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Dossier : 2005-2470(IT)G

ENTRE :

DAVID A. MORGAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 22 septembre 2006, à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge E.A. Bowie

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me John H. Loukidelis

Avocate de l’intimée :

Me Bobby Sood

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2000 et 2001 sont rejetés avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d’août 2007.

 

 

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de septembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

Référence : 2007CCI475

Date : 20070816

Dossier : 2005-2470(IT)G

ENTRE :

DAVID A. MORGAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bowie

 

[1]     Les présents appels découlent de nouvelles cotisations fiscales concernant les années d’imposition 2000 et 2001. À l’audience, l’avocat m’a informé que la seule question que l’appelant contestait encore se rapportait à la demande de déduction des montants de 35 000 $ et de 52 000 $ versés à sa femme Karen Morgan dans le calcul de son revenu pour les années en question, en vertu du sous‑alinéa 8(1)i)(ii) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Selon la position prise par l’intimée, les montants ne peuvent pas être déduits en vertu de cette disposition, et le montant des paiements n’est pas raisonnable, de sorte que l’article 67 de la Loi empêche leur déduction.

 

[2]     Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits à l’audience. Cet exposé est rédigé comme suit :

 

[traduction]

 

1.         Il s’agit d’un appel portant sur les avis de nouvelle cotisation suivants (les « nouvelles cotisations ») :

 

Date de mise à la poste

Année d’imposition

 

   9 février 2005

2000

   9 février 2005

2001

 

2.         Sauf indication contraire, les faits énoncés ci‑dessous se rapportent à toutes les périodes pertinentes en ce qui concerne les questions en litige.

 

3.         L’appelant était un particulier résidant au Canada pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »).

 

4.         Karen Morgan était un particulier résidant au Canada pour l’application de la Loi.

 

5.         L’appelant était marié à Karen Morgan.

 

6.         L’appelant était un employé de Merrill Lynch Canada.

 

7.         Jusqu’au mois de juillet 2000, l’appelant était conseiller financier chez Merrill Lynch Canada, à St. Catharines (Ontario).

 

8.         À compter du mois de juillet 2002, et pendant le reste de la période qui est ici pertinente, l’appelant était conseiller financier et directeur de la succursale de Merrill Lynch Canada, à St. Catharines (Ontario).

 

9.         Merrill Lynch Canada rémunérait l’appelant en lui versant un salaire et des commissions.

 

10.       Le revenu de commission de l’appelant était fixé en fonction du volume des ventes de l’appelant ou du nombre de contrats qu’il négociait.

 

11.       Dans le calcul de son revenu aux fins de l’application de la Loi, l’appelant a déduit les dépenses suivantes, s’élevant aux montants mentionnés ci‑dessous (arrondis au dollar près) pour les années d’imposition indiquées (collectivement, les « dépenses »).

 

 

Dépenses

Montant déduit pour 2000

 

Montant déduit

pour 2001

Honoraires comptables et juridiques (frais financiers)

 

268 $

 

268 $

Publicité et promotion

3 781 $

6 995 $

Dépenses admissibles se rattachant au véhicule à moteur

10 144 $

9 184 $

Aliments, boissons et frais de représentation

1 278 $

1 562 $

Hébergement

791 $

Néant

Stationnement

76 $

270 $

Fournitures

2 359 $

391 $

Autres dépenses : salaire versé à Karen Morgan, à titre d’adjointe

36 066 $

(comprend une prime de 1 066 $ à Edmond Seto)

2 500 $

Autres dépenses : permis

néant

2 088 $

Autres dépenses : location de matériel de bureau

 

3 252 $

 

4 618 $

Autres dépenses : divers

néant

482 $

 

Total

58 014 $

78 358 $

 

 

12.       Karen Morgan facturait à l’appelant les services décrits dans les factures. Les factures indiquent qu’elles se rapportent à des services que Karen Morgan a fournis à l’appelant en l’an 2000 et en 2001. L’intimée ne reconnaît pas que les factures aient nécessairement été établies à la date qui y est indiquée ou que les services décrits dans les factures aient été fournis.

 

13.       L’appelant a versé à Karen Morgan 35 000 $ et 52 500 $ en 2000 et en 2001 respectivement en paiement des montants indiqués dans les factures.

 

14.       En déclarant son revenu pour l’application de la Loi en 2000 et en 2001, Karen Morgan a inclus les montants décrits au paragraphe 13.

