Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 1999-664(IT)I

ENTRE :

JOHN FOSTER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Douglas Atherton (1999-758(IT)I)

les 17, 18, 19, 20 janvier 2006, les 8, 9, 10, 11, 12 mai 2006,

les 16, 17, 18 octobre 2006 et le 25 avril 2007 à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :

Mes Dany Leduc et Marie-Andrée Legault

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année d'imposition 1988 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2007.

 

 

 

« François Agners »

Juge Angers


 

 

 

Dossier : 1999-758(IT)I

ENTRE :

DOUGLAS ATHERTON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de John Foster (1999‑664(IT)I)

les 17, 18, 19, 20 janvier 2006, les 8, 9, 10, 11, 12 mai 2006,

les 16, 17, 18 octobre 2006 et le 25 avril 2007 à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :

Mes Dany Leduc et Marie-Andrée Legault

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année d'imposition 1988 est rejeté, et l'appelant Atherton doit verser à l'intimée un montant de 3 000 $ à titre de dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2007.

 

 

 

« François Anger »

Juge Angers


 

 

 

Référence : 2007CCI659

Date : 20071205

Dossiers : 1999-664(IT)I

1999-758(IT)I

ENTRE :

JOHN FOSTER,

DOUGLAS ATHERTON,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DES JUGEMENTS

 

Le juge Angers

 

[1]     Ces appels ont été entendus sur preuve commune. Les appelants en appellent de leur cotisation respective établie pour l’année d’imposition 1988 par le ministre du Revenu national (le « ministre »). La cotisation de l’appelant Foster est en date du 29 avril 1992 et celle de l’appelant Atherton est en date du 19 mai 1992. Les deux appelants se sont vus refuser un crédit d’impôt à l’investissement qu’ils avaient demandé, soit un montant de 2 000 $ pour un investissement de 9 993 $ de la part de l’appelant Foster et un montant de 4 000 $ pour un investissement de 19 997 $ de la part de l’appelant Atherton. Ces deux investissements ont été effectués dans la société Système ALH Enr. (ci‑après ALH), une société de personnes ayant effectué des travaux de recherche scientifique et de développement expérimental (ci‑après RS & DE) que le ministre ne reconnaît pas. Je tiens à souligner que l’appelant Foster ne s’est présenté qu’au début et à la fin de l’audience, laissant ainsi à l’appelant Atherton le soin de s’occuper du dossier.

 

[2]     Il faut aussi signaler que les appelants avaient respectivement déclaré, à titre de pertes d’entreprise pour la même année d’imposition, le montant complet de leurs investissements. Cette perte n’a pas été refusée par le ministre à l’époque de la vérification, de sorte que le seul point en litige dans les présentes instances est celui de savoir si les appelants ont droit aux crédits d’impôt à l’investissement.

 

[3]     Malgré le fait que le Ministre ait accordé aux appelants le droit de déduire leurs pertes d’entreprise, les avocats de l’intimée soutiennent que les appelants n’étaient pas membres d’une société de personnes, et que la société n’a pas exploité d’entreprise. Dans l'alternative, l’intimée soutient que les appelants étaient soit des associés déterminés commanditaires, au sens du paragraphe 96(2.4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et de la définition d’associé déterminé au paragraphe 248(1), soit des associés déterminés passifs au sens de la définition d’associé déterminé au paragraphe 248(1). L’intimée ne cherche pas à augmenter les deux cotisations en litige mais soulève ces nouveaux arguments à l’appui des cotisations. Cette façon de faire a été reconnue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada c. Loewen, 2004 CAF 146, et est fondée sur le paragraphe 152(9) de la Loi.

 

[4]     Ces nouveaux arguments ont été soulevés dans la Réponse à l’avis d’appel en date du 23 mars 1999 et ils ont fait l’objet de plusieurs dossiers devant la Cour de sorte que ces allégations factuelles ne constituent pas un élément nouveau dans le cheminement de ces dossiers. L’intimée est justifiée également de soulever ces nouveaux arguments puisque la Cour n’est pas liée par une admission sur des faits qui ne serait pas appuyée par la preuve.

 

[5]     L’appelant Foster a investi dans des projets de RS & DE en 1988 et en 1989 par l’entremise de son courtier. Dans son témoignage, il a admis n’avoir jamais assisté à une réunion des associés d’ALH et ne pas avoir participé en aucun temps à quelque projet de recherche de la société. Sa seule participation a été au niveau de son investissement initial que j’arrondis à 10 000 $. Son offre de participation comme associé dans ALH a été signée à Montréal au bureau de son courtier. L’offre de participation indique cependant qu’il s’agit d’une société enregistrée en vertu des lois de l’Ontario et que l’offre a été signée à Ottawa (Ontario), le 13 octobre 1988 et ce malgré le fait que l’appelant Foster ne soit pas allé à Ottawa pour signer ce document. L’appelant Foster faisait des affaires par l’intermédiaire de son courtier et ce dernier s’occupait de ses déclarations de revenu. Il affirme ne pas connaître les autres associés d’ALH et croit qu’ils étaient environ une centaine. Il n’a pas pu reconnaître la documentation annexée à sa déclaration de revenu pour 1988. En fait, il a investi dans ALH en 1988, mais les états financiers joints à sa déclaration de revenu sont ceux d’une autre société, soit la société d’informatique A.H.D. Enr.

 

[6]     L’appelant Foster croyait toujours détenir une participation dans ALH lorsqu’il a témoigné, mais la documentation déposée en preuve montre qu’il a vendu sa participation pour la moitié du prix qu’il l’avait payée dans les quelques mois qui ont suivi l’achat. Comme l’appelant Foster a déclaré une perte de placement dans son année d’imposition 1988, a obtenu les crédits d’impôt à l’investissement (CII) et a récupéré la moitié de la valeur de sa participation lorsqu’il l’a vendue l’année suivante, il en résulte que l’appelant Foster a obtenu un rendement d’environ 20% sur son investissement initial. ALH avait investi dans de la RS & DE, mais il ne sait pas combien de temps devait durer cette recherche et, en fait, il n’a jamais reçu d’information concernant de la RS & DE à partir du moment où il a effectué son placement jusqu’à la date de l’audience.

 

[7]     De son côté, l’appelant Atherton a fait le même genre de placement. Il a pris connaissance de la RS & DE, du projet d’ALH qu’il trouvait intéressant et utile pour son employeur à l’époque et de l’avantage fiscal qu’un tel placement pouvait lui procurer. Il a d’ailleurs fait le même genre de placement jusqu’en 1992, soit l’année où il a reçu l’avis de cotisation de Revenu Canada qui lui refusait les CII. Il avait signé une offre de participation le 1er octobre 1988 à l’effet qu’il achetait 20 000 participations dans la société ALH au prix de 1 $ chacune. Le document indique qu’il a été signé à Ottawa mais l’appelant n’est pas allé là pour le signer. Dans une résolution de la société d’ALH portant la même date, cette dernière confie à un dénommé Nguyen T. Dzung la responsabilité en tant que gestionnaire de réaliser son projet de recherche qui porte sur un prototype d’un système de formation assistée par ordinateur pour l’apprentissage de la communication interpersonnelle. L’appelant Atherton n’a rien eu à dire dans cette décision et il est le seul à avoir signé la résolution.

 

[8]     Le contrat de société d’ALH déposé en preuve (pièce A‑25, onglet 6) n’est pas signé. Les deux associés identifiés au contrat sont Nguyen T. Dzung et Susan Hann, tous deux de Calgary (Alberta). L’appelant Atherton a signé l’annexe le 30 décembre 1988 et le montant de sa participation y est inscrit. Il n’y a pas d’autre signature. L’appelant Atherton a déclaré qu’à cette époque il ne connaissait pas ces deux personnes.

 

[9]     Les états financiers d’ALH pour la période se terminant le 31 décembre 1988 indiquent que la société ALH est une société en nom collectif formée le 28 octobre 1988 mais cette fois-ci en vertu des lois de l’Alberta. La participation totale des associés est de 3 171 000 $. La société a payé en frais de RS & DE le montant correspondant à la perte déclarée.

