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Dossier : 2003-3612(IT)I

ENTRE :

Syed Yousuf Ahmad,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 16 janvier 2004 à Edmonton (Alberta)

 

Devant : L’honorable juge Brent Paris

 

Comparutions :

 

Représentant l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Julie Rogers-Glabush

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

Sur requête de l’intimée pour obtenir une ordonnance rejetant l’appel déposé par l’appelant concernant l’année d’imposition 1997, au motif que la question soulevée dans l’avis d’appel est res judicata et que l’appelant n’a pas le droit de s’opposer aux nouvelles cotisations en question ou d’appeler de ces nouvelles cotisations;

 

Après avoir lu l’affidavit produit par Brent Aylesworth;

 

Après avoir entendu les allégations des parties;

 

                                                                                                        


 

La requête de l’intimée est accueillie, et le soi-disant appel est annulé par les présentes. 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de février 2004.

 

 

 

 

« Brent Paris »

Le juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour d’avril 2005.

 

 

 

Colette Dupuis-Beaulne, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2004TCC149

Date : 20040220

Dossier : 2003-3612(IT)I

ENTRE : 

Syed Yousuf Ahmad,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]     L’intimée a présenté une demande d’ordonnance annulant l’appel interjeté par l’appelant. À titre subsidiaire, l’intimée demande une ordonnance lui accordant une prolongation de 30 jours pour répondre à l’avis d’appel.

 

[2]     Avant de porter ce jugement en appel, l’appelant avait fait appel avec succès devant la Cour canadienne de l’impôt d’une nouvelle cotisation établie pour la même année d’imposition. Il interjette maintenant appel contre la nouvelle cotisation qui a été établie par le ministre du Revenu national à la suite du jugement rendu par cette cour dans le cadre du premier appel. L’intimée souhaite mettre fin à l’appel interjeté cette fois-ci par l’appelant, parce que dans son jugement rendu dans le cadre du premier appel, la Cour a tranché définitivement les questions qui sont soulevées maintenant.  

 

[3]     Pour comprendre les positions des deux parties, il faut énoncer en détail le contexte et les antécédents du premier appel interjeté par l’appelant.[1]

 

[4]     L’appelant a travaillé pour Énergie atomique du Canada limitée (EACL) de 1967 à 1987. En 1984, il a été rétrogradé par EACL à cause de certaines mesures prises par son principal client, Ontario Hydro. En août 1986, l’appelant a intenté une action contre Ontario Hydro auprès de la Cour supérieure de l’Ontario, pour incitation à violation de contrat.

 

[5]     Le 24 décembre 1993, la Cour supérieure de l’Ontario a donné gain de cause à l’appelant contre Ontario Hydro et lui a accordé des dommages-intérêts généraux de 488 525 $, des dommages-intérêts pour libelle diffamatoire de 40 000 $ et des intérêts sur les montants en question.

 

[6]     Le 22 juillet 1997, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé le jugement et les dommages-intérêts accordés en première instance. L’appelant a reçu les dommages-intérêts indiqués ci-dessus, ainsi que les intérêts s’y rapportant que voici :

 

Intérêts avant jugement [2]           388 212 $

 

Intérêts après jugement [3]           199 371 $

 

Intérêts quotidiens [4]                     6 329 $

 

[7]     Le montant total des intérêts avant jugement et après jugement se rapportant aux dommages-intérêts généraux (par opposition aux dommages-intérêts versés pour libelle diffamatoire) s’élève à 548 965 $.

 

[8]     Le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation pour l’appelant le 16 mars 2001, afin d’inclure les dommages-intérêts généraux de 488 525 $ et les intérêts de 548 965 $ dans son revenu pour 1997.

 

[9]     L’appelant s’est opposé à cette nouvelle cotisation. Dans son avis d’opposition, l’appelant a présenté comme suit les questions en litige :

                  

                        [TRADUCTION]

a) si les dommages-intérêts reçus pour délit d’incitation à violation de contrat sont considérés comme un revenu;

 

b) si un montant constituant des intérêts accordés relativement à un jugement en dommages-intérêts est considéré comme un revenu;

 

c) si les frais de justice engagés pour intenter une action pour délit d’incitation à violation de contrat sont déductibles dans le calcul du revenu. [5]

 

[10]    Le ministre a par la suite confirmé la nouvelle cotisation, et l’appelant en a appelé à la Cour canadienne de l’impôt.