 

15.       Karen Morgan a par la suite présenté une demande de rajustement T1 pour les années 2000 et 2001, en demandant que les montants décrits au paragraphe 13 soient supprimés de son revenu. Le ministre a accédé à cette demande et il a donc délivré des avis de nouvelle cotisation pour ces années d’imposition.

 

16.       Karen Morgan était une inscrite aux fins de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») perçue en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (Canada).

 

17.       Karen Morgan a perçu et versé la TPS sur les montants décrits au paragraphe 13.

 

18.       Le montant total des dépenses déduites pour chaque année était inférieur au revenu que l’appelant avait tiré des commissions au cours de l’année.

 

19.       Merrill Lynch Canada a signé un formulaire T2200 attestant que l’appelant remplissait les conditions énoncées à l’article 8 de la Loi pour chacune des années 2000 et 2001.

 

20.       Pour les besoins du présent appel, les parties conviennent que l’appelant satisfaisait aux exigences du paragraphe 8(10) de la Loi en ce qui concerne la présentation du formulaire T2200 en 2000 et en 2001.

 

21.       Dans les nouvelles cotisations, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant en se fondant sur le fait que, dans le calcul de son revenu d’emploi, l’appelant avait le droit de déduire uniquement 25 953 $ en l’an 2000 et 26 217 $ en 2001 à l’égard des dépenses.

 

22.       Dans les nouvelles cotisations, le ministre a refusé comme suit la déduction de certaines dépenses, y compris la totalité des montants versés à Karen Morgan pour les services fournis à titre d’adjointe et en paiement des montants exigibles aux termes d’un contrat de location de deux ordinateurs portatifs :

 

 

 

Dépense

Montant déduit en l’an 2000

Montant déduit en 2001

 

Autres dépenses : salaire versé à une adjointe

 

35 000 $

 

 

52 500 $

Autres dépenses : location de matériel de bureau

 

3 252 $

 

4 618 $

 

 

23.       Les parties ont convenu que les nouvelles cotisations étaient exactes, sauf que l’appelant continue à maintenir qu’il avait le droit de déduire au complet les montants qu’il avait versés à Karen Morgan pour les services fournis à titre d’adjointe et en paiement des montants exigibles aux termes des contrats de location d’ordinateurs portatifs.

 

[3]     Dans son témoignage, l’appelant a décrit ses antécédents professionnels d’une façon passablement détaillée, jusqu’à sa nomination au poste de directeur de succursale du bureau de Merrill Lynch, à St. Catharines (Ontario), au mois de juillet 2000. Avant cette nomination, l’appelant était conseiller financier dans ce bureau. Après sa nomination, l’appelant a continué à travailler comme conseiller financier avec ses propres clients; de plus, il est devenu responsable de la supervision des autres conseillers financiers et de la surveillance du bureau dans son ensemble, y compris le personnel administratif. L’appelant avait personnellement environ 400 clients auxquels il continuait à fournir des services. Il a déclaré qu’à ce moment‑là, le bureau comptait dix conseillers financiers, en plus de lui‑même, ainsi que quatre employés de soutien. De plus, en sa qualité de directeur du bureau, l’appelant se faisait de temps en temps aider dans son travail par un stagiaire. Les stagiaires étaient des gens qui suivaient une formation pour devenir conseillers financiers, mais qui ne détenaient pas encore les permis nécessaires pour occuper pareil poste. Toutefois, ils étaient en mesure de répondre aux demandes habituelles de renseignements par téléphone et d’exécuter d’autres tâches simples dans le bureau. De l’avis de l’appelant, le bureau n’était pas doté d’un personnel de soutien suffisant, et pour s’acquitter d’une façon appropriée de sa tâche, il avait besoin d’une adjointe en plus du personnel employé et payé par Merrill Lynch. Sa femme, Karen Morgan, a‑t‑il dit, était apte à remédier à la situation.

 

[4]     Karen Morgan avait fréquenté le collège Niagara, où elle avait reçu une formation en matière de comptabilité et de logiciels; elle avait par la suite obtenu un diplôme en communications d’entreprise de l’Université Brock. Puis, elle avait travaillé pendant environ trois ans pour un cabinet comptable public. En 1990, elle avait lancé sa propre entreprise, sous le nom commercial de Complete Business Solutions, et elle fournissait des services de comptabilité à de petites entreprises. M. Morgan a témoigné qu’en raison de cette formation, Karen Morgan était qualifiée pour fournir le genre de services dont il avait besoin. Il avait donc retenu ses services afin de l’aider dans l’exécution de ses tâches, d’abord lorsqu’il était conseiller financier et ensuite en sa qualité de directeur de succursale. M. Morgan a déclaré avoir commencé à la rémunérer au milieu des années 1990.

