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Dossier : 2007-892(IT)I

ENTRE :

JOHN B. LANE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 29 octobre 2007,

à St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

John E. Lane

Avocate de l’intimée :

Me Devon Peavoy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est accueilli, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en tenant pour acquis que, aux fins de l’établissement du revenu de l’appelant pour 2005, son revenu doit être réduit de 13 801,93 $, étant donné que ce montant doit être exclu du calcul de son revenu.

 

          L’appelant à droit à ses dépens, le cas échéant, ce qui a été déterminé conformément aux Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure informelle).

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 7e jour de novembre 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de décembre 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

 

 

Référence : 2007CCI674

Date : 20071107

Dossier : 2007-892(IT)I

ENTRE :

JOHN B. LANE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]     Une nouvelle cotisation a été établie à l’égard de l’année d’imposition 2005 de l’appelant en vue de refuser la déduction de 13 801,93 $ demandée par celui‑ci. L’appelant avait demandé la déduction de ce montant à titre de pension alimentaire payée à son épouse dont il vivait séparé. La question en litige subsidiaire en l’espèce est de savoir si ce montant aurait dû être exclus du revenu de l’appelant compte tenu de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Walker v. The Queen, [2000] 1 C.T.C. 271, 2000 DTC 6025.

 

[2]     L’appelant et son épouse se sont mariés en 1964. Ils se sont séparés en 2005 et ont signé un accord de séparation daté du 15 juin 2005. Cet accord comprenait les paragraphes suivants :

 

          [traduction]

 

3.         PENSION ALIMENTAIRE

 

L’époux et l’épouse sont tous les deux à la retraite, et l’époux admet que s’il n’était pas à la retraite et qu’il travaillait, il devrait verser une pension alimentaire à l’épouse. Par conséquent, si pour quelque raison que ce soit la division de la pension prévue à la clause 12 est modifiée, ou si l’époux recommence à travailler, la question de la pension alimentaire fera l’objet d’un nouvel examen.

 

[3]     Le paiement des montants de pension (qui font l’objet du présent appel) est traité au paragraphe 12 de l’accord, qui prévoit ce qui suit :

 

[traduction]

 

12.       RÉGIMES DE PENSION

 

a)         L’époux et l’épouse conviennent qu’ils sont tous les deux au courant des modifications apportées au Régime de pensions du Canada (le « Régime ») selon lesquelles les droits à pension accumulés par l’un ou l’autre des époux pendant les années de mariage peuvent être divisés à parts égales à la suite de la dissolution du mariage ou d’une séparation permanente. De plus, le Régime empêche les époux de renoncer à leurs droits aux prestations du Régime de pensions du Canada de l’autre époux, sauf si une disposition législative particulière dans la province dans laquelle les époux résident à la date de la séparation permet une telle renonciation. Les parties conviennent qu’il n’existe aucune disposition législative de ce genre dans la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador et que, par conséquent, leurs droits à pension jusqu’à la date de séparation doivent être séparés de façon égale entre eux (ci‑après appelés la « pension du Canada »). De plus, l’époux reçoit maintenant sa pension du Canada, et le paiement de pension sera divisé à parts égales entre les deux époux.

 

b)         L’époux reçoit une pension relativement à l’emploi qu’il a occupé auprès de la Banque de développement du Canada (ci‑après appelée la « pension de la BDC »). Cette pension sera divisée à parts égales entre les deux époux.

 

c)         L’époux reçoit une pension du gouvernement de Terre‑Neuve‑et‑Labrador (ci‑après appelée la « pension de T.‑N.‑L. »). Cette pension sera divisée à parts égales entre les deux époux.

 

d)         L’époux signera tous les documents requis pour permettre la division de la pension du Canada, de la pension de la BDC et de la pension de T.‑N.‑L. à la source de façon à ce que l’épouse reçoive la moitié de chacun des paiements.

