Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2006-1779(IT)G

ENTRE :

ROBERT MARCON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 4 février 2008, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

 

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

       L’appel de l’avis de nouvelle cotisation établi en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu et daté du 22 mars 2004 relativement à l’année d’imposition 1999 de l’appelant est rejeté, sans frais, sur la base des motifs ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de février 2008.

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

 

 

 

Référence : 2008CCI116

Date : 20080221

Dossier : 2006-1779(IT)G

ENTRE :

ROBERT MARCON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              Il s’agit d’un appel à l’encontre d’un avis de nouvelle cotisation établi en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) ch. 1, 5e Suppl., telle qu’amendée (la « Loi ») et daté du 22 mars 2004 en vertu duquel le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a ajouté au revenu de l’appelant, pour l’année d’imposition 1999, une somme de 75 000 $ à titre de revenu tiré d’une entreprise dans le cadre de la vente d’une pisciculture.

 

[2]              Une renonciation à la période normale de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1999 relativement aux impacts fiscaux découlant de la vente de la pisciculture a été signée par le représentant de l’appelant le 5 juin 2003.

 

[3]              En établissant et ratifiant l’avis de nouvelle cotisation du 22 mars 2004 pour l’année d’imposition 1999, le Ministre s’est, notamment, fondé sur les conclusions et hypothèses de fait suivantes :

 

a)                 l’appelant a vendu en 1999 sa pisciculture et certains autres actifs pour la somme totale de 327 000 $ mais n’a pas déclaré cette vente dans sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 1999;

 

b)                suite à la vérification des documents relatifs à la vente de la pisciculture, la vérificatrice a apporté les changements suivants au revenu de l’appelant :

 

                                                 i)                  un gain de capital de 46 590 $ réalisé sur la vente des immobilisations de la pisciculture a été ajouté;

 

                                               ii)                  une déduction pour gains en capital sur biens agricoles admissibles de 34 942 $ a été accordée;

 

                                             iii)                  une récupération de 1 360 $ sur la vente des immobilisations a été ajoutée; et

 

                                             iv)                  un profit de 75 000 $ a été ajouté relativement à la vente de l’inventaire.

 

Seul ce dernier point a fait l’objet de l’opposition et est un litige dans le cadre de cet appel;

 

c)                 comme dans ce genre d’entreprise, les coûts encourus pour amener les poissons à maturité sont déduits en totalité comme dépenses, la totalité de la somme de 75 000 $ a été incluse dans le revenu de l’appelant;

 

d)                la vente de la pisciculture a été faite entre parties non liées et n’ayant aucun lien de dépendance entre elles et la cotisation a été émise en fonction des valeurs inscrites au contrat de vente notarié, soit 75 000 $ pour l’inventaire;

 

e)                 l’appelant n’a soumis aucun document permettant de démontrer le coût de l’inventaire et n’a jamais, au cours des années d’opération de la pisciculture, produit de bilans;

 

f)                  en juillet 2003, le représentant du contribuable, monsieur François Vien, a soumis une feuille de travail dans laquelle il indiquait que l’inventaire avait été vendu au prix de 75 000 $ et que le coût de cet inventaire était de 40 000 $;

 

g)                 suite à l’émission du projet de cotisation, l’appelant a indiqué à la vérificatrice que, contrairement à ce que le contrat de vente stipulait, l’inventaire ne s’élevait pas à 75 000 $ mais plutôt à 12 000 $ et que la différence représentait de l’achalandage;

 

h)                 dans leur bilan, les acheteurs ont traité la totalité du 75 000 $ comme étant de l’inventaire;

 

i)                   les faibles revenus déclarés par l’appelant au cours des cinq années avant la vente de la pisciculture démontrent que l’achalandage ne devait pas être significatif;

 

j)                   aucune preuve n’a été apportée par l’appelant permettant de démontrer que la valeur de l’achalandage était de 75 000 $ et les éléments suivants ont été considérés pour démontrer que l’achalandage n’avait aucune valeur :

 

                                                 i)                  le revenu net de l’appelant est minime ou négatif et le coût des immobilisations est élevé;

 

                                               ii)                  la clientèle a tendance à suivre le fournisseur de services plutôt que le lieu d’exploitation dans ce genre d’entreprise de sorte que si l’appelant avait décidé de repartir le même genre de commerce dans les environs, les clients lui auraient été en majorité fidèles;

 

                                             iii)                  les acheteurs n’auraient pas payé 327 000 $ pour des revenus nets après impôts d’environ 2 820 $ par année car ils auraient eu un rendement presque nul sur leur investissement;

 

                                             iv)                  selon le revenu moyen des cinq dernières années après impôts, la valeur de l’entreprise était de l’ordre de 15 000 $ à 30 000 $, ce qui démontre que ce sont les installations que les acheteurs ont acquises pour 327 000 $.

 

[4]              L’avocate de l’intimée a produit, le 24 décembre 2007, au greffe de la Cour un certificat relatif à un rapport d’expertise en vertu de la Règle 145(1)(b) auquel était joint le rapport d’expertise (indice) de monsieur Alexandre Lacombe-Lavigne, m.fin. et de madame Bic Thu Thi, EEE, en date du 21 décembre 2007. Leur mandat était de fournir un indice de la juste valeur marchande de l’achalandage de Pisciculture de Namur Enr. en date du 17 mars 1998. Madame Bic Thu Thi a témoigné et a expliqué les raisons pour lesquelles elle et son collègue ont conclu que l’achalandage était inexistant et avait une valeur de zéro. Les conclusions du rapport sont énoncées à la page 6 du rapport en ces termes :

 

« Évaluation de l’achalandage

 

Compte tenu que l’achalandage est la différence entre la valeur d’exploitation et la somme des actifs corporels nets, que ces valeurs ont respectivement été évaluées à 0 $ et 199 500 $, nous attribuons une valeur de 0 $ à l’achalandage.