 

[5]     M. et Mme Morgan n’avaient pas conclu de contrat écrit afin de définir les conditions d’emploi, ce qui était peut‑être imprudent. L’appelant a indiqué que les tâches de sa femme comprenaient des choses comme l’examen des opérations qu’il avait conclues au cours de l’année et le rapprochement de ces opérations et de son revenu de commission, le rapprochement des états des résultats de la succursale, l’examen de diverses publications de l’industrie financière et la rédaction de résumés à son intention, l’organisation de séminaires et l’organisation d’événements sociaux pour ses clients ainsi que la participation à de tels événements. M. Morgan donnait un cours sur les placements au collège Frontier, et le travail de Mme Morgan comprenait la préparation du matériel de cours.

 

[6]     Certaines incohérences de la preuve fournie par M. et par Mme Morgan me préoccupent. M. Morgan a témoigné qu’en l’an 2000, sa femme lui demandait 30 $ l’heure. M. Morgan n’a pas expliqué de quelle façon ils étaient arrivés à ce montant. Mme Morgan a témoigné que lorsqu’elle avait commencé à travailler pour son mari, elle avait consulté workopolis.com, un site Web renfermant des renseignements au sujet des qualifications et des taux de rémunération applicables à de nombreux emplois. Mme Morgan a déclaré qu’en se fondant sur ces renseignements, elle avait conclu que ses qualifications lui permettaient de s’attendre à gagner de 30 000 à 50 000 $ par année. À ce moment‑là, son entreprise de tenue de livres traitait avec trois clients; son tarif pour l’un de ces clients était de 16 $ l’heure, alors qu’il était de 20 $ l’heure pour les deux autres. Mme Morgan a décidé qu’elle devait demander à son mari un montant annuel de 35 000 $, si elle travaillait à plein temps pour lui, en plus de continuer à fournir ses services aux trois autres clients. Mme Morgan a déclaré que les factures adressées à son mari n’étaient pas basées sur un taux horaire; la disponibilité de l’argent à l’aide duquel celui‑ci pouvait la rémunérer entrait en ligne de compte lorsqu’il s’agissait de déterminer le montant et la date des factures, ainsi que les renseignements qu’elle avait trouvés sur le site Web de workopolis.

 

[7]     La pièce A‑1 renferme des copies des factures que Mme Morgan a établies à l’intention de son mari pour le travail exécuté entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001. Des feuilles mensuelles indiquant le travail exécuté et les heures travaillées chaque jour accompagnent chaque facture. Mme Morgan a témoigné que c’était elle qui avait préparé ces feuilles à la fin de l’année 2004 et au début de l’année 2005, bien après la période en question. Elle a dit que les factures initiales ne donnaient pas, au sujet du travail effectué, les détails qui figurent maintenant dans la pièce A‑1. C’était elle qui avait ajouté ces détails par la suite, en utilisant les journaux des années 2000 et 2001. Mme Morgan a également témoigné que les heures effectuées n’étaient pas consignées d’une façon précise dans ces journaux, non plus que les détails qui figurent maintenant dans les copies des factures en question. Les journaux eux‑mêmes n’ont pas été produits en preuve. M. Morgan a témoigné qu’ils avaient été perdus lors d’un déménagement. Mme Morgan a témoigné qu’elle les avait détruits après avoir préparé les documents produits en preuve. D’une façon ou d’une autre, la preuve est loin d’être tout à fait satisfaisante, et l’on peut se demander dans quelle mesure les feuilles de temps mensuelles doivent être considérées comme dignes de foi.

 

[8]     Les copies des factures et les feuilles de temps visent à montrer qu’en l’an 2000, Mme Morgan demandait invariablement à M. Morgan un taux horaire de 30 $, au cours de chacune des quatre périodes de trois mois pour lesquelles elle avait remis des factures. De fait, ces feuilles indiquent que Mme Morgan a effectué exactement 311,5 heures au cours de chacune des trois dernières périodes de facturation. Mme Morgan a témoigné qu’elle établissait les factures en supposant que son temps valait environ 35 000 $ l’an, mais en l’an 2000, elle a apparemment facturé ce montant à son mari pour 1 089 heures, selon les feuilles de temps. Cela représente exactement 30 $ l’heure, plus la TPS de 7 p. 100 y afférente.

