crois que les formulations qui ont été faites de la règle sont empreintes du contexte historique et remontent à l’époque où le droit anglais était en très grande partie d’origine jurisprudentielle; les lois parlementaires constituaient des exceptions et ne faisaient pas partie du droit ordinaire. Toutefois, je doute que, même à cette époque, il aurait été soutenu qu’une loi d’application générale telle que, par exemple, le Bills of Exchange Act (Loi sur les lettres de change) n’était pas applicable et que la cour devait débusquer dans les recoins de l’histoire l’état du droit précédant son adoption. À mon avis, cette règle, formulée comme elle doit l’être, porte que la cour appliquera uniquement les éléments de la loi du tribunal saisi qui font partie du droit général du pays.

 

[40]     Je crois que la législation concernant les sociétés de personnes est un exemple de droit législatif d’application générale. Les sociétés de personnes n’ont rien d’intrinsèquement local ou de particulier, et le droit dans ce domaine est à peu près le même dans les divers ressorts.

 

[17]    À mon avis, les lois fiscales d’un pays quel qu’il soit ne seraient pas considérées comme des règles de droit législatif d’application générale aux fins de l’application de la loi du tribunal saisi aux lois fiscales non établies d’un ressort étranger, de sorte que les dispositions de la Loi et du Règlement de l’impôt sur le revenu ne devraient pas servir à combler les vides dans les lois fiscales américaines qui ont été établies à l’audience. Puisque l’appelant n’a pas établi que le règlement dont il est question à l’article 1441 du United States Code ne s’applique pas pour exempter ses paiements de l’impôt à payer en vertu de cet article et que les montants déduits ne correspondent pas aux montants prévus à cet article, l’appelant n’a pas réussi à démontrer que les montants déduits par la maison de courtage étaient un impôt.

 

[18]    La présente affaire est semblable à Meyer v. The Queen, 2004 CCI 199. Le particulier dans l’affaire Meyer avait omis de se prévaloir d’une exemption énoncée dans une convention fiscale mais avait quand même essayé de déduire le montant des impôts payés aux États‑Unis à titre de crédit pour impôts étrangers. Dans cette décision, le juge Hershfield a fait les commentaires suivants :

 

[20]   Bien que j’éprouve certaines réticences à accepter l’idée voulant que l’ADRC puisse décider si un impôt payé à l’étranger constitue un paiement volontaire, et donc pas un « impôt », j’admets en l’espèce, compte tenu des faits dont je suis saisi et des précédents invoqués par l’intimée, que la somme en litige n’était pas un « impôt » payé au pays étranger en cause. Par contre, cela ne signifie pas qu’aucun paiement volontaire ne peut être assimilé à un « impôt ». À titre d’exemple, le fait qu’une personne ne se soit pas prévalue des déductions discrétionnaires et ait ainsi volontairement augmenté l’impôt à payer dans un pays étranger n’autoriserait pas l’ADRC à refuser un crédit pour cette seule raison. De même, l’ADRC ne devrait pas dicter aux contribuables résidents la teneur de la déclaration de revenus qu’ils produisent à l’étranger. Cependant, lorsqu’un contribuable résident produit une déclaration de revenus à l’étranger sans veiller à fournir les renseignements nécessaires pour établir l’impôt payable, par exemple en omettant de produire des formulaires requis ou de donner les renseignements qui lui auraient permis de se prévaloir d’un avantage au titre du Traité, et qu’il refuse de corriger l’erreur ou de prouver qu’il n’était pas dans l’erreur, le paiement en trop qui en résulte peut être considéré comme une somme payée autrement qu’à titre d’« impôt ».

 

[…]

 

[22]   Cela étant dit, je souhaite insister sur le fait qu’il est toujours loisible au contribuable de présenter des éléments de preuve établissant que le paiement de l’impôt à l’étranger était nécessaire et justifié par les lois de l’État étranger concerné. La Cour a compétence pour trancher cette question, mais le fardeau de la preuve incombe au contribuable. L’appelant a choisi de ne pas tenir compte de cette obligation; il souhaitait simplement que l’ADRC règle le problème avec le Trésor américain ou le Internal Revenue Service et qu’on ne le mêle pas à l’affaire. À mon avis, cette position est inacceptable. En effet, même si, tout bien pesé, le libellé de l’article 126 ne permet pas à l’ADRC de refuser un crédit parce qu’elle a des motifs de croire que l’impôt étranger, contrairement aux lois de l’État étranger en cause, a été mal calculé ou que le crédit est restreint par des dispositions du Traité fiscal intervenu entre ce pays et le Canada, rien ne l’empêche de soutenir cette thèse et de faire porter au contribuable le fardeau de prouver que cette croyance n’est pas fondée. Quoi qu’il en soit, l’alinéa 2a) de l’article XVIII prévoit expressément que les États‑Unis ne peuvent exiger un impôt de plus de 15 pour 100 relativement aux pensions provenant des États‑Unis que reçoit un résident canadien. En outre, le paragraphe 3 de l’article XXIX précise que cette limite s’applique aux citoyens des États‑Unis. Une somme payée en trop ne constitue donc pas un « impôt ».

