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Dossier : 2003‑1041(EI)

ENTRE :

DAVID M. MAGLADRY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

David M. Magladry (dossier numéro 2003‑1042(CPP))

le 1er octobre 2003 à Ottawa (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Gerald J. Rip

 

Comparutions

 

Avocat de l’appelant :

MAlan Riddell

 

Avocate de l’intimé :

MJoanna Hill

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») est accueilli et la décision rendue par le ministre en vertu de l’article 91 de la Loi à l’égard dudit appel interjeté devant lui est infirmée.

 

 

 

 

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6jour de novembre 2003.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2jour de février 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

Dossier : 2003‑1042(CPP)

ENTRE :

DAVID M. MAGLADRY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

David M. Magladry (dossier numéro 2003‑1041(EI))

le 1er octobre 2003 à Ottawa (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Gerald J. Rip

 

Comparutions

 

Avocat de l’appelant :

MAlan Riddell

 

Avocate de l’intimé :

MJoanna Hill

 

____________________________________________________________________

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté en vertu du paragraphe 28(1) du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») est accueilli et la décision rendue par le ministre en vertu de l’article 27 du Régime à l’égard dudit appel interjeté devant lui est infirmée. 

 

 

 

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6jour de novembre 2003.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2jour de février 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

Référence : 2003CCI827

Date : 20031106

Dossier : 2003‑1041(EI)

ENTRE :

DAVID M. MAGLADRY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

Dossier : 2003‑1042(CPP)

ENTRE :

DAVID M. MAGLADRY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Rip

 

[1]     David Magladry interjette appel à l’encontre des décisions rendues par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi sur l’assurance‑ emploi (la « Loi ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») respectivement selon lesquelles les emplois qu’ont exercés Raoul Budavari et d’autres travailleurs (ci‑après appelés collectivement les « travailleurs ») pendant la période du 15 octobre 2001 au 18 février 2002 et entre les années 2000, 2001 et 2002 étaient des emplois assurables aux termes de la Loi et ouvrant droit à pension aux termes du Régime. Quant à l’appelant, il soutient que, pendant toutes les périodes pertinentes, les travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants.

 


[2]     M. Magladry a témoigné qu’il est l’unique propriétaire de l’entreprise « David Magladry Productions » (« l’entreprise Productions »), une entreprise de conception d’aménagement et d’éclairage intérieur pour des musées située à Ottawa, en Ontario. L’entreprise Productions fournit des services dans ce domaine depuis 15 ans.

 

[3]     La Société du Musée canadien des civilisations (« SMCC ») est une cliente principale de M. Magladry depuis les 12 dernières années. La SMCC a conclu un contrat avec l’entreprise Productions pour concevoir, installer et démonter les systèmes d’éclairage dans le cadre de diverses expositions et productions. Pour être en mesure de remplir certaines conditions du contrat, M. Magladry devait faire appel aux services de travailleurs afin de répondre aux besoins de sa cliente dans le cadres d’expositions et de productions en particulier. M. Magladry a déclaré que la SMCC déterminait le nombre de travailleurs requis et qu’il communiquait ensuite avec des travailleurs qui figuraient sur sa liste comportant le nom de 20 à 30 techniciens. Les travailleurs avec qui il communiquait étaient libres d’accepter ou de refuser de travailler à la SMCC; les travailleurs qui refusaient n’étaient pas pénalisés. Si un travailleur qui acceptait de travailler n’était plus en mesure de remplir son contrat de travail, ce dernier communiquait avec l’agent de réservations à la SMCC qui tentait de trouver un travailleur suppléant.

 

[4]     M. Magladry a déclaré qu’il ne supervisait pas les travailleurs et que la SMCC, pour sa part, ne les supervisait que très peu. Les travailleurs n’étaient pas tenus de rendre compte à M. Magladry et celui‑ci se rendait très rarement, sinon jamais, sur les lieux où devaient se tenir des expositions ou des projets. Les directives que transmettait la SMCC étaient des directives générales concernant le travail qui devait être effectué et non des directives sur la façon d’accomplir le travail. Le personnel de la SMCC assignait des rôles aux travailleurs et exigeait que ces derniers se conforment à un code relatif à la tenue vestimentaire. En règle générale, les travailleurs devaient se vêtir tout en noir, mais dans le cadre d’événements spéciaux, la SMCC exigeait qu’ils portent un costume et, à l’occasion, un smoking; la SMCC payait la location de smokings. M. Magladry a témoigné qu’il n’engageait aucune dépense relative à la location de ces costumes ni qu’il remboursait les dépenses qu’engageaient les travailleurs. M. Magladry a déclaré que la SMCC avait le droit de congédier un travailleur. 

