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Dossier : 96‑1457(IT)G

ENTRE :

2530‑1284 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Ralph E. Faraggi (96‑1458(IT)G), de Robert Langlois (96‑1459(IT)G) et de 2529‑1915 Québec Inc. (96‑1460(IT)G)

du 16 au 19 janvier 2006 et les 23 et 24 janvier 2006

à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge en chef adjoint Gerald J. Rip

 

Comparutions :

Avocats des appelants :

Me Bertrand Leduc

Me Lysane Tougas

Avocats de l'intimée :

Me Daniel Marecki

Me Christina Ham

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1987 est rejeté.

 

          Un ensemble de dépens sera accordé à l'intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mai 2007.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef adjoint Rip

 


 

 

Dossier : 96‑1458(IT)G

ENTRE :

RALPH E. FARAGGI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

2530‑1284 Québec Inc. (96‑1457(IT)G), de Robert Langlois (96‑1459(IT)G) et de 2529‑1915 Québec Inc. (96‑1460(IT)G)

du 16 au 19 janvier 2006 et les 23 et 24 janvier 2006 à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge en chef adjoint Gerald J. Rip

 

Comparutions :

Avocats des appelants :

Me Bertrand Leduc

Me Lysane Tougas

Avocats de l'intimée :

Me Daniel Marecki

Me Christina Ham

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1987 et 1988 sont rejetés.

 

          Un ensemble de dépens sera accordé à l'intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mai 2007.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef adjoint Rip

 


 

 

Dossier : 96‑1459(IT)G

ENTRE :

ROBERT LANGLOIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

2530‑1284 Québec Inc. (96‑1457(IT)G), de Ralph E. Faraggi (96‑1458(IT)G) et de 2529‑1915 Québec Inc. (96‑1460(IT)G) du 16 au 19 janvier 2006 et les 23 et 24 janvier 2006 à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge en chef adjoint Gerald J. Rip

 

Comparutions :

Avocats des appelants :

Me Bertrand Leduc

Me Lysane Tougas

Avocats de l'intimée :

Me Daniel Marecki

Me Christina Ham

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1987 et 1988 sont rejetés.

 

          Un ensemble de dépens sera accordé à l'intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mai 2007.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef adjoint Rip

 


 

 

Dossier : 96‑1460(IT)G

ENTRE :

2529‑1915 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

2530‑1284 Québec Inc. (96‑1457(IT)G), de Ralph E. Faraggi (96‑1458(IT)G) et de Robert Langlois (96‑1459(IT)G)

du 16 au 19 janvier 2006

et les 23 et 24 janvier 2006 à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge en chef adjoint Gerald J. Rip

 

Comparutions :

Avocats des appelants :

Me Bertrand Leduc

Me Lysane Tougas

Avocats de l'intimée :

Me Daniel Marecki

Me Christina Ham

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1987 est rejeté.

 

          Un ensemble de dépens sera accordé à l'intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mars 2007.

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef adjoint Rip

 


 

 

 

Référence : 2007CCI286

Date : 20070523

Dossier : 96‑1458(IT)G

ENTRE :

RALPH E. FARAGGI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

Dossier : 96‑1459(IT)G

ROBERT LANGLOIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

Dossier : 96‑1460(IT)G,

2529‑1915 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

Dossier : 96‑1457(IT)G

2530‑1284 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef adjoint Rip

 

Introduction

 

[1]     En 1987, Me Robert Langlois et Me Ralph Faraggi, avocats au cabinet montréalais Stikeman Elliott, ont élaboré et promu des plans qui visaient à doter plusieurs sociétés de comptes de dividendes en capital (les « CDC ») en vue de leur « vente » ou de leur « transfert », à profit, à des tierces sociétés n’ayant pas de lien de dépendance avec elles. Me Langlois travaillait chez Stikeman Elliott comme avocat‑fiscaliste et Me Faraggi comme avocat spécialisé en droit des sociétés. Ensemble, ils se sont servis de leurs connaissances pour élaborer les plans et les mettre en œuvre.

 

[2]     Il s’agissait de recourir à des sociétés nouvellement constituées détenant un actif de valeur minime pour souscrire des actions d’autres sociétés nouvellement constituées, puis de créer des CDC, par une combinaison notamment de souscriptions d’actions, de rachats d’actions, de gains en capital découlant de la vente d’actions, et de prétendus choix faits en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). On procédait ensuite à une autre série de souscriptions d’actions et de rachats d’actions qui permettait à des tiers n’ayant pas de lien de dépendance avec les appelants de recevoir des dividendes en capital.

 

[3]     Bref, après la « création » de gains en capital, plusieurs sociétés faisaient un choix en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi et déclaraient des dividendes en franchise d’impôt au titre de catégories d’actions privilégiées. Vers la fin de la série d’opérations, la totalité des CDC de ces sociétés était dirigée vers une des sociétés appelantes. Une tierce société souscrivait des actions d’une des sociétés appelantes. Ces actions avaient une valeur nominale symbolique – 0,01 $ par action, par exemple – et un prix de rachat élevé – 1 000 $ par action, par exemple. La tierce société payait 1 210 $ l’action, puis une société appelante rachetait l’action pour la somme de 1 000 $ et faisait le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi, à savoir celui selon lequel le dividende réputé de 999,99 $ (paragraphe 84(1) de la Loi) serait prélevé sur son compte de dividendes en capital. La tierce société avait alors un compte de dividendes en capital et elle payait à ses actionnaires, après avoir fait à son tour un choix en vertu du paragraphe 83(2), une somme de 1 000 $ en franchise d’impôt. Avant l’opération, la tierce société ne disposait d’aucune somme dans un compte de dividendes en capital et elle ne pouvait payer à ses actionnaires qu’un dividende imposable de 1 210 $; le taux d’imposition applicable aux particuliers actionnaires au Québec était de 41,87 pour 100. Après l’opération, les actionnaires ont reçu 1 000 $ libres d’impôt; la tierce société a en réalité payé 210 $ le dividende en franchise d’impôt de 1 000 $. Le coût réel du dividende de 1 000 $ pour la tierce société et ses actionnaires s’élevait à 21 pour 100, soit une économie de 20,87 pour 100.

 

[4]     Me Langlois et Me Faraggi interjettent appel des cotisations fiscales établies à leur égard pour les années 1987 et 1988, et les sociétés 2530‑1284 Québec Inc. (« 1284 Inc. ») et 2529‑1915 Québec Inc. (« 1915 Inc. ») interjettent appel de cotisations établies à leur égard pour 1987.

 

[5]     Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi des cotisations à l’égard des sociétés 1284 Inc. et 1915 Inc. en tenant pour acquis que ces dernières, au cours de leur année d’imposition 1987, ont réalisé respectivement un bénéfice de 4 677 717 $ et de 8 105 344 $ tiré d’entreprises ou d'affaires de caractère commercial, à savoir la vente de CDC fictifs à des tiers. Les bénéfices (soit la somme de 210 $ dans l’exemple donné au paragraphe 3) ont été inclus à titre de revenu d’entreprise dans les revenus respectifs des sociétés appelantes pour 1987 conformément à l’article 3 et au paragraphe 9(1) de la Loi. Selon l’intimée, les sociétés appelantes n’ont pas reçu, ni ne pouvaient recevoir, de dividendes en capital des sociétés qui, prétendent-elles, leur ont versé de tels dividendes, puisque ces dernières n’ont réalisé aucun gain en capital ni touché aucun dividende prélevé sur le compte de dividendes en capital d’une autre société. Selon l’intimée, tout gain en capital qu'a pu réaliser l’une ou l’autre des sociétés ayant participé à ces opérations et tout choix qu’elle a pu faire en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi était fictif et constituait un trompe‑l’œil.

 

[6]     Quant aux particuliers appelants, Me Langlois et Me Faraggi, le ministre a établi des cotisations à leur égard en tenant pour acquis que chacun d’eux avait touché des dividendes imposables de 8 114 350 $ en 1987 et de 155 912 $ en 1988, malgré le fait que les sociétés ayant versé les dividendes auraient choisi, en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi, de les prélever sur leur CDC respectif. L’intimée prétend que les sociétés qui payaient les dividendes n’ont jamais réalisé de gains en capital ni touché de dividendes prélevés sur le CDC d’autres sociétés et n’avaient pas elles-mêmes de CDC leur permettant de verser des dividendes en franchise d’impôt aux actionnaires. Les prétendus gains en capital ou dividendes de CDC reçus d’autres sociétés étaient fictifs et constituaient des trompe‑l’œil. L’intimée soutient que les particuliers appelants ont touché des dividendes imposables et non des dividendes libres d’impôt.

 

[7]     Le ministre a en outre imposé aux appelants des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi au motif que chacun d’eux faisait partie d’une vaste opération frauduleuse menée par des personnes ayant agi d'une manière insouciante et ayant fait preuve de négligence grave, de sorte que chacun des appelants a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait de faux énoncés dans des déclarations, des formulaires, des certificats et des états remplis, produits ou présentés pour l’année d’imposition 1987 (et 1988, en ce qui concerne les particuliers appelants), en dissimulant l’origine des CDC. Me Langlois et Me Faraggi ont omis de déclarer des dividendes imposables de 8 114 350 $ et de 155 912 $ touchés en 1987 et en 1988 respectivement, et chacun d’eux est passible de pénalités de 304 147 $ pour 1987 et de 10 564 $ pour 1988, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Les appelantes 1284 Inc. et 1915 Inc. ont omis de déclarer, pour 1987, un revenu d’entreprise de 4 677 717 $ et de 8 105 344 $ respectivement, et elles sont passibles de pénalités de 421 579 $ et de 763 316 $ respectivement, en application du paragraphe 163(2) de la Loi.

 

[8]     Les sociétés appelantes prétendent qu’elles n’exploitaient aucune entreprise, que les gains en capital déclarés étaient réels et qu’ils ont été établis conformément aux dispositions de la Loi. Elles ont fait des choix valables, également en conformité avec la Loi et en particulier avec le paragraphe 83(2). Il n’y avait aucun trompe‑l’œil.

 

[9]     Les particuliers appelants affirment que les sociétés qui leur ont versé des dividendes avaient réalisé des gains en capital authentiques et fait des choix légitimes en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi : les dividendes qu’ils ont reçus des sociétés en 1987 et en 1988 constituaient des dividendes prélevés sur des CDC valables de ces sociétés.

 

[10]    Les appels ont été entendus sur preuve commune.

 

Les actes

 

[11]    Les sociétés ont participé à deux séries d’opérations : l’une le 13 août 1987 (la « première série ») et l’autre (la « deuxième série »), qui comportait deux étapes, au mois de septembre. Toutes les sociétés prenant part à ces opérations ont été constituées en vertu de la partie 1A de la Loi sur les compagnies[1] du Québec (la « Loi sur les compagnies »). Selon ce texte législatif, le capital‑actions d’une société peut comprendre des actions à valeur nominale; il semble, d'ailleurs, que des actions à valeur nominale étaient nécessaires pour que les opérations proposées se déroulent comme elles l’ont fait. De plus, la loi québécoise autorise les sociétés à émettre des actions sans que l’actionnaire souscripteur soit tenu d’en payer immédiatement le prix[2]. Le capital autorisé des sociétés dans le cadre de chacune des séries d’opérations était constitué d’un nombre illimité d’actions ordinaires sans valeur nominale et de douze catégories consistant en un nombre illimité d’actions privilégiées sans droit de vote, soit les catégories « A » à « L » inclusivement; dans la plupart des cas, chaque action privilégiée avait une valeur nominale de 0,01 $ et était rachetable, selon la catégorie d’actions privilégiées dont il s'agissait, pour la somme de 100,01 $ ou de 1 000,01 $, sous réserve de certains ajustements. Les dividendes versés au titre des actions privilégiées ne pouvaient excéder une somme fixe. Toutes les catégories d’actions privilégiées étaient identiques sauf qu’elles occupaient un rang établi selon l'ordre alphabétique en ce qui concerne le versement de dividendes et en ce qui concerne le remboursement du capital lors de la liquidation ou de la dissolution. Par exemple, les actions de catégorie « A » avaient priorité sur les actions de catégorie « B », lesquelles avaient priorité sur les actions de catégorie « C », et ainsi de suite. Au début des séries d’opérations, les sociétés n’avaient aucun actif, à l’exception des sommes symboliques versées par les actionnaires au moment de souscrire des actions ordinaires. Les sociétés appelantes n’ont détenu des éléments d’actif appréciables qu’après avoir conclu les opérations avec les tierces sociétés, et les sommes concernées ont fait l’objet de cotisations à titre de bénéfices tirés d’une entreprise.

