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Dossier : 2007‑779(GST)I

ENTRE :

 

KIM STEVEN MACKENZIE & CARLA JOANNE MACKENZIE,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 30 novembre 2007, à Calgary (Alberta).

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

Représentant de l’appelante :

M. Kim Steven Mackenzie

 

Avocats de l’intimée :

Me Julian Malone et Me Julia Parker

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis porte le numéro 10CT0605‑6135‑6342 et est daté du 18 janvier 2006, est accueilli en partie, et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour réexamen et nouvelle cotisation pour le motif :

1.       que l’appelante a le droit d’utiliser la méthode rapide de comptabilité de la TPS pour les périodes de déclaration ayant commencé le 1er octobre 2002 et ayant pris fin le 31 décembre 2003;

2.       que les fournitures taxables effectuées par l’appelante pour la période de déclaration du 31 décembre 2002 devraient être réduites d’un montant de 15 682,25 $.


Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2008.

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de mars 2008.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


 

 

Référence : 2008CCI70

Date : 20080130

Dossier : 2007‑779(GST)I

ENTRE :

 

KIM STEVEN MACKENZIE & CARLA JOANNE MACKENZIE,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]     Il s’agit d’un appel d’une nouvelle cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »), par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a augmenté d’un montant de 10 399,47 $ la taxe payable par la société de personnes appelante pour ses périodes de déclaration ayant pris fin entre le 1er juillet 2002 et le 31 décembre 2003 et a imposé une pénalité de 638,44 $, plus des intérêts de 113,14 $.

 

[2]     L’augmentation de la taxe était composée de deux éléments. En premier lieu, le ministre a conclu que l’appelante avait omis de percevoir et de verser la TPS sur les frais de gestion qu’elle avait reçus de deux sociétés liées, Kimbowmac Inc. (« Kimbowmac ») et Grymus Ymdrech Inc. (« Grymus ») au cours des années 2002 et 2003. Kimbowmac et Grymus appartenaient à 100 p. 100 aux deux associés de la société de personnes appelante. En second lieu, le ministre a conclu que l’appelante n’avait pas le droit d’employer la méthode rapide de comptabilité de la TPS conformément à l’article 227 de la Loi, comme elle l’avait fait pour ses périodes de déclaration allant du 1er octobre 2002  au 31 décembre 2003. Selon la méthode rapide, le contribuable verse la TPS au taux de 4 p. 100 seulement sur ses fournitures taxables, mais il n’a pas le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants. Étant donné que le ministre a conclu que l’appelante n’avait pas le droit d’utiliser la méthode rapide, l’appelante a fait l’objet d’une nouvelle cotisation selon laquelle la TPS devrait être calculée au taux de 7 p. 100 sur ses fournitures taxables pour les périodes pertinentes.

 

[3]     À l’audience, l’avocat de l’intimée a reconnu qu’en fait, l’appelante avait le droit d’utiliser la méthode rapide afin de calculer sa TPS payable pour les périodes en question. L’avocat de l’intimée a également reconnu que le montant des frais de gestion que l’appelante avait reçu de Kimbowmac au cours de l’année 2002 était inférieur de 15 682,25 $ au montant qu’elle avait reçu selon les hypothèses du ministre.

 

[4]     Il reste uniquement à décider si l’appelante était tenue de percevoir et de verser la taxe sur le reste des frais de gestion qu’elle avait reçus de Kimbowmac et de Grymus du 1er juillet 2002 au 31 décembre 2003.

 

[5]     Les hypothèses pertinentes sur lesquelles le ministre s’est fondé en établissant la nouvelle cotisation sont énoncées au paragraphe 11 de la réponse à l’avis d’appel, qui est rédigé ainsi :

 

[traduction]

 

[...]

 

d)         pendant la période pertinente, Kimbowmac, Grymus et l’appelante fournissaient des services d’expert‑conseil à l’industrie pétrolière et gazière;

 

e)         pendant la période pertinente, l’appelante fournissait également des services de gestion à Kimbowmac et à Grymus;

 

f)          toutes les fournitures effectuées par l’appelante au cours de la période pertinente étaient des fournitures taxables assujetties à la taxe;

 

[...]