 

[5]     M. Magladry a témoigné que les travailleurs ne fournissaient pas leurs services exclusivement à l’entreprise Productions, mais qu’ils travaillaient pour le compte d’autres entreprises concurrentes. Les travailleurs étaient rémunérés le premier et le seizième jour de chaque mois. Ils percevaient un salaire horaire, mais il arrivait à l’occasion qu’un taux de salaire fixe soit négocié. Les travailleurs devaient remplir deux feuilles de temps, l’une à l’intention de la SMCC et l’autre à l’intention de l’entreprise Productions. La SMCC et l’entreprise Productions examinaient ensuite les feuilles de temps, et les travailleurs étaient rémunérés en conséquence. Les outils qu’utilisaient les travailleurs consistaient en une lampe de poche, une clé et un couteau, outils qui leur appartenaient. Tout autre équipement supplémentaire était fourni par la SMCC, au besoin.

 

[6]     En contre‑interrogatoire, M. Magladry a déclaré qu’il avait fait l’ébauche des feuilles de temps qu’utilisaient les travailleurs. Il déterminait les modes de paiement des salaires et la date à laquelle étaient rémunérés les travailleurs. M. Magladry a témoigné qu’il apportait les chèques à la SMCC et qu’il les plaçait dans un coffre situé dans le couloir. M. Magladry a déclaré que la SMCC établissait le salaire horaire des travailleurs et qu’elle lui avait indiqué que le salaire devait correspondre à 16 $ l’heure et que l’entreprise Productions ne pouvait lui facturer plus de 20 $ l’heure pour chaque travailleur. On garantissait aux travailleurs au moins quatre heures de travail par jour lorsqu’ils étaient appelés pour travailler. M. Magladry a témoigné que la SMCC exigeait qu’il transmette aux travailleurs certaines lignes directrices. Ces lignes directrices portaient notamment sur la tenue vestimentaire, l’interdiction de consommer de la drogue, les pauses‑repas ainsi que le contrôle de sécurité auquel ils devaient se soumettre à la SMCC. M. Magladry a admis qu’il avait fourni à certains travailleurs des chandails sur lesquels était imprimé le logotype « David Magladry » et qu’environ quatre ou cinq d’entre eux les avaient portés.

 

[7]     M. Denis Daganais a témoigné qu’il avait travaillé pour le compte de l’appelant de 1996 à 2002 et que, de 1998 à 1999, il avait été agent de réservations à la SMCC. Il a déclaré qu’un employé de la SMCC dénommé Mark formulait les demandes pour obtenir les services de travailleurs et qu’il indiquait aussi l’heure à laquelle les travailleurs commençaient et finissaient leur journée de travail. M. Daganais a témoigné que, pendant la période où il avait travaillé pour le compte de l’appelant, il avait également fourni ses services à d’autres entreprises, comme le faisaient d’autres travailleurs. Il a déclaré que l’entreprise Productions ne supervisait pas les travailleurs. Toutefois, le conservateur de la SMCC transmettait des directives. Il a témoigné qu’une certaine formation était fournie aux travailleurs sur l’initiative de la SMCC. M. Daganais a également déclaré qu’il avait eu la possibilité de réaliser un profit en négociant un taux de salaire fixe avec l’appelant. En contre‑interrogatoire, M. Daganais a reconnu qu’un travailleur ne pouvait pas percevoir un paiement au nom d’un travailleur suppléant.

 

[8]     Bill Sibitt, un témoin de l’intimé, a témoigné que son emploi à la SMCC avait constitué, en 2002, sa principale source de revenu. Il a déclaré qu’il avait été un entrepreneur indépendant qui fournissait des services à d’autres entreprises. Il n’a pas négocié avec l’appelant les retenues que ce dernier prélevait de son chèque de paie. Il a également déclaré que, de 1999 à 2003, il avait perçu à une reprise un taux de salaire fixe, mais qu’en temps normal il avait été rémunéré selon un taux horaire. 

 

[9]     L’avocat m’a renvoyé notamment aux motifs du jugement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc.[1] Dans cette affaire, le juge Major abonde dans le même sens que le juge MacGuigan dans l’affaire Wiebe Door Services Ltd. c. Le ministre du Revenu national[2] qui affirme que, lorsque l’on applique les divers critères visant à déterminer s’il s’agit d’une relation employeur‑employé, on doit toujours tenter d’établir quelle est l’ensemble de la relation qui existe entre les parties. Les critères dont il est fait mention sont les suivants : (1) le degré de contrôle exercé, (2) la propriété des instruments de travail, (3) les chances de bénéfice et (4) les risques de perte. À cela s’ajoute un autre critère également applicable, soit le critère de l’intégration. En ce qui concerne ce critère, la question que l’on doit se poser est la suivante : « la personne qui s’est engagée à accomplir ces tâches les accomplit‑elle en tant que personne dans les affaires à son compte? ».

