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Dossier : 2003-835(GST)G

ENTRE :

PETER V. ABRAMETZ,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 31 octobre 2006, à Prince Albert (Saskatchewan).

 

Devant : L’honorable juge G. Sheridan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me James H.W. Sanderson

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Lyle Bouvier

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

       L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis porte le numéro 68370, est rejeté, et les dépens sont adjugés à l’intimée, conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

          Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 5e jour de juin 2007.

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

Référence : 2007CCI316

Date : 20070605

Dossier : 2003-835(GST)G

ENTRE :

PETER V. ABRAMETZ,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     L’appelant, Peter V. Abrametz, interjette appel de l’avis de cotisation numéro 68370, établi par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »). Selon le ministre, l’appelant, à titre de seul administrateur de Mada Construction Company Ltd. (la « société »), est tenu, en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi, de payer la taxe nette que la société a omis de verser pour la période du 1er mai 1991 au 31 octobre 1994, ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

 

[2]     Pour établir la cotisation, le ministre s’est fondé sur les hypothèses énoncées au paragraphe 9 de la réponse à l’avis d’appel :

         

          [traduction]

[…]

b)         pendant toute la période pertinente, l’appelant était l’unique administrateur de la société;

 

c)         pendant toute la période pertinente, l’appelant était l’unique actionnaire de la société;

 

d)         la société a été constituée en Saskatchewan le 6 février 1991;

 

e)         la société a été radiée du registre de la Direction des corporations de la Saskatchewan le 29 juillet 1994;

 

f)                    la société construisait des maisons et des immeubles;

 

g)         la société était inscrite pour l’application de la Loi depuis le 1er janvier 1991, sous le numéro d’inscription aux fins de la TPS 127799203;

 

h)         pendant toute la période pertinente, la société se livrait à des activités commerciales et faisait des fournitures qui étaient taxables à 7 pour cent;

 

i)          pendant toute la période pertinente, la société a perçu la taxe sur les fournitures qu’elle faisait conformément à la partie IX de la Loi;

 

j)          la société était tenue de produire ses déclarations aux trois mois, et son exercice se terminait le 31 octobre;

 

k)         la société a omis de produire ses déclarations à temps et a omis de verser la taxe nette ainsi que les intérêts et les pénalités afférents, comme suit :

 

Date de fin de la période

Date limite de production de la déclaration

Date de production de la déclaration 

Taxe nette

Intérêts

Pénalité

Solde

31 janv. 1992

28 févr. 1992

12 juill. 1994

6 700,36

12 238,36

14 318,32

33 257,04

30 avril 1992

31 mai 1992

12 juill. 1994

0,00

198,42

240,57

438,99

31 juill. 1992

31 août 1992

23 févr. 1995

1 574,58

1 539,51

1 861,82

4 975,91

31 oct. 1992

30 nov. 1992

23 févr. 1995

598,52

487,13

589,93

1 675,58

31 oct. 1994

30 nov. 1994

28 mars 1995

16 706,13

22 788,72

26 801,90

66 296,75

 

 

 

25 579,59

37 252,14

43 812,54

106 644,27

 

l)          la société a produit ses déclarations et déclaré la taxe nette pour les périodes de déclaration se terminant entre le 1er mai 1991 et le 31 octobre comme l’indique l’annexe A;

 

m)        la société a omis de verser les montants de taxe nette qu’elle avait déclarés sur les déclarations produites pour les périodes de déclaration se terminant entre le 1er mai 1991 et le 31 octobre 1994;

 

n)         au moyen d’un avis de cotisation daté du 13 décembre 1996, une cotisation de taxe nette supplémentaire de 16 706,13 $ a été établie à l’égard de la société, comme l’indique l’annexe A;

 

o)         la taxe nette supplémentaire susmentionnée a été incluse dans la taxe nette payable pour la période se terminant le 31 octobre 1994;

 

p)         la cotisation relative à la responsabilité d’un administrateur établie à l’égard de l’appelant comprend la taxe nette que la société a omis de verser au receveur général pour les périodes de déclaration se terminant entre le 1er mai 1991 et le 31 octobre 1994;

 

q)         le 6 juin 1996, le 4 mars 1997 et le 21 novembre 2001, le ministre a délivré des certificats (les « certificats »), conformément à l’article 316 de la Loi, qui attestaient les montants de la taxe nette, des intérêts et des pénalités non versés que la société devait payer;

