Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2007-1931(IT)I

ENTRE :

MARIO LEBLANC,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Marie Thérèse Kateb (2007-1940(IT)I)

le 26 novembre 2007, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Christina Ham

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

  Les appels interjetés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, à l’égard des avis de nouvelles déterminations quant aux crédits pour la taxe sur les produits et services, établies à l'égard des années d'imposition 2003, 2004 et 2005, sont accueillis en partie et le tout est déféré au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle détermination, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de janvier 2008.

 

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Dossier : 2007-1940(IT)I

ENTRE :

MARIE THÉRÈSE KATEB,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec l’appel de

Mario Leblanc (2007-1931(IT)I)

le 26 novembre 2007, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Pour l'appelante :

l'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Christina Ham

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

  Les appels interjetés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, à l’égard des avis de nouvelles déterminations de prestation fiscale canadienne pour enfants, établies à l'égard des années de base 2003, 2004 et 2005, sont accueillis en partie et le tout est déféré au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle détermination, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

  Les appels interjetés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, à l’égard des avis de nouvelles déterminations de crédits pour la taxe sur les produits et services, établies à l'égard des années d'imposition 2003, 2004 et 2005, sont accueillis en partie et le tout est déféré au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle détermination, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

  Les appels interjetés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, à l’égard de nouvelles cotisations de crédit d'impôt non remboursable, la réclamation du crédit équivalent pour personne entièrement à charge, à l'égard d'un enfant, établies à l'égard des années d'imposition 2003, 2004 et 2005, sont accueillis en partie et le tout est déféré au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisations, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

  L'appel interjeté en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, à l’égard de la nouvelle détermination de prestation pour les coûts de l'énergie, établie à l'égard de l'année de base 2004, est rejeté, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de janvier 2008.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 


 

 

 

Référence : 2008CCI7

Date : 20080129

Dossiers : 2007-1931(IT)I

2007-1940(IT)I

ENTRE :

MARIO LEBLANC,

MARIE THÉRÈSE KATEB,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]  Ces deux appels ont été entendus sur preuve commune. Dans l’appel de Marie Thérèse Kateb, le ministre du Revenu national (le « ministre »), par avis de nouvelles déterminations de la prestation fiscale canadienne pour enfant, établies le 13 décembre 2006 pour les années de base 2003, 2004 et 2005, a révisé les prestations fiscales auxquelles avait droit l’appelante à l’égard de ses deux enfants et les a fixées à 991,08 $ pour l’année 2003, à 863,12 $ pour l’année 2004 et à 1 286,76 $ pour l’année 2005. Après la délivrance desdits avis de nouvelles déterminations de la prestation fiscale canadienne pour enfants, le ministre a établi que la somme de 4 372,70 $ a été payée en trop à l’appelante, soit 1 389,88 $ pour l’année 2003, 1 882,52 $ pour l’année 2004 et 1 100,30 $ pour l’année 2005.

 

[2]  Par avis de nouvelles déterminations de crédits pour la taxe sur les produits et services (CTPS) établies le 1er décembre 2006, à l’égard des mêmes années d’imposition, le ministre a respectivement révisé à zéro la prestation annuelle pour le CTPS. En conséquence, le ministre a établi que la somme de 1 157,75 $ a été payée en trop à l’appelante, soit 346,35 $ pour l’année 2003, 457,40 $ pour l’année 2004 et 354 $ pour l’année 2005.

 

[3]  Dans les nouvelles cotisations pour les mêmes années d’imposition, le ministre a refusé, dans le calcul des crédits d’impôt non remboursables, la demande d’un crédit équivalent pour personne entièrement à charge, à l’égard d’un enfant, de 1 053 $, de 1 088 $ et de 1 102 $ respectivement.

 

[4]  Le ministre a aussi, par avis de nouvelle détermination de prestation pour le coût de l’énergie en date du 28 décembre 2006, à l’égard de l’année de base 2004, révisé ladite prestation à zéro et établi qu’un paiement en trop de 250 $ a été fait à l’appelante.

