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Dossier : 2003‑2108(EI)APP

ENTRE :

OSMAN ASHMAWY,

requérant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 16 septembre 2003, à Edmonton (Alberta)

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Pour le requérant :

Le requérant lui‑même

Avocates de l’intimé :

Me Elena Sacluti et

Mme Lesley Akst (stagiaire)

 

ORDONNANCE

  Vu la demande présentée en application du paragraphe 103(1.1) de la Loi sur l'assurance‑emploi pour que soit rendue une ordonnance prorogeant le délai à l’intérieur duquel un avis d’appel peut être déposé;

  Et après audition des allégations des parties;

  La demande est rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de décembre 2003.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

 

Référence : 2003CCI899

Date : 20031203

Dossier : 2003‑2108(EI)APP 

ENTRE :

OSMAN ASHMAWY,

requérant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge Miller

 

[1]  M. Osman Ashmawy sollicite une prorogation du délai imparti pour interjeter appel, auprès de la Cour, de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre »), contenue dans une lettre de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« ADRC ») en date du 20 juin 2002. Par cette décision, le ministre concluait que M. Ashmawy avait accumulé 210 heures assurables du 12 février 1996 au 20 mars 1996. M. Ashmawy affirme qu’il a accumulé  336 heures, comme l’écrivait l’ADRC dans la lettre qu’elle lui avait adressée le 9 janvier 2002. M. Ashmawy a été constant et persévérant dans sa volonté de régler cette affaire, mais, n’ayant pas déposé son opposition auprès du bureau compétent, il pourrait avoir perdu la possibilité qu’il avait de se faire entendre.

 

[2]  Il est utile de présenter une chronologie du différend auquel est mêlé M. Ashmawy. Par lettre datée du 9 janvier 2002, l’ADRC écrivait à M. Ashmawy ce qui suit :

 

[traduction]

Nous avons reçu du ministère du Développement des ressources humaines une demande de décision concernant l’assurabilité de votre emploi auprès de la société Red Leaf Taxi Cab Ltd. pour la période allant du 12 février 1996 au 20 mars 1996.

 

[...]

Nous avons conclu que, pour la période de référence, vous aviez une rémunération assurable de 2 548 $ et six semaines assurables (336 heures).

 

[3]  Dans une lettre datée du 10 mai 2002 [1] , adressée par une agente des appels RPC/AE, Mme Patricia Anderson, à Développement des ressources humaines Canada (« DRHC »), l’agente des appels confirmait que DRH C avait déposé un appel auprès de l’ADRC et que l’ADRC communiquerait avec DRHC. À cette lettre était jointe la même lettre, mais adressée à M. Ashmawy, non signée, avec une ligne barrant la lettre, ainsi que les mots « non requis » écrits sur la lettre.

 

[4]  Dans une lettre du 20 juin 2002 adressée à DRHC, un chef d’équipe, M. Ronald Smith, représentant la Section des appels RPC/AE, écrivait notamment ce qui suit :

 

[traduction]

Il a été décidé que M. Osman Ashmawy avait accumulé 210 heures assurables au cours de la période de référence.

 

M. Ashmawy a dit qu’il n’a pas eu son mot à dire dans cette décision. Il était absent du Canada depuis plusieurs mois, et il était revenu le 31 juillet 2002. Il a obtenu copie de cette lettre le 27 août 2002 alors qu’il se trouvait devant un conseil arbitral. C’était la première fois qu’il avait connaissance d’un appel formé contre la décision de l’ADRC du 9 janvier 2002.

 

[5]  Le 21 septembre 2002, M. Ashmawy a envoyé une lettre à l’ADRC, au bureau d’Edmonton d’où venait la lettre du 20 juin 2002. M. Ashmawy commençait sa lettre par ce qui suit :

 

[traduction]

Veuillez considérer les faits suivants comme un appel au regard de la lettre qui a été signée le 24 juillet 2002 par Ronald Smith. [...]

