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Dossier : 2003-3377(IT)G

ENTRE :

MARCHÉ LAMBERT ET FRÈRES INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 3 octobre 2006, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge B. Paris

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Maurice Mongrain

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Bernard Fontaine

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu du paragraphe 227(9.4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, dont l’avis est daté du 14 août 2002, est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Vancouver, Colombie Britannique, ce 10e jour d’août 2007.

 

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 


 

 

 

 

Référence : 2007CCI466

Date : 20070810

Dossier : 2003-3377(IT)G

ENTRE :

MARCHÉ LAMBERT ET FRÈRES INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]     L’appelante en appelle de la cotisation établie le 14 août 2002 par le ministre du Revenu national (le « ministre ») et exigeant un montant de 4 075,46 $ payable en vertu du paragraphe 227(9.4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e supp.), ch. 1 (la « Loi »). Selon le ministre, l’appelante n’a pas remis au receveur général le montant d’impôt retenu sur les salaires versés à ses employés pour la période du 15 au 21 juillet 2002.

 

[2]     En 2001 et en 2002, l’appelante utilisait les services de traitement de la paie offerts par Le Paie Maître P.C. Inc. (« Paie Maître »). Paie Maître faisait le calcul de la paie des employés de l’appelante et le calcul des retenues à la source, versait les paies nettes aux employés et effectuait les remises au receveur général, entre autres choses. Pour la période en litige, Paie Maître a omis de verser les remises au receveur général.

 

[3]   Selon le paragraphe 227(9.4) de la Loi, l’obligation de payer un montant déduit ou retenu sur un paiement fait à une autre personne revient à la personne qui a déduit ou retenu le montant conformément a la Loi. Le paragraphe 153(1) impose à toute personne versant un traitement, un salaire ou autre rémunération l’obligation de retenir là‑dessus la somme fixée par règlement et d’en faire la remise au receveur général au titre de l’impôt du bénéficiaire du paiement.

 

[4]   La question en litige est de savoir si l’appelante est la personne qui a versé les salaires aux employés selon le paragraphe 153(1) et qui était obligée de déduire ou de retenir sur ces salaires les montants prévus par règlement.

 

[5]     En l’espèce, l’appelante prétend qu’elle n’a rien versé à ses employés pour la période du 15 au 21 juillet 2002 et qu’en conséquence elle n’avait aucune obligation de faire des retenues. Selon elle, les salaires en question ont été versés par Paie Maître, qui serait alors responsable en vertu du paragraphe 153(1).

 

[6]     L’intimée dit que Paie Maître était le mandataire de l’appelante aux fins du versement des salaires nets aux employés de l’appelante et des remises au receveur général, et, de ce fait, l’appelante est la personne ayant versé les salaires selon le paragraphe 153(1).

 

Faits

 

[7]     En 2002, l’appelante exploitait cinq marchés d’alimentation sous la bannière IGA en vertu d’une convention d’affiliation conclue avec Sobeys Québec Inc. (« Sobeys »), qui était propriétaire de la marque de commerce IGA. En 2000, Sobeys avait conclu avec Paie Maître un contrat de traitement de la paie et encourageait ses marchands affiliés qui exploitaient les marchés IGA au Québec et en Ontario à se prévaloir des services de Paie Maître. En 2002, Paie Maître faisait le traitement de la paie pour tous les marchands affiliés de Sobeys exploitant des magasins IGA et pour les magasins IGA exploités par Sobeys. De façon générale, pour chaque période de paie Sobeys versait à Paie Maître le montant brut des salaires dus aux employés, puis Paie Maître calculait les retenues à la source requises, payait les salaires nets aux employés et remettait les retenues au receveur général. Sobeys se faisait rembourser le montant brut des salaires par les marchands.

 

[8]     En juillet 2002, en raison de problèmes financiers, Paie Maître a omis de faire les remises des retenues pour ces marchands et pour Sobeys, qui ont par la suite fait l’objet de cotisations semblables à celle en l’espèce.

 

[9]     Les parties ont préparé un exposé des faits admis, avec documents en annexe, qui détaille les événements pertinents et qui est ainsi rédigée :

 

1.         Depuis le début de ses activités au Québec, Sobeys Québec inc. (« Sobeys ») fournissait à ses marchands affiliés un service de traitement de la paie.

 

2.         Sobeys faisait alors les calculs appropriés, et les marchands affiliés faisaient eux-mêmes les chèques de remise des déductions à la source aux autorités fiscales.

 

3.         Au début de l’an 2000, Sobeys réalisa que son logiciel de traitement de la paie était dépassé et ne suffisait plus à la tâche.

 

4.         Plutôt que d’encourir les frais de programmation d’un nouveau logiciel, Sobeys décida de confier à l’externe son service de traitement de la paie.

 

5.         Le 13 juillet 2000, Sobeys conclut avec Le Paie Maître P.C. inc. (« Paie Maître ») une Entente Cadre, laquelle est reproduite à l’onglet 9 de la Liste de documents de l’appelante.

 

6.         Les Attendus de l’Entente Cadre énoncent que Paie Maître offre des services de traitement de la paie et que Sobeys entend se prévaloir desdits services.

 

7.         Par l’article 4 de l’Entente Cadre, Sobeys s’engageait à promouvoir les services de Paie Maître afin que ses marchands affiliés « y adhèrent en plus grand nombre possible ».

 

8.         L’article 3 de l’Entente Cadre prévoyait que Paie Maître fournirait à Sobeys un fichier comprenant le total détaillé des frais de traitement de la paie et des sommes déboursées pour chacun des marchands affiliés, et que Sobeys verserait à Paie Maître le montant total des factures visant les marchands affiliés.

 

9.         En vertu de l’article 5 de l’Entente Cadre, Paie Maître s’engageait à « détenir les argents des marchands affiliés, à des fins de remise, dans un compte bancaire en fidéicommis ».

 

10.       Les annexes à l’Entente Cadre décrivaient les services fournis par Paie Maître et les frais exigibles.

 

11.       Au printemps 2001, l’appelante a conclu un Contrat Détaillant avec Paie Maître, dont une copie est reproduite à l’onglet 8 de la Liste de documents de l’appelante.

