Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2007-861(IT)I

ENTRE :

MARIE AUKSTINAITIS,

appelante,

 et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus le 13 décembre 2007, à Ottawa (Ontario).

Devant : L'honorable Gerald J. Rip, juge en chef adjoint

 

Comparutions :

Appelante :

L'appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Marie-Claude Boisvert

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation daté du 20 juin 2006 par laquelle le ministre du Revenu national (« Ministre ») a refusé la prestation fiscale canadienne pour enfants attribuable à l'appelante pour les années de base 2002, 2003 et 2004 pour la période de juillet 2005 à juin 2006 ainsi que la cotisation daté du 26 mai 2006 par laquelle le Ministre a refusé le crédit de taxe pour les produits et services attribuable à l'appelante pour les années d'imposition 2002, 2003 et 2004 pour la période de juillet 2003 à juin 2006 sont admis, avec frais s'il y a lieu, et les cotisations sont déférée au Ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelante était le particulier admissible au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de février 2008.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef adjoint Rip


 

 

 

 

Référence : 2008CCI104

Date : 20080219

Dossier : 2007-861(IT)I

 

ENTRE :

MARIE AUKSTINAITIS,

appelante,

 et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Juge en chef adjoint Rip

 

 

I.   INTRODUCTION

 

[1]     Il s'agit des appels entendus en vertu de la procédure informelle concernant les années de base 2002, 2003 et 2004. Le ministre du Revenu national (« Ministre ») a cotisé l’appelante pour les périodes sous appel en lui refusant le crédit de taxe pour les produits et services (« CTPS ») et la prestation fiscale canadienne pour enfants (« PFCE ») en se basant sur la présomption que Marc Mongeon était le conjoint de fait de l’appelante. Par conséquent, le Ministre a cotisé l’appelante pour les périodes de juillet 2005 à juin 2006 et de juillet 2003 à juin 2006 en raison des présumés montants versés en trop à titre de PFCE et CTPS.

 

[2]     Le Ministre a basé ses cotisations sur les faits suivants :

 

a)         l’appelante et Marc Mongeon ont un enfant; (confirmé par l’appelante)

 

b)         l’enfant est né le 30 septembre 2000; (confirmé par l’appelante)

 

c)         pendant toute la période pertinente, l’appelante et Marc Mongeon vivaient ensemble;

 

d)         pendant toute la période pertinente, l’appelante et Marc Mongeon partageaient certaines responsabilités financières; et

 

e)         pendant toute la période pertinente, l’appelante et Marc Mongeon assumaient conjointement les soins et l’éducation de l’enfant.

 

[3]     Il s’agit donc en l’espèce de déterminer si Marc Mongeon était le conjoint de fait de l’appelante pendant les périodes sous appel.

 

II.   FAITS

 

[4]     Il est à noter que Marc Mongeon ne s’est pas présenté lors de l’audience de cet appel malgré qu’un avis de comparution lui avait été signifié.

 

[5]     L’appelante et Marc Mongeon ont vécu en tant que conjoints de fait de 1999 au 17 mars 2001. C’est pendant cette période qu’est né leur enfant.

 

[6]     À la suite de la rupture de cette relation, une convention quant à la garde partagée de l’enfant a été rendue par la Cour supérieure du Québec le 27 septembre 2001. Marc Mongeon a par la suite eu une autre conjointe et de cette union est né un deuxième enfant. En 2003, Marc Mongeon s’est séparé de cette deuxième conjointe et a par la suite fait une faillite personnelle en novembre 2003.

 

[7]     Monsieur Mongeon est ensuite allé vivre chez l’appelante au début de l’année 2004 jusqu’en juillet 2006. C’est cette période de cohabitation qui est à l’origine du présent litige.

 

III.   POSITION DES PARTIES

 

[8]     Il ne fait pas de doute que l’appelante ne considérait pas être la conjointe de fait de monsieur Mongeon pendant les périodes en cause. Selon elle, ils ne faisaient que cohabiter et partager la garde de leur enfant selon une ordonnance de la Cour supérieure du Québec, rien de plus. C’est ainsi qu’elle réclame avoir le droit aux crédits qui lui ont été refusés.