 

[6]  L’ADRC lui a répondu le 24 septembre 2002 [2]  :

 

[traduction]

Cette lettre concerne votre désaccord avec la décision ministérielle datée du 20 juin 2002.

 

Puisque vous êtes en désaccord avec cette décision, vous pouvez en appeler à la Cour canadienne de l'impôt dans un délai de 90 jours après la date de la décision ministérielle.

 

[7]  M. Ashmawy a continué, durant l’automne 2002, de traiter avec l’ADRC concernant cette question d’assurance‑emploi, ainsi qu’une autre. Le 27 janvier 2003, il a écrit à nouveau au directeur de l’ADRC à Edmonton, pour faire appel de la décision de M. Smith du 20 juin 2002. La lettre a été reçue par l’ADRC le 28 février 2003. L’ADRC a transmis cette lettre à la Cour canadienne de l'impôt. La Cour canadienne de l'impôt a correspondu avec M. Ashmawy par lettre du 6 mars 2003, lui signalant que le délai à l’intérieur duquel il aurait pu faire appel et présenter une demande de prorogation du délai imparti pour faire appel avait expiré, et que la Cour ne semblait pas avoir le pouvoir d’entendre l’affaire.

 

[8]  Dans une lettre adressée le 21 mai 2003 par M. Ashmawy à la Cour canadienne de l'impôt, qui l’a reçue le 3 juin 2003, M. Ashmawy écrit :

 

[traduction]

Prière de considérer cette lettre comme un avis d’appel [...]

 

[9]  Les dispositions légales applicables sont les suivantes :

 

Loi sur l'assurance‑emploi :

 

91  La Commission peut porter la décision en appel devant le ministre à tout moment, et tout autre intéressé, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la date à laquelle il reçoit notification de cette décision.

 

93(1)  Le ministre notifie son intention de régler la question à toute personne pouvant être concernée par l’appel ou la révision, ainsi qu’à la Commission en cas de demande introduite en vertu de l’article 91; il leur donne également, selon le besoin, la possibilité de fournir des renseignements et de présenter des observations pour protéger leurs intérêts.

 

(2)  Les demandes d’appel et de révision sont adressées au directeur adjoint des Appels d’un bureau des services fiscaux de l’Agence du revenu du Canada et sont livrées à ce bureau ou y sont expédiées par la poste.

 

(3)  Le ministre règle la question soulevée par l’appel ou la demande de révision dans les meilleurs délais et notifie le résultat aux personnes concernées.

 

(4)  Lorsqu’il est requis d’aviser une personne qui est ou peut être concernée par un appel ou une révision, le ministre peut faire aviser cette personne de la manière qu’il juge adéquate.

 

103(1)  La Commission ou une personne que concerne une décision rendue au titre de l’article 91 ou 92, peut, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la communication de la décision ou dans le délai supplémentaire que peut accorder la Cour canadienne de l’impôt sur demande à elle présentée dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant l’expiration de ces quatre‑vingt‑dix jours, interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt de la manière prévue par la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et les règles de cour applicables prises en vertu de cette loi.

 

(1.1)  L’article 167 de la Loi de l’impôt sur le revenu, sauf l’alinéa 167(5)a), s’applique, avec les adaptations nécessaires, aux demandes présentées aux termes du paragraphe (1).

 

  [...]

 

(3)  Sur appel interjeté en vertu du présent article, la Cour canadienne de l’impôt peut annuler, confirmer ou modifier la décision rendue au titre de l’article 91 ou 92 ou, s’il s’agit d’une décision rendue au titre de l’article 92, renvoyer l’affaire au ministre pour qu’il l’étudie de nouveau et rende une nouvelle décision; la Cour :

 

a)  notifie aux parties à l’appel sa décision par écrit;

b)  motive sa décision, mais elle ne le fait par écrit que si elle l’estime opportun.