 

[9]     La facturation pour l’année 2001, dont fait état la pièce A‑1, est moins régulière. Au cours de la première période de trois mois, Mme Morgan a apparemment établi ses factures au taux horaire de 11,76 $ pour 155 heures. Au cours du deuxième trimestre, le tarif était de 19,15 $ l’heure pour 364,25 heures, et pour le troisième trimestre, il était de 26,01 $ l’heure pour 357,5 heures. Les factures étaient apparemment établies au taux horaire de 80,35 $ l’heure pour 231,5 heures au cours des mois d’octobre et de novembre, et au taux de 114,81 $ l’heure, pour 81 heures au cours du mois de décembre. Cela s’élève en tout à 52 500 $ (y compris la TPS), pour ce qui, selon les feuilles de temps de Mme Morgan, représente 1 430 heures de travail. Rien de tout cela ne m’inspire énormément confiance pour ce qui est de l’exactitude des documents, quoiqu’ils aient été produits en preuve sans qu’aucune objection ne soit soulevée. Le témoignage de Mme Morgan ne me rassure pas non plus; ainsi, Mme Morgan a déclaré qu’elle n’établissait pas strictement ses factures en fonction des heures effectuées, mais il semble que c’est exactement ce qu’elle a fait pendant toute l’année 2000. En 2001, son temps, considéré globalement, semble être facturé au taux horaire moyen de 34,15 $, mais à un taux beaucoup plus élevé au mois de décembre qu’au mois de janvier. Je note également qu’une bonne partie des heures facturées pour le mois de décembre 2001, et auparavant, se rapportaient censément à la participation à des activités sociales.

 

[10]    Des copies des chèques oblitérés émis en paiement des factures ont été produites en preuve; contrairement au paragraphe 13 de l’exposé conjoint des faits, ces copies montrent que sur le montant de 35 000 $ qui a été facturé pour l’année 2000, un montant de 25 000 $ seulement a été payé cette année‑là; le reste, soit 10 000 $, a été payé au moyen de trois chèques datés du 15 janvier, du 9 mai et du 23 mai 2001. Je ne doute aucunement que Mme Morgan ait effectué du travail utile pour son mari au cours des deux années visée par l’appel, mais les montants qu’elle a facturés et qui ont été payés semblent être fondés tout autant sur des objectifs de partage du revenu que sur une entente contractuelle.

 

[11]    L’avocat de l’appelant a défini comme suit les questions en litige aux pages 13 et 14 de ses observations écrites :

 

[traduction]

 

50. L’appelant soutient respectueusement que les trois questions qui opposent les parties sont les suivantes :

 

i)          L’appelant était‑il tenu d’engager des dépenses et d’embaucher une adjointe dans le cadre de son emploi?

 

ii)         L’appelant a‑t‑il engagé les dépenses contestées afin de gagner le revenu tiré de son emploi?

 

iii)         Les dépenses contestées étaient‑elles raisonnables?

 

À mon avis, le point i) définit correctement la question de savoir si l’appelant avait le droit de déduire les montants qu’il avait versés à sa femme au cours des années visées par l’appel. Le sous‑alinéa 8(1)i)(ii) de la Loi est rédigé comme suit :

 

8(1)      Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

 

[…]

 

i)          dans la mesure où il n’a pas été remboursé et n’a pas le droit d’être remboursé à cet égard, les sommes payées par le contribuable au cours de l’année au titre :

[...]

(ii)        du loyer de bureau ou du salaire d’un adjoint ou remplaçant que le contrat d’emploi du cadre ou de l’employé l’obligeait à payer,

[...]

 

 

Pour avoir droit à une déduction en vertu de cette disposition, l’appelant doit démontrer que son contrat d’emploi l’obligeait à engager la dépense. Le contrat doit donc exiger qu’il embauche et rémunère l’adjointe.