 

[9]     Au contraire, l’intimée soutient que l’appelante et monsieur Mongeon étaient des conjoints de fait pendant les périodes en litige. Suivant cette détermination, l’intimée maintient que l’appelante n’a pas droit aux crédits en cause.

 

V.   ANALYSE

 

[10]    Dans le calcul du CTPS et de la PFCE, il est prévu que l’on doive prendre en considération le revenu du conjoint de fait.

 

[11]    Le paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (« Loi ») donne la définition suivante de « conjoint de fait » aux fins de la Loi :

 

Quant à un contribuable à un moment donné, personne qui, à ce moment, vit dans une relation conjugale avec le contribuable et qui, selon le cas :

 

a) a vécu ainsi tout au long d'une période d'un an se terminant avant ce moment;

 

b) est le père ou la mère d'un enfant dont le contribuable est le père ou la mère, compte non tenu des alinéas 252(1)c) et e) ni du sous-alinéa 252(2)a)(iii).

 

Pour l'application de la présente définition, les personnes qui, à un moment quelconque, vivent ensemble dans une relation conjugale sont réputées, à un moment donné après ce moment, vivre ainsi sauf si elles ne vivaient pas ensemble au moment donné, pour cause d'échec de leur relation, pendant une période d'au moins 90 jours qui comprend le moment donné.

 

[12]    Aux fins du CTPS et de la PFCE, l'article 122.6 de la Loi donne la définition suivante d’« époux ou conjoint de fait visé » :

 

Personne qui, à un moment donné, est l'époux ou conjoint de fait d'un particulier dont il ne vit pas séparé à ce moment. Pour l'application de la présente définition, une personne n'est considérée comme vivant séparée d'un particulier à un moment donné que si elle vit séparée du particulier à ce moment, pour cause d'échec de leur mariage ou de leur union de fait, pendant une période d'au moins 90 jours qui comprend ce moment.

 

[13]    L'ancien paragraphe 252(4) définissait les termes « conjoint » et « mariage ». Dans l'affaire de Milot c. R.[1], ma consoeur la juge Lamarre Proulx a écrit que :

 

12        Cette définition [ancien paragraphe 252(4)] nous amène à considérer la notion d'union conjugale. Quand deux personnes peuvent-elles être considérées comme vivant en union conjugale? Cette notion a été souvent étudiée pour les fins de différentes lois statutaires. Au Québec, par exemple, cette notion a été étudiée pour l'application, notamment, de la Loi sur l'assurance automobile, L.R.Q.C. a-25, art. 2, al. 2, et de la Loi sur le régime de rentes du Québec, L.R.Q., c. R-9, art. 91. Voir Les personnes et les familles, Knoppers, Bernard et Shelton, Tome 2, Les éditions Adage, dont le premier chapitre est intitulé « Les familles de fait ». On y lit que la cohabitation est fondamentale à l'union de fait ainsi que le comportement conjugal. Ce comportement se constate par les relations sexuelles, l'échange affectif et intellectuel, le soutien financier et la notoriété.

 

[14]    La juge Lamarre Proulx est venue adopter les facteurs élaborés par le juge Kurisko dans Molodowich v. Penttinen[2] afin de déterminer ce qui constitue une union conjugale. On trouve dans un jugement de la Cour de district de l'Ontario un énoncé plus précis de ce qui constitue de la cohabitation ou des relations conjugales ou assimilables au mariage. Le juge Kurisko de la Cour de district y dresse en effet la liste suivante des points pertinents :

 

1. Logement

 

a) Les intéressés vivaient-ils sous le même toit?

 

b) Couchaient-ils dans le même lit?

 

c) Y avait-il quelqu'un d'autre qui habitait chez eux?

 

2. Comportement sexuel et personnel

 

a) Les intéressés avaient-ils des rapports sexuels? Si non, pourquoi?

 

b) Étaient-ils fidèles l'un à l'autre?

 

c) Quels étaient leurs sentiments l'un pour l'autre?

 

d) Existait-il une bonne communication entre eux sur le plan personnel?

 

e) Prenaient-ils leurs repas ensemble?

