Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2000-2049(IT)G

ENTRE :

YVES BEAUDRY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

James Bullock (2000-2026(IT)G),

Christopher Herten-Greaven (2000-2039(IT)G),

Raphaël Evanson (2000-2044(IT)G),

Oleg Romar (2000-2045(IT)G),

Martin Tyler (2000-2056(IT)G),

David Elkins (2000-2069(IT)G),

James W. McClintock, Executor of the

Estate of John P. McClintock (2000-1189(IT)G)

les 3, 4, 5, 6, 7, 10, 11, 12 et 13 avril,

25, 26, 27, 28 et 29 septembre 2006,

à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Yves St-Cyr et

Me Dominic Belley

Avocats de l’intimée :

Me Guy Laperrière, Me Janie Payette

et Me Susan Shaughnessy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989 et 1990 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 


 

 

 

Dossier : 2000-2026(IT)G

ENTRE :

JAMES BULLOCK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Yves Beaudry (2000-2049(IT)G),

Christopher Herten-Greaven (2000-2039(IT)G),

Raphaël Evanson (2000-2044(IT)G),

Oleg Romar (2000-2045(IT)G),

Martin Tyler (2000-2056(IT)G),

David Elkins (2000-2069(IT)G),

James W. McClintock, Executor of the

Estate of John P. McClintock (2000-1189(IT)G)

les 3, 4, 5, 6, 7, 10, 11, 12 et 13 avril,

25, 26, 27, 28 et 29 septembre 2006,

à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Yves St-Cyr et

Me Dominic Belley

Avocats de l’intimée :

Me Guy Laperrière, Me Janie Payette

et Me Susan Shaughnessy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989 et 1990 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 


 

 

 

Dossier : 2000-2039(IT)G

ENTRE :

CHRISTOPHER HERTEN-GREAVEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Yves Beaudry (2000-2049(IT)G),

James Bullock (2000-2026(IT)G),

Raphaël Evanson (2000-2044(IT)G),

Oleg Romar (2000-2045(IT)G),

Martin Tyler (2000-2056(IT)G),

David Elkins (2000-2069(IT)G),

James W. McClintock, Executor of the

Estate of John P. McClintock (2000-1189(IT)G)

les 3, 4, 5, 6, 7, 10, 11, 12 et 13 avril,

25, 26, 27, 28 et 29 septembre 2006,

à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Yves St-Cyr et

Me Dominic Belley

Avocats de l’intimée :

Me Guy Laperrière, Me Janie Payette

et Me Susan Shaughnessy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989 et 1990 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 


 

 

 

Dossier : 2000-2044(IT)G

ENTRE :

RAPHAËL EVANSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Yves Beaudry (2000-2049(IT)G),

James Bullock (2000-2026(IT)G),

Christopher Herten-Greaven (2000-2039(IT)G),

Oleg Romar (2000-2045(IT)G),

Martin Tyler (2000-2056(IT)G),

David Elkins (2000-2069(IT)G),

James W. McClintock, Executor of the

Estate of John P. McClintock (2000-1189(IT)G)

les 3, 4, 5, 6, 7, 10, 11, 12 et 13 avril,

25, 26, 27, 28 et 29 septembre 2006,

à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Yves St-Cyr et

Me Dominic Belley

Avocats de l’intimée :

Me Guy Laperrière, Me Janie Payette

et Me Susan Shaughnessy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989 et 1990 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 


 

 

 

Dossier : 2000-2045(IT)G

ENTRE :

OLEG ROMAR,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Yves Beaudry (2000-2049(IT)G),

James Bullock (2000-2026(IT)G),

Christopher Herten-Greaven (2000-2039(IT)G),

Raphaël Evanson (2000-2044(IT)G),

Martin Tyler (2000-2056(IT)G),

David Elkins (2000-2069(IT)G),

James W. McClintock, Executor of the

Estate of John P. McClintock (2000-1189(IT)G)

les 3, 4, 5, 6, 7, 10, 11, 12 et 13 avril,

25, 26, 27, 28 et 29 septembre 2006,

à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Yves St-Cyr et

Me Dominic Belley

Avocats de l’intimée :

Me Guy Laperrière, Me Janie Payette

et Me Susan Shaughnessy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989 et 1990 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 


 

 

 

Dossier : 2000-2056(IT)G

ENTRE :

MARTIN TYLER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Yves Beaudry (2000-2049(IT)G),

James Bullock (2000-2026(IT)G),

Christopher Herten-Greaven (2000-2039(IT)G),

Raphaël Evanson (2000-2044(IT)G),

Oleg Romar (2000-2045(IT)G),

David Elkins (2000-2069(IT)G),

James W. McClintock, Executor of the

Estate of John P. McClintock (2000-1189(IT)G)

les 3, 4, 5, 6, 7, 10, 11, 12 et 13 avril,

25, 26, 27, 28 et 29 septembre 2006,

à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Yves St-Cyr et

Me Dominic Belley

Avocats de l’intimée :

Me Guy Laperrière, Me Janie Payette

et Me Susan Shaughnessy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989 et 1990 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 


 

 

 

Dossier : 2000-2069(IT)G

ENTRE :

DAVID ELKINS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Yves Beaudry (2000-2049(IT)G),

James Bullock (2000-2026(IT)G),

Christopher Herten-Greaven (2000-2039(IT)G),

Raphaël Evanson (2000-2044(IT)G),

Oleg Romar (2000-2045(IT)G),

Martin Tyler (2000-2056(IT)G),

James W. McClintock, Executor of the

Estate of John P. McClintock (2000-1189(IT)G)

les 3, 4, 5, 6, 7, 10, 11, 12 et 13 avril,

25, 26, 27, 28 et 29 septembre 2006,

à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Yves St-Cyr et

Me Dominic Belley

Avocats de l’intimée :

Me Guy Laperrière, Me Janie Payette

et Me Susan Shaughnessy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989 et 1990 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 


 

 

 

Dossier : 2000-1189(IT)G

ENTRE :

JAMES W. McCLINTOCK, EXECUTOR OF THE

ESTATE OF JOHN P. McCLINTOCK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Yves Beaudry (2000-2049(IT)G),

James Bullock (2000-2026(IT)G),

Christopher Herten-Greaven (2000-2039(IT)G),

Raphaël Evanson (2000-2044(IT)G),

Oleg Romar (2000-2045(IT)G),

Martin Tyler (2000-2056(IT)G),

David Elkins (2000-2069(IT)G)

les 3, 4, 5, 6, 7, 10, 11, 12 et 13 avril,

25, 26, 27, 28 et 29 septembre 2006,

 

à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Yves St-Cyr et

Me Dominic Belley

Avocats de l’intimée :

Me Guy Laperrière, Me Janie Payette

et Me Susan Shaughnessy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989 et 1990 est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 


 

 

 

Référence : 2008CCI17

Date : 20080130

Dossiers : 2000-2049(IT)G, 2000-2026(IT)G,

2000-2039(IT)G, 2000-2044(IT)G, 2000-2045(IT)G,

2000-2056(IT)G, 2000-2069(IT)G, 2000-1189(IT)G

 

ENTRE :

YVES BEAUDRY, JAMES BULLOCK,

CHRISTOPHER HERTEN-GREAVEN, RAPHAËL EVANSON,

OLEG ROMAR, MARTIN TYLER, DAVID ELKINS,

JAMES W. McCLINTOCK, EXECUTOR OF THE ESTATE

OF JOHN P. McCLINTOCK,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]     Il s’agit d’appels entendus sur preuve commune des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») par lesquelles le Ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé des pertes d’entreprise que les appelants ont déduit au titre de leur participation, soit dans les sociétés de personnes ARMC et ARMC 2 ou l’une d’entre elles, pour des reports de pertes chez certains des appelants et provenant d’une ou de ces sociétés. Les années en cause vont de 1985 à 1990. Certains appelants ont également réclamé des déductions au titre de frais financiers pour chacune des sociétés où l’une d’entre elles, selon les circonstances, qui leur ont été refusées par le ministre.

 

[2]     De manière générale, les questions en litige sont les suivantes : à quelles déductions les appelants ont droit dans le calcul de leur revenu pour les années d’imposition 1985 et 1986 au titre des pertes liées aux sociétés de personnes ARMC et ARMC 2 : Ont-ils droit pour ceux d’entre eux à qui ça s’applique, à une déduction, dans le calcul de leur revenu imposable des années ultérieures, au titre d’un report de pertes autres qu’en capital provenant d’une ou des sociétés et à une déduction au titre de frais financiers liés à l’acquisition d’unités de participation d'ARMC et ARMC 2.

 

[3]     Au cours des années d’imposition 1985 et 1986, deux sociétés de personnes, « Les associés de recherche médicale canadienne » (ARMC) et « Les associés de recherche médicale canadienne no 2 » (ARMC 2), ont été constituées en vertu des lois de l’Ontario dans le but de se livrer, pour leur compte, à diverses activités de recherche scientifique dans le domaine des anticorps monoclonaux.

 

ARMC

 

[4]     ARMC a été formée le 16 juillet 1985 par des conseillers financiers et fiscaux, à savoir Corporation Planagex Ltée (Planagex) et Investmed R.B. Inc. (Investmed). Ces deux sociétés étaient contrôlées par les promoteurs d’ARMC, à savoir les appelants Oleg Romar et Yves Beaudry. Le contrat de société d’ARMC fait mention d’un prix d’émission de 1 $ pour chaque unité de participation dans la société. Aux termes de la clause 4.2, pour chaque unité de participation, 24,528 % était payable en devises canadiennes au moment de l’émission des unités ou leur acquisition, et 75,472 % était sous forme de billet promissoire payable en quatre versements annuels égaux à compter de la 7année jusqu’à la dixième année de l’émission des unités de participation. Ces quatre versements annuels étaient payables en devises brésiliennes et le montant payable en cruzeiros était fixé au taux de conversion en vigueur le jour de l’émission des unités de participation, c’est-à-dire le taux en vigueur lors de l’émission en 1985. Les quatre versements annuels portaient des intérêts non‑composés de 11,5 % payables au moment où le versement annuel serait effectué.

 

[5]     Au cours de son exercice financier, qui s’est terminé le 31 décembre 1985, ARMC a reçu de ses membres des fonds en dollars canadiens totalisant 18 199 908 $. Elle a reçu également de ses membres des billets en devises brésiliennes totalisant 369 199 023 074 cruzeiros payables de 7 à 10 ans plus tard au taux de 11,5 %. Au cours du même exercice financier, ARMC a versé 4 199 750 $ à Investmed soit 23,08 % des fonds en dollars canadiens reçu par ARMC de ses membres à titre de frais de souscription, d’administration et autres.

 

ARMC 2

 

[6]     ARMC 2 est une société de personnes constituée le 25 février 1986 en vertu également des lois de l’Ontario par les mêmes promoteurs qu’ARMC. Le contrat de société prévoit un prix d’émission de 1 $ par unité de participation et, aux termes de la clause 4.2, chaque unité était payable de la même façon que pour ARMC, soit 24,528 % en devises canadiennes et le solde, soit 75,472 %, sous forme de billets payable chacun en quatre versements annuels égaux à compter de la 7année jusqu’à la dixième année suivant l’émission des unités de participation en devises brésiliennes et le montant payable en cruzeiros était fixé au taux de conversion en vigueur le jour de l’émission des unités de participation, c’est‑à‑dire en 1986. Les quatre versements annuels portaient des intérêts non‑composés de 11 % payables au moment où le versement annuel serait effectué.

 

[7]     L’exercice financier d’ARMC 2 se termine le 31 décembre 1986. Au cours de son exercice, ARMC 2 a reçu de ses membres des fonds en dollars canadiens totalisant 19 050 413 $. Elle a reçu de ses membres des billets en devises brésiliennes totalisant 612 358 624 cruzeiros payables dans les 7 à 10 ans plus tard au taux de 11 %. ARMC 2 a versé 23,08 % des fonds reçus en dollars canadiens à Techmed, soit 4 396 010.

 

[8]     Ces deux sociétés ont, au cours de leurs exercices respectifs, conclu des contrats en recherches scientifiques et de développement expérimental (ci‑après RS & DE) avec la compagnie Coral Sociedade Brasilieira De Pesquisas & Desenvolvimento (ci-après Coral), une société contrôlée par monsieur Allen F. Campbell, un homme d’affaires du Texas, par l’entremise d’une société néerlandaise contrôlée par lui afin qu’elle établisse et dirige des activités de recherche dans son laboratoire situé à Cambridge en Angleterre et un autre au Brésil.

 

[9]     Les fonds investis dans ARMC et ARMC 2 devaient donc servir aux recherches de Coral. Le contrat d’ARMC a été conclu le 16 juillet 1985 et celui d’ARMC 2 le 25 février 1986.

 

Le contrat d’ARMC

 

[10]    Le contrat d’ARMC prévoit que Coral effectuera des travaux de recherche dans le domaine des anticorps monoclonaux devant aboutir à 57 produits, consistant chacun en un conjugué d’un anticorps monoclonal de type murin et d’un enzyme se combinant spécifiquement de façon immunologique ou immunochimique à un antigène désigné. Coral doit fournir ses meilleurs efforts pour que les travaux de recherche soient complétés au plus tard le 31 décembre 1985. Le prix par produit est de 7 990 867 500 cruzeiros et le prix total pour les 57 produits est de 455 479 447 500 cruzeiros. Le prix selon l’annexe B au contrat est payable en cruzeiros et est divisé en deux parties, soit 20 % comptant en cruzeiros à la fin des travaux, soit en 1985 et 80 % en quatre versements annuels de cruzeiros payables à partir de la 7e année de la fin des travaux avec intérêts non‑composés de 11,5 %. Le taux de conversion applicable au paiement des contrats était celui en vigueur le jour de la signature de l’entente.

 

[11]    Le contrat entre ARMC et Coral contenait aussi une clause prévoyant la réduction possible des obligations visées au nombre de produits de sorte qu’en février 1986, le nombre de produits a été réduit de 57 à 40 et le prix du contrat fut ajusté en conséquence.

 

[12]    Au cours de son exercice financier de 1985, ARMC a versé à Coral la somme de 350 000 $ canadiens pour chaque produit, soit 14 000 158 $ au moyen d’un chèque émis à l’ordre de Coral et transféré au compte que Coral détenait au Canada. ARMC a aussi émis, au cours du même exercice financier, 18 billets en devises brésiliennes à l’ordre de Coral au titre des 40 projets conclus avec Coral. En fonction des taux de change en vigueur lors des transactions intervenues entre ARMC et Coral en 1985, l’équivalent en dollars canadiens du montant principal de 369 199 023 074 cruzeiros était de 56 000 623 $ canadiens, soit 1 400 000 $ canadiens pour chacun des 40 projets.

 

[13]    Dans ses états financiers pour la période du 16 juillet au 31 décembre 1985, ARMC a inscrit une dépense de 70 000 781 $ canadiens au titre du contrat signé avec Coral. ARMC s’est appuyée non seulement sur les paiements comptant de 14 000 158 $ canadiens fait à Coral mais aussi sur le principal des billets à terme en devises brésiliennes signés par ARMC en faveur de Coral, soit 369 199 023 074 cruzeiros, principal qu’elle a converti en devises canadiennes, soit un montant de 56 000 623 $ canadiens selon le taux de change en vigueur le jour de la transaction avec Coral.

 

[14]    Les 18 billets à terme en devise brésilienne signés par ARMC en faveur de Coral ne comportaient pas de correction pour l’inflation, pas d’ajustement monétaire et pas d’ajustement pour le taux de change. Investmed a précisé qu’à l’égard des montants dus par ARMC à Coral, cette dernière avait accepté de renoncer à la responsabilité conjointe et solidaire, de diviser ses réclamations et de limiter ses recours contre chaque associé au montant dû par cet associé à la société.

 

[15]    Le 7 mars 1986, les fiduciaires Ernst Nigg et Christian Rusck ont avisé ARMC de la cession de 18 billets en devises brésiliennes en faveur de Coral au Medical Research Trust (MRT). Il faut mentionner que Coral et MRT n’ont élevé aucune réclamation au titre des 18 billets à terme et en définitive, ARMC et ses membres n’ont rien payé au titre de ces 18 billets à terme.

 

[16]    À la même date que le contrat entre ARMC et Coral, les parties ont conclu un contrat de couverture (Hedge Agreement) visant à protéger ARMC et ses membres en cas d’appréciation de la devise brésilienne. ARMC a payé 1 $ en contrepartie. Il n’y avait aucun contrat semblable visant à protéger Coral en cas de dépréciation de la devise.

 

Le contrat d’ARMC 2

 

[17]    Le contrat d’ARMC 2 avec Coral comportait 120 projets devant être complétés au plus tard le 31 décembre 1986. Le prix par produit était de 13 157 894 737 cruzeiros pour un total de 1 578 947 368 421 cruzeiros. Le tout était payable selon la même formule que le contrat d’ARMC sauf pour le taux d’intérêt qui était de 11 %.

 

[18]    Le projet initial qui visait l’obtention d’anticorps monoclonaux réagissant à des antigènes leucocytes humains et à des antigènes du groupe sanguin humain a été modifié par la suite. Au début de 1987, ARMC 2 a décidé d’abandonner les 60 projets relatifs aux antigènes du groupe sanguin après avoir constaté que Coral n’était pas en mesure de les mener à bien. Les parties ont, le 24 mars 1987, convenu que le contrat comporterait 42 projets. Dans le cadre de cette transaction, ARMC 2 a accepté le travail effectué par Coral en vertu du contrat et a obtenu les droits et titres et intérêts relatifs à ces 42 projets qui portaient sur les antigènes leucocytes humains. L’entente du 24 mars 1987 définit en ces termes les produits obtenus par ARMC 2 dans les termes suivants :

 

The parties acknowledge and agree that the products in Exhibit 1 are supernatants which reacted at least once with an identified HLS-specificity each of which requires additional work to become a monoclonal antibody with reproducible activity produced by a stable hybridoma, said monoclonal antibody to combine specifically in a immunological manner with an identified HLA-specificity.

 

 

[19]    Le 15 mars 1986, ARMC 2 a pris acte, par avis à Coral, du fait que le Brésil avait aboli le cruzerio et confirmait qu’elle exécuterait ses obligations en vertu de son contrat avec Coral en fonction de la nouvelle devise brésilienne, c’est‑à‑dire le cruzado.

 

[20]    Au cours de son exercice financier se terminant le 31 décembre 1986, ARMC 2 a versé à Coral la somme de 14 654 404 $ canadiens, c’est‑à‑dire près de 350 000 $ pour chacun des 42 projets. ARMC a aussi émis 13 billets en devises brésiliennes à l’ordre de Coral pour les 42 projets pour un montant de 612 358 624 cruzados.

 

[21]    Dans ses états financiers pour la période du 25 février au 31 décembre 1986, ARMC 2 a inscrit une dépense de recherche de 73 272 012 $ canadiens au titre du contrat de services conclu avec Coral le 25 février 1986. Pour inscrire une dépense semblable, ARMC 2 a fait la même chose que ARMC : elle a inscrit le montant initial versé comptant et la valeur des billets à terme en devises brésiliennes mais converties en devises canadiennes selon le taux de change en vigueur au jour des transactions intervenues avec Coral.

 

[22]    Tout comme pour ARMC, les 13 billets à terme ne comportaient aucune formule de correction pour l’inflation, d’ajustement monétaire et d’ajustement pour taux de change. Dans un avis d’offre du 28 juillet 1986, Techmed a précisé qu’en cas de défaut par ARMC 2 de payer les frais totaux dus à Coral en vertu de contrat conclu entre elles, celle-ci aurait un recours visant les actifs de la société de personnes. L’avis précisait aussi que le recours de Coral contre un associé serait alors limité au montant dû par cet associé à la société de personnes.

