Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2003‑1122(EI)

ENTRE :

MARATHON ELECTRIC LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Marathon Electric Ltd. (2003‑1123(CPP)) le 28 juillet 2003 à Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe

 

Comparutions 

 

Avocat de l’appelante :

MCraig McTavish

 

Avocate de l’intimé :

MNadine Taylor Pickering

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 9jour d’octobre 2003.

 

 

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2jour de février 2004.

 

 

 

 

Liette Girard, traductrice


 

 

 

Dossier : 2003‑1123(CPP)

ENTRE :

MARATHON ELECTRIC LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Marathon Electric Ltd. (2003‑1122(EI)) le 28 juillet 2003 à Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe

 

Comparutions 

 

Avocat de l’appelante :

MCraig McTavish

 

Avocate de l’intimé :

MNadine Taylor Pickering

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 9jour d’octobre 2003.

 

 

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2jour de février 2004.

 

 

 

 

Liette Girard, traductrice


 

 

 

Référence : 2003CCI714

Date : 20031009

Dossiers : 2003‑1122(EI)

2003‑1123(CPP)

ENTRE :

MARATHON ELECTRIC LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Rowe

 

 

[1]     L’appelante, Marathon Electric Ltd. (« Marathon » ou la « payeuse »), interjette appel à l’encontre de deux décisions datées du 19 décembre 2002 rendues par le ministre du Revenu national (le « Ministre »), dans lesquelles ce dernier a confirmé dans chaque cas les évaluations émises antérieurement à l’égard de Marathon pour ce qui est des cotisations dues en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») et des contributions dues en vertu du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») pour les années d’imposition 2000 et 2001 au motif que certains travailleurs occupaient un emploi assurable et ouvrant droit à pension conformément aux dispositions pertinentes de la Loi et du Régime. Les avocats des parties ont accepté que les deux appels soient entendus ensemble.

 

[2]     Les travailleurs mentionnés dans les deux décisions étaient les suivants :

          Rob Hoy

          Christos Belos – 2000 seulement

          Nikolai Pinkovski

          Peter Reinhardt

          Marty Donaldson

 

[3]     Rob Hoy a indiqué dans son témoignage qu’il était un électricien qualifié résidant à Port Coquitlam, en Colombie‑Britannique. Il détient une licence d’entrepreneur délivrée par la province de la Colombie‑Britannique en 1979, ce qui lui permet de travailler sur des projets pouvant comporter jusqu’à 750 watts et une intensité de courant électrique illimitée. L’importance de la licence est qu’elle couvre presque toutes les demandes et les installations de l’industrie, sauf pour ce qui est du travail lié aux sous‑stations, et le témoin peut demander des permis à son nom et obtenir des inspections directement auprès des autorités de surveillance pertinentes, qu’elles soient municipales ou provinciales. Un entrepreneur‑électricien qualifié doit s’assurer que les installations électriques sont conformes aux codes et aux règlements applicables. Des frais annuels doivent être payés afin de maintenir en vigueur la licence si le détenteur souhaite obtenir des permis. En 2000 et en 2001, M. Hoy a fourni ses services, comme électricien surveillant, à Marathon en ce qui concerne des travaux d’électricité entrepris par cette société. M. Hoy a déclaré que les travailleurs mentionnés, à l’exception de Marty Donaldson, qui est décédé, étaient des compagnons électriciens qualifiés pouvant réaliser des travaux d’électricité même sans avoir la capacité d’« obtenir » des permis à leur nom directement auprès d’une autorité émettrice. M. Hoy a déclaré qu’il obtenait les projets auprès de Perry Tsakalos, le président de Marathon, et qu’il remplissait les fonctions d’un contremaître de chantier, communiquant avec M. Tsakalos de temps à autre uniquement si les circonstances le justifiaient. M. Tsakalos communiquait avec M. Hoy au sujet d’un projet précis et, si ce dernier était intéressé, ils se rencontraient et discutaient du taux approprié à verser pour les services de M. Hoy en tant qu’électricien surveillant. M. Hoy a déclaré qu’il était satisfait de travailler pour Marathon et qu’il n’a pas offert ses services à une autre personne ou entreprise durant la période pertinente, même s’il avait présenté des soumissions pour certains travaux résidentiels qui n’ont pas été acceptées probablement en raison de ses prix trop élevés, fondés sur ses titres et qualités en tant qu’électricien commercial. M. Hoy a identifié un dossier, pièce A‑1, contenant plusieurs documents, chacun intitulé « Accords avec l’entrepreneur indépendant (non‑employé) », qu’il avait conclus à différentes époques avec Marathon. L’accord, daté du 1er décembre 2001, prévoyait, sur une page en annexe, un taux applicable de 20 $ l’heure et faisait mention d’une date d’achèvement prévue, le 1er avril 2002, en ce qui concerne le projet précis. M. Hoy a déclaré que les variations des taux, allant de 17 $ à 20 $ l’heure, utilisés dans différents contrats au cours de la période pertinente, étaient dues à des représentations faites par M. Tsakalos selon lesquelles la soumission de Marathon pour certains projets était trop faible et que la société devait épargner de l’argent. M. Hoy a déclaré qu’il se présentait comme le représentant de Marathon lorsqu’il agissait comme surveillant sur un chantier et qu’il coordonnait un calendrier des travaux avec le surveillant de chantier ou le contremaître général représentant l’entrepreneur général. Marathon livrait des matériaux sur le chantier au besoin. Même si M. Hoy a refusé du travail d’autres sources en 2000 et en 2001, il se considérait comme un entrepreneur indépendant lorsqu’il offrait ses services exclusivement à Marathon. Il préférait travailler sur des installations commerciales et industrielles plutôt que de faire de l’installation électrique résidentielle puisqu’il pensait que ce type de travail convenait mieux aux jeunes travailleurs en raison des exigences physiques de ce travail. Pour un projet particulier, M. Hoy ne se présentait pas au bureau de Marathon, sauf s’il était tenu de le faire pour réaliser certains aspects de ce projet. Il possédait ses propres instruments, manuels et électriques, mais les instruments et l’équipement plus importants étaient fournis par Marathon, au besoin. M. Hoy a expliqué que les projets commerciaux, comme la rénovation importante d’un grand entrepôt, étaient souvent complexes et, même si le projet pouvait durer six mois ou plus, il n’était pas obligé de se présenter sur le chantier tous les jours, mais lorsqu’il le faisait, il pouvait n’y rester que quelques heures selon les circonstances. M. Hoy croyait que la capacité de Marathon à soumissionner des projets était supérieure à la sienne en raison des meilleures ressources financières de l’entreprise et de sa capacité à acheter de grandes quantités de matériaux et de fournitures, à crédit, auprès de fournisseurs à un taux commercial et de sa capacité à obtenir de l’équipement important au besoin. M. Hoy a déclaré qu’il envoyait des factures à Marathon et qu’il recevait un paiement par chèque. Une liasse de factures a été déposée sous la cote A‑2. Durant la période pertinente, M. Hoy éprouvait des problèmes financiers, et M. Tsakalos, à sa demande, a accepté de lui fournir des avances sur sa future paie. Le paiement d’une facture subséquente à Marathon, fondée sur un certain nombre d’heures facturables, reflétait l’avance, mais aucune des retenues habituelles n’a été effectuée sur sa paie non plus que la taxe sur les produits et services (TPS) n’a été ajoutée parce que M. Hoy n’était pas inscrit et qu’il n’avait pas de numéro de TPS. Il n’a pas reçu de paie de vacances et n’a pas participé aux avantages sociaux pouvant être offerts aux employés de Marathon. M. Hoy a déclaré que [TRADUCTION] « comme je n’avais pas d’argent pour tenir un livre de paie en raison de ma situation financière précaire », s’il avait besoin d’aide pour un projet précis, les services d’un apprenti ou d’un assistant lui étaient fournis par Marathon. Il devait corriger les lacunes de son travail, mais elles étaient rares et mineures et ne nécessitaient jamais plus d’une journée de travail. Les seules circonstances dans lesquelles il envoyait une facture à Marathon pour le temps qu’il consacrait à la correction de lacunes était lorsqu’il devait corriger des imperfections qui n’étaient pas les siennes ou qu’il effectuait un travail qui était considéré comme du travail supplémentaire à ce qui était prévu au contrat. M. Hoy possédait son propre camion sur lequel l’invitation suivante était apposée : [TRADUCTION] « Vous avez besoin d’un électricien? Appelez Rob. ». M. Hoy a déclaré que même s’il travaillait 40 heures par semaine, il avait une certaine souplesse à l’égard de ses heures et de ses jours de travail qui lui permettait de s’occuper de son enfant qui avait des besoins spéciaux, une possibilité qu’il n’aurait pas eue s’il avait choisi d’occuper un emploi régulier à plein temps. En plus de fournir ses services à Marathon et de s’occuper de son enfant, il écrivait un roman. On a montré à M. Hoy une facture, dans la pièce A‑2, datée du 30 novembre 2001, au montant de 5 820 $. Il a reconnu que ce montant représentait un nombre considérable d’heures et il a déclaré que cela s’expliquait probablement par le fait qu’il avait fait des heures supplémentaires, à sa discrétion, les samedis ou les dimanches de ce mois.

