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Dossier : 2006-2313(IT)I

ENTRE :

KAREN HENRY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 5 juillet 2007, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

 

Avocat de l’intimée :

MLaurent Bartleman

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2002 et 2003 sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d’août 2007.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’août 2007.

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

Référence : 2007CCI451

Date : 20070803

Dossier : 2006-2313(IT)I

ENTRE :

KAREN HENRY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Bowman

 

[1]   Les présents appels sont interjetés à l’encontre des cotisations établies à l’égard de l’appelante pour les années d’imposition 2002 et 2003. Pour ces années, l’appelante a déduit des frais de bureau à domicile et des frais afférents à un véhicule à moteur relativement à son travail. Elle a abandonné sa demande de déduction des frais de bureau à domicile, mais elle a soutenu qu’elle avait le droit de déduire des frais afférents à un véhicule à moteur en sus des montants qu’elle a reçus de son employeur.

 

[2]   L’appelante est une travailleuse sociale employée par la municipalité régionale de Peel. Elle fait des visites à domicile chez des personnes qui sont bénéficiaires d’aide sociale ou qui ont présenté une demande d’aide sociale. À cette fin, elle est tenue d’utiliser son automobile.

 

[3]   Dans sa déclaration de revenus pour 2002, l’appelante a déduit des frais afférents à un véhicule à moteur (essence, entretien, assurance, permis et immatriculation, et déduction pour amortissement) de 10 831,40 $. Pour obtenir ce montant, elle s’est fondée sur les calculs qu’elle avait effectués et selon lesquels elle avait parcouru un total de 29 100 kilomètres pendant l’année, dont 27 200 kilomètres à des fins professionnelles.

 

27 200

29 100  X 11 588 = 10 831,40 $

 

[4]     La déclaration de revenus pour 2003 n’a pas été déposée en preuve, mais l’appelante m’a informé que les chiffres étaient sensiblement les mêmes en 2003.

 

[5]     Je ne considère pas que les chiffres qui figurent dans sa déclaration sont très fiables. La déclaration a été établie par une autre personne, et cette dernière semble avoir établi la déclaration sans avoir consulté adéquatement l’appelante. Par exemple, l’appelante a convenu lors du contre‑interrogatoire qu’elle parcourait chaque jour une distance de 40 kilomètres entre sa maison, à Scarborough, et Brampton, ou bien 80 kilomètres par jour et 400 kilomètres par semaine. Cela représenterait environ 19 000 kilomètres par année. Les frais de déplacement entre le lieu de travail et le domicile ne sont pas déductibles. O’Neil v. The Queen, 2000 DTC 2409, [2001] 1 C.T.C. 2091; Ricketts v. Colquhoun, [1926] A.C. 1.

 

[6]     L’appelante a demandé à son employeur une allocation de 40,5 ¢ ou de 41 ¢ par kilomètre parcouru au titre de frais afférents à un véhicule à moteur. Les montants qu’elle demandait étaient toujours payés par l’employeur, mais ceux‑ci ne représentaient qu’une petite partie du nombre total de kilomètres, soit 27 200 kilomètres, à l’égard desquels elle avait demandé une déduction dans sa déclaration. Si elle avait demandé une allocation pour 27 200 kilomètres et qu’elle avait été payée, elle aurait reçu plus de 11 000 $.

 

[7]     L’alinéa 8(1)h.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») est libellé ainsi :

 

(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

 

[...]

 

h.1) dans le cas où le contribuable, au cours de l’année, a été habituellement tenu d’accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur ou à différents endroits et a été tenu, aux termes de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais afférents à un véhicule à moteur qu’il a engagés dans l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi, les sommes qu’il a dépensées au cours de l’année au titre des frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi, sauf s’il a, selon le cas :

 

(i) reçu une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui, par l’effet de l’alinéa 6(1)b), n’est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l’année,

 

(ii) demandé une déduction pour l’année en application de l’alinéa f);

 

[8]     Je pense que, selon les règles de droit existantes, si un contribuable reçoit une allocation non imposable pour frais afférents à un véhicule à moteur, comme le prévoit le sous‑alinéa 8(1)h.1)(i) (le sous‑alinéa 8(1)h.1)(iii) dans la version anglaise de la Loi), cela ne l’empêche pas de façon absolue de demander la déduction d’autres frais afférents à un véhicule à moteur si le montant remboursé est déraisonnablement bas comparativement aux montants réellement engagés.