 

[12]    Les sociétés ont été mises sur pied : des actions ordinaires ont été émises, des administrateurs ont été élus et les règlements habituels ont été adoptés. Me Langlois et Me Faraggi étaient administrateurs de chacune des sociétés.

 

[13]    Les sociétés suivantes ont participé à la première série d’opérations et à l’étape 2 de la deuxième série[3] :

 

Lettre

Dénomination sociale

Désignation

 

Appelante

 

 

2529‑1915 Québec Inc.

 

1915 Inc.

A Inc.

2528‑5644 Québec Inc.

2528 Inc.

B Inc.

2529‑0099 Québec Inc.

0099 Inc.

C Inc.

2529‑0107 Québec Inc.

0107 Inc.

D Inc.

2529‑0115 Québec Inc.

0115 Inc.

E Inc.

2529‑0123 Québec Inc.

0123 Inc.

F Inc.

2529‑0131 Québec Inc.

0131 Inc.

G Inc.

2529‑0149 Québec Inc.

0149 Inc.

H Inc.

2529‑0156 Québec Inc.

0156 Inc.

I Inc.

2529‑0164 Québec Inc.

0164 Inc.

J Inc.

2529‑0172 Québec Inc.

0172 Inc.

K Inc.

2529‑0180 Québec Inc.

0180 Inc.

L Inc.

2529‑0198 Québec Inc.

0198 Inc.

M Inc.

2529‑0206 Québec Inc.

0206 Inc.

 

[14]    Les sociétés qui ont participé à l’étape 1 de la deuxième série sont les suivantes[4] :

 

Lettre

Dénomination sociale

Désignation

 

Appelante

 

 

2530‑1284 Québec Inc.

 

1284 Inc.

N Inc.

2530‑1276 Québec Inc.

1276 Inc.

O Inc.

2530‑1292 Québec Inc.

1292 Inc.

P Inc.

2530‑1300 Québec Inc.

1300 Inc.

Q Inc.

2530‑1318 Québec Inc.

1318 Inc.

R Inc.

2530‑1326 Québec Inc.

1326 Inc.

S Inc.

2530‑1334 Québec Inc.

1334 Inc.

T Inc.

2530‑1342 Québec Inc.

1342 Inc.

U Inc.

2530‑1359 Québec Inc.

1359 Inc.

V Inc.

2530‑1367 Québec Inc.

1367 Inc.

W Inc.

2530‑1375 Québec Inc.

1375 Inc.

X Inc.

2530‑1383 Québec Inc.

1383 Inc.

Y Inc.

2530‑1391 Québec Inc.

1391 Inc.

Z Inc.

2530‑1409 Québec Inc.

1409 Inc.

 

[15]    Me Langlois, Me Faraggi et 2411‑4340 Québec Inc. (« 4340 Inc. »)[5] détenaient chacun un tiers des actions ordinaires de 0206 Inc. et de 1915 Inc. 1276 Inc. était l’unique détentrice des actions ordinaires de 1300 Inc., de 1318 Inc., de 1326 Inc., de 1334 Inc., de 1342 Inc., de 1359 Inc., de 1367 Inc., de 1375 Inc., de 1383 Inc., de 1391 Inc. et de 1409 Inc. Me Langlois et Me Faraggi détenaient les actions ordinaires des autres sociétés.

 

Première série d’opérations

[16]    Ont participé à la première série d’opérations une chaîne ou un groupe de 13 sociétés dont chacune détenait une catégorie d’actions privilégiées de la société qui la suivait immédiatement dans la chaîne. 2528 Inc. se trouvait au début de cette chaîne. Les opérations entre ces sociétés avaient pour objet de créer des gains en capital et des dividendes réputés. Les sociétés faisaient censément le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi de prélever les dividendes réputés sur les CDC. Les appelants affirment que les dividendes étaient versés ou étaient réputés, selon la Loi, être versés par chacune des sociétés de la chaîne à la société la précédant jusqu’à ce que le montant total des dividendes, tous prélevés sur les CDC, atteigne 2528 Inc. À son tour, 2528 Inc. a versé à 1915 Inc. un dividende prélevé sur son compte de dividendes en capital, lequel était constitué du montant total des CDC de toutes les autres sociétés. 1915 Inc. a ensuite « vendu » à des tiers le gros des montants de CDC qu’elle a reçus de 2528 Inc. Une description abrégée, étape par étape, des opérations qui, selon les appelants, ont été effectuées en août, est présentée ci‑dessous[6] :

 

          Les opérations initiales ont eu lieu le 13 août dans une salle de conférences de la succursale de la Banque Royale du Canada située à la Place Ville-Marie. Avant le début de la première série d’opérations, Me Langlois et Me Faraggi avaient obtenu un découvert de 10 000 100 $ de la Banque Royale[7]. À titre d’exemple, ils ont payé leurs actions ordinaires de 1915 Inc. à l’aide de leurs propres fonds et ils ont prêté de l’argent à certaines autres sociétés pour permettre à ces dernières de souscrire des actions ordinaires.

 

a)           A Inc. a émis un chèque certifié de 10 000 100 $ tiré sur son compte à la Banque Royale pour souscrire 10 000 actions de catégorie « L » de B Inc. B Inc. a déposé la somme de 10 000 100 $ dans son compte bancaire. B Inc. a ensuite déclaré en faveur de A Inc. un dividende en actions de 10 000 actions de catégorie « K » sur ses actions de catégorie « L ».

 

b)          B Inc. a émis un chèque certifié de 10 000 100 $ tiré sur son compte à la Banque Royale pour souscrire 10 000 actions de catégorie « L » de C Inc. C Inc. a déposé la somme de 10 000 100 $ dans son compte bancaire.

 

c)           C Inc. a émis un chèque certifié de 10 000 100 $ tiré sur son compte à la Banque Royale pour souscrire 10 000 actions de catégorie « L » de D Inc.

 

d)          C Inc. a déclaré en faveur de B Inc. un dividende en actions de 10 000 actions de catégorie « K » sur ses actions de catégorie « L ». Le prix de base rajusté de chacune des actions de catégorie « L » était de 0,01 $ : paragraphe 52(3) de la Loi. Le dividende en actions a été évalué à 10 000 000 $.

 

e)           B Inc. a vendu les actions de catégorie « K » à A Inc. en contrepartie d’une somme de 10 000 000 $; la contrepartie versée au titre de l’acquisition consistait en un billet de 10 000 000 $ ne portant pas intérêt et payable sur demande. Ainsi, B Inc. réalisait censément un gain en capital de 9 999 900 $[8].

 

Les dossiers de Revenu Canada relatifs aux appelants ont à un moment donné été examinés par M. Michel Dupuis, vérificateur auprès de Revenu Canada et de son successeur, l’Agence du revenu du Canada. Dans son témoignage, M. Dupuis a affirmé que A Inc. détenait des liquidités de seulement 100 $ lorsqu’elle a émis des billets totalisant 110 000 000 $ en contrepartie des actions de catégorie « K ».

 

f)            De même, C Inc., D Inc., E Inc., F Inc., G Inc., H Inc., I Inc., J Inc., K Inc. et L Inc. ont chacune émis un chèque certifié de 10 000 100 $ tiré sur son compte à la Banque Royale pour souscrire 10 000 actions de catégorie « L » des sociétés D Inc. à M Inc. respectivement, puis un dividende en actions de 10 000 actions de catégorie « K » a été déclaré sur les actions de catégorie « L » de chacune des sociétés (les détentrices des actions de catégorie "L" étant les sociétés C Inc. à L Inc.). L’ensemble des actions de catégorie « K » aurait ensuite été vendu à A Inc. en contrepartie d’une somme de 10 000 000 $ dans chaque cas, cette somme étant payable au moyen d’un billet; la contrepartie totale était ainsi de 110 000 000 $. Chacune des sociétés B Inc. à L Inc. a déclaré un gain en capital de 9 999 900 $, soit 109 998 900 $ pour les onze sociétés. Les gains en capital imposables réalisés par les sociétés B Inc. à L Inc. au titre des prétendues ventes des actions de catégorie « K » totalisent 54 999 450 $, ce qui correspond également au montant total des prétendus CDC de ces sociétés.

 

g)           M Inc. a versé un dividende en espèces de 10 000 000 $ sur les actions de catégorie « K » à son actionnaire A Inc., qui a utilisé cet argent pour rembourser la Banque Royale.

 

h)           Les sociétés B Inc. à L Inc. ont modifié leurs statuts de constitution de manière à faire passer la valeur nominale de chacune de leurs actions de catégorie « K » de 0,01 $ à 500 $. L’augmentation de la valeur nominale des actions aurait donné lieu à des dividendes réputés de 54 998 900 $[9] pour la détentrice des actions de catégorie « K », A Inc., ce qui représente 4 999 900 $ reçus de chacune des sociétés : paragraphe 84(1) de la Loi.

 

i)             Chacune des sociétés C Inc. à M Inc. a censément fait le choix, prévu au paragraphe 83(2) de la Loi, de prélever sur son CDC le dividende réputé de 4 999 900 $ découlant de l’augmentation de la valeur nominale des actions de catégorie « K ». A Inc. a touché des dividendes de 54 998 900 $ qui auraient été prélevés sur les CDC.

 

j)             Vers le 14 septembre, on a effectué les opérations suivantes pour créer des pertes en capital pour les sociétés B Inc. à L Inc. et ainsi compenser les gains en capital imposables : (i) B Inc. a vendu les 10 000 actions de catégorie « L » de C Inc. qu’elle détenait à Me Faraggi en contrepartie d’une somme de 100 $. Comme le prix de base de ces actions s’élevait à 10 000 100 $, il y avait une prétendue perte en capital de 10 000 000 $, dont 5 000 000 $ constituaient une perte en capital déductible. Cette perte en capital déductible a compensé le gain en capital imposable de 5 000 000 $ que B Inc. a réalisé lorsqu’elle a vendu ses actions de catégorie « K »; (ii) des ventes à M Inc. des actions de catégorie « L » de la société D Inc. que détenaient les sociétés C Inc. à L Inc. ont de même été effectuées l’une après l’autre pour réduire à zéro leurs gains en capital antérieurs respectifs.

 

k)           Le 20 août 1987, 1915 Inc. a emprunté 23 216,61 $ à ses trois actionnaires et, vers le 21 août, 1915 Inc. a souscrit 495 660 actions de catégorie « L » de A Inc. pour la somme de 55 023 216 $, dont 23 216,61 $ ont été payés par chèque et le solde par un billet à demande portant intérêt[10].

 

l)             Les administrateurs de A Inc. ont déclaré un dividende de 49 566 000 $ en faveur de la détentrice des actions de catégorie « L », 1915 Inc., et ont produit en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi un choix selon lequel le dividende de 49 566 000 $ serait prélevé sur le CDC de A Inc.[11]

 

m)        En août et en septembre, 1915 Inc. et A Inc. ont versé des dividendes à Me Langlois et à Me Faraggi; les dates, les sommes et les actions à l’égard desquelles les dividendes ont été versés sont énoncées à l’annexe 3 des présents motifs. (L’intimée affirme qu’il s’agit de dividendes imposables, même si des choix ont été faits en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi.)

 

n)           (i)         Plus tard, en août et en septembre, 1915 Inc. a fait des opérations avec plusieurs sociétés sans lien de dépendance avec elle, qui disposaient d’un surplus considérable qu’elles ne pouvaient verser à leurs actionnaires que sous forme de dividendes imposables. Pour s'épargner le fardeau d’avoir à distribuer des dividendes imposables, ces sociétés ont souscrit des actions privilégiées de différentes catégories du capital‑actions de 1915 Inc. et ces actions ont été rachetées d’une manière analogue à celle exposée au paragraphe 3 des présents motifs.