 

[5]  L’appelante s’est opposée à ces avis de détermination et à ces avis de cotisation et le ministre a ratifié le tout le 17 janvier 2007. Par avis de nouvelle détermination du CTPS en date du 25 mai 2007, le ministre a recalculé les versements de TPS pour les mois de janvier et d’avril 2007 à l’égard de l’année d’imposition 2005 visée par le présent litige.

 

[6]  Du côté de l’appelant, Mario Leblanc, le ministre, dans un avis de détermination du CTPS en date du 1er décembre 2006, a établi à zéro la prestation annuelle pour TPS pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005, de sorte que l’appelant a reçu à titre de paiement en trop la somme de 93 $.

 

[7]  L’appelant s’est opposé et le ministre a ratifié l'avis de détermination le 4 avril 2007. Par avis de nouvelle détermination du CTPS établi le 25 mai 2007, le ministre a recalculé les versements de TPS pour les mois de janvier à avril 2007 à l’égard de l’année 2005.

 

[8]  Tous ces avis de nouvelles déterminations et de nouvelles cotisations à l'égard des appelants ont été établis après que le ministre a conclu que ces derniers vivaient comme conjoints de fait durant la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006. La question en litige est de déterminer si les deux appelants ont vécu comme conjoints de fait durant la période en question.

 

[9]  L’appelante est la mère de deux enfants âgés de 13 et 11 ans nés d’un précédent mariage. Elle est divorcée du père de ces deux enfants depuis environ dix ans. Elle a obtenu la garde de ses enfants avec droit d’accès au père et la propriété exclusive de la résidence familiale qu’elle a occupé jusqu’à l’automne 2004.

 

[10]  L’appelante, dans son témoignage, a fait le récit de toutes les difficultés qu’elle a éprouvées avec son ancien mari depuis leur séparation. Tous ces évènements ont suscité chez elle de la crainte à l’égard de son ancien mari. Elle a fait état de plusieurs plaintes déposées auprès des autorités policières et d’une situation où elle craignait et craint toujours pour sa sécurité.

 

[11]  Un recueil de cartes d’appels auprès de la police relate des incidents qualifiés de « chicanes de famille » et de troubles avec l'ancien conjoint entre 1998 et 2001. Il y en a six en tout dont cinq plaintes provenant de l’appelante. La sixième a été déposée par l’ancien conjoint. Dans un cas, l’appelante a allégué avoir été poussée, mais elle n’a pas porté plainte. Le refus par l’appelante de respecter l’entente avec son ancien conjoint concernant les droits d’accès au motif que ce dernier ne respectait pas d’autres ententes convenues entre eux serait au cœur de ces conflits. D’ailleurs, la plainte de l’ancien conjoint portait sur une question de refus d’accès aux enfants par l’appelante.

 

[12]  L’appelante a fait la connaissance de l’appelant en 2002 - 2003 à son lieu de travail. Elle le décrit comme étant une bonne personne, un bon samaritain à qui elle avait demandé d’être présent chez elle lorsque son ancien conjoint venait chercher les enfants et les ramenait. L’appelant a affirmé avoir progressivement emménagé au sous-sol de la résidence de l’appelante après avoir mis fin à son bail d’un logement qu’il occupait depuis juillet 1998. Il n’a cependant été là que quelques semaines puisqu’il a dû aller vivre chez ses parents durant un certain temps en raison de l’état de santé de sa mère. L’appelante a été incapable de préciser qui avait eu l’idée de ce déménagement. Elle a dit que c’est arrivé comme ça, que ça faisait l’affaire des deux appelants et qu’elle vit au jour le jour.

