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Dossier : 2003-3065(IT)G

ENTRE :

DONALD NEIL MACIVER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requête entendue le 9 mai 2007, à Winnipeg (Manitoba).

 

Devant : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Jeff Pniowsky

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

         VU la requête présentée par l’avocat de l’intimée afin d’obtenir le rejet du présent appel en application des articles 85, 91 et 110 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale);

 

         APRÈS avoir examiné les documents versés au dossier;

 

         ET APRÈS avoir entendu les observations formulées par les parties;

 

         LA COUR ORDONNE que la requête de l’intimée visant à faire rejeter l’appel soit accueillie avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de septembre 2007.

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

 

Référence : 2007CCI554

Date : 20070925

Dossier : 2003-3065(IT)G

 

ENTRE :

 

DONALD NEIL MACIVER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Campbell

 

[1]     L’intimée a déposé une requête visant à faire rejeter le présent appel en application des articles 85, 91 et 110 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »). La requête se fonde sur les faits suivants :

 

1)       l’appelant a refusé de répondre à des questions légitimes posées pendant l’interrogatoire préalable;

 

         2)      l’appelant a refusé de donner des engagements;

 

3)       l’appelant a refusé d’apporter ses documents à l’interrogatoire préalable;

 

4)       l’appelant a refusé de reconnaître les doubles de documents non litigieux que lui présentait l’intimée.

 

5)       l’appelant a donné des réponses inappropriées, vagues et trompeuses et il a fait des assertions scandaleuses attaquant l’intégrité de diverses personnes;

 

6)       l’appelant a de nouveau allégué la véracité de certaines fausses assertions et du contenu de faux affidavits;

 

7)       l’appelant a formulé des assertions fausses ou trompeuses devant un juge de la Cour.

 

[2]     L’appel intéresse une cotisation établie après que l’appelant eut été déclaré coupable de fraude fiscale, y compris plusieurs chefs d’accusation de parjure. Il a en outre fait l’objet de deux chefs d’accusation d’entrave à la justice relativement à une poursuite judiciaire connexe, désignée comme la poursuite CASIL, dans le cadre de laquelle il a produit un faux témoignage devant la Cour supérieure du Manitoba en signant sous serment des faux affidavits, en rendant un faux témoignage lors d’un interrogatoire sous serment et en écrivant une lettre délibérément trompeuse à un juge de ce tribunal.

 

[3]     L’appelant, avocat chevronné qui a exercé le droit pendant des décennies, est âgé de 75 ans. L’intimée allègue que les actes de l’appelant dans le cadre du présent appel reflètent l’attitude habituelle d’outrage que ce dernier a cultivée lors d’instances judiciaires antérieures. Selon l’intimée, les actes de l’appelant ont non seulement fait obstacle au processus de communication préalable, ils ont aussi attaqué l’intégrité du déroulement de l’instance et de la procédure du présent tribunal.

 

[4]     Dans la décision General Motors du Canada Limitée c. La Reine, [2006] A.C.I. no 116, au paragraphe 7, j’ai examiné les principaux objectifs visés par le processus d’interrogatoire préalable :

 

[7]       Les trois principaux objectifs de l’interrogatoire préalable sont énoncés dans l’arrêt Modriski v. Arnold, [1947] 3 D.L.R. 321 (C.A. Ont.) :

 

[traduction]

1.         Permettre à la partie qui est interrogée de connaître la preuve qui est réunie contre elle;

 

2.         Permettre à la partie qui est interrogée de faire des aveux qui dispenseront l’autre partie d’en faire une preuve formelle;

 

            3.         Obtenir des aveux qui réfuteront la preuve de la partie adverse.

 

Plus récemment, dans certaines décisions, on a ajouté un quatrième objectif (Violette v. Wandlyn Inns Ltd., [1995] N.B.J. no 574) :

 

[traduction]

4.         Favoriser une transaction.

 

[5]     La Cour d’appel fédérale a reconnu l’importance essentielle de la communication préalable dans un passage du paragraphe 13 de la décision Yacyshyn c. La Reine, [1999] A.C.I. no 196, auquel on renvoie souvent :

 

[13]     En fait, l’époque où une partie pouvait tendre un guet-apens à son adversaire ou le prendre par surprise est heureusement révolue, et une partie à une instance doit dévoiler les éléments de preuve qu’elle entend faire valoir et, en retour, elle a droit à ce que l’autre partie en fasse autant. Cette règle de pratique tout à fait saine a pour but d’assurer l’équité et la célérité des procédures.