 

[10]    Tout comme dans les autres projets dans lesquels l’appelant Atherton a investi, la totalité de sa participation a été vendue dans l’année suivante pour la moitié du prix qu’il avait payé. L’appelant Atherton a reçu des documents de recherche qui expliquaient la nature de la recherche et il a lui-même participé à quelques reprises au cours des années à la recherche en répondant à un questionnaire ou en exécutant certains travaux à l’ordinateur. Il n’a cependant pas été capable de retracer aucun document visant ses contributions. Questionné sur ce que la société ALH a fait en 1988, l’appelant Atherton a répondu qu’un représentant de la compagnie Zuniq Corporation devrait expliquer ça et que le Dr. Vohuang, son président, est le seul qui aurait pu vraiment fournir des réponses. Zuniq Corporation est la compagnie à qui ALH avait confié son projet de recherche. Le docteur Vohuang en était le président jusqu’à son décès en 1993.

 

[11]    L’appelant Atherton a témoigné qu’il avait été mis au courant qu’en tant qu’associé il était responsable des dettes de la société. Il reconnaît par contre ne pas avoir vérifié la situation financière de cette dernière. Il a investi parce qu’il trouvait le projet d’ALH intéressant pour son employeur et que le retour sur ses investissements était favorable. Son employeur ne lui a cependant jamais donné un mandat à ce sujet. Il reconnaît qu’à l’époque, il ne savait pas combien il y avait d’associés dans ALH, sauf six ou sept qui travaillaient pour le même employeur que lui. Aujourd’hui, il constate qu’il y en a en avait plus de 200. Il reconnaît aussi qu’ALH n’avait aucun plan d’affaires, que la société se fiait sur monsieur Dzung et madame Hann et que les activités d’ALH se limitaient à accorder un contrat de recherche à Zuniq Corporation, contrat qui fut d’ailleurs accordé avant même qu’il paie sa participation. Le capital recueilli pour réaliser le projet était décidé à l’avance par le Dr. Vohuang et l’appelant Atherton ne connaissait pas le montant total du contrat; il ne savait pas si ALH avait un compte de banque; il ne savait pas qui signait les chèques ou encore si les fonds d’ALH étaient bien gérés. Il n’y a jamais eu de réunion des associés.

 

[12]    Questionné en contre-interrogatoire sur la question à savoir qui était ALH, l’appelant Atherton a suggéré que la question soit posée à monsieur Dzung et au Dr. Vohuang. Il avoue avoir déclaré une perte d’entreprise, non pas parce qu’il était au courant des activités d’ALH, mais parce que quelqu’un lui a dit qu’il fallait déclarer des dépenses dans l’année, dont le contrat de recherche confié à Zuniq Corporation, pour avoir droit aux dépenses et ce, même si ALH n’a engendré aucun revenu en 1988.

 

[13]    Les états financiers d’ALH se terminant le 31 décembre 1988 indiquent un revenu de 18 000 $, mais l’appelant Atherton ne sait pas d’où provient ce revenu. En fait, il n’a jamais eu une copie de ces états financiers lorsqu’il était associé. Il reconnaît n’avoir jamais exercé de pouvoir décisionnel dans la gestion d’ALH et finalement, il déclare ne pas avoir été « en business » avec les 223 autres associés d’ALH. Il n’était, selon lui, qu’un simple investisseur. La vente de sa participation dans ALH et dans d’autres sociétés dans les années suivantes lui ont procuré un très bon rendement. Il avoue qu’il a réalisé en 1990-1991 que le tout n’avait pas grand bon sens. Il a cependant témoigné de son intérêt personnel pour quelques-uns de ces projets. Il a déclaré avoir participé un peu à ces projets mais ne peut expliquer pourquoi il finissait toujours par vendre la totalité de sa participation dans ces sociétés.

 

Zuniq Corporation et le Dr. Vohuang

 

[14]    Le Dr. Vohuang en question est un chercheur qui avait des projets de recherche nécessitant du financement. Étant dans l’impossibilité de financer sa recherche par des emprunts bancaires, il a décidé de financer ses recherches en faisant appel à des investisseurs privés. Étant donné qu’il voulait conserver la propriété intellectuelle de ses travaux, on lui a conseillé d’utiliser des sociétés en nom collectif. Pour éviter d’avoir des investisseurs passifs, le recours à des sociétés en nom collectif s’avérait intéressant en autant que les associés ne répondent pas à la définition d’associé déterminé, introduite en décembre 1987, ce qui semble expliquer certaines activités destinées aux associés.

 

[15]    Le Dr. Vohuang dirigeait la compagnie Zuniq Corporation et c’est à cette compagnie qu’étaient confiés les contrats de RS & DE des différentes sociétés en nom collectif, dont ALH et environ onze autres. Chacune d’entre elles recueillait des fonds et confiait un contrat de recherche à Zuniq Corporation pour le même montant et facturait les sociétés en conséquence. Tout cela se faisait dans un court laps de temps, soit entre la création de la société et le paiement du contrat de recherche, de sorte que la société dépensait pour la recherche la totalité des fonds recueillis en quelques mois. Zuniq Corporation préparait des informations variées sur le projet de recherche et les faisait parvenir aux associés mais la société en tant que telle ne faisait plus rien.

 

[16]    La sollicitation auprès des investisseurs potentiels se faisait par des présentations et il est évident, selon la preuve entendue, que l’emphase était principalement mise sur l’avantage fiscal que procurait un tel investissement. À titre d’exemple, on trouve dans la documentation déposée en preuve un tableau qui était remis aux investisseurs et qui explique le rendement potentiel d’un investissement de 10 000 $. On y voit un rendement potentiel de 6 819 $ une fois la perte d’entreprise déclarée, les CII demandés et la participation de l’associé vendue pour la moitié du prix payé. Dans un tel scénario, il y a donc un rendement de 1 819 $ sur un investissement initial de 10 000 $. L’acheteur des participations était Zuniq Corporation ou une de ses compagnies liées, lesquelles étaient toutes contrôlées par le Dr. Vohuang. Le rachat était fait dans le but de permettre à son acquéreur de conserver la propriété intellectuelle des activités de recherche et de développement. Le résultat final faisait en sorte que tous les participants étaient gagnants. Zuniq Corporation était gagnante parce que l’investissement des contribuables lui permettait de financer sa recherche et les investisseurs étaient gagnants parce qu’ils obtenaient un bon rendement sur leurs placements.

 

[17]    Il est évident que, pour que ce scénario puisse être intéressant pour les investisseurs, il fallait que Zuniq Corporation ou ses compagnies liées rachètent leur participation. Même si cette garantie n’était pas mise par écrit, il était clair, lors des présentations, qu’elle faisait partie de l’incitatif à investir et, d’ailleurs, presque toutes les participations furent achetées par Zuniq Corporation ou ses filiales.

 

[18]    Les investisseurs potentiels se voyaient également remettre un résumé du projet de recherche, le nom du personnel scientifique clé qui allait y travailler, le nom du personnel dirigeant et exécutant des différentes phases du projet et autres articles sur le sujet de la recherche confiée à Zuniq Corporation.

 

La vérification

 

[19]    Richard Bernier est chargé de projet à l’Agence du revenu. Il a reçu comme mandat la responsabilité de vérifier la validité de la RS & DE d’ALH et de Zuniq Corporation et de s’assurer que les montants investis avaient réellement été souscrits, donc de faire la vérification financière. Il a répertorié une liste de sociétés créées durant les années de 1986 à 1988 inclusivement et 12 sociétés ont présenté des projets de RS & DE dont la sous-traitance avait été confiée à Zuniq Corporation ou à des sociétés liées à celle-ci. Il a également monté un tableau de leur fonctionnement par rapport à Zuniq Corporation et a identifié les principaux intervenants. Compte tenu du nombre de sociétés créées à cette époque qui demandaient des CII, Revenu Canada a poussé plus loin sa vérification, particulièrement en ce qui concerne la validité des projets de RS & DE.