 

[4]     Le montant brut total des pensions que l’appelant recevait était d’environ 60 000 $. La pension du gouvernement de la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador représentait approximativement les deux tiers du revenu de pension total de l’appelant. Celui‑ci a essayé de faire diviser à la source la pension payable par le gouvernement de la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, mais a été informé au moyen de lettres datées du 6 juillet 2005 et du 12 septembre 2005 que la division ne pouvait pas être effectuée à la source. L’appelant a travaillé pendant deux ans pour le gouvernement de la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador avant de se marier, et la partie de la pension attribuable à ces années n’aurait pas dû être incluse dans les montants à diviser. L’appelant avait oublié ces deux années de travail lors de la signature de l’accord de séparation. Au moyen d’un accord modificateur daté du 7 février 2007, l’accord de séparation initial a été modifié afin de refléter le fait que la partie des prestations de pension relative aux deux années précédant le mariage ne devait pas être divisée entre l’appelant et son épouse et afin de prévoir que les prestations de la pension de la BDC et de la pension de T.‑N.‑L. devaient être payées par l’époux au moyen de virements automatiques au compte bancaire de l’épouse. L’alinéa 1d) de l’accord modificateur prévoit que ces paiements [traduction] « doivent être traités comme des paiements de pension alimentaire pour conjoint versés par l’époux à l’épouse ».

 

[5]     Le montant en litige en l’espèce, soit 13 801,93 $, a été établi par l’appelant en fonction du montant brut de la totalité des pensions qu’il a reçues, à l’exclusion de la partie des prestations liée aux deux années de service précédant le mariage. L’appelant a calculé ce montant en prenant la moitié du montant brut total qu’il recevait par mois et en le multipliant par cinq mois et demi (la période de séparation en 2005). L’appelant a versé le montant à son épouse chaque mois. Comme la pension payable par le gouvernement de la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador représentait environ les deux tiers de la totalité des pensions, pour les deux autres pensions, l’appelant a adopté la même méthode de division qu’il avait utilisée pour la pension payable par le gouvernement de la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador.

 

[6]     Dans la décision Andrews v. The Queen, 2005 CCI 246, [2006] 1 C.T.C. 2012, 2005 DTC 1546, le juge en chef Bowman a eu affaire à une situation très semblable. Cette affaire portait aussi sur la division de régimes de pension à la suite de l’échec du mariage, laquelle se traduisait par le paiement par un époux d’un montant égal au montant brut de la pension à l’autre époux.

 

[7]     Pour ce qui est de la question de savoir si les montants payés concernant la division de la pension constituent une pension alimentaire, le juge en chef Bowman a formulé les commentaires suivants :

 

[18]      […] Il en découle qu’un montant versé chaque mois par un époux à son ex-épouse dans le cadre du partage d’un bien familial, la pension du mari, ne constitue ni une pension alimentaire ni une prestation de pension pour la bénéficiaire et n’est pas non plus déductible par le payeur en tant que pension alimentaire.

 

[8]     En l’espèce, dans l’accord de séparation initial, la division du régime de pension n’était pas considérée comme un versement de pension alimentaire. Ce n’est que dans l’accord modificateur daté du 7 février 2007 qu’il a été mentionné que le paiement des montants de pension était traité comme une pension alimentaire. Même si l’addenda à [la] modification de l’accord de séparation indique que la date d’entrée en vigueur de la modification est le 15 juin 2005, comme l’accord n’a été signé qu’en 2007, cette prétendue date d’entrée en vigueur, soit le 15 juin 2005, ne peut pas changer ou modifier les conséquences fiscales de l’année d’imposition 2005. Comme l’accord modificateur a été établi en 2007, il ne peut toucher que les montants de pension alimentaire antérieurs versés en 2006 ou en 2007 en raison des dispositions du paragraphe 60.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). La question de savoir si les montants payés en application de l’accord de séparation modifié par l’accord modificateur constituent des « montants de pension alimentaire » n’est pas en litige en l’espèce. C’est le traitement fiscal des montants payés en 2005 en application de l’accord de séparation avant qu’il soit modifié par l’accord modificateur qui est en litige.

 

[9]     Compte tenu de la conclusion tirée par le juge en chef Bowman dans Andrews, comme il est noté ci‑dessus, les montants que l’appelant a payés à son épouse en 2005 ne constituaient pas une pension alimentaire aux fins de la Loi et n’étaient donc pas déductibles en application de l’alinéa 60b) de la Loi. Ces montants ont été payés sous forme de division des pensions de l’appelant.