 

[4]     En contre‑interrogatoire, Rob Hoy a reconnu que les électriciens pouvaient entreprendre de petits travaux sans avoir à obtenir de permis. Marathon avait des électriciens qui travaillaient sur un chantier, et M. Hoy a déclaré qu’il pouvait donner des instructions par téléphone durant son absence de façon à ce qu’il ne soit pas nécessaire pour Marathon de retenir les services d’un surveillant remplaçant. À l’occasion, Marathon avait deux projets en même temps, et M. Hoy se déplaçait entre eux et facturait son temps, à un taux suffisant pour couvrir le coût de l’exploitation de son véhicule au lieu d’imposer un montant précis pour le déplacement. M. Hoy a déclaré que le représentant surveillant nommé par l’entrepreneur général n’inspecte pas le travail réalisé par les électriciens dont les services sont fournis par Marathon puisque cette fonction est effectuée par les inspecteurs en électricité employés par la province de la Colombie‑Britannique ou la municipalité appropriée. M. Hoy a déclaré qu’il était électricien depuis 25 ans, qu’il n’avait pas besoin de supervision et que parfois il ne voyait pas M. Tsakalos pendant une semaine ou plus. Au début, M. Hoy obtenait un ensemble de plans du projet afin de se familiariser avec l’implantation mécanique et la nature générale de la construction prévue. Les heures de travail habituelles pour la plupart des chantiers étaient de 7 h à 15 h 30, et les chantiers devaient se conformer aux règlements administratifs de la municipalité. M. Hoy a déclaré qu’il pouvait travailler 16 heures durant la fin de semaine puis ne pas travailler pendant deux ou trois jours. Aucun taux pour les heures supplémentaires n’avait fait l’objet de discussions avec M. Tsakalos, et M. Hoy conservait sa propre feuille de temps. Au besoin, il obtenait une avance sur une future facture et recevait une paie « amputée » deux fois par mois. On a montré à M. Hoy une liasse de photocopies de chèques, pièce R‑1, et il a reconnu qu’au cours de certains mois, comme en mars 2001, il avait fréquemment reçu plusieurs chèques de faibles montants. Lorsque l’avocate de l’intimé lui a laissé entendre qu’il ne semblait pas y avoir de lien entre le montant des différents paiements et une facture qui était censée couvrir la même période, M. Hoy a déclaré qu’il était convaincu avoir été payé au complet pour son travail dans le cadre de sa relation de travail avec M. Tsakalos et Marathon où ses heures facturables étaient soumises et acceptées selon le principe reposant sur la confiance. M. Hoy a indiqué que ses instruments se composaient d’instruments manuels habituels ainsi que de perceuses et de scies alimentées par piles. Des scies et des élévateurs hydrauliques spéciaux, coûtant jusqu’à 5 000 $, étaient fournis par Marathon. Les taux horaires imposés par M. Hoy pour un projet situé dans une municipalité non métropolitaine reflétaient toujours ses besoins de déplacement, et le temps facturable commençait à courir dès qu’il sortait de chez lui. Tout montant de prime versée à la Workers’ Compensation Board (WCB), par Marathon, pour la protection de M. Hoy en ce qui concerne un projet, était déduit du paiement d’une facture subséquente. M. Hoy a déclaré que si un client se plaignait de certains aspects du travail sur un chantier, il s’occupait de la situation si le sujet relevait de son domaine d’expertise. Il a déclaré que lorsqu’il se trouvait sur les chantiers, il informait toujours les autres travailleurs ou les entrepreneurs qu’il était un sous‑entrepreneur pour Marathon.

 

[5]     En réponse aux questions posées par la Cour, M. Hoy a déclaré que pour certains projets, Marathon fournissait les services de ses employés, peut‑être plusieurs personnes, selon les circonstances. Normalement, les électriciens sont les premiers ouvriers arrivant au travail et les derniers à quitter le chantier parce que les questions relatives à l’installation électrique doivent être réglées avant la préparation du terrain pour la construction. M. Hoy a déclaré que si une municipalité n’avait pas son propre service d’inspection électrique, l’inspection requise était alors effectuée par un employé provincial.

 