 

[6]     Les Règles précisent clairement les protections dont le processus de communication préalable fait l’objet dans le cadre des instances introduites devant la Cour canadienne de l’impôt. L’intimée soutient que l’appelant a contrevenu à l’alinéa 85(3)a) des Règles lorsqu’il a omis d’apporter ses documents à l’interrogatoire préalable et à l’article 110 des Règles lorsqu’il a refusé de répondre à des questions légitimes en donnant des réponses inappropriées, scandaleuses ou trompeuses.

 

[7]     Même si l’intimée n’a pas invoqué le paragraphe 95(1) des Règles dans sa requête visant à obtenir le rejet de l’appel, cette disposition est utile pour examiner le point relatif aux « questions légitimes » au regard de l’article 110 des Règles. Les articles 85 et 91 des Règles s’appliquent de concert puisque l’article 85 définit la nature des obligations qu’assument les parties en ce qui concerne les documents, tandis que l’article 91 définit les éventuelles conséquences d’un manquement à ces obligations. De même, le paragraphe 95(1) et l’article 110 des Règles s’appliquent ensemble puisque le paragraphe 95(1) définit les obligations qu’assument les parties en ce qui concerne les réponses à des « questions légitimes », tandis que l’article 110 définit les éventuelles conséquences d’un manquement à ces obligations.

 

[8]     Les quatre dispositions pertinentes des Règles pour les besoins de la présente requête sont ainsi rédigées :

 

85.       (1) Une partie qui a signifié une liste de documents à une autre partie doit permettre à l’autre partie d’examiner et de copier les documents y mentionnés, autres que ceux à la production desquels elle s’oppose; en conséquence, elle doit en signifiant la liste à l’autre partie, lui signifier également un avis indiquant le lieu où les documents peuvent être examinés et copiés durant les heures ouvrables normales.

 

            (2) Lorsqu’une partie a le droit d’examiner les documents mentionnés dans la liste de documents, l’autre partie doit, sur demande et contre paiement anticipé du coût de reproduction et de livraison, produire des copies de ces documents.

 

            (3) Sauf si les parties en conviennent autrement, tous les documents énumérés dans la liste de documents présentée par une partie sous le régime de l’article 81 ou de l’article 82 et qui ne sont pas privilégiés, et tous les documents produits antérieurement pour examen par la partie doivent, sans avis, ni subpoena ou directive, être apportés et produits, selon le cas :

 

a) lors de l’interrogatoire préalable de la partie ou d’une personne interrogée au nom, au lieu ou en plus de la partie;

 

b)  lors de l’audition de l’appel.

 

91.       Si une personne ou une partie qui est tenue de communiquer des documents sous le régime des articles 78 à 91 omet ou refuse sans excuse raisonnable de produire une liste ou une déclaration sous serment de documents, de divulguer un document mentionné dans la liste ou une déclaration sous serment de documents ou de produire un document pour fins d’examen et de copie, ou de se conformer à un jugement de la Cour portant sur la production ou l’examen de documents, la Cour peut,

 

a) soit ordonner ou permettre à la personne ou à la partie de produire une liste ou une déclaration sous serment de documents ou une nouvelle liste ou une nouvelle déclaration sous serment de documents;

 

b) soit ordonner à la personne ou à la partie de produire un document pour fins d’examen et de copie;

 

c) soit sauf en cas d’omission ou de refus de la part d’une personne qui n’est pas une partie, rejeter ou accueillir l’appel, selon le cas;

 

d) soit ordonner à toute partie ou à toute autre personne de payer personnellement et immédiatement les frais de la requête, les débours et les coûts de toute prolongation de la communication découlant de l’omission de divulguer ou de produire;

 

e) soit donner toute autre directive appropriée.