 

[10]    Toutefois, comme le juge en chef Bowman l’a souligné dans Andrews, cela ne règle pas la question. La prochaine question à trancher est de savoir si le montant qui a été payé par l’appelant à son épouse, lequel correspondait à 50 % du montant brut de sa pension pour les mois pendant lesquels ils étaient séparés, devrait être exclus du calcul de son revenu. Comme le juge en chef Bowman l’a noté, cela est fondé sur l’arrêt Walker susmentionné. Au paragraphe 27 de la décision Andrews, le juge en chef Bowman a formulé les commentaires suivants concernant l’arrêt Walker :

 

[27]      [...] La substance de la décision de la Cour d’appel fédérale semble se trouver au paragraphe 5 des motifs :

 

[5]     Nous croyons qu’au moment où l’accord de séparation a été signé, les parties voulaient que chacune paie l’impôt sur le revenu sur le montant brut reçu, de sorte que chacune aurait sa part de la pension (soit le bien en l’espèce) après impôt.

 

[11]    Dans la décision qu’il a rendue dans l’arrêt Walker v. The Queen, [1995] 1 C.T.C. 2408, 95 DTC 753, le juge Mogan a mentionné ce qui suit concernant cette question :

 

17        Selon moi, ces termes indiquent clairement que le mari et l’épouse (soit la tierce partie et l’appelante) voulaient que la pension militaire soit répartie à la source de sorte que l’administrateur de la pension émette deux chèques chaque mois : un chèque de 418,42 $ au mari et un chèque de 418,42 $ à l’épouse. Comment puis‑je interpréter autrement des termes comme : « et, jusqu’à ce que les paiements résultant de la cession soient effectués et parviennent à l’épouse, il [le mari] paiera à l’épouse […] »? De plus, la dernière phrase de l’article 14 étaye mon interprétation : « Le mari garantit qu’il veillera à cette cession avec toute la diligence voulue ». Si la cession avait eu lieu immédiatement, par suite de quoi l’administrateur aurait émis deux chèques chaque mois, l’appelante et la tierce partie auraient déclaré un revenu annuel de 5 021 $ chacun relativement à la pension militaire.

 

[12]    En l’espèce, le langage utilisé indique plus clairement que les parties voulaient que les pensions soient divisées à la source, comme cela était prévu à l’alinéa 12d) de l’accord de séparation initial. La présente affaire ne peut pas être distinguée de l’arrêt Walker et de la décision Andrews et, par conséquent, je conclus que, compte tenu de la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’arrêt Walker et de la décision rendue par le juge en chef Bowman dans Andrews, le montant de 13 801,93 $ (soit la partie du montant brut des pensions qui a été payée par l’appelant à son épouse pour la période de temps pendant laquelle ils ont été séparés en 2005) n’aurait pas dû être inclus dans le revenu de l’appelant en 2005.

 

[13]    Il ne s’agit pas d’un résultat injuste. La position de l’intimée était que l’appelant devrait être imposé à l’égard de la totalité du revenu de pension qu’il avait reçu en 2005 et qu’aucun montant ne devrait être déduit pour le montant payé à l’épouse, indépendamment du fait que l’appelant avait versé un montant de pension de 13 801,93 $ à son épouse. Cela aurait fait payer à l’appelant de l’impôt sur des montants qu’il avait accepté de partager avec son épouse en raison d’un accord de séparation. La position de l’intimée serait probablement que l’épouse de l’appelant ne serait pas tenue d’inclure ce montant dans son revenu (même si cette question n’était pas en litige en l’espèce). L’épouse de l’appelant aurait donc reçu davantage que ce que les parties avaient prévu dans le cadre de l’accord étant donné qu’elles n’auraient pas eu l’intention que l’épouse reçoive ce montant sans payer l’impôt s’y rattachant. Comme l’accord prévoyait que les montants seraient divisés à la source, il y était prévu que chacune des parties supporterait les conséquences fiscales entraînées par la réception de la moitié du montant brut des pensions.

 

[14]    L’appelant à droit à ses dépens, le cas échéant, ce qui a été déterminé conformément aux Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure informelle).

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 7e jour de novembre 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de décembre 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI674

 

NO DU DOSSIER :                             2007-892(IT)I

 

INTITULÉ :                                       JOHN B. LANE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 29 octobre

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 novembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

John E. Lane

Avocate de l’intimée :

Me Devon Peavoy

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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