 

[12]    Bien qu’il existe des décisions contraires[1], c’est l’avis qu’a exprimé le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre) dans la décision Schnurr v. The Queen[2], lorsqu’il a dit ce qui suit :

 

[9]        J’en arrive au nœud véritable du litige. Pour déduire le coût d’un salaire versé à un adjoint, l’employé doit remplir les conditions énoncées au sous‑alinéa 8(1)i)(ii), c’est‑à‑dire que le paiement ou le salaire versé à l’employé doit être exigé par le contrat d’emploi. À l’onglet 1 de la pièce A‑1 se trouve une lettre datée du 30 juillet 1992 que le vice‑président de Nesbitt Thomson a envoyée à l’appelant. La lettre ne traite pas expressément de l’embauchage d’une adjointe. Toutefois, la relation existant entre Nesbitt Thomson et M. Schnurr laissait implicitement entendre que, pour recruter le nombre de clients auquel s’attendait Nesbitt Thomson, M. Schnurr était obligé d’embaucher quelqu’un pour fournir le type de services que sa femme fournissait. Une telle disposition n’a pas à être expressément énoncée dans l’entente conclue entre l’employeur et l’employé.

[10]      Cet avis est conforme à la pratique administrative énoncée au premier paragraphe du bulletin d’interprétation IT‑352R2, qui est rédigé comme suit :

1.    Sous réserve de la présentation de l’attestation de l’employeur (voir le numéro 13 ci‑dessous), les sous‑alinéas 8(1)i)(ii) et (iii) permettent à un contribuable de déduire, dans le calcul du revenu qu’il a tiré d’une charge ou d’un emploi pour une année d’imposition donnée, les sommes payées dans l’année au titre du loyer de bureau, du coût des fournitures et du salaire versé à un adjoint ou à un remplaçant, à condition que les exigences suivantes soient respectées :

a)    le contribuable est tenu, par son contrat d’emploi, de payer de telles dépenses de loyer de bureau ou de salaire, ou de fournir et de payer de telles fournitures;

b)    le contribuable n’a pas été remboursé et n’a pas droit au remboursement de telles dépenses;

c)    ces dépenses peuvent raisonnablement être considérées comme se rapportant à ce revenu tiré d’une charge ou d’un emploi;

d) les fournitures, quant à elles, sont consommées directement dans l’accomplissement des fonctions de la charge ou de l’emploi du contribuable.

En règle générale, l’application du point a) ci‑dessus requiert que le contrat d’emploi écrit précise de façon explicite cette exigence. On pourra cependant reconnaître qu’un contribuable doit payer le loyer de bureau, les coûts de fournitures ou le salaire à un adjoint ou à un remplaçant quand il pourra établir que les deux parties (le contribuable et l’employeur) avaient convenu tacitement que le contribuable s’acquitterait de ces dépenses et que celles‑ci, dans les circonstances, étaient nécessaires pour exécuter les fonctions de l’emploi.

[11]      La chose est également conforme aux décisions rendues par la Cour dans les affaires Baillargeon c. M.R.N., [1990] A.C.I. 712 et Madsen c. Canada, [2001] A.C.I. 246, à la décision rendue par la Cour fédérale du Canada dans l’affaire Canada c. Gilling, [1990] A.C.F. 284 et à l’arrêt Verrier c. Canada, [1990] 3 C.F. 3 de la Cour d’appel fédérale.

 

Le juge a ajouté ce qui suit au paragraphe 19 :

 

[19]      La présentation des formulaires T2200 vise deux objectifs : il s’agit d’une condition prévue par la loi aux fins de la déduction de dépenses d’emploi en vertu de l’alinéa 8(1)i) et il s’agit d’une preuve des conditions d’emploi. Je doute que le formulaire soit concluant ou déterminant si la preuve montre qu’il est inexact, mais il s’agit du moins d’une preuve prima facie.

 

Le fait que le contrat doit exiger qu’une adjointe soit embauchée et rémunérée est conforme au libellé clair de la loi. En l’espèce, la preuve soumise par l’appelant va à l’encontre de cette exigence. La preuve renferme une lettre datée du 4 juillet 2000, nommant l’appelant directeur résident du bureau de Merrill Lynch, à St. Catharines. La lettre ne dit rien au sujet de l’embauchage d’une adjointe. Dans les formulaires T2200 qui ont été signés pour le compte de Merril Lynch et déposés par l’appelant, il est répondu par l’affirmative à la question suivante : « Avez‑vous exigé que cet employé, selon son contrat d’emploi, embauche un adjoint ou un remplaçant? » La preuve a établi que les formulaires avaient été remplis par Karen Morgan, et l’appelant n’a pas pu dire si la personne qui avait signé le formulaire pour le compte de Merrill Lynch avait de fait lu le formulaire une fois rempli. M. Morgan a témoigné expressément que le contrat d’emploi l’[traduction] « autorisait » à embaucher et à rémunérer une adjointe, plutôt qu’il ne l’[traduction] « exigeait ». Le verbe « obliger » figurant dans la version française de la Loi et le verbe « to require » employé dans la version anglaise sont tous deux nécessairement impératifs. Compte tenu de ce témoignage de l’appelant, il n’est pas possible de conclure que le contrat prévoyait implicitement qu’il était « obligé » d’embaucher une adjointe, et il est également impossible de conclure que les montants que l’appelant a versés à sa femme sont visés au sous‑alinéa 8(1)i)(ii).