 

[20]    Monsieur Claude Papion a témoigné à titre d’expert en informatique. Ce dernier a été retenu par Revenu Canada dès juin 1987 à titre d’aviseur scientifique externe dans le but d’évaluer l’admissibilité au crédit d’impôt des activités de RS & DE déclarées par les entreprises privées. Il recevait, le 15 mars 1991, le mandat de procéder à l’évaluation des demandes concernant les activités de recherche scientifique d’ALH et les travaux accomplis durant l’année 1988 en vertu des critères élaborés à l’article 2900 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement »). Trois critères essentiels étaient retenus par Revenu Canada dans la Circulaire d’information 86-4RZ, soit le critère de l’avancement de la science ou de la technologie, le critère de l’incertitude scientifique ou technologique et le critère du contenu scientifique ou technique.

 

[21]    Monsieur Papion s’est donc vu remettre toute la documentation disponible par Zuniq Corporation à la suite d’une demande explicite de Revenu Canada à cet effet. Sa première constatation en examinant la Formule T661, soit la demande de déduction pour les dépenses de RS & DE, est que la période visée est du 28 octobre au 31 décembre 1988 et que la dépense est de 3.1 millions de dollars. Il témoigne qu’une telle dépense pour un aviseur scientifique correspond au salaire de 60 personnes par année.

 

[22]    Le projet d’ALH s’appelle INCOM et les premiers documents étudiés ne lui procuraient pas suffisamment d’éléments de base nécessaires (il y en a cinq) à son analyse. Monsieur Papion a donc demandé et reçu des documents supplémentaires. Selon cette nouvelle documentation, il conclut qu’en date du 12 février 1990, aucune recherche portant sur le projet d’ALH n’avait été amorcée, donc rien n’a été fait en 1988, et qu’il y a eu re-orientation de ce projet, mais que rien de cela ne répond aux éléments de base.

 

[23]    Monsieur Papion a donc demandé d’autres documents et a rencontré des représentants de Zuniq Corporation, dont le Dr. Vohuang, en septembre 1990. On lui a alors remis d’autres documents et on lui a expliqué que les travaux avaient commencé en mai 1990. Malgré cela, monsieur Papion est arrivé à la conclusion que, dans le projet d’ALH, il n’y avait que des documents qui démontraient ce qu’on voulait faire et non ce qui a été fait. Il ne voyait aucune incertitude technologique véritable à résoudre ni aucun travail entrepris pour l’avancement de la science. Il n’y avait aucune information indiquant qui avait fait quoi, rien sur le personnel ayant participé au projet, rien sur le critère du contenu technologique, alors qu’il fallait établir une description fidèle du progrès technologique accompli. On lui a soumis d’autres renseignements mais sa conclusion initiale n’a pas changé. Il a conclu que le projet INCOM d’ALH n’est pas admissible. Chose étonnante, c’est que dans son évaluation des différents projets de recherche des autres sociétés en nom collectif, il a retrouvé les mêmes documents que ceux soumis pour le projet d’ALH!

 

[24]    Questionné sur le fait qu’on ait remis des questionnaires à certains investisseurs avec disquettes et autres documents, monsieur Papion a répondu qu’il s’agissait de documents de base tels qu’utilisés dans les Cégeps à l’époque. Il n’a vu aucune preuve autre que des choses bien simples mais rien ayant rapport à la nature des investissements.

 

[25]    Somme toute, monsieur Papion a fourni des explications très claires et très précises. Il n’a rien vu dans le projet INCOM d’ALH qui puisse répondre aux critères d’admissibilité d’un projet de recherche et de développement ouvrant droit à un crédit d’impôt à l’investissement en vertu des dispositions législatives.

 

[26]    Une fois les nouveaux avis de cotisation établis, les associés de neuf des sociétés se sont opposés aux cotisations. Les oppositions ont été traitées par madame Sonia Borin, agente d’opposition à l’époque. La raison de l’opposition était évidemment le refus des CII. Vu la nature de la recherche et le nombre de sociétés en nom collectif en cause, elle a demandé une expertise d’un consultant, soit monsieur George White. Son rapport et ses conclusions ont d’ailleurs été déposés en preuve par l’appelant. La conclusion de monsieur White sur le projet ALH et celui de six autres sociétés en nom collectif est que ces projets ne répondent pas à la définition de recherche scientifique et développement expérimental selon les critères du Règlement.

 

[27]    La première constatation de madame Borin lors de son étude des dossiers était le degré de similitude entre les sociétés en question. Voici ce qu’elle dit à ce sujet (Voir les notes sténographiques, page 10) :

 

      R.   Il y avait plusieurs similarités dans toutes les sociétés, les neuf sociétés pour lesquelles j'avais reçu des avis d'opposition. Premièrement, les associés dans ces sociétés-là devenaient membres des sociétés peu de temps précédant la fin du seul et unique exercice financier de cette société-là. Puis peu de temps, ça peut aller de quelques jours avant la fin de l'exercice financier à quelques semaines, voire un mois ou deux, au plus tard, généralement. Ensuite, tous les associés — toutes les sociétés, c'est‑à‑dire, dans les jours qui suivaient la création de la société, dans les jours ou les quelques semaines qui suivaient, là, ont accordé, la société ont accordé des contrats de recherche à Zuniq Corp., pour effectuer la recherche; ou encore, là, dans le cas de la société numéro 9, S.E.D. à Gestion DAC, qui était aussi une compagnie liée à Zuniq de par le fait qu'ils avaient le même actionnaire, monsieur Vohuang. Le montant payé pour ce contrat de recherche‑là correspondait à la totalité ou presque totalité des mises de fonds reçues par la société des investisseurs. Toutes les sommes qui ont été dépensées par la société, l'ont été à titre de dépense de recherche et développement. La perte de la société était égale ou quasi égale aux mises de fonds reçues des investissements puis des crédits d'impôt à l'investissement ont été attribués aux associés.

 

            Ensuite, dans les jours ou les semaines qui suivaient la fin du seul et unique exercice financier de la société, une compagnie, comme une corporation qui était reliée à Zuniq, rachetait les parts des associés, pour un montant qui équivalait entre cinquante (50 %) et soixante pour cent (60 %) de la mise de fonds initiale des investisseurs, dépendant des sociétés.

 

            Ensuite, comme je mentionnais, il y a eu un seul état financier produit par la société, correspondant à l'année de l'investissement, aucune autre activité subséquente dans la société, dans aucune des sociétés. Finalement, les adresses des sociétés étaient toutes à peu près, étaient toutes au même endroit. Il y avait quelques adresses différentes mais généralement la société se trouvait où Zuniq se trouvait.

 

            Puis finalement, ce que je pouvais dire, c'est que c'est toujours les mêmes acteurs qui étaient impliqués, qui gravitaient autour de ces sociétés-là. Puis ces acteurs‑là étaient, étaient reliés à Zuniq; il y avait Zuniq Corp, il y avait monsieur Vohuang, il y avait madame Vohuang, il y avait les compagnies Data Age, Dalat Investment, Système Inar, c'était toujours — et j'en passe quelques‑unes, c'était toujours les mêmes acteurs qui gravitaient autour.

 

[28]    Madame Borin a également fait une analyse de toute la documentation qui se trouvait au dossier de vérification pour chacune des sociétés et qui fait partie de la preuve. Le scénario pour chacune des sociétés est le même. Pour ce qui est du rachat des participations des associés d’ALH, on trouvait l’année du rachat pré-imprimé sur les formulaires de cession, soit 1989. Elle a aussi trouvé un document qui indiquait les rachats de participation des associés d’ALH en 1989 et on y trouve le nom des deux appelants. Chacun a vendu la totalité de sa participation pour la moitié du prix qu’il a payé.

 

[29]    Elle a également témoigné sur les états financiers des 9 sociétés qu’elle a examinées. L’exercice le plus court pour les neuf sociétés a été de 52 jours et le plus long de 11 mois. L’état financier d’ALH indique une perte de 3.1 millions de dollars au 31 décembre 1988 due aux frais de recherche scientifique après deux mois d’exploitation. La part des associés était de 3.1 millions de dollars mais les états financiers indiquent des souscriptions à recevoir de 2.4 millions de dollars alors que les documents de souscription indiquent que les participations devaient être payées, du moins la deuxième moitié de l’investissement, au plus tard le 15 décembre 1988. Les états financiers n’indiquent aucun actif ni passif, sauf ceux liés à la recherche. La dernière remarque vise le fait que les états financiers font référence à une société en nom collectif créée le 28 octobre 1988 en vertu des lois de l’Alberta alors que le contrat de société fait référence à une société en nom collectif créée en vertu des lois de l’Ontario.

 

[30]    La conclusion à laquelle madame Borin est arrivée se trouve dans son rapport sur opposition (pièce R‑2, onglet 2). Elle a cependant résumé le tout lors de son témoignage. Les explications constituent le fondement des cotisations concernant les appelants, les associés d’ALH et les associés des autres sociétés en nom collectif. Je reproduis ci-après une partie de son témoignage sur ces questions.

 

                  R.   Puis comme conclusions, ce qu'on retrouve, puis je ne les ferai pas dans l'ordre, là, où elles sont indiquées. Premièrement, bien, la première conclusion, c'est qu'aucun crédit d'impôt à l'investissement n'est permis. Et ça, c'est, je vous réfère à ma conclusion D, à la page 10. Donc aucun crédit d'impôt à l'investissement n'est permis, parce que les activités effectuées ne se qualifient pas aux fins du règlement 2900, suite à la conclusion de monsieur Papion et à la... Et, que ça été confirmé par le deuxième scientifique qui était monsieur White.

 

            Alternativement, après avoir regardé toutes ces sociétés-là, toutes les neuf sociétés, j'en suis venue à d'autres conclusions aussi. J'ai conclu que même si la recherche était admissible en vertu du règlement 2900, que la société et ses investisseurs n'auraient pas droit au crédit d'impôt à l'investissement et à la dépense de recherche et développement, parce que il n'y a pas de société, il n'y a pas d'existence légale de la société puis il n'y a pas d'exploitation d'entreprise de la prétendue société. Ces deux conclusions-là, vous allez les retrouver à la conclusion A, à la page 9, et à la conclusion B, qui est aux pages 9 et 10.

 

[...]

 

      Q.  Quels étaient les indices qui vous ont permis de conclure à votre niveau à vous, là, que il n'y avait pas d'existence de la société puis que la société n'exploitait pas d'entreprise?

 

      R.   Après avoir regardé tous ces documents-là, les motifs qui m'ont fait conclure ça, c'était que les sociétaires, ils n'avaient pas l'intention de travailler ensemble afin de produire, de faire produire des bénéfices et d'exploiter une entreprise, pour les raisons suivantes : que les sociétaires, c'était des gens de métiers et de professions différentes, qui ne se connaissaient pas; qu'il y a, dans cette société-là, il y a eu un seul exercice financier, qui a duré deux mois, où la seule activité des investisseurs a été de faire une mise de fonds. Ensuite, que dans les sociétés que j'ai regardées, entre autres ALH, il n'y avait pas de revenu dans les sociétés, ou s'il y avait un revenu il provenait de sociétés, c'était des frais de consultation d'une société liée, là, souvent c'était ça, ceux que j'ai pu retracer. Que les seules dépenses qui ont été faites sont reliées à la recherche et développement ou à la prétendue recherche; que ces dépenses sont égales aux investissements, qu'il n'y a aucun autre actif ou passif dans ces sociétés-là. Puis les investisseurs ont été rachetés dans les semaines ou dans les jours suivant la fin du seul et unique exercice financier puis dans ces sociétés-là, ils ont été rachetés entre cinquante et soixante pour cent (50 60 %) de la valeur de leur investissement initial, dans le cas d’ALH à cinquante pour cent (50 %), sauf certaines exceptions qui l'ont été à cinquante-cinq (55 %).

 

            J'en ai conclu que le seul rôle des associés avait été d'investir. Puis pour être déductible en vertu de l'article 37 comme dépense de recherche et développement et donner ensuite droit au crédit d'impôt à l'investissement, la dépense doit être encourue par un contribuable qui exploite une entreprise. Donc puisque la société n'a pas d'existence légale et n'exploite pas une entreprise, la dépense en vertu de l'article 37 n'est pas admissible. Ça n'ouvre donc pas droit au crédit d'impôt à l'investissement et ça ne devrait pas non plus ouvrir droit à la perte d'entreprise.

 

            En plus, autre conclusion, s'il advenait qu'il était décidé que la société existe et qu'ils exploitent une entreprise, j'en conclus que les associés n'auraient toujours pas droit au crédit d'impôt à l'investissement, parce que les associés peuvent être considérés à titre d'associé passif et ça, j'en parle à ma conclusion B, à la deuxième partie de ma conclusion B. Et la raison pour laquelle je dis ça, c'est qu'ils n'ont pas pris part de façon régulière, continue et importante aux activités de l'entreprise.

 

            Pourquoi je dis ça? Parce qu'il y a eu une courte période de détention, que la seule participation des associés a été d'investir. Il n'y a eu aucune autre preuve de participation. Cependant, s'ils étaient associés passifs, ils pourraient avoir droit à la perte et perte qui a déjà été accordée par ailleurs. Donc ils n'auraient pas droit tout de même au crédit d'impôt à l'investissement.

 

            Puis en plus d'être passifs, les associés sont d'après moi aussi les associés commanditaires, et ça, c'est ma conclusion E, qu'on retrouve aux paragraphes aux pages 10 et 11, pardon, que les associés sont des associés commanditaires, parce qu'ils étaient en droit de recevoir un montant qui venait limiter leur risque. Ce montant-là, c'était le produit de disposition, suite au rachat de leurs parts. Et j'ai vu les formulaires de cession où on voit une année qui est préimprimée, qui me portait à croire que au moment de l'achat, la cession se faisait en 89; que les rachats ont été faits entre cinquante, cinquante et soixante pour cent (50 60 %) de l'investissement initial et ce, sans tenir compte de la juste valeur marchande des participations à cette date. Puis la juste valeur marchande des participations à cette date, si on prend la part des investisseurs, moins la perte de la société à l'année 1, on se retrouve avec zéro. Puis en plus, les dates d'achat et de rachat étaient très rapprochées. Donc ma conclusion à ça, c'est qu'ils n'auraient pas droit au crédit d'impôt à l'investissement et pas droit à la perte.

 

      Q.  Ma compréhension toutefois, là, dans votre témoignage, c'est que à votre niveau, la perte a été admise mais à titre, en fait ça a été fait au niveau de la vérification puis ça n'a pas été changé à votre niveau, elle a été admise à titre d'une perte d'entreprise autre?

 

      R.   Exact.

 

      Q.  Dans votre cas, pourquoi vous n'avez pas modifié cette conclusion-là si à votre avis il n'y avait pas de société puis il n'y avait pas d'entreprise?

 

      R.   C'est parce que les années à ce moment-là étaient autrement prescrites, donc on ne fait pas un ajustement à une année autrement prescrite. Donc finalement pour en conclure, que tous les renseignements que j'ai vus me portent à croire que ces sociétés-là, c'était du trompe-l'œil. C'est ce que je dis à ma conclusion C, à la page 10, pour la raison que ces sociétés-là, entre autres ALH, n'avaient aucune raison d'être sauf comme un outil pour générer des avantages fiscaux puis comme outil de financement pour les activités de Zuniq.

 

[...]

 

[31]    Plusieurs témoins ont été appelés à témoigner par l’appelant Atherton. La participation et l’intérêt de quelques uns de ces témoins dans le projet de recherche d’ALH ou des autres sociétés n’apportent rien qui puisse faire osciller la balance en faveur des appelants. En fait, quelques-uns des témoins appelés à la barre ont apporté des preuves qui appuient lourdement la position du Ministre.

 

[32]    Les questions en litige se résument aux questions que madame Borin a soulevé et auxquelles elle a répondu dans ses conclusions. Existe-t-il véritablement une société et, si oui, exploite-t-elle une entreprise? Est-ce que les appelants sont, le cas échéant, des associés déterminés, commanditaires de la prétendue société, au sens du paragraphe 96(2.4) de la Loi à un moment de l’année pertinente aux appels? Est-ce que les appelants sont, le cas échéant, des associés qui, de façon régulière, continue et importante tout au long de l’année visée où la prétendue société aurait exploité habituellement son entreprise, n’ont pas pris une part active dans les activités de l’entreprise de la prétendue société et n’ont pas exploité pas une entreprise semblable à celle que la prétendue société aurait exploité au cours de l’année visée, au sens de la définition de l’expression d’associé déterminé au paragraphe 248(1) de la Loi? Finalement, est-ce que les travaux présentés par la société ALH sont des activités de recherche scientifique et de développement expérimental en vertu de l’article 37 de la Loi et au sens du paragraphe 2900(1) du Règlement?

 

Analyse

 

[33]    Qu’il s’agisse du droit civil ou de la common law, les critères applicables à la création d’une société de personnes se traduisent par l’intention de chaque associé de poursuivre en commun, à même les apports de la société, la réalisation d’un bénéfice (voir Backman c. Canada, [2001] 1 R.C.S. 367 et Bourboin c. Savard, [1926] 40 B.R. 68. L’état du droit sur cette question a été précisé par la juge Lamarre de la présente Cour dans les passages suivants de la décision Carpentier c. La Reine, 2005 CCI 666, aux paragraphes 40, 41 et 42.

 

[40]      Dans l'arrêt Backman c. Canada, [2001] 1 S.C.R. 367, la Cour suprême du Canada a indiqué que « [...] pour statuer sur l'existence d'une société de personnes, les tribunaux doivent se demander si la preuve documentaire objective et les circonstances de l'affaire, notamment les actes concrets des parties, sont compatibles avec l'existence d'une intention subjective d'exploiter une entreprise en commun dans le but de réaliser un bénéfice » (page 382, paragraphe 25).

 

[41]      Ainsi, la preuve documentaire n'est pas le seul critère pour déterminer l'existence d'une société. Il faut vérifier si les gestes posés concrètement par les parties sont compatibles avec une telle intention subjective d'exploiter une entreprise en commun dans le but de réaliser un bénéfice (voir Witkin c. Canada, [2002] A.C.F. no 703 (Q.L.), au paragraphe 12, qui reprend Backman, précité).

 

[42]      De plus, lorsqu'il est établi que l'unique raison pour laquelle une société est mise sur pied est de conférer à un associé l'avantage d'une perte fiscale, alors que les parties n'envisagent nullement de tirer un bénéfice de l'exploitation de l'entreprise en cause, la société ne peut véritablement être considérée comme ayant été créée dans le but de réaliser un bénéfice (voir Continental Bank, précité au paragraphe 43).

 

[34]    J’ai fait l’examen de toute la documentation qui a été soumise en preuve visant la création de la société ALH et des autres sociétés et j’arrive à la même conclusion que madame Borin, à savoir qu’il n’y a pas de société, ni d’exploitation d’entreprise de la prétendue société ALH. Les associés n’ont jamais travaillé ensemble dans le but de réaliser un bénéfice. Ils ne se sont jamais réunis et ils ne se connaissaient pas. La prétendue société ALH n’a duré que quelques mois et la seule activité a été la mise de fonds des associés. Il n’y a pas eu de revenus ou très peu, et leur source est indéterminée. Les seules dépenses étaient liées à la recherche et développement. Les participations des associés ont toutes été rachetées dans les jours suivant le seul exercice financier de la prétendue société ALH à 50% de la valeur de l’investissement initial. Il ne peut s’agir, en l’espèce, que d’un investissement fait sans intention d’exploiter une entreprise.

 

[35]    En plus de la preuve documentaire, je ne peux ignorer les affirmations des appelants Atherton et Foster concernant leur rôle et leur participation dans la prétendue société ALH. L’appelant Foster, à toute fin pratique, ignorait tout de sa participation dans ALH. Il a tout fait par l’entremise d’un courtier, il ignorait si sa participation avait été rachetée ou non, il était incertain du montant investi initialement, il ne connaissait pas les autres associés, il ne savait pas combien il y en avait, il n’a jamais assisté à une réunion d’ALH, il ne savait rien à propos du projet de recherche d’ALH, de son progrès et des résultats, il ne connaissait personne ayant participé à la recherche ni ceux à qui on avait confié le projet de recherche, et j’en passe.

 

[36]    De son côté, l’appelant Atherton a bien affirmé qu’il ne pensait pas être en affaire avec les autres associés d’ALH, ni pensait-il qu’il exploitait une entreprise. En fait, il se considérait un investisseur. Il devient donc impossible d’attribuer à l’appelant Atherton une intention de former une société et de lui attribuer une intention d’exploiter une entreprise. À l’époque, il ne connaissait pas Susan Hann et Dzung Nguyen, les membres fondateurs de la prétendue société ALH. Il n’a eu rien à dire sur le choix du gestionnaire Dzung Nguyen, n’a pas vu d’étude de marché concernant ALH, ne savait pas si ALH avait des dettes, un compte de banque et j’en passe. Questionné sur ce qu’était le projet d’ALH, il a répondu qu’il aurait fallu poser la question à monsieur Nguyen. Il n’a pu rien expliquer sur le contenu des états financiers d’ALH. En bout de ligne, la preuve dans son ensemble a démontré clairement que le seul objectif de l’appelant Atherton était de bénéficier de ce retour intéressant que lui procurait ce type d’investissement et non pas d’être membre d’une société en nom collectif. Selon ses déclarations de revenus, il a répété l’exercice dans les années qui ont suivi. Les déductions fiscales étaient uniquement le seul objectif de l’appelant Atherton et ce, même s’il a participé quelque peu à la recherche en répondant à des questionnaires et en se rendant dans les locaux de Zuniq Corporation. Cet exercice, à mon avis, était pour les fins de Zuniq Corporation et était rendu à titre de bénévole. Selon l’expert en informatique, Claude Papion, ces exercices n’ont rien apporté au projet de recherche. Je ne peux ignorer non plus le témoignage de madame Borin sur les similitudes qu’elle a observées entre ALH et les neuf autres prétendues sociétés en nom collectif ayant confié un contrat de recherche à Zuniq Corporation. Je réfère au paragraphe 27 des présents motifs.

 

[37]    Devant ces états de choses, je dois conclure qu’en l’espèce la société ALH ne répond pas aux critères de la Loi qui pourraient me permettre de conclure que les appelants Foster et Atherton étaient membres d’une société de personnes exploitant une entreprise. L’intimée s’est donc acquittée selon prépondérance des probabilités de son fardeau de la preuve. N’étant pas membres d’une véritable société de personnes exploitant une entreprise, les appelants n’ont pas droit aux CII aux termes du paragraphe 127(8) et de l’article 37 de la Loi.

 

[38]    Cela, à mon avis, est suffisant pour disposer des deux appels en l’espèce. Cependant, je tiens à ajouter que, même si j’étais arrivé à une conclusion différente, à savoir qu’il existait une société de personne exploitant une entreprise, je serais arrivé à la conclusion que les deux appelants étaient des associés déterminés commanditaires au sens de l’alinéa a) de la définition de l’expression « associé déterminé » au paragraphe 248(1) de la Loi et, plus spécifiquement, au sens des alinéas 96(2.4)b) et 96.(2.2)d) de la Loi, de sorte que le Ministre était justifié de refuser les CII en relation avec leur investissement. Sans reprendre toute la preuve, il est évident que les appelants étaient informés du mécanisme de rachat de leur participation et que le tout faisait partie de l’avantage que procurait un tel investissement sans égard à la juste valeur marchande de leur participation au moment du rachat. L’ensemble de la preuve me permet de conclure que les appelants savaient que leur participation serait rachetée, sinon comment auraient-ils été incités à investir?

 

[39]    La prépondérance de la preuve me permettrait aussi de conclure que les deux appelants étaient des associés déterminés passifs au sens de l’alinéa 248(1)b) si j’avais conclu à l’existence d’une société exploitant une entreprise. Pour avoir droit aux CII relatifs à des dépenses admissibles de RS & DE, un associé d’une société de personne doit prendre de façon régulière, continue et importante une part active dans les activités de l’entreprise de la société tout au long de la partie de l’exercice ou de l’année où la société exploite habituellement son entreprise autres que celles relatives aux activités de financement de la société ou exploiter, de façon régulière, continue et importante une entreprise semblable à celle que la société exploitait au cours de l’exercice ou de l’année où la société exploite habituellement son entreprise.

 

[40]    Cette notion d'associé déterminé (passif) à été examinée dans plusieurs décisions de la présente Cour. Mentionnons les décisions McKeown c. Canada, [2001] A.C.I. no 236, Bastien c. Canada, [2003] A.C.I. no 771 et Maslanka c. R., [2004] A.C.I. no 311. Encore ici, je ne reprendrai pas toute la preuve, mais l’ensemble me permet de conclure que les deux appelants n'ont pas pris part aux activités d’ALH de façon régulière, continue et importante tout au long de l'année où la société exploitait habituellement son entreprise. La participation de l'appelant Foster était nulle et celle de l'appelant Atherton se limitait à répondre à quelques questionnaires et à se rendre quelques fois dans les locaux de la société. Il a été incapable de préciser l'étendue de ce travail et même de décrire le projet d'ALH. À mon avis, ils répondent à la définition d'associé déterminé (passif) et n'ont donc pas droit aux CII.

 

[41]    Je tiens aussi, même s'il ne m'est pas nécessaire de le faire, à tirer quelques conclusions sur le motif invoqué par le Ministre et qui va au cœur de la cotisation, soit la non admissibilité du projet de recherche aux termes de l'article 37 de la Loi et de l'article 2900 du Règlement. Les appelants ne m'ont pas convaincu que le Ministre a erré en concluant que le projet de recherche d’ALH était inadmissible. Le travail de l'expert en informatique, monsieur Claude Papion, a été fait en respectant les critères servant à déterminer si un projet de recherche scientifique est admissible. La décision de la Cour d'appel fédérale dans l’arrêt C.W. Agencies Inc. c. Canada, [2001] A.C.F. no 1886 et la circulaire d'information 86-4R3 résument les critères comme suit :

 

1.    Existait-il un risque ou une incertitude technologique qui ne pouvait être éliminé par les procédures habituelles ou les études techniques courantes?

 

2.    La personne qui prétend faire de la RS & DE, a‑t‑elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique?

 

3.    La procédure adoptée était-elle complètement conforme à la discipline de la méthode scientifique, notamment dans la formulation, la vérification et la modification des hypothèses?

 

4.    Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique?

 

5.    Un compte rendu détaillé des hypothèses vérifiées et des résultats a‑t‑il été fait au fur et à mesure de l'avancement des travaux?

 

[42]    Ces cinq critères découlent évidemment de la définition de recherche scientifique et de développement expérimental que l'on retrouve au paragraphe 2900(1) du Règlement :

 

2900. (1) Aux fins de la présente partie et des alinéas 37(7)b) et 37.1(5)e) de la Loi  « recherches scientifiques et développement expérimental » désigne une investigation ou recherche systématique ou d'ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d'expérimentation ou d'analyse, c'est‑à‑dire,

 

a) la recherche pure, à savoir le travail entrepris pour l'avancement de la science sans aucune application pratique en vue,

 

b) la recherche appliquée, à savoir le travail entrepris pour l'avancement de la science avec une application pratique en vue, ou

 

c) la mise au point, à savoir l'utilisation des résultats de la recherche pure ou appliquée dans le but de créer de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou encore d'améliorer ceux qui existent,

 

et, lorsque ces activités sont entreprises pour appuyer directement les activités mentionnées à l'alinéa a), b), ou c), comprend les activités relatives au génie ou au dessein, à la recherche opérationnelle, à l'analyse mathématique ou à la programmation des ordinateurs et à la recherche psychologique, mais elle n'englobe pas les activités se rattachant à

 

d) la prospection du marché ou la stimulation de la vente;

 

e) le contrôle de la qualité ou l'échantillonnage normal des matériaux, des dispositifs ou des produits;

 

f) la recherche dans les sciences sociales ou les humanités;

 

g) la prospection, l'exploration ou le forage fait en vue de découvrir ou d'exploiter des minéraux, du pétrole ou du gaz naturel;

 

h) la production commerciale d'un matériau, d'un dispositif, ou d'un produit nouveau ou meilleur, ou l'utilisation commerciale d'un procédé nouveau ou plus efficace;

 

i) les modifications de style; ou

 

j) l'obtention ordinaire de renseignements.

 

[43]    Je ne veux pas reprendre le résumé du témoignage de monsieur Papion que l'on retrouve dans mes motifs, mais il me suffit de dire que, même si ce dernier a déclaré avoir trouvé difficile l'évaluation du projet d’ALH, il a agi avec objectivité en tout temps. En évaluant l'apport de l'appelant Atherton dans la recherche visant ALH, monsieur Papion a affirmé que ce qu'il a fait n'appuie pas les exigences d'une activité admissible pour la recherche scientifique et le développement expérimental, tout comme le projet d’ALH dans son ensemble, et je souscris à ses conclusions.

 

[44]    Les appels sont donc rejetés.

 

[45]    L'intimée demande cependant à la Cour de rendre une ordonnance condamnant l'appelant Atherton à des dépens en raison de sa conduite vexatoire lors du procès et parce qu'il a poursuivi son appel alors qu'il n'avait pas de cause d'action raisonnable. L’intimée demande aussi à la Cour d’ordonner à l’appelant Atherton de verser 10% de toutes les sommes en litige, conformément à l’article 179.1 de la Loi.

 

[46]    À l'appui de leurs prétentions, les avocats de l'intimée font valoir que la durée du procès, initialement prévue pour quatre jours, mais qui en a pris 13, était plus que suffisante pour permettre aux appelants de présenter adéquatement leur preuve et leurs arguments. Ils soutiennent que l'appelant Atherton a présenté 22 témoins, dont la plupart ont offert un témoignage, soit inutile, non pertinent ou même défavorable à sa cause, prolongeant ainsi l'audience de presque deux semaines supplémentaires. Les avocats de l'intimée, dans leur présentation, ont passé en revue les témoignages défavorables ou non pertinents à sa cause quant aux questions en litige, pour 22 des 24 témoins appelés par l'appelant Atherton. Ils ont également fait référence à plusieurs décisions toutes rendues par la présente Cour, traitant des mêmes questions de droit et mettant en cause des sociétés de RS & DE liées à Zuniq Corp. et au Dr. Vohuang et qui sont toutes défavorables à l'appelant Atherton.

 

[47]    L'appelant Atherton de son côté soumet que la durée des procédures est due au fait que l'intimée a invoqué des arguments additionnels en appui à ses cotisations, l'obligeant ainsi à faire appel à des témoins supplémentaires pour démolir ces nouveaux arguments. Le décès inattendu du Dr. Vohuang l’a aussi contraint à faire appel à d'autres témoins pour démontrer à la Cour l'étendue des projets de recherche initiés par ce dernier et l'admissibilité de ces projets aux CII. Il soutient également que l'intimée est la seule responsable de la longue durée de cette audience en raison du temps que l'intimée a mis à établir de nouvelles cotisations et à les ratifier après la réception des avis d’opposition. Avec tout le temps qui s’est écoulé, plusieurs éléments de preuve se sont dissipés, rendant ainsi plus difficile, selon l'appelant Atherton, la présentation d’une preuve valable, minant ainsi sa chance de présenter une défense pleine et entière.

 

[48]    Je reconnais d'emblée que plusieurs années se sont écoulées entre la cotisation de 1992 et la date du début de l'audience en mai 2006. Cependant, étant donné que le décès du Dr. Vohuang remonte à 1993, l’appelant ne peut pas prétendre qu’il a été pris par surprise par cet évènement. Avant son décès, le Dr. Vohuang a rencontré les vérificateurs et l’expert de l’intimée et a eu la chance de leur fournir toutes les informations qu’il avait au niveau de ses travaux de recherche. Les témoignages entendus au procès nous ont décrit cet homme comme étant le seul à connaître l'ampleur de tous ses projets, ceux-ci étant qualifiés de « one man show ». Cela étant dit, il n'en demeure pas moins que le travail de l'expert en informatique a été complété avant le décès du Dr. Vohuang, me permettant ainsi de conclure que la documentation qu'il a remise aux autorités fiscales et que les rencontres qu’il a eues avec l'expert n’ont pas eu pour effet de modifier la conclusion de l’expert selon laquelle il n’y avait pas eu de RS & DE durant l'année en litige à l’égard du projet d’ALH. L'appelant Atherton a lui‑même déposé en preuve le rapport d'un second expert, soit George White, qui lui aussi est arrivé à la même conclusion. Cette preuve était disponible dès 1992. La participation de l'appelant Atherton et de quelques autres prétendus associés a été qualifiée par le témoin expert comme étant plus que minime et non liée au projet d’ALH. La preuve démontre clairement que ni l'appelant Atherton et ni l'appelant Foster n’ont participé aux décisions menant à l'octroi de ces contrats ou à toute autre décision visant l’existence d’ALH et à sa gestion, de sorte qu'il est possible de conclure qu'ils n’ont pas pris une part active dans les activités de l’entreprise de la prétendue société. La vente rapide de leur participation dans les premiers mois de 1989, selon ce qui est de toute évidence un rachat prévu d'avance par les promoteurs, et le fait qu'ils ne se sont jamais souciés d'en négocier le prix sont des indices évidents que ces sociétés, incluant ALH, n’avaient pas de raison d’être, sauf fournir des abris fiscaux et financer les projets de Zuniq Corporation. Tous ces éléments de preuve ne se sont pas dissipés au fil des ans.

 

[49]    Je dois reconnaître que l'appelant Atherton, dans la présentation de sa preuve, a produit des témoins qui lui étaient défavorables ou dont les témoignages étaient non pertinents dans un premier temps, mais il a aussi produit des témoins qui, habituellement, sont appelés par l'intimée aux fins d'appuyer les hypothèses de fait allant au fondement de la cotisation ou pour s’acquitter de son fardeau de la preuve comme elle devait le faire en ce qui concerne les nouveaux arguments. L'appelant Atherton a fait témoigner 23 personnes, exception faite de son propre témoignage et de celui de l'appelant Foster. En bref, le témoin Ganesan Ramini ne nous apprend rien sur les investissements des appelants dans ALH. Le témoin Michel Mendes a investi dans une société du nom de AHD en 1988. Il dit avoir rencontré Yves Renaud qui lui a expliqué le crédit d'impôt. Il ne peut dire s'il y a une société ou s'il est associé. Il n'était intéressé qu'à l'investissement et il n'aurait pas investi s'il risquait de perdre un sou. Il dit avoir dactylographié au sujet du processus, mais sans plus.

 

[50]    Le témoin Carl Delongchamps était le vérificateur de Revenu Canada. Il a expliqué le processus de création des sociétés par le Dr. Vohuang dans le but de financer ses projets de recherche et le cheminement du dossier des appelants et des autres investisseurs pendant et après la vérification. Malgré le fait que les appelants et les autres investisseurs n'avaient pas le droit de déduire leur perte, Revenu Canada a accordé aux membres d'ALH une perte d'entreprise équivalent au montant de leurs investissements. Les conclusions tirées par le vérificateur appuient donc la position prise par Revenu Canada dans le traitement des cotisations des appelants et des autres investisseurs. L'appelant Atherton a choisi d’ajouter ce témoignage à sa preuve.

 

[51]    Le témoin Christian Lavoie a investi dans ALH en 1988 et dans quatre autres projets dans les années suivantes. Il savait, car on lui avait dit, qu'il recevrait un bénéfice correspondant à environ 20% à 30% de son investissement initial. Il savait que sa participation serait rachetée pour la moitié du prix payé, car cet aspect avait été discuté à l’avance et c'est effectivement ce qui est arrivé. Il affirme avoir fait des travaux, mais ne se souvient pas de ce qu'il a fait.

 

[52]    Marjorie Lauger a également témoigné au sujet de la structure établie et du montage financier fait par le Dr. Vohuang pour financer ses activités. Chaque société était créée pour chaque projet de recherche et leur existence était de courte durée afin de procurer aux investisseurs des avantages fiscaux importants. Il s'agit encore d'un témoignage peu favorable à l'appelant. Il en va de même pour le témoin Serge Le Guerrier. Non seulement il n'a pas participé à ALH, mais son témoignage sur sa participation dans une autre société décrit le même scénario quant au rendement prévu sur leurs investissements et l'existence du même mécanisme de rachat des participations. Il a aussi témoigné ne pas savoir ce que Zuniq Corporation faisait dans tout ça, ni savoir où la recherche était rendue. Il dit n'avoir jamais tenté de vendre sa participation à d'autres ni de savoir comment le prix de sa participation a été établi. Il savait par contre qu'il allait faire un profit. Il s'agit encore d'un témoignage peu favorable à l'appelant.

 

[53]    Le témoin Pierre Black n'a pas participé au projet d’ALH. Cependant, son témoignage a encore servi à expliquer le fonctionnement du mécanisme de rachat des participations. Le témoin Benoit Amar a investi en 1988 dans la société AHD. Le scénario était le même que celui d’ALH. On a racheté sa participation. Il trouvait intéressant le fait de pouvoir revendre sa participation et ajoute que les investisseurs étaient incités à effectuer la vente de leur participation, ce qu'il a fait d'ailleurs, dans le but de faire un gain tout de suite. Le témoignage est loin d'être favorable à l'appelant.

 

[54]    Le témoin Yves Renaud a passé tout son temps à la barre à expliquer le processus établi en vue d'inciter les gens à investir. Il a déclaré que, même si le rachat des participations n'était pas nécessairement garanti, il était prévu qu'un tel rachat rendait alléchant un tel investissement. Le témoin Denis McNamara a investi dans ALH. Il a témoigné qu'il ne devait pas être perdant dans ça financièrement. Son courtier lui a dit que sa participation allait définitivement être rachetée. Il ne connaissait pas les autres membres d'ALH et sa participation aux activités d’ALH s’est limitée à une visite des locaux de Zuniq Corporation et à quelques travaux faits à son école. Ce sont là deux témoignages non favorables à l'appelant.

 

[55]    Le témoin Pierre Paul Lafond a investi en 1987 et 1988 dans des prétendues sociétés similaires à ALH et dont la sous‑traitance a été confiée à Zuniq Corporation. Cette dernière exigeait la préparation des états financiers des sociétés. Il ne savait rien au sujet du projet, ni à quelle étape il se trouvait lorsqu'il a vendu sa participation. Il n'a jamais vu son contrat de société et j'en passe. Il s'agit d'un témoignage défavorable qui démontre le peu d'intérêt du participant aux projets de recherche et à la société.

 

[56]    Le témoin Nicola Ivanov est gestionnaire scientifique à l'Agence du Revenu. Son seul rôle dans toute cette affaire a été d'envoyer une lettre au Dr. Vohuang lui demandant de fournir les documents qu'il a, par la suite, remis à Bernard Descamps. Il s’agit d’un témoignage tout à fait non pertinent, tout comme celui de Réjean Dutil, sauf peut-être lorsque la Cour a remarqué son étonnement de voir le coût des recherches, soit 3.1 millions de dollars par rapport à la documentation sur le projet d’ALH qu'il a examinée. Réjean Dutil est conseillé en informatique à l'Université de Montréal et un représentant de Zuniq Corporation lui avait demandé son opinion sur le projet ALH. Il n'a pas témoigné à l’audience en sa qualité d'expert au motif qu'aucun avis d'intention de présenter un expert n'avait été communiqué à la partie adverse. De plus, il ne pouvait émettre d'opinion à savoir si la recherche avait été bien faite ou non car le témoin lui-même a reconnu ne pas être un expert concernant des critères d’admissibilité des projets de recherche. Son évaluation s’est limitée à évaluer le projet sur papier. De plus, on se rappellera que Claude Papion a témoigné que, sur papier, ce que Zuniq Corporation voulait faire était différent de ce qu'elle a effectivement fait.