 

[13]  Ce n’est finalement qu’en mars 2003 qu’il a emménagé au sous-sol de l’appelante à ses frais. Il y avait une entente verbale qu’en retour de son paiement des frais liés à l'aménagement du sous sol, à l’entretien de la pelouse et à l’enlèvement la neige, il ne payerait pas de loyer. Il n’y a cependant pas de preuve sur la durée de cette entente verbale, c’est-à-dire à quel moment devaient prendre fin les paiements tenant lieu du loyer et servant principalement à couvrir le coût des rénovations.

 

[14]  L’appelante a expliqué qu’en 2004, une possibilité de vendre sa maison s’est présentée et elle l'a vendue dans le but de changer de secteur. Comme son ratio financier ne lui permettait pas d’emprunter de l’argent auprès des institutions financières pour en construire une autre, il lui fallait un co‑propriétaire. C’est ainsi que, le 10 août 2004, elle et l’appelant se sont portés acquéreurs à parts égales d'un terrain vacant. L'appelante a expliqué avoir fait cet achat dans l’intention d'y construire sa résidence principale. Cependant, les deux appelants ont été incapables de fournir le dépôt qu'un entrepreneur en construction exigeait. Ils ont donc vendu le terrain le 30 novembre suivant.

 

[15]  Le 22 décembre 2004, les appelants ont acheté, à parts égales, une propriété qualifiée de luxueuse pour la somme de 465 712 $ à Blainville (Québec). L’appelante a versé un acompte provenant de la vente de sa maison et le solde du prix de vente a fait l’objet d’une hypothèque que chaque partie assume à parts égales à raison de 1 000 $ par mois chacun. La propriété est située dans un secteur choisi par l’appelante, secteur qu’elle a décrit comme étant un endroit propice pour y élever ses enfants et un bon endroit où investir dans l’immobilier.

 

[16]  Les parties ont signé une entente le 24 décembre 2004 visant leur droit respectif de co‑propriété dans cette résidence. Cette entente reconnaît entre autres la mise de fonds de l’appelante et son droit de la reprendre en cas de vente de la propriété. Il est prévu que chacun apportera sa contribution à part égale à l’entretien et à la réparation de la propriété et qu’advenant le décès ou le retrait de l’une ou de l’autre des parties, la partie restante du prêt hypothécaire, assumée conjointement, sera prise en charge par l’autre en totalité, mise à part la mise de fond. L’entente prévoit qu’advenant le décès de l’appelante, la mise de fond de l’appelante ira à ses enfants.

 

[17]  Il s’agit donc d’une maison de deux étages comprenant quatre chambres à coucher et deux salles de bain complètes. L’appelante a témoigné que l’appelant et ses deux enfants occupent chacun une chambre et qu’elle a la sienne. L’appelant utilise une salle de bain et les enfants et elle l'autre.

 

[18]  Dans leur vie de tous les jours, l’appelante a témoigné qu’elle ne fait pas les emplettes pour l’appelant et ne prépare pas ses repas. Elle paye ses propres dépenses d’assurance; elle a désigné son père comme bénéficiaire de son assurance‑vie; elle a ses propres comptes de banque; elle a fait son propre emprunt pour l’achat du terrain et les appelants ne se font pas de cadeaux. Elle s’occupe elle-même de conduire ses enfants chez leur père et de les ramener à la maison. Lorsque les enfants sont avec leur père, elle sort seule ou avec ses amis ou encore s’occupe de son père. L'appelante reconnaît qu’il arrive à l'occasion à l’appelant de ramener les enfants à la maison. Elle passe les vacances d’été avec ses enfants et son père. Pour ses enfants, l'appelant est considéré comme étant l’ami de maman.