 

f) Que faisaient-ils pour s'entraider face aux problèmes ou à la maladie?

 

g) S'offraient-ils des cadeaux à des occasions spéciales?

 

3. Services

 

Comment les intéressés agissaient-ils habituellement en ce qui concerne:

 

a) la préparation des repas;

 

b) le lavage et le raccommodage des vêtements;

 

c) les courses;

 

d) l'entretien du foyer;

 

e) les autres services ménagers?

 

4. Relations sociales

 

a) Les intéressés participaient-ils ensemble ou séparément aux activités du quartier et de la collectivité?

 

b) Quelle était la nature des rapports de chacun d'eux avec les membres de la famille de l'autre et comment agissaient-ils envers ces derniers, et inversement, quel était le comportement de ces familles envers les intéressés?

 

5. Attitude de la société

 

Quelle attitude et quel comportement la collectivité avait-elle envers les intéressés, considérés individuellement et en tant que couple?

 

6. Soutien (économique)

 

a) Quelles dispositions financières les intéressés prenaient-ils pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie (vivres, vêtements, logement, récréation, etc.) ou de contribuer à les fournir?

 

b) Quelles dispositions prenaient-ils relativement à l'acquisition et à la propriété de biens?

 

c) Existait-il entre eux des arrangements financiers particuliers que tous deux tenaient pour déterminants quant à la nature de leurs relations globales?

 

7. Enfants

 

Quelle attitude et quel comportement les intéressés avaient-ils à l'égard des enfants?

 

Comme l'a dit en outre le juge Kurisko, la mesure dans laquelle il sera tenu compte de chacun des sept éléments énumérés ci-dessus sera nécessairement fonction des circonstances de chaque cas.

 

[15]    L’approche établie dans Molodowich a par la suite été approuvée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt M c. H.[3]. Tel que mentionné dans cet arrêt, il ne faut pas oublier que ces facteurs ne doivent pas être appliqués à l’aveugle, mais qu’il faut plutôt les appliquer selon les faits particuliers de chaque cause :

 

59     Molodowich c. Penttinen (1980), 17 R.F.L. (2d) 376 (C. dist. Ont.), énonce les caractéristiques généralement acceptées de l'union conjugale, soit le partage d'un toit, les rapports personnels et sexuels, les services, les activités sociales, le soutien financier, les enfants et aussi l'image sociétale du couple. Toutefois, il a été reconnu que ces éléments peuvent être présents à des degrés divers et que tous ne sont pas nécessaires pour que l'union soit tenue pour conjugale. S'il est vrai que l'image sociétale des couples de même sexe ne fait pas nécessairement l'objet d'un consensus, l'on s'entend pour dire qu'ils ont en commun bon nombre des autres caractéristiques "conjugales". Pour être visés par la définition, ni les couples de sexe différent ni les couples de même sexe n'ont besoin de se conformer parfaitement au modèle matrimonial traditionnel afin de prouver que leur union est "conjugale".

 

60     Un couple de sexe différent peut certainement, après de nombreuses années de vie commune, être considéré comme formant une union conjugale, même sans enfants ni relations sexuelles. Évidemment, le poids à accorder aux divers éléments ou facteurs qui doivent être pris en considération pour déterminer si un couple de sexe différent forme une union conjugale variera grandement, presque à l'infini. Cela doit s'appliquer aussi aux couples de même sexe. Les tribunaux ont eu la sagesse d'adopter une méthode souple pour déterminer si une union est conjugale. Il doit en être ainsi parce que les rapports dans les couples varient beaucoup. Dans les circonstances, la Cour d'appel a eu raison de conclure que rien ne donne à penser que les couples de même sexe ne satisfont pas aux exigences de la définition juridique du mot "conjugal".

 

[16]    Dans Rangwala c. Canada[4], la juge Campbell souligna aussi l’importance d’appliquer le test d’une manière flexible afin de prendre en considération les faits de chaque cause en adoptant les propos du juge Wilson dans Macmillan-Dekker v. Dekker[5] :

 

23     Le juge dit en outre ceci :

 

     [TRADUCTION]

 

     [...]