 

12.       Les Attendus du Contrat Détaillant énonçaient que Paie Maître offrait des services de traitement de la paie et que l’appelante entendait se prévaloir desdits services.

 

13.       En vertu du Contrat Détaillant, Paie Maître fournissait à l’appelante un équipement lui permettant d’entrer les données pertinentes, dont le nombre d’heures travaillées par chaque employé dans une semaine donnée, le taux horaire de chaque employé, etc.; ces données étaient ensuite transmises électroniquement à Paie Maître pour fins de traitement.

 

14.       Tel qu’il appert d’une lettre du 28 septembre 2001 reproduite à la dernière page de l’onglet 8 de la Liste de documents de l’appelante, Sobeys convenait de verser à Paie Maître le montant brut des salaires des employés de l’appelante, et cette dernière convenait de rembourser ce montant à Sobeys. Cette lettre venait confirmer la pratique qui avait cours depuis que Paie Maître offrait un service de traitement de la paie à l’appelante.

 

15.       À l’époque pertinente, l’appelante opérait comme franchisé cinq magasins sous la bannière « IGA », laquelle est détenue par Sobeys, et elle comptait environ 800 employés.

 

16.       Paie Maître fournissait des services de traitement de la paie à Sobeys, à l’égard des magasins IGA qu’elle exploite elle-même, et à tous les marchands affiliés de Sobeys exploitant des magasins IGA tant au Québec qu’en Ontario, dont l’appelante.

 

17.       Selon l’importance de leur masse salariale, les marchands affiliés devaient faire des remises des déductions à la source sur une base hebdomadaire, bimensuelle ou mensuelle. Dans le cas de l’appelante, les remises de déductions se faisaient à toutes les semaines.

 

18.       Après avoir traité les informations reçues de Sobeys et de ses marchands affiliés, Paie Maître transmettait à Sobeys un Rapport hebdomadaire des charges et frais de salaires pour l’ensemble des employés de Sobeys et de ses marchands affiliés, de même qu’un document intitulé Publication Salaire / Frais de paie représentant les honoraires dus à Paie Maître. Une copie de ces documents est reproduite à l’onglet 1 de la Liste de documents de l’appelante.

 

19.       Tel qu’il appert desdits documents reproduit [sic] à l’onglet 1, le montant total requis par Paie Maître représentant les salaires et les déductions à la source à l’égard des employés des marchands affiliés pour la semaine finissant le 13 juillet 2002 était de 3 248 666,08 $, alors que le montant total requis pour les employés des marchés opérés directement par Sobeys était de 311 635,11 $ pour ladite semaine. Ces deux montants représentaient un montant total de 3 560 301,19 $.

 

20.       Tel qu’il appert des copies de la Demande de paiement et des chèques reproduits à l’onglet 1 de la Liste de documents de l’appelante, Sobeys a payé à Paie Maître en date du 18 juillet 2002 ledit montant de 3 560 301,19 $.

 

21.       L’onglet 2 de la Liste de documents de l’appelante démontre également que Sobeys a versé à Paie Maître un montant de 3 592 022,02 $ pour la semaine se terminant le 20 juillet 2002 et les relevés de la Banque de Montréal reproduits à la fin dudit onglet 2 confirment ce paiement.

 

22.       Paie Maître émettait ensuite à Sobeys, avec copie à l’appelante un document intitulé « Facture », lequel fournissait le détail des sommes payables à l’égard de chaque magasin pour une période de paie, soit les montants nets versés aux employés, les impôts retenus à la source, les contributions d’employés aux différents régimes, de même que les honoraires payables à Paie Maître. Une copie de ce document est reproduite aux onglets 3 et 4 de la Liste de documents de l’appelante. Paie Maître faisait ensuite remise aux autorités fiscales des sommes ainsi retenues à la source.

 

23.       Après avoir versé à Paie Maître un montant global pour l’ensemble des marchands affiliés et pour ses propres magasins, Sobeys se faisait rembourser immédiatement en les chargeant à leur compte par ses marchands affiliés, dont l’appelante, le montant qui leur était attribuable, soit le montant figurant sur la « Facture » mentionnée au paragraphe précédent, le tout tel qu’il appert des documents reproduits aux onglets 5 et 6 de la Liste de documents de l’appelante.

 

24.       L’article 3 de l’Entente cadre reproduite à l’onglet 9 de la Liste de documents de l’appelante se lit comme suit :

 

La Compagnie fera un seul prélèvement auprès du Client pour le total des factures visant les détaillants accrédités.

 

25.       L’appelante s’engageait à remplir et signer tout formulaire requis par Paie Maître pour lui permettre d’exécuter sa tâche.

 

26.       La paie nette des employés de l’appelante leur était versée par dépôt direct provenant du compte bancaire de Paie Maître dans leur propre compte bancaire et une employée de l’appelante leur remettait un avis de dépôt préparé par Paie Maître. Les avis de dépôt remis à Mme Venne et Hovington sont des exemples typiques de tels avis.

 

27.       Paie Maître était également responsable de l’émission des relevés de revenus d’emploi (feuillets T‑4) aux employés concernés; les feuillets T-4 émis aux employés de l’appelante indiquaient notamment le nom de l’appelante à titre d’employeur, de même que son numéro d’employeur. Le T-4 sommaire était également fait au nom de l’appelante sans égard au fait qu’au cours de l’année, le service de paie ait été fait par Sobeys, Paie Maître et après la faillite de Paie Maître par la firme qui a pris la relève de cette dernière.

 

28.       Un chèque de remise des déductions tiré sur le compte bancaire de Paie Maître a été reçu par l’Agence du Revenu du Canada, mais a été refusé par l’institution bancaire sur lequel il était tiré pour le motif que les fonds étaient non libérés.

 

29.       L’exigence, mentionnée à l’Entente cadre, de dépôt dans un compte en fiducie du montant reçu de Sobeys et de ses marchands affiliés n’a pas été respectée; aucune vérification n’avait été faite avant la fin juillet 2002 pour s’assurer qu’elle était respectée.