 

[13]    Il n’est pas nécessaire d’examiner la deuxième question énoncée par l’appelant compte tenu de la concession que celui‑ci a faite au sujet du paiement du prix de location des ordinateurs. Il n’est pas non plus strictement nécessaire d’examiner la troisième question, compte tenu de la conclusion que j’ai tirée au sujet de la première question, mais étant donné qu’une bonne partie de la preuve portait sur cette question, j’en ferai brièvement mention. L’avocate de l’intimée a fait valoir qu’il n’était pas raisonnable pour l’appelant de verser à sa femme environ 20 p. 100 de son revenu total au cours de l’année 2000 et environ 30 p. 100 de son revenu total en 2001, pour le travail administratif décrit dans les factures.

 

[14]    Il est reconnu depuis longtemps que le passage suivant du jugement rendu par le juge Cattanach dans la décision Gabco Ltd. v. M.N.R.[3] énonce correctement le droit pour ce qui est de l’article 67 de la Loi :

 

[traduction]

 

Il s’agit non pas que le ministre ou notre cour substitue son jugement à celui du contribuable lorsqu’il s’agit de déterminer ce qu’est un paiement raisonnable, mais plutôt que le ministre ou la Cour arrive à la conclusion qu’aucun homme d’affaires raisonnable ne se serait engagé par contrat à verser une telle somme en n’ayant à l’esprit que les intérêts commerciaux de l’appelante.

 

Compte tenu également du tarif demandé par Mme Morgan à ses autres clients et du fait qu’une partie du temps facturé, en particulier au mois de décembre 2001, se rapportait à la participation à des activités sociales, je suis d’avis qu’aucune personne d’affaires raisonnable, dans une relation sans lien de dépendance, n’aurait accepté les montants facturés à M. Morgan. La meilleure indication de ce qui serait raisonnable que l’on puisse trouver dans la preuve mise à ma disposition est la preuve soumise par Mme Morgan, selon laquelle, compte tenu des renseignements qu’elle avait trouvés dans workopolis.com, un montant de 35 000 $ par année serait raisonnable. Je n’omets pas de tenir compte du fait qu’au mois de juin 2003, Mme Morgan avait obtenu un emploi au salaire annuel de 55 000 $ plus prime, selon la preuve qu’elle a soumise. Toutefois, elle a quitté cet emploi au bout d’environ quatre mois, et la preuve relative aux circonstances afférentes à l’emploi et à son départ est maigre. À supposer qu’une adjointe de bureau travaille en moyenne 1 800 heures par année, le travail que Mme Morgan a effectué pour son mari représentait environ 60 p. 100 d’une année de travail en l’an 2000, et environ 80 p. 100 en 2001. Si j’avais conclu que l’emploi satisfaisait aux exigences du sous‑alinéa 8(1)i)(ii) de la Loi, j’aurais conclu que la rémunération raisonnable pour l’application de l’article 67 était de 21 000 $ pour l’année d’imposition 2000, et de 28 000 $ pour l’année 2001.

 

[15]    Les appels sont rejetés avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d’août 2007.

 

 

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de septembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI475

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2005-2470(IT)G

 

INTITULÉ :                                       DAVID A. MORGAN

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 22 septembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge E.A. Bowie

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 16 août 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me John H. Loukidelis

Avocate de l’intimée :

Me Bobby Sood

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                             Me John H. Loukidelis

 

                   Cabinet :                         Simpson, Wigle

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1]               Voir Baillargeon v. M.N.R., 90 DTC 1947; Longtin v. The Queen, 2006 DTC 3254.

 

[2]               2004 DTC 3531; 2004 CCI 684.

 

[3] [1968] 2 R.C. de l’É. 511, à la page 522.

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