 

[11]    Dans l’avis d’appel, l’appelant a présenté comme suit les questions en litige :

[TRADUCTION]

a) si les dommages-intérêts reçus pour délit d’incitation à violation de contrat sont considérés comme un revenu;

 

b) si le montant constituant des intérêts pour la période antérieure à la date d’attribution des dommages-intérêts est considéré comme un revenu. [6]

 

[12]    À l’ouverture de l’audition d’appel, l’avocat de l’appelant a fait la déclaration suivante à la Cour :

 

[TRADUCTION]

« Pour les besoins de la Cour, nous soutenons que les intérêts avant jugement font simplement partie des dommages-intérêts, qu’ils ne sont pas des intérêts et qu’ils ne sont pas assujettis à l’impôt. Ceci ne s’applique pas aux intérêts après jugement, étant donné que ceux-ci ont été accordés à la suite de la décision rendue par le juge Williams lors du procès. » [7]

 

[13]    Le juge Miller a rendu son jugement et les motifs du jugement sur l’appel le 11 septembre 2002. Dans les motifs du jugement, il a énoncé comme suit les questions en litige : 

 

[TRADUCTION]

a) si les dommages-intérêts généraux représentent un revenu en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu en tant qu’allocation de retraite, soit une somme reçue à titre de dommages-intérêts à l’égard de la perte d’une charge ou d’un emploi; [et]

 

b) si le montant constituant des intérêts avant jugement est inclus dans le revenu à titre d’intérêts en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu.[8]

 

[14]    Il a conclu que les dommages-intérêts généraux ne répondaient pas à la définition de « allocation de retraite » et que les intérêts n’étaient pas visés par l’alinéa 12(1)c). Par conséquent, il a accueilli l’appel et renvoyé l’affaire au ministre du Revenu national pour que celui-ci établisse une nouvelle cotisation étant donné que les dommages-intérêts généraux et les intérêts avant jugement n’étaient pas imposables pour l’appelant.

 

[15]    Le 25 octobre 2002, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l’appelant pour l’année d’imposition 1997 afin d’exclure les dommages-intérêts généraux et les intérêts avant jugement de son revenu[9]. Une autre nouvelle cotisation a été établie le 18 décembre 2002 pour annuler une pénalité qu’on avait omis d’annuler dans la nouvelle cotisation précédente[10].

 

[16]    Le 30 décembre 2002, l’appelant a signifié son opposition aux nouvelles cotisations du 25 octobre 2002 et du 18 décembre 2002. Le ministre n’a pas donné suite aux oppositions vu que l’appelant n’avait pas le droit de s’opposer aux nouvelles cotisations, selon le paragraphe 165(1.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[17]    L’appelant appelle maintenant de ces deux nouvelles cotisations à la Cour canadienne de l’impôt pour savoir si les intérêts après jugement et les intérêts quotidiens sur les dommages-intérêts généraux devaient être inclus dans son revenu de l’année d’imposition 1997, et l’intimée a introduit cette requête pour annuler l’appel.

 

[18]    Les motifs de l’intimée sont les suivants :

 

[TRADUCTION]

1.         La question soulevée dans l’avis d’appel, l’imposition des intérêts après jugement, est chose jugée, étant donné que la question relevait d’une cause d’action entre les mêmes parties et sur laquelle la Cour canadienne de l’impôt a rendu une décision judiciaire finale;

 

2.         Le paragraphe 165(1.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu interdit à l’appelant de s’opposer à une nouvelle cotisation établie à la suite d’une ordonnance d’un tribunal qui annule, modifie ou rétablit la cotisation ou la renvoie au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, lorsque la question a été tranchée définitivement par la Cour;

 

3.         Le paragraphe 169(2) interdit à l’appelant d’appeler d’une nouvelle cotisation établie à la suite d’une ordonnance d’un tribunal qui annule, modifie ou rétablit la cotisation ou la renvoie au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, lorsque la question a été tranchée définitivement par la Cour.

 

[19]    L’intimée soutient que l’appelant a soulevé la question de l’assujettissement à l’impôt des intérêts après jugement et des intérêts quotidiens dans l’avis concernant son premier appel, et qu’à l’audition de l’appel, l’avocat de l’appelant a admis que ces montants étaient imposables. En revanche, l’intimée soutient que si je concluais que la question n’avait pas été soulevée dans l’appel, il s’agirait d’une question liée aux questions soulevées dans l’appel et d’une question qui aurait pu être soulevée à l’époque. De toute façon, selon le principe de la chose jugée et le paragraphe 165(1.1) de la Loi, l’appelant n’a pas le droit de s’opposer aux nouvelles cotisations, et selon le paragraphe 169(2), il n’a pas le droit d’appeler des nouvelles cotisations. Les dispositions pertinentes se lisent comme suit :  

 