 

30.       Durant la journée du 25 juillet 2002, Paie Maître sous prétexte de difficultés avec son système informatique, demanda et obtint que Sobeys lui fasse parvenir par virement bancaire, en remplacement des chèques déjà remis à Paie Maître (voir onglet 2), le montant qui était dû.

 

31.       En fin d’après-midi le vendredi 26 juillet 2002, Sobeys a demandé et obtenu de Paie Maître qu’une somme d’environ 133 000 $, portion d’un montant qui la veille avait fait l’objet d’un virement électronique à Paie Maître, lui soit remboursée et elle en fit remise éventuellement aux autorités fiscales.

 

32.       Le montant de 133 000 $ était le montant dont Sobeys avait exigé le retour par virement électronique, croyant erronément que c’était le montant nécessaire pour faire les remises aux autorités fiscales.

 

33.       Lorsque Sobeys se rendit compte qu’un montant supérieur aurait dû être réclamé et qu’elle contacta le lundi 29 juillet 2002 Paie Maître pour obtenir la différence, soit 370 265,78 $, elle apprit que ce n’était plus possible.

 

34.       Un séquestre intérimaire aux biens de Paie Maître a été nommé le 31 juillet 2002.

 

35.       C’est alors que Sobeys a réalisé, en communiquant avec Paie Maître, la Banque de Montréal et le séquestre intérimaire, que Paie Maître n’avait pas respecté son engagement de détenir les déductions à la source dans un compte en fidéicommis, que plusieurs millions de dollars s’étaient volatilisés, qu’il subsistait un solde d’environ 6M $, que Paie Maître avait effectué les dépôts directs du montant des salaires nets de la plupart des employés, mais qu’elle n’avait pas fait les remises des déductions à la source pour les semaines terminées les 29 juin, 6, 13 et 20 juillet 2002.

 

36.       Le 1er août 2002, Sobeys avait également déposé en Cour supérieure du district de Montréal une action et une saisie avant jugement visant entre autres à saisir les sommes encore présentes dans les comptes bancaires de Paie Maître, pour fins de remise aux différentes autorités gouvernementales. Cette procédure est reproduite aux onglets 27 et 28 de la Liste des Documents de l’intimée. Cette procédure n’eût [sic] pas de suite en raison de la faillite subséquente de Paie Maître.

 

37.       Le ou vers le 15 août 2002, le séquestre intérimaire envoyait un avis de suspendre les procédures par lequel toutes les procédures contre Paie Maître, dont l’action et la saisie de Sobeys, étaient suspendues. (à être documenté)

 

38.       Dans les jours qui suivirent, les procureurs de l’appelante rencontrèrent le procureur de l’intimée, Richard Corbeil, afin de convaincre celle-ci de recourir aux dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (paragraphes 227(4) et (4.1)), créant une fiducie dite « présumée » à son bénéfice, afin de tenter de mettre la main sur le solde qui se trouvait dans un compte bancaire de Paie Maître.

 

39.       Les procureurs de l’intimée invoquèrent que la preuve de « tracage » (ou « tracing ») serait impossible à faire, toute les sommes reçues par Paie Maître de ses centaines de clients ayant été mélangées dans son compte courant. Ainsi, les procureurs de l’intimée refusèrent de prétendre que l’intimée avait une « super-priorité » à faire valoir en vertu desdites dispositions.

 

40.       Paie Maître a fait faillite le 20 septembre 2002.

 

41.       Le 21 novembre 2002, Sobeys déposa une preuve de réclamation auprès du syndic à la faillite de Paie Maître. (à être documenté)

 

42.       La preuve de réclamation de biens produite par Sobeys comportait la réserve suivante :

 

La présente Preuve de réclamation de biens (incluant l’Affidavit et les Annexes I à IV) est faite sous réserve de tous les droits, recours et représentations de quelque nature que ce soit que Sobeys Québec Inc. et ses marchands affiliés pourraient faire valoir notamment devant toute autre instance et à l’encontre de qui que ce soit et sans aucune admission et/ou renonciation de quelque nature que ce soit à cet égard. (à être documenté)

 

43.       La preuve de réclamation de Sobeys fut rejetée par le syndic et les délais d’appel de ce rejet furent suspendus. (à être documenté)

 

44.       Le 14 août 2002, l’intimée a émis à l’appelante l’avis de cotisation faisant l’objet du présent litige, à l’égard de son compte d’employeur no 103506184RP0007; le montant cotisé de 4 075,46 $ représente le montant (incluant retenues à la source pour l’impôt sur le revenu, pour la cotisation employé et la cotisation employeur, dues en vertu de la Loi sur l’assurance emploi) qui aurait dû être versé à l’intimée, relativement à la rémunération payée à certains des employés de l’un des marchés de l’appelante pour la période du 15 au 21 juillet 2002, laquelle somme n’avait pas été remise à l’intimée. Cet avis de cotisation est reproduit à l’onglet 3 de la Liste de documents de l’intimée. (à produire à la Cour)

 

45.       Le 12 novembre 2002, l’appelante a logé un avis d’opposition à l’encontre de cette cotisation, lequel est reproduit à l’onglet 4 de la Liste de documents de l’intimée.

 

46.       Le 3 juillet 2003, l’intimée a ratifié ladite cotisation, tel qu’il appert de l’Avis de ratification reproduit à l’onglet de la Liste de documents de l’intimée.