 

95.     (1) La personne interrogée au préalable répond, soit au mieux de sa connaissance directe, soit des renseignements qu’elle tient pour véridiques, aux questions légitimes qui se rapportent à une question en litige ou aux questions qui peuvent, aux termes du paragraphe (3), faire l’objet de l’interrogatoire préalable. Elle ne peut refuser de répondre pour les motifs suivants :

 

a) le renseignement demandé est un élément de preuve ou du ouï-dire;

 

b) la question constitue un contre-interrogatoire, à moins qu’elle ne vise uniquement la crédibilité du témoin;

 

c) la question constitue un contre-interrogatoire sur la déclaration sous serment de documents déposée par la partie interrogée.

 

110.   Si une personne ne se présente pas à l’heure, à la date et au lieu fixés pour un interrogatoire dans l’avis de convocation ou le subpoena, ou à l’heure, à la date et au lieu convenus par les parties, ou qu’elle refuse de prêter serment ou de faire une affirmation solennelle, de répondre à une question légitime, de produire un document ou un objet qu’elle est tenue de produire ou de se conformer à une directive rendue en application de l’article 108, la Cour peut :

 

a) en cas d’objection jugée injustifiée à une question, ordonner ou permettre à la personne interrogée de se présenter à nouveau, à ses propres frais, pour répondre à la question, auquel cas elle doit répondre aussi aux autres questions légitimes qui découlent de sa réponse;

 

b) rejeter ou accueillir l’appel, selon le cas, si cette personne est une partie ou, dans le cas d’un interrogatoire préalable, une personne interrogée à la place ou au nom d’une partie;

 

c) radier, en totalité ou en partie, la déposition de cette personne, y compris une déclaration sous serment faite par cette personne;

 

d) ordonner à toute partie ou à toute autre personne de payer sans délai et personnellement les dépens de la requête, ceux qui ont été engagés inutilement et ceux de la poursuite de l’interrogatoire.

 

[9]     La plupart des affaires entendues en application de l’article 91 des Règles intéressent l’omission de l’appelant de divulguer des documents ou de fournir une liste des documents à la partie adverse. La présente requête vise plutôt l’omission, par l’appelant, d’apporter ses documents à l’interrogatoire après qu’il eut déjà divulgué l’ensemble de ses documents à l’intimée. En général, la Cour a d’abord tendance à ordonner à l’appelant de produire les documents qu’il retient ou à restreindre son droit de présenter des éléments de preuve plutôt qu’à rejeter l’appel. Elle prononcera la sanction la plus rigoureuse que constitue le rejet de l’appel seulement en présence de manquements répétés ou lorsque le refus touchant les documents est conjugué au manquement à d’autres dispositions des Règles ou encore lorsqu’il existe une intention évidente de retarder l’instance et de recourir de manière abusive au tribunal (Rusnak c. La Reine, [2000] A.C.I. no 247, et Lichman c. La Reine, [2004] A.C.I. no 166).

 

[10]   Dans l’arrêt Yacyshyn, aux paragraphes 12 et 18, la Cour d’appel fédérale a reconnu que le présent tribunal a le pouvoir de veiller à l’intégrité de sa procédure :

 

[12]     […] la Cour de l’impôt a compétence inhérente pour prévenir un abus de ses procédures.

 

[…]

 

[18]     Il est de droit constant qu’un abus de procédure peut, dans des circonstances appropriées, entraîner le rejet ou la suspension de l’instance.

 