 

Je conclus qu'il n'y a pas un seul et unique modèle statique d'union conjugale ou de mariage. Il y a plutôt un groupe de facteurs reflétant la diversité des unions conjugales et mariages qui existent dans la société canadienne moderne. Chaque cas doit être examiné selon les faits objectifs qui lui sont propres[6].

 

[17]    Dans l’affaire Sanford c. Canada[7], confirmé par la Cour fédérale d’appel[8], le juge Mogan nota que le statut civil d’un contribuable doit être déterminé sur la base de critères objectifs et non suivant une attitude subjective[9].

 

[18]    C’est en prenant tout cela en considération qu’il faut appliquer le test suivi dans Milot aux faits particuliers de la présente cause.

 

[19]    L’appelante a d’ailleurs répondu à chacun des facteurs de ce test.

1. Logement

 

a) Les intéressés vivaient-ils sous le même toit?

 

b) Couchaient-ils dans le même lit?

 

c) Y avait-il quelqu'un d'autre qui habitait chez eux?

 

[20]    Il ne fait pas de doute que l’appelante et Marc Mongeon vivaient sous le même toit et que leur fils ainsi que parfois l’autre fils de monsieur Mongeon vivaient avec eux. Néanmoins, l’appelante a témoigné à l’effet qu’ils avaient chacun leur propre lit et propre chambre.

 

[21]    Selon la jurisprudence, il est admis que le simple fait de vivre sous le même toit ne suffit pas pour conclure que deux personnes soient conjointes de fait[10]. Dans l’affaire Kelner c. Canada[11], le juge Bowman (tel était alors son titre) a d’ailleurs tenu les propos suivants :

 

16     Je me fonderai au départ sur la prémisse selon laquelle il est possible, en droit, que les conjoints vivent séparés même s'ils vivent sous un même toit.

 

17     Dans l'affaire Murphy v. Murphy [1962] NSWR 417, le juge Nield a dit ceci, à la p. 424 :

 

     [TRADUCTION]

Comme le dit le proverbe, "l'absence nourrit le désir", mais lorsque les gens ne sont pas capables de s'entendre, et qu'ils sont obligés d'occuper le même logement, de vivre sous un même toit, alors qu'ils sont en proie à ce sentiment, l'antagonisme croît de plus en plus, au fur et à mesure qu'ils se voient tous les jours; la possibilité d'une réconciliation devient de plus en plus lointaine et ils ont tendance à être de plus en plus séparés, par suite de l'hostilité qu'ils éprouvent l'un envers l'autre, et parce qu'ils n'ont rien du tout en commun. Je ne puis logiquement voir pourquoi il n'est pas possible de dire de gens qui vivent sous un même toit qu'ils vivent séparés, comme s'ils n'habitaient pas ensemble.

 

18     Je suis porté à croire que le juge Nield est peut-être allé un peu plus loin que nos tribunaux ne l'auraient fait. Toutefois, au Canada, les tribunaux ont reconnu que les parties peuvent vivre séparées même si elles vivent sous un même toit. Rushton v. Rushton [1969] 66 W.W.R. 764; Tuomi v. Ungarian [1991] 5 W.W.R. 424.

 

[22]    Le contraire pourrait résulter en des conséquences absurdes dans un contexte moderne où d’anciens conjoints de fait sans possibilité de réconciliation décident parfois de continuer à demeurer ensemble pour le bien-être de leur enfant ou tout simplement parce qu’ils n’ont pas les moyens financiers de faire autrement.

 

[23]    Le fait que l’appelante ait habité avec monsieur Mongeon sous le même toit n’est pas fatal à la cause de cette dernière. Ce n’est d’ailleurs qu’un des facteurs à tenir en ligne de compte.

 

2. Comportement sexuel et personnel

 

a) Les intéressés avaient-ils des rapports sexuels? Si non, pourquoi?

 

b) Étaient-ils fidèles l'un à l'autre?

 

c) Quels étaient leurs sentiments l'un pour l'autre?

 

d) Existait-il une bonne communication entre eux sur le plan personnel?

 

e) Prenaient-ils leurs repas ensemble?