 

47.       Le 26 février 2004, en vertu d’une ordonnance initiale rendue par la Cour supérieure, une partie du dossier de faillite de Paie Maître a été transformé en arrangement aux termes de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. (à être documenté)

 

48.       Le 18 mars 2004, Sobeys a déposé une preuve de réclamation en vertu du Plan d’arrangement et de transaction, laquelle comportait la réserve suivante :

 

La présente preuve de réclamation (incluant les Annexes I, II et III) est faite sous réserve de tous les droits, recours et représentations de quelque nature que ce soit que Sobeys Québec Inc. et ses marchands affiliés pourraient faire valoir devant toute autre instance et à l’encontre de qui que ce soit et sans aucune admission et/ou renonciation de quelque nature que ce soit à cet égard. (à être documenté)

 

49.       Un Plan d’arrangement et de transaction a été approuvé par les créanciers le 5 avril 2004, lequel plan contenait entre autres les clauses suivantes :

 

2.1.1    Il existe à l’heure actuelle un litige complexe impliquant le SYNDIC, plusieurs CRÉANCIERS-RÉCLAMANTS et d’autres parties relativement à l’appropriation des [sic] FONDS BANCAIRE. Plusieurs intéressés en sont venus à la conclusion qu’il est dans l’intérêt de tous les intéressés de mettre fin à ce litige coûteux et incertain au moyen du présent PLAN.

 

2.2.1    Le but du PLAN est de mettre fin au litige concernant les [sic] FONDS BANCAIRE, d’offrir un règlement à l’égard de toutes les RÉCLAMATIONS DES CRÉANCIERS-RÉCLAMANTS, y compris les CRÉANCES RELATIVES À DES DROITS RÉELS, de régler, en partie, la RÉCLAMATION DE GATX et de prévoir la distribution des [sic] FONDS BANCAIRE, dès réception de celui-ci par le SYNDIC, de la façon la plus expéditive possible.

 

3.4  … La présente disposition, le présent PLAN et l’implémentation du présent PLAN ne portent pas atteintes [sic] à tout droit personnel ou droit corporatif (autre que les CRÉANCES RELATIVES À DES DROITS RÉELS) que toute partie a, pourrait avoir ou pourrait prétendre avoir contre quiconque. (à être documenté)

 

50.       Par ordonnance du 26 avril 2004, la Cour supérieure a homologué le Plan et a déclaré que :

 

… cette ordonnance, la [sic] Plan et la date de mise en œuvre du Plan ne portent pas atteintes [sic] à tout droit personnel ou droit corporatif, autre que les CREANCES [sic] RELATIVES A [sic] DES DROITS REELS [sic], que toute partie a, pourrait avoir ou pourrait prétendre avoir contre quiconque;

 

… que toutes les réclamations de propriété faites par les CRÉANCIERS-RÉCLAMANTS de même que les appels du rejet par le SYNDIC des réclamations de propriété sont maintenant caducs; (à être documenté)

 

51.       Afin de maintenir des relations d’affaires harmonieuses avec ses marchands affiliés, et sans y être obligée, Sobeys acquitta elle-même, avec ses propres fonds, la totalité des cotisations émises à ses marchands affiliés, y compris la cotisation émise à l’appelante et faisant l’objet du présent appel, tel qu’il appert des documents reproduits à l’onglet 7 de la Liste de documents de l’appelante.

 

52.       Chacun des marchands affiliés donna alors une procuration à Sobeys pour contester lesdites cotisations par voie d’avis d’opposition et/ou d’appel, et chaque marchand affilié céda à Sobeys le remboursement qu’il pourrait obtenir advenant l’annulation desdites cotisations, puisque c’est Sobeys qui les avait acquittées.

 

53.       Par une lettre du 25 mars 2003 adressée par le procureur de l’appelante à madame Josée Rodrigue de la Division des appels, laquelle est reproduite à l’onglet 24 de la Liste des documents de l’intimée, l’appelante avisa l’intimée qu’elle ne contestait pas la partie des cotisations relative à l’Assurance-emploi et au Régime des pensions du Canada, le litige se limitant à l’impôt sur le revenu qui avait été déduit de la rémunération versée aux employés de l’appelante, mais qui n’avait pas été remis.

 

54.       Par une lettre du 22 avril 2003 également adressée à madame Josée Rodrigue de la Division des appels, laquelle est reproduite à l’onglet 25 de la Liste des documents de l’intimée, le procureur de l’appelante confirme l’entente selon laquelle le présent appel servirait de cause type pour l’ensemble des cotisations émises à Sobeys et à ses marchands affiliés et que les avis d’opposition des autres marchands seraient placés en attente.

 

55.       Par une lettre du 19 octobre 2004 adressée par le représentant de l’intimée au procureur de l’appelante, l’intimée confirma qu’elle serait disposée à ne pas faire valoir sa fiducie présumée sur les dividendes payables aux créanciers-réclamants représentés par Sobeys dans la mesure où ceux-ci consentiraient, advenant qu’ils aient gain de cause devant les instances fiscales, à ce que l’intimée puisse conserver, à même tout remboursement qui serait payable à ce créancier-réclamant, un montant déterminé comme suit : montant des dividendes reçus par le créancier contestataire, multiplié par le montant des déductions à la source cotisées en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, et divisé par le total du montant des déductions à la source cotisée [sic] en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, du montant des déductions à la source cotisées en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (s’il en est) et du total des déductions à la source cotisées en vertu du Régime de Pensions du Canada (s’il en est). (à être documenté)

 

56.       Par une lettre du 9 novembre 2004, adressée au procureur de l’intimée, le procureur de l’appelante accepta la proposition de l’intimée décrite au paragraphe précédent. (à être documenté)

 

Les dispositions législatives

 

[10]    L’obligation légale d’effectuer les retenues à la source et de remettre ces sommes au receveur général du Canada découle du paragraphe 153 de la Loi, qui est rédigé en partie comme suit : 

 

ARTICLE 153 : Retenue.

 

(1)        Toute personne qui verse au cours d'une année d'imposition l'un des montants suivants:

 

a) un traitement, un salaire ou autre rémunération, à l'exception des sommes visées au paragraphe 212(5.1);

 

[…]

 

doit en déduire ou en retenir la somme fixée selon les modalités réglementaires et doit, au moment fixé par règlement, remettre cette somme au receveur général au titre de l'impôt du bénéficiaire ou du dépositaire pour l'année en vertu de la présente partie ou de la partie XI.3. Toutefois, lorsque la personne est visée par règlement à ce moment, la somme est versée au compte du receveur général dans une institution financière désignée.

[Je souligne.]