 

p)         pour la période de déclaration qui a pris fin le 31 décembre 2002, l’appelante a reçu de Kimbowmac une contrepartie s’élevant à 62 729 $ pour des services de gestion à l’égard desquels la taxe était percevable;

 

q)         pour la période de déclaration qui a pris fin le 31 décembre 2003, l’appelante a reçu de Grymus une contrepartie s’élevant à 67 045 $ pour des services de gestion à l’égard desquels la taxe était percevable;

 

r)          en produisant ses déclarations les 31 décembre 2002 et 31 décembre 2003, l’appelante a omis d’inclure la taxe percevable sur les frais de gestion mentionnés aux alinéas 11p) et 11q) respectivement;

 

 

Preuve soumise par l’appelante

 

[6]     Kim Steven Mackenzie, l’un des associés de l’appelante, représentait l’appelante; il a témoigné pour le compte de celle‑ci. Son témoignage portait en bonne partie sur la façon dont les fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») avaient traité l’appelante au cours de la vérification dont elle a fait l’objet et de l’examen de l’opposition à la nouvelle cotisation que l’appelante avait faite. M. Mackenzie croyait que la vérification était d’une façon ou d’une autre liée à des problèmes antérieurs que la société liée Kimbowmac avait eus en 2002 au sujet de la TPS. M. Mackenzie estimait avoir été harcelé et avoir été maltraité par les fonctionnaires de l’ARC auxquels il avait eu affaire au fur et à mesure que la procédure de vérification et d’opposition avançait. M. Mackenzie a affirmé ne pas avoir reçu de réponses à ses questions et ne pas savoir pourquoi le vérificateur croyait que l’appelante n’avait pas le droit d’utiliser la méthode rapide pour produire ses déclarations relatives à la TPS. M. Mackenzie croyait fermement que l’appelante avait le droit d’employer cette méthode, et le fait que le vérificateur s’était montré peu sensible à ses préoccupations le décevait. Le fait que la vérification semblait avoir pris de l’ampleur par rapport à ce qu’elle devait viser, selon ce qu’on lui avait initialement dit, le mécontentait également. Il a affirmé avoir reçu des explications claires au sujet des rajustements effectués dans la nouvelle cotisation pendant l’été 2006 seulement, lorsqu’il a parlé à l’agent des appels.

 

[7]     M. Mackenzie a également affirmé avoir régulièrement été induit en erreur au cours de la procédure, mais on ne sait pas trop si cela s’appliquait au vérificateur ou à l’agent des appels, ou à l’agent de perception qui a par la suite pris des mesures en vue de percevoir les montants payables selon la nouvelle cotisation. Selon M. Mackenzie, après avoir interjeté appel devant la Cour au mois de février 2007, l’appelante a eu d’autres problèmes avec l’ARC. À peu près au moment de l’appel, M. Mackenzie a appelé l’ARC et a laissé un message à l’intention d’un agent de perception pour faire savoir que l’appelante interjetait appel de la nouvelle cotisation et pour demander que l’ARC suspende la mesure de perception. Toutefois, au mois de mai 2007, l’ARC a envoyé une demande de paiement à la banque de l’appelante et a saisi plus de 12 000 $ dans le compte de l’appelante sans l’aviser.

 

[8]     M. Mackenzie a affirmé qu’étant donné qu’on avait tardé à mener la vérification à bonne fin, Kimbowmac et Grymus n’avaient pas pu demander des crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») pour la TPS que l’on demande maintenant à l’appelante de payer. Kimbowmac avait fait faillite et Grymus avait été dissoute.

 

[9]     M. Mackenzie a témoigné qu’avant le 1er mai 2002, Kimbowmac et Grymus versaient leurs bénéfices à l’appelante au moyen de dividendes et qu’aucune TPS n’était percevable sur les dividendes. Toutefois, à compter du 1er mai 2002, Kimbowmac et Grymus ont versé des frais de gestion à l’appelante. Cela a été fait sur les conseils du comptable de l’appelante. Le comptable a omis d’informer l’appelante qu’elle était tenue de percevoir de Kimbowmac et de Grymus la TPS sur les frais de gestion, et l’appelante n’a pas demandé ni perçu la TPS sur les frais.