 

[9]     Dans la décision Evans v. R., 99 DTC 168, le juge suppléant Porter a formulé les commentaires suivants :

 

[23] Toutefois, l’argument du ministre selon lequel une telle allocation empêche de déduire des frais relatifs à des déplacements différents non couverts par cette allocation pourrait donner lieu à des résultats absurdes, et il est clair que cela n’est pas prévu dans la législation ni appuyé par la jurisprudence sur cette question. Disons, par exemple, que le contribuable était tenu dans le cadre de son emploi de parcourir avec son propre véhicule environ 40 000 kilomètres par année et que, pour quelque raison, il était remboursé par son employeur seulement pour 100 des 40 000 kilomètres. Pourrait‑on dire que cette allocation empêche de déduire du revenu d’emploi les frais de déplacement relatifs aux 39 900 kilomètres restants? Ce serait un résultat absurde, qui n’a pas lieu d’être. L’allocation pourrait être parfaitement raisonnable concernant les déplacements à l’égard desquels elle était versée, mais elle ne devrait avoir aucune incidence sur les déplacements à l’égard desquels elle n’était pas versée.

 

[24] On a traité du même principe dans l’affaire Rozen, précitée, à savoir que, si un contribuable est tenu d’utiliser son véhicule aux fins de son emploi, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur d'une ville, et qu’il n’est toutefois remboursé que pour les déplacements hors de la ville, par une allocation non imposable en vertu du sous‑alinéa 6(1)b)(vii.1), ce contribuable conserve le droit de déduire de son revenu d’emploi les frais relatifs aux déplacements effectués à l’intérieur de la ville, pourvu que cela réponde à tous les autres critères pertinents.

 

[25] À mon avis, l’article est tout à fait sensé si on l’interprète comme indiquant que, si un contribuable reçoit une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui n’est pas incluse dans son revenu imposable par l’effet de l’alinéa 6(1)b), ce contribuable ne peut indiquer d’autres sommes à l’égard de frais afférents à un véhicule à moteur engagés à l’égard des mêmes déplacements (à moins que cela n’entre dans la catégorie de l’indemnité [traduction] « nettement insuffisante » mentionnée dans l’affaire Mina, précitée), même si les frais effectifs étaient supérieurs à l’allocation relative à ces déplacements. Cependant, si ce contribuable engage des frais pour des déplacements autres que ceux qui sont couverts par l’allocation, et ce, dans l’accomplissement de ses fonctions aux termes du contrat d’emploi, explicite ou implicite, l’existence de cette allocation n’empêche pas de déduire ces autres frais du revenu d’emploi en vertu de l’alinéa 8(1)h.1). En bref, l’exception prévue au sous‑alinéa 8(1)h.1)(i) ne se rapporte qu’aux frais relatifs aux déplacements pour lesquels l’allocation a été versée et n’empêche pas de déduire des frais relatifs à des déplacements pour lesquels l’allocation n’a pas été versée.

 

[26] Je suis appuyé dans cette approche par les propos que le juge Strayer tenait dans l’affaire Rozen, précitée, à la page 52 :

 

« Le fait qu’il y ait eu remboursement, fondé sur une indemnité kilométrique fixée par l’employeur, pour l’utilisation de l’automobile à l’extérieur de la ville, n’empêche pas le contribuable de déduire ce genre de dépenses en vertu du sous‑alinéa 8(1)h)(ii) : voir Faubert c. M.R.N. [1979] C.T.C. 2723 (C.R.I.); Cival c. La Reine (1981) 81 D.T.C. 5311, aux pages 5316 et 5317 (C.F.D.P.I.) (décision infirmée pour d’autres motifs par la Cour d’appel fédérale (1983) 83 D.T.C. 5168). [...] »

 

Un peu plus loin dans le même jugement, il disait :

 