 

[11]    Le législateur prévoit ensuite, à l’article 227 de la Loi, que toute personne tenue de faire des retenues en vertu du paragraphe 153(1) de la Loi doit en payer les montants perçus mais non remis au receveur général du Canada. Cette responsabilité, prévue plus précisément au paragraphe 227(9.4) de la Loi, est énoncée comme suit :

 

ARTICLE 227 : Retenue des impôts .

 

[…]

 

(9.4) Obligation de payer un montant non remis. La personne qui ne remet pas, de la manière et dans le délai prévus à la présente loi ou à son règlement, un montant déduit ou retenu d'un paiement fait à une autre personne conformément à la présente loi ou à son règlement doit payer, au nom de cette autre personne, à titre d'impôt en vertu de la présente loi, le montant ainsi déduit ou retenu.

 

[Je souligne.]

 

Les conditions d’application du paragraphe 153(1) de la Loi

 

[12]    La Cour d’appel fédérale dans l’arrêt  La Reine c. Coopers & Lybrand Limited, à titre de mandataire de La Banque Mercantile du Canada et de séquestre-gérant de Venus Electric Limited, [1981] 2 C.F. 169 (QL), a énoncé trois conditions à remplir pour qu’il y ait responsabilité en vertu du paragraphe 153(1) de la Loi :

 

1)       un versement aux employés doit avoir eu lieu;

 

2)       il doit s’agir de traitements ou salaires dus aux employés;

 

3)       la personne à laquelle la responsabilité est imputée doit être la même que celle qui a fait le versement.

 

[13]    En l’espèce, les parties ont convenu que les deux premières conditions ont été remplies. Les paiements de salaire net ont été faits aux employés de l’appelante au moyen de virements automatiques sur leurs comptes en banque. Il ne reste qu’à déterminer si c’est l’appelante qui a fait le versement des salaires au sens du paragraphe 153(1) de la Loi.

 

Arguments de l’appelante

 

[14]    Selon l’appelante, même si elle était l’employeur des employés qui ont reçu les paiements, cela ne veut pas dire qu’elle est, dans les circonstances, la personne visée au paragraphe 153(1) de la Loi. Le paragraphe 153(1) parle de la « personne » qui effectue le versement, et n’exige pas qu’il y ait un lien employeur‑employé entre le payeur et le bénéficiaire.

 

[15]    L’appelante prétend que la personne visée au paragraphe 153(1) est celle qui a le contrôle des fonds qui sont payés. En l’espèce, à partir du moment où les fonds ont été transférés à Paie Maître pour payer les salaires et les remises, l’appelante n’en avait plus aucun contrôle. L’appelante prétend que les fonds sont devenus la propriété de Paie Maître lorsqu’ils ont été déposés dans le compte en banque de cette dernière, et que c’était Paie Maître qui a choisi de verser les salaires nets aux employés sans remettre au receveur général les retenues à la source. Alors, l’appelante dit que c’est Paie Maître qui était responsable en vertu du paragraphe 153(1).

 

[16]    Le procureur de l’appelante a cité les arrêts suivants :

 

Dauphin Plains c. Xyloid et la Reine, [1980] 1 R.C.S. 1182;

 

Roll c. Canada, [2000] A.C.F. no 2048 (QL);

 

In re Bankruptcy of G. & G. Equipment Co. Ltd., 74 DTC 6407 (S.C.B.C.);

 

Mollenhauer Ltd. c. Canada, [1992] A.C.F. n580 (QL);

 

La Reine c. Coopers & Lybrand Limited, à titre de mandataire de La Banque Mercantile du Canada et de séquestre-gérant de Venus Electric Limited, [1981] 2 C.F. 169 (QL);

 

Cana Construction Co. c. Canada, [1996] A.C.F. no 827 (QL) (confirmant en appel [1994] A.C.I. no 809 (QL)); et

 

Soltrac International Inc. c. Le ministre du Revenu National, 94 DTC 1900.

 

Analyse

 

[17]    Tout d’abord, je conviens avec l’appelante que l’élément du pouvoir décisionnel relatif aux fonds versés aux employés est déterminant quant à l’application du paragraphe 153(1).

 

[18]    La jurisprudence pertinente de la Cour d’appel fédérale démontre qu’une personne ne sera tenue responsable en vertu de ce paragraphe que si elle avait un pouvoir décisionnel quant au paiement aux employés. Dans le cas ou une personne effectue physiquement le paiement, mais n’exerce aucune autorité indépendante sur les fonds qui constituent le paiement, cette personne ne sera pas tenue de faire les remises. En d’autres mots, si la personne qui effectue le paiement le fait en exécution des directives de quelqu’un d’autre et non pas de son propre chef, le paragraphe 153(1) ne s’appliquera pas à elle.

 

[19]    À cet égard, dans l’arrêt Roll c. Canada, précité, la Cour d’appel fédérale a décidé que l’appelant, qui n’était qu’un simple fiduciaire des fonds qui ont servi à payer les salaires des employés d’une autre personne, n’était pas responsable, en vertu du paragraphe 153(1), des remises des retenues sur ces salaires.

 

[20]    M. Roll était l’aide‑comptable de la société Sea Hornet, qui éprouvait des difficultés financières. À un certain moment, tout dépôt de fonds dans le compte en banque de Sea Hornet était susceptible de saisie par ses créanciers. M. Roll a alors accédé à la demande des dirigeants de Sea Hornet qu’il permette à celle‑ci de déposer dans le compte de M. Roll les fonds reçus des investisseurs pour le paiement des salaires nets des employés et que M. Roll paie ces salaires par chèques tirés sur son compte. Au moment où Sea Hornet a cessé ses activités, elle n’avait pas les moyens de payer l’arriéré des retenues à la source et le ministre a cherché à imposer à M. Roll la responsabilité notamment en vertu du paragraphe 153(1) de la Loi.