 

[10]    Lors du contre‑interrogatoire, M. Mackenzie a admis que l’appelante avait fourni des services à Kimbowmac et à Grymus au cours des périodes en question et que tous les intéressés avaient traité les montants que l’appelante avait reçus pour ces services à titre de frais de gestion.

 

[11]    M. Mackenzie a également témoigné que le ministre avait commis une erreur en attribuant tous les frais de gestion que l’appelante avait reçus de Kimbowmac au dernier trimestre de l’année 2002 et tous les frais de gestion reçus de Grymus au dernier trimestre de l’année 2003. Il a affirmé que les frais avaient été reçus tout au long de l’année, bien qu’il n’ait pas pu dire à quel moment les montants avaient été reçus et quels étaient ces montants.

 

Arguments de l’appelante

 

[12]    M. Mackenzie a soutenu que Kimbowmac et Grymus avaient perçu et versé la TPS due par l’appelante à titre de mandataires de l’appelante.

 

[13]    Subsidiairement, M. Mackenzie a soutenu que Kimbowmac et Grymus étaient des sociétés fictives que l’appelante utilisait pour gagner un revenu et qu’eu égard aux circonstances de l’affaire, il convenait de considérer que l’appelante et les deux sociétés formaient une seule entité à des fins fiscales. En d’autres termes, il a demandé à la Cour de faire abstraction de l’existence de Kimbowmac et de Grymus et de conclure que les activités de ces sociétés étaient exercées par leurs actionnaires, qui étaient les associés de l’appelante. De cette façon, la seule TPS qu’il faudrait verser était celle que Kimbowmac et Grymus avaient perçue sur leurs fournitures taxables, ce qui avait déjà été fait, et il n’y aurait pas de services de gestion fournis à une autre personne par l’appelante.

 

[14]    M. Mackenzie a fait valoir que cela créerait un résultat équitable, parce que le gouvernement ne perdait pas d’argent. Il a soutenu que la taxe que l’ARC essayait d’obtenir de l’appelante aurait été compensée par les CTI que les sociétés auraient demandés si elles avaient payé la TPS sur les frais de gestion versés à l’appelante. Étant donné que Kimbowmac et Grymus n’existent plus, le gouvernement bénéficierait d’un gain fortuit par suite de la nouvelle cotisation en cause parce qu’il percevrait la TPS de l’appelante sans avoir à payer des CTI.

 

[15]    Au cas où l’appelante serait jugée redevable de la taxe, M. Mackenzie a demandé à la Cour de permettre à l’appelante de demander des CTI pour le compte de Kimbowmac et de Grymus.

 

[16]    L’appelante contestait également l’attribution du montant intégral des frais de gestion reçus de Kimbowmac à la période de déclaration de l’appelante qui a pris fin le 31 décembre 2002, et du montant intégral des frais de gestion reçus de Grymus à la période de déclaration de l’appelante qui a pris fin le 31 décembre 2003. Toutefois, M. Mackenzie a reconnu qu’il n’avait pas présenté de preuve visant à démontrer à quel moment l’appelante avait reçu les montants.

 

[17]    L’appelante a également soulevé un certain nombre d’arguments se rapportant à la Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44, et à la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »), partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, qui constitue l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 11.

 

[18]    Il a été soutenu que la saisie du compte bancaire de l’appelante, au mois de mai 2007, en vertu de l’article 317 de la Loi constituait : i) une saisie abusive, en violation de l’article 8 de la Charte; ii) un traitement ou une peine inhabituels, en violation de l’article 12 de la Charte; iii) une atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne reconnu à l’appelante par l’article 7 de la Charte; iv) une atteinte au droit à une audience équitable reconnu à l’appelante par l’article 11 de la Charte et par l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits.