165(1.1) Malgré le paragraphe (1), dans le cas où, à un moment donné, le ministre établit une cotisation concernant l’impôt, les intérêts, les pénalités ou d’autres montants payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou détermine un montant à l’égard d’un contribuable :

 

a)         soit en application du paragraphe 67.5(2), du sous-alinéa 152(4)(b)i) ou des paragraphes 152(4.3) ou (6) ou 164(4.1), 220(3.4) ou 245(8) ou en conformité avec l’ordonnance d’un tribunal qui annule, modifie ou rétablit la cotisation ou la renvoie au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation;

 

b)         soit en application du paragraphe (3), à la suite d’un avis d’opposition relatif à une cotisation établie ou un montant déterminé en application des dispositions visées à l’alinéa a) ou dans les circonstances qui y sont indiquées;

 

c)         soit en application d’une disposition d’une loi fédérale exigeant l’établissement d’une cotisation qui, sans cette disposition, ne serait pas établie en vertu des paragraphes 152(4) à (5),

 

le contribuable peut faire opposition à la cotisation ou au montant déterminé dans les 90 jours suivant la date de mise à la poste de l’avis de cotisation ou de l’avis portant qu’un montant a été déterminé seulement dans la mesure où il est raisonnable de considérer que les motifs d’opposition sont liés à une question qui a donné lieu à la cotisation ou au montant déterminé et que le tribunal n’a pas tranchée définitivement; toutefois, le présent paragraphe n’a pas pour effet de limiter le droit du contribuable de s’opposer à quelque cotisation établie ou montant déterminé avant le moment donné.   

 

 

169(2)  Malgré le paragraphe (1), dans le cas où, à un moment donné, le ministre établit une cotisation concernant l’impôt, les intérêts, les pénalités ou d’autres montants payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou détermine un montant à l’égard d’un contribuable :

 

a)         soit en application des paragraphes 67.5(2) ou 152(1.8), du sous-alinéa 152(4)b)(i) ou des paragraphes 152(4.3) ou (6), 164(4.1), 220(3.4) ou 245(8) ou en conformité avec l’ordonnance d’un tribunal qui annule, modifie ou rétablit la cotisation ou la renvoie au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation;

 

b)         soit en application du paragraphe 165(3), à la suite d’un avis d’opposition relatif à une cotisation établie ou un montant déterminé en application des dispositions visées à l’alinéa a) ou dans les circonstances qui y sont indiquées;

 

c)         soit en application d’une disposition d’une loi fédérale exigeant l’établissement d’une cotisation qui, sans cette disposition, ne serait pas établie en vertu des paragraphes 152(4) à (5),

 

le contribuable peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt dans le délai précisé au paragraphe (1) seulement dans la mesure où il est raisonnable de considérer que les motifs d’appels sont liés à l’une des questions suivantes que la Cour n’a pas tranchée définitivement :

 

d)         dans le cas où la cotisation a été établie ou le montant, déterminé en application du paragraphe 152(1.8), une question précisée aux alinéas  152(1.8)a), b) ou c);

 

e)         dans les autres cas, une question qui a donné lieu à la cotisation ou au montant déterminé.

 

Toutefois, le présent paragraphe n’a pas pour effet de limiter le droit du contribuable d’en appeler de quelque cotisation établie ou un montant déterminé avant le moment donné.

 

[20]    L’appelant soutient que les questions concernant les intérêts après jugement et les intérêts quotidiens n’ont pas été tranchées définitivement par la Cour dans son jugement rendu le 11 septembre 2002, parce que ces questions n’ont pas été et n’auraient pas pu être soulevées dans l’appel en question.

 

[21]    La Cour d’appel fédérale a examiné la portée des restrictions prévues au paragraphe 165(1.1) et concernant le droit du contribuable de s’opposer à une nouvelle cotisation dans l’affaire Chevron Canada Resources Ltd. c. La Reine[11]. Dans cette affaire, le contribuable a signifié un avis d’opposition relatif à une nouvelle cotisation établie à la suite d’un jugement sur consentement de cette cour. L’avis d’opposition portait sur des questions qui avaient été traitées dans l’entente conclue entre les deux parties et sur de nouvelles questions qui n’avaient pas déjà fait l’objet d’une opposition. Les parties ont présenté une requête à cette cour en vertu de l’article 173 de la Loi de l’impôt sur le revenu, pour déterminer si le contribuable avait été privé du droit de produire les avis d’opposition selon les dispositions du paragraphe 165(1.1).