[11]   Il ne fait aucun doute que la Cour jouit du pouvoir discrétionnaire de décider des conséquences appropriées que le manquement entraîne. Cependant, lorsque la sanction définitive et la plus rigoureuse que constitue le rejet est prononcée, le tribunal doit exercer ce pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable en accordant un poids suffisant à toutes les circonstances pertinentes liées à l’appel. Il ne serait pas raisonnable de rejeter l’appel de l’appelant uniquement parce qu’il n’a pas emporté ses documents à l’interrogatoire préalable. En réalité, il avait déjà complètement divulgué tous ses documents et il n’y avait donc pas eu atteinte aux droits à la communication de l’intimée. En outre, l’appelant a soutenu qu’il croyait que l’intimée, dans la lettre qu’elle lui avait envoyée au sujet de cet interrogatoire préalable, consentait à renoncer à l’exigence relative à la production de documents. De fait, l’article 85 des Règles prévoit que les parties peuvent « en conv[enir] autrement ». L’appelant a également avancé que ses doubles des documents étaient trop volumineux pour qu’il puisse facilement les apporter à l’interrogatoire. À la lumière de cette lettre, il est possible de soutenir que l’appelant pourrait avoir compris qu’il n’avait pas besoin de se présenter à l’interrogatoire avec ses documents. L’intimée l’a toutefois sommé, pendant les jours successifs de l’interrogatoire, d’apporter ces documents. Même si je lui laisse le bénéfice du doute quant à son interprétation de la lettre de l’intimée, l’appelant n’a fourni aucune raison légitime pour avoir omis de donner suite aux demandes répétées de l’intimée une fois l’interrogatoire commencé. Il a également refusé de faire une admission ou de répondre aux questions relatives aux doubles des documents qu’il avait fournis à l’intimée et mentionnés dans sa propre liste de documents. Il qualifie d’ailleurs certains documents, sur lesquels il s’appuie pour étayer sa demande, de simples [traduction] « morceaux de papier ». Si la requête avait ce seul moyen pour fondement, je n’appliquerais jamais la sanction définitive du rejet mais, après examen des autres moyens invoqués dans la requête, des divers documents produits et des observations des parties, j’estime qu’il est raisonnable en l’espèce de rejeter l’appel. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une affaire où l’appelant devrait bénéficier d’une « dernière chance » de se conformer aux règles et à la procédure de la Cour. Je ne crois pas non plus que le fait de lui donner des instructions rigoureuses et claires et de lui ordonner de respecter des échéances serrées inciterait l’appelant en l’espèce à se conformer aux mesures prononcées. En réalité, une ordonnance de cette nature dans la présente affaire aurait uniquement pour effet d’obliger l’intimée à présenter ultérieurement encore une nouvelle requête de ce genre parce que je suis convaincue que l’appelant en l’espèce continuera, de manière évidente et flagrante, de faire preuve d’outrage envers les ordonnances judiciaires et d’adopter la conduite délibérée et répétée d’obstruction systématique qu’il a manifestée jusqu’à maintenant dans la présente instance. Des réprimandes de ma part et une ordonnance lui enjoignant de se conformer aux mesures prononcées seraient sans effet en l’espèce. Je crois que je serais arrivée à une conclusion identique même si l’appelant n’avait pas été un avocat expérimenté. Le fait qu’il soit avocat et qu’il connaisse fort bien les conséquences de manquements répétés aux Règles me conforte simplement davantage dans ma décision d’imposer la sanction la plus sévère.

 

[12]   Je me suis appuyée sur de nombreux facteurs aggravants pour en arriver à cette décision. Mes conclusions se fondent sur les observations des parties, sur les documents produits et en particulier sur les éléments suivants :

 

1)       l’annexe A, jointe aux observations de l’intimée, qui renvoie aux refus de l’appelant de fournir des réponses et aux passages où il donne des réponses inappropriées ou scandaleuses;

 

2)       l’annexe B, jointe aux observations de l’intimée, qui renvoie aux fausses déclarations faites devant la Cour;

 

3)       l’annexe C, jointe aux observations de l’intimée, qui renvoie aux assertions de l’appelant voulant que ses faux affidavits soient véridiques.

 

[13]   Le paragraphe 95(1) des Règles énonce que la personne interrogée au préalable doit répondre « aux questions légitimes qui se rapportent à une question en litige ». Dans la décision Baxter c. La Reine, 2004 CCI 636, au paragraphe 10, la Cour mentionne que « la pertinence est définie par les actes de procédure » et, au paragraphe 12, que « [l]e critère préliminaire applicable à la pertinence est peu rigoureux » en ce qui a trait aux interrogatoires préalables. Les tribunaux appliquent de façon constante les principes énoncés dans la décision Baxter et ils ont estimé que des questions étaient légitimes lorsqu’il existait un lien quelconque avec le point en litige. Quand une partie refuse de répondre à ce genre de questions, elle contrevient au paragraphe 95(1) des Règles. Comme dans le cas des manquements relatifs à la production de documents, la Cour préfère d’abord ordonner à l’appelant de se présenter à nouveau à l’interrogatoire pour qu’il réponde aux questions ou restreindre son droit de produire des éléments de preuve plutôt que de rejeter l’appel.