 

[23]    Tout comme les billets à terme d’ARMC, ceux d’ARMC 2 ont été cédés à MRT mais aucune réclamation n’a été élevée et ARMC 2 et ses membres n’ont rien payé au titre des 13 billets à terme. Les parties ont aussi signé un contrat de couverture tout comme ARMC, visant à protéger ARMC 2 et ses membres en cas d’appréciation de la devise brésilienne et aucun contrat visant à protéger Coral en cas de dépréciation de la devise. Le 17 juin 1986, Coral a convenu en ce qui concernait le contrat de couverture, qu’en raison de la réforme monétaire adoptée au Brésil, le contrat devait être lu comme comportant une référence au cruzado.

 

[24]    Avant les signatures des contrats impliquant ARMC et ARMC 2 avec Coral, les promoteurs des sociétés n’ont approché aucune autre firme que Coral pour l’exécution des travaux prévus dans les contrats.

 

[25]    À la suite de tous ces événements, une société du nom de « Les Associés de Recherche Médicale Canadienne (ARMC Inc.) » a été constituée en vertu de la Loi sur les compagnies du Québec. Les appelants Oleg Romar et Yves Beaudry étaient deux des trois fondateurs d’ARMC Inc. Une offre d’échange a été faite aux membres d’ARMC et d’ARMC 2 afin de convertir leurs unités de participation dans ces sociétés en actions ordinaires d’ARMC Inc. Le but d’ARMC Inc. était de développer des produits sur la base de recherches effectuées par Coral.

 

[26]    L’objectif ultime de ces recherches était de développer des trousses de diagnostic. ARMC Inc. a vendu les lignées cellulaires à l’Université Laval précisément dans le but de développer des trousses de diagnostic devant être commercialisées. Les activités de recherche ont été menées dans les laboratoires de Coral à Cambridge et aucune activité n’a eu lieu dans ceux du Brésil. Vu le résultat de ces activités, ARMC et ARMC 2 ont réclamé des dépenses au titre de RS & DE de plus de 143 272 793 $ canadiens donnant ainsi lieu à des pertes équivalentes pour les années 1985 et 1986.

 

[27]    Les appelants se sont donc attribués des pertes autre qu’en capital (PAC) et ont réclamé de frais financiers en rapport avec leur investissement ainsi que des reports de PAC à d’autres années d’imposition.

 

[28]    Par avis de cotisation du 17 février 2000, l’Agence du revenu a refusé la presque totalité des sommes déduites par les appelants et environ 600 autres associés. Les dossiers ont tous été réglés sauf ceux des appelants dans le présent litige.

 

[29]    Après avoir fait le tour du dossier, les principales questions en litige se résument comme suit :

 

1.       Les dépenses réclamées par les appelants constituent-elles des dépenses de RS & DE au sens de l’article 37 de la Loi et de l’article 2900 du Règlement de l’impôt sur le revenu (« le Règlement »)?

 

2.       Les états financiers des sociétés ARMC et ARMC 2 reflétaient-ils le bénéfice réel de ces sociétés?

 

          a)       Y a-t-il véritablement une dépense engagée au titre des billets à terme négocié entre ARMC et ARMC 2?

 

          b)      Les dépenses de RS & DE réclamées par les appelants étaient-elles raisonnables au sens de l’article 67 de la Loi?

 

3.       Les déductions réclamés, si elles sont accordées, auront‑elles pour effet de réduire indûment ou artificiellement le revenu des appelants en vertu du paragraphe 245(1) de la Loi, tel qu’il se lisait à l’époque?

 

[30]    De façon très succincte, l’intimée soutient que les unités de participation dans les sociétés ARMC et ARMC 2 ont été vendues et présentées comme des abris fiscaux. Ces deux sociétés, selon l’intimée, n’avaient aucun plan d’entreprise clair et précis fondé sur des pratiques commerciales et scientifiques. Les dépenses engagées par les associés ne sont pas des dépenses raisonnables au sens de l’article 67 de la Loi à l’égard des travaux exécutés par Coral.

 

[31]    L’intimée fait valoir que les promoteurs et les associés d’ARMC et d’ARMC 2 connaissaient la réputation du cruzeiros brésilien et qu’ils ont voulu profiter de cette situation en mettant en place des abris fiscaux et que c’est pour cette raison que les contrats avec Coral ne prévoyaient pas de clause d’ajustement monétaire de sorte que les associés des deux sociétés n’avaient pas à rembourser la véritable valeur des obligations contractées.

 

[32]    L’intimée soutient que les états financiers des sociétés en question n’ont pas été faits conformément aux principes comptables généralement reconnus (PCGR). La valeur des billets aurait dû être escomptée de sorte qu’ils auraient dû refléter la dépréciation de la devise brésilienne. Les pertes réclamées ne sont pas les pertes réellement subies. L’intimée soutient que les associés des deux sociétés n’avaient qu’un but strictement fiscal, soit celui de réclamer des pertes créées virtuellement par le jeu de la dépréciation de la devise brésilienne en vue d’invoquer le paragraphe 245(1) de la Loi.

 

[33]    Pour leur part, les appelants soutiennent que les travaux effectués par le laboratoire Coral répondent aux critères de la RS & DE. Subsidiairement, les appelants soutiennent que leurs dépenses demeurent des dépenses engagées dans l’exploitation de leur entreprise et que, par conséquent, elles sont déductibles aux termes du paragraphe 18(1)a) de la Loi. Ils maintiennent qu’il s’agit dans les circonstances, de dépenses raisonnables au sens de l’article 67 de la Loi. Finalement, ils soutiennent que l’ancien paragraphe 245(1) de la Loi ne s’applique pas en l’occurrence de sorte que les sociétés, par ces déductions, n’obtiennent pas une réduction indue ou factice de leurs revenus.

 

[34]    Chacune des parties a appelé à témoigner des experts dans le domaine de la RS & DE, de l’économie brésilienne de l’époque et sur les PCGR relativement aux états financiers des sociétés. 16 témoins ont également été présentés en ce qui concerne les faits.

 

[35]    Les dépenses réclamées constituent-elles des dépenses de RS & DE au sens de l’article 37 de la Loi et de l’article 2900 du Règlement?

 

Les dispositions législatives applicables aux années 1985-1986 sont les suivantes :

 

37.    Recherches scientifiques et développement expérimental

 

(1)         Lorsqu’un contribuable produit avec sa déclaration de revenu en vertu de la présente partie pour une année d’imposition un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits et qu’il a exploité une entreprise au Canada et a fait des dépenses pour des recherches scientifiques et du développement expérimental dans l’année, est déductibles dans le calcul de son revenu pour l’année la fraction éventuelle du total

 

a)      toute somme que peut réclamer le contribuable et qui ne dépasse pas le total des dépenses de nature courantes faites au Canada par le contribuable durant l’année ou toute année d’imposition antérieure se terminera après 1973

 

         (i)         pour recherches scientifiques et développement expérimental se rapportant à l’entreprise du contribuable et effectués directement par lui ou pour son compte,

         (ii)        sous forme de paiements à une association agréée qui entreprend des recherches scientifiques et du développement expérimental en rapport avec la catégorie d’entreprise du contribuable,

         (iii)       sous forme de paiements à quelque université, collège, institut de recherches ou autre établissement semblables agréés, lesquels paiements doivent servir à des recherches scientifiques et à du développement expérimental en rapport avec la catégorie d’entreprise du contribuable,

         (iv)       sous forme de paiements à une corporation résidant au Canada et exonérée d’impôt en vertu de l’alinéa 149(1)j), ou

         (v)        sous forme de paiements à une corporation résidant au Canada, à des fins de recherches scientifiques et de développement expérimental en rapport avec l’entreprise du contribuable;

 

b)      toute somme que peut réclamer le contribuable et qui ne dépasse pas le moins élevé des montants suivants :

 

         (i)         les dépenses en immobilisations faites au Canada (du fait de l’acquisition de biens autres que des fonds de terre), dans l’année et dans toute l’année antérieure à celle-ci et close après 1958, pour recherches scientifiques et développement expérimental en rapport avec l’entreprise du contribuable et effectués directement par lui ou pour son compte, ou

         (ii)        la fraction non amortie du coût en capital, supporté par le contribuable, des biens ainsi acquis, à la fin de l’année d’imposition (avant que soit effectuée toute déduction, prévue par le présent alinéa lors du calcul de revenu du contribuable pour l’année d’imposition)

 

c)      [. . .]

 

c.1)   toutes les sommes incluses en vertu de l’alinéa 12(1)v) lors du calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition antérieure.

 

qui est en sus du total

 

         d)      des sommes qui lui ont été versées pendant l’année ou au cours d’une année d’imposition antérieure se terminant après 1973 sous le régime d’une Loi portant affectation de crédits et selon les modalités visées à l’alinéa c),

 

         e)      de la partie du total des montants déduits en vertu du paragraphe 127(5) dans le calcul de l’impôt par ailleurs payable par le contribuable en vertu de la présente Partie pour l’année ou toute année d’imposition antérieure, qui peut raisonnablement être attribuée aux dépenses courantes faites au Canada au cours de l’année ou de toute année d’imposition antérieure qui sont des dépenses admissibles afférentes à la recherche scientifique et au développement expérimental au sens de l’alinéa 127(10.1)c),

 

         f)       toutes les sommes déduites en vertu du présent paragraphe et de l’alinéa 20(1)t) dans le calcul du revenu du contribuable pour une année d’imposition antérieure, à l’exception des sommes visées au paragraphe (6), et

 

         g)      du total des montants dont chacun représente un montant égal au double du montant réclamé en vertu du sous-alinéa 194(2)(a)(ii) par le contribuable pour l’année ou toute année d’imposition antérieure.

 

(2)     Lors du calcul du revenu, pour une année d’imposition, d’un contribuable qui a exploité une entreprise au Canada et fait, au cours de l’année, des dépenses relatives à des recherches scientifiques et du développement expérimental poursuivis hors du Canada, il peut être déduit toutes les dépenses de nature courante de ce genre, engagées dans l’année

 

a)            pour des recherches scientifiques et du développement expérimental en rapport avec l’entreprise et effectués directement par le contribuables ou pour son compte, ou

 

b)            sous forme de paiements à quelque association, université, collège, institut de recherches ou autre établissement semblable agréés, lesquels paiements doivent servir à des recherches scientifiques et du développement expérimental en rapport avec la catégorie d’entreprise du contribuable.

 

(3)     [. . .]

 

(4)     Déductions ­ Aucune déduction n’est permise en vertu du présent article relativement à une dépense faite en vue d’acquérir des droits sur des recherches scientifiques et du développement expérimental ou des droits en découlant.

 

(5)     Idem – Lorsque, relativement à une dépense faite par un contribuable pour des recherches scientifiques et du développement expérimental pendant une année d’imposition, une somme est déductible en vertu du présent article et de l’article 110, aucune déduction relative à cette dépense ne peut être faite, lors du calcul du revenu imposable de ce contribuable, pour une année d’imposition quelconque, en vertu de l’article 110.

 

(6)     Dépenses en immobilisation – Une somme réclamée en vertu de l’alinéa (1)b) lors du calcul d’une déduction en vertu de ce paragraphe est réputée être, aux fins de l’article 13, une somme allouée au contribuable en raison des biens acquis ay moyen de ces dépenses, en vertu des règlements établis sous le régime de l’alinéa 20(1)a), et, à cette fin, les biens acquis au moyen de ces dépenses sont réputés constituer une catégorie prescrite distincte.

 

(7)         Définitions – Dans le présent article

 

a)      [. . .]

 

b)      Recherches scientifiques et développement expérimental » - les mentions des dépenses afférentes aux recherches scientifiques et au développement expérimental, ou se rapportant à ceux-ci,

 

c)      [Dépenses afférentes aux recherches scientifiques et au développement expérimental]

 

(i)                        lorsqu’elles figurent au paragraphe (2), se limitent :

 

(A)            aux dépenses dont chacune représente une dépense engagée pour des recherches scientifiques et du développement expérimental et qui y est attribuable en totalité ou presque,

 

(B)            aux dépenses courantes directement attribuables, selon ce qui est prévu par règlement, à des recherches scientifiques et à du développement expérimental,

 

(ii)                      lorsqu’elles figurent ailleurs qu’au paragraphe (2), se limitent :

 

(A)            aux dépenses dont chacune représente une dépense engagée pour des recherches scientifiques et du développement expérimental effectués au Canada et qui y est attribuable en totalité ou presque, ou engagée pour la fourniture, à ces fins, de locaux, installations ou matériel,

 

(B)            aux dépenses courantes directement attribuables, selon ce qui est prévu par règlement, à des recherches scientifiques et à du développement expérimental effectués au Canada, ou à la fourniture, à ces fins, de locaux, installations ou matériel

 

 

d)      [Mentions de recherches scientifiques et de développement expérimental] – les mentions de recherches scientifiques et de développement expérimental concernant une entreprise ou une catégorie d’entreprises, comprenant les recherches scientifiques et le développement expérimental susceptibles de provoquer ou de faciliter la croissance de cette entreprise ou, selon le cas, d’entreprise de cette catégorie.

 

 

[36]    Selon l’article 37, seront déductibles dans le calcul du revenu d’entreprise exploitée activement du contribuable, les dépenses engagées pour effectuer des RS & DE. La définition de recherches scientifiques se trouve à l’article 2900 du Règlement.

 

                                                Partie XXIX

 

                                    Recherches scientifiques

 

                                                Interprétation

 

2900. Aux fins de la présente partie et des alinéas 37(7)b) et 37.1(5)e) de la Loi, « recherches scientifiques » désigne une investigation ou recherche systématique d’ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse, c’est-à-dire,

 

a)      la recherche pure, à savoir le travail entrepris pour l’avancement de la science sans aucune application pratique en vue,

b)      la recherche appliquée à savoir le travail entrepris pour l’avancement de la science sans aucune application pratique en vue,

c)      la mise au point, à savoir l’utilisation des résultats de la recherche pure ou appliquée dans le but de créer de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou encore améliorer ceux qui existent,

 

et lorsque ces activités sont entreprises pour appuyer directement les activités mentionnées à l’alinéa a), b) ou c), comprend les activités relatives au génie ou au dessin, à la recherche opérationnelle, à l’analyse mathématique ou à la programmation des ordinateurs et à la recherche psychologique, mais elle n’englobe pas les activités se rattachant à

 

d)      la prospection du marché ou la stimulation de la vente;

e)      le contrôle de la qualité ou l’échantillonnage normal des matériaux, des dispositifs ou des produits;

f)        la recherche dans les sciences sociales ou les humanités;

g)      la prospection, l’exploration ou le forage fait en vue de découvrir ou d’exploiter des minéraux, du pétrole ou du gaz naturel;

h)      la production commerciale d’un matériaux, d’un dispositif, ou d’un produit nouveau ou meilleur, ou l’utilisation commerciale d’un procédé nouveau ou plus efficace;

i)        les modification de style; ou

j)        l’obtention ordinaire de renseignement.

 

 

[37]    Une jurisprudence a également été construite en matière de la RS & DE. Le juge Sarchuk de cette Cour, dans la décision R I S - Christie Ltd. c. Canada, [1996] A.C.I. no 1056, s’est penché sur la notion de RS & DE pour les années 1982 et 1983. L’appelante faisait valoir la thèse suivante :

 

Arguments de l’appelante

 

11 Conformément aux alinéas 37(7)b) et 37.1(5)e) de la Loi, le terme "recherches scientifiques" a le sens qui lui est attribué par l'article 2900 du Règlement. L'appelante se fonde sur le témoignage de M. Dorcich et sur celui de M. Littlejohn, qui ont estimé que le travail effectué par 541185 constituait de la recherche scientifique et du développement expérimental. Ces témoignages et l'examen de la proposition et du sommaire montrent amplement que 541185 a suivi une méthode scientifique formelle et a fait une "investigation ou recherche systématique d'ordre scientifique ou technologique effectuée par voie d'expérimentation ou d'analyse". Plus précisément, 541185 a effectué de la recherche appliquée sur les éléments électrothermiques du panneau ainsi que sur les adhésifs et autres matériaux devant le composer, tout en se livrant à des activités de collecte d'information et de documents techniques sur les systèmes de coffrage pour béton existant sur le marché, lesquelles activités allaient au-delà d'une collecte de données normale. Elle a également entrepris des activités de développement de grande envergure dans le cadre desquelles elle a analysé et examiné, en vue du développement du panneau, les matériaux et produits existants. Ainsi, le travail qu'elle a accompli comportait une véritable incertitude technique; il a abouti à un nouveau produit et ce produit a été mis au point au moyen d'une approche organisée et systématique. En outre, la recherche effectuée par 541185 comprenait des activités "relatives au génie ou au dessin", comme en témoigne son travail sur les aspects structure, génie et conception électrique du panneau. Cela comprenait la construction de prototypes, dont l'existence a été confirmée par les témoignages de MM. Dorcich, McCabe et Turner.

 

12 L’appelante déclare avoir satisfait aux lignes directrices techniques du ministère du Revenu national définissant ce qui constitue de la recherche scientifique et du développement pour l'application du paragraphe 2900(1) du Règlement17 en ce sens qu'elle a rempli les critères de l'avancement de la science et de la technologie, de l'incertitude scientifique ou technologique, et du contenu scientifique et technique.

 

 

[38]    Le juge Sarchuk, dans cette affaire, avait aussi pris en compte la circulaire d’information 86-4R3 afin de faire l’analyse des activités de l’appelante. Je reproduis ci-après les critères généraux énoncés dans cette circulaire :

 

2.9 Critères généraux

 

2.10 Trois critères essentiels doivent être respectés pour qu'une activité puisse être considérée comme une activité de recherche scientifique et de développement expérimental: le critère de l'avancement de la science ou de la technologie; le critère de l'incertitude scientifique ou technologique; et le critère du contenu scientifique et technique.

 

2.10.1 Le critère de l'avancement de la science ou de la technologie se définit comme suit:

 

·        La recherche effectuée dans le cadre de l'activité de recherche scientifique et de développement expérimental doit produire des renseignements qui font progresser notre compréhension des relations scientifiques ou technologiques. Dans un contexte commercial, cela signifie que, pour être admissible, l'activité déployée pour créer un nouveau produit ou un nouveau procédé ou pour améliorer un produit ou un procédé existant doit apporter un progrès scientifique ou technologique.

 

2.10.2 Le critère de l'incertitude scientifique ou technologique se définit comme suit:

 

·        La probabilité d'atteindre un objectif ou un résultat donné ou la façon d'y parvenir ne peuvent être connues ou déterminées à l'avance d'après l'expérience ou les connaissances scientifiques ou technologiques habituellement disponibles. Cela implique qu'il est impossible de connaître l'issue du projet ou la méthode à suivre pour le réaliser sans dissiper cette incertitude technologique ou scientifique grâce à un programme de recherche scientifique ou de développement expérimental. L'incertitude scientifique ou technologique peut notamment se présenter sous l'une des deux formes suivantes:

 

                  °     le contribuable peut être dans l'impossibilité de prévoir s'il pourra réaliser ses objectifs;

                  °     il peut être est assez convaincu qu'il atteindra les objectifs, sans savoir avec certitude laquelle des éventuelles solutions (c.-à-d. approches, démarches, études, configurations du matériel, architecture des systèmes, techniques de circuit, etc.) réussira ou sera praticable dans les limites des caractéristiques recherchées, des coûts visés ou de ces deux considérations.

 

·        Ainsi, c'est l'incertitude scientifique ou technologique, plutôt que le risque économique ou financier, qui caractérise la recherche scientifique et le développement expérimental et, de ce fait, les activités admissibles.