[6]     Perry Tsakalos a indiqué dans son témoignage qu’il était le président de Marathon et un compagnon électricien détenant une licence B. En 1981, il a commencé à exploiter Marathon en tant qu’entrepreneur‑électricien commercial, industriel et résidentiel, quoique depuis ce temps Marathon ait éliminé le travail résidentiel afin de se concentrer sur les édifices commerciaux, comme les entrepôts, et les institutions, comme les écoles et les hôpitaux. Son fils et sa fille sont employés par Marathon, et les estimations utilisées pour soumissionner des projets sont effectuées par lui ou des estimateurs pigistes dont Marathon a retenu les services. M. Tsakalos traite avec les fournisseurs, obtient des permis pour des projets ainsi que supervise et coordonne le travail effectué pour un projet. Marathon soumissionne certains projets et, si elle les obtient, M. Tsakalos demande à l’entrepreneur général de préparer un calendrier des travaux afin d’engager les travailleurs et d’obtenir les matériaux nécessaires. Marathon avait ses propres employés, mais elle s’en remettait également à certains entrepreneurs indépendants avec qui elle communiquait afin de déterminer s’ils étaient intéressés à travailler à un projet. Si ces personnes acceptaient d’envisager de travailler au projet, M. Tsakalos leur fournissait les dessins pertinents. Lorsque la soumission de Marathon était acceptée par un entrepreneur général, M. Tsakalos communiquait avec Rob Hoy afin de l’informer du projet qui devait avoir une certaine durée, habituellement entre deux et six mois, et l’invitait à soumissionner certains aspects du projet à un taux horaire ou pour un montant fixe. M. Tsakalos se rappelait que M. Belos n’avait fourni ses services à Marathon qu’en 2000 et qu’il avait reçu un montant relativement faible relativement à l’installation électrique faite par une personne dans un entrepôt. M. Tsakalos a suivi la même méthode lorsqu’il a communiqué avec MM. Donaldson, Pinkovski et Reinhardt afin de les inviter à participer à un projet que Marathon avait obtenu. M. Tsakalos croyait que tous ses sous‑entrepreneurs, à l’exception de M. Donaldson, était des électriciens qualifiés pouvant superviser d’autres travailleurs sur le chantier si c’était nécessaire. M. Donaldson avait de l’expérience comme électricien, mais il n’était pas un électricien qualifié. Il était un travailleur expérimenté comme manœuvre et il aidait les autres qui, comme M. Hoy, étaient qualifiés. Aucun des travailleurs ne s’attendait de recevoir d’autres contrats avec Marathon puisque la disponibilité du travail dépendait de l’acceptation de la soumission de Marathon pour certains projets. On a montré à M. Tsakalos un dossier, pièce A‑3, contenant une séries d’accords conclus entre Marathon et M. Donaldson. Le taux de rémunération, en fonction du contrat individuel, variait entre 10 $ et 12,50 $ l’heure. Le dossier contenant des contrats applicables à Peter Reinhardt a été déposé sous la cote A‑4. En 2000 et en 2001, la rémunération de M. Reinhardt, établie dans différents accords, variait entre 22 $ et 24 $ l’heure. Même s’ils n’étaient pas disponibles, M. Tsakalos a déclaré que des accords semblables avaient été conclus avec M. Belos en 2000 puisque Marathon utilisait un accord standard où les espaces étaient remplis par l’insertion de détails se rapportant à un projet précis. Si l’un des travailleurs mentionnés travaillait déjà à un projet, M. Tsakalos a déclaré qu’il commençait à appeler les autres personnes de la liste pour savoir si elles acceptaient du travail de Marathon. M. Tsakalos a reconnu que Marathon payait les travailleurs selon les feuilles de temps soumises, mais qu’elle versait également des avances sur demande, particulièrement dans le cas de Rob Hoy qui était un homme honnête et travaillant et qui devait acheter des médicaments pour son fils. M. Hoy pouvait obtenir des paiements en avance et les rembourser plus tard en fournissant ses services à un taux précis. Marathon effectuait des retenues pour récupérer les avances et, même si elles pouvaient toucher le travail effectué par M. Hoy sur un projet futur, elles étaient finalement compensées de sorte que les paiements totaux versés par Marathon correspondaient au nombre d’heures facturables travaillées par M. Hoy. M. Tsakalos a déclaré qu’il n’avait jamais fait de paiement en espèces à M. Hoy et qu’aucune divergence, entre le travail effectué par M. Hoy et les paiements versés par Marathon, n’a jamais été reportée à un autre exercice. Des avances étaient rarement versées aux autres travailleurs, même si cela se produisait. M. Tsakalos a déclaré qu’il comprenait que M. Hoy avait été un entrepreneur indépendant tout au long de sa carrière. Dans le cadre de l’exploitation de son entreprise, Marathon préférait conclure des contrats écrits avec des fournisseurs de services, possédant des compétences spécialisées, relativement à un projet précis. Par exemple, M. Tsakalos a mentionné un cas où Marathon avait dû retenir les services d’un expert pour installer une chaîne audio compliquée dans une école. Habituellement, lors de la réalisation du projet, M. Tsakalos rencontre le propriétaire de la propriété ou l’entrepreneur général ainsi que les ingénieurs, les architectes et les autres professionnels ou les hommes de métier régulièrement selon un calendrier. Pendant l’été, le travail commence entre 7 h et 7 h 30, et le représentant de l’entrepreneur général souhaite que des électriciens soient présents sur le chantier à ce moment. M. Tsakalos a déclaré qu’il comprenait que tous les travailleurs mentionnés dans les évaluations émises à l’égard de Marathon pour les années 2000 et 2001 avaient, à un certain moment, tenté de travailler comme entrepreneur‑électricien, mais qu’ils avaient éprouvé des difficultés lorsqu’ils avaient tenté d’acheter les matériaux nécessaires pour réaliser un projet conformément aux spécifications de la soumission. Habituellement, les projets entrepris par Marathon nécessitaient des dépenses représentant entre 65 p. 100 et 68 p. 100 de la soumission totale alors que la main‑d’œuvre ne représentait que 30 p. 100 du contrat global. Actuellement, Marathon fonctionne avec un fonds de roulement de 100 000 $, mais à la fin des années 80, la société avaient entrepris des projets nécessitant l’achat de matériaux et de fournitures de plus de 400 000 $. M. Tsakalos a déclaré que les travailleurs ne se présentaient pas régulièrement au bureau de Marathon et, par ailleurs, ils n’étaient pas obligés de le faire. Les plus grandes pièces d’équipement, coûtant jusqu’à 300 $ par semaine, qui étaient requises pour un projet, étaient louées par Marathon, et cette dernière obtenait tous les permis nécessaires pour effectuer le travail en électricité. Un travailleur pouvait demander qu’un inspecteur en électricité se présente sur le chantier à une étape précise de l’installation. M. Tsakalos a identifié deux liasses de factures, pièce A‑5, soumises à Marathon, l’une par M. Donaldson et l’autre par M. Reinhardt. Dans le cadre d’un projet de construction, Marathon obtenait des paiements proportionnels de l’entrepreneur général en fonction des factures présentées pour le travail réalisé à une certaine date. Pour ce qui est des instructions données sur le chantier aux électriciens de Marathon, M. Tsakalos a déclaré que si la question concernait une chose relativement mineure, les travailleurs suivaient les instructions fournies par le représentant de l’entrepreneur général sans que cette question soit soumise à son attention. Toute divergence, dont était responsable un travailleur, devait être corrigée par ce dernier. À une occasion, M. Hoy a téléphoné au bureau de Marathon pour dire qu’il avait besoin de plus d’électriciens sur le chantier, et Marathon avait fourni l’aide supplémentaire. M. Tsakalos a déclaré qu’en ce qui le concerne, les travailleurs étaient libres d’embaucher leurs propres assistants qualifiés pour les aider, mais qu’aucun ne l’avait fait et qu’ils s’en étaient remis à Marathon pour leur fournir les services d’autres électriciens sur le chantier. Aucun des travailleurs mentionnés n’imposait la TPS à Marathon sur ses factures, et aucune retenue n’était effectuée sur leur paie. Les cotisations de la WCB attribuables aux travailleurs, à l’exception de M. Hoy, étaient payées par Marathon. Dans le cas de M. Hoy, Marathon payait les cotisations à la WCB et déduisait 2 p. 100 des montants futurs des factures afin de récupérer ce coût. Durant la période pertinente, Marathon avait des employés réguliers dont le nom était inscrit dans le livre de paie et elle effectuait les retenues habituelles. Les autres travailleurs, considérés entrepreneurs indépendants, recevaient des formulaires intitulés Sommaire des paiements contractuels (T5018), déposés sous la cote A‑6.

 

