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Dossier : 2006-1784(EI)

ENTRE :

SHARON LAPERRIÈRE,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu par l’honorable juge suppléant D.W. Rowe à Victoria (Colombie‑Britannique) le 5 février 2007

 

Comparutions

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Pavanjit Mahil

 

 

Avocate de l’intervenante :

Me Rhonda Shirreff

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L'appel est rejeté, et la décision du ministre est confirmée.

 

Signé à Sidney, Colombie-Britannique, ce 21e jour de mai 2007.

 

 

 

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d’octobre 2007.

 

Michèle Ledecq, traductrice


 

 

Dossier : 2006-1786(CPP)

ENTRE :

SHARON LAPERRIÈRE,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu par l’honorable juge suppléant D.W. Rowe à Victoria (Colombie‑Britannique) le 5 février 2007

 

Comparutions

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Pavanjit Mahil

 

 

Avocate de l’intervenante :

Me Rhonda Shirreff

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L'appel est rejeté, et la décision du ministre est confirmée.

 

Signé à Sidney, Colombie-Britannique, ce 21e jour de mai 2007.

 

 

 

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d’octobre 2007.

 

Michèle Ledecq, traductrice


 

Référence : 2007CCI252

Date : 20070521

Dossiers : 2006-1784(EI)

2006-1786(CPP)

ENTRE :

SHARON LAPERRIÈRE,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     L'appelante en appelle des décisions rendues par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 30 mars 2006 en application de la Loi sur l'assurance‑emploi (la « Loi ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), et selon lesquelles :

 

            [traduction]

 

- l'appelante n'occupait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension auprès de la Société canadienne des postes (« Postes Canada ») pendant la période du 12 mars 2004 au 9 juillet 2004 parce qu'elle n'était pas employée conformément à un contrat de louage de services;

 

- l'appelante n'occupait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension auprès de Postes Canada pendant la période du 1er juin au 31 août 2004 parce qu'elle n'était pas employée conformément à un contrat de louage de services;

 

- l'appelante n'occupait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension auprès de Daisy Te Hennepe (« DTH ») du 1er juin au 31 août 2004.

 

Toutes les parties ont convenu que les deux appels à l'égard de chaque période pertinente mentionnée dans la décision pertinente pouvaient être entendus ensemble.

 

[2]     L'appelante (Mme Laperrière) vit sur l'île Pender, en Colombie‑Britannique. Selon son témoignage, le 10 février 2004 elle s'est adressée à DTH qu'elle savait être une factrice rurale et lui a demandé si Postes Canada (le « payeur ») engageait des travailleurs. DTH lui a répondu par la négative, mais a déclaré qu'elle recherchait quelqu'un pour l'aider dans les tâches de son itinéraire. Mme Laperrière a déclaré avoir suivi le lendemain une formation avec DTH pour apprendre les fonctions des factrices/facteurs ruraux et suburbains (les « FFRS ») en l'accompagnant dans la camionnette de livraison et en observant les procédures au bureau de Postes Canada au centre de Driftwood où Sharon MacDonald, la maîtresse de poste, lui a également fourni certaines directives. Selon le témoignage de l'appelante, une certaine quantité de travail, dont plier le courrier conformément aux directives affichées, devait être effectuée au bureau de Driftwood par le FFRS avant qu'il n'amorce l’itinéraire de livraison quotidien. Mme Laperrière a déclaré s’être rendue le 12 février 2004 au bureau de Driftwood où DTH lui a donné des directives concernant les divers aspects de la livraison de différents articles, ainsi que sur des questions telles que la perception de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») et certaines exigences de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« ADRC »). Le 13 février, Mme Laperrière a accompagné DTH dans son camion Dodge 4 X 4 pendant qu'elle livrait le courrier aux résidents de l’itinéraire de Magic Lake. Le véhicule de DTH n'arborait pas le logo de Postes Canada, et DTH ne portait pas d'uniforme l'identifiant comme employée ou mandataire de cette société. Mme Laperrière a dit que le travail de préparation à Driftwood durait environ une heure par jour, en moyenne, mais pouvait durer deux fois plus longtemps les lundis ou pendant une période occupée au cours de l'année. Les 20 et 22 février 2004, l'appelante a assuré les fonctions de livraison pour l’itinéraire de Magic Lake. Avant que Mme Laperrière remplace DTH dans les tâches de l’itinéraire, DTH ou Sharon MacDonald a rempli un formulaire appelé [traduction] « avis d’absence de FFRS », la pièce A-1, visant la période du 20 février au 23 février 2004, et Mme MacDonald l’a signé. Le 9 juillet 2004, Mme Macdonald a signé un autre avis d’absence, la pièce A‑2, approuvant l'appelante comme remplaçante de DTH pour l’itinéraire cette journée-là. Selon son témoignage, Mme Laperrière n'avait pas vu que le recto de ces formulaires était imprimé, et chaque copie reçue était exactement dans l'état où elle a été déposée comme pièce dans les présentes instances. L'avis d’absence indiquait que le taux quotidien payé à l'appelante était de 124,08 $, ce qui comprenait l'utilisation de son véhicule, une Subaru familiale à traction intégrale, pour faire les livraisons sur l’itinéraire. Mme Laperrière a indiqué qu'il n'y avait eu aucune discussion sur la question de savoir qui de Postes Canada ou de DTH verserait le paiement. Lorsqu'elle assurait les tâches de l’itinéraire de DTH, l'appelante commençait sa journée au bureau de Postes Canada et y revenait avant 16 heures pour y présenter un rapport, appelé [traduction] « bordereau d'objets livrés », dont un spécimen a été déposé à titre de pièce A-3. La distance parcourue pour effectuer l’itinéraire de Magic Lake était de 75 km. L'appelante savait que le bureau de Postes Canada de l’île Pender transmettait la feuille de paie par télécopie le 13 de chaque mois pour faciliter le paiement dû au FFRS à la fin du mois. Une copie du relevé de la paie pour la période du 1er mars 2004 au 31 mars 2004 a été déposée comme pièce A‑4. Le montant total versé à l'appelante s'élevait à 248,16 $ pour deux jours de paie, soit 222,86 $ et une allocation d’automobile de 25,30 $. Mme Laperrière a indiqué qu’entre les dates des avis d'absence, c'est-à-dire entre le 20 février et le 9 juillet, DTH l'a engagée pour l'aider à effectuer des tâches le 16 juin, le 22 juin, le 29 juillet, le 30 juillet et le 24 août. Ces jours n’ont pas fait l'objet d'un avis officiel d'absence. À ce moment-là, Mme Laperrière croyait qu'un avis était utilisé uniquement lorsqu’un FFRS était remplacé dans ses fonctions pour une journée complète plutôt que pour de l'aide pendant quelques heures. Elle croyait toutefois que la maîtresse de poste MacDonald savait qu'elle fournissait ses services à DTH, puisque le bordereau d'objets livrés devait être rempli par la personne qui effectuait les livraisons lors d'une journée donnée, même si aucun avis d’absence n'avait été émis. L'appelante a indiqué qu’elle et DTH avaient convenu qu'elle serait payée 14 $ l'heure, sans aucun montant supplémentaire pour les dépenses d’automobile. Parfois, Mme Laperrière aidait DTH pendant une ou deux heures au bureau de Driftwood et, d'autres jours, elle faisait l’itinéraire postal en voiture, ce qui prenait environ quatre heures. Mme Laperrière a déclaré que, pour le travail qui ne faisait pas l'objet d’un avis d’absence, DTH la payait en argent comptant, sans doute après avoir reçu le paiement de Postes Canada pour ce mois-là. L'appelante a déclaré n'avoir jamais été informée qu'elle fournissait ses services à titre d'entrepreneur indépendant et s'est toujours considérée comme employée, à l'instar de DTH qui, croyait-elle, possédait ce statut en vertu d'une convention collective entre le syndicat et Postes Canada. Un autre relevé de paie, la pièce A-5, indiquait qu’un chèque au montant de 124,08 $, incluant une allocation d’automobile de 12,65 $, avait été émis au nom de l'appelante pour avoir travaillé une journée à titre de FFRS au cours de la période de paie de juillet 2004. Mme Laperrière a indiqué n'avoir pas souscrit d'assurance automobile supplémentaire à l'égard de la livraison du courrier et n'avoir pas eu de discussion avec DTH concernant l'utilisation de son propre véhicule pour la livraison d'autres documents de publicité pour d'autres entreprises. Elle ne possédait pas de licence d'exploitation d'un commerce et ne détenait pas d'autre emploi. Son véhicule n'arborait aucun logo ni symbole pour indiquer qu'elle livrait le courrier pour Postes Canada. Elle ne possédait aucune pièce d'identité concernant ses fonctions, à l'exception d'une carte, sans photographie, que la maîtresse de poste lui avait remise et sur laquelle était imprimé le numéro de téléphone du bureau de Driftwood. L'appelante a déclaré qu'elle a travaillé le 17 septembre 2004, mais que cette date n'était pas incluse dans la période visée par les décisions rendues par le ministre, et elle n'a pas soulevé ce point dans son avis d'appel. Mme Laperrière a continué à fournir ses services à Postes Canada jusqu'au 10 mai 2006, travaillant six jours en 2005 et trois jours en 2006. Elle s’est rappelée qu'à un certain moment, en 2005, un avis d’absence avait été établi même si la durée du remplacement n'était que d’une demi-journée. Elle a indiqué qu'elle a présenté une demande de prestations d'assurance‑chômage et n'a inclus que les jours visés par un avis d’absence, puisqu’il y avait des bordereaux de paie correspondants, et non les jours travaillés pour DTH à 14 $ l’heure. Selon une décision qui a été rendue, elle a été reconnue comme étant une employée et a reçu ses prestations. Cependant, elle a été par la suite avertie que le ministre avait décidé qu'elle n'était pas employée de DTH ni de Postes Canada pendant les deux périodes en cause dans les présents appels. Elle a obtenu une copie du rapport d’appel, la pièce A-6, pour la période du 12 mars au 9 juillet 2004 et une copie du rapport d’appel, la pièce A-7, pour la période du 1er juin au 31 août 2004. Dans son témoignage, Mme Laperrière a fait valoir que, lorsqu'elle travaillait pour DTH à 14 $ l'heure comme assistante, elle était employée de DTH et, lorsqu'elle agissait à titre de FFRS remplaçante pour DTH conformément à un avis d’absence, elle était employée de Postes Canada. L'appelante s'est reportée à une liasse de feuillets écrits à la main, la pièce A-8, qui contenaient des détails concernant l’itinéraire, y compris les directives précises pour certaines adresses. Lorsqu'elle effectuait un itinéraire postal en conduisant son propre véhicule, la maîtresse de poste ou son adjointe remettait à Mme Laperrière la clé pour ouvrir les boîtes aux lettres le matin au bureau de Driftwood, et cette dernière signait un reçu pour la clé qu’elle rendait à la fin de la journée.

