Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2003‑1209(IT)G

 

ENTRE :

 

MANCHESTER CHIVERS & ASSOCIATES INSURANCE BROKERS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus le 19 mai 2005, à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L'honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Neil W. Nichols

 

Avocate de l'intimée :

Me Margaret M. McCabe

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l'égard des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999 sont admis, sans dépens, et les appels sont déférés au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, ce 27e jour de septembre 2005.

 

 

« J. E. Hershfield »

Le juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour d'octobre 2006.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2005CCI402

Date : 20050927

Dossier : 2003‑1209(IT)G

 

ENTRE :

 

MANCHESTER CHIVERS & ASSOCIATES INSURANCE BROKERS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     Il s'agit d'un appel interjeté relativement aux années d'imposition 1997, 1998 et 1999 de l'appelante. Pour chacune de ces années, l'appelante a déduit les jetons de présence attribués aux administrateurs qui étaient les enfants adultes des actionnaires de la société appelante (les « administrateurs concernés » ou les « enfants »). La déduction des dépenses au titre des jetons de présence a été refusée parce qu'il ne s'agissait pas de dépenses engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou, à titre subsidiaire, parce que les dépenses déduites n'étaient pas raisonnables. L'intimée invoque l'alinéa 18(1)a) et l'article 67 de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi ») respectivement.

 

[2]     Les activités de l'appelante relèvent du domaine de l'assurance. Son exercice se termine le 30 octobre de chaque année.

 

[3]     L'un des principaux actionnaires de l'appelante, M. Manchester, a témoigné à l'audience. Lui, son épouse et le troisième actionnaire, M. Chivers, étaient les seuls actionnaires de la société appelante. Parmi les quatre administrateurs concernés, trois étaient les enfants de M. et Mme Manchester et le quatrième était l'enfant de M. Chivers. Les trois actionnaires ont également agi comme administrateurs de la société au cours de toutes les années en cause, tout comme ils l'avaient fait avant la nomination des administrateurs concernés quelque temps avant les années visées par l'appel.

 

[4]     Monsieur Manchester a admis que la nomination des enfants à titre d'administrateurs reposait en grande partie sur des raisons fiscales. Le bénéfice net de l'appelante excédait la somme admissible au titre de la déduction accordée aux petites entreprises. Le fait de passer en charges des bénéfices tirés de la société en faveur des enfants adultes permettait de réaliser des épargnes fiscales et d'alléger le fardeau financier associé à l'éducation et à l'entretien des enfants. En fin de compte, le refus de la déduction au titre des jetons de présence attribués aux enfants entraînera une double pénalité fiscale. Le fait de refuser cette dépense obligera l'appelante à payer de l'impôt sur la somme refusée, même si les enfants avaient inclus le montant des jetons de présence dans leur revenu[1].

 

[5]     Pendant son témoignage, M. Manchester a affirmé que la nomination des administrateurs concernés au conseil d'administration de l'appelante visait, outre les épargnes fiscales, à familiariser les enfants avec l'entreprise dans l'espoir qu'un ou plusieurs d'entre eux s'y intéressent, y prennent une part active et, un jour, prennent la relève pour veiller à la poursuite de ses activités et au maintien de sa valeur. Cette approche s'inscrivait dans une perspective d'avenir puisque les enfants, à l'époque de leur nomination initiale (soit avant les années en cause en l'espèce), étaient encore tous aux études, quoique seulement l'un d'entre eux soit demeuré aux études pendant toute la période visée par l'appel. Deux des trois autres enfants ont commencé à travailler en 1998; la quatrième, Jody Manchester, avait terminé ses études avant les années visées par l'appel et a travaillé dans le domaine des assurances pendant la majeure partie de la période en cause, mais pour une autre société, dans une autre ville[2]. Sauf pour leur mandat à titre d'administrateurs, aucun des enfants n'avait d'emploi chez l'appelante pendant la période visée.

 

[6]     Monsieur Manchester a reconnu qu'à l'exception de leur obligation de signer des documents de la société en raison de leur fonction d'administrateur, les enfants accomplissaient peu de tâches en cette qualité. Il n'y avait pas de réunions des administrateurs et les discussions étaient rares, même si les enfants avaient été mis au courant de leurs responsabilités comme administrateurs et en particulier des responsabilités que leur imposait la loi parce qu'ils agissaient à ce titre. Jody Manchester a témoigné à l'audience et elle a confirmé qu'elle avait été informée des risques liés à cette responsabilité. Elle a également mentionné qu'elle avait eu d'occasionnelles conversations avec son père au sujet des affaires de la société pendant les années visées. Les autres enfants ne se sont jamais intéressés à l'entreprise et, quoi qu'il en soit, ils n'ont pas témoigné à l'audience. Outre le témoignage de Jody quant aux conversations occasionnelles qu'elle a eues avec son père, le témoignage de M. Manchester indique que, dans la mesure où elles portaient sur les affaires de la société, ces conversations se limitaient le plus souvent, sinon toujours, à des discussions [TRADUCTION] « autour de la table » lorsque les enfants étaient à la maison (ce qui ne devait pas se produire souvent puisqu'ils ne vivaient plus avec leurs parents pendant une grande partie de la période en cause).