[7]     En contre‑interrogatoire, Perry Tsakalos a déclaré que des discussions avaient eu lieu avec les travailleurs mentionnés au cours desquelles on les avait avisés de leur droit d’embaucher d’autres travailleurs. Durant la période pertinente, Marathon avait deux ou trois électriciens dont le nom était inscrit dans le livre de paie en tant qu’employés. Les titres et qualités de ces employés étaient les mêmes que ceux des travailleurs mentionnés, à l’exception de M. Donaldson, mais ces derniers étaient embauchés uniquement lors de projets. Les électriciens employés étaient payés à l’heure et soumettaient des feuilles de temps, plutôt que des factures, à Marathon. Ils possédaient leurs propres instruments manuels et travaillaient habituellement de 35 à 40 heures par semaine. Même si les divergences devaient être corrigées par les travailleurs mentionnés, que Marathon considérait comme des entrepreneurs indépendants, les matériaux requis étaient fournis par Marathon de la même manière que si les corrections avaient été effectuées par un électricien employé de Marathon. M. Tsakalos a déclaré qu’il était habituel pour un surveillant de chantier, également connu comme un directeur des travaux, d’être sur le chantier comme représentant de l’entrepreneur général ou du propriétaire. La personne exerçant cette fonction de surveillance possède de l’expérience dans presque tous les aspects de la construction et est habituellement la première personne arrivée sur le chantier chaque jour. M. Tsakalos a reconnu que M. Donaldson devait travailler avec des électriciens qualifiés et qu’il ne pouvait que les aider plutôt que d’effectuer les tâches nécessitant un certificat de compétence approprié. Si M. Hoy devait se présenter sur le chantier, le surveillant de chantier lui téléphonait directement et ne communiquait avec Marathon que si cette méthode ne fonctionnait pas. M. Tsakalos a déclaré qu’il était convaincu que les heures facturées par les travailleurs étaient justifiées par l’examen de la progression des travaux sur le chantier. Un permis de travail en électricité, affiché sur le chantier, énumérait les numéros de téléphone des inspecteurs en électricité de façon à ce que les électriciens puissent communiquer directement avec eux et parvenir à un arrangement. Avant la période pertinente des présents appels, M. Hoy avait fourni ses services à Marathon, et M. Pinkovski avait travaillé pour Marathon en 1999, avant de devenir un électricien qualifié le 13 décembre 2000. M. Tsakalos a reconnu que Marathon avait en bout de ligne la responsabilité de s’assurer de la conformité aux codes en électricité applicables. Certains travailleurs sur un projet recevaient les clés, des mains du surveillant de chantier ou du représentant de ce dernier, pour avoir accès au chantier en dehors des heures normales de travail. Une clause particulière, n4, du contrat standard utilisé par Marathon reconnaissait le besoin de cette dernière de coordonner les heures de travail pour un projet afin de s’adapter aux besoins du client ou d’autres sous‑entrepreneurs du chantier. M. Tsakalos a identifié une liasse de factures ainsi que des copies de chèques oblitérés, pièce R‑2, se rapportant aux factures soumises par M. Reinhardt et au paiement par Marathon des services rendus. L’avocate a montré à M. Tsakalos trois chèques datés du 14 janvier 2000, du 14 janvier 2000 et du 28 janvier 2000, aux montants respectifs de 1 066 $, de 100 $ et de 1 825 $, totalisant 2 991 $, le même montant que celui de la facture envoyée par M. Reinhardt le 31 janvier 2000. M. Reinhardt a reçu un chèque de 1 804 $ le 25 février 2000, mais la facture, datée du 28 février 2000 est au montant de 3 375 $. En mars 2000, M. Reinhardt a reçu trois chèques avant de soumettre une facture. M. Tsakalos a déclaré qu’il pouvait déterminer le montant probable du salaire d’un travailleur à la fin du mois et qu’il lui envoyait des avances en se fondant sur ce fait. Il s’est également dit surpris de constater que M. Reinhardt avait reçu autant d’avances puisqu’il se rappelait que de multiples avances n’avaient été données qu’à M. Hoy pour des raisons spéciales. Les employés étaient payés aux deux semaines, en ayant une retenue d’une semaine, alors que les travailleurs mentionnés étaient payés pour tous les travaux déjà réalisés. Le livre de paie était géré par la fille de M. Tsakalos, et les feuilles de temps soumises par les travailleurs étaient également utilisées en vue de l’analyse des coûts. M. Tsakalos a déclaré que le taux horaire payé à M. Donaldson avait augmenté, passant de 10 $ en janvier 2000 à 12,50 $ en mai 2001, pour tenir compte de l’augmentation du coût de la vie. Au cours de la période de deux ans, le taux horaire offert à M. Reinhardt a augmenté, passant de 22 $ à 24 $. Aucun des travailleurs visés par les présents appels n’avait le pouvoir de signer des chèques ou d’émettre des documents au nom de Marathon, et on pouvait mettre fin à leurs services conformément aux conditions du contrat écrit qu’ils avaient signé. La plupart des chantiers étaient situés dans un rayon de 30 kilomètres des maisons des travailleurs. Ces derniers pouvaient téléphoner directement à un fournisseur de Marathon pour commander des fournitures qui seraient livrées sur un chantier. S’ils devaient acheter des articles, ils étaient remboursés sur production de reçus. Pour ce qui est des clients, Marathon garantissait la qualité des travaux, et M. Tsakalos a déclaré que les travailleurs étaient toujours payés, même si le client n’effectuait pas un paiement dû à Marathon. De façon générale, les plaintes liées au travail étaient rares et pouvaient être réglées par les travailleurs sur le chantier. M. Tsakalos a déclaré que le surveillant de chantier pour chaque projet savait que certains travailleurs étaient des sous‑entrepreneurs de Marathon. M. Tsakalos a déclaré que tout au long de la période pertinente, il comprenait que les travailleurs mentionnés effectuaient de petits travaux pour d’autres personnes.

 

[8]     En réinterrogatoire, Perry Tsakalos a déclaré que les électriciens inscrits au livre de paie régulier étaient embauchés, au besoin, pour des périodes de un mois ou moins puis licenciés lorsque le travail était terminé. Le nom de ces personnes était ajouté au livre de paie régulier en réponse à leur souhait de se voir accorder le statut d’employé en raison duquel les retenues habituelles étaient effectuées sur leurs chèques. Pour ce qui est de M. Hoy, si l’on n’avait pas besoin de lui à un chantier précis, ou à un autre projet de Marathon, il était libre d’utiliser son temps comme il l’entendait. M. Tsakalos a déclaré qu’il ne voyait pas de distinction réelle entre les conditions de travail des électriciens dont il avait inscrit le nom dans le livre de paie en tant qu’employés de Marathon et les travailleurs mentionnés dans les évaluations pertinentes aux présents appels. D’après ses nombreuses années dans l’industrie de la construction, M. Tsakalos a déclaré qu’il est normal de trouver dans l’industrie sur le chantier certains travailleurs qui sont des employés et d’autres qui sont des entrepreneurs indépendants, même s’ils effectuent le même travail.

 

[9]     Christos Belos a indiqué dans son témoignage qu’il est la personne décrite, de façon incorrecte, comme Chris Bilos dans les Réponses aux avis d’appel ainsi que dans les annexes en ce qui concerne les présents appels. Il a offert ses services à Marathon en 1999 et en 2000. Il a déclaré que lorsque M. Tsakalos lui offrait du travail, c’était toujours en tant qu’entrepreneur indépendant. Alors qu’il travaillait pour Marathon, il a fait certains petits travaux pour d’autres personnes et il soumettait ses factures, pièce A‑7, qui étaient fondées sur le coût des matériaux et sur son travail. Il a reçu un formulaire T5018, inclus dans la pièce A‑6, indiquant qu’il avait reçu de Marathon le montant de 3 765 $ en 2000, en contrepartie de ses services pour une période d’environ six semaines. En 2000, M. Belos a travaillé pour Alpha Neon en tant qu’employé parce qu’il souhaitait apprendre l’installation d’enseignes au néon. Il est un électricien qualifié en Grèce, mais il n’avait pas effectué de travail touchant cette forme de signalisation lumineuse. M. Belos a déclaré que lorsque M. Tsalakos téléphonait pour demander s’il était intéressé à faire certains travaux, il lui décrivait le projet et ils se rencontraient sur le chantier afin de discuter de la nature du projet et du calendrier des travaux puisque M. Belos n’acceptait pas de travailler le soir. M. Belos a déclaré que certains projets pouvaient être réalisés par un électricien et il a expliqué que c’était normal que le travail soit interrompu lorsque d’autres ouvriers fournissaient leurs services lors du projet. En conséquence, un électricien pouvait travailler à un certain moment et ne pas travailler de nouveau à l’une des étapes nécessaires des travaux d’électricité. M. Belos a déclaré que son contrat avec Marathon s’appuyait sur un taux horaire de 18 $ pendant une certaine période, comme l’avait estimé M. Tsakalos. Marathon fournissait tous les matériaux et les instruments ainsi que l’équipement lourd. M. Belos a déclaré qu’il avait eu l’intention d’offrir ses services à Marathon en tant qu’entrepreneur indépendant. Il a déclaré qu’il ne gagnait pas un revenu annuel suffisamment élevé pour avoir besoin de s’inscrire aux fins de la TPS. M. Belos a déclaré qu’il téléphonait à M. Tsakalos pour demander qu’un inspecteur en électricité se rende sur un chantier pour examiner la qualité des travaux réalisés à une étape précise.