 

[22]    Selon le juge Bowman, J.C.A., il était raisonnable de considérer que les nouvelles questions auxquelles s’opposait le contribuable étaient liées aux questions qui avaient donné lieu aux nouvelles cotisations et qui n’avaient pas été tranchées définitivement devant la Cour. Par conséquent, le paragraphe 165(1.1) ne privait pas le contribuable de s’opposer à ces questions.

 

[23]    Lors de l’instruction de l’appel, la Cour a confirmé la conclusion selon laquelle il était raisonnable de considérer que les nouvelles questions étaient liées aux questions qui avaient donné lieu aux nouvelles cotisations, mais elle a infirmé la conclusion selon laquelle la Cour canadienne de l’impôt n’avait pas tranché définitivement ces questions dans son jugement sur consentement. Aussi, le paragraphe 165(1.1) interdisait au contribuable de s’opposer aux nouvelles cotisations à l’égard de ces questions. La Cour d’appel a rejeté l’argument du contribuable selon lequel le jugement sur consentement ne faisait que trancher les questions précises qu’il visait, pas plus. Elle a soutenu que, selon le principe de la chose jugée, le jugement d’un tribunal tranche définitivement toutes les questions pour lesquelles des décisions n’ont pas été rendues mais qui sont liées à la question en litige, y compris celles qui auraient pu être soulevées à l’époque. La Cour a fait référence aux commentaires suivants formulés par le Comité judiciaire du Conseil privé dans l’affaire Thomas v. Trinidad & Tobago (Attorney General)[12]:

 

Les principes applicables en matière de chose jugée ne sont pas contestés et ont été examinés en détail dans le jugement de la Cour d'appel. L'intérêt public exige qu'il y ait un terme aux litiges et que personne ne devrait faire l'objet d'une action intentée par la même personne plus d'une fois sur la même question. Ce principe ne s'applique pas seulement lorsque le redressement recherché et les motifs invoqués sont les mêmes dans la deuxième action que dans la première, mais aussi lorsque l'objet des deux actions est le même et que l'on cherche à invoquer dans le cadre de la deuxième action des questions de fait ou de droit directement liées qui auraient pu être soulevées dans le cadre de la première action mais qui ne l'ont pas été. L'énoncé classique sur le sujet se trouve dans l'extrait suivant du jugement rendu par le vice-chancelier Wigram dans Henderson v. Henderson (1843), 3 Hare 100, à la page 115 :

«… lorsqu'une question donnée devient l'objet d'un litige devant être tranché par un tribunal compétent, la cour exige des parties à ce litige qu'elles fassent valoir l'ensemble des éléments de leur affaire et elle ne leur permettra pas (à moins de circonstances exceptionnelles) de revenir avec le même objet dans un autre litige relativement à des questions qui auraient pu être soulevées dans le cadre du premier litige mais qui ne l'ont pas été uniquement parce que les parties ont, par négligence, par erreur ou même en raison d'un cas fortuit, omis de soulever certains éléments. Le principe de la chose jugée s'applique, à moins de circonstances exceptionnelles, non seulement aux éléments sur lesquels les parties ont expressément demandé à la cour de se prononcer,  mais aussi à chacun des éléments qui font logiquement partie de l'objet du litige et que les parties auraient pu soulever à l'époque si elles avaient fait preuve de diligence raisonnable. »      (C’est nous qui soulignons.)

 

[24]    La Cour a conclu que le paragraphe 165(1.1) permettait que d’autres oppositions soient produites à la suite de nouvelles cotisations établies conformément à un jugement de la Cour « relativement à des questions litigieuses liées à la question qui a donné lieu à [la nouvelle cotisation] mais dont l’existence n’était pas connue au moment du litige antérieur. »

 

[25]    La Cour a soutenu que le jugement sur consentement avait tranché définitivement toutes les questions qui avaient donné lieu aux nouvelles cotisations, y compris toutes les questions qui n’avaient pas été tranchées mais qui étaient liées.

 

[26]    Dans ce cas-ci, je suis convaincu que la question de savoir si les intérêts après jugement et les intérêts quotidiens étaient imposables n’a pas été soulevée par l’appelant dans l’avis d’appel concernant son premier appel. Dans l’avis d’appel, [TRADUCTION] « intérêts se rapportant à la période antérieure à la détermination du jugement en dommages-intérêts »[13] concerne seulement les  intérêts avant jugement. Les commentaires que l’avocat de l’appelant a faits à l’ouverture de l’audience devant le juge Miller selon lesquels les intérêts après jugement étaient acceptés comme imposables visaient à expliquer que cette question en particulier ne faisait pas l’objet du litige.