 

[19]  À l’époque de la vérification, l’appelante a signé une déclaration solennelle le 12 février 2007 attestant que chacun des appelants exerce ses activités séparément. La déclaration indique que les appelants ont des comptes de banque distincts; chacun a ses cartes de crédit; chacun a son auto et son assurance‑auto; chacun a son assurance collective; ils ne sont pas mariés et n’ont pas d’enfants; ils vivent séparément; ils n’ont aucune relation conjugale; elle ne subvient pas aux besoins de monsieur Leblanc pour la nourriture, les vêtements et le lavage et il ne subvient pas aux besoins des enfants de l’appelante pour quoi que ce soit; ils ont chacun leurs activités et n’ont pas à rendre compte de leur vie l’un à l’autre; ils ne s’achètent pas de cadeaux. L’appelante consacre tout son temps à ses enfants.

 

[20]  Parmi les documents mis en preuve par l’appelante, on trouve cinq  fiches d’inscription à l’école pour les enfants de l’appelante. Celles des années scolaires 2002 et 2003 indiquent qu’en cas d’urgence il faut contacter l’appelante tout comme celle de 2007 et une des deux fiches de l’année scolaire 2005-2006. Cependant, l’autre fiche identifie l’appelant comme personne à contacter en cas d’urgence et, sous la rubrique de lien avec l’enfant, l’appelante a inscrit le mot « conjoint ». L’appelante a expliqué qu’il s’agit d’une erreur qui n’est survenue qu’une seule fois. Il est évident que l’erreur à laquelle elle réfère est l’utilisation du mot « conjoint » bien que dans ce cas-ci, il a été utilisé erronément pour décrire le lien de l’appelant avec l'enfant.

 

[21]  Selon son témoignage, l’appelant est celui qui a proposé à l’appelante d’acheter ensemble le terrain. Il reconnaît que c’est l’appelante qui avait exprimé le désir de s’installer à Blainville et qui a fait les démarches. Ne pouvant fournir le dépôt requis par l’entrepreneur, ils ont vendu le terrain et ont acheté la résidence qu’ils occupent tous les deux. Il affirme avoir fait cet achat parce qu’il s’agissait d’un bon investissement.

 

[22]  Il a confirmé l’arrangement concernant l’occupation des quatre chambres tel que décrite par l'appelante et le fait que chacun d'entre eux fait ses propres affaires. Il ne s’occupe pas des enfants de l’appelante, il fait ses propres emplettes et, son lavage et il n’a pas à rendre compte de rien à l’appelante et vice‑versa. Il a déposé des documents d’assurance, ses relevés de carte de crédit et d’autres documents qui démontrent que, jusqu’en juin et juillet 2002, son adresse était celle de son appartement et non celle de l’appelante. Son assurance‑médicaments prévoit une protection individuelle. Il a son propre compte de banque depuis mai 1991 et il est le seul conducteur assuré de son automobile. Il a témoigné avoir conservé l’adresse de l’appelante durant la période où il est allé habiter chez ses parents pour éviter d’avoir à soumettre encore des changements d’adresse.

 

[23]  En ce qui concerne la fiche d’inscription à l’école des enfants de l’appelante où son nom est inscrit au titre de personne à contacter en cas d’urgence, il affirme ne pas être au courant que son nom ait été inscrit comme conjoint et qu’il s’agit d’une erreur. Il affirme avoir informé la vérificatrice de l’existence de l'entente du 24 décembre 2004, mais avoue ne pas avoir produit le document lors de la vérification. Questionné sur sa raison d'acheter le terrain, il a affirmé que son but était d’investir tandis que l’appelante a affirmé qu’elle voulait y construire une résidence. L’appelant a longuement hésité avant de reconnaître cette divergence.