 

(ii)        Les prix de souscription variaient non seulement d’une catégorie d’actions à l’autre, mais également pour les actions d’une même catégorie d’actions privilégiées. À titre d’exemple, le 4 septembre 1987, Me Langlois et Me Faraggi ont chacun acheté 64 actions de catégorie « I » de 1915 Inc. pour 1 $ l’action. Leurs assistants chez Stikeman Elliott ont également acheté des actions de catégorie « I » pour 1 $ l’action. Cependant, le même jour, une société sans lien de dépendance avec les appelants a souscrit 10 400 actions de catégorie « I » de 1915 Inc. pour la somme de 11 585 845,75 $.

 

(iii)       Au cours des mois d’août, de septembre et de novembre 1987 et le 30 décembre 1988, Me Langlois et Me Faraggi ont reçu des dividendes de 1915 Inc., de 5644 Inc., de 1292 Inc. et de 1276 Inc. Ces dividendes totalisaient 8 114 350 $ pour 1987 et 155 912 $ pour 1988. Le 4 septembre 1987, soit le jour où Me Langlois et Me Faraggi ont chacun souscrit 64 actions de catégorie « I » de 1915 Inc. pour 64 $, les administrateurs de 1915 Inc. ont déclaré et versé un dividende de 1 000 $ sur chaque action de catégorie « I » et fait le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi[12]. D’autres sociétés ont également versé des dividendes sur les actions ordinaires.

 

[17]  Des actionnaires des sociétés sans lien de dépendance ont donc censément touché des dividendes en franchise d’impôt plutôt que des dividendes imposables. La différence entre le prix d’une action, disons 1 210 $, et le prix de rachat, disons 1 000 $, soit 210 $, totalisait 8 105 344 $, avec les ajustements, pour l’ensemble des actions ainsi émises et rachetées. Selon l’intimée, cette somme de 8 105 344 $ constituait un revenu d’entreprise pour 1915 Inc. et cette dernière avait cette somme à sa disposition pour la distribuer à ses actionnaires ou la conserver à d’autres fins[13].

 

[18]    Me Faraggi a décrit les opérations de la première série qui ont été effectuées une fois l’étape a), décrite au paragraphe 16 ci-dessus, terminée :

 

[…] Alors première opération, était la souscription de 5644, 2528‑5644 qui souscrivaient [sic] à dix mille (10 000) actions de catégorie L je pense de 0099. Et puis donc, on écrivait le chèque et peut‑être que c’est la banque qui a préparé le chèque ou c’est moi qui l’ai rédigé en tout cas. Je signe le chèque, ils sont allés, les « runners » qui étaient dans la salle, ils sont sortis, ils sont allés au comptoir, ils ont fait viser le chèque de 10 000 000 $. Ils ont… je ne me rappelle pas s’ils sont revenus nous montrer le chèque, en fait ils sont revenus nous montrer le chèque. On n’a vu que le chèque visé, on a préparé pour 099 le « slip » de dépôt. Ils sont repartis avec ça. Et puis à ce moment‑là, donc on avait 2528 qui avait souscrit aux actions de 0099, alors donc il y avait sans doute une résolution de 2528 l’autorisant à souscrire à dix mille (10 000) actions de 0099. On a signé cette résolution‑là et on a mis ça de côté. 2529 0099 recevait une lettre de souscription. Donc la lettre de souscription de 5644 à dix mille (10 000) actions privilégiées de catégorie L de 0099. On signait la résolution pour la souscription des actions que 2528 présentait cette lettre à 099. À ce moment‑là, le dépôt, on avait le chèque de 2528 qui était maintenant visé. On préparait le dépôt, les gens partaient pour faire le dépôt. On signait la résolution de 0099 autorisant l’émission des dix mille (10 000) actions privilégiées de catégorie L de 0099. Ensuite, maintenant, 099 de ce que je me rappelle, a maintenant souscrit à dix mille (10 000) actions privilégiées catégorie L de 0107. Donc on rédigeait un chèque de 0099 établi à l’ordre de 2529 0107 Québec inc. Le chèque, le « runner part », fait certifier le chèque, revient. On a le chèque visé, on voit que le chèque est visé. On prépare le dépôt. Ah dans l’intervalle, il faut dire qu’on a attendu de voir, on s’est assuré que le dépôt était revenu dans 0099. On a vu le dépôt que, la somme de 10 000 000 $ avait été déposée, portait le tampon de la banque. « Fine, the money is there. » On procède à la prochaine souscription et ainsi de suite pendant une heure et demie à peu près, le temps de faire toutes les transactions.

 

Q.        Oui.

 

R.         Et ensuite, bon alors peut‑être que je dois aller dans un peu plus de détails pour… parce qu’il y a eu donc la souscription dans 0099, de 0099 aux actions de 107 et là, 0107 a déclaré un dividende en actions privilégiées de catégorie K à 0099. Et ensuite il y a eu vente de ces dix mille (10 000) actions privilégiées catégorie K, vente par 0099 à 2528‑5644, des 10 000 actions privilégiées catégorie K que 0099 avait reçues, suite à un dividende déclaré par 0107. Et cette vente était pour une contrepartie d’un prix de 10 000 000 $. Et ainsi de suite, de 0107 à 0115 à 0123 à 0131, 0142, 0156, etc. jusqu’à 0…

 

Q.        206.

 

R.         Jusqu’à 0206 mais 0206 n’a pas vendu d’actions, elle n’a pas eu un gain en capital.

 

Q.        Non mais la chaîne s’est arrêtée…

 

R.         Oui.

 

Q.        … à 0206?

 

R.         À 0206, oui.

 

Q.        O.K.

 

Deuxième série d’opérations

 

[19]    À l’étape 1 de la deuxième série d’opérations, N Inc. a établi des CDC pour les sociétés P Inc. à Z Inc. À l’étape 2 de la même série d’opérations, on a utilisé P Inc. pour établir des comptes de dividendes en capital pour les sociétés B Inc. à L Inc. Ce qui suit est un résumé des opérations effectuées aux étapes 1 et 2 de la deuxième série et qui, selon les appelants, se sont déroulées le 9 septembre 1987 et quelques jours plus tard.

 

          Grâce à la première série d’opérations, les particuliers appelants disposaient de liquidités. Le 9 septembre, Me Langlois a déposé 3 239 500 $, et Me Faraggi 2 650 500 $, chacun dans son compte bancaire personnel à la succursale principale de Montréal de la Banque Canadienne Impériale de Commerce et, le même jour, ils ont prêté ces sommes à 1276 Inc.; la somme de 5 890 200 $ a censément été déposée dans le compte bancaire de 1276 Inc. à la Banque Royale le 9 septembre après 15 h, et elle a servi à financer la deuxième série d’opérations. Des comptes bancaires ont été ouverts par les sociétés concernées le 9 septembre, également après 15 h selon les assertions des appelants[14].

 

Étape 1

 

a)           N Inc. a souscrit 5 890 actions de catégorie « L » de Z Inc. en contrepartie d’une somme de 5 890 200 $. Cette somme a été déposée dans le compte bancaire de Z Inc.

 

b)          Z Inc. a versé, par l’émission de 5 890 actions de catégorie « K », un dividende en actions de 5 890 000 $ sur les actions de catégorie « L » détenues par N. Inc. Le capital libéré en ce qui concerne les actions de catégorie « K » se chiffrait à 0,01 $ l’action, mais les actions avaient une juste valeur marchande de 5 890 200 $.

 

c)           N Inc. a vendu les 5 890 actions de catégorie « K » de Z Inc. à P Inc. pour la somme de 5 890 200 $. P Inc. a payé les actions de catégorie « K » de Z Inc. par l’émission de 5 890 actions de catégorie « L », lesquelles avaient censément une valeur de 5 890 200 $. N Inc. est alors devenue détentrice de 5 890 actions de catégorie « L » de P Inc. et P Inc. est devenue détentrice de 5 890 actions de catégorie « K » de Z Inc. Cette vente a censément généré un gain en capital de 5 889 941,10 $ pour N Inc., ce qui a entraîné un gain en capital imposable de 2 944 970,55 $ pour cette dernière.

 

d)          P Inc. a versé un dividende en actions de 5 890 actions de catégorie « K » ayant une valeur prétendue de 5 890 000 $ à la détentrice de ses 5 890 actions de catégorie « L », c'est-à-dire à N Inc.

 

e)           N Inc. a vendu les 5 890 actions de catégorie « K » de P Inc. à Q Inc. pour la somme de 5 890 000 $. Q Inc. a payé ces actions de catégorie « K » en émettant 5 890 actions de catégorie « L » (de Q Inc.), ce qui a également généré un gain en capital de 5 889 941,10 $ pour N Inc.

 

f)            N Inc. et chacune des sociétés Q Inc. à Y Inc. ont participé à des opérations identiques à celles exposées ci‑dessus, ce qui a généré des prétendus gains en capital totalisant 58 899 411 $ pour N Inc. Le gain en capital imposable de N Inc., qui correspondait à la somme disponible pour son compte de dividendes en capital, s’élevait à 29 449 705,50 $.

 

g)           Z Inc. a versé, par l’émission de 5 890 actions de catégorie « J », un dividende en actions de 5 890 000 $ sur ses 5 890 actions de catégorie « K » détenues par P Inc. Le capital libéré au titre des actions de catégorie « J » se chiffrait à 0,01 $ l’action et ces actions avaient une juste valeur marchande prétendue de 5 890 200 $.

 

h)           P Inc. a vendu à L Inc. les 5 890 actions de catégorie « J » de Z Inc. pour la somme de 5 890 200 $ et elle a reçu en contrepartie 5 890 actions de catégorie « J » de L Inc. Cette vente a censément généré un gain en capital de 5 890 200 $ pour P Inc.

 

i)             L Inc. a versé un dividende en actions de 5 890 000 $ à la détentrice de ses actions de catégorie « J » en émettant 5 890 actions de catégorie « I » en faveur de P Inc.; le capital libéré au titre de chacune des actions de catégorie « I » était de 0,01 $ et l’ensemble des actions de catégorie « I » ainsi émises avait une juste valeur marchande prétendue de 5 890 000 $.

 

j)             P Inc. a ensuite vendu les 5 890 actions de catégorie « I » de L Inc. à K Inc. en contrepartie de 5 890 actions de catégorie « J » de K Inc. Cette opération a censément généré un gain en capital de 5 890 200 $.

 

k)           K Inc. a déclaré un dividende en actions de 5 890 000 $ sur les 5 890 actions de catégorie « J » détenues par P Inc. en émettant 5 890 actions de catégorie « I » en faveur de P Inc.

 

l)             Chacune des sociétés J Inc., I Inc., H Inc., G Inc., F Inc., E Inc., D Inc., C Inc. et B Inc. a payé, dans cet ordre, un dividende en actions de 5 890 000 $ à la détentrice de ses actions de catégorie « J » en émettant 5 890 actions de catégorie « I » en faveur de P Inc., détentrice des actions de catégorie « J » de toutes ces sociétés. P Inc. a vendu ses actions de catégorie « I » à la société suivante de la chaîne en contrepartie d’actions de catégorie « J », comme il est exposé à l’alinéa j) plus haut. Chacune de ces ventes a censément généré un gain en capital de 5 890 200 $ pour la société venderesse, P Inc. Le gain en capital de P Inc. totalisait 64 789 352,10 $. Le prétendu gain en capital imposable de P Inc. totalisait 32 394 676,05 $.

 

Étape 2

 

          Les opérations suivantes ont été effectuées le 9 septembre et plus tard :

 

m)        O Inc. a souscrit 29 173 actions de catégorie « L » de N Inc. pour la somme de 29 468 000 $ payable au moyen d’un billet à demande.

 

n)           O Inc. a souscrit 32 070 actions de catégorie « J » de P Inc. pour la somme de 32 295 000 $ payable au moyen d’un billet à demande.

 

o)          Le 12 septembre, on a exigé paiement de la presque totalité des sommes visées par les billets, plus les intérêts, et, le même jour, N Inc. a déclaré des dividendes en espèces de 29 173 000 $ sur ses actions de catégorie « L » et de 32 070 000 $ sur ses actions de catégorie « I », ce qui compensait le paiement des billets à demande.