 

[14]   L’intimée avance que l’appelant en l’espèce mérite tout particulièrement une sanction rigoureuse parce qu’il est [traduction] « un avocat en exercice expérimenté et que sa conduite ne découle pas d’une ignorance déplacée, mais d’un outrage en toute connaissance de cause » [observations écrites de l’intimée, alinéa 57a)]. Il est soutenu que les actes de l’appelant, qui refuse de répondre aux questions se rapportant à sa déclaration de culpabilité, qui affirme de nouveau la véracité d’assertions dont on a prouvé la fausseté et qui induit en erreur un juge de la Cour, étaient tous à l’image de son [traduction] « attitude habituelle délibérée visant à faire obstacle au processus de communication légitime de la Cour, et faisaient partie d’une vaste tendance à l’outrage envers l’administration de la justice » [observations écrites de l’intimée, paragraphe 56]. Il est en outre soutenu qu’ordonner à l’appelant de se présenter à nouveau à l’interrogatoire ne changerait rien à ce comportement et aurait uniquement pour effet de retarder l’affaire jusqu’à ce qu’un autre juge soit confronté à la même situation à une date ultérieure.

 

[15]   La réponse de l’appelant est la suivante :

 

[traduction]

Il est malheureux que la Couronne n’ait pas fourni à la Cour l’ensemble des transcriptions et des doubles des documents invoqués dans la requête. Cela aurait pu éviter que des assertions tirées de l’interrogatoire préalable et d’autres documents soient pris hors contexte.

 

[Observations de l’appelant, page 1.]

 

[16]   L’appelant mentionne aussi :

 

[traduction]

La Couronne posait constamment des questions dénuées de pertinence ou qui visaient uniquement à attaquer ma crédibilité. Selon mon interprétation de l’alinéa 95(1)b), ces questions n’étaient pas légitimes.

 

[Observations de l’appelant, page 4.]

 

[17]   Après un long débat entre les deux parties sur l’absence d’un avis approprié, ou d’un avis quel qu’il soit, de la part de l’appelant quant aux éléments consignés en preuve, j’ai obtenu un double de l’ensemble de la transcription et permis à l’appelant de procéder, malgré l’argument présenté par l’intimée. Selon cet argument, l’appelant persistait dans son habituelle attitude abusive, et continuait de ne pas respecter la règle exigeant la production d’un avis dans le cadre d’une requête concernant un recours abusif aux règles. En définitive, la plupart des éléments de preuve auxquels l’appelant a renvoyé touchaient des questions de fond plutôt que les points soulevés par l’intimée dans la présente requête.

 

[18]   En réponse à un grand nombre des questions posées pendant l’interrogatoire préalable, l’appelant se contentait de dire [traduction] « mes assertions demeurent et ne peuvent être mises en doute ». Bien que l’appelant ait tenté de justifier son comportement dans ses observations, cette réponse avait manifestement pour objet d’éviter de répondre à ce que j’estime être des questions pertinentes. Les questions n’étaient pas posées uniquement pour attaquer la crédibilité de l’appelant. Elles étaient à l’évidence pertinentes au regard des points en litige, qu’elles soient prises isolément ou dans le contexte de l’ensemble de l’interrogatoire préalable. L’appelant affirmait que des sujets entiers étaient dénués de pertinence simplement parce qu’il croyait que sa thèse était au‑dessus de tout examen. Les documents étaient remplis des nombreux refus de l’appelant de répondre à des questions ayant un lien direct avec les actes de procédure, y compris des réponses déplacées comme [traduction] « vous posez encore des questions idiotes » (p. 186, onglet 11 de l’annexe A). Dans une demande antérieure, l’appelant avait tenté sans succès d’obtenir la radiation de certaines parties de la réponse à l’avis d’appel. La Cour est donc valablement saisie des hypothèses formulées dans la réponse. Cependant, l’appelant a continué d’affirmer qu’un grand nombre d’entre elles étaient invalides et il a refusé de répondre à des questions légitimes qui lui étaient posées à cet égard. Nombre de ses refus se fondaient sur des assertions incrédules pour lesquelles il ne pouvait, ou ne voulait, fournir aucune explication plausible. À titre d’exemple, après avoir déclaré catégoriquement que des documents bancaires établis à son nom n’étaient pas authentiques, il a répondu ce qui suit :