 

Loi de l’impôt sur le revenu

 

167(1)  Le contribuable qui n’a pas interjeté appel en application de l’article 169 dans le délai imparti peut présenter à la Cour canadienne de l’impôt une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. La Cour peut faire droit à la demande et imposer les conditions qu’elle estime justes.

[...]

 (5)  Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

 

a)  la demande a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti en vertu de l’article 169 pour interjeter appel;

 

b)  le contribuable démontre ce qui suit :

 

(i)  dans le délai par ailleurs imparti pour interjeter appel, il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

 

(ii)  compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii)  la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

(iv)  l’appel est raisonnablement fondé.

 

Règles de procédure de la Cour canadienne de l'impôt à l’égard de la Loi sur l'assurance‑emploi

 

5(1)  L’appel interjeté à l’égard de la décision que le ministre a rendue à la suite d’un appel est formé dans le délai prévu au paragraphe 103(1) de la Loi, soit dans les 90 jours suivant la communication de la décision ou dans le délai supplémentaire que la Cour peut accorder sur demande à elle présentée dans les 90 jours suivant l’expiration de ces 90 jours.

 

(2)  Lorsqu’une décision visée au paragraphe (1) est communiquée par la poste, la date de communication est la date à laquelle la décision a été expédiée par la poste et, en l’absence de toute preuve du contraire, la date d’expédition par la poste est la date figurant dans la décision.

 

(3)  L’appel visé au paragraphe (1) est interjeté par écrit et contient l’exposé sommaire des faits et moyens; la présentation de la plaidoirie n’est assujettie à aucune condition de forme.

 

(4)  Pour interjeter appel, il faut déposer au greffe l’original du document écrit mentionné au paragraphe (3).

 

(5)  Le dépôt du document écrit mentionné au paragraphe (3) s’effectue :

 

a)  soit par la remise de l’original du document au greffe;

 

b)  soit par l’expédition par la poste de l’original du document au greffe;

 

c)  soit par la transmission par télécopie ou courrier électronique d’une copie du document au greffe.

 

(6)  Le dépôt prévu au paragraphe (4) est réputé effectué le jour où le greffe a reçu le document.

 

(7)  Si le dépôt prévu au paragraphe (4) est effectué en conformité avec l’alinéa (5)c), la partie qui a engagé la procédure, ou son avocat ou autre représentant, envoie aussitôt l’original du document écrit au greffe.

 

(8)  L’appel peut être interjeté au moyen d’un avis conforme au modèle figurant à l’annexe 5.

 

[10]  Le délai de 90 jours à l’intérieur duquel M. Ashmawy pouvait faire appel de la décision du 20 juin 2002 a expiré le 18 septembre 2002, si l’on présume que la lettre adressée à DRH C fut aussi envoyée par la poste à M. Ashmawy à cette date‑là. Aucune lettre semblable adressée à M. Ashmawy n’a été produite. Selon le témoignage de M. Ashmawy, c’est le 27 août 2002 qu’il a vu pour la première fois la lettre du 20 juin 2002 adressée à DRH C. L’article 5 des Règles de procédure dispose que la date de communication est la date à laquelle la décision a été expédiée par la poste, mais il est implicite que la lettre doit être adressée à la personne à qui la décision est communiquée. Je n’ai pas la preuve qu’une telle lettre a été envoyée à M. Ashmawy. Je suis d’avis que la date de communication dans la présente affaire ne peut donc être que la date à laquelle il a reçu copie de la lettre adressée à DRH C, c’est‑à‑dire le 27 août 2002, date qui n’a pas été contestée.