 

p)          N Inc. a produit en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi des formulaires par lesquels elle faisait un choix en ce qui concerne les dividendes de 29 173 000 $ et de 32 070 000 $. O Inc. a censément touché des dividendes de 61 243 000 $ prélevés sur le CDC de N Inc.

 

q)          Le 13 septembre, 1284 Inc. a souscrit 45 125 actions de catégorie « L » de O Inc. pour la somme de 50 820 451,25 $, laquelle a été payée au moyen d’un billet à demande.

 

r)            Également le 13 septembre, 1915 Inc. a souscrit 9 806 actions de catégorie « L » de O Inc. pour la somme de 11 043 664,16 $, laquelle a été payée au moyen d’un billet à demande.

 

s)           Le 14 septembre, O Inc. a exigé le paiement, par 1284 Inc., d’une somme de 1 000 $ pour chaque action de catégorie « L » souscrite, c’est‑à‑dire 45 125 000 $, et elle a exigé le paiement, par 1915 Inc., d’une somme de 9 806 000 $. En même temps, N Inc. a exigé que 1284 Inc. lui paye la somme de 45 133 354,08 $, plus les intérêts, qui lui était due au titre du billet à demande signé par 1284 Inc. et que 1915 Inc. lui paye la somme de 9 807 815,40 $, plus les intérêts, qui lui était due au titre du billet à demande signé par 1915 Inc.

 

t)             Également le 14 septembre, O Inc. a censément déclaré un dividende en espèces de 54 931 000 $ en faveur des détentrices de ses actions de catégorie « L »; sur cette somme 45 125 000 $ ont été versés à 1284 Inc. et 9 806 000 $ ont été versés à 1915 Inc.[15] On a produit auprès de Revenu Canada des formulaires par lesquels se faisait un choix en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi.

 

u)           Vers le 24 septembre, N Inc. a vendu 600 $ à Me Faraggi 5 890 actions de catégorie « L » de chacune des sociétés P Inc., Q Inc., R Inc., S Inc., T Inc., U Inc., V Inc., W Inc., X Inc., Y Inc. et Z Inc. qu’elle avait achetées antérieurement; elle tentait ainsi d’occasionner une perte en capital de 58 899 400 $ pour N Inc. Le même jour, P Inc. a vendu 660 $ à Me Faraggi 5 890 actions de catégorie « K » des sociétés C Inc., D Inc., E Inc., F Inc., G Inc., H Inc., I Inc., J Inc., K Inc., L Inc. et M Inc., tentant ainsi d’occasionner une perte en capital de 64 789 340 $ pour P Inc.

 

[20]    1915 Inc. et 1284 Inc. ont chacune fait avec des sociétés qui n’avaient pas de lien de dépendance avec elles des opérations consistant à « vendre » ou à « transférer » des dividendes en capital d’une manière analogue à celle exposée au paragraphe 3 des présents motifs[16]. Le ministre a traité la différence entre les sommes que les tierces sociétés ont payé les actions et les sommes qu’elles ont reçues à la suite du rachat des actions comme des bénéfices tirés d’une entreprise par 1915 Inc. et 1284 Inc. en 1987. Les sommes visées par les cotisations s’élevaient à 8 105 344 $ pour 1915 Inc. et à 4 677 717 $ pour 1284 Inc. Les diverses opérations qu'ont effectuées 1915 Inc. et 1284 Inc. et par lesquelles ces dernières ont émis des actions en faveur de personnes sans lien de dépendance avec elles, puis ont racheté ces actions, sont énumérées aux annexes 1 et 2 des présents motifs.

 

Les plans

 

[21]    Une opération dont Me Langlois a été témoin au cabinet Stikeman Elliott en janvier 1987 semble être à l’origine des séries d’opérations en cause. Une société canadienne contrôlée par un non‑résident et disposant de gains en capital considérables a « transféré » son compte de dividendes en capital à une société sous contrôle canadien. Lorsque Me Langlois a examiné l’opération plus tard ce soir‑là de janvier en compagnie de Me Faraggi, il a été captivé par la perspective qu’on puisse mettre au point une opération analogue à l’avantage d’autres clients du cabinet.

 

[22]    En juillet, Me Langlois avait élaboré un plan qui exposait un stratagème par lequel on pourrait créer des gains en capital pour des personnes morales et ensuite transférer des dividendes en capital d’une société à une autre. Me Langlois prévoyait que lui et Me Faraggi pourraient tirer environ 200 000 $ chacun d’un tel stratagème. M. Brian McDougall et M. Tom Sawyer avaient communiqué avec Me Langlois et Me Faraggi, leur faisait savoir qu’ils connaissaient des personnes qu'intéresserait l'acquisition de CDC. Une société apparemment contrôlée par M. McDougall et de M. Sawyer s’est vue attribuer un tiers des actions ordinaires de 1915 Inc. afin de permettre aux deux hommes de participer à tout profit tiré des opérations proposées. Les tierces sociétés qui « acquérraient » un CDC seraient des clients ou des amis de Me Langlois et de Me Faraggi ou des personnes que leur auraient adressées directement ou indirectement, M. McDougall et M. Sawyer. M. McDougall et M. Sawyer ont communiqué avec une maison de courtage, qui s’est montrée fort intéressée par le projet.

 

Les banques

 

[23]    Après avoir discuté avec les intéressés, Me Langlois et Me Faraggi ont projeté de transférer des CDC d'une valeur de 50 000 000 $ à des tierces sociétés. Ils avaient prévu qu’ils auraient besoin d’un emprunt bancaire de 10 000 000 $ pour lancer le projet.

 

[24]    À la fin de juillet ou au début d’août, Me Faraggi a communiqué avec son directeur des comptes à la principale succursale montréalaise de la Banque Canadienne Impériale de Commerce (« CIBC ») afin d’obtenir un « prêt d’un jour » (« daylight » loan[17]) de 10 000 000 $. Le cabinet Stikeman Elliott était client de la CIBC et la CIBC était cliente du cabinet. Selon Me Faraggi, la plupart des avocats du cabinet, sinon tous, faisaient du travail pour la banque.

 

[25]    Dès que la demande d’emprunt a été présentée, des dirigeants de CIBC ont apparemment communiqué avec l’associé directeur de Stikeman Elliott à l’époque, Me James Grant, pour l’en informer. D’après Me Faraggi, la banque a demandé à Me Grant de donner son appui à l'emprunt. Ce dernier a refusé de s’engager à l'égard de l'emprunt et la CIBC n’a pas communiqué avec Me Faraggi au sujet de la demande. Cela voulait donc dire que le prêt avait été refusé.

 

[26]    Me Langlois a ensuite communiqué avec Richard Légaré, alors directeur de l’administration à la succursale de la Banque Royale du Canada à la Place Ville‑Marie, afin d’obtenir un emprunt de 10 000 000 $. M. Légaré a dirigé Me Langlois et Me Faraggi vers Alain Lapointe, lequel, en août 1987, était directeur des comptes de prêts commerciaux à la succursale de la Place Ville‑Marie.

 

[27]    M. Lapointe a rencontré Me Langlois et Me Faraggi, qui lui ont exposé leurs plans. Ils voulaient tirer un chèque de 10 000 000 $ sur un compte à solde nul et déposer l’argent dans un autre compte, puis répéter le processus à plusieurs reprises jusqu’à ce que la somme de 10 000 000 $ soit finalement déposée à nouveau dans le compte initial. M. Lapointe a décrit ainsi l’origine des 10 000 000 $  selon sa compréhension des choses :

 

R.   Il vient, je vais vous expliquer. Mettons qu'on a trois comptes : A, B, C, on tire un chèque de 10 millions qu’on dépose dans le compte B, et du compte B, on fait un chèque de 10 millions dans le compte C, et du compte C, on fait un chèque de 10 millions qu’on dépose dans le compte A. Donc pour couvrir le chèque original qui était émis du compte A, il y a un dépôt de 10 millions qui vient en provenance du compte C. Donc…

 

Q.   Oui mais le premier chèque, lui?

 

R.   Oui.

 

Q.   Le tout premier parce que moi, je comprends, c’est une cascade. Mais le tout premier, lui existe le premier chèque de 10 millions?

 

R.   Oui.

 

Q.   Il vient d’où ce 10 millions‑là? Je ne vous parle pas de celui qui revient puis je ne vous parle pas du suivant, mais le tout tout premier?

 

R.   Le fait qu’un chèque soit émis ne veut pas nécessairement dire qu’il y a de l’argent dans le compte pour couvrir le chèque au moment où il est émis.

 

[28]    M. Lapointe croyait que les dépôts seraient effectués presque simultanément. « Il y a un délai théorique entre les événements et c’est cette partie‑là que je voulais bien évaluer. » M. Lapointe a discuté du projet avec son superviseur et la demande a été approuvée. La Banque Royale a informé les particuliers appelants qu’il y aurait des frais de 10 000 $ pour obtenir les 10 000 000 $, plus des frais de 500 $ pour l’ouverture de comptes au nom des sociétés concernées. La banque n’a exigé aucune garantie, et aucune garantie n’a été donnée.

 

[29]    Les chèques émis par les sociétés dans le cadre de la première série d’opérations étaient certifiés. Me Faraggi a affirmé que ces chèques avaient été certifiés à sa demande. Dans son témoignage, M. Lapointe a dit que, lorsqu’elle certifie un chèque, la banque garantit que les fonds se trouvent bien dans le compte bancaire sur lequel le chèque est tiré au moment où le chèque est certifié; il a dit aussi que la banque conserve la somme visée par le chèque dans le compte et, si les fonds se trouvant dans le compte sont insuffisants, que la banque honorera néanmoins le chèque. Il a convenu avec l’avocat des appelants qu’un chèque certifié de 10 000 000 $ à une valeur de 10 000 000 $. M. Lapointe a ajouté que, lorsqu’un chèque n’est pas certifié, il peut y avoir des fonds dans le compte ou il peut ne pas y en avoir.

 

[30]    En ce qui concerne les présents appels, M. Lapointe a expliqué :

 

Ce qui distingue avec le présent cas, c’est qu’à la fois les chèques et les dépôts ont été faits simultanément au même moment et ont été remis à la banque en même temps. Donc au moment où le chèque a été émis, non seulement on savait mais on était conscient qu’il y avait un dépôt de 10 millions qui a été fait dans ce compte‑là pour couvrir le chèque.

 

Il n’était pas préoccupé par le fait qu’un chèque certifié puisse être endossé par un tiers :

 

Non, non parce que la série de transactions comme je vous ai expliqué, A à B, B à C et C à A, etc., ont été faites en présence de la banque et les chèques et les dépôts nous ont été tous remis et qu’on les a gardés pour les traiter d’un point de vue informatique.

 

M. Lapointe a déclaré que la seule raison pour laquelle la banque a certifié les chèques était que l’ensemble des chèques, des dépôts, des retraits et des nouveaux dépôts dans les comptes était en tout temps sous le contrôle de la banque.

 

[31]    Lorsqu’on lui a demandé si la banque aurait offert à Me Langlois et à Me Faraggi la possibilité de rembourser les 10 000 000 $ le lendemain de la première série d’opérations, soit le 14 septembre, M. Lapointe a répondu par la négative. Il a précisé que, dans cette éventualité, il y aurait eu un prêt de 10 000 000 $ pour un jour et la banque n’aurait pas couru un tel risque sans obtenir des garanties.

 

[32]    Selon M. Lapointe, au début de la première série d’opérations, les comptes de toutes les sociétés étaient vides et, après la dernière opération (avant qu'il n'y ait eu « transfert » d’un compte de dividendes en capital à des tiers), les comptes des sociétés étaient toujours vides. Il a ajouté que des opérations d’une valeur de 10 000 000 $ avaient toutefois eu lieu : il y avait eu une série de chèques de 10 000 000 $ tirés sur les différents comptes de même qu’une série de dépôts correspondants.

 

[33]    M. Lapointe a insisté sur le fait que la Banque Royale n’a jamais eu l’intention de prêter de l'argent à Me Langlois et à Me Faraggi ou à leurs sociétés. En l’absence d’une garantie, la banque n’aurait pas avancé de fonds. De plus, la banque exigeait un contrat de prêt et il n’y en avait aucun. Selon M. Lapointe, il n’existait aucune entente quant aux intérêts, ce qu'il devait y avoir pour qu'un prêt soit consenti, aucun intérêt n’a été exigé. La banque estimait que faire une série de chèques certifiés et de dépôts ne comportait aucun risque pour elle, puisqu’elle ne pouvait subir de perte; il n’y avait pas de prêt, a‑t-il déclaré.