 

[3]     Contre-interrogée par Me Pavanjit Mahil, avocate de l'intimé, Mme Laperrière a déclaré qu'elle livrait le courrier de deux itinéraires dans l'île, celui de la RR 1 et de la RR 2, que ses tâches étaient principalement les mêmes, sauf pour les différences géographiques et le nombre plus grand de boîtes aux lettres sur l'itinéraire de Magic Lake. Entre le 12 mars et le 9 juillet 2004, elle a travaillé trois jours, conformément à des avis d'absence, pour un total de 21 heures. Entre le 1er juin et le 31 août 2004, elle a travaillé pour DTH, à titre d'assistante, pendant 28 heures et a été payée directement par DTH. Pendant cette période, seulement une journée, le 9 juillet, a fait l'objet d'un avis d’absence. Mme Laperrière a déclaré que c’est DTH, et non la maîtresse de poste, qui l'appelait lorsque ses services étaient requis et qu’elle acceptait à chaque occasion parce qu'elle avait une réclamation active de prestations d'assurance‑chômage et ne pouvait refuser de travail sans raison valable. L'appelante a reconnu que DTH aurait pu appeler un tiers pour l'aider dans son travail. Elle n'avait pas été interviewée pour le poste de facteur remplaçant et n'avait pas été rémunérée par DTH ni Postes Canada pour les heures travaillées dans le cadre de la formation reçue. Selon Mme Laperrière, DTH définissait la nature des tâches à accomplir chaque jour où ses services étaient requis. Postes Canada a publié un guide, une partie de la pièce A-8, pour l’itinéraire postal de la RR 2, à partir duquel l'appelante a mis au point son propre exemplaire et inscrit son horaire dans ladite pièce. Lorsqu'elle livrait le courrier, elle s'en tenait à l'itinéraire établi et demandait l'aide de la maîtresse de poste, qu'elle considérait comme son superviseur, pendant qu'elle triait le courrier au bureau de Driftwood en l'absence de DTH. Parfois, une fois un itinéraire terminé ou tôt le matin, elle parlait à DTH au téléphone. Mme Laperrière a décrit le questionnaire, la pièce R-1, comme un formulaire qu'elle avait rempli et signé le 16 mars 2005 et retourné à l’ADRC. Elle a indiqué qu'elle avait trouvé cela stressant de remplir ce questionnaire, mais a reconnu que les réponses qui s'y trouvaient étaient vraies au mieux de sa connaissance. Elle a reconnu les réponses données à la question 10, à la page 6, expliquant qu'elle n'avait pas à se rapporter au payeur de quelque manière que ce soit et que la question concernant la supervision ne s'appliquait pas à sa situation de travail (s/o). Elle a indiqué que les heures de travail, de 8 h 30 à 16 h 30, ne variaient pas, malgré un volume de travail plus élevé certains jours. Elle arrivait au bureau de Driftwood à 8 h 20 au moment de l'ouverture des portes et devait revenir au plus tard à 16 h pour que le courrier expédié à l'extérieur de l'île puisse être chargé sur le prochain traversier. Après 16 h, l'appelante retournait les fournitures au bureau de DTH, triait à nouveau certains articles de courrier et effectuait d'autres tâches administratives courantes. Elle a déclaré que, les jours où elle terminait ses livraisons à 14 h, elle demeurerait au bureau pour lire des documents pertinents de Postes Canada, même si elle était libre de partir. En réponse à la question 5b) du questionnaire, Mme Laperrière a indiqué que ses heures de travail quotidiennes étaient [traduction] « de 9 h 30 jusqu'à ce que le courrier soit livré et ramassé. » Bien qu’une telle situation ne se soit jamais produite, Mme Laperrière doute qu’elle ait pu engager quelqu'un pour la remplacer ou l'aider dans ses tâches. Personne ne lui a indiqué qu'elle aurait pu donner sa livraison de courrier en sous‑traitance à un tiers. L'avocate a insisté sur les réponses données à la question 16 où l'appelante a coché NON à la case a) pour affirmer qu'elle n'était pas tenue de fournir ses services personnellement, et OUI à la case b) pour confirmer qu'elle aurait pu [traduction] « engager, superviser, renvoyer des assistants ou trouver un remplaçant sans le consentement du payeur ». Mme Laperrière a déclaré ne pas avoir compris ces questions à l'époque. En ce qui a trait aux instruments de travail et à l'équipement, elle utilisait, pour trier le courrier, le bureau de Driftwood où il y avait des étagères. Postes Canada fournissait les collants, les feuilles de rapport, les annuaires, les bacs en plastique, les sacs de courrier, les clés et d'autres outils comme des clés à mollette et des chariots. L'appelante utilisait sa voiture Subaru 1992 pour livrer le courrier, mais ne fournissait aucun autre instrument de travail ou équipement. Elle ignorait la valeur de son véhicule en 2004, mais la croyait relativement peu élevée. Elle avait reçu un insigne d'identité, dont elle a envoyé une copie par télécopieur, la pièce R-2, à l'agent d’appel. Sur cet insigne sont imprimés les mots « Entrepreneur postal temporaire » et « Temporary Mail Contractor ». L'appelante a déclaré ne pas avoir porté attention à cette carte jusqu'à ce qu'on lui demande d’en transmettre une copie à l’ADRC. Elle n'avait pas souscrit d'assurance automobile précisément pour usage commercial, mais la police autorisait un usage commercial limité. L'appelante ou son mari achetait l’essence et payait les réparations de la Subaru, et elle a reconnu que la somme de 12,65 $ était l'allocation d'automobile quotidienne maximum que versait Postes Canada. Les jours où l'appelante remplaçait DTH à titre de FFRS, conformément à un avis d’absence, elle recevait exactement le même montant qu'aurait reçu DTH. Le numéro d'assurance sociale (le « NAS ») de l'appelante est inscrit sur l'avis d’absence, la pièce A‑2, dans l'espace sous celui réservé au numéro d'identification de l'entrepreneur remplaçant. Elle a indiqué qu'elle comprenait que l'avis d’absence devait être rempli afin qu’elle puisse être payée pour son travail. Elle savait que l'impôt sur le revenu n'avait pas été prélevé sur les chèques émis par Postes Canada, mais, même si elle avait été employée tout au long de sa vie professionnelle, elle n'avait pas porté attention à cette omission dans les avis de paiement de mars 2004, la pièce R-3, et de juillet 2004, la pièce R-4. Si elle ne présentait pas une facture au plus tard le 13 du mois pour le travail effectué jusqu'à cette date, elle devait attendre presque six semaines pour être payée. En ce qui a trait à la question 19 du questionnaire, soit la possibilité de profit ou le risque de perte, direct ou indirect, l'appelante a écrit que [traduction] « un assistant serait responsable de tout courrier égaré, endommagé ou perdu, ainsi que des dépenses pour le véhicule ou de toute blessure qu’il pourrait subir ». Lors de son témoignage, Mme Laperrière a retiré cette réponse en indiquant qu'elle n'était pas exacte. Elle a reconnu que DTH n'était pas obligée d'utiliser ses services comme factrice remplaçante et qu'il n'y avait pas eu d'entente sur le nombre de jours pendant lesquels elle travaillerait ni aucun engagement concernant un montant minimum de gains. L'appelante a répété que, selon elle, elle n'avait jamais été à son compte lorsqu’elle livrait le courrier pas plus que lorsqu'elle aidait DTH dans d'autres tâches. Dans le cadre de ses communications avec l'agent d'appel, elle a appris qu'elle était exclue de l'unité de négociation en vertu des modalités d'une convention collective datée du 20 septembre 2003. Lorsqu'elle agissait à titre de factrice remplaçante, elle n'avait jamais reçu une copie lisible de l'avis d’absence pertinent et ne connaissait pas les diverses modalités imprimées au verso de cette feuille. Elle a déclaré n'avoir pas remarqué les mots « Replacement Contractor » (entrepreneur remplaçant) au bas du formulaire. Elle n'a pas reçu de bordereau T4 de DTH ni de Postes Canada. Par contre, elle a reçu un bordereau T5, sans doute pour un montant inscrit dans la case E, qu'elle a utilisé pour déclarer ce revenu dans sa déclaration de revenu pour 2004. Lorsqu'elle remplissait les cartes de déclaration de l'assurance‑chômage en 2004, elle inscrivait l'argent comptant gagné pour avoir travaillé pour DTH et a inclus le montant total dans la catégorie « autres revenus » dans sa déclaration de revenu. Entre 1991 et 2002, l'appelante a travaillé pour Federal Express au bureau des plaintes à Victoria (Colombie-Britannique). Elle a identifié sa demande de relevé d'emploi (le « RE »), la pièce R-5, datée du 17 août 2004. Dans la partie A de la page 1 de ce formulaire, elle a coché la case indiquant qu'elle n'avait pas demandé de RE et, sous cette case, elle a écrit ce qui suit : [traduction] « J'en demanderai un. Toutefois, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de le faire puisque aucune retenue n'est effectuée; revenu non assurable. » L'appelante a déclaré qu'elle considérait le statut de sa relation de travail comme étant complexe. Elle a demandé un RE à la maîtresse de poste MacDonald, puis a parlé à un représentant au service de la paie des FFRS de Postes Canada qui l’a informée qu’aucun RE ne serait établi à son nom à l'égard de ses services en tant que factrice remplaçante.