 

[21]    Dans la décision en première instance (Roll (Harvey Roll Business Services) c. Canada, [1999] A.C.I. no 627 (QL)) cette Cour a dit que l’appelant, M. Roll, a dépassé les limites de ses fonctions d’aide-comptable en déposant dans le compte en banque qu’il contrôlait les fonds reçus de Sea Hornet, pour ensuite les payer aux employés et aux créanciers selon les instructions de Sea Hornet. Pour cette raison, et parce que M. Roll savait que Sea Hornet avait conclu l’entente avec lui uniquement pour soustraire son argent à ses créanciers, la Cour a conclu qu’il était responsable en vertu du paragraphe 153(1).

 

[22]    La Cour d’appel, a infirmé cette décision, disant que : 

[...] puisque la Cour de l'impôt a déterminé que M. Roll n'était qu'un simple fiduciaire des fonds de l'employeur, qu'il n'avait agi que selon les directives des dirigeants de Sea Hornet, qu'il ne pouvait décider seul de l'utilisation de ces fonds et que la décision de verser aux employés des salaires nets avait été prise par les seuls dirigeants de Sea Hornet, celle-ci aurait dû conclure que l'intimé n'était pas visé par le paragraphe 153(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

[23]    Dans l’affaire Coopers & Lybrand, précitée, la Cour d’appel fédérale a décidé qu’un séquestre-gérant qui avait versé des salaires nets à des employés d’une société mise sous séquestre (Venus Electric) était responsable de la remise des retenues à la source parce qu’il avait un pouvoir décisionnel quant au paiement des salaires. 

 

[24]    Coopers & Lybrand, ayant été nommée séquestre‑gérant de Venus, avait décidé de poursuivre l’exploitation de l’entreprise de celle‑ci et, à cette fin, a assuré le paiement des salaires aux employés de Venus. 

 

[25]    Coopers & Lybrand plaidait, entre autres, qu’en tant que séquestre‑gérant, elle n’était que le mandataire de Venus et donc ne pouvait être tenue personnellement responsable par suite du paiement des salaires nets aux employés.

 

[26]    La Cour d’appel a conclu que Coopers & Lybrand n’agissait pas à titre de simple intermédiaire pour Venus et que la décision de payer les salaires était celle de Coopers & Lybrand elle‑même. Aux paragraphes 40 et 41 la Cour a dit :

 

Ayant décidé qu'il fallait éviter des conséquences indésirables à prévoir au cas où les employés auraient eu à faire valoir eux-mêmes, et tant bien que mal, leurs réclamations de salaires, l'intimée a pris, de son propre chef, des mesures pour que chaque employé touche un montant égal à son salaire échu. Sans la décision et les directives de l'intimée, les versements n'auraient pas été faits. Même à supposer que, en ce qui concerne les responsabilités de l'intimée envers Venus, celle-ci fût le mandat [sic] et l'intimée le mandataire, Venus n'avait pas les moyens pour verser à ses employés un montant égal au salaire dû selon les feuilles de paie pour la dernière période. L'intimée avait pris possession de tous ses biens à partir de 1 h 00 le 25 septembre. Le versement des montants en cause, dont je conclus qu'ils représentaient des salaires, résultait d'une décision prise en toute connaissance de cause par l'intimée et exécutée sous ses propres directives. Même si la Banque a approuvé ces paiements, ceux-ci ont été ordonnés par l'intimée.

 

Dans ces circonstances, on peut seulement conclure que l'intimée est bien la personne qui a versé des salaires aux employés, et qu'elle tombe ainsi dans le domaine d'application de l'article 153.

[Je souligne.]

 

[27]    Dans l’affaire Cana Construction Co. c. Canada, précitée, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision de cette Cour que le paragraphe 153(1) s’appliquait dans des circonstances où l’appelante exerçait un contrôle complet sur les paiements de salaires effectués aux employés d’un de ses sous‑traitants, même si les chèques de paie ont été tirés sur le compte en banque du sous‑traitant.

 

[28]    Cana était un entrepreneur en construction et Vidalin, son sous-traitant, travaillait dans le cadre d’un de ses projets. Vidalin n’arrivait pas à payer ses employés et Cana a décidé que, pour assurer l’achèvement du projet, il fallait que les employés de Vidalin soient payés. 

 

[29]    À cette fin, Vidalin informait Cana du montant du salaire net dû à chaque employé et Cana faisait tirer une traite bancaire sur son propre compte pour le montant global. Un employé de Cana et un employé de Vidalin se rendaient ensuite à la banque de Vidalin et déposaient le montant en question dans le compte de Vidalin. La banque certifiait en même temps les chèques établis par Vidalin à l’ordre de ses employés, qui représentaient le salaire net de chaque employé. Ces chèques étaient donnés à Vidalin pour être remis aux employés.

 

[30]    Cana soutenait que les paiements qui avaient été effectués à Vidalin au moyen des traites bancaires avaient pour objet d’acquitter l’obligation contractuelle qui existait entre l’appelante et Vidalin en tant que sous‑traitant et non pas de payer les salaires des employés de Vidalin. De plus, l’appelante soutenait que, puisque ce n’était pas elle qui avait émis les chèques à l’ordre des employés, il n’y avait pas de paiement effectif et il ne pouvait donc pas y avoir d’assujettissement au paragraphe 153(1) de la Loi.

 

[31]    La Cour a conclu que l'appelante, Cana, avait exercé un contrôle total sur les fonds servant à payer les salaires des employés de Vidalin, que Cana était la personne qui payait les salaires des employés, et qu’elle l'a fait délibérément et en parfaite connaissance de cause. Le juge a dit :

 

[...] Vidalin s'est conformée aux instructions de Cana quand elle a établi les chèques de paye et les talons de chèque, où sont indiqués les détails relatifs aux retenues. Cana a gardé un contrôle complet sur la procédure de paiement. L'article 153 prescrit clairement que toute personne qui verse un salaire à un employé doit retenir l'impôt nécessaire, il ne dit pas que cette exigence s'applique seulement aux employeurs. (au paragraphe 27 de la décision)

 

[32]    En confirmant cette décision, la Cour d’appel fédérale a dit :

 

[...] la conduite de l'appelante et le contrôle total qu'elle a conservé sur les sommes ostensiblement payées par Vidalin jusqu'à ce qu'elles soient versées aux employés appuyaient la conclusion du juge que Vidalin suivait les instructions et les directives de l'appelante dans la préparation des chèques de paye, dont les talons montraient (erronément) que les retenues applicables avaient été effectuées. Le juge était donc justifié de conclure que la situation était la même que si l'appelante avait elle-même payé directement les employés de Vidalin et avait omis de remettre les taxes retenues.