 

[traduction]

1377     Q.      Sur quel fondement contestez‑vous leur authenticité?

 

             R.      C’est parce que je ne crois pas qu’ils soient authentiques.

 

1378     Q.     Outre votre croyance, y a‑t‑il une expérience ou des faits quelconques qui étayent cette croyance, Monsieur?

 

             R.      Je m’oppose à cette question et je n’y répondrai pas.

 

1379     Q.      Donc, vous refusez de préciser ce qui vous incite à croire que ces documents ne seraient pas authentiques?

 

             R.      Je n’ai pas à le faire.

 

         (P. 303, onglet 29 de l’annexe A.)

 

[19]   De plus, après avoir catégoriquement affirmé que des fonds lui avaient peut‑être été transférés d’un compte bancaire suisse pour payer sa carte de crédit à son insu, l’appelant a répondu, selon son habitude :

 

[traduction]

1710     Q.      Eh bien, la raison pour laquelle je pose cette question, Monsieur, tient au fait qu’il semble plutôt spectaculaire d’alléguer qu’une banque, sans instructions de votre part, aurait transféré les sommes précises à votre carte de crédit.

 

             R.      Je ne connais rien de plus que vous au système bancaire suisse.

 

1711     Q.      Bon, pouvez‑vous avancer de quelconques faits précis qui vous incitent à croire que les banques suisses faisaient cela?

 

[…]

 

1716     Q.      Pouvez-vous avancer de quelconques faits précis pour étayer cette assertion?

 

             R.      Je n’ai jamais cessé de battre mon épouse pour la bonne raison que je n’ai jamais commencé à la battre.

 

         (P. 378 et p. 379, onglet 42 de l’annexe A.)

 

[20]   Ce ne sont que deux exemples de l’attitude délibérée d’obstruction adoptée par l’appelant. De telles réponses ont tout simplement pour objet d’éviter, de manière délibérée, de répondre à des questions légitimes, ce qui, à mon sens, satisfait amplement au critère préliminaire mentionné dans la décision Baxter.

 

[21]   Il ressort également sans équivoque des réponses de l’appelant qu’il a refusé de donner des engagements ou de demander des renseignements sur les questions liées à ses propres affaires. Dans ses observations, il a affirmé qu’il comprenait qu’il était de pratique habituelle au cours des interrogatoires préalables de prendre un engagement sous réserve et de rendre compte à une date ultérieure. Or, dans les faits, ses réponses n’étayent pas son interprétation touchant la question des engagements. En outre, dans le cadre d’une conférence sur la gestion de l’instance, l’appelant a explicitement nié qu’il avait refusé de donner des engagements à l’interrogatoire effectué seulement quelques jours plus tôt. Le fait d’avoir confirmé à un juge de la Cour qu’il avait fourni des engagements était en contradiction directe avec ce qui s’était réellement passé à l’interrogatoire juste quelques jours auparavant.

 

[22]   L’appelant a même déclaré à cette conférence sur la gestion de l’instance qu’il avait fourni deux engagements et il a explicitement renvoyé au rapport Berger à titre de l’un d’eux. Or, à la conclusion de l’interrogatoire, l’appelant a précisé qu’il n’avait pris aucun engagement et qu’il se réservait le droit de ne pas fournir le rapport Berger parce qu’il ne faisait pas l’objet d’un engagement. Les affirmations faites par l’appelant au juge chargé de la gestion de l’instance seulement quelques jours suivant l’interrogatoire constituent un exemple flagrant de ses tentatives délibérées et calculées d’adapter ses assertions et son comportement aux circonstances, tout en faisant abstraction des règles et de la procédure de la Cour. Ses assertions insolentes sont en flagrante contradiction avec ce qui s’est réellement passé et ont eu pour effet d’induire un juge de la Cour en erreur. Il ne s’agit pas d’un appelant dénué d’expérience. À titre d’avocat chevronné, il sait bien qu’il ne doit pas se livrer à des actes à ce point délibérés, obstructifs et malhonnêtes qui ne visent qu’à entraver l’administration de la justice.