 

[10]    En contre‑interrogatoire, Christos Belos a déclaré qu’il avait signé un contrat avec Marathon relativement aux services offerts en 1999, mais aucun contrat semblable n’avait été signé en 2000. Il considérait que le contrat de 1999 continuerait à régir leur relation de travail même si le projet précis qui y était nommé était terminé. Selon lui, Marathon ne se souciait pas de savoir s’il embauchait d’autres personnes pour l’aider, mais la situation ne s’était jamais présentée. Avant d’accepter un travail de Marathon, M. Belos a déclaré qu’il vérifiait la nature du projet et son endroit. Sur un chantier, alors que l’entrepreneur général est responsable de l’ensemble du projet, les ingénieurs électriciens responsables de la préparation des plans d’électricité vérifient que l’installation a été effectuée correctement. M. Belos a déclaré qu’il s’en remettait à M. Tsakalos lorsqu’il y avait des problèmes sur le chantier, découlant habituellement de révisions aux plans de construction, qui devaient être réglés avec le représentant de l’entrepreneur général. M. Belos a déclaré qu’il a commencé sa formation d’apprenti électricien en Grèce alors qu’il n’avait que 13 ans. Bien que la nature du travail d’un électricien en Colombie‑Britannique lui soit familière, comme il avait certaines difficultés à lire l’anglais, il téléphonait parfois à M. Tsakalos pour avoir une explication sur certains sujets. M. Belos a déclaré qu’il préférait un horaire de travail souple parce que son épouse était malade et que, bien qu’il sache qu’il devait respecter les heures applicables au chantier, le surveillant de chantier lui permettait de travailler durant la fin de semaine. Il ne facturait pas à Marathon le temps qu’il passait durant sa pause déjeuner et il n’envoyait une facture qu’après avoir reçu des chèques pour le paiement de ses services rendus lors d’une période précédente. Il a déclaré qu’il devait recevoir de l’argent toutes les deux semaines et qu’il était payé conformément aux feuilles de temps soumises et une facture correspondante. Pour un projet, M. Belos a accepté le montant de 17 $ l’heure puisque cela semblait un salaire juste pour la nature du travail requis. Même si tous les matériaux étaient fournis par Marathon, M. Belos a déclaré qu’il ne s’attendait pas à être payé pour corriger les lacunes de son propre travail. En dehors de l’achat de ses propres instruments manuels, M. Belos n’avait pas de dépenses liées au travail et il ne faisait aucune publicité ni n’apposait d’affiche sur son camion pour indiquer qu’il cherchait des clients pour une entreprise qu’il exploitait. M. Belos a déclaré qu’il ne détenait pas de licence d’électricien en Colombie‑Britannique et qu’il avait déjà utilisé le nom Belos Services même s’il n’exploitait pas d’entreprise. Sur un chantier, si on le lui demandait, il s’identifiait comme une personne travaillant pour Marathon.

 

[11]    L’avocat de l’appelante a informé la Cour que l’exactitude des montants indiqués à l’annexe A, jointe à la Réponse à l’avis d’appel (« réponse ») dans l’appel 2003‑1122(EI) n’était pas en litige. L’avocat a reconnu que le cas du travailleur Donaldson était plus faible que les autres puisqu’il se trouve à une extrémité du spectre, mais il a soutenu que l’absence d’une licence n’était pas déterminante en ce qui concerne la capacité d’une personne à offrir ses services à son propre compte. De l’autre côté de l’échelle, l’avocat a soulevé le cas du travailleur M. Hoy, qui était une personne amplement qualifiée pour exploiter sa propre entreprise puisqu’il détenait le type de licence lui permettant d’obtenir ses propres permis pour réaliser des travaux d’électricité. L’avocat a mentionné les différents contrats écrits conclus par les travailleurs mentionnés et Marathon ainsi que la capacité des travailleurs d’accepter ou de refuser du travail s’ils le choisissaient. En outre, même en fournissant leurs services à Marathon pour un projet, ils pouvaient travailler ailleurs durant les périodes au cours desquelles leur présence n’était pas requise sur un chantier. L’avocat a soutenu que Marathon exerçait très peu de contrôle ou de supervision sur les travailleurs et que M. Tsakalos se rendait sur le chantier au besoin pour vérifier le progrès pour différentes raisons, entre autres pour soumettre lui‑même des factures à l’entrepreneur général afin d’obtenir des paiements proportionnels. Marathon avait des électriciens et d’autres travailleurs inscrits dans son livre de paie, mais les travailleurs mentionnés ainsi que Marathon souhaitaient que les services de ces derniers soient fournis conformément au statut d’entrepreneur indépendant. L’avocat a fait valoir que même si les travailleurs avaient choisi de travailler exclusivement ou presque pour Marathon, cela n’en faisait pas pour autant des employés puisqu’ils avaient le droit de choisir de demeurer dans une relation de travail avec une entreprise qui payait un taux raisonnable, de façon opportune, et permettait des heures de travail souples afin de satisfaire à certains besoins spéciaux découlant de circonstances personnelles.

 

[12]    L’avocate de l’intimé a reconnu que M. Hoy était le travailleur le plus expérimenté, qu’il possédait les meilleurs titres et qualités dans son métier et qu’il était plus indépendant que les autres travailleurs. Néanmoins, l’avocate a soutenu que Marathon avait toujours le droit d’exercer un contrôle sur M. Hoy et de l’obliger à participer à d’autres projets qu’elle avait, le cas échéant. De plus, M. Hoy éprouvait des difficultés financières et n’était pas en position pour agir comme un entrepreneur‑électricien à son propre compte. Il avait besoin d’argent de façon régulière et obtenait des avances lorsque certaines dépenses devaient être effectuées au nom de son fils. L’avocate a soutenu que même M. Hoy, bien qu’il ait été très qualifié, ne pouvait gagner un montant qu’en fonction des heures totales travaillées à un certain taux et qu’il ne pouvait pas augmenter son revenu grâce à une meilleure gestion de son temps. En outre, l’avocate a soutenu que ni M. Hoy ni les autres travailleurs mentionnés ne pouvaient réaliser un profit de la prestation de leurs services et qu’ils ne risquaient de subir de perte parce que, comme l’a déclaré M. Tsakalos dans son témoignage, ils étaient payés même si un client faisait défaut de payer Marathon. Selon l’avocate, il n’y a pas eu de véritables négociations quant à la détermination d’un taux horaire qui serait payé, et les chèques émis par Marathon ne semblaient pas correspondre aux factures envoyées dans certains cas, comme dans celui de M. Reinhardt. L’avocate a soutenu qu’il faut garder à l’esprit que seule Marathon avait la capacité financière ainsi que l’organisation commerciale pour soumettre des soumissions afin d’obtenir du travail, et un nombre approprié d’électriciens étaient embauchés seulement si une soumission avait été acceptée.