 

[19]    Il a également été soutenu que l’imposition de la pénalité et des intérêts en vertu du paragraphe 280(1) de la Loi : i) constituait un traitement ou une peine cruels et inusités ou un traitement allant à l’encontre de l’article 12 de la Charte parce que cela servait à dissuader l’appelante de contester la nouvelle cotisation; ii) était discriminatoire au sens de l’article 15 de la Charte parce que cela avait pour effet de porter atteinte au droit de l’appelante à l’égalité d’accès à la loi et à l’égalité de bénéfice de la loi.

 

[20]    M. Mackenzie a ensuite soutenu que l’ARC possédait un pouvoir discrétionnaire quant aux modalités d’administration de la Loi, mais qu’elle n’avait pas exercé ce pouvoir discrétionnaire d’une façon appropriée en l’espèce, étant donné que, collectivement, l’appelante, Kimbowmac et Grymus ne s’étaient pas enrichies du fait que l’appelante avait omis de percevoir et de verser la TPS sur les frais de gestion reçus de Kimbowmac et de Grymus. M. Mackenzie a affirmé que l’omission de l’ARC d’exercer le pouvoir discrétionnaire qu’elle a de ne pas appliquer la Loi était inéquitable envers l’appelante, ce qui constituait de la discrimination et un manquement à l’article 15 de la Charte.

 

[21]    L’appelante a enfin soutenu que l’ARC devrait être contrainte de la dédommager du méfait commis en l’espèce, et que la réparation appropriée consisterait à accueillir l’appel, à annuler la nouvelle cotisation et à ordonner le remboursement des fonds saisis.

 

Analyse

 

Arguments concernant le fond

 

[22]    Le premier argument de l’appelante, à savoir que Kimbowmac et Grymus agissaient à titre de mandataires ou de fiduciaires de l’appelante en percevant et en versant la taxe sur les fournitures effectuées à des tiers ne peut pas être retenu parce qu’aucun élément de preuve n’a été présenté en vue de démontrer qu’un accord de fiducie ou un mandat existait entre les parties ou qu’elles exerçaient leurs activités conformément à un tel accord, ou que les sociétés percevaient et versaient la TPS pour le compte de l’appelante. Il me semble que l’appelante tente de procéder à une nouvelle qualification des opérations qu’elle concluait avec les deux sociétés afin d’éviter les conséquences fiscales de ces opérations, ce qui n’est pas permis en droit fiscal (Shell Canada Ltée c. La Reine, [1999] A.C.S. no 30 (QL)).

 

[23]    L’argument subsidiaire de l’appelante, à savoir qu’il convient de faire abstraction de l’existence juridique distincte de Kimbowmac et de Grymus, de sorte qu’aucun service taxable n’aurait été fourni aux sociétés par l’appelante et, par conséquent, qu’aucune taxe ne serait payable en l’espèce, ne peut pas non plus être retenu. Dans l’arrêt Meredith c. R., [2002] A.C.F. no 1007 (QL), la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit au paragraphe 12 :

 

La levée du voile corporatif est contraire aux principes établis depuis longtemps en droit corporatif. En l’absence d’allégation selon laquelle la société constitue un « trompe‑l’oeil » ou un véhicule permettant à des actionnaires putatifs de commettre des fautes et en l’absence d’autorisation légale, les tribunaux doivent respecter les rapports juridiques créés par un contribuable (voir Salomon v. Salomon & Co., [1897] A.C. 22; Kosmopoulos c. Constitution Insurance Co. of Canada, [1987] 1 R.C.S. 2). Les tribunaux ne peuvent pas qualifier autrement les véritables rapports en fonction de ce qu’ils jugent être la réalité économique qui les sous‑tend (voir Continental Bank Leasing Corp. c. La Reine, [1998] 2 R.C.S. 298; Shell Canada Ltd. c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 622; Ludco Enterprises Limited c. La Reine, 2001 CSC 62, au par. 51).

 

[24]    Je ne dispose d’aucun élément de preuve montrant que Kimbowmac et Grymus étaient des trompe‑l’oeil ou que leurs actionnaires (c’est‑à‑dire les associés de l’appelante) les utilisaient à des fins illégitimes, et l’appelante n’a pas démontré non plus l’existence de quelque autre fondement permettant de lever le voile de la personne morale en l’espèce.