 

[33]    À mon avis, il découle clairement de cette jurisprudence qu’une personne sera tenue responsable en vertu du paragraphe 153(1) si elle détient un pouvoir décisionnel quant aux paiements de salaire faits aux employés. Elle ne sera pas tenue responsable si elle verse des salaires ou traitements à titre de simple intermédiaire ou comme mandataire d’une autre personne.  

 

[34]    En l’espèce, afin de déterminer qui d’entre Paie Maître et Marché Lambert effectuait les versements de salaire au sens du paragraphe 153(1), il importe de déterminer le rôle que jouait Paie Maître.

 

[35]    Le Contrat Détaillant intervenu entre l’appelante et Paie-Maître est rédigé en partie comme suit :

 

Attendu que la COMPAGNIE [Paie Maître] offre des services de traitement de la paie;

 

Attendu que le CLIENT [Marché Lambert] entend se prévaloir desdits services;

 

Les parties conviennent de ce qui suit :

 

De façon générale, la COMPAGNIE fournit au CLIENT un outil d’entrée des temps. Le CLIENT inscrit les temps de travail de son personnel à l’aide de cet outil et transmet les données à la COMPAGNIE qui les traite, produit les paies, effectue les paiements, produit des rapports choisis pour impression chez le CLIENT.

 

[…]

 

5.    CONDITIONS

 

[...]

 

c)    Le CLIENT s’engage à remplir et signer tout formulaire requis par la COMPAGNIE, permettant à cette dernière d’exécuter son mandat.

 

[…]

 

8.    LIMITE DES RESPONSABILITÉS

 

[…]

 

a)    La COMPAGNIE accepte, sans recherche ni vérification, tous les renseignements, données et instructions fournis et transmis par le CLIENT dans le cadre du présent contrat.

[Je souligne.]

 

[36]    Le devis joint au Contrat Détaillant, et qui en faisait partie intégrante (aux termes du paragraphe 4 du contrat), prévoyait que les services suivants seraient fournis par Paie Maître :

 

DEVIS

 

SERVICES FOURNIS

 

1.         Installation du logiciel d’entrée de données de la COMPAGNIE chez le CLIENT. Le CLIENT devra disposer d’équipements informatiques rencontrant les exigences minimales suivantes : (Voir annexe 1A)

 

Option Transmission en différé

 

2.         Formation du personnel du CLIENT à l’entrée des données et à l’opération du système de paie en début du contrat initial

 

3.         Notation des temps par département (Au besoin)

 

4.         Liste de l’entrée des temps (au besoin)

 

5.         Fiche « employé » incluant toutes les informations nécessaires à la paie, à l’ouverture du dossier

 

6.         Copie de la fiche « employé » après toute modification

 

7.         Dossier de « compagnie »

 

8.         Liste des informations manquantes (lorsque requise)

 

9.         Dépôt direct (P)

 

10.       Liste des dépôts (P)

 

11.       Registre détaillé des salaires par compte-client, par département, incluant les heures travaillées quotidiennement (P)

 

12.       Sommaire du registre des salaires par département et sommaire avec total ventilé des gains, des déductions et des avantages sociaux par période avec cumulatifs mensuels et annuels (P)

 

13.       Sommaire des crédits de vacances (P)

 

14.       Facturation détaillée des frais du traitement de la paie et des sommes déboursées (P)

 

15.       Formulaire de relevé d’emploi (au besoin) (Complété et posté par la COMPAGNIE)

 

16.       Choix de diverses listes par numéro d’employé, par département, par date d’embauche, etc., montrant adresse, numéro de téléphone, numéro d’assurance sociale (N.A.S.)

 

17.       Rapport du sommaire des remises aux deux paliers gouvernementaux et cumulatifs annuels

 

18.       Remises fédérales et provinciales effectuées au nom du CLIENT (Au choix du détaillant)

 

19.       Rapport des excédents de la C.S.S.T. (A)

 

20.       Journal pour balancer les cumulatifs annuels (A)

 

21.       Calcul de la cotisation à la Commission des normes du travail (C.N.T.) (A)

 

22.       Remise de la cotisation à la Commission des normes du travail (C.N.T.) effectuée au nom du CLIENT (A)

 

23.       Si les remises sont effectuées par la COMPAGNIE : Sommaire fédéral et sommaire provincial complétés avec l’information pertinente fournie par le CLIENT aux dates demandées (Complété et posté par la COMPAGNIE) (A)

 

24.       [RAYÉ]

 

25.       T4 et Relevé 1 – balancés et mis sous enveloppe (A)

 

26.       Rapport de coût, par département, incluant les provisions de vacances, de C.S.S.T. et de C.N.T. (P)

 

27.       Écriture comptable (Transfert par fichier au système comptable Quasimodo) (P)

 

28.       Rapport au fonds de pension (M)

 

29.       Rapport de RÉER (M)

 

30.       Rapport d’assurance-groupe (M)

 

31.       Rapport des cotisations syndicales (M)

 

32.       Rapport de codes de paie des saisies de salaires (P)

 

33.       Rapport des codes de paie Avances de Fonds (M)

 

34.       Rapport de la caisse d’économie (P)

 

35.       Rapport du calcul des congés statutaires et des bonis (Selon le 0.004 du salaire brut) (P)

 

36.       Rapport du calcul des congés statutaires et des bonis (Selon les Normes du travail) (P)

 

37.       Rapport des cotisations dentaires (M)

 

38.       Rapport périodique des fonds sociaux (M)

 

39.       Rapport des Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (M)

 

40.       Rapport et calcul des sommes rétroactives touchant le salaire (P) (fin mars 2001)

 