 

[4]     Contre-interrogée par Me Rhonda Shirreff, avocate de l'intervenante, Mme Laperrière a reconnu qu'elle n'était pas membre du syndicat, que DTH l'avait recrutée à titre de factrice remplaçante pour l’itinéraire postal RR 2, et qu'elle n'avait pas présenté de demande d'emploi à Postes Canada. Elle n'avait rempli aucun formulaire concernant le prélèvement de retenues salariales sur le paiement de ses services. Elle a indiqué qu'elle comprenait que, à titre de factrice remplaçante, elle n'était pas admissible à un emploi à Postes Canada comme travailleuse à l'interne. Elle a reconnu que Postes Canada ne lui avait fourni aucun manuel ni document de formation et que c’était DTH qui lui donnait des directives au bureau de Driftwood. Pendant les périodes pertinentes dans les présents appels, l'appelante a travaillé à titre d’assistante de Rod MacLean, un autre FFRS de l’île Pender, qui la payait. Mme Laperrière a déclaré que DTH avait la responsabilité de l'informer des procédures en vigueur lorsqu’elle n'avait pas travaillé comme remplaçante ou assistante pendant une période prolongée. L'appelante a reconnu n'avoir pas porté attention au libellé de l'avis d’absence et a expliqué cette omission en disant : [traduction] « Je voulais simplement travailler. » Elle a indiqué qu'elle ne connaissait pas l’effet juridique de l'expression « Replacement Contractor » (entrepreneur remplaçant), sauf qu’elle savait qu'elle n'avait pas droit à des avantages médicaux ni à aucun autre avantage. Postes Canada ne lui avait donné aucune directive concernant le genre de véhicule à utiliser pour livrer le courrier, et elle aurait pu utiliser celui que possédait DTH ou en emprunter un. Elle comprenait que Postes Canada ne lui aurait pas fourni de véhicule pour effectuer un itinéraire de livraison de courrier. Même si l'itinéraire RR 2 est le plus long, il n'y avait pas de paiement supplémentaire pour l'utilisation du véhicule, pas plus qu'il n'y avait de rémunération additionnelle lorsque le prix de l'essence augmentait. L'appelante a convenu qu'elle aurait pu arriver à Driftwood après 8 h 30, plutôt qu'avant, pour trier le courrier de l'itinéraire RR 2 selon l'ordre des boîtes de dépôt qui desservaient des centaines de clients. Il y a des boîtes postales groupées à différents endroits où jusqu'à 60 personnes reçoivent leur courrier. En moyenne, l'itinéraire postal était d'une durée de sept heures et, même si l'appelante pouvait prendre des pauses à sa guise, elle choisissait de ne pas le faire puisque cela signifiait laisser le courrier sans surveillance dans le véhicule. Elle ne possède pas de téléphone portable, et son véhicule ne comportait pas de dispositif de communication. L'appelante a reconnu qu'elle avait reçu un taux fixe pour une tâche précise lorsqu'elle agissait à titre de factrice remplaçante et que, pendant son travail, elle n'était pas supervisée pas plus qu'elle n'avait de contact avec quiconque à Postes Canada. Lorsqu'elle effectuait les livraisons de l'itinéraire, elle accomplissait sa tâche seule et conformément aux directives fournies par DTH pendant les premières séances de formation.

 