 

[25]    Je ne puis non plus accéder à la demande que l’appelante a faite en vue d’être autorisée à demander les CTI pour le compte de Kimbowmac et de Grymus. Selon la méthode rapide de comptabilité de la TPS, l’appelante elle‑même n’est pas autorisée à demander des CTI et il n’y a aucune disposition de la Loi permettant à un contribuable de chercher à se prévaloir des CTI d’un autre contribuable.

 

[26]    L’appelante n’a pas soumis d’arguments de fond au sujet de l’imposition de la pénalité dans ce cas‑ci, mais je suis convaincu que la preuve montre que l’appelante a reçu les frais de gestion en question et qu’elle n’a pas perçu ni versé la taxe sur ces frais. Je suis également convaincu que l’appelante a fourni des services à Kimbowmac et à Grymus en échange des frais de gestion et que ces services constituaient une fourniture taxable au sens de l’article 123 de la Loi. L’intimée s’est donc acquittée de l’obligation qui lui incombait de démontrer que la pénalité a été à juste titre imposée en l’espèce.

 

Arguments fondés sur la Charte et sur la Déclaration des droits

 

[27]    J’examinerai d’abord l’allégation de l’appelante selon laquelle la saisie de son compte de banque porte atteinte aux droits qui lui sont reconnus par la Charte et par la Déclaration canadienne des droits.

 

[28]    De toute évidence, la saisie était une mesure visant au recouvrement de la dette fiscale impayée après que l’appelante eut fait l’objet d’une nouvelle cotisation. Il est également clair que la Cour n’a pas compétence pour annuler une nouvelle cotisation à cause de la conduite fautive ou abusive que les fonctionnaires de l’ARC auraient adoptée dans le cadre du recouvrement de dettes. À ce sujet, la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit dans l’arrêt Moss c. R., [2006] A.C.F. no 665 (QL), paragraphe 5 :

 

Si des mesures de recouvrement illicites ou inappropriées sont utilisées et qu’il est prouvé qu’elles ont eu lieu, il est possible d’obtenir réparation en intentant une procédure auprès de la Cour fédérale, mais en droit, la Cour canadienne de l’impôt n’a pas la compétence d’infirmer ou d’annuler une nouvelle cotisation au motif que de telles mesures ont été prises. Dans le cadre d’un appel d’un jugement de la Cour de l’impôt, la compétence de la Cour est tout aussi limitée.

 

[29]    Puisqu’elle n’a pas compétence en matière de recouvrement, la Cour n’est pas autorisée à accorder une réparation à l’appelante en ce qui concerne la saisie.

 

[30]    L’argument suivant de l’appelante se rapporte à ce que M. Mackenzie a qualifié de refus du ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas établir de nouvelle cotisation à l’égard de la taxe sur les frais de gestion. M. Mackenzie a allégué que le ministre possède ce pouvoir discrétionnaire et que l’omission d’exercer ce pouvoir lorsque les circonstances de l’affaire justifient la chose constitue de la discrimination en vertu de l’article 15 de la Charte.

 

[31]    L’appelante ne soutient pas qu’une disposition de la Loi servant de fondement à la nouvelle cotisation va à l’encontre de l’article 15 de la Charte. Elle reproche plutôt au ministre les mesures que celui‑ci a prises en établissant la nouvelle cotisation. Or, la Cour n’a pas ici compétence pour trancher une contestation se rapportant aux mesures prises par le ministre, par opposition à une contestation de la législation sur laquelle une nouvelle cotisation est fondée. Les remarques suivantes que la Cour a faites dans la décision Hardtke c. R., 2005 CCI 263, s’appliquent en l’espèce :

 

En l’espèce, l’appelant ne soutient pas que la loi elle‑même contrevient à l’article 15 de la Charte, mais il maintient que les actions du ministre violent l’article 15. Par conséquent, la réparation prévue au paragraphe 24(1) ne peut pas être accordée par la Cour pour le motif que le ministre a enfreint l’article 15 de la Charte en sa qualité administrative de percepteur d’impôt, étant donné que la Cour n’a pas compétence sur l’objet de cette partie de l’appel. Même s’il y a eu violation, la Cour n’a donc pas compétence pour y remédier.

 

(paragraphe 20)

 

[32]    Même si j’avais compétence pour trancher cette question, je ne suis pas convaincu que l’appelante ait démontré qu’elle était victime du genre de discrimination prohibé par la Charte. Premièrement, aucun élément de preuve n’a été présenté en vue de démontrer que l’appelante avait fait l’objet d’un traitement différent comparativement à d’autres personnes faisant face à des circonstances similaires. La conviction de M. Mackenzie selon laquelle d’autres personnes avaient peut‑être fait l’objet d’une cotisation différente, à la discrétion du ministre, me semble être une conjecture. En l’absence de preuve d’un traitement différent, il est impossible de procéder à l’analyse fondée sur l’article 15 comme l’a exigé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497.

         

[33]    L’appelant a également contesté la constitutionnalité du paragraphe 280(1) de la Loi, en vertu duquel une pénalité et des intérêts sont imposés sur les montants impayés. Cette disposition est rédigée en ces termes :

 

280(1) Sous réserve du présent article et de l’article 281, la personne qui ne verse pas ou ne paie pas un montant au receveur général dans le délai prévu par la présente partie est tenue de payer la pénalité et les intérêts suivants, calculés sur ce montant pour la période commençant le lendemain de l’expiration du délai et se terminant le jour du versement ou du paiement :

a) une pénalité de 6 % par année;

b) des intérêts au taux réglementaire.

[34]    L’appelante a d’abord soutenu que le paragraphe 280(1) permet au ministre d’exiger, sur les montants impayés qui sont dus par un contribuable, un taux d’intérêt plus élevé que celui que verse le receveur général sur les montants dus à un contribuable, ce qui constitue une atteinte aux droits qui lui sont reconnus aux articles 7 et 15 de la Charte.

[35]    Cet argument ne peut pas être retenu étant donné qu’il n’est pas vrai que la Loi fixe, à l’égard des montants impayés qui sont dus par un contribuable, un taux d’intérêt différent de celui qui est payé sur les montants dus à un contribuable pour les périodes visées par l’appel[1]. En vertu de la Loi et en vertu du Règlement sur le taux d’intérêt (Loi sur la taxe d’accise), DORS/91‑19 (pour les périodes antérieures au 1er juillet 2003) et du Règlement sur le taux d’intérêt (Loi sur la taxe d’accise), DORS/2006‑230 (pour les périodes ayant commencé le 1er juillet 2003), il n’y avait pas de différence entre le taux d’intérêt payé sur les remboursements effectués au titre de la TPS et le taux payable sur la TPS impayée. Dans chaque cas, le taux d’intérêt payable est « le taux réglementaire » (voir les paragraphes 280(1) et 280(2) de la Loi, en ce qui concerne la TPS impayée et les paragraphes 229(3) et 230(3) de la Loi en ce qui concerne les remboursements de la TPS). Le taux réglementaire d’intérêt pour la partie IX de la Loi était fixé à l’article 3 des deux règlements susmentionnés, et le même taux s’appliquait aux montants dus au titre de la TPS et aux remboursements de la TPS[2]. Je note également que le document sur lequel M. Mackenzie se fonde pour démontrer que le taux d’intérêt était différent était un état de compte se rapportant à son impôt sur le revenu personnel.

[36]    L’argument de l’appelante selon lequel les pénalités prélevées en vertu du paragraphe 280(1) constituent un traitement ou une peine cruels et inusités, et par conséquent, violent les droits qui lui sont reconnus à l’article 12 de la Charte doit également être rejeté. Le critère à appliquer pour décider si une pénalité constitue un traitement ou une peine cruels et inusités consiste à savoir si la pénalité est « exagérément disproportionnée [...], en ce sens qu’elle [...] [est] excessive [...] au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine » (voir R. c. M. (C.A.), [1996] 1 R.C.S. 500. Je ne puis rien constater dans l’imposition d’une pénalité égale à 6 p. 100 du montant impayé qui soit de quelque façon incompatible avec la dignité humaine. Une pénalité aussi élevée est conforme à l’objet de dissuasion générale dans le contexte d’un système fiscal d’autodéclaration.

[37]    L’appelante fait également valoir que le paragraphe 280(1) de la Loi porte atteinte aux droits qui lui sont reconnus à l’article 15 de la Charte parce que la pénalité de 6 p. 100 est inéquitable et coercitive. Toutefois, l’appelante n’a pas établi de lien entre l’imposition de la pénalité et le droit à l’égalité garanti à l’article 15. L’appelante n’a pas ici soutenu non plus que le paragraphe 280(1) permettait un traitement différent pour un motif énuméré à l’article 15 ou pour un motif analogue à ceux qui sont énumérés à l’article 15. Par conséquent, l’appelante n’a pas établi de fondement en ce qui concerne ce dernier aspect de sa contestation constitutionnelle du paragraphe 280(1).

[38]    En résumé, je ne suis pas convaincu que l’appelante ait démontré que la nouvelle cotisation en cause porte atteinte aux droits qui lui sont reconnus par la Charte ou par la Déclaration canadienne des droits.

[39]    L’appel sera accueilli en partie, et la nouvelle cotisation sera renvoyée au ministre pour réexamen et nouvelle cotisation compte tenu des concessions que l’intimée a faites, à savoir qu’au cours des périodes pertinentes, l’appelante avait le droit d’employer la méthode rapide de comptabilité de la TPS et que les fournitures taxables effectuées par l’appelante pour la période ayant pris fin le 31 décembre 2002 devraient être réduites d’un montant de 15 682,25 $.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2008.

 

 

« B.Paris »

Juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de mars 2008.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI70

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007‑779(GST)I

 

INTITULÉ :                                       Kim Steven Mackenzie & Carla Joanne Mackenzie et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 30 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 30 janvier 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Kim Steven Mackenzie

 

Avocats de l’intimée :

Me Julian Malone et Me Julia Parker

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1]           Par suite de la Loi d’exécution du budget de 2006, L.C. 2006, ch. 4, le Règlement doit être modifié rétroactivement, la date d’entrée en vigueur étant le 1er avril 2007, en vue de créer des taux réglementaires différents pour les intérêts payés sur les remboursements de la TPS et pour les intérêts qui s’appliquent aux montants impayés de la TPS.

[2]           L’article 3 du Règlement, DORS/91‑19, est rédigé comme suit :

Pour l’application de la Loi sur la taxe d’accise, le taux réglementaire d’intérêt en vigueur au cours d’un trimestre donné correspond au pourcentage mensuel (arrêté au dixième de point, les résultats qui ont au moins cinq au centième de point étant arrondis au dixième de point supérieur), calculé selon la formule suivante :

 

                        A/12

 

où A est la moyenne arithmétique des pourcentages dont chacun représente le taux de rendement moyen (exprimé en pourcentage annuel) des bons du Trésor du gouvernement du Canada qui viennent à échéance environ trois mois après la date de leur émission et qui sont vendus au cours d’adjudication de bons du Trésor pendant le premier mois du trimestre qui précède le trimestre donné.

 

L’article 3 du Règlement, DORS/2006‑230, est ainsi rédigé :

 

Malgré l’article 2, pour l’application de la partie IX de la Loi, le taux d’intérêt en vigueur au cours d’un trimestre donné correspond au pourcentage mensuel (arrêté au dixième de point, les résultats qui ont au moins cinq au centième de point étant arrondis au dixième de point supérieur), calculé selon la formule suivante :

 

                        A/12

 

où A représente la moyenne arithmétique simple des pourcentages dont chacun représente le taux de rendement moyen, exprimé en pourcentage annuel, des bons du Trésor du gouvernement du Canada qui arrivent à échéance environ trois mois après la date de leur émission et qui sont vendus au cours d’adjudication de bons du Trésor pendant le premier mois du trimestre qui précède le trimestre donné.

 

 

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