 

[34]    M. Lapointe a nié que les actes de la banque constituaient un « prêt d’un jour ». À son avis, en 1987, les prêts d’un jour étaient utilisés par les courtiers en valeurs mobilières qui avaient besoin de placer des fonds dans un compte à 10 h, par exemple, jusqu’à ce qu’un dépôt correspondant à la somme prêtée puisse être effectué, disons, à 11 h. Dans ce genre de cas, l’intérêt était calculé en fonction du nombre d’heures pendant lesquelles les fonds étaient à la disposition de l'emprunteur. De plus, les prêts d’un jour devaient être garantis. La situation de Me Langlois et de Me Faraggi était différente, quoique M. Lapointe ait admis que la structure de l’opération ressemblait à un découvert d’un jour.

 

[35]    L’avocat des appelants a fait remarquer qu’à la fin d’une note au dossier datée du 12 août, M. Lapointe indique ce qui suit :

 

10 000 $ « mise en place, daylight overdraft », soit 10 000 $ à … un dixième de un pour cent.

 

R. … un dixième de un pour cent.

 

Et en dessous :

 

500 $ l’ouverture des comptes courants.

 

[36]    M. Lapointe a expliqué que le coût de l’opération s’élevait à 0,1 pour 100 de 10 000 000 $, soit 10 000 $, plus 500 $ à titre de frais d’ouverture de compte. Il n’y avait aucuns frais d’intérêt. Il a précisé que la mention de « daylight overdraft » (« découvert d’un jour ») devait servir de base de tarification; c'est sur cette base que l'on calcule les intérêts lorsque les courtiers font ce genre d'emprunt.

 

[37]    Selon M. Lapointe, il a fallu entre une heure et une heure et demie environ pour effectuer la première série d’opérations à la Banque Royale. Lui et M. Légaré étaient présents dans la salle de conférences pendant le déroulement des opérations. Les comptes bancaires avaient été ouverts pour chacune des sociétés avant le début des opérations. Il fallait s’assurer que le bon chèque était déposé dans le bon compte, puisqu’il y avait plusieurs chèques et dépôts à faire dans un certain ordre. Il y avait onze sociétés participantes et quelque 20 opérations, soit des chèques et des dépôts, et les chèques et les dépôts ont tous été traités en même temps. Le traitement des chèques et des dépôts n’a duré que quelques secondes. M. Lapointe a répété que les chèques et les dépôts étaient sous le contrôle de la banque. Les sommes d’argent n’étaient portées au crédit des différents comptes d'entreprise à la Banque Royale que pendant quelques secondes ou moins.

 

[38]    M. Lapointe a rencontré Me Langlois et Me Faraggi, ou l’un d’entre eux, à nouveau le 9 septembre, lorsqu’ils ont déposé environ 5 800 000 $ dans un compte à la Banque Royale[18]. Ils ont également ouvert d’autres comptes ce jour‑là. M. Lapointe se souvenait qu’il s’agissait de fonds véritables, contrairement à ce qui avait été le cas dans la première série d’opérations. Le dépôt a été porté au crédit du compte le 10 septembre.

 

[39]    La Couronne a demandé si, au 9 septembre, la banque avait même ouvert les comptes dans lesquels les sommes ont été déposées. Dans un affidavit du 30 octobre 2001, M. Lapointe a déclaré que la date de l'inscription du dépôt était le 10 septembre probablement parce qu'il avait été effectué après 15 h le 9 septembre. Les comptes bancaires auraient pu être ouverts le 9 septembre et, conformément à la pratique de la banque, un chèque aurait pu être tiré sur un compte à cette même date, même si l’inscription du dépôt ne s'est faite que le lendemain. M. Lapointe a reconnu que, le 9 septembre, les fonds étaient sous le contrôle de la Banque Royale. Il savait que l’argent se trouverait dans les différents comptes le lendemain matin; cependant, les sommes déposées doivent d’abord être traitées avant d’être portées au crédit des comptes auxquels elles sont destinées.

 

[40]    Le 15 septembre, M. Lapointe a rempli une formule de demande de crédit bancaire commercial; c'était 2528 Inc. qui demandait un crédit de 20 000 000 $. Toutefois, M. Lapointe ayant été informé d'une modification de la Loi de l’impôt sur le revenu interdisant les opérations du genre de celles déjà effectuées par les appelants, l’approbation de crédit a été annulée[19].

 

[41]    Lise‑Andrée Girard était agent de crédit à la principale succursale montréalaise de la CIBC en 1987 et elle traitait avec de nombreux avocats du cabinet Stikeman Elliott. Au cours de l’été 1987, elle a ouvert plusieurs comptes pour les particuliers appelants, pour un certain M. Faille et pour une autre personne.

 

[42]    Mme Girard se souvenait qu’environ 45 à 50 comptes avaient été ouverts. Tous les comptes avaient été ouverts en prévision de la conclusion d'« opérations » visant le transfert de CDC à des tiers. Mme Girard établissait les documents bancaires avant la conclusion des opérations avec les tiers, de manière à faciliter et à accélérer la conclusion de ces opérations.

 

[43]    Le 22 septembre, on a exigé que Mme Girard reste au bureau après ses heures normales de travail parce qu’un compte devait être ouvert en prévision de la conclusion d’une opération ce jour‑là. Selon elle, l’opération a eu lieu le lendemain, soit le 23 septembre, parce qu’on ne disposait pas de la charte de la société, laquelle est nécessaire pour ouvrir un compte.

 

[44]    Toutefois, d'après la preuve des appelants, deux séries de conclusions d'opérations ont eu lieu le 22 septembre, une pour chaque société appelante, et aucune n’a eu lieu le 23 septembre. L’avocat de l’intimée a renvoyé Mme Girard à des bordereaux de dépôt établis au nom de 1276 Inc., de 1300 Inc. et de 1284 Inc. et dont les dates précèdent de plusieurs jours celle du timbre qui y a été apposé par la CIBC. Par exemple, un bordereau daté du 9 septembre 1987 porte un timbre indiquant le 16 septembre 1987. Dans son témoignage, Mme Girard a affirmé que la CIBC n’avait pas pour politique de différer le dépôt d’un chèque pendant plusieurs jours.

 

Activités du cabinet d’avocats

 

[45]    Me Grant a eu d’autres rencontres avec Me Langlois et Me Faraggi. Il n’a pas témoigné à l’audience et la preuve quant à ce qui s'est passé à ces rencontres consiste dans le témoignage de Me Langlois et de Me Faraggi.

 

[46]    Me Langlois a témoigné que, lorsque lui et Me Faraggi ont d’abord communiqué avec la CIBC, ils ont expliqué en détail leur proposition et demandé qu’on leur prête 10 000 000 $. Selon lui, ils ont dit à la CIBC qu’ils agissaient de leur propre chef, puis ils ont invité la banque à communiquer avec Me Grant pour s’assurer que les opérations proposées étaient conformes à l’éthique et ne causeraient pas de préjudice au cabinet Stikeman Elliott.

 

[47]    D’après Me Langlois, Me Grant a confirmé à la CIBC que les opérations proposées étaient l'affaire personnelle de Me Langlois et de Me Faraggi et que le cabinet Stikeman Elliott n'y participait pas. Me Grant a également dit à la banque qu’il n’était pas disposé à lui remettre une « lettre de confort ».

 

[48]    Après avoir parlé à la CIBC, Me Grant a donné à Me Langlois et à Me Faraggi la directive de s’adresser à une autre banque pour obtenir un financement. Me Grant a également dit aux particuliers appelants de ne pas solliciter des clients de Stikeman Elliott, que ce soit comme source de dividendes en capital ou comme acquéreurs de tels dividendes. Dans son témoignage, Me Langlois a déclaré que certains clients du cabinet avaient auparavant demandé son avis sur l'acquisition de CDC.

 

[49]    À l'époque où Me Grant discutait de la situation avec Me Langlois et Me Faraggi, ces derniers — ainsi que Me Grant, semble‑t‑il — discutaient des opérations avec Me Maurice A. Régnier, c.r., chef du service du droit fiscal chez Stikeman Elliott à Montréal.

 

[50]    Après avoir entendu la preuve et observé le comportement de Me Régnier pendant son témoignage, je suis arrivé à la conclusion que lui et Me Langlois entretenaient entre eux des rapports professionnels très étroits lorsque ce dernier travaillait chez Stikeman Elliott, et que Me Régnier avait la plus grande confiance en les compétences d’avocat fiscaliste de Me Langlois. J'en fais mention parce que j’estime que ces rapports ont influé sur la façon dont Me Régnier a agi dans le dossier à l’époque, en particulier, en rédigeant des lettres d'opinion.

 

[51]    L’avocat de la Couronne a interrogé Me Régnier au sujet de sa réunion, le 12 mai 1989, avec M. Serge Mercille et M. William Rosenberger de Revenu Canada. Les fonctionnaires de Revenu Canada s’intéressaient aux avis que Me Régnier avait fournis à Me Langlois et à Me Faraggi ou aux sociétés qu'ils contrôlaient et peut-être à leurs clients. Ces avis ont été signés en août et en septembre 1987; certains avis (les avis « longs ») précisaient le montant du compte de dividendes en capital faisant l'objet du transfert tandis que d’autres (les avis « courts ») étaient muets sur ce point[20]. Le procès‑verbal révisé de la réunion fait état de ce qui suit[21] :

 

[TRADUCTION]

 

La source des CDC n’a jamais été mise en doute par Me Régnier; on a présumé que cette source était des opérations réelles et légitimes donnant lieu à des augmentations des CDC; dans la mesure où il pouvait y avoir des inexactitudes quant au montant, la Loi de l’impôt sur le revenu prévoyait que l’auteur du transfert était assujetti à l’impôt de la partie III, mais que le CDC du bénéficiaire du transfert ferait l’objet d’une pleine augmentation. Me Régnier n’a jamais envisagé, c’est le moins qu’on puisse dire, la possibilité d’une tromperie.

 

Me Régnier n’a pas posé de questions sur le montant important des CDC mentionné dans l'avis long du 2 septembre 1987 qu’il a donné à Me Langlois – environ 49,6 millions de dollars. Dans son esprit, il croyait que Me Langlois avait « trouvé » une source d’une ampleur analogue à SNC, et il s’est également souvenu que Me Langlois avait fait mention d’accords bancaires et d’une relation chez Dominion Securities[22].

 

Comme Me Régnier allait partir en voyage pour deux semaines en septembre 87, c’est Me Langlois qui se chargerait de la « clôture » de ses opérations touchant les CDC.

 

Me Régnier n’a jamais participé à la conclusion d'aucune des opérations.

 

[52]    Me Régnier a affirmé que ses avis portaient uniquement sur les opérations relatives à un compte de dividendes en capital existant. Il a déclaré vigoureusement qu’on ne lui avait pas demandé son avis quant au compte de dividendes en capital lui‑même. Il a donné les précisions suivantes :

 

C’était […] une situation de fait sur laquelle j’opinais en fonction des opérations en question, souscription par des tiers dans les actions de la compagnie en question et puis versements de dividendes et rachats d’actions. Alors c’était sur l’opération comme telle et non pas sur le quantum, la source, les comptes de dividendes en capital.

 

Les chiffres mentionnés dans les avis de Me Régnier étaient fournis par Me Langlois. Me Régnier a déclaré qu’il ne s’était pas préoccupé de la façon dont un compte de dividendes en capital avait pu être établi; cela ne faisait pas partie de son mandat.

 

[53]    Vers le 2 septembre 1987, Me Régnier a fait parvenir à Me Langlois et à Me Faraggi une copie d’un avis juridique, en français et en anglais, daté du 27 août et adressé à 1915 Inc., à ses administrateurs et à ses actionnaires; l'avis concernait l'émission d'actions privilégiées de catégorie H de la société et les dividendes versés sur ces actions.