 

[24]  La vérificatrice à l’Agence du revenu a témoigné ne pas avoir vu ni reçu l’entente du 24 décembre 2004 avant son dépôt en preuve à l’audience, soit l'entente qui traite des arrangements pris par les appelants concernant leurs droits respectifs de co‑propriété de leur résidence. Elle a demandé à l'appelant, lors d’une entrevue avec ce dernier, s’il avait un document en sa possession pouvant faire la lumière sur la question de son état civil par rapport à l’appelante et s'il y avait une quelconque entente convenue entre eux portant sur l'apport de l'appelant lors de l'acquisition de la résidence. L'appelant n'a produit aucun document sur ces questions. La vérificatrice a également témoigné que, lors de l’entrevue initiale, monsieur Leblanc lui aurait affirmé qu’il partageait l’épicerie avec l’appelante, qu’ils sortaient ensemble, qu’ils allaient au restaurant ensemble et qu’ils prenaient leurs vacances ensemble. Monsieur Leblanc lui aurait aussi affirmé qu’il n’avait plus l’intention de vendre la propriété, ce qui a amené la vérificatrice à conclure que les appelants vivaient en couple.

 

[25]  Le terme « conjoint de fait » est défini au paragraphe 248(1) de la Loi sur l’impôt sur le revenu comme suit :

 

Quant à un contribuable à un moment donné, personne qui, à ce moment, vit dans une relation conjugale avec le contribuable et qui, selon le cas :

 

  • a) a vécu ainsi tout au long d’une période d’un an se terminant avant ce moment;

  • b) est le père ou la mère d’un enfant dont le contribuable est le père ou la mère, compte non tenu des alinéas 252(1)c) et e) ni du sous-alinéa 252(2)a)(iii).

[. . .]

 

[26]  Plusieurs décisions ont porté sur la question de savoir si deux personnes étaient des « conjoints de fait » afin d’établir si elles vivaient séparément sous le même toit ou si elles avaient une relation conjugale. Le juge O’Connor, de notre Cour, dans la décision Benson c. La Reine, no 202-436(IT)I, a repris les critères établis dans l’arrêt Molodowich c. Penttinen (1980), 17 R.F.L. (2d) 376, et ensuite repris dans Kelner c. Canada, no 94-868(IT)I, [1995] A.C.I. no 1130, Rangwala c. Canada, no 2000-993(IT)I, [2000] A.C.I. no 624, et Roby c. Canada, no 2001-3029(IT)I, [2001] A.C.I. no 801. Ces critères sont les suivants :

 

  1.  Logement

  a.  Les intéressés vivaient-ils sous le même toit?

  b.  Couchaient-ils dans le même lit?

  c.  Y avait-il quelqu’un d’autre qui habitait chez eux?

 

  2.  Comportement sexuel et personnel

  1. Les intéressés avaient-ils des rapports sexuels? Si non, pourquoi?

  2. Étaient-ils fidèles l’un à l’autre?

  3. Quels étaient leurs sentiments l’un pour l’autre?

  4. Existait-il une bonne communication entre eux sur le plan personnel?

  5. Prenaient-ils leurs repas ensemble?

  6. Que faisaient-ils pour s’entraider face aux problèmes ou à la maladie?

  7. S’offraient-ils des cadeaux à des occasions spéciales?

 

  1. Services

Comment les intéressés agissaient-ils habituellement en ce qui concerne :

  1. La préparation des repas;

  2. Le lavage et le raccommodage des vêtements;

  3. Les courses;

  4. L’entretien du foyer;

  5. Les autres services ménagers?

 

 

4.  Relations sociales

  1. Les intéressés participaient-ils ensemble ou séparément aux activités du quartier et de la collectivité?

  2. Quelle était la nature des rapports de chacun d’eux avec les membres de la famille de l’autre et comment agissaient-ils envers ces derniers, et inversement, quel était le comportement de ces familles envers les intéressés?

 

5.  Attitude de la société

  1. Quelle attitude et quel comportement la collectivité avait-elle envers les intéressés, considérés individuellement et en tant que couple?

 

  1. Soutien (économique)

a.  Quelles dispositions financières les intéressés prenaient-ils pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie (vivres, vêtements, logement, récréation, etc.) ou de contribuer à les fournir?

b.  Quelles dispositions prenaient-ils relativement à l’acquisition et à la propriété de biens?

c.  Existait-il entre eux des arrangements financiers particuliers que tous deux tenaient pour déterminants quant à la nature de leurs relations globales?

 

  1. Enfants

a.  Quelle attitude et quel comportement les intéressés avaient-ils à l’égard des enfants?

 

[27]  Il est précisé dans la décision Rangwala, précitée, que chacun des critères doit recevoir le poids qu’il convient de lui accorder dans le contexte de chaque cause particulière afin que l’on puisse déterminer si une relation conjugale existe ou non.

 

[28]  Le juge en chef Bowman, dans la décision Roby, précitée, devait trancher la question de savoir si deux conjoints vivaient séparés afin de décider si l’appelant avait droit à la prestation fiscale canadienne pour enfants ainsi qu’au crédit équivalent pour personne entièrement à charge. Voici ce qu’il disait :

 

[7] Dans l'affaire Kelner c. La Reine, C.C.I., no 94-868 (IT)I, 29 septembre 1995 ([1996] 1 C.T.C. 2687), j'ai passé en revue la jurisprudence qui existe dans ce domaine et j'ai conclu qu'il était possible que des époux vivent "séparés" tout en demeurant sous le même toit. Cette proposition est inattaquable sur le plan du droit, mais, sur le plan des faits, il est toujours nécessaire de produire une preuve convaincante. Dans les affaires Rangwala c. La Reine, C.C.I., no 2000-993 (IT)I, 19 septembre 2000 ([2000] 4 C.T.C. 2430), et Raghavan c. La Reine, C.C.I., no 2000-2088 (IT)I, 26 avril 2001 ([2001] 3 C.T.C. 2218), la juge Campbell en est arrivée à la même conclusion.

 

[8] On ne fait certainement pas erreur en prenant comme point de départ la décision rendue par le juge Holland dans l'affaire Cooper v. Cooper (1972), 10 R.F.L. 184 (H.C. de l'Ont.), où il a déclaré à la page 187 :

 

[TRADUCTION]

 

Peut-on dire que les parties en cause en l'espèce vivent séparées? Nul doute que des époux qui vivent sous le même toit peuvent aussi vivre séparés l'un de l'autre dans les faits. Le problème a souvent été examiné dans le cadre de litiges fondés sur le sous-alinéa 4(1)e)(i) de la Loi sur le divorce, et, généralement parlant, les juges en sont arrivés à la conclusion que les parties vivaient séparées lorsque les circonstances suivantes étaient présentes :

 

  • (i) Les conjoints occupent des chambres à coucher distinctes.

  • (ii) Les conjoints n'ont pas de relations sexuelles.

  • (iii) Il y a peu de communication entre les conjoints, pour ne pas dire aucune.

  • (iv) La femme n'effectue pas de travaux ménagers pour le mari.

  • (v) Les conjoints prennent leur repas séparément.

  • (vi) Les conjoints n'ont pas d'activités sociales communes.

 

Voir les affaires Rushton v. Rushton (1968), 1 R.F.L. 215, 66 W.W.R. 764, 2 D.L.R. (3d) 25 (C.-B.); Smith v. Smith (1970), 2 R.F.L. 214, 74 W.W.R. 462 (C.-B.); Mayberry v. Mayberry, [1971] 2 O.R. 378, 2 R.F.L. 395, 18 D.L.R. (3d) 45 (C.A.).

 

[9] La juge Campbell et moi-même avons tous deux considéré que ces critères constituent un guide utile, quoiqu'ils ne soient nullement exhaustifs et qu'aucun d'eux ne soit déterminant. Je suis enclin à souscrire aux observations formulées par le juge Wilson dans l'affaire Macmillan-Dekker v. Dekker, 4 août 2000, dossier 99-FA-8392, et citées par la juge Campbell dans l'affaire Rangwala, à la page 7 (C.T.C: aux pages 2435 et 2436) :

 

[TRADUCTION]

 

Se basant sur une synthèse de la jurisprudence, la Cour a établi une liste faisant état de sept facteurs à utiliser pour déterminer si une union conjugale existe ou existait. Ces questions d'organisation permettent au juge présidant un procès de voir la relation globalement pour déterminer si les parties vivaient ensemble comme conjoints. Le fait de tenir compte de ces sept facteurs permettra d'éviter que l'accent soit mis à tort sur un facteur à l'exclusion d'autres facteurs et de faire en sorte que tous les facteurs pertinents soient pris en considération.

 

[…]

 

Je conclus qu'il n'y a pas un seul et unique modèle statique d'union conjugale ou de mariage. Il y a plutôt un groupe de facteurs reflétant la diversité des unions conjugales et mariages qui existent dans la société canadienne moderne. Chaque cas doit être examiné selon les faits objectifs qui lui sont propres.

 

[10] Tenant donc compte du fait qu'aucun facteur ne doit l'emporter sur les autres et que c'est la relation globale qui est en dernière analyse l'élément déterminant, peut-on dire que les époux en l'espèce vivaient séparés pour cause d'échec de leur mariage?

 

[29]  Comme je l’ai déjà mentionné dans d’autres décisions, je reconnais d’emblée qu’il est possible pour deux personnes non mariées de vivre sous le même toit sans être pour autant des conjoints de fait tout comme il est possible pour des ex-époux d’être « séparés » tout en vivant sous le même toit. Comme l’a dit le juge Bowman, cette proposition est inattaquable sur le plan du droit, mais, sur le plan des faits, il est toujours nécessaire à la partie qui l’allègue de fournir une preuve convaincante.

 

[30]  Il incombe donc aux appelants de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils n’étaient pas des conjoints de fait au sens de la Loi pendant les années de base en question. L’appelante a soutenu que l’appelant habite avec elle pour la protéger contre son ancien conjoint parce que celui-ci lui fait peur. Elle a également soutenu que sa relation avec l’appelant était purement une relation d’affaires en ce qui concerne l’achat et la vente d’un terrain et l’achat subséquent de la résidence qu’ils possèdent en co-propriété. Chacun veille à son propre intérêt.

 

[31]  De son côté, l’appelant a affirmé être célibataire et complètement indépendant par rapport à l’appelante. Il a réitéré que sa participation à l’achat de la résidence à Blainville est purement un investissement et qu’il peut vendre à n’importe qui sa part en tout temps.

 

[32]  L’avocate de l’intimée a soulevé certaines contradictions dans la preuve des appelants et a souligné l’invraisemblance de leur version de leur relation globale.

 

[33]  Est-ce que l’ensemble de la preuve en l’espèce appuie de façon prépondérante la prétention des appelants? À cette question, je dois répondre qu’à mon avis la preuve fournie par les appelants n’est pas suffisante ni convaincante.

 

[34]  L’appelante a beaucoup insisté sur son besoin de sécurité vis-à-vis de son ancien conjoint à qui elle devait confier les enfants à raison d’une fin de semaine sur deux. L’appelant lui a donc rendu service et étant présent à ces occasions. L’appelante nous a relaté que c’est progressivement que le déménagement de l’appelant s’est fait chez elle, mais la preuve ne nous révèle pas pourquoi il était nécessaire pour l’appelant d’emménager chez l’appelante. Était-ce nécessaire pour des raisons de sécurité? Il n’y a pas de preuve que l’ancien conjoint pouvait faire éruption chez l’appelante à tout moment ou qu’il posait un danger constant. Le danger que posait l’ancien conjoint de l’appelante n’était sûrement pas imminent puisque l’appelant a remis à plus tard son emménagement chez l’appelante en raison de la situation familiale qui existait chez ses parents et qui a fait en sorte qu’il n’a emménagé qu’en mai 2003. La présence régulière de l’appelant ne me paraît pas si nécessaire que le prétend l'appelante.