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[19]    Dans la présente affaire, il est clair que l’appelant n’a pris aucune mesure pour faire appliquer les dispositions de l’article XIII de la Convention fiscale entre le Canada et les États‑Unis à son cas pour ce qui est de la disposition des actions de Boeing.

 

[20]    L’article XIII de la Convention fiscale entre le Canada et les États‑Unis est rédigé en partie en ces termes :

 

1. Les gains qu’un résident d’un État contractant tire de l’aliénation de biens immeubles situés dans l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État.

 

[…]

 

3. Au sens du présent article, l’expression « biens immeubles situés dans l’autre État contractant »

 

a) En ce qui concerne les biens immeubles situés aux États‑Unis, désigne un intérêt dans les biens immeubles des États‑Unis (United States real property interest) et les biens immeubles visés à l’article VI (Revenus tirés de biens immeubles) situés aux États‑Unis, mais elle ne comprend pas une action du capital d’une société qui n’est pas un résident des États‑Unis; et

 

b) En ce qui concerne les biens immeubles situés au Canada, désigne :

 

(i) Les biens immeubles visés à l’article VI (Revenus tirés de biens immeubles) situés au Canada;

 

(ii) Une action du capital d’une société qui est un résident du Canada et dont la valeur des actions est principalement tirée de biens immeubles situés au Canada et

 

(iii) Une participation dans une société de personnes, une fiducie ou une succession dont la valeur est principalement tirée de biens immeubles situés au Canada.

 

4. Les gains provenant de l’aliénation de tous biens autres que ceux visés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l’État contractant dont le cédant est un résident.

 

[21]    Les gains, pour un résident du Canada, provenant de l’aliénation d’un bien qui n’est pas décrit aux paragraphes 1, 2 ou 3 seront imposables seulement au Canada. Les gains, pour un résident du Canada, provenant de l’aliénation d’un intérêt dans un bien immeuble situé aux États‑Unis (autre que l’action d’une société qui n’est pas une résidente des États‑Unis) ne seront pas exonérés d’impôt aux États‑Unis en vertu de l’article XIII. Le fait que ce paragraphe énonce une exception dans le cas des actions de certaines sociétés signifie que les actions d’une société pourraient être incluses dans la définition d’un intérêt dans un bien immeuble des États‑Unis. Sinon, il ne serait pas nécessaire d’exclure les actions des sociétés qui ne résident pas aux États‑Unis étant donné que les actions d’une société ne pourraient pas constituer un intérêt dans un bien immeuble des États‑Unis.

 

[22]    En outre, l’explication technique qui est donnée pour cet article de la Convention précise ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

En vertu de l’alinéa 3a) de l’article XIII de la Convention, un bien immeuble situé aux États‑Unis désigne un bien immeuble (au sens de l’article VI (Revenus tirés de biens immeubles) de la Convention) situé aux États‑Unis et un intérêt dans un bien immeuble des États‑Unis. En vertu de l’alinéa 897c) de l’Internal Revenue Code, l’expression « intérêt dans un bien immeuble des États‑Unis » s’entend des actions d’une société américaine qui détient suffisamment d’intérêts dans des biens immeubles des États‑Unis pour respecter un ratio calculé en fonction de ses éléments d’actif à certaines dates d’évaluation.

 

[23]    Aucune preuve n’a été présentée au sujet des éléments d’actif de Boeing et aucun bilan non plus. Bien qu’il soit improbable que les actions de Boeing, fabricant bien connu d’aéronefs, constituent un intérêt dans un bien immeuble des États‑Unis, je ne suis pas en mesure de formuler quelque conclusion que ce soit à ce propos sans autre preuve relative aux critères applicables en vertu de l’Internal Revenue Code. Il n’y avait non plus aucune preuve portant sur l’existence possible d’une exception dans le cas d’actions de sociétés cotées en bourse fondée sur le pourcentage d’actions détenu par le particulier en cause. D’autres éléments de preuve seraient nécessaires pour me permettre de définir les critères qui doivent être examinés afin qu’on sache si les actions d’une société constituent un intérêt dans un bien immeuble des États‑Unis et si les actions de Boeing vendues par l’appelant sont un intérêt dans un bien immeuble des États‑Unis. Il est clair, toutefois, que l’appelant n’a pas pris de mesures pour déterminer l’impôt qu’il devait payer aux États‑Unis en raison de l’application de la Convention fiscale entre le Canada et les États‑Unis.