 

[54]    Me Langlois a témoigné que ce sont des avocats agissant pour une maison de courtage avec laquelle lui et Me Faraggi négociaient la vente d’un compte de dividendes en capital qui ont initialement demandé un avis juridique au cabinet Stikeman Elliott. Me Langlois a fait en sorte que Me Régnier fournisse l'avis. Plus tard, d’autres personnes, comme M. Faille, ont demandé à voir cet avis. Finalement, deux avis ont été rédigés, dont un avis simple, soit l’avis « court » mentionné plus haut, à l’intention de souscripteurs d’actions éventuels autres que M. Faille, adressé à 1915 Inc. Dans le cas de M. Faille, un avis détaillé, l'avis « long », a été envoyé à sa société. L’opération proposée n’a pas eu lieu.

 

[55]    Selon Me Langlois, Me Régnier avait discuté du plan de Me Langlois avec Me Grant. Me Langlois a paraphrasé ainsi une partie de ce que Me Régnier lui a dit au sujet de cette réunion :

 

« Je viens d’avoir une discussion avec maître Grant, il aimerait avoir… il aimerait avoir une discussion concernant ce que vous faites et puis il m’a dit que vous vouliez créer des dividendes en capital et des comptes de dividendes en capital. »

 

Me Langlois a admis qu’il y travaillait. D'après Me Langlois :

 

[…] ça […] amusait [Me Régnier] parce qu’il dit : « Quand j’entendais Jim Grant, Jim me parler de ça, j’imaginais… je te voyais avec ton grand chapeau pointu d’alchimiste et puis… »

 

[56]    Me Langlois a admis que Me Régnier, lorsqu’il a signé la lettre d'opinion, n’avait aucune idée de l’origine du CDC. Lorsque les avocats de l’un des premiers acquéreurs éventuels ont posé des questions concernant l’origine du CDC, Me Régnier a émis l’opinion que la source n’avait pas d’importance.

 

[57]    L’avocat de la Couronne a en outre posé à Me Langlois des questions concernant la conclusion des opérations effectuées par 1284 Inc. le 22 septembre. Me Langlois a dit qu’au cours d’une réunion entre Me Grant et Me Régnier, il avait été décidé que le cabinet n’émettrait pas d’avis sur la conclusion prévue des opérations. Me Grant avait rencontré des gens de Sherbrooke qui souhaitaient acquérir des CDC et il a refusé d’émettre un avis. Une opération analogue a néanmoins eu lieu, et la société de M. Faille y a participé. M. Faille vendait un CDC de sa société. Plus tard, le 22 septembre, la société de M. Faille a émis un chèque et souscrit des actions de 1284 Inc. Cependant, a précisé Me Langlois, ces opérations se sont déroulées après les heures d’ouverture des banques et les dépôts ont été faits à la banque le lendemain. Dans l’intervalle, des actions ont été émises en faveur de la société de M. Faille et des dividendes ont été déclarés sur les actions; également le 22 septembre, une résolution faisant le choix prévu au paragraphe 83(2) a été adoptée. Selon Me Langlois, les opérations ont été conclues le 22 septembre, même si les chèques n’ont été déposés dans le compte bancaire de 1284 Inc. que le lendemain.

 

[58]    En fin de compte, 1292 Inc. a conservé environ 240 000 $. Ces fonds ont servi à payer des dividendes de même qu’à émettre un chèque à l’ordre de Stikeman Elliott, vraisemblablement pour services rendus. Stikeman Elliott n’a pas encaissé le chèque.

 

Après le fait

 

[59]    En décembre 1987, les appelants et leur avocat à ce moment, ont entrepris une longue série de conversations téléphoniques et de réunions avec des représentants de l’administration fiscale d’alors, Revenu Canada. Le premier appel téléphonique a eu lieu le 21 décembre entre Me Langlois et un certain M. Ritti du fisc. Cet appel a été suivi d’une réunion le lendemain entre Me Langlois et MM. Rosenberger, Ritti et Daneau de Revenu Canada. D’autres appels téléphoniques et d’autres réunions ont suivi au cours des mois de février, de mars, d’avril, de mai et de novembre 1988[23].

 

[60]    Les appelants affirment que, pendant cette période, ils ont remis aux fonctionnaires de Revenu Canada des documents relatifs aux première et deuxième séries d’opérations[24]. Il s’agissait notamment de documents de chacune des sociétés décrivant la composition de leur CDC, de documents bancaires, de détails sur les chèques émis, de renseignements financiers personnels touchant les particuliers appelants, d’organigrammes ainsi que de copies de documents demandés par les fonctionnaires de Revenu Canada au cours des diverses réunions. Ces documents faisaient partie de ceux examinés par M. Dupuis.

 

Témoignage de M. Dupuis

 

[61]    M. Dupuis était le vérificateur principal de l’impôt de Revenu Canada chargé des dossiers des appelants. Il a examiné l’ensemble des documents pertinents concernant les dossiers, y compris les documents présentés par les appelants; il a en outre eu des entrevues avec la plupart, sinon la totalité, des particuliers ayant participé aux opérations.

 

[62]    M. Dupuis a décrit les divers éléments des opérations du point de vue du fisc. Il a fait état d'irrégularités comptables qui mettent en doute le caractère authentique des opérations. Par exemple, il a fait remarquer que le prêt initial de 10 000 000 $ était dépourvu de quelque élément que ce soit qui permettrait de le qualifier de prêt, comme de l’intérêt, des garanties et des contrats de prêt bancaire. Bref, il était d’accord avec M. Lapointe. M. Dupuis a déclaré que les chèques certifiés visaient à faire croire que les sociétés avaient des fonds dans leurs comptes bancaires, ce qui n’était pas le cas. Il s'est expliqué ainsi :

 

Il y a onze compagnies, il y a onze chèques, de 110 000 100 $. Après ça, il y a la dernière compagnie de la chaîne, 0206, elle, c’est 10 M$. Alors on se ramasse avec à peu près 130 M$, on construit des états financiers dans lesquels on met 100 M$ à l’actif de [A Inc.] puis on émet des billets de 110 M$. Mais moi je vois qu’on dit « C’est rien qu’un chèque ». Alors est‑ce qu’on a eu un prêt de 110 M$ ou on a eu un prêt de 10 M$.

 

[63]    D’autres aspects des opérations semblaient également louches aux yeux de M. Dupuis. Il ne croyait pas que les choix relatifs aux dividendes en capital faits en vertu du paragraphe 83(2) étaient authentiques. Le mécanisme utilisé pour créer les gains en capital, soit l’émission de billets, leur annulation ultérieure, et la déclaration de dividendes en actions, n’était pas légitime. M. Dupuis a déclaré ce qui suit :

 

Si on regarde l’écriture qui a été faite pour émettre le dividende K dans 099, 0099, on débite le surplus d’apport puis on crédite le capital actions catégorie K. Dans les écritures qu’on a présentées, on ne dénie pas que c’est fait contre le surplus d’apport, on met zéro comme valeur.

 

[…]

 

Et le surplus d’apport est débité mais avec une valeur de zéro. Vous allez voir c’est la valeur de zéro qui est importante.

 

[64]    M. Dupuis a en outre fait allusion à l’émission des actions de catégorie « K » par les diverses sociétés et à leur vente à A Inc., opérations qui ont également été effectuées sans les liquidités nécessaires. Il doutait de la régularité de l’émission de ces actions. Une fois la somme initiale de 10 000 100 $ transférée de l’une à l’autre des diverses sociétés, A Inc. a continué d’émettre des billets d’une valeur de 110 000 000 $ en faveur de sociétés avec lesquelles elle avait un lien de dépendance. À cette époque, A Inc. ne disposait que de fonds minimes dans son compte. Comme l’a expliqué M. Dupuis, les billets émis par A Inc. en contrepartie de l’ensemble des actions de catégorie « K », qui avaient une valeur de 110 000 000 $, ont tous été promptement annulés et les actions ont été rachetées. Selon M. Dupuis :

 

[...] Là, on se ramasse avec des billets, 110 M$ dans 5644. Comment elle va faire pour payer 5644 110 M$ de billets? On va racheter de la compagnie 099, 0107, 0115, vont décider de racheter les actions catégorie K, qu’elles ont vendues à 5644 pour 10 M$, mais elle, elle a un billet dans ses mains qui est dû par 5644, elle va prendre le billet puis l’annuler. Ça fait qu’elle ne perd rien finalement, 100 $. C’est un montage qu’il a fallu être pensé de A à Z au complet, parce que le 10 M$, je me suis dit, est‑ce qu’il y a quelqu’un qui va le payer un jour ce 10 M$‑là, pour la vente des actions catégorie K? Il n’y a personne qui paie ça, on va le voir plus tard, c’est qu’on va faire encore une annulation.

 

[65]    D'après M. Dupuis, les sociétés n’avaient pas de CDC inactifs qui ont par la suite été transférés. La série de transferts a servi plutôt à créer des gains en capital qui ont à leur tour fait naître des CDC fictifs :

 

[...] Avec les interrogatoires qu’on a faits des gens qu’on a rencontrés, permettait de croire qu’il y avait un abri fiscal de disponible. Alors la création, quand on voit monsieur Alain Lapointe, que monsieur Lapointe nous dit « J’ai permis la transaction parce que actuellement il y a des compagnies dormantes avec du [compte de dividendes en capital] », bien, elles ne dorment pas, les compagnies, là, Votre Honneur, elles sont en train de le faire le CDC, ce n’est pas la même chose, là. Il n’a pas acheté, à ce que je constate, des compagnies dans lesquelles il y avait un solde de CDC, le 10 M$ sert à le fabriquer.

 

[66]    Pendant le contre‑interrogatoire l’avocat a posé la question suivante à M. Dupuis :

 

Q. Là, dans le moment, les gains de capitaux se sont réalisés suite à la disposition d’actions dont le produit de disposition, vous l’avez tout expliqué, vos tableaux étaient tous là puis ça ne contredit même pas ce que les appelants ont produit dans leur exposé des faits. Il y a une vente d’actions, le produit de la disposition c’est 10 M$, le prix de base rajusté est 100 $ et ça donne un gain de capital?

 

Et M. Dupuis a répondu ainsi :

 

R. Mais on a excusez, mais cet élément‑là que vous mentionnez dans l’exposé des faits on ne le reconnaît pas. On reconnaît qu’il y a du papier sur place mais on ne reconnaît pas ces valeurs‑là. Je vais vendre zéro pour zéro, c’est ça qu’on a eu tant de difficulté à s’entendre puis à se comprendre, c’est que la forme est là mais l’argent n’est pas là. C’est comme on essaie de, vous voudriez que je dise que oui, il y a eu une vente, c’est 10 000 100 $, on l’a dit dans notre exposé des faits, notre réponse c’est zéro.

 

[67]    M. Dupuis a aussi mis en doute les dates auxquelles les actions ont été émises par certaines des sociétés. À titre d’exemple, les actions consignées dans le registre des actionnaires comme « émis[es] et payé[es] » ont été payées par un chèque daté du 9 septembre 1987; toutefois, les comptes des tierces sociétés n’ont été ouverts qu’en octobre. M. Dupuis a passé en revue les documents bancaires. Ils révèlent qu'un dépôt de 110 $ a été effectué au compte bancaire de N Inc. le 2 octobre 1987, censément pour acquérir les actions ordinaires des sociétés P Inc. à Z Inc., soit les sociétés à dénomination numérique de la deuxième série d’opérations. Les relevés bancaires de la CIBC montrent que les chèques émis pour payer les actions ordinaires des sociétés de P Inc. à Z Inc. portent les dates du 2, du 23 et du 26 octobre 1987 et qu’ils ont été déposés à ces mêmes dates. Or, il ressort du relevé de frais de la CIBC daté du 28 octobre 1987 que les neuf comptes ont été ouverts le 28 octobre. Ces chèques étaient essentiels aux transferts d'actions effectués dans la deuxième série d’opérations. M. Dupuis s’est demandé :

 

[...] comment on peut préparer un dépôt d’avance avec le numéro de compte quand il n’est pas ouvert le neuf (9) septembre. [...] Alors je me suis toujours demandé comment est‑ce qu’on pouvait être actionnaire d’une compagnie et qu’on inscrit : émis et payé des actions parce que c’est 1276, qui fait l’acquisition de toute la chaîne comment est‑ce qu’on peut inscrire dans les livres des actions émises et payées quand on ne peut même pas rédiger le chèque?

