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Dossier : 2006-738(EI)

ENTRE :

SANG DON MOON,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

MYONG-RAE MOON

faisant affaire sous la raison sociale de JIMMY'S PLACE RESTAURANT,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 24 août 2006 à Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge G. Sheridan

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

M. Jung Moon

Avocat de l’intimé :

Me David Everett

Représentant de l’intervenante :

M. Jung Moon

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel est accueilli et la décision du ministre du Revenu national est annulée au motif que l’appelant exerçait un emploi assurable visé à l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi pendant la période du 1er février 2003 au 31 janvier 2005 conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Prince Albert (Saskatchewan), ce 3e jour de novembre 2006.

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de janvier 2008.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


 

 

Référence : 2006CCI582

Date : 20061103

Dossier : 2006-738(EI)

ENTRE :

SANG DON MOON,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

MYONG-RAE MOON

faisant affaire sous la raison sociale de JIMMY'S PLACE RESTAURANT,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     L’appelant, Sang Don Moon, interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle il n’exerçait pas un emploi assurable dans un restaurant exploité par son épouse, Myong‑Rae Moon, sous le nom de « Jimmy's Place » pendant la période du 1er février 2003 au 31 janvier 2005. Mme Moon était l’intervenante dans l’appel.

 

[2]     Il est acquis aux débats que l’appelant a accompli ses fonctions à titre d’employé engagé aux termes d’un contrat de louage de services. La décision du ministre selon laquelle il n’exerçait pas un emploi assurable découle du fait qu’il avait, à titre d’époux de l’employeuse, un lien de dépendance avec celle‑ci. En appliquant l’alinéa 5(3)b) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») aux faits de l’affaire, le ministre n’était pas convaincu, après avoir examiné les circonstances de l’emploi de l’appelant, qu’une personne qui n’aurait pas eu de lien de dépendance avec l’employeuse aurait conclu avec celle‑ci un contrat de travail à peu près semblable à celui de l’appelant.

 

[3]     L’appelant et Mme Moon ont immigré au Canada à partir de la Corée. Depuis son arrivée, Mme Moon travaille dans la restauration et, en 1993, elle a ouvert son propre restaurant. Ils ont tous deux témoigné à l’audience avec l’aide d’un interprète. Mme Moon était un témoin impressionnant, qui m’est apparu comme une personne honnête et travailleuse. Son incapacité d’expliquer complètement comment un chèque en particulier avait été établi n’a pas miné la crédibilité du reste de son témoignage. Quant à l’appelant, il avait de la difficulté avec la langue et il n’a pas pu se souvenir de bon nombre de renseignements sur son emploi. L’intimé a cité Mme Nasim Kara, l’agente des décisions de l’Agence du revenu du Canada qui était chargée du dossier de l’appelant. Mme Kara a répondu avec soin et avec sérieux aux questions qui lui ont été posées.

 

[4]     Il incombe à l’appelant de réfuter les hypothèses sur lesquelles le ministre a fondé sa décision. Celles qui sont contestées concernent essentiellement ses heures de travail et son salaire. Mme Kara a témoigné que les facteurs sous‑jacents à sa décision étaient que l’appelant recevait un salaire mensuel alors que les autres employés recevaient des salaires horaires, qu’il avait reçu une augmentation de salaire anormalement élevée et qu’il différait quelquefois l’encaissement de ses chèques de paie. Ces questions sont examinées ci‑dessous sous leur rubrique respective.

 

 

Heures de travail

 

[5]     Les hypothèses pertinentes, reproduites ci‑dessous, sont exposées au paragraphe 7 de la réponse à l’avis d’appel :

 

          [traduction]

 

j)          les heures d’ouverture du restaurant étaient de 7 h à 17 h;

 

k)         Myong‑Rae Moon exigeait que l’appelant accomplisse les fonctions pendant les heures d’ouverture du restaurant;

 

l)          l’appelant travaillait aussi avant et après les heures d’ouverture du restaurant;

 

[...]

 

q)         les travailleurs non liés travaillaient seulement les heures fixées par Myong‑Rae Moon;

 

r)          les travailleurs non liés n’étaient pas tenus de travailler avant et après les heures d’ouverture du restaurant; [...]

 

[6]     Jimmy's Place était un petit restaurant dont les clients étaient surtout des personnes qui travaillaient les jours de semaine pendant les heures d’ouverture normales. Le restaurant était moins achalandé la fin de semaine, mais il était ouvert au public de 7 h à 17 h. Les employés de Jimmy's Place travaillaient aussi avant et après les heures d’ouverture normales pour faire de la préparation et du nettoyage.

 

[7]     L’appelant travaillait principalement comme cuisinier et, habituellement, un ou deux autres employés l’aidaient dans la cuisine ou servaient les clients. Lui et Mme Moon n’ont qu’un seul véhicule. Par conséquent, il restait quelquefois au restaurant après son poste de travail jusqu’à l’heure où celle‑ci pouvait partir. En tant que gérante et teneuse de comptes, Mme Moon avait aussi la responsabilité de faire, entre autres, le nettoyage et, comme c’est le cas pour de nombreux propriétaires de petites entreprises, généralement tout autre chose qui était nécessaire. Bien que leurs heures de travail et leurs fonctions fussent établies par Mme Moon, tous les employés (y compris l’appelant) faisaient le nécessaire pour que l’entreprise poursuive ses activités. Ils accordaient moins d’importance au strict respect de leurs horaires de travail et de leurs descriptions d’emploi que ne le feraient des personnes employées dans un milieu de travail plus systématisé. Mme Moon attribuait leur volonté de l’aider à leurs valeurs coréennes liées au travail.