 

[11]  Le délai de 90 jours imparti pour interjeter appel allait donc expirer le 25 novembre 2002. Cela est‑il d’une utilité pour M. Ashmawy pour ce qui est d’interjeter appel dans un délai de 90 jours? Non. Il a reçu des directives de l’ADRC en septembre, après que l’ADRC eut reçu son « appel », et, dans ses directives, l’ADRC lui signalait qu’il devait adresser son appel à la Cour canadienne de l'impôt. En dépit d’échanges constants avec l’ADRC, échanges dont M. Ashmawy aurait pu croire qu’ils concernaient l’appel, rien ne fut déposé auprès de la Cour canadienne de l'impôt avant le début de mars 2003. Et ce fut à l’instigation de l’ADRC, qui savait parfaitement que M. Ashmawy voulait faire appel dans cette affaire.

 

[12]  Si j’admets que le délai d’appel applicable à M. Ashmawy n’a expiré que le 25 novembre 2002, alors la date limite à laquelle il pouvait s’adresser à la Cour pour obtenir une prorogation de délai serait le 23 février 2003. Rien n’a été reçu par la Cour canadienne de l'impôt avant le 3 mars 2003. Même si l’on considère les circonstances sous ce jour le plus favorable, M. Ashmawy est tout simplement hors délai dans le dépôt de la présente demande.

 

[13]  Si je n’ai pas statué immédiatement sur cette question, c’est parce que j’ai été troublé par le fait que M. Ashmawy n’a guère eu l’occasion de faire connaître sa position avant la décision du ministre en date du 20 juin 2002. Le paragraphe 93(1) dispose clairement que le ministre devait donner à M. Ashmawy la possibilité de présenter des observations pour protéger ses intérêts. Il semblerait que M. Ashmawy n’a pas eu cette possibilité. J’ai donc demandé aux avocates de l’intimé d’examiner et de me dire si, en tant que cour supérieure, la Cour canadienne de l'impôt pouvait renvoyer l’affaire au ministre pour nouvelle décision conforme aux exigences du paragraphe 93(1). L’intimé a signalé à la Cour la décision Anderson c. Canada, [2002] A.C.I. n° 382, dans laquelle la Cour instruisait une demande de prorogation de délai en application, notamment, du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi. Dans cette affaire‑là, la décision du ministre avait été communiquée par lettre en date du 16 mai 2000. Le requérant avait fait valoir que la Cour avait le pouvoir inhérent de proroger le délai au‑delà de ce qu’autorisaient les lois applicables, parce qu’on ne lui avait jamais donné « la possibilité de se faire entendre » et que la justice naturelle lui avait donc été refusée. La Cour s’était exprimée ainsi :

Si ce [que le requérant] demande est une prorogation du délai pour interjeter appel de la décision qu’a rendue le ministre [...] je ne puis l’aider. [...] Quelle que puisse être sa compétence inhérente, cette Cour ne peut ne pas tenir compte des délais d’appel prévus dans le RPC et la LAE.

 

L’intimé a aussi indiqué que le statut de la Cour canadienne de l'impôt en tant que cour supérieure ne modifie pas sa compétence en ce qui concerne les délais rigoureux prévus dans les lois.

[14]  J’accepte l’avis de l’intimé et me vois contraint de rejeter la demande de M. Ashmawy. Dans ces conditions, la Cour ne peut pas ordonner au ministre de donner à M. Ashmawy l’occasion de se faire entendre.

[15]  La demande est rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de décembre 2003.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche , LL.B.

Réviseur


 

 

RÉFÉRENCE :

2003CCI899

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :

2003‑2108(EI)APP

 

INTITULÉ :

Osman Ashmawy et le M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 septembre 2003

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

L’honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 3 décembre 2003

 

COMPARUTIONS :

 

Pour le requérant :

Le requérant lui‑même

 

Avocates de l’intimé :

Me Elena Sacluti et

Mme Lesley Akst (stagiaire)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour le demandeur :

 

Nom :

s.o.

 

Cabinet :

s.o.

 

Pour le défendeur :

Morris Rosenberg

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]   Pièce R‑1.

[2]   Pièce R‑2.

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