 

[27]    Toutefois, je suis également convaincu que cette question était liée à la question faisant l’objet du litige devant la Cour à l’époque. À ce moment là, l’appelant contestait la façon dont le ministre avait imposé certains dommages-intérêts et intérêts qu’il avait reçus à la suite de son action en justice contre Ontario Hydro. Tous les intérêts que l’appelant avait reçus étaient liés aux dommages-intérêts accordés par la Cour dans l’action contre Ontario Hydro, et la question de savoir si les composantes des intérêts étaient imposables était interdépendante.

 

[28]    Même si j’avais conclu que la question que l’appelant essaie de soulever maintenant n’était liée à aucune des questions soulevées dans son premier appel, il s’agit d’une question qu’il aurait pu soulever dans le cadre du premier appel. Il me semble qu’elle a été soulevée dans son opposition initiale. La description des questions énoncées dans l’avis d’opposition initial de l’appelant portait sur les points suivants :

 

[TRADUCTION]

(b) si un montant constituant des intérêts accordés relativement à un jugement en dommages-intérêts est considéré comme un revenu;[14]

 

[29]    D’après cet énoncé, je conclus qu’à ce stade de la procédure, l’appelant avait eu l’intention de mettre en cause l’assujettissement à l’impôt de tous les intérêts qu’il avait reçus à la suite de son procès, y compris les intérêts après jugement et les intérêts quotidiens. Les commentaires faits par son avocat à l’audience et que j’ai cités ci-dessus indiquent que la question des intérêts après jugement avait été examinée de façon approfondie à ce stade-là, et que l’appelant avait décidé de ne pas la soulever dans le cadre de l’appel.

 

[30]    Rien dans les éléments de preuve ne m’indique qu’il était impossible pour l’appelant de soulever la question au cours du premier appel, s’il l’avait voulu. Je n’accepte pas l’explication de l’appelant selon laquelle la question était trop complexe pour être soulevée dans le premier appel, parce que l’assujettissement à l’impôt des intérêts après jugement et des intérêts quotidiens dépendait du résultat de l’examen des autres questions soulevées dans l’appel, notamment la question de savoir si les dommages-intérêts accordés par la Cour supérieure de l’Ontario représentaient une allocation de retraite. Souvent dans un procès, la détermination d’une question particulière influence la détermination des questions liées, mais ceci ne soustrait pas une partie à l’obligation de soulever en même temps toutes les questions prévisibles qui sont liées. Sinon, comme cela a été signalé, il n’y aurait pas de fin aux actions en justice.

 

[31]    Il n’y a pas non plus d’éléments de preuve de circonstances spéciales qui me permettraient de faire abstraction du principe de la chose jugée. L’appelant n’a tout simplement pas soulevé une question qui aurait pu et, s’il l’avait voulu, aurait dû être soulevée dans le cadre du premier appel.

 

[32]    Pour ces raisons, je trouve que les questions soulevées par l’appelant dans les avis d’opposition et d’appel les plus récents ont été tranchées définitivement dans le jugement rendu par le juge Miller, le 11 septembre 2002. Par conséquent, l’alinéa 165(1.1)e) lui interdit de s’opposer à la nouvelle cotisation établie le 25 octobre 2002, et l’alinéa 169(2)e), d’en appeler. La requête de l’intimée est accueillie, et l’appel rejeté par les présentes.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de février 2004.

 

 

 

 

« Brent Paris »

Le juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour d’avril 2005.

 

 

 

Colette Dupuis-Beaulne



[1] Sauf indication contraire, les faits sont tirés des motifs du jugement du juge Miller — Ahmad c. Canada, 2002 D.T.C. 2065.

[2] Pour la période allant de 1986 au 24 décembre 1993 — date du jugement de la Cour supérieure de l’Ontario.

[3] Pour la période allant de la date du jugement de la Cour supérieure de l’Ontario au 22 juillet 1997 – date du jugement de la Cour d’appel de l’Ontario.

[4] Pour la période allant de la date du jugement de la Cour d’appel de l’Ontario à la date où l’appelant a reçu le paiement – octobre 1997. 

[5] Pièce F, affidavit de Brent Aylesworth.

[6] Pièce H, affidavit de Brent Aylesworth.

[7] Pièce I, affidavit de Brent Aylesworth.

[8] Supra, note 1.

[9] Pièce K, affidavit de Brent Aylesworth.

[10] Pièce L, affidavit de Brent Aylesworth.

[11] [1999] 1 F.C. 349.

[12] (1990), 115 N.R. 313 (Trinidad & Tobago P.C.), à la page 316.

[13] Pièce H, affidavit de Brent Aylesworth, alinéa 11(b).

[14] Pièce F, affidavit de Brent Aylesworth, alinéa 13 b).

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