 

r)          les certificats ont été enregistrés à l’égard de la société à la Cour fédérale du Canada le 6 juin 1996, le 4 mars 1997 et le 21 novembre 2001, respectivement;

 

s)         des brefs de fieri facias ont été délivrés par la Cour fédérale du Canada à l’égard de la société le 6 juin 1996, le 13 mars 1997 et le 21 novembre 2001, respectivement;

 

t)          les brefs à l’égard de la société demeurent non exécutés, en totalité ou en partie;

 

u)         l’appelant participait activement aux activités de la société;

 

v)         l’appelant a omis de veiller à ce que la société ait un système assurant la perception, la déclaration et le versement adéquats de la taxe nette;

 

w)        l’appelant est solidairement tenu, avec la société, de payer la taxe nette non versée ainsi que les intérêts et les pénalités afférents non payés;

 

x)         l’appelant n’a pas agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir l’omission de la société de verser les montants détaillés à l’alinéa 9k) ci‑dessus que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

[3]     À l’audience, l’avocat de l’appelant a informé la Cour que l’appelant contesterait la cotisation en se fondant uniquement sur l’inexactitude de la vérification et de l’établissement de la cotisation pour ce qui est de la TPS due par la société. Par conséquent, l’appelant n’a présenté aucun élément de preuve pour réfuter les hypothèses du ministre relatives à son manque de diligence raisonnable.

 

[4]     L’appelant doit d’abord surmonter un obstacle juridique : peut‑il remettre en question l’exactitude de la cotisation établie à l’égard de la société en contestant la validité de la cotisation établie à son égard en sa qualité d’administrateur de la société contribuable? Comme les deux avocats l’ont indiqué dans leurs observations, la jurisprudence est divisée sur cette question[1]. À mon avis, toutefois, puisque la cotisation établie à l’égard de la société est à l’origine de la cotisation établie à l’égard de l’administrateur contribuable, il est à la fois juste et sensé que la première cotisation puisse être contestée dans le cadre de l’appel que le contribuable interjette à l’égard de sa propre obligation fiscale. Le juge Rothstein de la Cour d’appel fédérale (tel était alors son titre) a déclaré, dans l’affaire Gaucher v. R.:

 

[6]        […] Il existe une règle fondamentale relevant de la justice naturelle selon laquelle, sous réserve d’une disposition législative à l’effet contraire, une personne non partie à une instance ne saurait être liée par le jugement qui y est prononcé à l’égard d’autres parties. L’appelante n’était pas partie à l’instance intervenue entre le ministre et son ex-mari au sujet de la nouvelle cotisation. Cette instance n’avait aucunement pour objet de lui imposer une obligation fiscale. Bien qu’elle ait pu être témoin dans cette instance, elle n’y était pas partie et ne pouvait donc pas y soulever des moyens de défense à l’égard de la cotisation de son ancien mari.

 

[7]        Lorsque le ministre établit une cotisation à titre dérivé en application du paragraphe 160(1), il invoque une disposition législative particulière qui l’autorise à demander paiement à une seconde personne pour la cotisation d’impôt visant un premier contribuable. Cette seconde personne doit jouir d’un plein droit de défense pour contester la cotisation établie à son endroit, y compris celui d’attaquer la cotisation primaire sur laquelle se fonde la cotisation touchant la seconde personne.

 

[8]        Ce point de vue a été formulé par certains juges de la Cour canadienne de l’impôt. Voir, par exemple, les affaires Acton c. La Reine (1994), 95 D.T.C. 107, page 108, juge Bowman; Ramey c. La Reine (1993), 93 D.T.C. 791, page 792, juge Bowman; Thorsteinson c. M.R.N. (1980), 80 D.T.C. 1369, page 1372, juge Taylor. Bien que l’opinion contraire ait été mise de l’avant dans l’arrêt Schafer (A.) c. Canada, [1998] G.S.T.C. 7-1, pages 7 à 9 (appel rejeté pour cause de retard [30 août 1999], A-258-98 [C.A.F.]), je suis d’avis que cette opinion est erronée. Il me semble que cette approche omet de tenir compte du fait que se trouvent en litige deux cotisations distinctes établies par le ministre à l’égard de deux contribuables différents. Dès lors que la cotisation visant le premier contribuable revêt un caractère définitif, que ce soit parce que le premier contribuable n’a pas interjeté appel de la cotisation ou que celle-ci a été confirmée par la Cour canadienne de l’impôt (ou un tribunal d’instance supérieure lors d’un appel subséquent), cette cotisation devient définitive et elle lie tant le premier contribuable que le ministre. La cotisation fixée en application du paragraphe 160(1) à l’égard d’un second contribuable ne peut influer sur la cotisation établie par le ministre relativement au premier contribuable.