 

[7]     Manifestement, les enfants ne participaient pas à l'exploitation quotidienne de la société et ne participaient pas à la gestion des affaires de cette dernière. La société ne s'attendait pas à ce qu'ils exercent de quelconques fonctions d'administrateur, à l'exception de la signature des documents qu'ils étaient tenus de signer à ce titre. Sous réserve de quelques concessions en ce qui touche Jody Manchester, j'arrive à la conclusion que leur présence n'a que peu, sinon aucunement, contribué à l'actuelle bonne santé de la société. Les attentes à leur égard n'étaient pas très élevées.

 

[8]     Cependant, leur nomination a bien eu lieu et la société n'a d'autre choix que de reconnaître la présence de chacun des membres de son conseil. Les actionnaires sont autorisés à exercer leur droit de vote lors de l'élection d'administrateurs afin de protéger leurs propres intérêts, peu importe leurs raisons. Le fait que leur élection était motivée par des épargnes fiscales ne peut servir à attaquer la nomination. Le fait qu'ils ont une charge est une réalité juridique. Ils assument des fonctions en droit et il est malavisé de laisser entendre que la question de la rémunération appropriée ne touche pas au caractère raisonnable, lequel doit être décidé en fonction d'un certain nombre de facteurs, y compris la mesure dans laquelle les administrateurs remplissent les fonctions de leur charge. Selon le droit des sociétés, il appartient à la personne morale de régler la question de la rémunération de ses administrateurs. Cette obligation fait partie de son activité productive. L'intimée ne peut s'appuyer sur l'alinéa 18(1)a) pour refuser la passation en charges des jetons de présence attribués aux administrateurs conformément aux exigences du droit des sociétés. En d'autres termes, à mon avis, l'alinéa 18(1)a) ne peut justifier le refus d'une déduction au titre de jetons de présence attribués aux administrateurs au sein de l'exploitation de la personne morale, peu importe à quel point la contribution de l'administrateur au flux de revenu ou aux possibilités de revenu de la société est modeste[3]. Cependant, le fait qu'une activité nécessaire donne lieu à une exigence juridique de verser des jetons de présence aux administrateurs n'est pas suffisant pour accorder la déduction sous le régime de la Loi compte tenu des restrictions énoncées à son article 67.

 

[9]     Cette disposition est ainsi rédigée :

 

67.       Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l'égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

 

[10]    Les autres questions en litige consistent donc à savoir si le montant des jetons de présence attribués aux administrateurs pendant les années en cause était raisonnable dans les circonstances et, dans la négative, quelles sommes seraient raisonnables.

 

[11]    Même s'il n'est pas opportun, comme l'a valablement soutenu l'avocat de l'appelante, de trancher la question du caractère raisonnable soulevée en l'espèce en fonction de la méthode employée pour établir le montant des jetons de présence attribués aux administrateurs, cette méthode doit néanmoins être mentionnée. L'épouse de M. Manchester, une des actionnaires de la société, établissait la valeur des jetons de présence de chacun des enfants en fonction de leurs besoins respectifs pour l'année. En fait, le montant des jetons était fixé après le retrait des sommes. La société payait les frais de subsistance personnels des enfants au fur et à mesure des besoins et sous réserve de l'approbation de Mme Manchester quant au retrait du compte de la société. Le montant des jetons de présence attribués aux administrateurs est donc très variable. Il n'y a aucun lien entre la somme déclarée et payée à titre de jetons de présence aux administrateurs et l'exécution de fonctions de leur part pour le compte de la société. De même, il n'existe aucun lien entre le montant des jetons de présence et les quelconques attentes qu'aurait pu avoir la société à l'égard de ces membres du conseil d'administration du fait de leur simple présence. De plus, la rémunération déclarée et payée de façon courante ne correspond en aucune manière raisonnable à un futur objectif de succession.