 

Corroboration

 

L’investissement de 199 500 $ pour l’obtention de 6 700 $ annuellement, avant ajustement pour les salaires, représente un taux de rendement d’environ 3,36 %. Sans tenir compte du montant investi dans l’inventaire, 75 000 $, nous obtiendrions un rendement de 5,38 %. À titre comparatif, le taux de rendement des obligations à long terme du gouvernement canadien était de 5,73 % au 18 mars 1998 (selon les données de la Banque du Canada).

 

Pour l’achat d’une petite entreprise privée, un investisseur exigerait, normalement, un rendement supérieur au taux sans risque (obligations du Canada) pour tenir compte de divers risques reliés au marché, à la taille de l’entreprise, etc. Dans la situation présente, le taux de rendement de la société, qui ne dépasse pas le taux sans risque, nous permet de conclure que l’achalandage est inexistant ».

 

La valeur des actifs corporels nets de l’entreprise de 199 500 $ a été établie après déduction de la valeur des actifs ne servant pas directement à l’exploitation de l’entreprise.

 

[5]              Monsieur Robert Marcon et son représentant, Monsieur François Viens, un comptable avec qui Monsieur Marcon a un lien de parenté, ont témoigné et ont, notamment, fourni les explications suivantes :

 

a)                 le permis d’exploitation de la pisciculture était un permis pour un étang de pêche de sorte que la vente de poissons d’élevage était prohibée;

 

b)                la vente de la pisciculture n’a pas été déclarée par l’appelant dans sa déclaration de revenu de 1999 parce qu’il croyait que l’exonération au titre de gain en capital de 500 000 $ lors de la disposition d’une entreprise agricole s’appliquait à la vente;

 

c)                 le fait qu’il y a eu délaissement par l’appelant de la pisciculture le 29 mars 1998 alors que la vente n’a été notariée que le 29 janvier 1999 a créé une certaine confusion quant à l’année de la disposition de la pisciculture pour fins fiscales;

 

d)                le retard à notarier la vente serait attribuable aux difficultés qu’ont eu les acheteurs à obtenir leur financement;

 

e)                 suite à une évaluation par un évaluateur indépendant des actifs corporels de la pisciculture et des autres actifs vendus, le prix de vente est passé de 350 000 $ à 327 000 $ et l’achalandage a été enlevé aux fins de la répartition du prix de vente parce que cet élément d’actif ne pouvait être financé par l’institution prêteuse;

 

f)                  leur évaluation de l’inventaire était notionnelle puisque basée sur des estimés de croissance des poissons sans achat de nouveaux œufs.

 

[6]              Concernant la répartition du produit de la disposition de 350 000 $ de la Pisciculture de Namur Enr., le représentant de l’appelant a reconnu avoir transmis par lettre au notaire instrumentant datée du 25 octobre 1998 une répartition comprenant 45 000 $ pour l’inventaire et 65 000 $ pour l’achalandage alors que dans une lettre similaire datée du 17 novembre 1998, la nouvelle répartition du produit de la disposition de 350 000 $ comprenait 45 000 $ pour l’inventaire et 40 000 $ pour l’achalandage.

 

[7]              Le contrat de vente du 29 janvier 1999 fait référence à un avant-contrat conclu en date du 16 décembre 1998 qui fut accepté par le vendeur à la même date. Sauf incompatibilité, les parties ont confirmé les ententes qui y sont contenues mais non reproduites au contrat de vente du 29 janvier 1999. Cet avant-contrat n’a pas été déposé à la Cour.

 

[8]              Étant donné que le contrat de vente de la pisciculture a été conclu entre des parties n’ayant aucun lien de dépendance entre elles et qu’il ne s’agissait pas en l’espèce d’une simulation ni d’un subterfuge, l’appelant doit s’acquitter du fardeau d’établir que la répartition du prix de vente faite au contrat n’est pas réaliste et il doit prouver que sa répartition est raisonnable dans les circonstances.

 

[9]              Sur la foi des deux lettres adressées au notaire en octobre et en novembre 1998, il est clair que les parties au contrat de vente ont eu l’occasion de négocier la répartition du prix de vente énoncé au contrat.

 

[10]         L’appelant n’a pas été en mesure de démontrer que la répartition du prix de vente acceptée par le Ministre était irréaliste ou déraisonnable. La méthode notionnelle qu’il a utilisée pour évaluer l’inventaire est, pour le moins, très imprécise et très peu fiable. Aucun document permettant d’établir le coût de l’inventaire au moment de la vente n’a été produit si ce n’est que d’une liste de prix suggestive pour la vente de truites pour l’ensemencement au Québec.

 

[11]         De plus, l’appelant n’a pas été en mesure de montrer l’existence d’un achalandage significatif au sein de son entreprise et n’a pu contredire les conclusions du rapport d’expertise produit par l’intimée.

 

[12]         Les positions contradictoires prises par l’appelant et par son représentant dans le cadre de la vérification (voir les paragraphes 3(f) et 3(g) ci-dessus) et les lettres du représentant de l’appelant dans les jours qui ont précédé la signature du contrat de vente démontre bien que la répartition prônée par l’appelant n’est pas raisonnable dans les circonstances et n’est pas basée sur des données fiables.

 

[13]         L’appel est rejeté sans frais.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de février 2008.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI116

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-1779(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Robert Marcon et Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 4 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 février 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

 

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Anne Poirier

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.