 

[13]    La Cour suprême du Canada, dans un arrêt récent, 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 – (« Sagaz ») s’est penchée sur une affaire de responsabilité du fait d’autrui et, dans le cadre de l’examen d’une gamme de questions pertinentes, elle a également été invitée à réfléchir à la définition d’entrepreneur indépendant. La décision de la Cour a été rendue par le juge Major, qui a examiné l’évolution de la jurisprudence dans le contexte de l’importance de la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant puisqu’elle a une incidence sur la question de la responsabilité du fait d’autrui. Après avoir mentionné les motifs du juge d’appel MacGuigan dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 ([1986] 2 C.T.C. 200) ainsi que la référence qu’on y fait du critère d’organisation de lord Denning et la synthèse du juge Cooke dans la décision Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, le juge Major, aux paragraphes 45 à 48, inclusivement, a déclaré ce qui suit :

 

Enfin, un critère se rapportant à l'entreprise elle-même est apparu. Flannigan, […] [« Enterprise control: The servant‑independent contractor distinction » (1987), University of Toronto Law Journal, vol. 37, no 25, à la page 29] énonce le [TRADUCTION] « critère de l'entreprise » à la p. 30 selon lequel l'employeur doit être tenu responsable du fait d'autrui pour les raisons suivantes : (1) il contrôle les activités du travailleur, (2) il est en mesure de réduire les risques de perte, (3) il tire profit des activités du travailleur, (4) le coût véritable d'un bien ou d'un service devrait être assumé par l'entreprise qui l'offre. Pour Flannigan, chaque justification a trait à la régulation du risque pris par l'employeur, et le contrôle est donc toujours l'élément crucial puisque c'est la capacité de contrôler l'entreprise qui permet à l'employeur de prendre des risques. Le juge La Forest a lui aussi formulé un « critère du risque de l'entreprise » dans l'opinion dissidente qu'il a exposée relativement au pourvoi incident dans l'arrêt London Drugs. Il a écrit, à la p. 339, que « [l]a responsabilité du fait d'autrui a pour fonction plus générale de transférer à l'entreprise elle‑même les risques créés par l'activité à laquelle se livrent ses mandataires ».

 

À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l'arrêt Stevenson Jordan, […] [[1952] 1 The Times L.R. 101], qu'il peut être impossible d'établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [TRADUCTION] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d'apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l'opinion du juge MacGuigan lorsqu'il affirme – en citant Atiyah, […] [Vicarious Liability in the Law of Torts, Londres, Butterworths, 1967], à la p. 38, dans l'arrêt Wiebe Door, p. 563 – qu'il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

[TRADUCTION] [N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d'identifier les contrats de louage de services [...] La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

 

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

 

 

[14]    Je vais examiner les faits en rapport avec les facteurs établis par le juge Major dans l’arrêt Sagaz.

 

Niveau de contrôle 

 

[15]    Les travailleurs, en particulier M. Hoy qui était un électricien hautement qualifié possédant plus de 20 ans d’expérience, ne faisaient pas l’objet d’un grand contrôle. En effet, c’est M. Hoy qui remplissait une fonction de supervision au nom de Marathon en plus de fournir sa propre expérience tout en travaillant sur des installations électriques complexes. Cet aspect de ses services touchant la supervision était pris en compte par lui lorsqu’il négociait un salaire horaire, variant entre 17 $ et 20 $ l’heure, applicable à chaque contrat. M. Hoy a décrit les fonctions qu’il exerçait sur un chantier de Marathon comme celles qui sont normalement remplies par un contremaître de chantier, même s’il n’en portait pas le titre. M. Belos semble avoir travaillé sur un ou deux petits projets seulement en 2000 et, dans le cadre de son témoignage, il a déclaré qu’il communiquait avec Marathon pour prendre des dispositions en ce qui concerne les inspections qui devaient être réalisées par un inspecteur. Marty Donaldson n’était pas un électricien qualifié, mais il était clairement un manœuvre qualifié dans le cadre de ce métier. Il ne pouvait faire un travail seul et il était relégué au rôle d’assistant pour aider d’autres électriciens qualifiés. Il n’y avait pas de preuve directe quant au travail réalisé par MM. Pinkovski et Reinhardt, mais il semble qu’ils travaillaient sur un chantier sous la supervision de M. Hoy de temps à autre et que leur travail était examiné par M. Tsakalos lorsque ce dernier se présentait sur un chantier, ce qu’il faisait souvent mais de façon non planifiée. Jusqu’au 13 décembre 2000, M. Pinkovski n’était pas qualifié comme électricien selon les normes de la Colombie‑Britannique et il devait être supervisé au sens où un électricien qualifié devait attester que le travail qu’il avait accompli était conforme aux normes applicables au projet.

 

 

 

Fourniture de l’équipement ou d’assistants

 

[16]    La preuve a révélé que tous les travailleurs possédaient leurs propres instruments manuels ou petits instruments électriques, ce qui est normal dans l’industrie. L’équipement lourd ou les instruments spécialisés étaient fournis par Marathon, soit parce qu’elle les louait d’un fournisseur ou qu’elle les avait en inventaire. Même si MM. Tsakalos, Hoy et Belos ont indiqué dans leur témoignage qu’ils considéraient tous qu’il était possible pour un travailleur d’embaucher un assistant, cet événement ne s’est jamais produit. Au contraire, lorsqu’on avait besoin d’aide sur un chantier précis, M. Hoy communiquait avec M. Tsakalos qui lui fournissait les services de travailleurs supplémentaires pour le projet, et Marathon envoyait des électriciens dont le nom figurait dans le livre de paie de cette dernière en tant qu’employés. M. Hoy a déclaré qu’il n’avait pas les moyens financiers pour tenir un livre de paie et il a choisi d’organiser sa relation de travail avec Marathon en conséquence de façon à ce qu’il n’ait pas à supporter le coût de la fourniture d’équipements coûteux ni le fardeau d’administrer un livre de paie en obtenant simplement une aide qualifiée supplémentaire, au besoin, de temps à autre. Aucun des travailleurs n’avait exercé son prétendu droit à embaucher ses propres assistants, et ils s’en remettaient à Marathon pour fournir les services d’autres électriciens au besoin. M. Donaldson était un manœuvre, et on ne s’attendait pas à ce qu’il embauche un assistant pour remplir ses tâches.

 

Degré de risque financier et responsabilité en matière d’investissement et de gestion

 

[17]    Aucun des travailleurs n’a subi de risque financier réel. Dans l’éventualité peu probable où certaines lacunes devaient être corrigées, ils étaient tenus de le faire sur leur propre temps sans envoyer de facture à Marathon au taux horaire applicable. Cependant, tous les matériaux étaient toujours fournis par Marathon, et M. Tsakalos a déclaré dans le cadre de son témoignage que la main‑d’œuvre ne représentait que 30 p. 100 du coût total du projet. Les travailleurs possédaient leurs propres instruments. Lorsqu’ils achetaient certaines fournitures, ils présentaient un reçu à Marathon et ils étaient remboursés. Les matériaux requis sur le chantier pouvaient être commandés, directement auprès des fournisseurs de Marathon, par M. Hoy ou les autres électriciens présents sur le chantier, et le fournisseur ou Marathon livrait la commande. M. Tsakalos a déclaré que tous les travailleurs étaient payés en entier par Marathon même si l’entrepreneur général particulier n’effectuait pas l’un de ses paiements. Marathon pouvait investir dans l’équipement et l’infrastructure requis afin d’obtenir différents travaux des entrepreneurs généraux ou des propriétaires de certains projets, et la gestion du travail était effectuée par M. Tsakalos au nom de Marathon ou déléguée à M. Hoy selon son accord de prestation de services à Marathon non seulement en tant qu’électricien qualifié, mais également comme une personne pouvant en superviser d’autres. M. Hoy était indemnisé à son taux horaire habituel s’il devait se déplacer d’un chantier de Marathon à un autre. Selon lui, ce taux, qui s’appliquait au temps de déplacement réel, l’indemnisait pour les dépenses engagées pour l’utilisation de son propre véhicule. M. Hoy remboursait à Marathon ses propres cotisations de la WCB même si elles lui étaient directement payées par Marathon en même temps que les montants attribuables aux autres travailleurs. Cette pratique n’a pas été clairement expliquée, mais il est raisonnable d’inférer que M. Hoy a continué de conserver son propre compte de la WCB qu’il avait ouvert à un certain moment pendant sa longue carrière d’électricien.