 

[12]    En 1996, un des enfants a reçu pas moins de 37 589 $ et un autre a reçu aussi peu que 9 500 $. En 1997, un enfant a reçu pas moins de 40 000 $ tandis qu'un autre n'a reçu que 1 500 $. En 1998, seuls deux enfants ont reçu des sommes au titre des jetons de présence même si tous les enfants sont demeurés administrateurs : l'un a reçu une somme de 16 700 $ et l'autre une somme de 35 000 $. Toutes ces sommes étaient fixées et versées pour couvrir des frais personnels n'ayant aucun lien avec les activités de la société et se fondaient sur les besoins personnels des enfants en leur qualité de personnes à charge, ou partiellement à charge, des actionnaires de la société. L'enfant aux études pendant toute la période visée par l'appel a reçu respectivement 9 500 $, 40 000 $ et 35 000 $ pour chacune des années en cause et Jody Manchester, l'enfant qui travaillait dans le même domaine que l'appelante, a reçu respectivement 28 900 $ (parce qu'elle était sans emploi à l'époque) et 11 600 $ pour les années 1997 et 1998, mais n'a rien reçu pour l'année 1999 parce qu'elle était alors en mesure de subvenir à ses propres besoins[4].

 

[13]    Compte tenu de ces circonstances, il est difficile de se prononcer sur le caractère raisonnable du montant des jetons de présence attribués aux administrateurs pour l'application de l'article 67. Invité à formuler une proposition sur ce point, l'avocat de l'appelante m'a suggéré de refuser 30 % des dépenses au motif qu'elles étaient déraisonnables, notamment parce qu'elles se fondaient à tout le moins sur un élément personnel[5]. L'intimée n'a présenté aucune suggestion. Même si j'estime qu'elle avait l'obligation d'aider la Cour et d'exposer son point de vue sur le caractère raisonnable (au lieu de simplement s'en remettre à la thèse avancée selon laquelle il appartient à l'appelante de prouver le bien‑fondé de ses prétentions), je n'ai pas insisté sur cette question à l'audience puisque la thèse principale de l'intimée consiste à refuser toutes les dépenses en cause sur le fondement de l'alinéa 18(1)a)[6].

 

[14]    Il est évidemment impossible, dans une affaire comme celle dont je suis saisi, de définir les principes susceptibles de servir d'orientation sûre pour décider en quoi consiste une dépense raisonnable. Il ne fait aucun doute que si le montant des jetons de présence attribués aux administrateurs est fixé de façon arbitraire, sans aucun lien avec quoi que ce soit qui soit pertinent à la société, il fera l'objet d'un examen. Plus ce montant est arbitraire et disproportionné au regard de n'importe quel facteur pertinent possible, plus l'examen sera rigoureux, en particulier dans le cas de sociétés à actionnariat fermé où des administrateurs passifs ayant un lien de dépendance sont nommés. Dans de telles circonstances, les personnes morales, comme l'appelante, se trouvent dans une situation difficile puisqu'il leur incombe d'établir ce qui est raisonnable.

 

[15]    L'avocat de l'appelante a cependant invoqué de la jurisprudence à laquelle il importe de renvoyer. Dans la décision Safety Boss Limited c. La Reine[7], on affirme qu'il n'y a pas lieu de refuser une dépense sauf si aucun homme d'affaires raisonnable n'aurait versé une telle somme en n'ayant à l'esprit que les intérêts commerciaux de la société. Quelle est cette somme en l'espèce?

 

[16]    Dans la décision Otto Roofing Ltd. v. M.N.R.[8], la déduction d'une prime gagnée et payée à titre de jeton de présence supplémentaire aux administrateurs a été refusée parce qu'elle était disproportionnée aux gains de la société. Il était déraisonnable de verser aux administrateurs 80 % des gains de l'entreprise. S'il s'agissait de la règle générale, on aurait entièrement refusé à de nombreuses sociétés du secteur de la haute technologie les déductions qu'elles demandaient au titre des jetons de présence dans les dernières années. Quoi qu'il en soit, les gains en l'espèce étaient suffisants pour récompenser les administrateurs, mais cela ne répond tout simplement pas à la question de savoir quelle somme serait raisonnable dans les circonstances.

 

[17]    L'appelante a également insisté sur la responsabilité qui découle de l'exercice de la charge d'administrateur. Les administrateurs assument effectivement un risque aux termes d'un certain nombre de dispositions légales en matière de responsabilité, dont le moindre n'est pas celui qui découle de la Loi et de la Loi sur la taxe d'accise (TPS) et dont la Cour est témoin lorsque des taxes sont perçues, mais non remises, par la société. Les obligations de fiduciaire constituent aussi un terreau fertile pour les cas de responsabilité. Même si les enfants se fiaient à leurs parents pour les protéger (comme l'a affirmé Jody Manchester au cours de son témoignage) et qu'on n'aurait probablement pas fait appel à eux, en regard des autres administrateurs ayant plus de moyens, il existe toujours un risque de responsabilité susceptible de causer la ruine financière de n'importe quel administrateur, actif ou passif, à n'importe quel moment.