 

Degré de contrôle

 

[10]    L’avocate de l’intimé a allégué que les travailleurs faisaient l’objet d’un degré de contrôle et d’une supervision. Les travailleurs étaient rémunérés par l’appelant, et ce dernier établissait les modes de paiement des salaires et la date à laquelle ils étaient rémunérés. Les travailleurs étaient tenus de remplir deux feuilles de temps et de se conformer à un code relatif à la tenue vestimentaire selon les directives que leur transmettait l’appelant. De plus, l’appelant avait ajouté ses propres directives à celles de la SMCC, les travailleurs étaient tenus de fournir leurs services personnellement et ils n’étaient pas autorisés à engager quelqu’un d’autre pour faire le travail.

 

[11]    La preuve ne me permet pas de conclure qu’il existait un élément de contrôle suffisant. Il semble qu’il existait des lignes directrices générales auxquelles devaient se conformer les travailleurs; cependant, dès qu’ils étaient sur le lieu de travail de la SMCC, les travailleurs n’étaient pas supervisés par M. Magladry. Par ailleurs, il n’avait aucun droit d’exercer un contrôle sur les travailleurs dès que ces derniers étaient sur le lieu de travail de la SMCC; ce sont des employés de la SMCC qui exerçaient un contrôle sur les travailleurs. 

 

Propriété des instruments de travail

 

[12]    La preuve révèle, et le ministre n’a pas contesté, que les travailleurs fournissaient leurs propres petits outils et que les clients fournissaient l’équipement lourd et d’autres fournitures nécessaires.

 

Chances de bénéfice et risques de perte

 

[13]    L’avocate de l’intimé a fait valoir que les travailleurs percevaient, de l’appelant, un taux horaire variant de 16 $ à 20 $ et que, par conséquent, ils ne couraient aucun risque particulier de subir une perte. De plus, l’appelant avait convenu avec les travailleurs qu’il leur garantirait au moins quatre heures de travail par jour.

 

[14]    Le salaire horaire fixe n’est pas non plus désastreux. Même si un salaire horaire était établi, les heures de travail en elles-mêmes ne l’étaient pas. Un projet entrepris à la SMCC pouvait nécessiter de prolonger, de réduire ou d’annuler tout simplement des heures de travail. Par ailleurs, les travailleurs n’avaient aucune sécurité d’emploi, ne bénéficiaient d’aucune protection syndicale et ne pouvaient espérer aucune promotion; à cet égard, ce sont eux qui avaient une chance de réaliser un profit ou qui risquaient de subir une perte.

 

Intégration

 

[15]    La preuve montre que les travailleurs ne constituent pas un élément essentiel à l’entreprise de l’appelant ou qu’ils n’en font pas partie intégrante. Il semble plutôt qu’ils complètent l’entreprise. La preuve révèle également que les travailleurs étaient libres de refuser du travail, ce qu’ils ont d’ailleurs fait à quelques reprises. Toujours selon la preuve, les travailleurs n’étaient pas contraints de travailler exclusivement pour le compte de l’appelant. Ils étaient en fait des travailleurs occasionnels et, dès que le projet était terminé, ils étaient dégagés de leurs obligations. Les travailleurs ne continuaient pas à travailler pour le compte de l’entreprise Productions ou d’un client de celle-ci, sauf si un autre projet était en cours. S’il n’y avait aucun projet, alors ils devaient tenter d’obtenir d’autres contrats de travail.

 

[16]    Un examen de l’ensemble de la relation qui existait entre l’appelant et les travailleurs révèle qu’il s’agissait, non pas d’une relation employeur‑employé, mais d’une relation avec des entrepreneurs indépendants. Chaque travailleur s’est engagé à fournir des services à l’entreprise Productions même s’il pouvait ne pas conclure de contrat dans le cadre d’une entreprise qu’il dirigeait alors.

 

[17]    Par conséquent, les appels sont accueillis et la décision rendue par le ministre à l’égard desdits appels interjetés devant lui est infirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6jour de novembre 2003.

 

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de février 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice



[1] [2001] 2 A.C.S. n61, 204 D.L.R. (4th) 542.

[2] [1986] 3 C.F. 553 ([1986] 2 CTC 200, 87 D.T.C. 5025).

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