 

[68]    C'est avec raison que M. Dupuis s'est posé la question suivante :

 

[...] La première question que je me suis demandée, est‑ce qu’on a fait les chèques essentiels puis après ça on fera le restant de la comptabilité puis on fera les chèques au mois d’octobre quand les [...] clôtures seront finies, puis après ça on fera les papiers pour supporter les transactions?

 

Arguments et analyse

 

[69]    Les cotisations se fondent pour l’essentiel sur l’opinion de l’intimée que les opérations des première et deuxième séries consistaient en des activités commerciales et qu’une ou plusieurs des étapes faisant partie des première et deuxième séries respectivement, et les séries d’opérations elles‑mêmes, constituaient des trompe‑l’œil. Les sociétés appelantes se sont en fait engagées dans une entreprise ou, à tout le moins, dans une affaire de caractère commercial, et la différence entre ce que les tierces sociétés sans lien de dépendance ont payé les actions privilégiées et les sommes pour lesquelles les actions ont été rachetées constituait un revenu tiré d’une entreprise pour les sociétés appelantes. Les fonds utilisés pour verser les dividendes aux actionnaires provenaient d’un revenu d’entreprise et ces dividendes étaient imposables.

 

[70]    L’avocat des appelants avance que les sociétés appelantes n’ont pas touché un revenu d’entreprise et que les particuliers appelants, Me Faraggi et Me Langlois, n’ont pas reçu des dividendes imposables de 1915 Inc. et de 1284 Inc. Il n’y a eu aucun trompe‑l’œil ni aucune tromperie.

 

[71]    Les appelants avancent essentiellement que le ministre doit respecter les liens juridiques et la réalité juridique créés par les première et deuxième séries d’opérations. Il n'est loisible au ministre de procéder à une nouvelle qualification des rapports juridiques qu'en présence d’un trompe‑l’œil. Dans les présents appels, il ne peut y avoir de trompe‑l’œil puisque le principal élément d’un trompe-l'oeil consiste en une intention commune des parties de tromper et qu’une telle intention est absente en l’espèce. L’avocat s'est référé aux arrêts Shell Canada Ltd.[25] et Stubart Investments Ltd.[26] de la Cour suprême du Canada.

 

[72]    Les appelants font valoir que les émissions d’actions de 1915 Inc. et de 1284 Inc. en faveur de tiers particuliers sans lien de dépendance constituaient toutes des opérations juridiquement valables qui ont été conclues en bonne et due forme. Ces souscriptions d’actions sont étayées par des lettres de souscription, des résolutions des sociétés ainsi que des chèques émis en paiement des actions, et elles sont consignées dans le registre des actionnaires de 1915 Inc. et de 1284 Inc.

 

[73]    Selon l’avocat des appelants, le ministre s’est servi de la notion de trompe‑l’œil pour procéder à une nouvelle qualification des souscriptions d’actions de 1915 Inc. et de 1284 Inc., de sorte qu'elles donnaient lieu à un revenu d’entreprise découlant de bénéfices tirés de la vente de CDC. L’avocat soutient énergiquement que les CDC ne peuvent être vendus; ce ne sont pas des « droits » ni des « biens » et seuls les actionnaires eux-mêmes peuvent en bénéficier par le paiement ultérieur de dividendes et par des choix appropriés faits sous le régime de la Loi. En l’absence d’une intention commune quelconque de tromper de la part des actionnaires et des appelants, il est impossible de conclure qu’il existait un trompe‑l’œil. Par conséquent, le ministre doit respecter les rapports juridiques établis par les documents que les appelants et les sociétés ont signés dans le cadre des première et deuxième séries d’opérations.

 

[74]    De même, l’avocat des appelants soutient qu’en l’absence d’un trompe‑l’œil les sommes reçues par Me Faraggi et Me Langlois ne constituent pas des dividendes imposables. Ces dividendes ont été versés à Me Faraggi et à Me Langlois par suite d’un choix valable fait en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi selon les modalités prescrites. Chacune des opérations ayant mené à la création d’un CDC était juridiquement valable; chacune a été effectuée en bonne et due forme; et chacune était étayée par des documents[27].

 

[75]    En particulier, l'avocat a dit, aucune des opérations touchant les appelants ou la Banque Royale du Canada, ou les appelants et la banque, comme l'utilisation de la somme de 10 000 100 $ avancée par la banque, les ouvertures et les fermetures des comptes bancaires des sociétés ou l’émission et le dépôt de chèques certifiés, n’était un trompe‑l’œil visant à maquiller la vente de CDC en souscriptions d’actions des sociétés 1915 Inc. et 1284 Inc. Les appelants prétendent que les écritures comptables ne constituent pas la réalité juridique et que, de ce fait, elles ne peuvent être préjudiciables à leur cause si la façon dont les opérations ont été consignées donne une impression injustifiée. Si aucune des opérations ayant mené à la création des CDC n’était un trompe‑l’œil, il s’ensuit que l’ensemble des séries d’opérations ne peut être qualifié de trompe‑l’œil.

 

[76]    Donc, en l’absence d’un trompe‑l’œil, a conclu l'avocat des appelants, les diverses sociétés ayant participé aux première et deuxième séries d’opérations ont réalisé des gains en capital légitimes, ont fait des choix valables en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi et ont créé des CDC. Aucune partie des dividendes qui ont fait l’objet d’un choix valable ne doit être incluse dans le revenu des actionnaires. L'avocat soutient que l’article 89 de la Loi exclut expressément de la notion de « dividende imposable » les dividendes versés sur le CDC. Lorsque les sommes résultant des choix faits en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi excèdent le montant disponible du CDC, selon le paragraphe 184(2) de la Loi seule la société qui a versé ces sommes, et non ses actionnaires, est assujettie à l'impôt. Un dividende versé sur le CDC n’est en aucun cas transformé en dividende imposable entre les mains des actionnaires. Encore une fois, en l’absence d’un trompe‑l’œil, le ministre ne peut procéder à une nouvelle qualification des opérations ayant mené à la création de CDC valables pour les sociétés qui ont participé aux première et deuxième séries d’opérations.

 

[77]    À titre subsidiaire, l’avocat des appelants soutient que, s’il n’y avait pas de fonds dans le CDC de l’une ou l’autre société appelante lorsqu’elle a choisi, en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi, de verser des dividendes prélevés sur son CDC aux particuliers actionnaires, cette société est passible de pénalités sous le régime de la partie III de la Loi parce que le montant visé par le choix était excessif, mais cela n'a aucun effet défavorable sur les particuliers appelants.

 

[78]    Le paragraphe 248(1) de la Loi définit les termes « entreprise » et « business » de la façon suivante :

 

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi.

"business" includes a profession, calling, trade, manufacture or undertaking of any kind whatever and, except for the purposes of paragraph 18(2)(c), section 54.2, subsection 95(1) and paragraph 110.6(14)(f), an adventure or concern in the nature of trade but does not include an office or employment;

 

[79]    Ce ne sont pas tous les genres d’activités qui peuvent être considérés comme une entreprise; un certain caractère commercial doit être présent. Le « plan » prévoyant le « transfert » ultérieur de CDC à des tiers et le versement de dividendes aux particuliers appelants, la sollicitation, directe ou indirecte, de personnes qui pourraient bénéficier du « transfert » de CDC, et certains autres actes des appelants participaient tous de l'entreprise commerciale. Rien ne les différencie de l’élaboration d’un produit, de sa fabrication et de sa vente par une personne exploitant une entreprise. En l’espèce, tous les actes et toutes les opérations accomplis dans le cadre des première et deuxième séries d’opérations faisaient partie d’un stratagème visant à produire un bénéfice. Me Langlois a reconnu que lui et Me Faraggi avaient prévu retirer une somme d’environ 200 000 $ chacun de ce stratagème. En réalité, ils en ont retiré beaucoup plus. Je ne vois pas en quoi les opérations des première et deuxième séries aboutissant aux opérations nécessaires conclues avec des tiers — lesquelles ont permis aux sociétés appelantes de réaliser un bénéfice — sont différentes de tout autre projet produisant un bénéfice. Le fait que l’intention des parties était dissimulée derrière de prétendues ententes, des émissions d’actions, des déclarations de dividendes et de dividendes réputés, des gains en capital et des choix faits en vertu du paragraphe 83(2) ne change rien à l’intention des appelants et à ce qu’ils ont fait en réalité. Les sociétés appelantes exploitaient une entreprise consistant à produire des dividendes, qu’elles présentaient comme des dividendes provenant de leurs comptes de dividendes en capital, et ces comptes, à tout le moins, elles les ont en réalité transférés à des tiers à profit. Les profits ou une partie de ceux‑ci étaient ensuite distribués aux particuliers appelants à titre de dividendes devant être inclus dans le revenu de ces particuliers tel qu'il est établi dans les cotisations. Ces dividendes n’ont pas été versés sur le CDC de l’une quelconque des sociétés. Il n'y avait aucun montant qui pouvait faire l’objet d’un choix en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi.

 

[80]    Avant que Me Langlois et Me Faraggi démarrent leur projet, aucune des sociétés ayant participé aux première et deuxième séries d’opérations n’avait été constituée en personne morale, aucune des personnes ayant participé à ces deux séries d’opérations n’avait réalisé de gains en capital et aucun choix n’avait été produit en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi. Me Langlois et Me Faraggi ont commencé à zéro, n'ayant pas d'antécédents à cet égard, et ont élaboré un ensemble de faits à leurs propres fins. Tout ce qui a été fait dans le cadre des première et deuxième séries d’opérations était artificiel. Les appelants se sont servis de dispositions de la Loi pour obtenir un résultat dont ils espéraient qu’il ne serait pas découvert par l’administration fiscale. La façon dont ils souhaitaient arriver à leurs fins était incompatible avec l’objet et l’esprit de l’article 89 et des paragraphes 52(3), 83(2) et 84(1) de la Loi[28].

 

[81]    Dans l’arrêt Snook v. London & West Riding Investments, Ltd.[29], lord Diplock définit ainsi le terme anglais « sham » (« trompe‑l’œil ») :

 

[TRADUCTION]

[...] les actes faits ou les documents signés par les parties dans l’intention de faire croire aux tiers et au tribunal qu’ils créent des droits et des obligations différents de ceux (s’il en est) que les parties entendent vraiment créer. Je crois qu’il y a cependant une chose qui est claire sur le plan des principes juridiques, de la moralité et des précédents [...] pour qu’un acte ou un document constitue un « trompe-l’œil » – avec les conséquences juridiques qui peuvent en découler – toutes les parties à cet acte ou à ce document doivent avoir l’intention commune de ne pas créer les droits et les obligations qu’ils font croire qu’ils créent. Les intentions non exprimées de l’auteur du « trompe-l’œil » n’ont aucune incidence sur les droits de la personne qu’il a trompée. En l’espèce, le tribunal conclut expressément que les défendeurs n’étaient pas partie au présumé « trompe-l’œil ». Cette prétention est donc mal fondée.

 

 

[Je souligne.]

 

. . . acts done or documents executed by the parties to the "sham" which are intended by them to give to third parties or to the court the appearance of creating between the parties legal rights and obligations different from the actual legal rights and obligations (if any) which the parties intend to create. One thing I think, however, is clear in legal principle, morality and the authorities . . . that for acts or documents to be a "sham", with whatever legal consequences follow from this, all the parties thereto must have a common intention that the acts or documents are not to create the legal rights and obligations which they give the appearance of creating. No unexpressed intentions of a "shammer" affect the rights of a party whom he deceived. There is an express finding in this case that the defendants were not parties to the alleged "sham". So this contention fails.

[Emphasis added.]

 

[82]    Au Canada, le juge Estey a décrit la notion de trompe‑l’œil dans les termes suivants dans l’arrêt Stubart Investments Ltd.[30] :

 

[...] cette expression nous vient de décisions du Royaume-Uni et signifie, de façon générale (non sans ambiguïté), une opération assortie d’un élément de tromperie de manière à créer une illusion destinée à cacher au percepteur le contribuable ou la nature réelle de l’opération, ou un faux-semblant par lequel le contribuable crée une apparence différente de la réalité qu’elle sert à masquer.