 

·        On peut parfois être assez certain de trouver un produit ou un procédé répondant aux objectifs technologiques quand le coût n'a pas d'importance. Dans la réalité commerciale, cependant, on vise toujours un coût raisonnable. La volonté d'atteindre un objectif particulier en matière de coût peut parfois donner lieu à un obstacle technique. Une incertitude technologique peut donc être imposée par des considérations économiques. Néanmoins, en elle-même, la rentabilité commerciale du produit ou du procédé ne peut être invoquée pour démontrer qu'il existe une incertitude technologique et, par conséquent, que le projet est admissible.

 

·        Ce critère s'applique autant au travail qui porte sur des procédés ou des produits nouveaux qu'au travail qui porte sur des produits ou des procédés existants. Précisons que la définition que nous donnons à l'incertitude technologique dans la présente partie s'applique à l'ensemble de la circulaire.

 

2.10.3    Le critère du contenu scientifique et technique a le sens suivant:

 

L’activité de recherche scientifique et de développement expérimental doit comporter une investigation systématique qui commence par la formulation d'une hypothèse, est suivie d'une vérification par expérimentation ou analyse, et aboutit à la formulation de conclusions logiques. L'expérimentation peut comprendre le travail visant à élaborer ou à perfectionner des prototypes ou des modèles. Dans une optique commerciale, cela signifie que les objectifs des projets de recherche scientifique et de développement expérimental doivent être énoncés clairement à l'une des premières étapes du projet. En outre, la méthode d'expérimentation ou d'analyse que l'on compte suivre pour dissiper les incertitudes scientifiques ou technologiques doit être énoncée clairement. Enfin, les résultats des efforts de recherche scientifique et de développement expérimental qui suivent doivent être convenablement décrits. La nécessité de suivre un programme d'investigation systématique n'exclut pas l'utilisation d'idées résultant de démarches intuitives. Toutefois, ces idées constituent des hypothèses qui doivent être vérifiées au moyen d'un programme systématique avant que l'on ne puisse les accepter.

Un personnel compétent, possédant une expérience pertinente dans les sciences, la technologie ou le génie, est chargé de diriger ou d'exécuter le travail.

 

 

[39]    Il est tout à fait indiqué aussi de se référer à la décision C.W. Agencies Inc. c. Canada, [2000] A.C.I. no 558 dans laquelle le juge Bonner a fait le point sur l’état de la jurisprudence relative aux critères applicables en matière de RS & DE et a rappelé les principes sur le rôle des témoins experts dans ce genre de cause. Je reprends ci-après les paragraphes 37 et 38 de cette décision.

 

37    Dans l'affaire Northwest, la Cour a ensuite établi trois critères fondamentaux à utiliser pour déterminer s'il y a eu une activité de RS&DE dans un cas donné. Il s'agit de l'incertitude scientifique ou technologique, du contenu scientifique ou technologique et du progrès scientifique ou technologique. La Cour a expliqué ces trois éléments ou critères dans des termes qu'il convient bien de réitérer :

 

1.      Existe-t-il un risque ou une incertitude technologique?

 

      a)   Lorsqu’on parle de "risque ou [d']incertitude technologique" dans ce contexte, on laisse implicitement entendre qu'il doit exister une incertitude quelconque qui ne peut pas être éliminée par les études techniques courantes ou par les procédures habituelles. Je ne parle pas du fait que dès qu'un problème est décelé, il peut exister un certain doute au sujet de la façon dont il sera réglé. Si la résolution du problème est raisonnablement prévisible à l'aide de la procédure habituelle ou des études techniques courantes, il n'y a pas d'incertitude technologique telle que cette expression est utilisée dans ce contexte.

 

      b)   Qu’entend-on par "études techniques courantes"? C'est cette question (ainsi que celle qui se rapporte au progrès technologique) qui semble avoir divisé les experts plus que toute autre. En résumé, cela se rapporte aux techniques, aux procédures et aux données qui sont généralement accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine.

 

2.      La personne qui prétend se livrer à de la RS&DE, a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique? La chose comporte un processus à cinq étapes :

 

      a)   l’observation de l'objet du problème;

 

      b)   la formulation d'un objectif clair;

 

      c)   la détermination et la formulation de l'incertitude technologique;

 

      d)   la formulation d'une hypothèse ou d'hypothèses destinées à réduire ou à éliminer l'incertitude;

 

      e)   la vérification méthodique et systématique des hypothèses.

 

Il est important de reconnaître que, bien qu'une incertitude technologique doive être définie au départ, la détermination de nouvelles incertitudes technologiques au fur et à mesure que les recherches avancent et l'emploi de la méthode scientifique, et notamment l'intuition et la créativité, et parfois l'ingéniosité en découvrant, en reconnaissant et en mettant fin à de nouvelles incertitudes, font partie intégrante de la RS&DE.

 

3.   Les procédures adoptées sont-elles conformes aux principes établis et aux principes objectifs de la méthode scientifique, définis par l'observation scientifique systématique, la mesure et l'expérimentation ainsi que la formulation, la vérification et la modification d'hypothèses?

 

a)      Il est important de reconnaître que même si la méthodologie susmentionnée décrit les aspects essentiels de la RS&DE, la créativité intuitive et même l'ingéniosité peuvent avoir un rôle crucial dans le processus aux fins de la définition de la RS&DE. Toutefois, ces éléments doivent exister dans le cadre de la méthode scientifique dans son ensemble.

 

b)      Ce qui peut sembler habituel et évident après coup ne l'était peut-être pas au début des travaux. Ce n'est pas uniquement l'adhésion à des pratiques systématiques qui distingue l'activité courante des méthodes nécessaires selon la définition de la RS&DE figurant à l'article 2900 du Règlement, mais l'adoption de la méthode scientifique décrite ci-dessus dans son ensemble, en vue d'éliminer une incertitude technologique au moyen de la formulation et de la vérification d'hypothèses innovatrices non vérifiées.

 

            4.   Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique, c'est-à-dire à un progrès en ce qui concerne la compréhension générale?

 

      a)   Je veux dire par là quelque chose que les personnes qui s'y connaissent dans le domaine savent ou qu'elles peuvent de toute façon savoir. Je ne parle pas d'un élément de connaissance que quelqu'un, quelque part, peut connaître. La collectivité scientifique est étendue, et elle publie des documents dans de nombreuses langues. Un progrès technologique au Canada ne cesse pas d'être tel simplement parce qu'il existe un possibilité théorique qu'un chercheur, disons, en Chine, a peut-être fait le même progrès, mais que ses travaux ne sont généralement pas connus.

 

      b)   Le rejet, après l'essai d'une hypothèse, constitue néanmoins un progrès en ce sens qu'il élimine une hypothèse jusque là non vérifiée. Une bonne partie de la recherche scientifique vise justement à cela. Le fait que l'objectif initial n'est pas atteint n'invalide ni l'hypothèse qui a été émise ni les méthodes qui ont été employées. Au contraire, il est possible que l'échec même renforce le degré d'incertitude technologique.

 

5.      La Loi et son règlement d'application ne le prévoient pas expressément, mais il semble évident qu'un compte rendu détaillé des hypothèses, des essais et des résultats, doive être fait, et ce, au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

 

38    Le rôle de témoins experts dans des causes comme celle-ci a été examiné par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Christie Ltd. c. La Reine6. Au paragraphe 12, le juge Robertson, parlant pour la Cour, disait :

 

La question de savoir en quoi consistent les recherches scientifiques au regard de la Loi est une question de droit ou une question mixte de droit et de fait, à trancher par la Cour canadienne de l'impôt, et non par les experts cités comme témoins, contrairement à ce que, trop souvent, pensent les avocats des contribuables comme du ministre. Un expert peut aider le juge à jauger les preuves et témoignages de nature technique et peut chercher à le convaincre que les recherches poursuivies n'ont pas abouti ou ne pourraient aboutir à une avancée technologique. Mais, somme toute, son rôle se borne à mettre à la disposition du juge des verres correcteurs à travers lesquels celui-ci peut saisir les données techniques avant de les analyser et évaluer. Sans doute, l'expert cité par une partie cherchera à faire en sorte que ses spécifications focales soient adoptées par la Cour. Cependant, il est loisible au juge de première instance de préférer une ordonnance à une autre.

 

 

[40]    Les appelants, en l’espèce, soutiennent que les activités de Coral constituaient de la recherche appliquée puisqu’il s’agit d’un travail entrepris pour la promotion de la science comportant des applications pratiques. Ils font valoir que la preuve produite démontre que les investissements effectués dans le domaine de la recherche appliquée auraient servi à produire des anticorps monoclonaux pouvant éventuellement servir au développement de trousses de diagnostic destinées au dépistage de certaines maladies ou infections.

 

[41]    Il faut donc, en premier lieu, se demander si les activités de Coral ont contribué à la promotion de la science et de la technologie? Plus précisément, est‑ce que les activités de Coral ont abouti à la création d’un nouveau produit ou d’un nouveau procédé ou à l’amélioration d’un produit ou d’un procédé existant?

 

[42]    En l’espèce, les parties se sont fondées sur la notion de l’utilité des produits. Les appelants, pour leur part, font valoir que les recherches de Coral ont contribué à la promotion de la science puisqu’à cette époque (1985 – 1986), il n’existait pas de test diagnostic relatif aux virus, parasites et protéines visés par les projets d’ARMC et d’ARMC 2. À l’appui de cette prétention, ils font valoir que les lignées cellulaires ont été vendues à l’Université Laval. Pour sa part, l’intimée prétend que Coral ne se livrait pas à des recherches scientifiques mais plutôt à des activités de production d’anticorps monoclonaux selon le témoignage de leurs experts, les Drs. Roger Kenneth, Michael Norgard et Bernard Brodeur.

 

[43]    Le chef du laboratoire de Coral à Cambridge a confirmé les déclarations des trois témoins experts de l’intimée; selon lui, Coral ne faisait pas ce qu’il a qualifié de « early stage research ». Il ajoute que « what we were doing was taking a technique in order to make a product » ou « using a tool to produce a product which was labeled as research ».

 

[44]    Le Dr Roger Kenneth est professeur en biologie au Wheaton College au Texas. Il a préparé quatre rapports d’expertise pour l’intimée concernant ARMC et ARMC 2 dont la mission était d’évaluer les travaux de RS & DE effectués et de vérifier si les produits finaux pouvaient être commercialisés et évaluer le coût de production d’un anticorps monoclonal. Il a affirmé que, en ce qui concerne les antigènes viraux, peptiques et ceux provenant des parasites, il s’agissait d’une technologie connue par la communauté scientifique de l’époque et que cela ne justifiait pas de recherches supplémentaires. Selon le Dr Kenneth, les projets de Coral n’ont en rien contribué à la promotion de la science. Il est d’avis que les travaux de Coral constituaient uniquement en la production d’anticorps monoclonaux sans égard à leur spécificité et sensibilité aux antigènes. Il n’y avait pas de RS & DE dans les projets d’ARMC et d’ARMC 2 parce que les procédures, protocoles et hypothèses proposées par Coral n’avaient pas été vérifiées par des expérimentations ou analyses qui auraient abouti à une conclusion logique. Il reconnaît toutefois que même si des produits existent sur le marché, certaines entreprises vont quand même continuer à faire des recherches sur ces produits afin de développer des produits similaires ou avec certaines différences.

 

[45]    Le projet d’ARMC et d’ARMC 2 a quand même suscité l’intérêt du milieu scientifique. Au cours de sa déposition Madame Francine Décary, présidente et chef de la direction à Hema Québec, a déclaré qu’en 1988, alors qu’elle était directrice médicale des services de transfusion à la Croix-Rouge, elle a été approchée par ARMC afin d’œuvrer sur un projet intitulé « Production d’anticorps monoclonaux humains anti-HLA ». Le but était de poursuivre le travail amorcé par Coral qui consistait à développer une technologie de production d’une dizaine d’anticorps monoclonaux humains anti-HLA. Son intérêt était dû au fait qu’il n’y avait pas à l’époque, et même aujourd’hui, d’anticorps monoclonaux anti‑HLA fait à partir de prélèvements sur des humains. Ce projet qui devait s’échelonner sur deux ans au coût de 677 000 $ n’a jamais vu le jour et le témoin ne connaît ni les raisons du refus ni ce qui est advenu des cellules productrices d’anticorps qu’on lui fait parvenir.

 

[46]    Madame Ghislaine Martin, conseillère spéciale à l’Université Laval, a témoigné que l’Université avait acheté des lignées cellulaires herpes simplex de type I et II d’ARMC en 1993 et des lignées cellulaires Entamoeba histolytica en 1999.

 

[47]    Le Dr Michel Pagé est professeur en biochimie à l’Université Laval et a témoigné sur les différents contrats d’achat de lignées cellulaires conclus par l’Université d’ARMC dans le but de développer des trousses de dépistage pour le cytomégalovirus, herpes simplex type I et II. Il a déclaré que les lignées cellulaires pour l’Entamoeba histolytica, achetées en 1991, ont coûté 470 000 $. Cependant, il ne croit pas que les trousses du cytomégalovirus et l’herpes simplex ont ultérieurement produit un revenu.

 

[48]    Dans le cadre de cette recherche, le Dr Pagé a produit d’autres lignées cellulaires avec celle qui avait été acquise d’ARMC et ce, pour des raisons de quantification, de spécificité et de sensibilité. Le témoin a expliqué avoir employé une technique qui nécessitait d’autres lignées cellulaires outre celle fournie par ARMC et qu’il a dû effectuer plusieurs autres recherches supplémentaires avec les lignées cellulaires d’ARMC avant de pouvoir arriver à un produit commercialisé. Il a cependant indiqué que les lignées cellulaires requises ont toutes produit les anticorps qu’elles étaient sensées produire.

 

[49]    À la lumière de cette preuve, la réponse à la question posée pouvait, à la rigueur, démontrer que les projets d’ARMC et d’ARMC 2 ont contribué à la promotion de la science, en ce sens qu’il s’agissait soit de développer de nouveaux produits ou encore d’améliorer des produits existants.

 

[50]    La deuxième question qu’il faut poser est celle de savoir s’il y avait une incertitude scientifique ou technologique quant aux activités poursuivies par Coral? Il s’agit de savoir si Coral, lors du commencement des travaux, connaissait la probabilité d’atteindre ses objectifs ou un résultat donné ou encore la façon d’y parvenir?

 

[51]    Les appelants prétendent qu’il est répondu à ce critère en l’occurrence puisque, parmi tous les projets d’ARMC et d’ARMC 2, certains ont fonctionné et d’autres non. Il est possible de constater par les témoignages entendus que, pendant les années 1985 – 1986, il y avait un engouement pour le genre de recherches effectuées par Coral. Le Dr Kenneth a admis que la recherche sur les anticorps monoclonaux constitue un risque et les appelants infèrent de cette admission que l’incertitude est démontrée. Selon le Dr Kenneth, on n’est pas toujours certain qu’on aboutira aux résultats espérés. À mon avis, il était donc impossible que Coral puisse savoir lequel de ces projets allait fonctionner en bout de ligne.

 

[52]    La probabilité d’atteindre des objectifs ou la façon d’y parvenir ne peuvent être connus ou déterminés à l’avance d’après l’état des connaissances scientifiques ou technologiques. On peut donc dire qu’il devait être impossible à Coral de connaître l’issue du projet ou la méthode à suivre pour le réaliser de sorte qu’il y avait une incertitude technologique quant à la possibilité ou non, de produire des anticorps pour tous les virus, parasites ou autres que Coral tentait de développer.

 

[53]    En troisième lieu, il faut se demander si les activités de Coral comportaient un aspect scientifique et technique. Je reviens à la décision C.W. Agencies, supra, où le juge Bonner reprend les trois critères fondamentaux de la décision Northwest et le processus en cinq étapes visant à éliminer cette incertitude technologique. Il s’agit de :

 

      a)   l’observation de l'objet du problème;

      b)   la formulation d'un objectif clair;

      c)   la détermination et la formulation de l'incertitude technologique;

      d)   la formulation d'une hypothèse ou d'hypothèses destinées à réduire ou à éliminer l'incertitude;

      e)   la vérification méthodique et systématique des hypothèses.

 

 

[54]    Selon les appelants, les activités de Coral répondent à ce troisième critère au motif que, selon les témoignages, le personnel du laboratoire de Coral était qualifié, que les hypothèses étaient formulées même si les scientifiques n’étaient pas tous d’accord sur leur validité en précisant qu’une hypothèse inexacte fait avancer la science et finalement qu’il y avait des cahiers de laboratoire. Ils soutiennent qu’il est répondu au critère lorsqu’il y a investigation systématique soit des hypothèses, soit des essais, une expérimentation, une analyse et des conclusions.

 

[55]    Pour sa part, l’intimée rejette cette prétention, vu les dépositions claires de ses témoins experts.

 

[56]    Le Dr Bernard Brodeur est consultant en biotechnologie et professeur retraité de l’Université Laval. À l’époque en cause, il était chef de division des réactifs de diagnostics au laboratoire de lutte contre la maladie au ministère de la Santé à Ottawa. Il a été nommé expert scientifique de constatations et d’opinions concernant les travaux effectués au laboratoire de Coral pour ARMC et ARMC 2.

 

[57]    La mission qu’il a reçue de l’Agence du Revenu en décembre 1987, était d’évaluer la nature, l’étendue et la qualité des activités de recherches rapportées par les laboratoires Coral concernant deux programmes différents, soit la production d’anticorps monoclonaux murin pouvant agir contre des antigènes de bactéries, de virus, de parasites et de certaines protéines humaines et la production d’anticorps monoclonaux humains pouvant agir contre des antigènes de leucocytes humains et du groupe sanguin et ce, afin de créer, dans les deux cas, des trousses de diagnostic pouvant détecter des maladies. Il a donc préparé des rapports d’experts sur les projets d’ARMC et d’ARMC 2.

 

[58]    Dans ses rapports d’expertise, il indique que Coral avait la capacité de cultiver des cellules pouvant produire des anticorps, mais qu’elle ne possédait pas les laboratoires de microbiologie lui permettant de travailler avec des pathogènes humains afin de valider ses résultats; ces agents pathogènes étaient essentiels pour mettre au point les projets de recherche en suivant les infections dans un animal vivant. Cette étape constitue la validation des résultats. Selon le Dr Brodeur, Coral, pour combler cette lacune, avait plutôt utilisé des solutions de rechange moins précises selon lesquelles l’anticorps créé ne pouvait pas toujours reconnaître l’antigène spécifique. Il a indiqué à la Cour, lors de son témoignage, que selon lui, les procédures, protocoles et hypothèses proposés par Coral n’ont pas été vérifiés par des expérimentations ou des analyses qui auraient pu mener à une conclusion logique. Il allègue, à titre d’expert, que la spécificité et l’affinité sont essentielles pour un anticorps parce qu’il doit reconnaître de façon très précise l’antigène visé puisqu’une maladie peut comporter plusieurs groupes d’antigènes, en quantité très restreinte, lesquels peuvent être divisés en plusieurs types différents. Il soutient de plus, que le personnel du laboratoire produisait effectivement des anticorps mais qu’ils n’étaient pas au courant de leurs propriétés parce que nul ne connaissait le type précis d’antigène avec lequel les anticorps produits pouvaient réagir.

 

[59]    Le docteur Brodeur a constaté les anomalies suivantes chez Coral :

 

1.                 absence d’une animalerie pour effectuer les tests d’immunisation;

 

2.                 absence d’expertise en microbiologie;

 

3.                 erreur dans la méthode de dépistage d’antigènes utilisés (« screening »);

 

4.                 les méthodes de purification et de conjugaison (conjugaison de l’anticorps avec une molécule chimique pour faire un anticorps révélateur, essentiel pour établir les tests de diagnostic) correspondaient aux normes;

 

5.                 certaines conjugaisons, même si les résultats de sensibilité sont très faibles, étaient considérées comme réussies par Coral et le projet complété;

 

6.                 aucune preuve d’évaluation clinique sur place;

 

7.                 absence de gestion de projets, car Coral se bornait uniquement à la production d’anticorps en grande quantité, à l’aveuglette, et ne faisait pas de la recherche d’anticorps monoclonaux spécifiques pouvant détecter des maladies concises;

 

8.                 Coral n’a jamais trouvé d’anticorps prêts pour des essais cliniques parce qu’ils manquaient fortement de caractérisations;

 

9.                 lorsque Coral se heurtait à un obstacle dans ses recherches, le projet était abandonné;

 

10.             il n’y avait qu’une seule personne spécialisée dans les anticorps monoclonaux (Bruce Wright) et les autres membres du personnel du laboratoire n’étaient que des assistants. Robert Mason était expert en immunologie.

 

[60]    Le témoin en conclut que Coral ne faisait pas des recherches, mais plutôt une expédition de pêche fondée sur des méthodes routinières et très rapides.

 

[61]    En ce qui concerne les « log books » (cahiers de laboratoire), le Dr Kenneth a affirmé qu’ils ne répondaient pas aux normes de l’industrie et ils n’auraient pas abouti à l’obtention d’un brevet. En fait, la preuve révèle que les cahiers de laboratoire contenaient plutôt des informations sommaires indiquant que certains projets avaient fonctionné ou non. À mon avis, il semble que les activités de Coral sont loin d’avoir un contenu scientifique. La preuve n’indique pas que Coral avait formulé des hypothèses sur la réussite ou non de ces travaux de recherche.

 

[62]    Le Dr Norgard, lors de sa première visite à Cambridge le 19 juillet 1985, avait cependant noté que le laboratoire était adéquat, que le personnel était qualifié, qu’il y avait des activités de recherche en cours et des souris de laboratoire. Il avait cependant noté aussi que les « screening panels » étaient insatisfaisants tout comme le Dr Brodeur. Dans son deuxième rapport, ses conclusions indiquaient plutôt que la grande majorité des projets de Coral n’avaient pas d’utilité scientifique. Il est arrivé à cette conclusion parce que les anticorps obtenus n’étaient pas capables d’identifier un antigène précis d’une espèce précise de pathogènes, mais seulement de poser un diagnostic très sommaire, donc sans utilité pour ce genre de trousse diagnostic. Il a même qualifié cela de gaspillage de ressources.

 

[63]    Je reproduis ci-après les observations dans son rapport quant à la raison d’être de tels projets de recherche :

 

« . . . my opinion is that the overwhelming majority of these really were formulated on the basis of oversights, erroneous hypotheses, I think they use misleading rationales, there was certainly ignorance of relevant diagnostic issues and all the very superficial considerations of the scientific approaches, not to mention the lack of scientific rigor because again many of these projects there was a little activity and they suddenly terminated, there was no good faith effort in really trying to show a genuine attempt to carry them out. I think that the CMRA partners did not do the customary due diligence in selecting these kinds of projects that lacked scientific merit, lacked of diagnostic rationales. And I don’t even think that the Coral activities represented bona fide scientific research. They only wanted to project an image of scientific credibility » [p. 59].

 

 

[64]    Le Dr Norgard a aussi produit une contre-expertise du rapport d’expert des appelants, soit le rapport du Dr Pradip Banerjee. Il reproche à ce rapport de ne pas avoir pris en considération l’utilité, la raison d’être, le besoin et la mise en pratique des anticorps monoclonaux. Il indique de plus qu’il n’est nullement indiqué la composition des chiffres sur lesquels ces experts se sont fondés. Il est d’avis que le développement d’anticorps ne constitue en fait que 10 % des coûts de production d’une trousse diagnostique et il déclare en fin que 1.75 millions de dollars est déraisonnable dans les circonstances.

 

[65]    Le Dr Kenneth, on s’en souvient, avait conclu qu’en ce qui concerne ARMC, il n’y avait pas de RS & DE parce que les procédures, protocoles et hypothèses proposés par Coral n’avaient pas été vérifiés par des expérimentations ou analyses qui auraient mené à une conclusion logique. Il s’est exprimé dans le même sens en ce qui concerne ARMC 2. Les travaux réalisés ne constituaient que la production d’anticorps sans compter que les quantités produites étaient faibles et n’avaient pas d’utilité chimique. Il s’est exprimé brièvement sur les situations suivantes chez ARMC 2 :

 

1.                 en 1986, il y avait déjà une normalisation de protocoles de la production d’anticorps à partir de cellules de souris;

 

2.                 ce n’était pas une bonne idée d’employer des cellules humaines pour produire des anticorps pour des raisons de difficulté technique, en ce sens que l’utilisation des cellules des souris aurait été suffisante;

 

 

3.                 il n’était pas possible à l’époque, de produire les anticorps de chaque catégorie parce qu’il aurait fallu plus de temps;

 

4.                 le contrat avec ARMC 2 n’apportait rien de neuf au point de vue scientifique.

 

[66]    Selon la prépondérance des preuves produites par l’intimée, il m’est impossible de conclure que les activités de Coral avaient un contenu scientifique tant en ce qui concerne le projet d’ARMC que celui d’ARMC 2. Je conclus donc que les travaux de Coral pour ARMC et ARMC 2 ne constituent pas véritablement de la RS & DE.

 

Question # 2A

 

[67]    Puisque l’intimée a admis que ARMC et ARMC 2 exploitaient une entreprise, il faut maintenant se demander s’il y a eu véritablement une dépense engagée au titre des billets à terme signés entre ARMC et ARMC 2 et Coral. À titre subsidiaire, l’intimée fait valoir que ARMC et ARMC 2 n’ont pas présenté leur bénéfice de façon à refléter l’image la plus fidèle de leurs affaires selon les PCGR en vigueur à l’époque.

 

[68]    On se rappellera que selon les modalités de paiement prévues dans le contrat du 16 juillet 1985 entre ARMC et Coral, les honoraires étaient payables en cruzeiros brésiliens à raison de 7 990 867 500 cruzeiros par produit pour un total de 455 479 447 500 pour les 57 produits prévus au contrat, dont 20 % était payable comptant avant le 31 décembre 1985 ‑ cette somme fut payée en devises canadiennes ‑ et 80 % sous forme de billet à terme payable en devises brésiliennes en quatre versements annuels égaux à compter de la 7e année soit en 1992, 1993, 1994 et 1995 au taux de conversion en vigueur au jour de l’émission des unités de participation, soit en 1985, avec des intérêts non‑composés de 11,5 % à l’égard de chacun des quatre versements.

 

[69]    Les modalités de paiement prévues dans le contrat du 25 février 1986 entre ARMC 2 et Coral, c’est‑à‑dire les honoraires payables en cruzeiros brésiliens à raison de 13 157 894 737 cruzeiros par produit pour un total de 1 578 947 368 421 cruzeiros pour les 120 produits auxquels le contrat original réfère et payable de la même façon que le contrat de l’année précédente sauf que le taux d’intérêt était de 11 %.

 

[70]    Il faut aussi souligner que les contrats en question comportaient tous deux une clause d’ajustement selon laquelle les montants payables en devises brésiliennes représentaient l’équivalent de 1 750 000 $ canadiens par projet à la date effective des contrats, le 16 juillet 1985 et le 2 janvier 1986 respectivement. La clause d’ajustement prévoyait aussi que les montants en devises brésiliennes devaient correspondre aussi à 1 750 000 $ canadiens au jour du paiement du 20 % comptant, prévus dans les contrats. La clause excluait cependant tout autre ajustement pour les paiements prévus par les billets à terme. Cette clause protégeait donc Coral de la dépréciation de la devise brésilienne entre la date des contrats et la date du paiement comptant (le 20 %).

 

[71]    À cette époque, il était connu que la devise brésilienne subissait des dévaluations rapides et que l’inflation était en hausse. Cela ressort clairement des témoignages, notamment des experts.

 

[72]    Les exercices financiers respectifs d’ARMC et d’ARMC 2 reflètent donc des paiements comptant à Coral totalisant 14 000 158 $ et 14 654 404 $ faits en devises canadiennes. Ils ont aussi tous deux inscrit dans leurs états financiers respectifs des dépenses de recherche de plus de 70 millions. Les dépenses comprennent les paiements comptants en devises canadiennes de 14 millions, mais aussi le principal des billets à terme en devises brésiliennes converti en devises canadiennes selon le taux de change en vigueur à la date de souscription de chaque billet en 1985 et 1986. De cette façon, ARMC et ARMC 2 ont respectivement inscrit des dépenses de recherche de 70 millions $ canadiens et 73 millions $ canadiens dans leurs états financiers pour 1985 et 1986 respectivement.

 

[73]    La thèse de l’intimée sur la question de savoir si les montants déduits au titre des billets à demande, soit 56 millions de dollars pour ARMC et le 58 millions de dollars pour ARMC 2 est qu’il ne s’agit pas de dépenses effectuées ou engagées, mais plutôt des obligations contingentes dont la réalisation était incertaine et même tout à fait improbable dans les circonstances. Quant aux appelants, leur thèse est que pour qu’une dépense soit déductible, elle se doit d’être engagée dans le but de gagner un revenu d’entreprise ou de bien. Ainsi, dans la mesure où cette dépense a été engagée, elle peut être déduite.

 

[74]    À l’époque des faits pertinents, le sous-alinéa 18(1)a) de la Loi se lisait comme suit :

 

18.(1)   Exceptions d’ordre général

 

Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

 

a) Idem. – un débours ou une dépense sauf dans la mesure où ce débours ou cette dépense a été fait ou engagé par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

 

Il se lit maintenant comme suit :

 

18.(1)   Exceptions d’ordre général

 

Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

 

a) Restriction générale - les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

 

 

[75]    Le verbe « faire » et « effectuer » ont le même sens de sorte que la jurisprudence récente est pertinente à l’ancienne version de cette disposition. Le grand dictionnaire Robert de la langue française indique que :

 

EFFECTUER v. tr.

 

  1.    Mettre à effet, à exécution. Þ Accomplir, tenir.

 

2.      Mener à bien, faire, exécuter (une opération complexe ou délicate, technique, etc.). Þ Accomplir, faire, réaliser.

 

FAIT, FAITE adj. Þ Faire

 

FAIRE v. tr.

 

[…]

 

  2.    Effectuer (une opération, un travail); s’occuper à qqch. Þ Effectuer, exécuter, opérer […]

 

 

[76]    La notion de dépense engagée a été examinée dans plusieurs décisions et il faut retenir que l’obligation de verser une somme d’argent doit être présente pour qu’une dépense soit engagée (voir les décisions La Reine c. Burns, [1894] 2 C.F. 218 (C.A.F.) et Newfoundland Light & Power Co. Ltd. v. The Queen, 90 DTC 5166 (C.A.F.)) et ce, durant l’année de la création de cette obligation. La juge Sharlow de la Cour d’appel fédérale faisait les observations suivantes sur cette question dans l’arrêt Wawang Forest Products Ltd. c. Canada, [2001] A.C.F. no 449 :

 

30    Le juge Desjardins a ajouté, dans des remarques incidentes, que les montants ne pouvaient être admissibles aux fins de l'impôt en l'absence de preuve que les réclamations de tiers avaient été réglées puisque, avant l'obtention de cette preuve, la valeur de l'obligation demeurait aléatoire. Elle s'est également appuyée sur le fait qu'une partie du montant réclamé n'avait pas été acquittée. Avec égards, je ne peux admettre ces commentaires. À mon avis, il peut y avoir une obligation juridique de payer une somme même s'il existe un risque quelconque que s'opère compensation avec d'éventuelles demandes reconventionnelles. De la même manière, le fait qu'une dette demeure impayée ne signifie pas qu'elle n'a jamais existé. Pour ces motifs, je rejette l'argument de la Couronne en l'espèce voulant que le droit contractuel des contribuables d'opérer compensation pour atteinte directe, ou le fait que certaines des retenues demeuraient impayées en 1994, constitue la preuve que les retenues étaient des obligations éventuelles pendant les années visées par l'appel.

 

 

[77]    Sur la question des obligations éventuelles qu’a soulevée l’intimée, les observations suivantes de la juge Sharlow dans l’arrêt Wawang, précité, est instinctif quant à ce critère et son application :

 

11    Pour décider si une obligation est éventuelle, on applique le critère généralement reconnu énoncé dans la désicion Winter and Others (Executors of Sir Arthur Munro Sutherland (deceased)) v. Inland Revenue Commissioners, [1963] A.C. 235 (H.L.), où lord Guest s'est exprimé en ces termes (à la page 262) :

 

[TRADUCTION] Il convient de préciser qu'une éventualité est un événement qui peut se produire ou ne pas se produire et une obligation éventuelle est une obligation dont l'existence dépend d'un événement qui peut se produire ou ne pas se produire.

 

12    De nombreuses décisions en matière fiscale, émanant de notre Cour et d'autres tribunaux, reposent sur la même interprétation du terme "éventualité", notamment Harlequin Enterprises Limited c. La Reine, [1977] 2 C.F. 579, [1974] C.T.C. 838, 74 D.T.C. 6634 (C.A.F.), Mandel c. La Reine, [1979] 1 C.F. 560, [1978] C.T.C. 780, 78 D.T.C. 6518 (C.A.F.), Perini Estate c. Canada, (1982), 40 N.R. 74, [1982] C.T.C. 74, 82 D.T.C. 6080 (C.A.F.), et Canadian Pacific Limited v. Ontario (Minister of Revenue), [1998] 41 O.R. (3d) 606, 114 C.A.O. 217, [2000] C.T.C. 331, 99 D.T.C. 5286 (C.A. Ont.).

 

13    Certaines remarques incidentes faites dans la décision Samuel F. Investments Limited c. M.N.R., [1998] 1 C.T.C. 2181, 88 D.T.C. 1106 (C.C.I.), citée en l'espèce par l'avocat de la Couronne, ont jeté la confusion à l'égard du critère énoncé dans la décision Winter. Dans l'affaire Samuel F. Investments, le juge de la Cour canadienne de l'impôt s'est appuyé sur la décision Winter pour conclure à l'existence d'une certaine obligation éventuelle. À mon avis, il est arrivé à la conclusion appropriée selon les faits. Toutefois, dans les motifs de sa décision il s'est exprimé comme suit :

 

Si je comprends bien, l'obligation de payer est éventuelle si ses modalités d'être comprennent des incertitudes à l'égard d'un de ces trois points : 1) savoir si le paiement sera effectué; 2) le montant à payer; ou 3) le moment où sera effectué le paiement.

 

14    Ce n'est pas une erreur de dire que ces trois incertitudes peuvent représenter des indices d'obligations éventuelles dans certaines circonstances. Toutefois, la Couronne soutient en l'espèce que la présence de ces trois incertitudes constitue le nouveau critère qui permet de décider si une obligation est éventuelle. Pour étayer sa position, l'avocat de la Couronne cite la décision Barbican Properties Inc. c. Canada, [1996] 2 C.T.C. 2615, 97 D.T.C. 122 (C.C.I.), confirmé par [1997] 1 C.T.C. 2383, 97 D.T.C. 5008 (C.A.F.). À mon avis, cette affaire n'offre aucun appui à la thèse de la Couronne. Dans l'affaire Barbican, le juge de la Cour canadienne de l'impôt a effectivement repris les trois incertitudes énumérées dans Samuel F. Investments, mais seulement après avoir déjà conclu que l'obligation en question était éventuelle puisque son existence était subordonnée à la survenance d'un événement éventuel. En d'autres termes, les obligations dans l'affaire Barbican étaient éventuelles selon la définition énoncée dans la décision Winter, et elles réunissaient les trois incertitudes précisées dans la décision Samuel F. Investments. Notre Cour a souscrit aux motifs du juge. Toutefois, il m'est impossible d'admettre que le juge de la Cour canadienne de l'impôt ou que notre Cour aient eu l'intention de remplacer le critère énoncé dans la décision Winter par un autre qui trouverait son fondement dans la décision Samuel F. Investments.

 

15    Les « trois incertitudes » énumérées dans Samuel F. Investments ne permettent pas à elles seules d'établir si une obligation est éventuelle. Par exemple, dans le cas d'une incertitude se rapportant à un paiement, un contribuable peut contracter une obligation alors qu'il éprouve des difficultés financières, ce qui implique un risque important de défaut de paiement. Toutefois, cette incertitude ne peut signifier que l'obligation n'a jamais été contractée. De même, l'obligation de payer une certaine somme ne devient pas une obligation éventuelle simplement à cause d'événements qui peuvent se produire et qui auraient pour effet de réduire la valeur de l'obligation (voir, par exemple, la décision Canadian Pacific, précitée). L'obligation juridique de payer une somme ne devient pas non plus une obligation éventuelle du seul fait que certaines circonstances permettent d'en reporter le paiement, ou du fait qu'aucune date de paiement ne soit stipulée. Les parties ont le loisir d'invoquer le principe ordinaire de droit contractuel selon lequel le paiement de services doit être effectué dans un délai raisonnable.

 

16    Pour revenir maintenant au critère énoncé dans la décision Winter, la question qu'il faut se poser, pour décider du caractère éventuel ou non d'une obligation juridique à un moment précis, est de savoir si l'obligation juridique existe à ce moment précis ou si elle ne naîtra qu'au moment où surviendra un événement, qui pourrait ne pas se produire. Par exemple, la décision Winter établit que lorsque le produit de la vente d'un actif est imposable, l'obligation de payer l'impôt est une obligation éventuelle tant que l'actif n'est pas vendu. L'obligation de payer un montant équivalent à un pourcentage des revenus gagnés est une obligation éventuelle tant que les revenus ne sont pas gagnés (Mandel, précité). L'obligation de payer une gratification aux cadres si les fonds sont disponibles est une obligation éventuelle tant que les fonds ne sont pas disponibles (La Reine c. Ken and Ray's Collins Bay Supermarket, [1975] C.T.C. 504, 75 D.T.C. 5346 (C.F. 1re inst.), décision confirmée sans motifs écrits (C.A.F.), demande de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée : [1978] 1 R.C.S. ix).

 

 

[78]    Voici donc la bonne question qu’il faut se poser en l’espèce pour décider si une obligation est éventuelle : l’obligation juridique de payer les billets, existait‑t‑elle au moment précis de la signature de ceux-ci, ou ne naîtrait-elle qu’en cas de la réalisation d’un évènement incertain? L’intimée soutient qu’il est répondu au critère parce que les appelants savaient, lors de la négociation des contrats de recherche, que la monnaie brésilienne allait se déprécier et que les billets ne vaudraient rien une fois qu’ils allaient devenir payables.

 

[79]    À l’appui de cette prétention, l’intimée se réfère à l’arrêt Global Communications Ltd. v. Canada, [1999] A.C.F. no 966 rendu par la Cour d’appel fédérale où il fut question de ces obligations éventuelles, enseignant qu’une dépense qui pourrait ne jamais être subie ne pouvait pas être déduite. Dans cet arrêt, la Cour a conclu que les billets constituaient des dettes éventuelles puisque leur paiement devenait exigibles seulement si des revenus de permis étaient réalisés, ce qui constituait un évènement incertain.

 

[80]    Dans l’arrêt McLarty v. Canada, [2006] F.C.J. No. 656, la Cour d’appel fédérale a été saisie à nouveau de cette question et s’est prononcée en sens contraire lorsqu’elle a considéré le paiement de billets qui faisaient l’objet d’une obligation éventuelle. Je cite les passages pertinents de cet arrêt :

 

31. La question de savoir si une dépense a été engagée ou si l'obligation est simplement une dette éventuelle est une question mixte de fait et de droit. Par conséquent, la norme de contrôle applicable est l'erreur manifeste et dominante. General Motors du Canada Ltée c. La Reine, 2004 CAF 370, paragraphe 14.

 

32. Si le billet avait uniquement exigé le remboursement à condition que des recettes soient tirées de l'octroi de licences à l'égard des données ou du programme de forage, le billet aurait peut-être bien pu créer une dette éventuelle. Toutefois, l'article 7 du billet prévoyait ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

7. Si la dette créée par les présentes à l'égard du principal ou des intérêts demeure en totalité ou en partie impayée le 31 décembre 1999, la détentrice du billet désignera un fiduciaire indépendant pour vendre au comptant seulement :

 

a.             les actifs techniques; et

b.            une partie indivise correspondant à 20 p. 100 de l'intérêt participatif du soussigné dans les droits relatifs aux hydrocarbures acquis par la coentreprise dans le cadre du programme de forage.

 

Le produit de la vente sera réparti comme suit :

 

a.             actifs techniques;

i.         60 p. 100 du produit (déduction faite des commissions, le cas échéant) reviendra à la détentrice du billet à appliquer en réduction des montants dus par le soussigné aux termes du présent billet;

ii.       40 p. 100 du produit (déduction faite des commissions, le cas échéant) reviendra au soussigné;

 

b.            une partie indivise correspondant à 20 p. 100 de l'intérêt participatif du soussigné dans les droits relatifs aux hydrocarbures acquis par la coentreprise dans le cadre du programme de forage :

 

la totalité du produit reviendra à la détentrice du billet à appliquer en réduction des montants dus par le soussigné aux termes du présent billet, le produit étant imputé en premier lieu aux intérêts et le reste au principal.

 

Toute solde dû par le soussigné sur le présent billet après la répartition du produit de la vente conformément aux conditions susmentionnées fera l'objet d'une renonciation de la part de la détentrice du billet et le soussigné n'aura pas d'autre obligation aux termes du présent billet.

 

33. De fait, l'analyse de la nature éventuelle de l'obligation de l'intimé que la CCI a effectuée dépendait de cet aspect final du billet. De l'avis de la juge de la CCI, le billet donnait naissance à une dette éventuelle s'il n'était pas certain que les données puissent être vendues. Elle a dit au paragraphe 49 :

 

En fin de compte, pour savoir si le billet de l'appelant donne naissance à une dette éventuelle, il faut examiner les faits y afférents. Le marché continu pour les données sismiques de qualité et la rareté relative d'une telle qualité (en particulier au moment où les données de l'entreprise ont été achetées) m'amènent à conclure que les données de l'entreprise pouvaient être vendues. Je conclus qu'au moment où l'appelant a acheté son intérêt dans les données de l'entreprise, il n'y avait pas de dette éventuelle parce que les données de l'entreprise devaient être et pouvaient être vendues en cas de défaut.

 

34. Je ne sais pas trop s'il fallait se demander si les données pouvaient être vendues. Il me semble qu'il soit possible de savoir si le billet donnait naissance à une dette éventuelle simplement en le lisant.

 

35. Dans l'arrêt Wawang, aux paragraphes 13, 15 et 16, la Cour a dit ce qui suit au sujet de la nature d'une obligation éventuelle :

 

para 13. Certaines remarques incidentes faites dans la décision Samuel F. Investments Limited c. M.N.R., [1998] 1 C.T.C. 2181, 88 D.T.C. 1106 (C.C.I.), [...] ont jeté la confusion à l'égard du critère énoncé dans la décision Winter. Dans l'affaire Samuel F. Investments, le juge de la Cour canadienne de l'impôt s'est appuyé sur la décision Winter pour conclure à l'existence d'une certaine obligation éventuelle. À mon avis, il est arrivé à la conclusion appropriée selon les faits. Toutefois, dans les motifs de sa décision il s'est exprimé comme suit :

 

Si je comprends bien, l'obligation de payer est éventuelle si ses modalités d'être comprennent des incertitudes à l'égard d'un de ces trois points : 1) savoir si le paiement sera effectué; 2) le montant à payer; ou 3) le moment où sera effectué le paiement.

 

para 15. Les "trois incertitudes" énumérées dans Samuel F. Investments ne permettent pas à elles seules d'établir si une obligation est éventuelle. Par exemple, dans le cas d'une incertitude se rapportant à un paiement, un contribuable peut contracter une obligation alors qu'il éprouve des difficultés financières, ce qui implique un risque important de défaut de paiement. Toutefois, cette incertitude ne peut signifier que l'obligation n'a jamais été contractée. De même, l'obligation de payer une certaine somme ne devient pas une obligation éventuelle simplement à cause d'événements qui peuvent se produire et qui auraient pour effet de réduire la valeur de l'obligation (voir, par exemple, la décision Canadian Pacific, précitée). L'obligation juridique de payer une somme ne devient pas non plus une obligation éventuelle du seul fait que certaines circonstances permettent d'en reporter le paiement, ou du fait qu'aucune date de paiement ne soit stipulée. Les parties ont le loisir d'invoquer le principe ordinaire de droit contractuel selon lequel le paiement de services doit être effectué dans un délai raisonnable.

 

para 16. Pour revenir maintenant au critère énoncé dans la décision Winter, la question qu'il faut se poser, pour décider du caractère éventuel ou non d'une obligation juridique à un moment précis, est de savoir si l'obligation juridique existe à ce moment précis ou si elle ne naîtra qu'au moment où surviendra un événement, qui pourrait ne pas se produire. [...]

 

36. En l'espèce, la simple lecture du billet révèle que la dette de l'intimé n'était pas éventuelle. L'obligation juridique de l'intimé a plutôt pris naissance lorsqu'il a signé le billet.

 

37. Les conditions mêmes du billet révèlent que la dette de l'intimé ne dépendait pas d'une éventualité. Le billet stipulait que l'intimé était tenu de payer le détenteur du billet si des recettes étaient tirées de l'octroi de licences à l'égard des données ou du programme de forage. Même en l'absence de recettes, l'intimé n'était pas libre de toute obligation juridique. Selon le billet, si la dette n'était toujours pas remboursée au 31 décembre 1999, le détenteur du billet pouvait charger un fiduciaire indépendant de vendre les données et une partie de l'intérêt de l'intimé dans les droits relatifs au pétrole acquis par la coentreprise. En d'autres termes, indépendamment de la question de savoir si les données ou le programme de forage généraient des recettes, l'intimé était tenu de céder le bien au profit du détenteur du billet.

 

38. Ma conclusion, à savoir que l'article 7 du billet entraîne une obligation absolue, est étayée par la décision Frederick W. Hill c. La Reine, 2002 DTC 1749 (C.C.I.). Dans cette décision, la CCI s'est demandé si les frais d'intérêt à l'égard d'une hypothèque avec recours limité était des dettes éventuelles. Même si le créancier hypothécaire ne pouvait pas invoquer de défaut de la part du débiteur hypothécaire en vertu de l'hypothèque, la CCI a conclu qu'il n'existait aucune éventualité. Somme toute, le créancier hypothécaire pouvait toujours prendre possession du bien-fonds ou le vendre.

 

39. L’appelante s'oppose à ce genre de raisonnement en signalant l'arrêt Global Communications. Il est vrai qu'il semble que la structure du billet dans cette affaire soit semblable à celle du billet en l'espèce. Le billet, dans l'affaire Global Communications, obligeait le contribuable à payer le détenteur du billet, dans la mesure et au moment où il recevait un pourcentage des revenus nets provenant de la vente des données sismiques du contribuable ou de l'octroi de permis à leur égard ainsi qu'un pourcentage des revenus pétroliers et gaziers nets. Il n'y avait d'autres recours, selon le billet dans l'affaire Global Communications, que la liquidation des données sismiques et de toute concession pétrolière ou gazière détenue à l'échéance du billet. Malheureusement, il semble que dans l'arrêt Global Communications, la Cour n'ait pas tenu compte de cet aspect final du billet en décidant qu'il représentait une dette éventuelle. Par conséquent, cet arrêt ne nous aide pas particulièrement dans ce cas-ci.

 

40. En conclusion, le tribunal d'instance inférieure est arrivé au bon résultat lorsqu'il a assimilé le billet à une dépense engagée.

 

 

[81]    Ce qui ressort en fait de ces observations est que, lorsque des paiements sont subordonnés à des revenus, s'il est prévu que les obligations seront satisfaites par un autre moyen, cela ne fait pas du paiement un évènement incertain.

 

[82]    Y a-t-il, en l'espèce, des obligations éventuelles sur le paiement des billets à terme par ARMC et ARMC 2 à Coral? Le paiement est-il subordonné à la réalisation d’un évènement incertain?

 

[83]    Chaque partie a donc appelé des experts à témoigner. L'appelant a produit monsieur John Williamson, un économiste qui possède beaucoup d'expérience dans les questions monétaires internationales. Dans son rapport, il avait pour mission de se prononcer sur la question de savoir si, en 1985 et 1986, le cruzeiro brésilien avait des chances de subir une inflation rapide. Il a abordé plusieurs questions dans son rapport, dont le profil historique de la monnaie brésilienne après la seconde guerre mondiale. Il soutient que, depuis la fin des années 50, le Brésil faisait constamment face à des vagues d'inflation et de dévaluation monétaire. Il passe en revue les trois écoles de pensée qui visaient à régler le problème de l'inflation au Brésil, ainsi que les différentes mesures prises par le gouvernement brésilien durant les années 1980. Il arrive à la conclusion qu'il était impossible de prévoir en 1985 et 1986 que le Brésil n'allait pas pouvoir échapper à une inflation très élevée. Selon lui, il n'était pas possible à ce moment de prévoir le phénomène d'hyperinflation, puisque cela dépendait du système politique du pays et des programmes de stabilisation. Il lui était donc impossible de prévoir que 7 à 10 ans plus tard, la devise brésilienne serait fortement dépréciée par rapport à la devise canadienne. Je dois signaler que les raisons qui ont poussé le témoin à faire cette affirmation n'ont pas été explicites, encore qu’il a évoqué différents plans de relance mis en place.

 

[84]    Il a aussi produit une contre‑expertise à l'égard des rapports préparés par les témoins experts de l'intimée, Dr William Cline et le Dr James W. Hoag. Le Dr Cline possède un doctorat en économie. Il a enseigné au Brésil et a travaillé pour le Ministère de la planification du Brésil. Il a publié plusieurs articles sur l'économie de l'Amérique Latine entre 1981 et 1989 et en a écrit plusieurs sur l'économie brésilienne. Il a préparé un rapport d'expertise pour ARMC et un autre pour ARMC 2 de même qu'une contre‑expertise visant à réfuter le rapport de monsieur Williamson et un commentaire à cette effet daté du 22 mars 2006.

 

[85]    Le Dr Cline a témoigné sur la juste valeur marchande des billets en 1985 pour ARMC et en 1986 pour ARMC 2. Pour répondre à cette question, il devait évaluer le taux d'inflation prévu au Brésil pour les 10 années suivant l'émission de ces billets. Selon lui, les milieux financiers prévoyaient clairement que la devise brésilienne se déprécierait de façon marquée et constante comparativement à la devise canadienne. Il s'est appuyé sur les données historiques du Brésil de 1959 à 1985 et a affirmé qu'il existait des signes de danger quant au succès du plan de relance du Brésil. Selon le Dr Cline, à moins d'être compensée par des taux d'intérêts élevés sur les billets, ce qui n'était pas le cas, cette dépréciation prévue de la devise brésilienne entraînait forcément une juste valeur marchande fort réduite des billets comparativement à leur valeur nominale.

 

[86]    La conclusion du témoin sur la véritable valeur des billets dans ARMC est la suivante : « My assessment is that the fair market value of those notes when they were signed was less than one tenth of one cent on the dollar ». Il fonde cette conclusion sur le fait qu'il fallait considérer les variations du taux de change brésilien par rapport au taux de change canadien au long des années. À ce sujet, il affirmait :

 

« The central premise of my study is that, to anticipate what the future exchange rate would be between the Brazilian currency and the Canadian currency, it was necessary to take account of a differential inflation. And that because Brazilian inflation was expected to be much higher than Canadian inflation, it was necessary, for a period stretching ten years, to systematically strip out the loss of value that would occur for the Canadians year after year because of higher inflation in Brazil than in Canada. The premise of this in fact is so formal that it's called, in Economics the Purchasing Power Parody Theorem. And this theorem holds precisely that you can expect one currency to depreciate relative to another currency at a rate that equals the difference between inflation in the first country and the inflation in the second country »

 

 

[87]    Dans le cas d'ARMC 2, en ce qui concerne la valeur des billets au moment de leur signature était : « My estimate is that at the time they were signed, in aggregate, these notes were worth seven point seven cents on the dollar. » Son raisonnement était le même argument que pour ARMC, à cette différence que le taux d'inflation était passé de 250 % à 50 % pour ARMC 2. Dans les deux cas, le témoin soutient que les billets à terme ne constituaient pas une pratique commerciale courante. Cela est dû à l’absence d’un système d'indexation des billets pour contrer l'inflation. Le témoin soutient que le fait de ne pas indexer était contraire à la pratique commerciale de l'époque parce que nul ne voulait courir le risque de voir s’évaporer ses projets en raison de l'inflation. Le taux d'intérêt stipulé dans les billets ne reflétait pas la réalité du marché financier brésilien parce que, selon les statistiques le taux d'intérêt brésilien de l'époque était excessivement élevé.

 

[88]    Le Dr James Hoag a été qualifié d'expert en économie financière. Il a été professeur de finance et d'économie dans plusieurs universités américaines. Il a enseigné au Brésil en 1983 au niveau du doctorat. Parmi ses nombreuses et considérables expériences de travail en finance, il faut souligner qu'il a conseillé la bourse brésilienne, celle de Rio de Janeiro.

 

[89]    Sa mission était d'analyser l'aspect financier d'ARMC et d'ARMC 2 et plus précisément, la valeur des billets au jour de leur signature. Il a conclu dans ses rapports que la valeur des billets à leur émission était égale à 0 $. Il a aussi préparé une contre‑expertise à l'égard du rapport de monsieur Williamson intitulé « The reasonableness of a decision to incur a long-term liability in Brazilian cruzeiros in 1985‑1986. »

 

[90]    Les faits pertinents dont a fait état le Dr Hoag étaient le manque de stipulations contractuelles d'indexation monétaire pour compenser la dévaluation de la devise brésilienne, les taux d'intérêts et la devise des billets (ARMC cruzeiros à 11.5 % et ARMC 2 cruzados à 11 %) et le fait que les intérêts n'était pas des intérêts composés, ce qui avait pour résultat de réduire la valeur des billets dans les mains du détenteur.

 

[91]    Le témoin a passé en revue et utilisé une des méthodes qui sont ordinairement employées dans divers types de prêts financiers. Entre ces méthodes, le témoin affirme que toutes ces méthodes devaient aboutir à des résultats sensiblement semblables. De plus, le témoin soutient que les pratiques commerciales au Brésil ont été adaptées à l'inflation ; les agents financiers ont développé plusieurs pratiques pour contrer les effets de l'inflation. Voici ces pratiques :

 

·                    Pour les transactions à court terme (celles qui ont moins de trois mois), la méthode la plus simple était de deviner ce que sera l'inflation au jour de la signature des obligations contractuelles et de s'ajuster en conséquence;

 

·                    Dans la plupart des transactions internationales, on utilisait directement une monnaie étrangère stable pour stipuler leurs obligations contractuelles, comme le dollar américain;

 

·                    Dans le cas des intérêts bancaires, les banques ajoutaient un certain pourcentage au taux de change (par exemple le taux de change avec le dollar américain) en vigueur durant le mois pour prendre en compte l'intérêt gagné;

 

·                    Pour le prix de certains produits et services spécifiques, le gouvernement brésilien avait mis en place depuis 1950 des tableaux d'indexation de prix;

 

·                    Pour ce qui est des billets, le témoin affirme qu'ils sont TOUJOURS indexés au Brésil. Ils étaient indexés en fonction du taux de change de telle ou telle monnaie étrangère ou d’un certain indice officiel du prix, selon le secteur pertinent aux notes promissoires.

 

[92]    Le témoin affirme qu'au Brésil, les transactions de trois mois sont considérés comme à court terme, celles qui se situent entre trois et six mois sont à moyen terme et celle qui dépassent six mois sont à long terme. Pour les transactions à long terme, le témoin affirme que les obligations monétaires qui y sont stipulées comportent normalement des mécanismes de correction où d'indexation monétaire par référence à une monnaie étrangère.

 

[93]    En ce qui concerne les taux d'intérêts, le taux du gouvernement brésilien à la fin de 1985 était de 250 % pour les dépôts de trois mois ou moins, ce qui est comparable au 7 à 9 % en Amérique du Nord. Après l'introduction du plan Cruzado en 1986, les taux d'intérêts gouvernementaux ont chuté de 300 % à 25 %, mais ils ont remonté à 110 % en janvier de l'année suivante. Sur le marché, les taux d'intérêts des prêteurs à court terme étaient de 25 % à 30 % au‑dessus du taux fixé par le gouvernement. Le témoin a constaté que au Brésil, de 1985 à janvier 1987, il n'y avait pas des prêts à court ou long terme qui portaient un taux d'intérêt inférieur à 50 %. En 1985, les taux d'intérêt du marché variaient entre 250 % et 275 % pour les prêts à court terme, et pour ceux de 1986, ils variaient entre 55 % et 60 %. Le témoin ajoute qu'il n'avait pas vu de prêts pour 10 ans à cette époque. Un prêt de 10 ans n'était pas une pratique commerciale courante, surtout lorsque le prêt ne comporte pas une formule d’indexation pour contrer l'inflation. Il s’est appuyé sur les raisons suivantes :

 

1.       L'inflation a donné lieu à une perte continuelle de valeur;

 

2.       L'inflation a grugé les intérêts que le prêteur prévoyait de gagner;

 

3.       L'indexation était une protection contre l'inflation.

 

[94]    En parlant de l'indexation des taux d'intérêts, le témoin soutient ce qui suit :

 

« The Brazilians, those clever people, developed a mechanism in all their financial contracts to hedge against inflation. It was a free hedge, everyone wrote it into their contracts. The one that didn't is the one that lost in that transaction. »

 

 

[95]    De tous les contrats brésiliens que le témoin a étudié dans le cadre de ses observations à travers les années, les contrats de recherche d'ARMC et d'ARMC 2, étaient les seuls qui ne comptaient pas de clause d'indexation monétaire.

 

[96]    Le témoin Hoag est celui qui m'a paru le plus crédible, le plus pertinent et impartial lors de son témoignage. Avec les données recueillies sur la question de la dépréciation de la devise brésilienne, il est difficile de croire que les appelants ne pouvaient savoir en 1985 et 1986 que cette monnaie allaient déprécier au point où 7 à 10 ans plus tard, il ne leur en coûterait rien pour rembourser leurs billets. Il était facile, à mon avis, de prévoir que l'hyperinflation se poursuivrait comme la dépréciation de la monnaie brésilienne.

 

[97]    Il faut toutefois se demander si le fait qu'il soit facile de prévoir dès 1985 et 1986 que la devise brésilienne serait dépréciée 7 à 10 ans plus tard fait en sorte qu'elle rend l'obligation de rembourser les billets un  événement dont la réalisation était incertaine. À mon avis, la nature de l'obligation était de payer un montant d'argent en devise brésilienne dès 1992. Le montant d’argent, quel qu'il soit, devait être payé et cela n'était pas incertain. Ce qui était incertain était plutôt le montant que les appelants auraient à débourser à l’échéance et non pas l'obligation comme telle de sorte que les obligations ne constituaient pas des obligations éventuelles.

 

[98]    L'intimée soutient subsidiairement que les sociétés ARMC et ARMC 2 n'ont pas présenté leur bénéfice de façon à refléter l'image la plus fidèle de leurs affaires, selon les PCGR en vigueur à cette époque.

 

[99]    Monsieur Doug Cameron travaillait comme comptable pour la firme Clarkson Gordon dans les années 1980. Il était chargé de vérifier les états financiers d'ARMC au 31 décembre 1985. Son cabinet avait cependant refusé la mission d’œuvrer sur les dossiers fiscaux d'ARMC. En fait, son cabinet avait exprimé l'opinion qu’elle ne recommandait pas à ses clients d'investir dans ARMC à moins d'être prête à faire face aux cotisations de Revenu Canada (pièce R‑40, onglet I‑33).

 

[100]  Le document de l'onglet I‑50 de la pièce R‑40 contient les états financiers d'ARMC vérifiés au 31 décembre 1985 et on y retrouve la dépense de 70 millions de dollars canadiens inscrite à titre de frais de recherche scientifique, soit les 14 millions payés immédiatement et les 56 millions canadiens payables sous forme de billets en cruzeiros brésiliens. Le taux de change employé pour calculer les 56 millions en dollars canadiens était celui en vigueur au 31 décembre 1985.

 

[101]  En 1986, ARMC 2 a de nouveau fait appel à Clarkson Gordon afin d'obtenir une opinion comptable sur la vente des participations dans ARMC 2. C'est à ce moment, selon le témoin, que son cabinet s'est rendu compte que le taux d'intérêt de 11 % était nettement insuffisant puisque les obligations étaient payables en devises brésiliennes. Il avait donc surévalué la valeur des frais de recherche et la valeur des billets dans les états financiers qu'elle avait préparés. Il s'est exprimé en ces termes :

 

« In particular, we were concerned that the notes payable denominated in cruzeiros bore an interest rate of approximately 11 %, as I recall. However, we became aware very shortly after issuing this report that the normal rate of interest that one would incur in order to ... upon a cruzeiros – denominated obligation, would be many multiple of 11 %.

 

The consequence of that was that we felt that the value of the notes was overstated in these financial statements, the value of the notes and the research expense was overstated in these financial statements by a significant amount. »

 

 

[102]  La lettre du 27 février 1986 (onglet I‑246 de R‑40) exprime d'ailleurs cette inquiétude et nous apprend que le cabinet Clarkson Gordon venait d'apprendre que, en ce qui concerne le taux d'intérêt pour un prêt de trois mois au Brésil, la norme était déjà de 225 %. Il était donc très préoccupé par le fait que les états financiers d'ARMC et ARMC 2 ne répondaient pas aux PCGR. D'ailleurs Clarkson Gordon a obtenu une opinion de la firme comptable Peat Marwick selon laquelle les états financiers étaient incorrects et que la valeur des billets devait être révisée à la baisse pour tenir compte de son taux d'intérêt insuffisant. Le témoin Cameron a, par la suite, écrit dans une correspondance (onglet I‑294 de R‑40) que les frais de recherche que son cabinet avait pris en compte en dollars canadiens dans les états financiers de 1985 ne reflétaient pas avec justesse la véritable valeur de la transaction. Le 14 mars 1986, Clarkson Gordon retirait les états financiers d'ARMC au 31 décembre 1985.

 

[103]  Il s'en est donc suivi au procès ce que je qualifierais de guerre entre deux experts en comptabilité sur les PCGR applicables à l'époque aux états financiers d'ARMC et d'ARMC 2, lors du procès.

 

[104]  Monsieur Denis Hérard a témoigné à ce titre pour les appelants. Il est comptable depuis 23 ans et il fut qualifié à titre d’expert en vérification. Sa mission était en fait de présenter une contre‑expertise à l'égard de l'opinion comptable émise par monsieur Allan Wiener, expert de l'intimée. Les deux questions qu'il a examinées étaient les suivantes : « À quel montant — donc sur quelle base d'évaluation — les dépenses de recherche et de développement doivent être inscrites dans les états financiers d'ARMC et d'ARMC 2 et comment doit-on comptabiliser la conversation en dollars canadiens les billets en question ainsi que des effets à recevoir libellés en devise brésilienne? »

 

[105]  Selon monsieur Hérard, à l'époque, les PCGR prônaient l'utilisation du coût d'origine et non la comptabilisation à la valeur actuelle de ces dépenses de RS & DE en ce sens qu'il ne fallait tenir compte d'aucun escompte. Le coût d'origine était défini comme le montant déboursé à la date de la signature du contrat. ARMC et ARMC 2 selon lui avaient donc uniquement l'obligation d'utiliser le coût d'origine comme mesure de frais de RS & DE. Monsieur Hérard n'a cependant pas tenté de déterminer le coût d'origine des billets. Il s'est contenté d'utiliser les montants figurant dans les états financiers vérifiés d'ARMC et d'ARMC 2. Il était d'avis que les montants en question étaient payables ou qu'ils devaient l'être à la signature des contrats.

 

[106]  Au sujet de la comptabilisation de la conversion des billets en dollars canadiens, il a indiqué que, lorsqu’il est question d'une économie hautement inflationniste, les PCGR suggèrent de suivre la méthode temporelle, selon laquelle la base de mesure des billets est faite en utilisant le dollar canadien et la conversion en dollars canadiens doit être faite au taux de change en vigueur à la date de chaque clôture des états financiers. Il continue en disant que c'est uniquement lorsqu'on a des établissements étrangers autonomes qu'il est recommandé d'utiliser la méthode du taux courant, ce qui n'était pas le cas avec ARMC et ARMC 2. Il conclut ainsi :

 

« ... dans le cas qui nous concerne, le gain qui résultant de la conversion en dollars canadiens en 1985 et 1986 du billet à payer en devise brésilienne devait être amorti sur une période de 7 à 10 ans, soit la durée de vie du billet. En contrepartie, la perte résultant de la conversion en dollars canadiens en 1985 et en 1986 de l'effet à recevoir en devise brésilienne devait être amorti sur une période de 7 à 10 ans, soit la durée de vie de l'effet à recevoir. Étant donné que le billet à payer était exactement du même montant que l'effet à recevoir, le gain résultant de la conversion du billait [sic] égalait exactement la perte résultant de la conversion de l'effet à recevoir. De ce fait, il n'en résultait aucun gain ni aucune perte sur conversion de devises à amortir. Et c'est exactement ce qui a été fait dans les états financiers de ARMC et ARMC-2 » [p. 220-pp.537].

 

 

[107]  Il conclut que les états financiers d'ARMC et d'ARMC 2 au 31 décembre 1985 et au 31 décembre 1986 ont donc été dressés selon les PCGR de l'époque.

 

[108]  En contre-interrogatoire, il a affirmé ne pas avoir eu connaissance que les états vérifiés dont il s'était servi pour préparer son rapport avaient été retirés par Clarkson Gordon. Il a tenu pour acquis que les dépenses de RS & DE inscrites sur les états financiers avaient été établies au coût d'origine sans faire aucune autre vérification. Selon lui, elles reflétaient le coût d'origine parce que les états financiers énonçaient qu'ils avaient respecté les PCGR canadiens et qu'il n'y avait aucune note qui démontrait que d'autres principes d'évaluation avaient été adoptés. Le témoin ne s'est également pas demandé si les billets en question respectaient les pratiques commerciales normales.

 

[109]  Pour sa part, l'intimée a appelé à témoigner monsieur Allan Wiener. Ce dernier pratique la comptabilité depuis 1966 et est membre des ordres de comptables agréés du Canada, du Québec et de l'Ontario. Il a supervisé la publication de plusieurs articles en comptabilité. Il lui a été demandé de se prononcer sur les PCGR pertinents quant aux frais de RS & DE qu'on avait pris en compte dans les états financiers d'ARMC et d'ARMC 2 durant les années 1985 et 1986. Il précise que les frais de recherche doivent être déterminés en fonction de leur coût d’origine, coût qui doit être déterminé selon les PCGR et cela doit être fait en fonction de la contrepartie payée par ARMC et ARMC 2 à Coral, puisqu'elle est constituée de paiements différés, soit sept à dix ans plus tard, en devise brésilienne ayant un taux d’intérêt non composé de 11 % et de 11.5 %.

 

[110]  Le témoin signale que les PCGR qu'il a suivis dans son rapport sont ceux qui étaient en vigueur en 1985 et 1986. Étant donné que le manuel de l’ICCA était muet sur la façon d’inscrire des transactions de paiement différé, le témoin a consulté certaines publications, notamment celle d’un auteur américain Ross M. Skinner « Accounting Principles. A Canadian Viewpoint »; 1972, p. 48, dont voilà l'extrait pertinent :

 

« In transactions where payment is not called for within a short period of time after performance it is clear that fair measurement of the amount of the transaction requires that the payments provided for under the contract be discounted, unless a reasonable rate of interest is provided for in the contract (emphasis added by author).

 

Thus, while this concept of discounting delayed payment transactions is obviously economically sound, it has complications in practice. Since most business transactions do not involve abnormal payment delays there may be a tendency in practice to ignore the discount factor implicit in the occasional transactions involving delayed payments.

 

The error in this has recently been recognized in APB Opinion No. 21, entitled « Interest on Receivables and Payables ».

 

In Canada, there has been no equivalent official recommendation. In its absence, occasional examples may be encountered of delayed payment amounts being recorded of face value rather than fair value. The practice, however, should no longer be regarded as generally accepted

 

 

[111]  Selon le témoin, ces observations valent pour les PCGR au Canada, même s'il s'agit d'une publication américaine.

 

[112]  Le témoin a donc poursuivi son exposé en réitérant que, pour déterminer le coût des frais de RS & DE, il faut examiner la contrepartie payée à cet égard en fonction du taux d'intérêt. Plus précisément, il s’agit de savoir si les taux d'intérêt stipulés dans les billets en question constituaient un taux raisonnable compte tenu des circonstances. Pour déterminer cela, il dit qu'il faut d'abord examiner la compensation payée à Coral pour l'usage de son argent ou en d'autres mots, il veut analyser ce qui constitue une compensation juste et adéquate.

 

[113]  Pour ce faire, le témoin utilise le rapport du Dr Cline qui avait témoigné que le taux d'intérêt des prêts à court terme était passé de 200 % à 355% entre décembre 1985 et janvier 1986. Cependant, selon lui, le taux d'intérêt de 175 % est plus conservateur et reflète plus fidèlement ce qui constitue une compensation juste et adéquate pour les billets émis par ARMC. Il a retenu le taux de 160 % pour ARMC 2.

 

[114]  Les pièces R‑46 et R‑47 font une comparaison entre l'utilisation du taux d'intérêt composé de 175 % par rapport au taux d'intérêt non‑composé de 11,5 %. Les deux tableaux démontrent qu'en adoptant un taux d'intérêt composé de 175 %, les billets promissoires atteignent leur véritable valeur théorique lors de leur arrivée à terme.

 

[115]  Le témoin est donc d'avis que les états financiers d'ARMC au 31 décembre 1985 n’auraient dû faire état au titre des frais de recherche globale, que de 14 034 157 $ canadiens environ, et non pas de 70 000 000 $ canadiens. Le montant de 14 034 157 $ provient des 20 % de frais de recherche que les associés d'ARMC ont payé comptant en 1985 et l'autre partie provient de la valeur des billets à terme, soit 34 062 $, selon l'évaluation du témoin selon un taux d’escompte de 175 %.

 

[116]  Un calcul similaire a été fait pour les états financiers d'ARMC 2. Ses états financiers auraient dû faire était de 14 707 926 CA à titre de frais de recherche globale, soit 14 654 404 $ canadiens qui constitue le 20 % et le solde, soit 53 522 $ qui représente la valeur des billets à terme si on applique le taux d’escompte de 160 %.

 

[117]  Lors du contre-interrogatoire, il a réitéré que dans les cas où le manuel de l'ICCA était muet, il était accepté à l'époque d'avoir recours aux normes et aux pratiques comptables américaines. Il rappelle que selon l'auteur Skinner, on se devait d'escompter la valeur des paiements dus à long terme à moins d'avoir des taux d'intérêts raisonnables.

 

[118]  Monsieur Weiner a également déclaré que selon les extraits de la Gazette Mercantile, les taux d’intérêts étaient connus à l’époque et qu’il aurait été facile pour ARMC, ARMC 2 et Coral de prévoir un taux d’intérêt beaucoup plus raisonnable.

 

[119]  Il me paraît très évident, après l’analyse de toutes les circonstances entourant les états financiers, que les montants utilisés et inscrits dans les états financiers d’ARMC et ARMC 2 ne reflètent pas le montant réel qu’ils ont investi dans la recherche. Les billets émis par ARMC et ARMC 2 ont, vue l’ensemble de la preuve, une valeur beaucoup moindre que le montant comptabilisé en raison de l’utilisation de la devise brésilienne qui était sujette à l’hyperinflation et un taux d’intérêt déraisonnable. Je partage l’opinion de l’expert Weiner lorsqu’il conclut que lorsque le terme du paiement est différé et que le taux d’intérêt n’est pas raisonnable, on ne peut tout simplement pas prétendre que le montant au contrat correspond au coût historique ou d’origine et le comptabiliser comme tel dans les états financiers.

 

[120]  J’accepte également la notion avancée par l’expert Weiner, selon laquelle le coût d’origine ou historique n’exclut pas la notion de « juste valeur ». En l’espèce, le prix payé n’était pas totalement en argent (à cause des billets) et la recherche en question n’avait pas de valeur commerciale connue, il devenait donc nécessaire d’établir la juste valeur de la contrepartie versée afin d’en déterminer son coût.

 

[121]  À mon avis, les résultats financiers d’ARMC et ARMC 2 n’ont pas été préparés selon les PCGR de l’époque. Je retiens le témoignage de monsieur Weiner comme étant le plus plausible dans les circonstances. En l’espèce, il fallait faire plus que simplement inscrire le coût d’origine non vérifié des billets. Je conviens que dans le cas où le manuel de l’ICCA était muet, il était raisonnable à cette époque d’avoir recours à titre supplétif aux normes et aux pratiques comptables américaines et que dans le présent contexte, on se devait d’escompter la valeur des paiements dus à long terme à moins d’avoir des taux d’intérêt raisonnables, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

 

Question 2B

 

L'article 67 de la Loi

 

[122]  Il s'agit maintenant de se pencher sur la question de savoir si les dépenses de RS & DE réclamées par les appelants étaient raisonnables au sens de l'article 67 de la Loi, pour les années d'imposition pertinentes ; l'article 67 se lisait comme suit :

 

Article 67 : Restriction générale relative aux dépenses

 

Lors du calcul du revenu, aucune déduction ne doit être faite relativement à un débours ou à une dépense à l'égard de laquelle une somme est déductible, par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où ce débours en cette dépense était raisonnable eu égard aux circonstances.

 

 

[123]  L'arrêt Hammill c. Canada, [2005] A.C.F. no 1197 de la Cour d'appel fédérale a apporté une nouvelle précision quant aux conséquences de l'application de l'article 67 de la Loi au cas où l'on jugerait qu'une dépense ne serait pas raisonnable. Les passages pertinents se lisent comme suit :

 

49     L'appelant fait valoir que l'article 67 vise une dépense engagée en vue de tirer un revenu d'une entreprise au sens de l'alinéa 18(1)a) et autorise le ministre à refuser la déduction de la part de cette dépense dont le caractère déraisonnable peut être établi. Autrement dit, l'article 67 interdit un examen qualitatif de la dépense, puisque celle-ci doit avoir par définition été engagée en vue de gagner un revenu. Cet article, selon l'appelant, appelle plutôt un examen quantitatif de la dépense.

 

50     Il est de fait que les décisions judiciaires rendues jusqu'ici sur l'article 67 ont envisagé la question qui en découle comme une question de quantité ou d'ordre de grandeur (voir Mohamad, précité; et Garbco Ltd. c. M.R.N., 68 DTC 5210). L'appelant soutient que le passage suivant de Vern Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, 3e édition (page 312), rend bien compte de la portée et de l'objet de l'article 67 :

 

[TRADUCTION] Le terme « raisonnable » [de l'article 67] semble se rapporter principalement à l'ordre de grandeur ou au montant des déductions demandées ou quantifiées et non à la nature de la dépense. « Cette règle a pour objet d'empêcher les contribuables de réduire artificiellement leur revenu en déduisant des dépenses excessivement élevées »

 

[...]

 

51     Je reconnais que ce passage rend compte avec exactitude de la manière dont l'article 67 a été appliqué par les tribunaux jusqu'à maintenant. Toutefois, la Cour suprême a formulé dans l'arrêt Stewart, précité, des observations sur l'application de l'article 67 et fait remarquer que celle-ci pouvait être plus large. Rappelons que dans cet arrêt, la Cour suprême a écarté le critère de l'« expectative raisonnable de profit » comme moyen d'établir l'existence d'une source de revenu. Tout en reconnaissant que ce critère avait été conçu pour prévenir les abus, elle a conclu qu'il était dénué de fondement législatif et créait plus de problèmes qu'il n'en résolvait.

 

52     Dans le cadre de sa formulation de « l'approche recommandée », la Cour suprême a défini l'article 67 comme le moyen législatif de contrôler les dépenses excessives ou injustifiées une fois établie l'existence d'une source de revenu. Elle propose les remarques suivantes au paragraphe 57 :

 

[...] Si la déductibilité d'une dépense particulière est en cause, ce n'est pas l'existence d'une source de revenu qui doit être mise en doute, mais plutôt le lien entre cette dépense et la source à laquelle elle est censée se rapporter. Le fait qu'une dépense soit considérée comme faisant partie des frais personnels ou de subsistance n'influe aucunement sur la qualification de la source de revenu à laquelle le contribuable tente de rattacher la dépense; cela signifie simplement que la dépense ne peut être rattachée à la source de revenu en question. De même, si, dans les circonstances, la dépense est déraisonnable eu égard à la source de revenu, alors l'art. 67 de la Loi établit un mécanisme permettant d'en réduire ou d'en supprimer le montant. Là encore, toutefois, des dépenses excessives ou déraisonnables n'ont aucune incidence sur la qualification d'une activité comme étant une source de revenu.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

53     Le choix des termes (réduire ou supprimer) n'a en l'occurrence rien de fortuit. La Cour suprême définissait l'article 67 comme le moyen légitime d'apprécier le caractère raisonnable d'une dépense une fois établie l'existence d'une entreprise. Elle le faisait après avoir expliqué que, au premier niveau de l'examen (c'est‑à‑dire celui qui concerne l'existence d'une source de revenu et le rapport entre une dépense donnée et cette source), les tribunaux ne devraient pas contester le jugement commercial du contribuable (Stewart, précité, paragraphes 55, 56 et 57). L'article 67 se trouvait ainsi caractérisé comme étant la disposition législative autorisant un examen du caractère raisonnable de la dépense. À mon sens, la Cour suprême a établi dans Stewart qu'il n'existe pas de limite intrinsèque à l'application de l'article 67 et que, lorsque les circonstances le justifient, celui-ci peut être invoqué pour refuser la déduction de la totalité d'une dépense, si son caractère déraisonnable est établi.

 

54     Dans la présente espèce, le juge de la CCI a essayé d'établir quelle partie des dépenses [TRADUCTION] « de vente » pouvait être considérée comme raisonnable dans les circonstances. Il a fait observer qu'aucun des deux avocats ne pouvait fixer de seuil à cet égard. Ayant ensuite constaté que la conduite de l'appelant avait été la même tout au long de l'affaire, il a conclu que les dépenses avaient été déraisonnables du début à la fin. Il lui était à mon sens permis de tirer cette conclusion eu égard à la preuve.

[Je souligne]

 

[124]  Le même arrêt a établit le principe que si l’on arrive à la conclusion que les dépenses réclamées par les appelants sont déraisonnables dans les circonstances, c'est la totalité des dépenses qui sont refusées.

 

[125]  Il faut aussi se rappeler que dans l'exercice de la détermination du caractère raisonnable de la dépense, il faut prendre garde de ne pas substituer notre jugement au jugement commercial des parties, comme l'a dit la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Keeping c. Canada, [2001] A.C.F. n899 ; voici le passage pertinent :

 

5     Avec respect, je suis d'avis que l'analyse du juge de la Cour de l'impôt équivalait à faire une appréciation rétrospective de la perspicacité commerciale de l'appelant, ce que les cours ne devraient pas faire. Comme la Cour l'a déclaré dans l'arrêt Mastri c. Canada (Procureur général), [1998 1 C.F. 66 (C.A.), au paragraphe 12 :

 

·                     Bref, la décision de la Cour dans l'arrêt Tonn n'a pas pour but de modifier le droit établi dans l'arrêt Moldowan. L'arrêt Tonn confirme simplement l'interprétation fondée sur le bon sens selon laquelle ce n'est pas aux tribunaux de faire une appréciation rétrospective de la perspicacité commerciale d'un contribuable dont l'entreprise se révèle moins rentable que prévue.

 

En fondant sa décision sur les marges de profit, sur les débouchés et les coûts potentiels, ainsi que sur les méthodes de l'appelant quant à l'exploitation de son entreprise de distribution de produits Amway, le juge de la Cour de l'impôt a fait une appréciation rétrospective de la perspicacité commerciale de l'appelant. Ce faisant, le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur de droit.

 

[Je souligne]

 

 

[126]  Cet arrêt examinait toutefois le critère de l'expectative raisonnable de profit. Les appelants ont cependant fait valoir que la juge Woods de notre Cour dans l'arrêt Ankroh c. la Reine, [2003] A.C.I. 422, a conclu que ces observations pouvaient s'appliquer aussi bien au critère de la raisonnabilité d'une dépense. Voici ce qu'elle a dit sur cette question :

 

Section 67

 

32     The Crown submits that it was unreasonable for Mr. Ankrah to incur large expenditures after the business had incurred losses for several years. It was suggested that instead of spending large sums of money on recruits, the same result could have been achieved by personal training.

 

33     The difficulty with the Crown's position is that supplants the business judgment of the taxpayer. Mr. Justice Rothstein commented on this in another Amway case, Keeping v. R., [2001] 3 C.T.C. 120 (F.C.A.), at paragraph 5:

 

With respect, I am of the opinion that the analysis conducted by the Tax Court Judge, [1999] T.C.J. No. 277, amounted to second-guessing the business acumen of the appellant which is not the place of the Courts. As stated in Mastri v. R. (1997), [1998] 1 F.C. 66 (Fed. C.A.), at paragraph 12:

 

In summary, the decision of this Court in Tonn does not purport to alter the law as stated in Moldowan. Tonn simply affirms the common-sense understanding that it is not the place of the courts to second-guess the business acumen of a taxpayer whose commercial venture turns out to be less profitable than anticipated.

 

In basing his decision on profit margins, potential market opportunities and costs, as well as the appellant's approach to operating his distributorship, the Tax Court Judge was second-guessing the business acumen of the appellant. In doing so, the Tax Court Judge erred in law.

 

This comment was made in the context of the REOP doctrine but I see no reason why it should not also apply in the context of section 67.

 

34     The phrase in section 67 "reasonable in the circumstances" is broad but I do not believe that it should apply to reduce expenses based on poor business judgment. Section 67 is commonly applied to reduce the quantum of expenses in cases where the taxpayer is motivated partly by something other than business reasons, such as a payment of salaries to family members. This was described by Mr. Justice Cattanach in the case of Gabco Limited v. M.N.R., 68 D.T.C. 5210 (Ex. Ct.) at page 5216 as follows:

 

It is not a question of the Minister or this Court substituting its judgment for what is a reasonable amount to pay, but rather a case of the Minister or the Court coming to the conclusion that no reasonable business man would have contracted to pay such an amount having only the business consideration of the appellant in mind.

 

35     Mr. Ankrah arguably has exercised bad judgment in incurring these expenses. However, the expenses were incurred with an honest belief that they would eventually lead to profits and I do not believe that section 67 should be applied in these circumstances.

 

36     Mr. Ankrah has incurred significant losses from the Amway distributorship over many years. If the deduction of those losses is not an appropriate tax result, it is a matter for Parliament to address. I note that section 31 of the Act was enacted in 1988 to address a concern with farming losses.

 

 

TRADUCTION :

 

Article 67

 

32     La Couronne soutient qu'il était déraisonnable, pour M. Ankrah, d'engager de fortes dépenses après que l'entreprise a enregistré des pertes pendant plusieurs années. On estimait qu'au lieu de dépenser des sommes élevées à l'endroit des recrues, le même résultat aurait pu être atteint en offrant une formation personnelle.

 

33      La difficulté qui ressort de la position de la Couronne consiste en ce qu'elle supplante l'appréciation commerciale du contribuable. Le juge Rothstein offre une réflexion a ce sujet dans une autre affaire liée a la compagnie Amway, celle de Keeping c. R., C.A.F., no A-372-99, 4 juin 2001, ([2001] 3 C.T.C. 120), au paragraphe 5 :

 

Avec respect, je suis d'avis que l'analyse du juge de la Cour de l'impôt équivalait à faire une appréciation rétrospective de la perspicacité commerciale de l'appelant, ce que les cours ne devraient pas faire. Comme la Cour l'a déclaré dans l'arrêt Mastri c. Canada (Procureur général), [1998] 1 C.F. 66 (C.A.), au paragraphe 12 :

 

Bref, la décision de la Cour dans l'arrêt Tonn n'a pas pour but de modifier le droit établi dans l'arrêt Moldowan. L'arrêt Tonn confirme simplement l'interprétation fondée sur le bon sens selon laquelle ce n'est pas aux tribunaux de faire une appréciation rétrospective de la perspicacité commerciale d'un contribuable dont l'entreprise se révèle moins rentable que prévue.

 

En fondant sa décision sur les marges de profit, sur les débouchés et les couts potentiels, ainsi que sur les méthodes de l'appelant quant a l'exploitation de son entreprise de distribution de produits Amway, le juge de la Cour de l'impôt a fait une appréciation rétrospective de la perspicacité commerciale de l'appelant. Ce faisant, le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur de droit.

 

Cette remarque a été faite dans le contexte de la doctrine de l'attente raisonnable de profit, mais je ne vois aucune raison de ne pas l'appliquer également dans le contexte de l'article 67.

 

34       Dans l'article 67, même si l'expression "raisonnable dans les circonstances" est large, je ne crois pas qu'elle devrait être appliquée pour réduire des dépenses en raison d'une mauvaise appréciation commerciale. L'article 67 s'applique couramment pour réduire le montant des dépenses lorsque le contribuable est poussé en partie par quelque chose d'autre que des raisons d'affaires, comme le versement de salaires a des membres de sa famille. Ce cas est décrit de la façon suivante par M. le juge Cattanach dans l'affaire Gabco Limited v. M.N.R., 68 DTC 5210 (C. de l'É.), à la page 5216 :

 

[TRADUCTION]

 

Il s'agit non pas que le ministre ou notre Cour substitue son jugement [à celui du contribuable] lorsqu'il s'agit de déterminer ce qu'est un paiement raisonnable, mais plutôt que le ministre ou la Cour arrive à la conclusion qu'aucun homme d'affaires raisonnable ne se serait engagé par contrat à verser une telle somme en n'ayant à l'esprit que les intérêts commerciaux de l'appelante.

 

35      On peut soutenir que M. Ankrah a montré très peu de discernement en engageant ces dépenses. Cependant, les dépenses ont été engagées avec la sincère conviction qu'elles finiraient par donner des bénéfices, et je ne crois pas que l'article 67 devrait s'appliquer en l'occurrence.

 

36      M. Ankrah a essuyé des pertes considérables dans sa franchise de distribution Amway pendant de nombreuses années. Si la déduction de ces pertes ne constitue pas une conséquence fiscale appropriée, la question relève alors du Parlement. Je souligne que l'article 31 de la Loi a été promulgué en 1988 pour traiter le problème des pertes qui proviennent d'une activité agricole.

 

[Je souligne]

 

 

[127]  Dans la décision Safety Boss Ltd. v. Canada, [2000] A.C.I. no 18, le juge en chef adjoint Bowman (tel était son titre à l'époque) s’appuyait sur un extrait du jugement du juge Cattanach dans l'arrêt Gabco Ltd. v. M.N.R., quant aux critères à suivre pour décider si une dépense est raisonnable, eu égard aux circonstances. Il indiquait au paragraphe 52 :

 

52     Il y a eu de nombreux jugements sur la question du caractère raisonnable des dépenses. Il s'agit essentiellement d'une détermination de fait. Je citerai seulement un jugement qui énonce le principe et qui a fréquemment été cité : Gabco Ltd. v. M.N.R., 68 D.T.C. 5210. À la page 5216, le juge Cattanach disait :

 

     [TRADUCTION]

 

            Il s'agit non pas que le ministre ou notre cour substitue son jugement à celui du contribuable lorsqu'il s'agit de déterminer ce qu'est un paiement raisonnable, mais plutôt que le ministre ou la Cour arrive à la conclusion qu'aucun homme d'affaires raisonnable ne se serait engagé par contrat à verser une telle somme en n'ayant à l'esprit que les intérêts commerciaux de l'appelante. Je ne pense pas que Jules, en concluant l'arrangement qu'il a conclu avec son frère Robert, considérait seulement le fait que le service rendu par Robert à l'appelante dans ses trois premiers mois d'emploi correspondrait strictement à la paye qu'il recevrait. Je pense que Jules pouvait légitimement à l'époque de l'embauchage de Robert prendre en considération d'autres aspects comme des avantages futurs pour l'appelante, ce qu'il a manifestement fait.

 

[Je souligne]

 

 

[128]  En l'espèce, la question qui se pose est donc de savoir si l’homme d'affaires où la personne en affaires se serait engagé par contrat à payer à Coral 1.75 millions par anticorps monoclonaux en n'ayant à l'esprit que les intérêts commerciaux des associés d'ARMC et d'ARMC 2. Il s'agit donc d'une question de faits, comme l'a précisé le juge Bowman.

 

[129]  La preuve des appelants sur cette question consiste essentiellement en le témoignage de leur témoin expert, le Dr Pradip Banerjee, par l'entremise du rapport de P.A. Consulting Group. Les appelants soutiennent que si la Cour décide de s'ingérer dans les décisions d'affaires des appelants, elle ira à l'encontre du principe jurisprudentiel bien établi selon lequel la Cour ou l'intimée ne doit substituer son propre jugement aux décisions d'affaires prises par les contribuables.

 

[130]  Je conviens que la jurisprudence incite à la prudence plutôt qu'au rejet total de l'évaluation de la raisonnabilité d'une dépense. Si le Ministre soutient que la dépense aurait pu être évitée par une autre mesure, comme c’était le cas dans l'affaire Ankray, il essaie alors de substituer son propre jugement à celui des appelants. Toutefois, en l'espèce, le ministre soutient que la dépense n'était pas raisonnable eu égard aux circonstances. Il ne tente pas ainsi, à mon avis, de substituer son propre jugement à celui des appelants.

 

[131]  L'intimée soutient que la dépense était déraisonnable, eu égard aux circonstances, pour les motifs suivants :

 

1.       la preuve a démontré que quelques‑uns des anticorps réalisés ont, par la suite, été vendus pour un montant moyen de 700 000 $;

 

2.       aucune étude de comparabilité valable n'aurait été faite pour prouver que 1.75 M était un prix payé raisonnable;

 

3.       lorsque le Dr Gold a témoigné que les coûts de production d'anticorps monoclonaux humains sont « limitless », il ne l'a pas fait à titre de témoins experts et il a reconnu ne pas avoir d'expertise dans le domaine des anticorps monoclonaux;

 

4.       le fait que seulement 20 % du prix a été payé au début de la recherche et a servi pour la recherche soulève des doutes quant au 80 % du solde du prix;

 

5.       le contrat prévoyait que Coral devait oeuvrer sur 57 projets, alors que ce nombre a été réduit à 40 sans aucune compensation du prix total.

 

[132]  L'intimée a également soulevé le fait que ARMC n'avait pas la propriété des lignées cellulaires dans son contrat avec Coral. Le contrat a cependant été modifié afin de supprimer cette anomalie lorsque les appelants s'en sont rendus compte. Je ne crois pas que cette anomalie soit un facteur d'importance dans cette analyse.

 

[133]  Le témoin expert des appelants sur cette question possède un doctorat en sciences pharmaceutiques et un M.BA. Il fut chargé par les appelants de rédiger un rapport d'expert étudiant de deux questions très précises, à savoir si le prix qui avait été payé par les appelants pour effectuer les recherches sur les anticorps était raisonnable ou non, et si de telles recherches auraient pu être effectuées au Canada. En ce qui concerne la deuxième question, il a conclu que ARMC et ARMC 2 n'avaient pas de choix que de confier leurs recherches à l'extérieur du Canada pour manque de financement et de ressources au Canada.

 

[134]  Le témoin a donc rédigé un rapport pour chacune des sociétés. Dans son témoignage, il a déclaré qu'il avait évalué le caractère raisonnable de l'investissement plutôt que celui des coûts de production et que c'est pour cette raison qu'il est arrivé à la conclusion que la dépense était raisonnable dans les circonstances. Il a aussi indiqué que le prix payé était raisonnable au motif que l’acheteur est toujours prêt à payer un prix plus élevé que le coût effectif lorsqu'il s'agit d'un projet aussi innovateur, puisqu'il peut espérer faire d’autres nombreux projets par la suite.

 

[135]  Il s’est aussi appuyé sur le fait que les appelants avaient fait faire des vérifications poussées avant d’investir et il s'était appuyé sur le rapport de Fritzsche Pampianchi pour déclarer que le prix demandé par Coral n'était pas déraisonnable. Selon le rapport sur l'évaluation de marché des anticorps, le marché était prometteur. En comparant d'autres sociétés semblables, il est arrivé à un prix de 1.24 M de dollars par anticorps et à celui des 1.7 M de dollars avec la méthode du ratio prix sur le gain.

 

[136]  Le contre-interrogatoire de ce témoin a cependant fait ressortir les points suivants :

 

1.       le coût moyen pour développer un anticorps monoclonal jusqu'à sa trousse diagnostique commercialisable se situe entre 640 000 $ et 1 330 000 $ et  le coût de développement de l'anticorps lui‑même ne constitue que le tiers des coûts totaux;

 

2.       le prix de 1.75 M de dollars payé par ARMC et ARMC 2 était beaucoup plus élevé que les coûts effectifs pour le développement de ces anticorps;

 

3.       la preuve selon laquelle il aurait utilisé des éléments de comparaison pour évaluer la raisonnabilité de la dépense n'est pas concluante de sorte que les résultats de la comparaison sont sujets à caution douteux;

 

4.       il n'avait aucune donnée provenant des états financiers, ni de précisions sur les projets scientifiques d'ARMC et d'ARMC 2;

 

5.                 l'évaluation de la firme Fritzsche Pambianchi (onglet 6, pièce A‑5) indique une date postérieure à celle de son rapport. Il faut donc se demander comment le témoin peut se baser sur une évaluation qui n'existait pas encore pour évaluer la raisonnabilité du prix payé à Coral.

 

6.                 à la page 8 de l'évaluation de la firme Fritzsche Pambianchi, il est indiqué que cette évaluation n’avait pour objet que d'établir une évaluation pro‑forma sans incidence juridique sur le coût de développement des produits. Selon le rapport, chaque lignée cellulaire coût entre 30 000 $ et 50 000 $ faire développer.

 

[137]  Pour sa part, l'intimée soutenait que le coût n’était pas raisonnable au moment de la vérification en se fondant sur l’estimation établie par une équipe d'experts qui avaient été réunis par monsieur Wayne Kirkey qui agissait à titre de coordinateur des causes d'évitement fiscal auprès de Revenu Canada à l'époque. Il avait donc réuni trois experts dans le domaine de la biotechnologie en ce qui concerne les projets de recherche d'ARMC et selon leurs estimations pour le coût de production d'un anticorps monoclonal, il fallait compter en moyenne 62 000 $ par projet. Quant aux projets de recherche de ARMC 2, le groupe d'experts retenus a retenu le chiffre à 138 000 $ par projet.

 

[138]  Au procès, les experts Kennett, Brodeur et Norgard ont témoigné sur cette question. Il ressort de ces témoignages qu'il faut aussi prendre en considération les coûts de production et la marge de profit, soit la valeur commerciale du produit en plus des coûts de production dans la détermination du caractère raisonnable de la dépense. Le Dr Kennett compte parmi ceux qui avouent prendre en compte la marge de profit lorsqu'on parle de coûts pour les projets de recherche. Il conclut que le prix de 1.7 M de dollars payé pour chaque projet de recherche était déraisonnable parce que, selon lui, chaque projet pouvait être réalisé en payant un coût situé entre 55 000 $ et 75 000 $, y compris les coûts directs et indirects. Il ajoute que, en 1985, son université aurait pu produire n’importe lequel des anticorps monoclonaux en question pour 45 000 $ chacun et que lorsqu'on mène autant de projets de recherche en même temps, chaque projet coûte moins que le prix ordinaire parce que les coûts de production sont moindres étant donné que les protocoles se répètent.

 

[139]  Enfin, le témoin expert Kennett a produit une contre‑expertise visant le rapport du Dr Banerjee et de son groupe PA Consulting Group. Il reproche à ce rapport de ne pas avoir pris en considération l'utilité, la raison d'être, le besoin et la mise en pratique de ces anticorps monoclonaux. Il ajoute qu'il n’indique nullement la ventilation des chiffres sur lesquels ces experts se sont fiés. Il est d’avis que le développement des anticorps ne constitue en fait que 10 % des coûts de production d'une trousse diagnostique et il conclut, comme cela a déjà été signalé, que le montant de 1.7 M de dollars est déraisonnable dans les circonstances.

 

[140]  Quant au Dr Brodeur, il a déclaré que les coûts n'avaient pas correctement été fixés pour la simple raison qu'ils ne tenaient aucunement compte du nombre d'heures passées sur chaque projet, ni des ressources utilisées pour chacun des projets qui étaient très différents. Cela tend à confirmer la thèse selon laquelle les prix avaient été fixés peu importe la nature de l'anticorps visés ou la valeur des travaux plutôt qu’en fonction des coûts effectifs de production.

 

[141]  Le docteur Norgard dans sa contre‑expertise du rapport du Dr Banerjee déclare que le rapport de ce dernier est trop vague et comporte des lacunes puisqu'il ne tient pas compte de plusieurs éléments, notamment l'utilité, la raison d'être, le besoin et la mise en pratique des anticorps monoclonaux. Il n'est pas d'accord non plus sur les notions de « niche products », de « speed to market » et de « delivery systems » mis de l'avant par le Dr Banerjee au motif qu'il ne croit pas que les produits développés par Coral auront un marché viable. Il rejette également les projections de ventes potentielles des anticorps monoclonaux mis de l'avant par le Dr Banrerjee. Je peux résumer les autres points que le Dr Norgard conteste comme suit :

 

1.       Les chiffres avancés par le Dr. Banerjee pour faire la comparaison des coûts avec d'autres entreprises similaires ne veulent rien dire, parce qu'on ne précise pas la ventilation de ces chiffres.

 

2.       Eu égard aux trousses de diagnostic, généralement, les frais rattachés à la recherche qui porte sur les anticorps ne constituent que 10 % de tous les coûts nécessaires pour mettre en marché une trousse, et non 30 % comme l'a indiqué le Dr Banerjee dans son rapport.

 

3.       L'estimation de 1.7 M de dollars pour frais de recherche par anticorps monoclonal est surévaluée parce qu'elle ne constitue pas le coût du travail réellement nécessaire; de plus, les mêmes anticorps monoclonaux de meilleure qualité ne coûtent qu'une fraction du prix comparés à ceux de Coral. À titre d'exemple, le témoin cite l'université où il travaille, soit The University of Texax Southwestern Medical Center où il est possible de produire un anticorps monoclonal à partir de 3 400 $ et ce sur des lignes cellulaires de 20 à 30 espèces.

 

[142]  Vu ces éléments, je ne peux que conclure que la preuve ne vas pas dans le sens de la thèse des appelants c'est‑à‑dire que le prix payé en l'espèce et eu égard aux circonstances était raisonnable. À mon avis, les appelants ne se sont pas acquittés de la charge de la preuve. La preuve de leur expert a été fortement discréditée par les experts de l'intimée ainsi que durant son contre‑interrogatoire.

 

[143]  Il est impossible en l’espèce de conclure qu’une personne en affaire se serait engagée dans un tel projet sans être assuré que le coût réel de son engagement se limite à son déboursé initial soit le 20 % du prix des contrats d’ARMC et d’ARMC 2 avec Coral. À mon avis, aucun des appelants ne s’attendait à débourser quoique ce soit au-delà du versement initial. À mon avis, il n’a jamais été question que le coût des recherches dépasserait effectivement le paiement initial. Par conséquent, je ne peux tirer une conclusion à l’effet que le prix était raisonnable dans les circonstances de sorte que ces dépenses engagées par les appelants doivent être refusées en totalité.

 

Paragraphe 245(1) de la Loi

 

[144]  Ma conclusion suffit pour disposer des présents appels ; cependant, je vais me pencher sur la question de savoir si les déductions réclamées étaient accordées, auraient-elles pour effet de réduire indûment ou artificiellement le revenu des appelants au sens du paragraphe 245(1) de la Loi, tel qu'il se lisait à l'époque, à savoir :

 

245(1) Opérations factices

 

(1)        Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi, aucune déduction ne peut être faite à l'égard d'un débours fait où d'une dépense faite ou engagée, relativement à une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment où de façon factice le revenu.

 

 

[145]  Les critères pertinents afin d'apprécier si en effet les déductions réclamées par ARMC et ARMC 2 réduisent indûment où de façon factice le revenu net ont été élaborés par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canada c. Fording Coal Ltd., [1996] 1 C.F. 518 et ont été repris dans l'arrêt Novopharm Limitée c. La Reine, 2003 CAF 112, rendu par la Cour d'appel fédérale.

 

24        Pour apprécier si les déductions demandées par Novopharm réduisaient indûment ou de façon factice le revenu pour l'application du paragraphe 245(1), le juge de la Cour de l'impôt a tenu compte des facteurs définis par notre Cour dans l'arrêt Canada c. Fording Coal Ltd. (C.A.), [1996] 1 C.F. 518, et adoptés dans l'arrêt Canada c. Central Supply Company (1972) Ltd. (C.A.), [1997] 3 C.F. 674 :

 

1.         La déduction, si on la permettait, irait-elle à l'encontre de l'objet et de l'esprit de la Loi de l'impôt sur le revenu?

 

2.         Les opérations donnant lieu aux déductions ont-elles été réalisées conformément aux habitudes normales du commerce?

 

3.  Les opérations avaient-elles un objet commercial véritable?

 

Le juge de la Cour de l'impôt, en appliquant l'analyse de l'arrêt Fording, a conclu que l'appel de Novopharm devait être rejeté en vertu du paragraphe 245(1).

 

 

[146]  Dans l'arrêt Entreprises Ludco Ltée c. Canada, [1999] A.C.F. no 402, la Cour d'appel fédérale s'est penchée sur l'application de l'ancien paragraphe 245(1) de la Loi en ces termes :

 

Les appelants sont-ils soumis à l'application du paragraphe 2451) de la Loi parce qu'ils auraient engagé des dépenses dans une opération qui réduisaient indûment ou de façon factice leurs revenus?

 

104      L'intimée soutient que les déductions d'intérêt réclamées par les appelants pour leurs investissements dans Justinian et Augustus avaient pour effet de réduire de façon artificielle leurs revenus. La disposition applicable à l'époque se lisait ainsi :

 

·                     S. 245. (1) In computing income for the purposes of this Act, no deduction may be made in respect of a disbursement or expense made or incurred in respect of a transaction or operation that, if allowed, would unduly or artificially reduce the income.

 

·                     Art. 245. (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi, aucune déduction ne peut être faite à l'égard d'un débours fait ou d'une dépense faite ou engagée, relativement à une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de façon factice le revenu.

 

105      À mon avis, cette prétention de l'intimée est mal fondée. Comme notre Cour l'a mentionné dans l'affaire Canada c. Fording Coal Ltd., c'est le caractère indu ou factice de la réduction de revenu qu'il faut examiner et non pas le caractère factice de l'opération à laquelle la dépense est associée71. Soit dit en passant qu'à ce dernier titre, l'opération comme telle n'avait rien de factice et que, sur cette question, il y a accord des parties.

 

106      Selon la jurisprudence, trois facteurs entrent en ligne de compte pour l'application du paragraphe 245(1)72 et je suis d'avis que la déduction réclamée par les appelants rencontre les paramètres de ces trois facteurs.

 

107      Premièrement, la déduction des intérêts s'inscrit dans l'objectif et l'esprit de l'alinéa 20(1)c)(i) qui, comme je l'ai déjà mentionné, visent l'acquisition d'un capital en vue d'en tirer un revenu.

 

108      Deuxièmement, l'emprunt contracté par les appelants s'accorde avec les habitudes normales du commerce relatives à l'acquisition d'actions ou de titres obligataires. De fait, il arrive fréquemment que l'achat de ces actifs par les contribuables soit financé par des emprunts à la banque et que les actifs soient donnés en garantie. Il suffit de voir par exemple à chaque année, à cette période-ci, la frénésie qui entoure l'investissement dans les régimes enregistrés d'épargne-retraite et la publicité sur le financement offert à cette fin. Il s'agit là d'un incitatif voulu par le législateur

 

109      Troisièmement, l'emprunt effectué par les appelants avait un objet commercial véritable. De fait, les sommes empruntées furent affectées à l'achat d'actions dans les compagnies Justinian et Augustus. Ces compagnies ont généré des profits et, comme c'est souvent le cas en semblables matières, elles ont pour partie distribué ces profits sous forme de dividendes à leurs actionnaires et pour partie capitalisé lesdits profits. La preuve révèle que les dividendes reçus par les appelants se situaient à l'intérieur de la fourchette des montants de dividendes payés par les compagnies canadiennes inscrites à la Bourse de Toronto. Je note en passant que plusieurs compagnies paient des dividendes de moins de 1% et que des compagnies bien établies ne payaient à l'époque ou n'ont payé pendant une certaine période aucun dividende. Par exemple, la preuve révèle que Can-Am Manac n'a pas payé de dividendes depuis 1991 et que MacKenzie Financial Corporation a payé ses premiers dividendes après 18 années d'opération, ce que n'a jamais fait Cascade depuis sa création il y a plus de 30 ans73, malgré qu'elle ait un chiffre d'affaires de 2,27$ milliards.

 

[Je souligne]

 

 

[147]  Il importe donc de répondre aux trois questions énoncées par la jurisprudence afin de décider si les conséquences du paragraphe 245(1) s'appliquent en l'espèce. Je rappelle que le principe fondamental est que le contribuable peut arranger ses affaires de façon à payer le moins d'impôt possible, comme l’a présenté la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Entreprise Ludco, précité :

 

62        Les compagnies Justinian et Augustus furent donc conçues, et leurs opérations planifiées, en fonction des lois canadiennes sur le revenu afin de permettre à ses actionnaires de minimiser le paiement des impôts dû par ces derniers au fisc canadien en conséquence de leurs investissements. Je m'empresse d'ajouter, et cela de l'aveu même de l'intimée, que la planification fiscale qui a conduit à la création de ces deux compagnies de même que leurs opérations n'étaient aucunement illégales, que les transactions qui ont eu lieu n'étaient pas un simulacre ou un trompe-l'oeil, que les dividendes furent réellement versés aux appelants et taxés par Revenu Canada et que les appelants, n'étant aucunement impliqués dans la gestion de ces compagnies, transigeaient à distance avec celles-ci. C'est d'ailleurs un principe bien connu en droit fiscal canadien qu'un contribuable peut, en prenant avantage des dispositions de la Loi, organiser ses affaires de façon à et dans le seul but de minimiser l'impôt sur ses revenus36. D'ailleurs, dans la Déclaration des droits du contribuable adoptée par Revenu Canada et dont une copie se retrouve à l'endos du Guide général d'impôt et de prestations remis annuellement au contribuable, il y est stipulé:

 

Vous avez le droit de mener vos affaires de façon à payer le minimum d'impôt prévu par la loi.

 

En somme, le plan astucieux mis de l'avant pour les actionnaires de Justinian et d'Augustus était la résultante d'une planification juridique légale. En conséquence, si astucieuse, et peut-être même irritante aux yeux de certains, que cette planification ait été, elle ne saurait colorer l'analyse et l'interprétation juridiques qu'il y a lieu de faire du droit à la déduction des intérêts en vertu du sous-alinéa 20(1)c)(i) de la Loi.

 

[Je souligne]

 

[148]  Les déductions, si elles étaient permises, iraient-elles à l'encontre de l'objet et de l'esprit de la Loi? L'objet et l'esprit des dispositions de la Loi concernant la RS & DE ont été exposés par le juge Bowman (tel son titre était à l'époque) dans l'affaire Consoltex Inc. c. Canada, [1997] A.C.I. no 134 au paragraphe 79 :

 

79        Dans un cas de ce genre, qui fait appel à des dispositions complexes de la Loi, on court le risque de s'embrouiller dans les considérations techniques et de perdre de vue la forêt par un examen trop minutieux de l'écorce des arbres. Si l'on prend du recul et que l'on tente de déterminer ce que les dispositions de la Loi relatives aux recherches scientifiques ont pour dessein d'accomplir, il est clair qu'elles devraient être interprétées d'une manière qui encourage les recherches scientifiques dans ce pays. Tailler au couteau ces dispositions, c'est aller à l'encontre de cet objet. Après tout, on n'est pas ici dans un cas où un contribuable qui engage des dépenses courantes de recherche scientifique bénéficie d'une déduction double ou d'une déduction qu'il n'aurait pas autrement. L'appelante aurait été en mesure de déduire ces dépenses même si l'article 37 n'avait pas existé. Tout ce qu'elle obtient, c'est l'avantage d'un crédit d'impôt à l'investissement. Toutes les dépenses, dépenses de capital ou dépenses courantes, qui donnent lieu à des CII sont déductibles d'une manière ou d'une autre dans le calcul du revenu, soit dans l'exercice en cours soit avec le temps, et toutes, d'une manière ou d'une autre, entraînent ou visent à entraîner la production d'un revenu. C'est remettre en question le principe tout entier des stimulants fiscaux, qu'il s'agisse d'abattements pour RS & DE ou de CII, que de dire que, si les dépenses donnant lieu aux stimulants entraînent ou peuvent entraîner un revenu, tels stimulants devraient être réduits.

 

[Je souligne]

 

[149]  Ces dispositions visent donc à inciter le contribuable à investir dans la recherche et le développement. Est-ce que les déductions réclamées vont à l'encontre de ce but où de cet objet?

 

[150]  L'intimée soutient qu'en l'espèce aucun objectif rationnel n'est servi si l’on permet les déductions au titre des billets soit des dépenses de 56 M de dollars et de 58 M de dollars pour chacune des sociétés. Ils soutiennent que la structure de ces contrats allaient à l’encontre de l’objet de ces dispositions, puisque les billets ne servaient pas à financer la recherche étant donné qu'ils étaient remboursables 7 à 10 ans plus tard. De plus, se fondant essentiellement sur le témoignage des experts, ils font valoir que la preuve économique démontre que les déductions réclamées ne reflétaient pas la valeur réelle des billets au moment où ils devenaient payables. Autrement dit, la valeur de la contrepartie effectivement donnée par les deux sociétés, déterminée à la date où elle est effectivement quantifiée est de loin inférieure au montant des déductions.

 

[151]  De leur côté, les appelants soutiennent que l'intimée n'aurait jamais sauté à de telles conclusions si les billets avaient été remboursables en devises étrangères, par exemple, si la devise étrangère avait été la devise américaine. Ils prétendent aussi que de toute manière, si les billets avaient été conservés jusqu’à leur terme et été remboursés en devises brésiliennes sans valeur, les appelants auraient alors fait un gain sur charge imposable, donc ces sommes n'auraient pas été soustraites à l'impôt. Ils ajoutent que c'est l'intimée, par sa faute et son comportement, qui se prive des sommes qu'elles auraient pu percevoir suite à des transactions.

 

[152]  Malgré le fait que les appelants ont déclaré que les avantages fiscaux n'ont pas motivé leur investissement et malgré le fait qu'ils disent avoir investi parce que la recherche sur les anticorps monoclonaux constituait un projet innovateur à l'époque, il n'en demeure pas moins que, vu la structure des contrats, Coral ne pouvait pas utiliser ces montants pour des travaux de recherche à être effectués en 1985 ou 1986. De plus, selon la preuve économique produite, la valeur de la contrepartie payée par ARMC et ARMC 2 déterminée à la date où elle est effectivement quantifiée, est de loin inférieure au montant des déductions. Il y a donc une disproportion évidente entre la valeur réelle des billets et le montant de la déduction. L'absence d'une clause de rajustement en cas de dépréciation de la devise brésilienne constitue aussi un autre facteur pertinent.

 

[153]  À mon avis, accorder des déductions aux appelants irait à l'encontre de l'objet et de l'esprit de la Loi dans les circonstances. Les activités de Coral ont été instaurées et menées de façon à donner lieu à des déductions excessives, déraisonnables et hors de la normale, de sorte qu'elles ne correspondent pas l'objet et l'esprit de la Loi, qui est d’inciter le contribuable à investir dans la recherche. Les appelants ont mis sur pied des projets de recherches, mais la grande majorité des déductions qu'ils réclament ne sont pas rattachables à ces recherches.

 

[154]  Il faut aussi se demander si les opérations pour lesquelles on a réclamé les déductions ont été réalisées conformément aux habitudes normales du commerce. Les témoignages des experts de l'intimée sont catégoriques : les billets promissoires en cause n'ont pas été négociés selon les habitudes normales du commerce. Ils s'en remettent principalement au fait que le taux d'intérêt simple de 11 et de 11.5 % sur les billets est très inférieur au taux d'intérêt en vigueur à cette époque au Brésil, qui oscillait entre 50 et 275 %, selon la longueur du prêt.

 

[155]  Selon l'expert Hoag, les milieux commerciaux brésiliens ont développé un certain nombre de pratiques pour se protéger des effets de l'inflation. Pour ce qui est des billets promissoires, il affirme qu'ils sont toujours indexés au Brésil par rapport aux taux de change de telle ou telle monnaie étrangère ou par rapport à tel ou tel indice officiel des prix, selon le secteur d’où les billets promissoires émanent. C'est le cas en particulier pour les transactions à long terme. Les obligations monétaires comportent normalement des formules de correction. Il en conclut qu'un prêt pour dix ans se constituait pas une pratique commerciale courante et encore moins un prêt sous formule d’indexation à l'inflation. En effet, l'inflation donne lieu à une diminution continuelle de valeur, gruge donc les intérêts que le prêteur s'attend de gagner ; l'indexation constitue une mesure de protection contre l'inflation. Il ajoute que le droit brésilien avait prévu une indexation légale de plein droit sur tous les contrats qui existaient au moment de l'entrée en vigueur du Cruzeiro-Plan en janvier 1986, à condition que ces contrats aient stipulé une clause d'indexation monétaire. Il conclut que personne n’aurait voulu détenir des billets de ce genre à l'époque.

 

[156]  Pour sa part, le témoin expert Cline, en ce qui concerne l'absence d'une formule d'indexation des billets promissoires, affirme que le fait de ne pas indexer était contraire à la pratique commerciale de l'époque parce que nul ne voulait courir le risque de voir s’évaporer en fumée ses projets en raison de l’inflation. Il ajoute également que les taux d'intérêts stipulés dans les billets promissoires en l'espèce ne reflètent pas la réalité du marché financier brésilien tel que signalés ci-haut.

 

[157]  Les appelants, par l'entremise de l'expert Williamson, ont plutôt indiqué que même si ces transactions n'étaient pas de pratique courante, il n'est pas impossible pour les parties d'innover et les parties n'étaient pas liées par les pratiques courantes. La question à laquelle je dois répondre ici est exactement celle à savoir si les opérations, soit les termes des billets promissoires, ont été faites selon les habitudes normales du commerce. À mon avis, les appelants n'ont pas réussi à me convaincre selon la prépondérance des probabilités que les termes et la structure des billets promissoires étaient conformes aux habitudes normales du commerce de l'époque, c’est‑à‑dire les années 1985 et 1986.

 

[158]  La dernière question est celle de savoir si les opérations en cause avaient un objet commercial véritable. L'intimée fait valoir que la valeur des billets, soit 80 % du contrat ou de la dette, n'a pas servi à financer les travaux de recherche puisqu'ils n'étaient payables que 7 à 10 ans plus tard, de sorte que la négociation des billets promissoires n'avaient pas l'objet commercial visé par les contrats entre Coral et ARMC et AMRC 2. Coral devait compléter ses travaux au plus tard le 31 décembre de l'année courante.

 

[159]  L'intimée ajoute que l'argument des appelants voulant qu'une fiducie ait été créée pour le bénéfice des employés, laquelle fiducie administrait des billets promissoires de Coral, ne tient pas la route au motif que 80 % de la valeur du contrat de recherche est un chiffre trop élevé, et en outre, aucun des employés de Coral n'a reçu quelque argent de cette fiducie.

 

[160]  L'intimée a également fait valoir que le recours à la devise brésilienne n'avait pas d'objet commercial véritable au motif que Coral n'avait aucune activité d’importance au Brésil, puisque les recherches étaient effectuées dans un laboratoire situé en Angleterre. Pourquoi donc la devise brésilienne? L'intimée est allée plus loin, en mettant en doute la nécessité de recourir à la devise brésilienne entre les associés et ARMC et ARMC 2.

 

[161]  Je retiens les arguments de l'intimée et je conclus que, vu l'ensemble de la preuve, que les billets promissoires en cause n'avaient pas d'objet commercial véritable. Il y a donc lieu, à mon avis, de faire d’appliquer en l'espèce, le paragraphe 245(1) au motif que les déductions réclamées réduisent indûment ou de façon factice le revenu des appelants.

 

[162]  Pour tous ces motifs, les appels sont rejetés, avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de janvier 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI17

 

Nº DES DOSSIERS DE LA COUR :  2000-2049(IT)G, 2000-2026(IT)G,

                                                          2000-2039(IT)G, 2000-2044(IT)G,

                                                          2000-2045(IT)G, 2000-2056(IT)G,

                                                          2000-2069(IT)G), 2000-1189(IT)G)

 

INTITULÉS DES CAUSES :             Yves Beaudry et Sa Majesté La Reine

                                                                        James Bullock et Sa Majesté La Reine

                                                          Christopher Herten-Greaven et SMLR

                                                          Raphaël Evanson et Sa Majesté La Reine

                                                          Oleg Romar et Sa Majesté La Reine

                                                          Martin Tyler et Sa Majesté La Reine

                                                          David Elkins et Sa Majesté La Reine

James W. McClintock, Executor of the Estate of John P. McClintock et SMLR

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 les 3, 4, 5, 6, 7, 10, 11, 12 et 13 avril,

                                                          25, 26, 27, 28 et 29 septembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 30 janvier 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelant :

Me Yves St-Cyr et Dominic Belley

Avocats de l'intimée :

Me Guy Lapierre, Me Janie Payette et MSusan Shaughnessy

 

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :

 

       Pour les appelants:

                     Nom :                            Me Yves St-Cyr et Dominic Belley

                 Cabinet :                           Ogilvy Renault

                     Ville :                            Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.