« Je crois également que le sous‑alinéa 8(1)h)(ii) peut recevoir une interprétation plus large. Même si le demandeur n’était pas tenu expressément d’utiliser son automobile, il lui fallait payer les frais de déplacement nécessaires pour accomplir ses fonctions, et ceci lui permettrait d’invoquer le sous‑alinéa. La preuve a clairement fait ressortir que pour faire son travail, le demandeur devait se rendre aux bureaux de plusieurs clients. Aucune disposition ne prévoyait le remboursement des frais de déplacement pour se rendre à ces bureaux, sauf s’il s’agissait de bureaux situés à l’extérieur de Vancouver, où l’on accordait à tout le moins une indemnité kilométrique. Si un employé est tenu de se déplacer pour se rendre à son travail, et que son employeur n’est pas prêt à lui verser le montant exact et total du transport, alors cet employé répond aux exigences du sous‑alinéa 8(1)h)(ii). La Cour d’appel fédérale n’avait pas été saisie de cette question dans l’affaire Cival. En se fondant sur cette prémisse, il n’est pas réellement essentiel de déterminer si le demandeur était ou non tenu d’utiliser son automobile : il lui fallait se rendre, avec ses dossiers, aux bureaux des clients de l’entreprise, et il n’existait aucune disposition, du moins dans les circonstances pertinentes à l’espèce, prévoyant que l’employeur s’engageait à payer la totalité des frais de déplacement. »

 

[27] Le jugement Rozen a été cité avec approbation par le juge en chef adjoint Jerome dans l’affaire Mina, précitée, à la page 385 :

 

« [...] Je souscris aux remarques du juge Strayer dans l’affaire Rozen où il a dit que si un employé est tenu de se déplacer pour se rendre à son travail et que son employeur n’est pas prêt à lui verser le montant exact et total du transport, cet employé répond alors aux exigences du sous‑alinéa 8(1)h)(ii). Il reste à déterminer si les frais raisonnables engagés dans la présente affaire étaient couverts par l’indemnité de kilométrage. Si tel n’est pas le cas, ils peuvent être déduits conformément à l’alinéa 8(1)h). »

 

Le juge Rip (maintenant juge en chef adjoint) a examiné cette question en profondeur dans la décision O’Neil v. The Queen, [2001] 1 C.T.C. 2091.

 

[10]    L’appelante s’est fondée sur une politique de l’Agence du revenu du Canada, laquelle interprèterait apparemment les restrictions figurant à l’alinéa 8(1)h.1) de façon à permettre au contribuable, dans certaines circonstances, la déduction de frais afférents à un véhicule automobile en sus de l’allocation qu’il a déjà reçu. Il en serait ainsi lorsque les montants remboursés seraient déraisonnablement bas ou lorsqu’une allocation n’aurait été accordée que pour certains frais. Cela est conforme aux commentaires formulés dans la jurisprudence précitée.

 

[11]    Ce n’est toutefois pas le cas en l’espèce. L’appelante a bel et bien reçu une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui n’a pas été incluse dans son revenu. Rien dans la preuve n’indique que l’allocation de 40,5 ¢ ou de 41 ¢ par kilomètre était déraisonnable. En effet, son employeur lui a payé la totalité du montant qu’elle avait demandé. Selon moi, on peut déduire à juste titre que si elle avait demandé un montant plus élevé, elle l’aurait reçu.

 

[12]    De plus, je ne suis pas convaincu que le montant dont l’appelante demande la déduction serait pleinement déductible, même si la déduction n’était pas limitée par le sous‑alinéa 8(1)h.1)(i) (le sous‑alinéa 8(1)h.1)(iii) dans la version anglaise de la Loi). L’appelante a parcouru plus ou moins 19 000 kilomètres lors de ses déplacements entre sa maison et son lieu de travail. Comme je l’ai déjà mentionné, ces frais ne sont pas déductibles.

 

[13]    Par conséquent, les appels seront rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d’août 2007.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’août 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

RÉFÉRENCE :                                  2007CCI451

 

NO DU DOSSIER :                            2006-2313(IT)I

 

INTITULÉ :                                       KAREN HENRY c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 5 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 3 août 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

 

Avocat de l’intimée :

MLaurent Bartleman

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

                          Nom :                     

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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