 

[Je souligne.]

. . . This expression comes to us from decisions in the United Kingdom, and it has been generally taken to mean (but not without ambiguity) a transaction conducted with an element of deceit so as to create an illusion calculated to lead the tax collector away from the taxpayer or the true nature of the transaction; or, simple deception whereby the taxpayer creates a facade of reality quite different from the disguised reality.

[Emphasis added.]

 

 

[83]    Le juge Estey a ajouté que la « tromperie […] est au cœur même du trompe‑l’œil »[31]. Il a précisé qu’en l’absence de tromperie :

 

[...] On ne peut soutenir que l’opération elle‑même et la forme dans laquelle les parties, leurs conseillers juridiques et comptables l’ont réalisée l’ont été de manière à créer une fausse impression pour les tiers, notamment les autorités fiscales. L’apparence créée par les documents correspond précisément à la réalité. Les obligations prévues dans les documents étaient des obligations juridiques dans le sens qu’elles étaient absolument exécutoires en droit[32].

 

[Je souligne.]

. . . The transaction and the form in which it was cast by the parties and their legal and accounting advisers cannot be said to have been so constructed as to create a false impression in the eyes of a third party, specifically the taxing authority. The appearance created by the documentation is precisely the reality. Obligations created in the documents were legal obligations in the sense that they were fully enforceable at law.

 

[Emphasis added.]

 

 

[84]    Le Petit Robert et le Oxford English Dictionary définissent respectivement les termes « tromper » et « deceive » de la manière suivante :

 

1 Induire (qqn) en erreur quant aux faits ou quant à ses intentions, en usant de mensonge, de dissimulation, de ruse.

2 (Choses) Faire tomber (qqn) dans l'erreur, l'illusion, du fait des choses ou sans intervention d'autrui.

3 Littér. Ne pas répondre à, être inférieur à (ce qu'on attend, ce qu'on souhaite).

4 Donner une satisfaction illusoire ou momentanée à (un besoin, un désir).

1. To ensnare; to take unawares by craft or guile; to overcome, overreach, or get the better of by trickery; to beguile or betray into mischief or sin; to mislead.

2. To cause to believe what is false; to mislead as to a matter of fact, lead into error, impose upon, delude, 'take in'; To use deceit; act deceitfully.

3. To be or prove false to, play false, deal treacherously with;

4. To cheat, overreach; defraud.

 

[85]    Dans l’arrêt Shell Canada Ltd.[33], la juge McLachlin (tel était alors son titre) a déclaré que les rapports juridiques existant entre contribuables doivent être respectés, sauf en présence d’un trompe‑l’œil :

 

39   Notre Cour a statué à maintes reprises que les tribunaux doivent tenir compte de la réalité économique qui sous‑tend l’opération et ne pas se sentir liés par la forme juridique apparente de celle‑ci : Bronfman Trust, précité [[1987] 1 R.C.S. 32], aux pp. 52 et 53, le juge en chef Dickson; Tennant, précité [1996] 1 R.C.S. 305, au par. 26, le juge Iacobucci. Cependant, deux précisions à tout le moins doivent être apportées. Premièrement, notre Cour n’a jamais statué que la réalité économique d’une situation pouvait justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par le contribuable. Au contraire, nous avons décidé qu’en l’absence d’une disposition expresse contraire de la Loi ou d’une conclusion selon laquelle l’opération en cause est un trompe-l’œil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale. Une nouvelle qualification n’est possible que lorsque la désignation de l’opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables : Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, au par. 21, le juge Bastarache.

[Je souligne.]

39     This Court has repeatedly held that courts must be sensitive to the economic realities of a particular transaction, rather than being bound to what first appears to be its legal form: Bronfman Trust, supra [[1987] 1 S.C.R. 32], at pp. 52‑53, per Dickson C.J.; Tennant, supra [1996] 1 S.C.R. 305, at para. 26, per Iacobucci J. But there are at least two caveats to this rule. First, this Court has never held that the economic realities of a situation can be used to recharacterize a taxpayer's bona fide legal relationships. To the contrary, we have held that, absent a specific provision of the Act to the contrary or a finding that they are a sham, the taxpayer's legal relationships must be respected in tax cases. Recharacterization is only permissible if the label attached by the taxpayer to the particular transaction does not properly reflect its actual legal effect: Continental Bank Leasing Corp. v. Canada, [1998] 2 S.C.R. 298, at para. 21, per Bastarache J.

 

 

 

 

[Emphasis added.]

 

 

[86]    Pour qu’il y ait un trompe‑l’œil, les contribuables doivent avoir agi de façon à tromper l’administration fiscale quant à leurs véritables rapports juridiques. Le contribuable crée une apparence qui n’est pas conforme à la situation réelle.

 

[87]    Dans les appels dont je suis saisi, les éléments essentiels des opérations effectuées par les appelants présentent les aspects fondamentaux d’un trompe‑l’œil. Il y a eu abus des dispositions de la Loi[34]. Le prétendu prêt initial de 10 000 100 $, la déclaration de dividendes en actions et de dividendes ordinaires, l’échange corrélatif de billets et les gains et pertes en capital masquaient un exercice entrepris de concert par les appelants afin de gagner un revenu par le biais d’une série d’opérations fictives.

 

[88]    Comme le montrent les témoignages de M. Lapointe et de M. Dupuis, le découvert d’un jour, ou prêt initial, ne répond pas à la définition d’un prêt. Selon le Black’s Law Dictionary, le terme « loan » [« prêt »] signifie [TRADUCTION] « 1. Action de prêter; accorder une chose à titre temporaire; 2. Chose prêtée pour l’usage temporaire de son emprunteur; spécialt., une somme d’argent prêtée à intérêt »[35]. En 1987, le Code civil du Bas-Canada définissait ainsi les termes « prêt » et « loan » :

 

1777. Le prêt de consommation est un contrat par lequel le prêteur livre à l’emprunteur une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par ce dernier de lui en rendre autant de même espèce et qualité.

 

1778. Par le prêt de consommation l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée, et la perte en retombe sur lui[36].

 

1777. Loan for consumption is a contract by which the lender gives the borrower a certain quantity of things which are consumed by the use made of them, under the obligation by the latter to return a like quantity of things of the same kind and quality.

 

1778. By loan for consumption the borrower becomes owner of the thing lent, and the loss of it falls upon him.

 

 

[89]    L’auteur Mignault[37] écrit :

            Le prêt à l'intérêt n'est qu'une variante du prêt de consommation. Car la somme prêtée se rend par le paiement d'une somme égale et non pas par la restitution des espèces mêmes qui ont été fournies. Mais l'emprunteur ne reçoit plus un service gratuit, il paie au prêteur une compensation pour l'usage des deniers, et cette compensation s'appelle l'intérêt.

 

            L'intérêt est donc le profit que le prêteur stipule comme prix de la jouissance qu'il accorde à l'emprunteur.

 

[90]    Pour qu'il y ait « prêt », il faut qu’un bien soit effectivement transféré du prêteur à l’emprunteur, à la charge pour ce dernier de rendre le même montant d’argent. Dans la présente affaire, la banque avait possession des fonds passant d’un compte à l’autre; elle pouvait « retirer » ces fonds de leur circulation entre les comptes à tout moment et, pour les appelants, il n'y aurait eu aucun recours contre cela. De plus, l’absence d’une garantie obligeait la banque à garder le contrôle et la possession des fonds en tout temps. Les sociétés qui ont participé à la première série d’opérations n’avaient pas la jouissance absolue des 10 000 000 $. La banque n'était nullement obligée envers ces sociétés de leur accorder la libre utilisation des fonds pendant une période donnée. La banque ne détenait aucune garantie et, sans garantie, elle n’aurait pas été disposée à prêter de l’argent aux sociétés. Si les 10 000 $ payés à la banque constituaient de l’intérêt, comme le soutiennent les appelants, on se serait attendu à ce que les sociétés et la banque eussent conclu un contrat de prêt qui contenait les conditions habituelles de la banque prévoyant le paiement d’intérêt. Il n’y avait aucun contrat de cette nature. La somme de 10 000 $ consistait simplement en des frais de service. Rien dans la preuve ne me permet de croire que les 10 000 $ se rapportaient à des frais d’intérêt au titre d’un prêt de 10 000 000 $ pour une période de moins d’un jour.

 

[91]    De même, l’échange de billets d’une valeur de 110 000 000 $ contre les dividendes en actions de catégorie « K » de diverses sociétés ne respectait pas les caractéristiques et obligations juridiques qui doivent normalement être présentes quand on souscrit un billet. Il n’a jamais été envisagé que les billets émis en l’espèce seraient un jour honorés par le souscripteur. Les fonds disponibles à l’époque pour servir au paiement par 2528 Inc. consistaient uniquement en la somme symbolique de 100 $. Dans la Loi sur les lettres de change[38], les termes « billet » et « promissory note » sont définis de la manière suivante :

 

176. (1) Le billet est une promesse écrite signée par laquelle le souscripteur s’engage sans condition à payer, sur demande ou à une échéance déterminée ou susceptible de l’être, une somme d’argent précise à une personne désignée ou à son ordre, ou encore au porteur.

 

 

176. (1) A promissory note is an unconditional promise in writing made by one person to another person, signed by the maker, engaging to pay, on demand or at a fixed or determinable future time, a sum certain in money to, or to the order of, a specified person or to bearer.

 

[92]    J’estime raisonnable la conclusion de M. Dupuis que les prétendus créanciers des billets n’ont eu aucune intention de recouvrer les créances et qu’ils ont collectivement annulé les billets. Les annulations constituaient une partie essentielle du stratagème mis en œuvre par les appelants et les autres sociétés. Les prétendus rapports juridiques découlant des billets visaient simplement à créer un moyen par lequel le montant total des gains en capital et des CDC finirait entre les mains de 2528 Inc. Cette dernière devait alors, par l’entremise de 1915 Inc., transférer les CDC sous forme de dividendes non imposables à des souscripteurs d’actions sans lien de dépendance. De plus, on peut mettre en doute l’existence même des actions de catégorie « K » à titre de dividendes en actions puisque, à la date où elles les ont émises, les sociétés émettrices ne disposaient pas d'un capital pouvant justifier le versement de dividendes de 10 000 000 $. Il est douteux, dans les circonstances, que les souscripteurs des billets aient promis, sans condition, de payer une somme d’argent à une autre personne; le souscripteur et le créancier de chaque billet savaient qu’aucun paiement de ce genre n’aurait lieu. Les billets étaient des trompe‑l’œil.

 

[93]    Pour qu'on puisse qualifier les opérations en litige de trompe‑l’œil, il devait exister une intention commune de tromper, à tout le moins de la part de Me Faraggi et de Me Langlois, des sociétés appelantes et d’autres sociétés ayant participé aux deux séries d’opérations. Je n’éprouve guère de difficulté à conclure que Me Faraggi et Me Langlois avaient l'intention de tromper, puisque ce sont eux qui contrôlaient directement les diverses sociétés à titre d’actionnaires et d’administrateurs et qui étaient également responsables de la façon dont les sociétés consignaient les opérations. En outre, la Banque Royale et d’éventuels souscripteurs d’actions sans lien de dépendance ont tous été informés de la nature des opérations envisagées. Je partage l’opinion de M. Dupuis selon laquelle les opérations étaient complexes et chacune des étapes a dû être planifiée à l’avance. Une intention commune de tromper était présente à chaque étape du processus : on donnait l’impression qu’il existait des rapports juridiques et on masquait ainsi l’objet visé par les véritables opérations prévues, c’est‑à‑dire l’exploitation d’une entreprise en vue de réaliser un profit[39]. Enfin, il est manifeste qu’il y a eu abus de certaines dispositions précises de la Loi, contrairement à l’objet et à l’esprit de celles‑ci.

 

[94]    Je ne puis admettre l’argument subsidiaire de l’avocat des appelants qui est exposé au paragraphe 77 des présents motifs. Je suis arrivé à la conclusion que les sociétés appelantes n’ont jamais eu de CDC. Les particuliers appelants et les actionnaires qui ont reçu des dividendes des sociétés appelantes savaient que ces dernières n’avaient jamais eu de gains en capital ni, par conséquent, de CDC. