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Dossier : 2006-3354(IT)I

ENTRE :

KEN R. DREAVER,

appelant

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée

[TRADUCTION FRANÇAISE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 30 novembre 2007 à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge C.H. McArthur

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Gregory Perlinsky

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2003 est rejeté.

 

Signé à Ottawa (Canada) ce 10e jour de janvier 2008.

 

 

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

 

 

 

Citation : 2007CCI758

Date : 20 080 110

Dossier : 2006-3354(IT)I

ENTRE :

KEN R. DREAVER,

appelant

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge McArthur

 

[1]  Le présent appel est interjeté à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») à l’égard de l’année d’imposition 2003 de l’appelant. Elle concerne le caractère déductible des dépenses engagées par l’appelant dans ses efforts visant à écrire deux livres traitant de l’environnement. L’un de ces livres était destiné à traiter de l’aspect plus technique du sujet et l’autre se voulait un beau livre grand format.

 

[2]  L’appelant est né et a étudié en Nouvelle-Zélande, où il a obtenu des diplômes en sciences de l’environnement, dont une maîtrise universitaire en science en 1970. Plus récemment, soit en 2001, il a obtenu un doctorat en génie de l’environnement de l’American West University. Il vit en Alberta depuis 20 ans et travaille comme consultant et spécialiste des ressources naturelles, de l’eau et de l’environnement, comme auteur, comme paysagiste et comme moniteur de ski.

 

[3]  Au cours des dernières années et, plus particulièrement, en 2003, ses revenus provenaient uniquement : a) de son travail en tant que paysagiste auprès de la ville d’Edmonton, où il a gagné 13 592 $ ; b) de son travail en tant qu’instructeur de ski auprès du Edmonton Ski Club, où il a gagné 729 $ ; c) d’autres revenus d’emploi s’élevant à 551 $ (je crois que ces revenus sont issus de son travail de consultant en environnement et de la construction d’une clôture) ; d) et de prestations d’assurance-emploi s’élevant à 4 335 $, pour un total de 19 325 $.

 

[4]  Le tableau ci-dessous représente ses revenus (et ses pertes) pour la période de 1998 à 2002 :

 

Année d’imposition

Revenu brut

Revenu net (et pertes)

 

1998

265 $

8 $

1999

1394, $

32 $

2000

107 $

 (11 077 $)

2001

399 $

9 $

2002

152 $

(15 313 $)

 

Pendant l’année d’imposition de 2003, l’appelant a déclaré des pertes d’entreprise de 15 153,45 $.

 

[5]  Au fil des ans, il a écrit plusieurs articles techniques sur l’environnement, pour des publications techniques, si je ne m’abuse. En 2002, sa demande d’une subvention de 12 000 $ à l’Alberta Foundation for the Arts pour écrire un livre intitulé « Experiences of an Environmental Field Man » a été rejetée, et je ne crois pas qu’il a continué à écrire le livre. Auparavant, il avait écrit deux manuels techniques, dont Environmental Contingency Plan pour Transports Canada. Les dépenses relatives au guide pour Transports Canada ont été engagées avant le début du travail de rédaction, qui est l’objet du présent appel. Aucune ébauche de chapitres ou de pages n’a été présentée en preuve.

 

[6]  En 2003, il a demandé la déduction de dépenses qui avaient été imputées à ses cartes de crédit personnelles parce qu’il n’était pas admissible à l’obtention d’un prêt à une entreprise.

 

  Westpac Trust Visa

  Westpac Trust MasterCard

  ANZ MasterCard

  American Express

 

Et il a demandé les montants suivants pour fournitures :

 

  Développement de photos et film     1 187,70 $

  Cassettes de magnétoscope    1 968,35 $

  Disques compacts pour enregistrement       64,37 $

  Cartes mémoire pour appareil numérique      144,42 $

  Livres    848,27 $

  Total   4 213,11 $ 

.

 

Il a affirmé qu’il est un scientifique travaillant sur le terrain pour la production de ses livres, il a également demandé la déduction des frais de déplacement suivants :

 

Du 23 au 25 avril

Aller-retour entre Edmonton et Jasper

462,96 $

Le 28 mai

Aller-retour entre Edmonton et Calgary

62,08 $

Du 19 oct. au 8 nov.

Aller-retour entre Alberta et les maritimes

3576,01 $

 

 

Total

4101,05 $

 

[7]  L’appelant a lui-même exposé sa position en partie comme suit :

 

[TRADUCTION] En ce qui concerne la vérification menée par les agents de l’impôt à Edmonton, il semblait y avoir un manque de compréhension envers mon entreprise. Mon entreprise comprend une division du travail à la fois à court et à long terme. Les petites entreprises doivent s’adapter pour répondre aux besoins actuels et à l’évolution de la demande et des marchés visés par leurs services. Il semble y avoir un manque général d’appréciation et de respect des petites entreprises et des microentreprises, en particulier celles œuvrant dans le domaine du développement de la propriété intellectuelle. Des collègues dans mon propre domaine de travail et dans des domaines connexes me l’ont confirmé. Les personnes responsables de la gestion des impôts à Edmonton semblent avoir une politique arbitraire où ce type de petites entreprises est considéré comme sans importance et où sont rejetés les reçus légitimes, les renseignements sur les prêts, les DPA, etc., qui sont liés à l’exploitation de la même chose. Il y a même des exemples de cas où des sections de Revenu ont ignoré leurs propres dispositions en matière d’équité. Comme je l’ai souligné dans les résumés de mon dossier, j’ai été plus que raisonnable dans les demandes de déduction de mes dépenses d’entreprise. Une bonne partie ou un important pourcentage de mes dépenses d’entreprise provenait de mes propres ressources. Plusieurs de mes dépenses n’ont même pas été déclarées!

Le ministre a conclu que les activités de l’appelant n’étaient qu’une démarche personnelle qui n’était pas exercée en vue de réaliser un profit de manière commerciale. De plus, le ministre a affirmé que ces activités ne constituent pas une source de revenus, puisqu’elles sont faites à titre de démarches personnelles qui ne sont pas menées en vue d’en tirer un profit au sens de l’alinéa 18(1)(a) de la Loi sur l’impôt et le revenu (la Loi).

18(1)   Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a)   les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien ;

 

[8]  Il faut donc trancher si l’appelant exploitait une entreprise d’écriture de livres pendant l’année d’imposition 2003. Peut-on dire qu’il avait une organisation commerciale qui faisait en sorte que de son activité était une entreprise?

[9]  Il ne fait aucun doute que l’appelant avait l’intention de tirer un profit, mais il s’agit-là d’un facteur subjectif qui n’aide pas à trancher la question de savoir s’il exploitait une entreprise. Un des critères applicables serait de se poser la question de savoir si une personne raisonnable, une personne moyenne, qui serait au courant de tous les faits et qui appliquerait le bon sens commercial dirait : « oui, il s’agit bel et bien d’une entreprise ». Pour répondre à cette question, la personne raisonnable examinerait certains éléments, comme l’expérience de l’appelant dans le domaine de l’écriture, les succès ou les échecs de celui-ci, son capital investi, ses compétences d’organisation, ses relations avec des éditeurs potentiels, des exemples de son travail d’écriture et de photographie, des recommandations formulées par des auteurs professionnels, ainsi que la question de savoir si un investisseur, public ou privé, serait disposé à lui prêter le capital nécessaire.

 

[10]  À titre subsidiaire, le ministre a invoqué l’article 67 de la Loi qui suppose l’existence d’une entreprise et, avant d’envisager son application, il soutient qu’on doit d’abord trancher la question de savoir si l’appelant exploitait une entreprise.

 

[11]  Il faut donc examiner les faits et l’importance qu’on doit leur accorder. L’appelant avait 60 ans en 2003. Il est très instruit dans le domaine de la science de l’environnement. Par le passé, il a écrit des articles [1] et deux guides traitant de l’environnement, que je n’ai pas vus. Je pense qu’aucun de ces livres n’a été publié. Il a parlé à un ou deux éditeurs qui lui ont dit ne pas être intéressés à répondre à ses questions concernant la publication avant qu’il n’ait entre les mains ses livres écrits. L’un de ces livres est destiné à être un beau livre grand format de photographies qu’il a présentées dans un album, mais qu’il n’a pas présenté en preuve, sans doute parce qu’il n’en avait pas d’exemplaire. Il y avait environ 12 ou 14 photographies de paysages prises alors que sa femme et lui étaient en voyage dans les provinces maritimes, soit du 19 octobre au 8 novembre 2003, voyage à l’égard duquel il a demandé la déduction de frais de 3 576 $.

[12]  En 2003, il semble que l’appelant a tiré moins de 500 $ de son travail de scientifique spécialisé en environnement et n’a tiré aucun revenu de son travail comme auteur. Son passé en affaires n’est pas des plus encourageants, comme il a enregistré des pertes pour les cinq années précédentes. Je ne vois cependant pas très bien à l’égard de quelle activité ces pertes ont été subies. Aucun élément de preuve n’a été présenté en ce qui a trait à ses revenus d’entreprise ou à l’état d’avancement de ses livres depuis 2003. Les années suivantes devront être examinées de façon distincte. I

 

[13]  J’examine maintenant la question du capital investi. On peut comprendre que la banque ne veuille pas investir dans l’entreprise de l’appelant, et il est difficile de croire qu’il aurait pu obtenir du capital privé. Je ne crois d’ailleurs pas qu’il a fait des démarches pour en obtenir. Sa demande de financement auprès de la Province de l’Alberta a été refusée. Ses dépenses étaient défrayées au moyen de cartes de crédit personnelles avec des taux d’intérêt d’environ 18 % et s’élevaient à 3 158 $ en 2003. Il s’agit-là d’une façon assez difficile de mener des activités commerciales.

 

[14]  Les intérêts demandés représentaient  % des intérêts imputés aux cartes de crédit et des frais de service bancaires. Aucun élément de preuve n’a été présenté pour 78étayer ce calcul. Il a demandé la déduction de 4 213 $ au titre de fournitures, dont 1 187 $ pour le développement de film, ainsi que 1 968 $ et 848 $ pour l’achat de livres. Mis à part les photos prises lors de son voyage dans les provinces maritimes, je ne suis pas convaincu que les autres dépenses ont été engagées dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise.

 

[15]  Les compétences de l’appelant en matière d’organisation pour ce qui est de la présentation de son appel ne m’ont pas impressionné. Je comprends que l’appelant est un scientifique, un paysagiste et un moniteur de ski, et non un avocat ou un comptable, mais ses documents étaient pêle-mêle et il n’avait aucun livre et aucun registre pouvant établir un lien entre les dépenses déclarées et une quelconque entreprise. En toute équité, je ne peux pas critiquer l’appelant pour son manque de connaissance de la procédure de la présentation d’un appel en matière d’impôt. La procédure informelle de la Cour accueille les appelants qui se représentent eux-mêmes, et le juge d’instance doit se charger, dans une certaine mesure, d’aider de tels appelants à présenter les faits pertinents.

 

[16]  L’appelant n’avait aucune relation avec un éditeur potentiel, pas plus qu’il n’avait de contrat. Il n’a présenté aucune lettre ou note de recommandation de ses pairs ou de toute autre personne. Il n’avait pas de financement en vue, ni aucune proposition de budget. En 1997, il a suivi un cours sur comment mettre sur pied une petite entreprise, mais n’a pas présenté de plan d’entreprise viable. Le fait qu’il ne faisait pas de tenue de livres ne correspond pas à ce qu’on entend normalement de l’exploitation d’une entreprise.

 

[17]  À mon avis, M. Dreaver a agi de bonne foi et est une personne honnête et sincère, mais je ne peux pas conclure qu’il exploitait une entreprise valable en 2003. La personne moyenne ne serait pas inspirée par cette histoire.  La preuve dont j’ai été saisi n’est pas suffisante pour établir que l’appelant exploitait une entreprise. Cependant, cela ne signifie pas qu’il n’existait pas d’entreprise dans les années subséquentes, mais cette question devra faire l’objet d’un examen distinct.

 

[18] L’appel est rejeté. 

 

Signé à Ottawa (Canada), ce 10e jour de janvier 2008.

 

 

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

 

CITATION :  2007CCI758

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :  2006-3354(IT)I

 

INTITULÉ :  KEN R. DREAVER et

  SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :   Le 30 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :  L’honorable juge C.H. McArthur

 

DATE DU JUGEMENT :  Le 10 janvier 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Gregory Perlinsky

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

  Pour l’appelant :

 

  Nom :  S.O.

 

    Cabinet :  S.O.

 

  Pour l’intimée :  Me John H. Sims, Q.C.

  Sous-procureur général du Canada

  Ottawa (Canada)



[1]   Je ne sais pas pour qui ses articles ont été écrits, ni si l’appelant a été rémunéré pour ceux-ci.

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