 

[9]        En outre, comme le second contribuable en l’espèce n’était pas partie à l’instance entre le ministre et le premier contribuable, il n’est pas lié par la cotisation visant le premier contribuable. Le second contribuable est autorisé à soulever tous les moyens de défense que le premier contribuable aurait pu invoquer à l’égard de la cotisation primaire. Il peut arriver que la cotisation du second contribuable soit annulée ou que le montant de celle-ci soit réduit à une somme moins élevée que celle fixée par la cotisation touchant le premier contribuable, mais ces mesures n’ont évidemment aucune incidence sur la cotisation relative au premier contribuable, à l’égard duquel la cotisation primaire était définitive et exécutoire.

 

[5]     Puis, l’appelant doit s’acquitter du fardeau de prouver que les montants fixés dans la cotisation établie à l’égard de la société, indiqués aux alinéas 9g) à p) de la réponse à l’avis d’appel, sont erronés. L’appelant n’a pas témoigné. Le seul témoin appelé à déposer était M. Reid McLeod, comptable agréé ayant près de 30 ans d’expérience. Il a décrit avec beaucoup de sérieux et de franchise la portée de son analyse de la cotisation établie à l’égard de la société. J’ai trouvé que son témoignage était entièrement crédible; le point faible de sa preuve touchait au caractère limité de son rôle auprès de la société et des renseignements que l’appelant lui avait fournis aux fins de son examen.

 

[6]     M. McLeod ne traitait pas avec la société avant que l’appelant ne lui demande, en 2001, d’examiner le rapport de vérification de la TPS concernant la société. Il a témoigné que les documents qui lui avaient été fournis étaient [traduction] « très désorganisés » et que son examen avait été [traduction] « plutôt limité aux documents de travail de la vérification reçus de Revenu Canada et à la comparaison de l’analyse des dépôts qui avait été faite avec les relevés bancaires de la Banque Royale et les relevés bancaires de la Prince Albert Credit Union[2] ». Il ne disposait pas des états financiers ou d’autres dossiers de la société qu’il aurait pu comparer aux relevés bancaires. Il a déclaré que, d’après les documents fournis par l’appelant, il n’était pas en mesure de se prononcer sur l’exactitude des déclarations de TPS produites par la société. Il a convenu avec l’avocat de l’intimée qu’il avait essentiellement essayé de remonter dans le temps à partir de la cotisation et a exprimé l’opinion selon laquelle il ne s’agissait pas de la meilleure façon de procéder.

 

[7]     Compte tenu du témoignage du propre témoin de l’appelant, je ne puis conclure que des erreurs ont été faites, le cas échéant, dans la cotisation établie par le ministre à l’égard de la TPS que la société devait, ou de décider dans quelle mesure les erreurs ont pu influer sur les montants tenus pour acquis à l’alinéa 9k) de la réponse à l’avis d’appel. Par conséquent, je ne dispose pas d’une preuve suffisante pour conclure que la cotisation établie par le ministre à l’égard de la société était inexacte. Comme il s’agissait du seul moyen d’appel de l’appelant, l’appel est rejeté, et les dépens sont adjugés à l’intimée.

 

          Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 5e jour de juin 2007.

 

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI316

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2003-835(GST)G

 

INTITULÉ :                                       Peter V. Abrametz c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Prince Albert (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 31 octobre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 5 juin 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me James H. W. Sanderson

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Lyle Bouvier

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      Sanderson, Balicki, Popescul

                                                          Prince Albert (Saskatchewan)

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Gaucher v. R., 2000 DTC 6678; Kern v. R., 2005 DTC 754; Lau v. R., 2002 DTC 2212; Maillé c. R., 2005 G.T.C. 888; Parisien c. R., [2004] G.S.T.C. 45; Schuster v. R., [2001] G.S.T.C. 91; Wiens v. R., [2003] G.S.T.C. 121; Zaborniak v. R., [2004] G.S.T.C. 110.

[2] Page 24 de la transcription, lignes 15 à 19.

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