 

[57]    Le témoin Miguel Morin est un ingénieur à la retraite. Il n'a pas investi dans ALH. Il a été consultant auprès de Revenu Canada et a évalué d'autres projets semblables. Il a aussi travaillé pour Zuniq Corporation. Sur les projets de recherche du Dr. Vohuang, il ajoute que c'est une chose de dire ce que vous allez faire, mais c’en est une autre de le réaliser. Sur papier, il s’agissait de beaux projets. Le témoin Richard Bernier a rendu un témoignage très défavorable à l'appelant Atherton. Il a expliqué le cheminement des fonds investis dans des sociétés similaires à ALH et comment la moitié des fonds revenait aux investisseurs. Le témoin Dzung Nguyen, beau‑frère du Dr. Vohuang et recherchiste, est celui qui a tenté de prendre la relève au décès du Dr. Vohuang. Son témoignage ne portait pas sur le projet d’ALH.

 

[58]    Le témoin Alessandro Malutta a travaillé pour Zuniq Corporation pendant plus de trois ans, soit de 1988 à 1991, à titre de programmeur seulement. On lui a présenté des documents qu'il ne reconnaissait pas et d'autres qu'il avait signés sans les lire à la demande du Dr. Vohuang. Le témoin Bernard Descamps est gestionnaire à l'agence du Revenu du Canada et était conseiller scientifique à l'époque pour Revenu Canada. Il a rencontré le Dr. Vohuang lors de ses visites chez Zuniq Corporation. Il témoigne que le Dr. Vohuang n'avait rien à lui montrer. Monsieur Descamps a déclaré que ce qui le frustrait était de ne pas savoir ce que le Dr. Vohuang faisait lorsqu’il parlait de ses projets de recherche. Il était donc impossible d'évaluer les activités de recherche. Les documents prêtaient à confusion et il n'y avait rien de très clair. L'appelant Atherton a même osé demander à monsieur Descamps si monsieur Claude Papion avait la compétence nécessaire pour évaluer les projets. Il a répondu par l’affirmative et a ajouté qu'il en était extrêmement satisfait. Le témoin Jean‑Marc Boucher, lui, n’a rien déclaré de pertinent.

 

[59]    Le témoin Normand Lassonde n'a jamais rien eu à voir avec le dossier d’ALH. Il a expliqué ce qu'est de la recherche scientifique, mais n'a pas élaboré sur le projet d'ALH, ni sur la question à savoir si les associés d'ALH avaient apporté une contribution quelconque au projet d’ALH. Le témoin Sylvain Castonguay représentait le Dr. Vohuang mais aussi les investisseurs, auprès de Revenu Canada. L'appelant Atherton ne l'a jamais mandaté d'agir en son nom auprès de Revenu Canada. Il s’est occupé des avis d’opposition en 1992 et n'a jamais informé les investisseurs de leur droit d'aller en appel 90 jours après le dépôt des avis d'opposition. Il n'a pas avisé les investisseurs qu'il logeait des appels en leur nom. Il n'y a rien de pertinent dans son témoignage pouvant aider à la résolution du litige.

 

[60]    Les témoignages présentés par les deux appelants que je viens de résumer appuient les hypothèses de fait qui servent au fondement de la cotisation de même que les nouveaux arguments soulevés par l'intimée. Il y a eu dans toute cette affaire là des décisions rendues par la Cour canadienne de l'impôt dans des causes presque similaires à celle de l'appelant Atherton. Il les connaissait et savait qu’elles ne lui étaient pas favorables. Selon un affidavit déposé en preuve, l'appelant savait, dès 1995, qu'il lui était devenu impossible de s'acquitter adéquatement du fardeau de la preuve. Il blâmait les représentants de Revenu Canada d'avoir été lents à traiter leurs oppositions. (Voir affidavit, pièce R‑47, onglet 17.)

 

[61]    L'appelant Atherton a le droit d'ester en justice. Il a le droit de porter en appel une cotisation établie par le Ministre. Il est le maître de sa preuve. Je reconnais aussi d'emblée qu'il n'a pas une formation juridique et qu'il n'a peut‑être pas une connaissance des règles de procédure ou l'expérience d'un plaideur. Je suis conscient qu'il s'agit d'un appel en procédure informelle et que les règles de procédure de notre cour ne permettent pas l'attribution de dépens en faveur de la Couronne.

 

[62]    Ce que je retiens par contre c'est qu'il n'a pas eu gain de cause et que, dans une telle situation, la partie adverse a habituellement droit à ses dépens. L'audience de cette cause a duré treize jours, donc trois fois plus longtemps que nécessaire pour faire le tour de la question. La grande majorité des témoins a rendu un témoignage non‑pertinent ou défavorable à l'appelant Atherton. Ce dernier avait en tête de faire le procès des législateurs, des autorités fiscales, du comité des finances et des affaires économiques et celui des promoteurs, de chercher à tout mettre à jour et de mener un interrogatoire à l’aveuglette, tout en se souciant très peu de la pertinence des questions et des réponses en ce qui concerne la résolution du litige et du fait que son interrogatoire pouvait nuire à sa propre cause. Il se souciait très peu du temps qu’il a fait perdre à la Cour et à la partie adverse et des dépenses engagées par cette dernière pour satisfaire la curiosité de l’appelant Atherton et pour donner cours à son acharnement contre tous ceux qu'il juge responsables de ce qui lui est arrivé.

 

[63]    Ce temps additionnel à présenter sa cause constitue, à mon avis, un abus de procédure. Par sa conduite inacceptable et répréhensible, l’appelant a fait preuve d’indifférence non seulement envers la Cour en ce qui concerne le temps qu’elle a dû consacrer à entendre cette cause, mais également envers la partie adverse qui a dû engager des dépenses supplémentaires pour faire valoir ses droits.

 

[64]    Dans l'arrêt Sherman c. le ministre du Revenu national, 2003 C.A.F. 202, la Cour d’appel fédérale a écrit le passage suivant sur l'adjudication des dépens :

 

46.   Il est maintenant généralement reconnu que l'Adjudication des dépens peut remplir plus d'une fonction. En vertu des règles contemporaines, l'adjudication des dépens peut servir à réglementer, à indemniser et à dissuader. Elle réglemente en encourageant les plaideurs à en arriver à un règlement tôt dans le processus et à faire preuve de retenue. [...] Elle vise à indemniser, du moins en partie, la partie qui a eu gain de cause et qui a parfois engagé de grosses dépenses pour faire valoir ses droits.

 

[65]    Ce passage a été repris dans l'arrêt Fournier c. La Reine, 2005 C.A.F. 131. La Cour d'appel fédérale a statué que notre Cour possède le pouvoir inhérent de prévenir et de contrôler les abus de procédure par l'adjudication de frais ou dépens.

 

[66]    Je suis convaincu que les circonstances de l'espèce justifient l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré et j'ordonne à l'appelant Atherton de verser à l'intimée le montant forfaitaire de 3 000 $, à titre de dépens.

 

[67]    Je ne suis cependant pas convaincu que la principale raison pour laquelle l’appelant Atherton a interjeté appel était de reporter le paiement du montant d’impôt payable. La demande faite en vertu de l’article 179.1 de la Loi est donc rejetée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2007.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI659

 

Nºs DES DOSSIERS DE LA COUR : 1999-664(IT)I et 1999-758(IT)I

 

INTITULÉS DES CAUSES :             John Foster et Sa Majesté La Reine

                                                          Douglas Atherton et Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATES DE L’AUDIENCE :              les 17, 18, 19, 20 janvier 2006,

les 8, 9, 10, 11, 12 mai 2006,

les 16, 17, 18 octobre 2006

et le 25 avril 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge François Angers

 

DATE DES JUGEMENTS :               le 5 décembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelants :

Les appelants eux-mêmes

 

Avocats de l'intimée :

Mes Dany Leduc et Marie-Andrée Legault

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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