 

[18]    En revanche, le fait de rémunérer les administrateurs pour la responsabilité pouvant découler de leurs propres fautes est suspect lorsque toutes les personnes intéressées sont d'avis que les administrateurs manqueront effectivement à leurs obligations de fiduciaires. Néanmoins, les personnes qui occupent des postes de fiduciaires s'exposent à des risques et le fait de contracter une assurance responsabilité à l'intention des administrateurs est une réalité pratique. Dans de nombreux cas, il peut être raisonnable pour la société d'offrir une rémunération au lieu d'une assurance lorsque les frais qu'elle doit engager à ce titre sont comparables.

 

[19]    Les réalités commerciales comptent également parmi les autres facteurs susceptibles d'influer sur la décision de ce qui constitue un montant raisonnable pour les jetons de présence. En général, il peut être raisonnable de payer davantage lorsque la responsabilité est plus grande ou lorsque la simple présence de la personne ajoute de la crédibilité et de l'influence. Diverses contributions intangibles peuvent être envisagées. Il aurait pu être utile de disposer de données comparables pour des sociétés à actionnariat restreint. L'intimée aurait bien pu offrir des éléments de preuve sur ce dernier aspect de la rémunération des administrateurs au lieu de simplement s'en remettre au fait que la charge de la preuve incombe à l'appelante. Quoi qu'il en soit, j'ai examiné les facteurs suivants dans les circonstances restreintes de la présente affaire :

 

(1)     De tous les enfants, Jody Manchester était celle qu'un tiers, tenant compte des éventuels intérêts supérieurs de l'entreprise, aurait pu considérer comme la personne méritant le plus d'obtenir une rémunération à titre d'administrateur. Elle avait de l'expérience dans le domaine d'activité de l'appelante, elle a fait preuve d'un certain intérêt et, comme les autres, elle a signé des documents et assumait un risque de responsabilité. Même si les attentes à son égard et sa réelle participation étaient restreintes, elle aurait pu constituer un nouvel élément utile au sein du conseil. Jusqu'à ce qu'elle cesse de recevoir une rémunération en 1999, l'appelante lui a versé 28 900 $ pendant son année d'imposition 1997 et 11 600 $ pendant son année d'imposition 1998.

 

(2)     Les autres enfants assumaient un risque de responsabilité et n'exerçaient que les fonctions minimes qui leur étaient confiées, à savoir signer des documents. Ils n'avaient aucune expérience ni aucun intérêt apparent. Les attentes à leur égard étaient minimes. Rien dans la preuve ne permet de croire qu'ils auraient pu apporter une contribution ou autrement constituer un élément utile au sein du conseil. À l'exclusion des années où aucune rémunération n'a été payée, ils ont reçu, à titre d'administrateurs, une rémunération annuelle variable allant de 1 500 $ à 40 000 $. La moyenne se situait entre 16 700 $ et 27 600 $. À 27 600 $, la somme est presque 250 pour cent de celle versée à Jody Manchester en 1998. Cela me paraît manifestement déraisonnable si on ne tient compte que des seuls intérêts commerciaux de la société.

 

(3)     Le fait qu'un administrateur cesse de recevoir une rémunération au cours d'une quelconque année donnée n'est pas un facteur qui doit être pris en compte pour décider du caractère raisonnable de la rémunération qui est versée à cet administrateur ou à un autre administrateur, au cours de cette année‑là ou d'une autre année.

 

(4)     Sous réserve du respect des règles régissant la fixation du montant des jetons de présence attribués aux administrateurs, une certaine différence dans la rémunération des administrateurs est légitime lorsqu'une distinction raisonnable peut être établie.

 

(5)     Sauf explication tenant à l'entreprise (comme une rémunération insuffisante au cours d'années antérieures, les années de service, l'existence d'une exigence réglementaire, etc.), il n'est pas raisonnable qu'une société dépense davantage au titre des jetons de présence pour un administrateur que pour un autre lorsque la contribution de ce dernier est, tant sur le plan objectif que subjectif, aussi, sinon plus, importante.