41.       Tableau comparatif de productivité (en développement avec Sobeys) :

 

− pour l’année courante et l’année passée,

− avec le montant de ventes heures et argent

− pour les employés réguliers et les employés à temps partiel

− pour les périodes hebdomadaires, mensuelles, annuelles (P)

 

42.       Calcul du 90 % pour le paiement des 14 premiers jours à l’égard de la C.S.S.T. (fin mars 2001)

 

43.       Fiche Journal de vacances (P)

 

44.       Fiche banque d’heures de maladie (P)

 

45.       Fiche de congés fériés (P)

 

46.       Fiche d’absentéisme (P)

 

47.       Fiche Historique des postes et salaires (P)

 

48.       Fiche Notes (mesures disciplinaires ou autres) (P)

 

49.       Fiche Formation interne / externe et dépenses de formation. (P)

 

50.       Fiche Heures Cumulées (P)

 

51.       Fiche banque d’heures travaillées

 

[…]

[Je souligne.]

 

[37]    L’appelante soutient que le Contrat Détaillant est un contrat pour la prestation de services par Paie Maître à Marché Lambert. Paie Maître s’engageait à effectuer plusieurs tâches pour Marché Lambert, dont celle de distribuer aux différents intervenants, tels que les autorités fiscales, les montants que Marché Lambert lui envoyait.

 

[38]    Pour sa part, l’intimée soutient qu’aux fins des versements de salaire aux employés, Paie Maître était le mandataire de l’appelante et des autres marchands.

 

[39]    À la lumière de toute la preuve, je suis d’avis que Paie Maître n’agissait qu’à titre d’intermédiaire pour Marché Lambert, c’est‑à‑dire soit comme mandataire de celle‑ci, soit comme simple fiduciaire. Le Contrat Détaillant faisait référence à l’exécution par Paie Maître de son mandat, et l’ Entente « Cadre » prévoyait, entre autres, que Paie Maître s’engageait à détenir dans un compte en fidéicommis les sommes reçues, pour qu’elle effectue les versements aux employés et aux intervenants. (Les fonds n’ont pourtant pas été déposés dans un compte en fidéicommis et ni l’appelante ni Sobeys n’ont vérifié l’exécution de cet engagement.) Je fais remarquer aussi que les chèques pour les employés, bien que tirés sur le compte en banque de Paie Maître, indiquaient que les paiements étaient faits « au nom de » l’appelante (pièce I‑2). Les formules T-4, « État de la rémunération payée », pour les années 2001 et 2002 indiquaient que l’appelante était l’employeur, et le nom de Paie Maître n’y figurait nulle part.

 

[40]    Il est clair que Paie Maître était en tout temps dans l’obligation d’utiliser selon les termes du contrat ou selon les instructions de l’appelante ou de Sobeys les fonds fournis par Sobeys (au nom des marchands). Paie Maître n’avait pas le droit d’en faire autrement. Il n’importe pas si la relation contractuelle entre l’appelante et Paie Maître était un mandat ou une fiducie, ce qui importe est le contrôle que l’appelante maintenait sur les fonds se trouvant entre les mains de Paie Maître. 

 

[41]    Ni l’appelante ni Paie Maître n’ont jamais eu l’intention que Paie Maître ait un pouvoir décisionnel ou une discrétion quelconques quant aux paiements que Paie Maître effectuait aux employés et aux différents intervenants. Lorsque Paie Maître effectuait les divers paiements, elle le faisait conformément aux directives et sous le contrôle de l’appelante. Elle n’avait aucun pouvoir de décider de l’affectation des fonds ; elle ne faisait que les distribuer au nom de l’appelante dans le cours normal de l’exécution du contrat de traitement de la paie.

 

[42]    Le rôle joué par Paie Maître est semblable à celui joué par M. Roll dans l’affaire Roll précitée. Il est vrai que Paie Maître recevait en l’espèce le montant brut des salaires des employés tandis que M. Roll ne recevait de Sea Hornet que le montant net, mais le point essentiel est que les paiements faits aux employés dans les deux cas l’étaient sur les instructions et avec l’argent de l’employeur. Tout comme l’employeur Sea Hornet dans l’affaire Roll, l’appelante causait les versements de salaires.

 

[43]    L’appelante prétend que la responsabilité en vertu du paragraphe 153(1) incombe à Paie Maître parce qu’elle était la personne qui a décidé de verser des salaires nets aux employés et de ne pas faire de remises au receveur général.

 

[44]    Tout d’abord, je suis d’accord avec le procureur de l’intimée qui dit qu’il n’y a pas de preuve en l’espèce que le défaut de faire les remises des retenues a la source était dû a une décision prise par Paie Maître. Tout ce que l’on peut dire est qu’il n’y avait pas assez de fonds dans le compte de Paie Maître pour permettre à la banque d’honorer les chèques que Paie Maître avait envoyés au receveur général pour effectuer les remises. Il n’a pas été prouvé que le manque de fonds était dû à un comportement intentionnel de la part de Paie Maître. Deuxièmement, le texte du paragraphe 153(1) ne laisse pas entendre que l’élément d’intention est pertinent pour déterminer à qui revient la responsabilité de faire les retenues et les remises des retenues. 

 

[45]    En résumé, je conclus que c’est l’appelante qui, pour la période en litige, a versé les salaires à ses employés au sens du paragraphe 153(1) de la Loi et, par conséquent, c’est elle qui est tenue en vertu du paragraphe 227(9.4) de la Loi de payer les montants retenus sur les salaires mais non remis au receveur général.


 

[46]    Pour tous ces motifs, l’appel est rejeté, avec dépens.

 

 

Signé à Vancouver, Colombie Britannique, ce 10e jour d’août 2007.

 

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2007CCI466

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2003-3377(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MARCHÉ LAMBERT ET FRÈRES INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 3 octobre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 10 août 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Maurice Mongrain

Avocat de l'intimée :

Me Bernard Fontaine

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                   Nom :                             Me Maurice Mongrain

 

                   Étude :                            Desjardins Ducharme Stein Monast

                                                         Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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