[5]     Gerard Mathieu est à la retraite et a travaillé pendant 22 ans pour Postes Canada jusqu'en mars 2006. À titre de directeur des Ressources humaines, il était responsable des différents programmes et  politiques, y compris la paie. Il avait aussi la responsabilité de la mise en œuvre d'une convention collective d'une durée de huit ans entre Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (le « sttp ») qui a, entre autres, transformé le statut d'entrepreneur indépendant de 6000 FFRS en statut d'employé au 1er janvier 2004. Postes Canada voulait obtenir une convention collective en vertu de laquelle les facteurs et les commis étaient inclus dans le processus de négociation et, pour atteindre cet objectif, la société a accepté que les FFRS deviennent des employés et, par conséquent, des membres du STTP. M. Mathieu a élaboré les formulaires nécessaires concernant les facteurs remplaçants et les assistants. Il était assisté pour les questions administratives par deux collègues membres d’un comité et par un groupe de 15 à 20 employés. Avant l'entrée en vigueur de la convention collective, les factrices et facteurs ruraux et suburbains étaient appelés « entrepreneurs des routes rurales ». Ces derniers effectuaient les livraisons et les services connexes sur un itinéraire précis conformément à des contrats d'une durée de cinq ans accordés selon un processus de soumissions par voie concurrentielle. Lorsqu'un soumissionnaire obtenait un contrat pour un itinéraire, l'entrepreneur était payé pour ses services annuels en 12 versements mensuels égaux. M. Mathieu a indiqué que sous ce régime il n’y avait aucune mention dans les contrats à l'égard des facteurs remplaçants parce que tout ce que voulait Postes Canada, c’était que le courrier soit bien livré sur une itinéraire postal donné; la société ne prenait aucune mesure pour trouver des remplaçants. L'entrepreneur avait la responsabilité exclusive de trouver des remplaçants qu'il payait directement selon un taux convenu. Avant le 1er janvier 2004, Postes Canada effectuait des vérifications de sécurité à l’égard des soumissionnaires qui avaient obtenu un contrat, tandis que la politique actuelle exige que toute personne qui veut travailler à titre de FFRS remplaçant doit être qualifiée conformément à la politique de Postes Canada. Selon les estimations de Postes Canada, le temps nécessaire pour effectuer un itinéraire varie de deux à neuf heures, puisqu’un itinéraire est un regroupement d'adresses de clients dans une région géographique. Avant la convention collective, Postes Canada devait demander à un entrepreneur de ne pas engager un certain facteur remplaçant si le travail effectué par cette personne était insatisfaisant. Après le 1er janvier 2004, les retenues salariales habituelles étaient prélevées sur les chèques de paie émis aux FFRS. Ces derniers étaient admissibles à un régime de retraite, aux avantages sociaux de la société, au programme d'employés et à la paie de vacances et ils pouvaient participer à tous les dossiers concernant le statut d'employé. La nouvelle convention collective (la « convention ») contenait des dispositions concernant les mesures disciplinaires visant les FFRS, mais Postes Canada ne tenait aucun dossier concernant les facteurs remplaçants. Selon l'article 13.03 de l'extrait de ladite convention, la pièce I-1, onglet 1, si un FFRS a besoin d'une personne pour l'aider, cette personne doit signer un contrat de service avec Postes Canada, et la société lui paiera le taux quotidien fixé pour l'employé-FFRS, et ce montant sera déduit du salaire autrement payé. Selon l'article 14.01, le FFRS « doit prendre les dispositions nécessaires pour trouver un tiers qualifié pour exécuter le travail de son itinéraire pendant toute la durée de son absence » et qu'en l'absence de circonstances exceptionnelles « cette personne doit répondre aux exigences en matière de sécurité ». L'article 14.02 de la convention prévoit ce qui suit : « La personne remplissant des fonctions de remplacement n’est pas un employé de la Société pendant qu’elle exécute cette tâche. » Cette disposition prévoit également que le taux quotidien, incluant les dépenses d’utilisation d’un véhicule, payé au remplaçant était le même que le taux applicable au FFRS remplacé. M. Mathieu a déclaré que, si un FFRS engage un assistant pour l’aider plutôt qu'à titre de facteur remplaçant pour l'itinéraire, il s'agit d'une question entre eux et que Postes Canada ne joue aucun rôle dans leur accord. M. Mathieu s'est vu présenter une photocopie du formulaire intitulé RSMC Leave Voucher (avis d’absence de FFRS), onglet 2 de la pièce I‑1, ainsi qu'une page de ce formulaire représentant le verso de ce formulaire. Selon la procédure applicable, le FFRS doit remplir la partie 1 du formulaire et la présenter au directeur du bureau de poste (maître de poste) qui l’achemine à un centre de paie exploité par Ceridian, une société privée qui fournit des services de paie à Postes Canada. La partie inférieure de l'avis d’absence est remplie par le FFRS ou la personne remplaçante, qui doit apposer sa signature à l'endroit indiqué. Postes Canada remet chaque année à l'ADRC des bordereaux T4 à l'égard des employés FFRS et un formulaire T1204 concernant les montants versés aux personnes décrites comme entrepreneurs remplaçants, qui doivent inscrire leur nas sur l'avis d’absence afin d'être payés. M. Mathieu a estimé que Postes Canada, par l'intermédiaire de Ceridian, émettait entre 2 000 et 3 000 paiements chaque mois aux facteurs remplaçants. L'avis d’absence pouvait être présenté avant l'exécution du travail, à la condition que la date de cet avis soit certaine; parfois, les circonstances étaient telles que le document ne pouvait pas être rempli avant la fin de l'exécution du travail. En 2004, l'avis d’absence comportait trois copies, et M. Mathieu a reconnu que les caractères utilisés étaient petits et difficiles à lire et que de nombreuses plaintes mettant en cause la lisibilité des avis avaient été déposées par les facteurs remplaçants. En conséquence, de nouveaux formulaires ont été imprimés en 2005. Selon le paragraphe 3 de l'avis d’absence, la pièce I-1, l'entrepreneur [traduction] « convient de fournir personnellement toute la main-d'œuvre, le matériel, les instruments de travail et l'équipement nécessaires pour l'exécution du service ». Le véhicule utilisé par le facteur remplaçant doit pouvoir effectuer l'itinéraire postal en un seul voyage, et une allocation quotidienne fixe est accordée pour son utilisation sur cet itinéraire précis. En vertu des paragraphes 5 et 6, respectivement, de l'avis d’absence, l'entrepreneur est responsable de la perte des biens ou des dommages aux biens appartenant à Postes Canada, et la responsabilité de Postes Canada envers l'entrepreneur se limite exclusivement au versement du paiement à l'entrepreneur conformément aux dispositions sur le paiement qui sont prévues dans l’avis. Selon le paragraphe 8 de l'avis d’absence, l'entrepreneur doit obtenir une assurance adéquate pour respecter les modalités du contrat. M. Mathieu a indiqué que si un problème surgissait concernant le rendement d’un facteur remplaçant, Postes Canada demandait au FFRS de ne plus retenir les services de cette personne.

 

[6]     Contre-interrogé par l'appelante, Sharon Laperrière, M. Mathieu a reconnu que le recto de l'avis d’absence de 2004 ne comportait pas d'avertissement indiquant que quelque chose était imprimé au verso. Il a convenu qu'il n'existait pas de différence entre les tâches exécutées par un FFRS et un facteur remplaçant, ni dans le taux quotidien de paie, ni dans l’allocation d'automobile. Il a indiqué que Postes Canada avait délibérément choisi ce mode de rémunération pour éviter que les FFRS n’obtiennent du travail de Postes Canada et ne le donnent ensuite en sous-traitance à un taux plus faible. Le travailleur remplaçant doit être en mesure de se substituer au FFRS pour toutes les tâches pertinentes pendant la période d'absence.

 

[7]     Contre-interrogé par Me Pavanjit Mahil, avocate de l'intimé, M. Mathieu a déclaré que, en vertu de la convention collective du 1er janvier 2004, un FFRS peut faire l'objet de mesures disciplinaires et a le droit de loger un grief et d'avoir recours à l'arbitrage. Il a indiqué qu’un formulaire spécial avait été mis au point en 2005 pour les personnes qui aidaient les FFRS à exécuter des tâches, à titre d’assistants plutôt que comme remplaçants, et qu’un FFRS n'est plus autorisé à engager un assistant et à le payer directement sans la participation de Postes Canada. Il a déclaré que Postes Canada proposait une méthode de livraison pour les itinéraires postaux, mais que le facteur pouvait s'en écarter puisqu'il n'y avait pas de supervision.

 

[8]     L'appelante prétend qu’elle n'est pas liée par la convention collective conclue entre Postes Canada et le sttp. Elle a reconnu que les 28 heures de travail exécutées, à titre d'assistante, pour DTH à 14 $ l'heure ne concernaient pas Postes Canada, puisque dth la payait directement. Elle soutient cependant qu'elle a le droit d'être reconnue comme employée pour les 21 heures qu'elle a travaillées pour Postes Canada conformément aux modalités des avis d'absence qui l’autorisaient à remplacer DTH comme factrice. L'appelante prétend qu'elle était assujettie à un certain contrôle, qu'elle n'avait eu aucune occasion d'examiner son statut avant de fournir ses services à Postes Canada et qu'elle ne devrait pas être liée par les modalités d'un document qui était pratiquement impossible à lire.

 

[9]     L'avocate de l'intimé a soutenu qu'il était difficile de vérifier la nature de la relation de travail entre l'appelante et DTH puisque cette dernière n'avait pas été appelée comme témoin. L'avocate a souligné que l'appelante avait uniquement travaillé quelques jours répartis sur plusieurs mois et que la preuve n'indiquait pas qu’on supervisait la manière dont le travail était effectué. En ce qui a trait au travail de l'appelante à titre de factrice remplaçante, l'avocate s'est reportée au formulaire d'avis d’absence qui indique clairement que la personne qui exécute le service est considérée comme un entrepreneur remplaçant. Les avis de paiement émis par Postes Canada indiquent clairement qu'aucune retenue salariale n'a été prélevée, et l'appelante a fourni dans son questionnaire des réponses qui indiquent qu'elle estimait que ses services étaient rendus dans un contexte qui les rendait non assurables. L'avocate a soutenu qu'il était manifeste que l'appelante fournissait l’instrument de travail principal, soit le véhicule Subaru, et qu'elle était indemnisée pour son utilisation au moyen d'une allocation quotidienne fixe. L'avocate a reconnu que, lors de l'exécution de tâches à titre de factrice remplaçante, l'appelante ne pouvait pas engager de substitut et devait elle-même assurer le service sur l'itinéraire postal. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, l'avocate a soutenu que l'appelante n’avait pas prouvé qu'elle était une employée de DTH ou de Postes Canada pendant les périodes pertinentes.

 

[10]    L'avocate de l'intervenante a soutenu que tous les éléments pertinents montrent que l’appelante était un entrepreneur indépendant. L'appelante ne faisait l’objet de presque aucune supervision, pouvait refuser du travail, n'était assujettie à aucune règle et ne pouvait pas faire l'objet de mesures disciplinaires. Elle n'était nullement tenue de travailler exclusivement pour Postes Canada et aurait pu faire la livraison de documents publicitaires pour des concurrents. Lorsqu'elle a été formée par DTH pendant trois jours, l'appelante n'a pas été payée pour son temps et a volontairement communiqué avec DTH de temps à autre pour se tenir au courant des procédures de livraison. L'avocate a soutenu que l'intention de l'appelante peut être vérifiée compte tenu de sa conduite dans le cadre de sa relation de travail et que, conformément aux dispositions législatives fédérales concernant Postes Canada, un entrepreneur postal est réputé ne pas être un entrepreneur dépendant ou un employé au sens de la Loi sur la pension de la fonction publique.

 

[11]    La disposition pertinente de la Loi est la suivante :

 

5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

 

a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

 

[12]    La disposition pertinente du Régime est la suivante :

 

6.1 Ouvrent droit à pension les emplois suivants :

 

a) l’emploi au Canada qui n’est pas un emploi excepté;

 

[13]    Dans les présents appels, dès le départ les parties ne s'entendent pas sur leur intention quant à la manière de définir le statut du fournisseur de services dans le cadre de la relation de travail. Dans plusieurs décisions récentes, notamment Wolf v. Canada, [2002] DTC 6853, The Royal Winnipeg Ballet v. The Minister of National Revenue, [2006] DTC 6323, Vida Wellness Corp. (c.o.b. Vida Wellness Spa) c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2006] A.C.I. no 570 et City Water International Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national– M.R.N.), [2006] A.C.F. no 1653, la question ne se pose pas à cet égard en raison de l'intention mutuelle claire des parties selon laquelle la personne qui fournissait les services le faisait à titre d'entrepreneur indépendant et non à titre d'employée.

 

[14]    Dans l'arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, la Cour suprême du Canada s'est penchée sur une affaire de responsabilité du fait d'autrui et, dans le cadre de l'examen de diverses questions pertinentes, elle a également dû se pencher sur ce que constitue un entrepreneur indépendant. Le jugement de la cour a été rendu par le juge Major qui a examiné l'évolution de la jurisprudence pour ce qui est de l'importance de la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant, compte tenu de son incidence sur la question de la responsabilité du fait d'autrui. Après s'être reporté aux motifs du juge MacGuigan dans la décision Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., [1986] 2 C.T.C. 200 et à la mention qui s'y trouve concernant le critère d'organisation utilisé par lord Denning, ainsi qu'à la synthèse du juge Cooke dans la décision Market Investigations Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, le juge Major a déclaré ce qui suit aux paragraphes 45 à 48 inclusivement de son jugement :

 

Enfin, un critère se rapportant à l’entreprise elle-même est apparu. Flannigan [...] [« Enterprise control :  The servant-independent contractor distinction » (1987), 37 U.T.L.J. 25, p. 29] énonce le [traduction] « critère de l’entreprise » selon lequel l’employeur doit être tenu responsable du fait d’autrui pour les raisons suivantes : (1) il contrôle les activités du travailleur, (2) il est en mesure de réduire les risques de perte, (3) il tire profit des activités du travailleur, (4) le coût véritable d’un bien ou d’un service devrait être assumé par l’entreprise qui l’offre. Pour Flannigan, chaque justification a trait à la régulation du risque pris par l’employeur, et le contrôle est donc toujours l’élément crucial puisque c’est la capacité de contrôler l’entreprise qui permet à l’employeur de prendre des risques. Le juge La Forest a lui aussi formulé un « critère du risque de l’entreprise » dans l’opinion dissidente qu’il a exposée relativement au pourvoi incident dans l’arrêt London Drugs. Il a écrit, à la p. 339, que « [l]a responsabilité du fait d’autrui a pour fonction plus générale de transférer à l’entreprise elle-même les risques créés par l’activité à laquelle se livrent ses mandataires ».

 

À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l’arrêt Stevenson Jordan, […] [[1952] 1 The Times L.R. 101] qu’il peut être impossible d’établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [traduction] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d’apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l’opinion du juge MacGuigan lorsqu’il affirme – en citant Atiyah, […] [Vicarious Liability in the Law of Torts, London, Butterworths, 1967], p. 38, dans l’arrêt Wiebe Door, p. 563 – qu’il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

[traduction]  [N]ous doutons fortement qu’il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d’identifier les contrats de louage de services [...] La meilleure chose à faire est d’étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s’appliquent pas dans tous les cas et n’ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n’est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[15]    Dans les présents appels, j'examinerai les faits en fonction des indices énoncés dans le jugement du juge Major dans Sagaz.

 

Degré de contrôle

 

[16]    En premier lieu, je me pencherai sur les trois jours pendant lesquels l'appelante a livré le courrier sur l'itinéraire conformément aux modalités des deux avis d'absence signés par Sharon MacDonald, la maîtresse de poste. La formation nécessaire pour agir à titre de facteur remplaçant de DTH, la FFRS habituelle pour cet itinéraire, a été fournie par DTH; une partie de cette formation a eu lieu au bureau de Postes Canada dans le contexte des activités quotidiennes qui y avaient lieu. La participation de la maîtresse de postes ou de son assistante était accessoire, et les véritables directives concernant les méthodes de trier et de livrer le courrier le long de l'itinéraire ont été principalement fournies par DTH. L'appelante a travaillé comme remplaçante de DTH le 20 février, le 23 février et le 9 juillet 2004. Au cours de ces journées, elle était libre d'exécuter son travail de la manière de son choix, à la condition de terminer l'itinéraire et d’être de retour au bureau de Driftwood à temps pour rédiger les documents nécessaires, au plus tard à 16 h, et pour que les objets recueillis puissent être expédiés par traversier en après‑midi ou en début de soirée. Elle a choisi de suivre l'itinéraire désigné par Postes Canada et adopté par DTH. L'appelante n'était pas supervisée pendant qu'elle assurait le service sur l'itinéraire postal. Elle n'était aucunement tenue d'accepter du travail de la part de DTH à titre de factrice remplaçante, mais, si elle le faisait, elle devait fournir certains renseignements, dont son NAS, sur le formulaire prescrit et le signer. Elle n'était assujettie à aucune mesure disciplinaire de la part de Postes Canada concernant des plaintes légitimes en rapport avec son rendement à titre de factrice remplaçante, mais il est probable qu'on aurait demandé à DTH de ne plus utiliser ses services pour l'avenir.

 

[17]    L'appelante a fourni ses services à DTH comme assistante à la fois pour trier le courrier et l’aider à assurer le service sur l'itinéraire postal et a assumé les tâches de livraison pour des jours ne faisant pas l'objet d'un avis d’absence. Elle a travaillé à titre d'assistante pendant un total de 28 heures, soit 11 heures en juin, 14 heures en juillet et 3 heures en août. Selon le témoignage de l'appelante, parfois DTH lui versait 14 $ l’heure pour trier le courrier au bureau de Driftwood, et à d'autres moments elle faisait la livraison sur l'itinéraire et rédigeait les documents nécessaires à Driftwood à la fin de journée. Lorsqu’elle livrait le courrier sur l'itinéraire, elle utilisait son propre véhicule, et DTH n'exerçait aucune supervision. DTH lui ayant enseigné les différentes méthodes pour trier le courrier au début de février, il est raisonnable de déduire qu'elle n'avait plus besoin de directives ou de supervision lorsqu'elle exécutait ce genre de tâches plus tard au cours de l'année.

 

[18]    Lorsqu'elle a répondu aux questions du questionnaire concernant les exigences en matière de rapports et les détails sur la supervision, l'appelante a indiqué qu'elle n'avait pas à se présenter à qui que ce soit et que la question de la supervision ne s'appliquait pas à sa situation de travail.

 

Mise à disposition de matériel ou d’assistants

 

[19]    L'agent d'appel a décidé que l'appelante aurait pu engager quelqu'un pour exécuter le travail, probablement parce que c'est la réponse que Mme Laperrière a fournie dans le questionnaire, même si elle ne l'avait pas fait. La preuve n'appuie pas cette conclusion, et l'avocate de l'intimé a admis que c’est bien l'appelante qui devait exécuter elle‑même le travail, soit en vertu d'un avis d’absence, soit lorsque DTH la payait pour certains services.

 

[20]    Il est clair que le principal instrument de travail ou équipement était le véhicule dont l'appelante était propriétaire. Même lorsqu'elle travaillait pour DTH à 14 $ l'heure, elle utilisait son propre véhicule, et DTH ne lui remboursait aucune dépense. Lorsqu'elle livrait le courrier sur l'itinéraire en vertu d'un avis d’absence, elle recevait un taux quotidien fixe pour les dépenses d'automobile. Les autres éléments fournis par Postes Canada étaient sans importance et se trouvaient dans le bureau à l'intention de tous les travailleurs qui participaient au triage du courrier ou à d'autres activités quotidiennes courantes.

 

Étendue des risques financiers et responsabilité pour les mises de fond et la gestion

 

[21]    L'étendue des risques financiers a été mentionnée en rapport avec la possibilité que les coûts liés au véhicule dépassent la rémunération quotidienne fixe payée par Postes Canada à l'appelante comme factrice remplaçante. Le véhicule de l'appelante était un vieux modèle à traction intégrale, pas très économique quant à la consommation d'essence. Il est raisonnable de conclure que le véhicule avait besoin de réparations à l'occasion, outre l'entretien régulier, et l'appelante en assumait les frais. Lorsqu'elle a fourni ses services directement à DTH pendant six jours entre le 16 juin et le 24 août 2004, l'appelante a travaillé un total de 28 heures. S'il s'agissait de trier le courrier au bureau de Driftwood, ce qui ne durait qu'une heure ou deux, la rémunération gagnée n'était pas importante si l’on considère les dépenses réelles de fonctionnement du véhicule ou la possibilité d'un accident ou de dommages lors de la livraison du courrier sur l'itinéraire, à 14 $ l'heure, sans rémunération supplémentaire pour utiliser son propre véhicule. Il y avait également la possibilité qu’on la tienne responsable de la perte du courrier ou des dommages causés à celui-ci en vertu des modalités de l'avis d’absence.

 

Possibilité de tirer profit de l'exécution des tâches

 

[22]    Lorsqu'elle livrait le courrier sur l'itinéraire en vertu des modalités d'un avis d’absence, l'appelante était payée selon un taux quotidien fixe et recevait une allocation fixe pour l'utilisation de son véhicule. Pendant les périodes où elle a travaillé comme assistante de DTH, elle était payée 14 $ l'heure et aurait pu gagner plus d'argent seulement si elle avait travaillé un plus grand nombre d'heures. Elle n'avait pas le droit de donner ses services en sous-traitance, et l’objectif principal du système de remplacement des facteurs utilisé par Postes Canada était qu’un remplaçant reçoive la même rémunération et les mêmes allocations pour dépenses qu’un FFRS afin d'éliminer les occasions de profit chez les FFRS qui auraient pu envisager d’engager un tiers pour livrer le courrier à un prix moins élevé et d’empocher la différence.

 

[23]    Dans l’affaire Direct Care In-Home Health Services Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), [2005] A.C.I. no 164, le juge Hershfield devait se prononcer sur le statut d’un fournisseur de soins de santé qui faisait partie d'un groupe d'infirmières et d’infirmiers parmi lequel le payeur choisissait pour exécuter les contrats conclus avec diverses agences pour fournir des soins à certaines personnes. En ce qui a trait aux importants indices de contrôle, le juge Hershfield a déclaré ce qui suit aux paragraphes 11 et 12 de son jugement :

Contrôle

 

[11]      Dans le cadre de l’analyse de ce facteur, il faut déterminer qui contrôle le travail et comment, quand et où il doit être effectué. S’il est jugé que le travailleur a le contrôle du travail une fois qu’il lui est confié, cela semble davantage indiquer que le travailleur est un entrepreneur indépendant, et s’il est jugé que l’employeur exerce un contrôle sur l’exécution du travail par le travailleur, cela laisse entendre qu’il y a une relation employeur‑employé. Toutefois, lorsque les travailleurs ont une spécialisation accrue, il se peut que ce critère soit considéré comme moins fiable. On accorde donc plus d’importance à la question de savoir si le service que le travailleur doit fournir dans le cadre de ses fonctions est simplement axé sur les « résultats »; c.‑à‑d. « voici une tâche précise – vous avez été engagé pour l’exécuter ». Dans un tel cas, il n’y a pas de lien de subordination, ce qui est une exigence fondamentale pour qu’il y ait une relation employé‑employeur. De plus, il ne faut pas confondre le contrôle des résultats, qui peut être exigé à chaque fois qu’un travailleur est engagé pour fournir des services, avec le contrôle ou la subordination d’un travailleur.

 

[12]      En l’espèce, la travailleuse pouvait refuser une affectation pour quelque raison que ce soit, ou même sans raison. Elle pouvait quitter un client et quand même travailler pour un autre client qu’elle préférait. Elle pouvait accomplir d’autres tâches comme bon lui semblait et quand elle le voulait. De plus, même si on lui offrait des tâches de soins infirmiers, on ne lui promettait rien à ce sujet et elle n’était pas supervisée dans l’accomplissement de ces tâches. Selon l’appelante, chacune des tâches offertes était une tâche axée sur les résultats. Le fait que l’appelante pouvait offrir de telles tâches de temps à autre et, dans une certaine mesure, contrôler le rendement des travailleurs ne m’amène pas à conclure qu’il y avait une relation employé-employeur. Comme dans l’affaire D & J Driveway, où le lien de subordination entre la compagnie et les conducteurs n’était pas assez important pour que le juge puisse conclure qu’il y avait un contrat de travail, en l’espèce, le lien de subordination n’est pas assez important pour qu’il soit possible de conclure que la relation entre les parties est une relation employé-employeur. Dans l’affaire D & J Driveway, les conducteurs pouvaient effectuer des livraisons particulières, et ils avaient le choix d’accepter ou de refuser de faire les livraisons quand on faisait appel à eux. Lorsque les conducteurs acceptaient d’effectuer une livraison, aucun contrôle n’était exercé concernant la façon dont ils exécutaient leurs fonctions. De même, dans l’arrêt Wolf, la juge Desjardins a dit qu’un lien de subordination n’avait pas été créé quand le travailleur, un ingénieur en mécanique indépendant engagé selon un contrat d’un an renouvelable, s’était fait assigner des tâches dont il était le « maître ». Comme dans ces cas‑là, je ne crois pas qu’en l’espèce il y a un lien de subordination entre la travailleuse et l’appelante, lequel lien doit être présent pour que l’on puisse conclure qu’il y a un contrat de travail. Le critère du contrôle semble donc indiquer qu’il y a une relation d’entrepreneur indépendant.

 

[24]    Concernant l'intention des parties, le juge Hershfield a fait les observations suivantes aux paragraphes 25 et 26 :

 

[25]      Même s’il ne faut pas considérer les intentions des parties comme un facteur déterminant, elles peuvent être utiles dans une issue serrée. En d’autres mots, si on arrivait à la conclusion après un examen de l’ensemble de la preuve qu’il s’agit d’une issue serrée où les facteurs pertinents pointent dans les deux directions avec autant de force et qu’il faut donc examiner et considérer la compréhension mutuelle des parties, comment l’affaire serait‑elle réglée?

 

[26]      Il ne m’est pas difficile de conclure que l’appelante avait l’intention d’engager la travailleuse à titre d’entrepreneuse indépendante. C’est ce qui ressort clairement du témoignage de M. Blais et des modalités de l’entente. Pour ce qui est de l’intention de la travailleuse, je tiens d’abord à souligner qu’elle n’est pas aussi évidente que celle de l’appelante. Le témoignage de la travailleuse semble indiquer que la question ne l’intéressait pas. Elle ne semblait pas préoccupée par sa classification. Bien qu’on puisse dire qu’elle ne s’est jamais vraiment considérée comme une entrepreneuse indépendante, on ne peut ignorer le fait qu’elle n’a jamais exercé ses fonctions en pensant qu’elle était une employée. Au contraire, elle a exercé les fonctions en acceptant, en toute connaissance de cause, la relation prévue par l’appelante. De plus, je suis obligé de conclure qu’elle doit avoir eu au moins un peu l’intention d’exploiter une entreprise en tant qu’entrepreneuse indépendante, compte tenu du fait qu’elle a accepté une entente selon laquelle elle n’avait pas droit à des avantages sociaux, et ce, sans la protection apparente de la législation du travail en ce qui concerne les avantages sociaux ou la sécurité d’emploi. Lors de l’audience, la travailleuse n’a aucunement montré qu’elle souhaitait changer sa situation parce qu’elle savait très bien qu’il s’agissait, et qu’il s’agit toujours de l’entente qu’elle a acceptée de plein gré. Son intention était et est toujours d’exploiter son entreprise comme l’exige l’entente.

 

[25]    Dans la décision Thomson Canada Ltd. (Winnipeg Free Press) c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2001] A.C.I. no 374, le juge Porter devait déterminer si un livreur qui livrait des journaux et des encarts était un employé ou un entrepreneur indépendant. En décidant que le travailleur n'était pas un employé, le juge Porter a examiné les indices pertinents et a déclaré ce qui suit au sujet de la question du contrôle au paragraphe 89 :

 

[89]      Si l'on fait abstraction du point mentionné précédemment, WFP n'exerçait aucun contrôle. La preuve n'a pas démontré que WFP exerçait un contrôle sur les livreurs sous forme d'instructions ou de consignes. Bien au contraire, les livreurs avaient toute latitude au sujet de la manière dont ils fournissaient leurs services. La seule exigence était qu'ils aient effectué toutes les livraisons avant 6 h et que les journaux aient été livrés en bonne condition. Les livreurs n'avaient pas à porter un uniforme, et il n'était pas requis que leur véhicule porte une inscription quelconque. On ne précisait pas dans quel ordre devaient être effectuées les livraisons. La manière dont les livreurs effectuaient leurs livraisons sur leur itinéraire était laissée entièrement à leur discrétion. On ne les empêchait pas de livrer simultanément des journaux concurrents. Ils n'avaient pas à communiquer avec WFP à quelque moment que ce soit après avoir ramassé les journaux, notamment lorsqu'ils avaient terminé leurs livraisons. Personne n'exerçait de contrôle sur les livreurs après que ceux-ci avaient quitté le dépôt avec les journaux, et personne ne supervisait la prestation de leurs services. Les livreurs établissaient eux-mêmes leur horaire de travail.

 

[26]    En ce qui a trait à la question des instruments de travail, le juge Porter a fait les observations suivantes au paragraphe 95 : 

 

[95]      Bref, exception faite du véhicule à moteur, il y avait très peu d'instruments de travail en jeu. Si l'on exclut le véhicule à moteur, l'examen de ce volet du critère donne des résultats fort ambigus. Par contre, si l'on tient compte du véhicule à moteur, les résultats de l'examen indiquent plutôt l'existence d'un contrat d'entreprise. Il n'est toutefois pas rare que des employés travaillant dans le cadre de contrats de louage de services doivent utiliser leur propre véhicule dans le cadre de leur emploi. Mais l'utilisation faite du véhicule en l'espèce n'a rien d'accessoire. Il s'agit d'une condition essentielle à la prestation quotidienne de services par les livreurs. Ce sont les livreurs qui faisaient le plus important investissement au chapitre des instruments de travail, et ce volet du critère, tout bien considéré, va davantage dans le sens d'un contrat d'entreprise que dans celui d'un contrat de louage de services.

 

[27]    Il est difficile de concilier le fait que l'appelante ne comprenait pas son statut probable dans le cadre des présents appels alors qu’elle faisait preuve d’une compréhension plus grande et plus fine lorsqu'elle répondait au questionnaire relativement au contrôle et à la supervision, à la capacité d'engager d'autres travailleurs et à la responsabilité des dommages ou des pertes subis dans l'exercice de ses fonctions. Même si le libellé précis au verso des formulaires d'avis d’absence peut lui avoir échappé, les mots « Replacement Contractor » (entrepreneur remplaçant) apparaissant clairement au bas de ces formulaires auraient dû la sensibiliser au fait qu'elle n'était pas une employée, dans le sens habituel, de Postes Canada. Elle savait qu'elle ne travaillait que lorsque DTH l'appelait et que Postes Canada lui paierait ses services uniquement pour les jours faisant l'objet d'un avis d’absence. Lorsqu'elle travaillait directement pour DTH, à 14 $ l'heure, l'appelante était payée en argent comptant et elle savait qu'aucune retenue salariale n'était prélevée et qu’on ne lui garantissait aucun nombre minimum d’heures de travail au cours d'une période donnée. Elle acceptait de travailler lorsqu'on lui offrait de le faire afin de respecter les règles régissant les prestations d'assurance‑chômage qu'elle recevait à ce moment-là.

 

[28]    Après avoir pris connaissance de la décision du ministre selon laquelle elle n’exerçait ni un emploi assurable ni ouvrant droit à pension auprès de Postes Canada ou de DTH, Mme Laperrière a appris qu'elle avait besoin de dix heures assurables supplémentaires pour être admissible à des prestations d'assurance‑chômage. Une telle situation peut grandement motiver une personne lorsque celle-ci doit plus tard expliquer sa compréhension des modalités originales d'engagement dans toute relation de travail. La tentation, à la fois consciente et inconsciente, de remodeler la situation à son avantage est forte, et il est souvent difficile d’y résister. Je conclus que l'appelante n'était pas aussi naïve et confuse quant aux tenants et aboutissants de ses arrangements de travail intermittents et de courte durée avec Postes Canada ou DTH qu’elle l'a affirmé dans son témoignage. Elle avait été employée dans une société internationale de messageries pendant plusieurs années et elle aurait su aisément que les relevés d'avis de paie émis par Postes Canada ne la considéraient pas comme une employée, probablement parce qu’elle n’avait pas exécuté ses services en tant qu'employée. Quant au travail effectué pour DTH, la preuve ne me permet pas de conclure qu'elle exécutait ses services dans quelque contexte que ce soit sauf celui d'entrepreneur indépendant. L'appelante avait travaillé à titre de factrice remplaçante pour Rob MacLean, l'autre FFRS de l’île Pender, pendant la période pertinente visée par les présents appels; elle l’avait fait sans aucune participation de Postes Canada et elle avait été directement payée par lui. Manifestement, elle se présentait comme une personne que l’on pouvait appeler pour exécuter un service précis de livraison de courrier sur un itinéraire, et fournir le véhicule nécessaire, pour une période limitée en contrepartie d'un paiement selon un taux horaire négocié ou un taux quotidien. La preuve prise dans son ensemble étaye l'opinion selon laquelle le ministre a à juste titre qualifié l'appelante d'entrepreneur indépendant à l'égard de ses services tant à titre d'assistante qu’à titre de factrice remplaçante.

 

[29]    Il y a une autre question à examiner, soit celle de l'effet des dispositions de l'article 13 de la partie I de la Loi sur la Société canadienne des postes qui sont rédigées comme suit :

 

Présomption

 

13. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), les personnes engagées aux termes de l’article 12 sont réputées ne pas faire partie de l’administration publique fédérale.

 

(2) [Abrogé, 1999, ch. 34, art. 227]

 

Idem

 

(3) Sauf instruction contraire du gouverneur en conseil, la Loi sur la pension de la fonction publique ne s’applique pas aux administrateurs de la Société autres que le président du conseil, le président et les administrateurs choisis au sein de l’administration publique fédérale.

 

Loi sur l’aéronautique

 

(4) Pour l’application des règlements pris en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’aéronautique, le président du conseil, le président, les dirigeants et les employés de la Société sont réputés faire partie de l’administration publique fédérale.

 

Code canadien du travail

 

(5) Pour l’application de la partie I du Code canadien du travail à la Société ainsi qu’à ses dirigeants et employés, les entrepreneurs postaux sont réputés n’être ni des entrepreneurs dépendants ni des employés au sens du paragraphe 3(1) du code.

 

[30]    Dans l'arrêt Société canadienne des postes c. Assn. of Rural Route Mail Couriers, [1989] 1 C.F. 176, la Cour d'appel fédérale a examiné une demande d'annuler une décision du Conseil canadien des relations de travail (le « Conseil ») selon laquelle les facteurs ruraux étaient des employés au sens de l'article 107 du Code canadien du travail. Le juge Hugessen et le juge Desjardins ont décidé que la décision devait être annulée, tandis que le juge Marceau aurait renvoyé l'affaire au Conseil. Le juge Hugessen a déclaré ce qui suit au paragraphe 6 de ses motifs :

 

[6]        Cette décision porte sur les facteurs ruraux, ceux qu'on voit presque quotidiennement dans des régions rurales habitées du pays. Ils conduisent leur propre voiture, suivant un itinéraire postal déterminé pour livrer et ramasser du courrier dans les boîtes aux lettres privées qui se trouvent au bord de la route.