 

Possibilité de profit lors de la réalisation des tâches

 

[18]    Chaque travailleur avait droit de recevoir un paiement pour le nombre approprié d’heures qu’il avait travaillées au taux applicable établi dans le contrat pertinent relativement à un projet précis. Il n’était pas possible de réaliser un profit autrement qu’en gérant efficacement son temps. Si chaque travailleur soumissionnait une partie d’un projet de Marathon à un montant fixe, il aurait pu y avoir une possibilité de réaliser un profit au sens commercial. Cependant, la relation de travail entre Marathon et tous les électriciens qualifiés, y compris M. Pinkovski après le 13 décembre 2000, s’appuyait sur le paiement d’un taux horaire conformément aux feuilles de temps et aux factures soumises. La capacité de négocier un taux horaire semblait plutôt limitée, et les augmentations modestes entre 2000 et 2001 ont été effectuées par Marathon afin de tenir compte de l’augmentation du coût de la vie.

 

[19]    Dans l’affaire Le ministre du Revenu national c. Emily Standing, [1992] A.C.F. no 890, le juge d’appel Stone a déclaré ce qui suit :

 

[…] Rien dans la jurisprudence ne permet d’avancer l’existence d’une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l’arrêt Wiebe Door […]

 

[20]    Il ne fait aucun doute que Marathon et les travailleurs souhaitaient que les services de ces derniers soient offerts dans le cadre d’une relation de travail où ils étaient des entrepreneurs indépendants. Récemment, la jurisprudence a connu des changements selon lesquels les ententes conclues entre les parties étaient considérées d’une manière plus conforme aux demandes découlant du marché.

 

[21]    Dans l’affaire West Direct Express Ltd. v. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.), [2003] T.C.J. No. 373, le juge suppléant Porter, C.C.I., a tranché une affaire de prestation de services individuels de messagerie dans le marché des entreprises de Calgary. Au paragraphe 14 de ses motifs, le juge Porter a formulé le commentaire suivant :

 

[TRADUCTION]

 

Je suis en outre conscient qu’en raison des décisions récentes rendues par la Cour d’appel fédérale dans les affaires Wolf c. Canada, (C.A.) [2002] A.C.F. n375 et Precision Gutters Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.F. no 771, un degré élevé de latitude semble maintenant être permis pour intervenir dans la jurisprudence de façon à permettre à des consultants d’être engagés d’une manière selon laquelle ils ne sont pas réputés être des employés comme ils l’auraient été auparavant. [...]

 

[22]    Dans le cadre des présents appels, il est intéressant de noter que les électriciens qui étaient traités comme des employés et dont le nom était inscrit dans le livre de paie de Marathon travaillaient habituellement pendant des périodes plus courtes que les travailleurs mentionnés. Les électriciens employés possédaient également leurs propres instruments manuels et effectuaient le même nombre d’heures par semaine, même s’ils pouvaient bénéficier d’une moins grande souplesse en ce qui concerne la présence sur un chantier en dehors des heures normales de travail. Lorsqu’on a demandé à M. Tsakalos quelle était la distinction entre les électriciens employés et les autres qui étaient considérés comme des entrepreneurs indépendants, ce dernier a répondu en déclarant que si certaines personnes souhaitaient être des employés, il les aidait en acceptant cette qualification. De toute évidence, cela indique que l’on est en présence d’une situation où les parties choisissent de s’assigner un statut sans tenir compte des fondements factuels de la relation de travail. À mon avis, cela revêt une importance particulière en ce qui concerne la compréhension de l’approche adoptée par M. Tsakalos, au nom de Marathon, en prétendant déterminer le statut approprié relatif à un fournisseur de services.

 

[23]    Dans une décision récente rendue par la Cour d’appel fédérale, Precision Gutters Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.F. n771, la Cour a conclu que la propriété des instruments possédés par les poseurs de gouttières constituait un facteur important à considérer même si l’instrument le plus coûteux, une machine spécialisée pouvant façonner les gouttières montée sur un camion, était la propriété de la société payeuse. Dans la décision Precision, précitée, chaque poseur utilisait son propre jugement pour décider quand travailler et quel projet précis accepter. Les poseurs étaient libres de travailler pour d’autres poseurs et, à l’occasion, ils pouvaient négocier avec la société afin d’obtenir un taux de paie plus élevé. Les poseurs de gouttières pouvaient choisir de travailler seuls ou employer d’autres personnes pour les aider, et le juge d’appel Sexton, s’exprimant pour la Cour, considérait que plus les poseurs travaillaient et plus ils produisaient un revenu supplémentaire. De plus, le juge d’appel Sexton a tenu compte du fait qu’il n’y avait pas de garantie de travail chaque jour, qu’il n’y avait pas de taux de paie minimum applicable, qu’il n’y avait pas d’avantages sociaux et que les poseurs devaient réparer, à leurs propres frais, les lacunes dans la qualité d’exécution. Dans l’affaire Precision, l’entreprise négociait les contrats avec le client puis embauchait les poseurs pour effectuer le travail. En parvenant à la conclusion selon laquelle les poseurs de gouttières étaient des entrepreneurs indépendants et non des employés, le juge d’appel Sexton a conclu qu’il y avait deux entreprises, celle de Precision Gutters et celle des poseurs. Une entreprise visait la fabrication des gouttières et l’autre concernait leur installation physique. Le juge d’appel Sexton n’a pas abordé l’organisation opérationnelle complexe de Precision Gutters puisque l’on considérait qu’il s’agissait d’une entreprise distincte dont l’importance et le niveau de responsabilité ainsi que le lien financier avec l’utilisateur final étaient distincts de l’aspect commercial du processus de l’installation, dans le sens étroit, s’appliquant aux poseurs.

 

[24]    Je reviens à la question centrale, comme l’a mentionné le juge Major dans l’arrêt Sagaz, précité, qui est de déterminer si l’un des travailleurs offrait ses services à Marathon en tant que personne travaillant à son compte. Le fait que M. Hoy ait la capacité d’obtenir des permis à son propre nom indique qu’il pouvait exploiter sa propre entreprise, particulièrement puisqu’il avait posé une publicité sur son véhicule qui invitait les clients à communiquer avec lui. Cependant, la preuve révèle clairement que durant la période pertinente, M. Hoy n’a soumissionné que deux projets résidentiels et qu’il ne les a pas obtenus parce que ses prix étaient fondés sur des taux élevés applicables au travail commercial et industriel qu’il préférait. Il n’avait pas la capacité d’acheter des fournitures et des matériaux pour un projet et s’en remettait à Marathon pour lui offrir du travail une fois que la société avait obtenu un projet. M. Hoy ne souhaitait pas être l’employeur d’autres travailleurs puisqu’il avait des problèmes financiers et qu’il avait besoin d’avances sur ses revenus futurs afin d’acheter des médicaments pour son fils. Il devait également être payé au moins deux fois par mois afin d’avoir une rentrée d’argent régulière. Ces indices ne sont pas compatibles avec le rôle d’entrepreneur et ils sont presque impossibles à distinguer du fonctionnement de la relation employeur‑employé habituelle, à l’exception du fait que M. Hoy, en raison de son expérience et de ses titres et qualités, se voyait offrir une certaine marge de manœuvre puisqu’il pouvait choisir de travailler certains jours ou de remplir ses fonctions la fin de semaine.

 

[25]    M. Donaldson n’avait pas d’entreprise grâce à laquelle il pouvait offrir ses services. Il était un manœuvre et un assistant possédant une expérience considérable dans le métier d’électricien, mais il ne pouvait travailler seul. Il recevait un salaire horaire de façon régulière.

 

[26]    Christos Belos n’était pas qualifié en tant qu’électricien en Colombie‑Britannique, même s’il avait reçu son diplôme en Grèce et il pouvait très bien faire le travail nécessaire. Il a fait certains petits travaux pour d’autres personnes en février et en mai 2000 et il leur envoyait des factures à son propre compte. Il se considérait comme un entrepreneur indépendant et il avait offert ses services à Marathon en 1999 et en 2000 à ce titre. Il visitait chaque chantier avant d’accepter de travailler et se renseignait à propos du calendrier du projet parce qu’il refusait tous les offres de travail de nuit. M. Tsakalos fournissait une estimation de la durée des travaux, et ils s’entendaient sur un taux horaire applicable durant cette période.