 

f) Que faisaient-ils pour s'entraider face aux problèmes ou à la maladie?

 

g) S'offraient-ils des cadeaux à des occasions spéciales?

 

[24]    L’appelante a mentionné ne pas avoir eu de rapport sexuel avec monsieur Mongeon ni n’avoir eu d’autre conjoint durant les périodes en cause. À part avoir essayé de maintenir une bonne communication avec Marc Mongeon pour le bien-être de leur enfant et avoir mangé à de rares occasions en même temps que lui, rien ne me porte à croire que le deuxième facteur joue contre l’appelante. Au contraire, il semble que les contacts et échanges entre l’appelante et monsieur Mongeon étaient minimes et limités à ce que l’on peut s’attendre de quiconque doit vivre et partager certains espaces avec une autre personne et essayer d’y vivre de façon civilisée.

 

3. Services

 

Comment les intéressés agissaient-ils habituellement en ce qui concerne:

 

a) la préparation des repas;

 

b) le lavage et le raccommodage des vêtements;

 

c) les courses;

 

d) l'entretien du foyer;

 

e) les autres services ménagers?

 

[25]    Il paraît qu’il n’y aurait eu que l’entretien du foyer et le lavage de la vaisselle qui auraient essentiellement été faits par l’appelante. Toutes les autres tâches auraient été partagées. Je ne vois pas, en l’espèce, comment ce facteur pourrait pencher ou non en faveur de l’existence d’une relation conjugale. Selon moi, ce n’est pas en l’espèce un facteur déterminant.

 

4. Relations sociales

 

a) Les intéressés participaient-ils ensemble ou séparément aux activités du quartier et de la collectivité?

 

b) Quelle était la nature des rapports de chacun d'eux avec les membres de la famille de l'autre et comment agissaient-ils envers ces derniers, et inversement, quel était le comportement de ces familles envers les intéressés?

 

5. Attitude de la société

 

Quelle attitude et quel comportement la collectivité avait-elle envers les intéressés, considérés individuellement et en tant que couple?

 

[26]    Selon le témoignage de l’appelante, ces critères penchent assurément contre une conclusion de relation de conjoints de fait étant donné qu’elle et monsieur Mongeon ne faisaient aucune activité sociale ensemble, ne visitaient pas la famille de l’autre, ne se présentaient pas et n’étaient pas considérés comme étant des conjoints de fait.

 

6. Soutien (économique)

 

a) Quelles dispositions financières les intéressés prenaient-ils pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie (vivres, vêtements, logement, récréation, etc.) ou de contribuer à les fournir?

 

b) Quelles dispositions prenaient-ils relativement à l'acquisition et à la propriété de biens?

 

c) Existait-il entre eux des arrangements financiers particuliers que tous deux tenaient pour déterminants quant à la nature de leurs relations globales?

 

[27]    Il n’est pas clair combien monsieur Mongeon contribuait financièrement pour cette cohabitation, mais il semble qu’il payait au moins pour l’excédent des coûts que sa présence occasionnait. À première vue, il est vrai qu’un tel arrangement puisse paraître « abusif » pour des gens n’habitant pas en union de fait. Néanmoins, il faut considérer que monsieur Mongeon est allé habiter chez l’appelante après avoir fait faillite et que cette dernière voulait qu’il puisse partir le plus tôt possible de chez elle.

 

7. Enfants

 

Quelle attitude et quel comportement les intéressés avaient-ils à l'égard des enfants?

 

[28]    Pour ce qui est du dernier critère, il existe un jugement de la Cour supérieure du Québec selon lequel l’appelante et monsieur Mongeon ont la garde partagée de leur fils. Rien dans la preuve qui m’a été présentée ne me permet de douter qu’ils suivaient cette ordonnance même s’ils vivaient sous le même toit. Tel qu’il a été admis par l’appelante, il est toutefois arrivé à l’occasion qu’ils se soient échangés des services de garde, par exemple aller chercher l’enfant à l’école malgré le fait que ce n’était pas sa semaine de garde étant donné que l’autre parent devait travailler plus tard.

 

Conclusion

 

[29]    Quelques facteurs militent en faveur d’une union de fait, mais la majorité tend vers le contraire.

 

[30]    Malgré les prétentions de l’appelante, il ne fait pas de doute que pendant la période en cause Marc Mongeon et elle vivaient ensemble, partageaient jusqu’à un certain point quelques responsabilités financières et assumaient conjointement les soins et l’éducation de leur enfant.

 

[31]    Marc Mongeon ainsi que leur fils, avaient néanmoins chacun leur propre chambre. Monsieur Mongeon avait aussi son propre réfrigérateur et chacun s’occupait de faire sa propre épicerie. Monsieur Mongeon avait entreposé le reste de ses effets personnels chez l’appelante mais n’utilisa que ce qui était nécessaire à l’ameublement de sa chambre. L’appelante voulait que ce soit le plus facile et rapide possible quand viendrait le temps pour monsieur Mongeon de partir et voulait aussi éviter d’avoir à se disputer à ce moment quant à savoir ce qui appartenait à qui.

 

[32]    L’intimée a présenté les revenus de Marc Mongeon pour les années en cause dans le but de démontrer que ce dernier ne dépendait nullement pendant cette période de l’aide financière de l’appelante. Cela est peut-être vrai, mais tout porte à croire que l’appelante n’en était pas au courant et ne voulait qu’assurer le bien-être de son enfant en attendant que Marc Mongeon se sorte de sa faillite.

 

[33]    Le témoignage de l’appelante était des plus crédible et à part le fait que je ne suis pas d’accord quant aux termes qu’elle utilise pour décrire certaines réalités, je ne peux que la croire. Aussi, le fait que monsieur Mongeon n’ait pas témoigné était à l’avantage de l’appelante. J’accepte ainsi son témoignage. Le fardeau était alors sur l’intimée de renverser cette conclusion, mais n’ayant rien présenté de plus que les revenus de monsieur Mongeon pendant les périodes en cause, je ne peux faire autrement que de conclure en faveur de l’appelante.

 

[34]    Lorsqu’elle a décidé d’héberger temporairement son ex-conjoint, l’appelante a voulu agir en tant que parent responsable sans plus et elle ne doit pas être pénalisée pour avoir agi ainsi.

 

[35]    C’est en prenant tout cela en considération que je conclus sur la balance des probabilités que l’appelante et monsieur Mongeon n’étaient pas des conjoints de fait pendant toutes les périodes en cause.

 

[36]    J’accueille donc l’appel avec les frais s'il y a lieu et défère les cotisations au Ministre pour nouvel examen remettant à madame Aukstinaitis le CTPS et la PFCE.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de février 2008.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef adjoint Rip

 


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2008CCI104

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-861(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Marie Aukstinaitis

                                                          c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 13 décembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable Gerald J. Rip,

                                                          juge en chef adjoint

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 19 février 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L'appelante elle-même

 

Avocat de l'intimée :

Me Marie-Claude Boisvert

 

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                                        Ottawa, Ontario

 



[1]           1995 CarswellNat 1987, [1996] 1 C.T.C. 2247à la page 2250.

[2]           (1980) 17 R.F.L. (2d) 376.

[3]           [1999] 2 S.C.R. 3. Voir aussi Lavoie c. R., 2001 DTC 5083 (CAF) qui a suivi la cause Milot.

[4]           [2000] A.C.I. no 624 (QL).

[5]           [2000] O.J. No. 2957.

[6]           Para. 68. de Dekker.

[7]           [2000] A.C.I. no 801.

[8]           2002 DTC 7442.

[9]           18     Pour décider de la question de savoir si l'appelante et Markus Buchart vivent ensemble en union conjugale au sens de l'alinéa 252(4)a), il faut déterminer leur état au moyen de normes objectives, et non d'attitudes subjectives. …

[10]         Voir par exemple Rangwala v. R., [2000] 4 C.T.C. 2430; Sigouin c. R., [2002] 1 C.T.C. 2596; Uwasomba v. R., [2003] 2 C.T.C. 2295 et Bellavance c. R., [2004] 4 C.T.C. 2179.

[11]         [1996] 1 C.T.C. 2687, [1995] A.C.I. no 1130 (QL).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.