 

[31]    La disposition examinée par la cour était essentiellement la même que celle citée ci-dessus, et le juge Hugessen s'y est reporté comme suit aux paragraphes 12 et 13 de ses motifs :

 

[12]      La disposition applicable est le paragraphe 13(6) :

13. [...]

(6) Pour l'application de la partie V du Code canadien du travail à la Société ainsi qu'à ses dirigeants et employés, les entrepreneurs postaux sont réputés n'être ni des entrepreneurs dépendants ni des employés ou travailleurs au sens du paragraphe 107(1) du code.

 

[13]      Les dispositions suivantes des définitions de l'article 2 sont également pertinentes :

2. [...]

« entrepreneur postal » Toute personne partie à un contrat d'entreprise avec la Société pour la transmission des renvois.

[...]

« transmission » Acheminement par tout moyen de transport, ainsi que par les moyens électroniques ou optiques.

 

[32]    Le juge Hugessen a poursuivi comme suit aux paragraphes 35 à 38 : 

 

[35]      Il reste une dernière question à examiner. Le Conseil avait à sa disposition un extrait des délibérations du comité parlementaire qui a examiné le projet de la Loi sur la Société canadienne des postes avant son adoption. Selon cet extrait le ministre chargé du projet de loi a expliqué le but du paragraphe 13(6) en ces termes :

 

                    Il y a plusieurs raisons : l'une des plus importantes est évidemment que cette Loi proposée sur la Société Canadienne des Postes doit avoir préséance sur le code canadien du travail, car si cette Loi ne l'emportait pas sur le code canadien du travail, nous croyons que le système d'appel de soumissions qui existe à l'heure actuelle serait détruit. Le système actuel de contrats de services pour le transport du courrier terrestre que nous avons à l'heure actuelle représente à peu près 90 millions de dollars. Si nous devions pousser cette affaire jusqu'au bout, je ne voudrais pas exagérer le chiffre, mais l'accroissement des dépenses qui pourrait résulter de cet amendement pourrait être le double ou le triple du montant actuel.

 

En troisième lieu, les entrepreneurs transportant le courrier rural font à peu près 69 p. 100 de tout ce travail contractuel, et 60 p. 100 de ces entrepreneurs travaillent moins de quatre heures par jour et, par conséquent, si l'on veut qu'ils se syndiquent, le syndicat insistera pour qu'ils soient employés à plein [page195] temps, ce qui triplerait les frais. Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles je crois qu'il serait fort risqué pour l'instant de modifier cet article. (Aux pages 41:53 et 41:54.)

 

[36]      Le Conseil a refusé de tenir compte de ce document en invoquant Renvoi relatif à la Upper Churchill Water Rights Reversion Act, [1984] 1 R.C.S. 297.

 

[37]      Étant donné le large pouvoir discrétionnaire du Conseil concernant les sources d'information qu'il peut choisir de considérer, je ne saurais dire qu'il a commis une erreur en refusant de tenir compte de ce document. Je trouve néanmoins son attitude curieuse vu d'autres décisions publiées où le Conseil s'est libéralement fondé sur ce genre de document pour interpréter le Code canadien du travail.

 

[38]      Pour ma part, bien que je ne considère pas la déclaration du ministre comme étant concluante ni même très importante, j'estime qu'elle est d'une certaine utilité parce qu'elle fournit quelques considérations sous-jacentes à l'adoption du paragraphe 13(6). Je trouve également utiles les dispositions de l'ancienne Loi sur les postes relatives aux entrepreneurs postaux (paragraphe 2(1), « employé de la poste » et les articles 22 à 35 inclusivement). Tous ces documents éclairent la situation qui existait avant l'adoption de la Loi sur la Société canadienne des postes. Il est constant qu'à l'époque, les facteurs ruraux étaient considérés comme des entrepreneurs postaux et non pas des employés de la poste. J'ai déjà conclu que les dispositions de la Loi sur la Société canadienne des postes sont claires et prévoient la même chose. Cette Loi, loin de changer la situation des facteurs ruraux, l'a préservée telle quelle.

 

[33]    Dans les présents appels, le statut de DTH à titre de FFRS dans le contexte de sa relation de travail avec Postes Canada n'est pas en cause. Selon son syndicat, le STTP, et Postes Canada, la convention collective, entrée en vigueur le 1er janvier 2004, la considère comme une employée de Postes Canada. Il semble un peu étrange, alors que DTH est maintenant considérée comme une employée, que toute personne qui la remplace à l'occasion ne l'est pas, même lorsqu'elle est payée exactement le même montant par jour pour assurer le service sur l'itinéraire et qu’elle reçoit la même allocation d’automobile. Il est possible que les raisons du ministre responsable du projet de loi, telles qu'exprimées par le juge Hugessen au paragraphe 35 de ses motifs, puissent avoir changé en 16 ans, mais il paraît curieux qu'une disposition d’une loi du Parlement puisse être écartée au moyen de quelques dispositions d'une convention collective. On peut admirer, et même approuver, la noblesse des intentions, qui visent à faire circuler le courrier et à faire régner la paix au sein du syndicat des travailleurs des postes, lequel par le passé s’est montré un adversaire rusé, solidaire et obstiné pendant les périodes de conflits de travail.

 

[34]    Je n'ai pas à trancher cette question, et il peut exister ailleurs des dispositions de modification qui permettent autrement de transformer environ 6 000 FFRS entrepreneurs indépendants, selon la loi, en employés conformément à cette nouvelle convention collective.

 

[35]    Compte tenu de la preuve dont je suis saisi, si l'affaire avait comporté une affirmation de DTH selon laquelle elle était véritablement entrepreneur indépendant, et non employée, malgré le libellé de la convention collective qui lui est applicable à titre de membre du STTP, cela aurait été intéressant. Toutefois, la véritable question est celle de savoir si Mme Laperrière était employée par Postes Canada ou par DTH conformément à un contrat de louage de services et si elle avait, par conséquent, un emploi à la fois assurable et ouvrant droit à pension dans chaque cas pendant les périodes pertinentes énoncées dans les décisions rendues par le ministre.

 

[36]    Faisant suite à mon analyse antérieure et à mes conclusions fondées sur les critères habituels, prises ensemble conformément à la jurisprudence pertinente, je conclus également que l’appelante n’était pas une employée de Postes Canada, car elle était réputée n’être ni un entrepreneur dépendant ni une employée selon le libellé du paragraphe 13(5) de la Loi sur la Société canadienne des postes. Mme Laperrière n'était pas membre du STTP, ni autrement partie à la convention collective conclue avec Postes Canada qui, au minimum, était censée lui accorder le statut d'employée. Plutôt que d'avoir l’avantage d'un dispositif potentiellement favorable, elle doit dériver seule sur une mer complexe et houleuse de jurisprudence, agitée par le flux et le reflux, lorsqu’il s’agit de définir le statut de personnes se trouvant dans des relations de travail dans le monde du travail d’aujourd’hui.

 

[37]    Je connais la décision du juge O’Connor dans l'affaire Rebecca Anne Skipsey c. Ministre du Revenu national, dossiers 2006-1802(EI) et 2006‑1803(CPP), rendue oralement à l'audience à Nanaimo le 28 novembre 2006. Les motifs sont très brefs, à peine plus d'une page, et je n'arrive pas à déterminer les faits dans ces appels. En concluant que l’appelante factrice remplaçante était employée de Postes Canada, le juge O’Connor a observé qu’il était [traduction] « largement influencé par la très grande crédibilité et la sincérité absolue de l’appelante et des témoins qu’elle a fait comparaître ». Il a également ajouté que [traduction] « qu’il s’agit peut‑être d’un cas unique, qui ne se veut pas un jugement en faveur de tous les suppléants qui travaillent pour Postes Canada ».

 

[38]    Dans les présents appels, l’examen de la preuve et l’analyse de la jurisprudence pertinente m’amènent à conclure que les décisions rendues par le ministre étaient correctes.


 

[39]    Les deux appels sont rejetés.

 

Signé à Sidney, Colombie-Britannique, ce 21e jour de mai 2007.

 

 

 

 

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d’octobre 2007.

 

Michèle Ledecq, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI252

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :          2006-1784(EI), 2006-1786(CPP)

 

INTITULÉ :                                       SHARON LAPERRIÈRE ET M.R.N. ET LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Victoria (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 5 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               Le juge suppléant D.W. Rowe

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 mai 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Pavanjit Mahil

 

 

Avocate de l’intervenante :

Me Rhonda Shirreff

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

                         Nom :                       

                     Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

       Pour l’intervenante :

                            Nom :                    Me Rhonda Shirreff

                         Cabinet :                    Heenan Blaikie

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