 

[23]   Les réponses données par l’appelant à des questions légitimes vont de peu obligeantes à ouvertement conflictuelles et abusives. Même lorsqu’on lui demande d’étudier ses propres dossiers, il affirme simplement qu’il n’examinera rien du tout (p. 394, onglet 44 de l’annexe A). De fait, certaines de ses réponses laissent entendre qu’il était pleinement conscient de l’effet préjudiciable que son refus de répondre causerait à l’intimée puisque celle‑ci serait prise au dépourvu à l’instruction.

 

[24]   À titre d’exemples supplémentaires des réponses et des actes déplacés, scandaleux et abusifs de l’appelant, l’intimée m’a renvoyée aux allégations d’inopportunité faites par l’appelant relativement à des participants à des instances connexes, y compris la Cour d’appel du Manitoba, l’avocat de la partie adverse dans le cadre de la poursuite CASIL et les représentants de l’Agence du revenu du Canada.

 

[25]   Pendant l’interrogatoire préalable, l’appelant a invoqué des arguments qu’on avait déjà jugés faux dans le cadre d’instances antérieures. Dans la poursuite CASIL, la Cour a conclu que l’appelant s’était parjuré dans plusieurs affidavits à propos de son contrôle sur des fonds suisses. En conséquence, l’appelant a été emprisonné pendant un certain temps (onglet 49 de l’annexe A). Lorsqu’il a déclaré sous serment au cours de l’interrogatoire en cause que ces affidavits étaient véridiques, il a pour l’essentiel commis de nouveau les mêmes actes dont on l’avait antérieurement déclaré coupable et pour lesquels il avait été incarcéré. Il n’a nullement tenté de nuancer les assertions formulées dans ces affidavits; il a plutôt continué d’alléguer la véracité de ces assertions en soutenant que le fait qu’il avait été déclaré coupable de parjure relativement à ces mêmes affidavits était dénué de pertinence (onglet 1, annexe C).

 

[26]   En résumé, il ne s’agit pas d’une affaire intéressant la pertinence de plusieurs questions posées à un appelant au cours d’un interrogatoire préalable. Après avoir examiné la transcription de l’interrogatoire et d’autres documents, il est évident que l’appelant n’a fait absolument aucun effort pour répondre à certaines questions légitimes qui lui étaient posées, et qu’il a plutôt adopté une attitude délibérée visant à contrecarrer le processus d’interrogatoire préalable de la Cour. Il s’est intentionnellement montré peu coopératif et évasif, et il a délibérément fait preuve d’obstruction et de malhonnêteté pendant toute sa participation à l’instance jusqu’à maintenant. Malheureusement, je ne pense pas que ce comportement va changer dans l’avenir. Ce qui m’étonne le plus est le fait qu’il persiste à faire abstraction des déclarations de culpabilité prononcées contre lui pour ses assertions et ses affidavits mensongers et qu’il continue de nier ces déclarations de culpabilité en affirmant de nouveau que ces assertions et ces affidavits sont exacts. Je n’ai pas l’intention de lui offrir une autre tribune qui lui permettrait de continuer son manège. Il est tout simplement inutile de fournir à l’appelant en l’espèce une autre occasion d’agir de la sorte puisque je suis convaincue qu’il continuera de faire preuve de sa mauvaise conduite habituelle. Compte tenu des circonstances de la présente affaire, il convient de faire savoir de manière catégorique que la Cour ne tolérera pas une conduite à ce point inacceptable.

 

[27]   Même s’il est possible qu’une ordonnance d’adjudication des dépens n’ait aucune incidence financière pour l’appelant puisqu’il ne possède aucune somme saisissable au Canada, la requête de l’intimée visant le rejet de l’appel est accueillie avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de septembre 2007.

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

 

RÉFÉRENCE :

2007CCI554

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-3065(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Donald Neil MacIver c.

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 mai 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 25 septembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :

Me Jeff Pniowsky

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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