 

[35]  Lorsque l’appelant a finalement emménagé chez l’appelante, ce dernier a investi de son temps et de l’argent en matériaux afin d’aménager le sous-sol. Ces dépenses devaient remplacer le paiement d’un loyer à l’appelante, sauf que le montant des dépenses n’a jamais été convenu et la durée de cette entente n’a jamais été établie. Il est difficile, à mon avis, devant cet état de choses, de prétendre que la relation entre les appelants n’était qu’une relation d’affaires où l’appelant devait jouer un rôle de garde du corps.

 

[36]  Je ne peux ignorer non plus les thèses divergentes des parties face à l’achat du terrain en co-propriété. L’appelante l’aurait acheté dans le but d’y construire une résidence alors que l’appelant a affirmé dit qu’il s’agissait d’un investissement et qu’il envisageait une revente possible. Son hésitation marquée lorsque cette divergence a été portée à son attention laisse planer un doute sur la crédibilité de sa version des faits. Il est vrai que le terrain fut vendu, mais ce serait parce qu’ils ne pouvaient financer la construction d’une résidence.

 

[37]  Il est surprenant de constater que l’entente conclue par les parties le 24 décembre 2004 visant leurs droits respectifs de co-propriétaires de la résidence de Blainville n’a fait surface qu’à l’audience et que les appelants n’ont pas cru bon de la produire avant. Il est aussi étrange qu’une telle entente ait été signée deux jours après l’achat. Un investissement d’une telle importance entre deux associés se négocie habituellement avant l’achat. De plus, il est évident que cette entente ne protège que la mise de fond des appelants. En cas de décès ou de retrait de l’un des co-propriétaires, la partie restante de l’hypothèque serait assumée par l’autre en totalité, mise à part la mise de fond. Qu’arriverait-il par exemple de l’actif de chacun et de l’appréciation de la résidence dans une telle situation?

 

[38]  L’appelante voulait une résidence dans un quartier convenable pour y élever ses enfants. L’appelant de son côté a parlé d’investissement. Comment peut-on expliquer l’existence d’un tel arrangement en présence de telles divergences? À mon avis, il y a ici autre chose qu’une simple relation d’affaires.

 

[39]  L’appelante a soutenu que la désignation de l’appelant comme « conjoint » sur la fiche d’inscription de la fille de l’appelante en date du 2 septembre 2005 est une erreur et que c’est la seule fois sur douze où cette erreur a été commise. Il est vrai que les quatre autres fiches d’inscription produites indiquent que l’appelante est la personne à contacter. Je crois cependant qu’il s’agit effectivement d’une erreur mais que l’erreur concerne la description du lien de l’enfant avec l’appelant.

 

[40]  Les appelants n’ont donc pas réussi à s’acquitter du fardeau de la preuve qui leur incombait. Ils n’ont pas réussi à me convaincre selon la prépondérance des probabilités qu’ils ne sont pas des conjoints de fait. Je crois cependant que cette relation n’a débuté qu’en mars 2003 lorsque l’appelant a emménagé chez l’appelante de façon permanente. Le calcul des paiements en trop devra être révisé en fonction de cette date. Les appels des avis de détermination et des cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 sont accueillis en partie et le tout est déféré au ministre du Revenu national

 

 

 

 

pour nouvel examen, nouvelles déterminations et cotisations selon les présents motifs.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de janvier 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 


RÉFÉRENCE :  2007CCI7

 

Nº DES DOSSIERS DE LA COUR :  2007-1931(IT) et 2007-1940(IT)I

 

INTITULÉS DES CAUSES :  Mario Leblanc et Sa Majesté La Reine

  Marie Thérèse Kateb et Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  le 26 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :  L'honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :  le 29 janvier 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelants :

 

les appelants eux-mêmes

Avocate de l'intimée :

 

Me Christina Ham

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

  Pour les appelants:

 

  Nom : 

 

  Cabinet :

 

 

  Pour l’intimée :  John H. Sims, c.r.

  Sous-procureur général du Canada

  Ottawa, Canada

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.