 

[20]    À la lumière de tous les facteurs susmentionnés, j'arrive à la conclusion que la somme de 11 600 $ est raisonnable comme déduction en ce qui concerne les services rendus par Jody Manchester à titre d'administrateur pour chacune des années d'imposition 1997 et 1998 de l'appelante. Le fait qu'elle était, en tant que personne qui travaillait dans le domaine en question, une personne capable d'offrir une contribution suffit à permettre le versement d'une indemnité plus que simplement symbolique au titre de sa nomination. En revanche, s'il était raisonnable de lui payer 11 600 $ en 1998, la preuve ne permet pas de justifier le caractère raisonnable d'une somme plus élevée pour 1997. Quant à chacun des autres administrateurs, j'estime qu'une somme de 1 500 $ est raisonnable pour les services qu'ils ont rendus à ce titre pour chacune des années relativement auxquelles une rémunération a été payée. S'il était raisonnable de verser au fils de M. Chivers une telle somme en 1997, aucune somme plus élevée ne peut être considérée comme raisonnable à la lumière de la preuve pour les autres administrateurs (à l'exception de Jody Manchester) pour n'importe quelle autre année visée. À mon avis, toutes ces sommes sont passablement généreuses mais, compte tenu des circonstances, j'ai accordé à l'appelante le bénéfice du doute quant au caractère raisonnable du montant des jetons de présence en cause.

 

[21]    Par conséquent, les appels sont admis, sans dépens, pour les raisons énoncées au paragraphe 20 des présents motifs.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de septembre 2005.

 

 

« J. E. Hershfield »

Le juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour d'octobre 2006.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI402

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003‑1209(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Manchester Chivers & Associates Insurance Brokers Inc. et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 19 mai 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge J. E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 27 septembre 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Neil W. Nichols

 

Avocate de l'intimée :

Me Margaret M. McCabe

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

Pour l'appelante :

 

Nom :

Me Neil W. Nichols

 

Cabinet :

Nichols & Company

Edmonton (Alberta)

 

Pour l'intimée :

Me John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Selon la preuve produite à l'audience, les jetons de présence payés aux enfants ont, dans bien des cas, entraîné des conséquences fiscales. Cela n'est pas étonnant compte tenu du montant de ces jetons de présence, lequel sera précisé plus en détail plus loin dans les présents motifs. Dans les affaires comme celle dont je suis saisi, il est possible de considérer que les parents étaient les bénéficiaires réputés des jetons payés. Si cette approche avait été suivie, la déduction aurait pu être autorisée à titre de prime versée aux parents, dont les services auraient typiquement justifié cette dépense. Aucun élément présenté à l'audience ne permet de penser qu'une telle approche a déjà été envisagée ou qu'elle est toujours possible. Cette approche ferait obstacle à l'aspect lié à la planification fiscale de la présente affaire, mais elle permettrait d'éviter la double imposition. Il n'est pas question de suggérer à l'intimée d'adopter une approche ou une autre dans les cas comme celui‑ci. Il s'agit simplement d'énoncer une approche qui a souvent été suivie par l'intimée.

 

[2] Elle est actuellement une candidate sérieuse pour prendre les rênes de la société.

 

[3] L'avocat de l'appelante a invoqué un certain nombre de décisions. Certaines touchent les pratiques commerciales reconnues ou l'exigence relative à l'examen de l'objet visé par la dépense par opposition à l'établissement d'un lien entre la dépense et un revenu particulier. D'autres, bien sûr, confirment que la motivation fiscale ne permet pas d'attaquer des opérations opposables en droit. Il n'est pas nécessaire que je renvoie à ces décisions. Les principes qui y sont énoncés sont bien établis.

 

[4] Aucun élément de preuve n'a été présenté quant à d'éventuels jetons de présence attribués aux administrateurs actionnaires en leur qualité d'administrateurs.

 

[5] La réponse à l'avis d'appel ne fait aucune mention de l'alinéa 18(1)h) de la Loi, selon lequel les frais personnels ne sont pas déductibles. L'appelante n'a pas précisé sur quoi se fondait le pourcentage proposé, mais on peut supposer que l'allègement de la double imposition y est pour quelque chose. La suggestion aurait pu être utile si l'intimée avait reculé, mais elle n'a pas bronché.

 

[6] Dans une affaire touchant l'évaluation, il arrive rarement, sinon jamais, que l'intimée ne présente pas d'éléments de preuve, même si l'évaluation n'est pertinente qu'au titre d'une thèse subsidiaire touchant la cotisation. Quoi qu'il en soit, les opinions motivées de l'intimée sur la question du montant raisonnable des jetons de présence attribués à des administrateurs passifs de sociétés à actionnariat restreint auraient pu se révéler utiles.

 

[7] no 1999‑1429(IT)G, 13 janvier 2000, 2000 D.T.C. 1767 (C.C.I.).

 

[8] 63 D.T.C. 174 (C.A.I.).

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.