 

[24]    Comme l’a souligné le juge Hershfield dans la décision Meyer, les dispositions de l’article XXVI de la Convention fiscale entre le Canada et les États‑Unis peuvent également aider l’appelant. Cet article est rédigé en partie ainsi :

 

1.    Lorsqu’une personne estime que les mesures prises par un État contractant ou par les deux États contractants entraînent ou entraîneront pour elle une imposition non conforme aux dispositions de la présente Convention, elle peut, indépendamment des recours prévus par le droit interne de ces États, soumettre son cas par écrit à l’autorité compétente de l’État contractant dont elle est un résident ou, si elle n’est pas un résident d’aucun des États contractants, à celle de l’État contractant dont elle possède la nationalité.

 

2. L’autorité compétente de l’État contractant à qui le cas a été soumis s’efforce, si la réclamation lui paraît fondée et si elle n’est pas elle‑même en mesure d’y apporter une solution satisfaisante, de résoudre le cas par voie d’accord amiable avec l’autorité compétente de l’autre État contractant, en vue d’éviter une imposition non conforme à la Convention. Sauf lorsque les dispositions de l’article IX (Personnes liées) s’appliquent, l’accord est appliqué quelles que soient les restrictions relatives au temps ou à la procédure prévues par le droit interne des États contractants pourvu que l’autorité compétente de l’autre État contractant ait reçu, dans un délai de six ans à compter de la fin de l’année d’imposition à laquelle le cas s’applique, avis qu’un tel cas existe.

 

3. Les autorités compétentes des États contractants s’efforcent, par voie d’accord amiable, de résoudre les difficultés ou de dissiper les doutes auxquels peuvent donner lieu l’interprétation ou l’application de la Convention. En particulier, les autorités compétentes des États contractants peuvent parvenir à un accord :

 

a) Pour que les bénéfices revenant à un résident d’un État contractant et à son établissement stable situé dans l’autre État contractant soient imputés d’une manière identique;

 

b) Pour que les revenus, déductions, crédits ou allocations revenant à des personnes soient attribués d’une manière identique;

 

c) Pour que la source d’éléments spécifiques de revenu et la nature de ces éléments soient déterminées d’une manière identique;

 

d) Pour que tout terme utilisé dans la Convention ait un sens commun;

 

e) Pour l’élimination de la double imposition à l’égard des revenus distribués par une succession ou une fiducie;

 

f) Pour l’élimination de la double imposition à l’égard d’une société de personnes;

 

g) Pour l’élimination de la double imposition résultant de l’application de l’impôt sur les successions perçu par les États‑Unis ou de l’impôt canadien en raison d’une distribution ou disposition de biens par une fiducie qui est une fiducie américaine admissible (qualified domestic trust) au sens de l’article 2056A de l’Internal Revenue Code ou une fiducie visée par le paragraphe 70(6) de la Loi de l’impôt sur le revenu, ou qui est traitée comme telle en vertu du paragraphe 5 de l’article XXIX B (Impôts perçus en cas de décès), dans le cas où aucun allégement n’est par ailleurs disponible; ou

 

h) Pour augmenter tout montant exprimé en dollars visé dans la Convention de façon à refléter l’évolution économique ou monétaire.

 

Elles peuvent aussi se concerter en vue d’éliminer la double imposition dans les cas non prévus par la Convention.

 

[25]    Par conséquent, si l’appelant n’est pas en mesure de résoudre le problème directement avec les autorités fiscales américaines, il aura le droit de demander par écrit à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), en vertu de l’article XXVI de la Convention fiscale entre le Canada et les États‑Unis, de résoudre le cas. Comme l’intimée a clairement présumé dans la réponse qu’aucun montant n’est dû à l’Internal Revenue Service des États‑Unis au titre de l’impôt à payer en raison de l’aliénation des actions de Boeing par l’appelant, il ne semble y avoir aucun motif pour l’ARC de dire que la réclamation de l’appelant ne lui paraît pas fondée si l’appelant n’est pas en mesure de résoudre le cas directement avec l’Internal Revenue Service.

 

[26]    L’appelant n’a pas réussi à établir que les montants retenus par la maison de courtage étaient un impôt payé aux États‑Unis, car la disposition du United States Code mentionnée plus haut était incomplète (étant donné que le règlement cité dans cette disposition n’a pas été présenté) et l’appelant n’a pas pris de mesures pour exercer son droit de se prévaloir d’une exemption en vertu de la Convention fiscale entre le Canada et les États‑Unis. Par conséquent, l’appel est rejeté sans frais. L’appelant a également soulevé la question de la déduction en vertu du paragraphe 20(12) de la Loi. Cependant, puisqu’une déduction au titre de ce paragraphe serait elle aussi fondée sur l’impôt payé par l’appelant sur un revenu ne provenant pas d’entreprises, le fait que l’appelant ne soit pas parvenu à établir que les montants retenus par la maison de courtage étaient un impôt payé aux États‑Unis signifie aussi qu’il ne peut réclamer aucune déduction dans la présente affaire en vertu du paragraphe 20(12) de la Loi.

 

[27]    L’appel est rejeté, sans frais.

 

       Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 17e jour de mars 2008.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2008.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI158

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :      2007‑3078(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Anthony Marchan et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 3 mars 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 17 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Sharon Lee

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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