 

[27]    Peter Reinhardt a énormément travaillé pour Marathon en 2000, comme l’indique le montant de 49 731 $ inscrit sur le formulaire T5018. Il a également signé différents contrats à différents moments en 2000 et en 2001 dans lesquels il acceptait d’offrir ses services à des taux variant entre 22 $ et 24 $ l’heure. Il était un électricien qualifié et il choisissait d’être payé et de recevoir des avances deux fois par mois, et il soumettait des factures et des feuilles de temps après la réalisation du travail. Les factures et le paiements qui lui ont été versés ne correspondaient pas.

 

[28]    M. Pinkovski était le travailleur ayant fait l’objet d’un appel antérieur par Marathon au sujet de son statut de travail en 1999. Dans cette affaire, publiée à Pinkovski v. Canada (Minister of National Revenue - M.N.R.), [2002] T.C.J. No. 180, j’ai conclu que le travailleur était un employé de Marathon. Les faits dans cette affaire étaient substantiellement les mêmes que ceux des présents appels, y compris l’existence de différents contrats signés entre le travailleur et Marathon pour un taux horaire particulier, la propriété des instruments, la fourniture de l’équipement et le niveau de contrôle exercé par Marathon, à l’exception du fait qu’il n’y avait pas de preuve qu’une surveillance était effectuée par quelqu’un, comme M. Hoy, comme c’était le cas dans le cadre des présents appels. Au paragraphe 16, j’ai formulé les commentaires suivants :

 

                   [TRADUCTION]

 

L’appelant n’était pas un électricien qualifié avant le 13 décembre 2000. Ce fait seul ne l’empêche pas d’avoir pu exploiter une entreprise à son propre compte, même s’il pouvait faire face à des mesures disciplinaires selon le programme de formation d’apprenti ou même à une action en vertu de la loi provinciale pour avoir effectué du travail sans être titulaire du certificat de compétence approprié. De façon réaliste, il est difficile de voir comment M. Pinkovski aurait pu obtenir du travail à son propre compte de différentes personnes ou entités jouant le rôle d’entrepreneurs généraux alors qu’il n’était pas qualifié pour obtenir du travail puisqu’on s’attendrait à ce que les propriétaires ou les gestionnaires de projet exigent une preuve que le sous‑entrepreneur détenait une licence appropriée et qu’il était assuré. Il ne pouvait acheter les matériaux nécessaires pour effectuer un travail et il ne possédait pas ses propres instruments. Il pouvait gagner de l’argent, à un taux horaire fixe, si Marathon pouvait obtenir du travail grâce à un sous‑contrat et avait besoin de ses services en tant qu’électricien apprenti pour effectuer le travail. L’avocat de l’appelant a soutenu que, comme entre M. Pinkovski et Marathon, il pouvait exploiter une entreprise à son propre compte dans le même domaine que Marathon en ce qui concerne la possibilité de soumissionner directement des projets. Cependant, il est évident que, en dehors de la qualification du statut énoncé dans les différents accords, Marathon traitait l’appelant comme un employé. Il était payé toutes les deux semaines conformément à un taux horaire fixe, et son travail était supervisé et inspecté avant la visite officielle sur le chantier de l’inspecteur en électricité parce que c’est Marathon qui devait assumer le poids de toute lacune. Il n’y avait rien dans la preuve en ce qui concerne la prestation des services à Marathon qui aurait pu laissé entendre que le travail était effectué par un entrepreneur exploitant une entreprise à son propre compte. Le contrat conclu entre l’appelant et Marathon, daté du 1er juillet 1999, dans lequel M. Pinkovski a convenu d’offrir ses services à Marathon jusqu’au 31 décembre 1999, sans nommer de projets de construction précis ni de clients, semble n’avoir aucun objet parce que d’autres contrats ont été signés par les deux parties plus tard et que l’identité du client de Marathon et les dates de début et d’achèvement des projets étaient énoncées dans la lettre d’accompagnement. Le fait d’accepter de travailler pour 15 $ l’heure en rapport à des contrats futurs que Marathon pouvait obtenir ne semble pas compatible avec la situation d’un entrepreneur exploitant sa propre entreprise en électricité.

 

[29]    Dans le cadre des présents appels, je ne peux conclure qu’il y avait deux entreprises, soit celle d’un travailleur et celle de Marathon. Même si M. Donaldson est de toute évidence un manœuvre employé, il n’est pas aussi facile de qualifier M. Hoy qui occupait un poste plus près de l’autre extrémité du spectre. Cependant, un statut d’emploi ne dépend pas simplement de la façon dont on en parle ou que l’on souhaite qu’il soit considéré; cela nécessite l’examen du comportement réel des parties dans le cadre de la relation d’emploi. M. Hoy a effectué son travail presque complètement comme un employé. Le travail effectué par M. Hoy et par d’autres travailleurs était substantiellement plus stable que celui offert chaque matin aux poseurs de gouttières dans l’affaire Precision, précitée. Les projets des présents appels duraient habituellement de deux à six mois, et le travail effectué par les électriciens qualifiés ne pouvait de toute évidence pas être séparé du contrat substantiel que Marathon avait conclu dans chaque cas avec l’entrepreneur général pertinent. L’entreprise d’installation électrique, dans le contexte de la construction commerciale et institutionnelle, était celle de Marathon. Même si une certaine souplesse était accordée aux ouvriers quant aux heures de travail et à l’absence d’un contrôle continu et direct par Marathon sur le travail quotidien, M. Hoy agissait comme l’électricien surveillant de Marathon et s’assurait qu’il y avait un lien sur le chantier avec le représentant de l’entrepreneur général. En dehors d’un souhait exprimé d’avoir le statut d’entrepreneur indépendant, aucun des travailleurs mentionnés dans les évaluations n’agissait par ailleurs comme s’il avait été engagé pour fournir ses services comme une personne exploitant une entreprise à son propre compte. En 2000 et en 2001, Marathon a versé à M. Reinhardt les montants de 49 371 $ et de 49 527,20 $, respectivement, selon les formulaires T5018 (pièce A‑6). M. Hoy a gagné 30 166 $ en 2000 et 33 159,04 $ en 2001 en fournissant ses services à Marathon. En 2000, une année au cours de laquelle il n’était pas un électricien qualifié avant le 13 décembre, M. Pinkovski a gagné 31 570 $ et, en 2001, il a reçu des paiements totalisant 16 748,50 $. M. Belos a reçu le montant de 3 765 en 2000 et il n’a pas offert ses services à Marathon en 2001. Aucun de ces travailleurs n’a imposé la TPS sur ses factures parce qu’ils n’étaient pas des inscrits conformément au régime de la TPS même si leur revenu, dans certains cas, dépassait le seuil de 30 000 $ par année applicable aux fournisseurs comme l’indique la loi portant sur la TPS. Aucun des travailleurs ne prétendait exploiter une entreprise et n’avait non plus de compte bancaire d’entreprise, et ils semblaient pour la plupart être satisfaits d’attendre un appel téléphonique de M. Tsakalos les invitant à offrir leurs services, à un taux horaire, pour un projet précis. Il me semble que si une personne souhaite être considérée offrir ses services comme une personne exploitant une entreprise à son propre compte, il devrait y avoir des signes visibles de l’existence d’un rôle d’entrepreneur suffisants pour indiquer qu’il s’agit d’une entreprise au sens commercial. Dans le cadre des présents appels, un examen de l’ensemble des faits amène à la conclusion qu’aucun des travailleurs n’offrait ses services à Marathon durant la période pertinente applicable comme des personnes exploitant une entreprise à leur propre compte.

 

[30]    Le ministre a eu raison de rendre les deux décisions qui sont confirmées. Les deux appels sont donc rejetés.

 

 

Signé à Sidney (Colombie Britannique), ce 9jour d’octobre 2003.

 

 

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e  jour de février 2004.

 

 

 

 

Liette Girard, traductrice


 

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