 

[8]     Eu égard à ces circonstances, je suis convaincue que l’appelant effectuait en général les heures de travail prescrites, en fonction des besoins, exactement de la même manière que ses collègues.

 

 

Salaire

 

[9]     Les hypothèses pertinentes, reproduites ci‑dessous, sont exposées au paragraphe 7 de la réponse à l’avis d’appel :

 

[traduction]

 

n)         au cours de la période en cause, le salaire de l’appelant était de 1 500 $ par mois jusqu’en octobre 2004, où le salaire mensuel est passé à 2 000 $ par mois;

 

o)         l’appelant a reçu deux chèques de paie en octobre 2004;

 

p)         l’appelant n’encaissait ses chèques de paie que lorsqu’il y avait des fonds suffisants dans le compte bancaire du restaurant;

 

[...]

 

s)         les travailleurs non liés n’avaient pas à attendre pour pouvoir encaisser leurs chèques de paie.

 

[10]    L’appelant a travaillé comme cuisinier à Jimmy's Place au cours des 12 années d’histoire de l’entreprise, jusqu’à sa vente en janvier 2005. Les autres aides de cuisine/serveurs n’étaient en général que de passage comme il est typique d’un tel emploi. Étant donné que l’appelant travaillait à temps plein et que son horaire de travail était, dans son ensemble, le même toutes les semaines, il recevait un salaire mensuel. Les autres employés travaillaient à temps partiel et faisaient des postes fractionnés et, en conséquence, ils étaient payés à l’heure. Je suis convaincue que c’est cette distinction, plutôt que le statut de l’appelant en tant qu’époux de l’employeuse, qui permet d’expliquer les différentes modalités de paiement.

 

[11]    Quant à la majoration de salaire dont a bénéficié l’appelant, il a travaillé de nombreuses années sans recevoir d’augmentation. Rien n’indique que son salaire ne correspondait pas à l’échelle normale pour un tel poste. Son témoignage, qui rejoint celui de Mme Moon, était qu’elle surveillait de près les finances du restaurant. Pour prospérer, une petite entreprise ne peut dépenser plus d’argent qu’elle n’en engrange. Lorsque Mme Moon a été convaincue qu’elle avait les moyens d’augmenter le salaire de l’appelant, elle l’a fait. Bien que je puisse comprendre que le pourcentage d’augmentation du salaire de l’appelant puisse paraître élevé à quelqu’un qui est employé par une grande société ou un organisme syndiqué dans lesquels des majorations de salaire régulières et progressives constituent la norme, il faut le considérer dans le contexte d’une petite entreprise. La majoration du salaire de l’appelant visait à compenser l’absence d’augmentations durant les périodes précédentes. Mme Moon déployait aussi des efforts considérables pour accorder de petites augmentations de salaire horaire aux autres employés, selon leur rendement ou comme mesure visant à les inciter à continuer à travailler dans le restaurant. À mon avis, ces stratégies reflètent les réalités économiques associées à l’exploitation d’une petite entreprise. À cet égard, l’appelant et les autres employés subissaient tous l’effet des contraintes financières de l’entreprise.

 

[12]    Finalement, à l’occasion, l’appelant n’encaissait son chèque de paie que lorsqu’il était convaincu qu’il y avait suffisamment de fonds dans le compte bancaire de l’entreprise pour couvrir le montant du chèque. Il ne m’apparaît pas évident que Mme Moon ait exigé que l’appelant diffère l’encaissement de son chèque. Je crois aussi le témoignage de Mme Moon selon lequel, bien qu’elle ne l’ait pas imposé à ses autres employés, eux aussi devaient quelquefois attendre avant d’encaisser leurs chèques. Là encore, je suis persuadée que, dans le contexte d’une petite entreprise, tous les employés faisaient le nécessaire dans l’intérêt général.

 

[13]    Compte tenu des témoignages présentés, je suis convaincue que le ministre ne disposait pas de tous les faits pertinents par rapport à cet aspect de sa décision[1]. L’appelant travaillait au restaurant Jimmy's Place, l’entreprise de son épouse, dans des circonstances qui étaient à peu près les mêmes que celles qu’aurait pu accepter un employé travaillant dans ce contexte‑là qui n’avait pas de lien de dépendance avec son employeur.

 

[14]    L’appel est accueilli au motif que l’appelant exerçait un emploi assurable pendant la période du 1er février 2003 au 31 janvier 2005.

 

Signé à Prince Albert (Saskatchewan), ce 3e jour de novembre 2006.

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de janvier 2008.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI582

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-738(EI)

 

INTITULÉ :                                       Sang Don Moon et Le ministre du Revenu national et Myong‑Rae Moon

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 24 août 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 3 novembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

M. Jung Moon

Avocat de l’intimé :

Me David Everett

Représentant de l’intervenante :

M. Jung Moon

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

                                                         

      

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Perusse c. Canada (M.R.N.), [2003] A.C.F. nº 310 (C.A.F.); Légaré c. Canada (M.R.N.), [1999] A.C.F. nº 878 (C.A.F.).

 

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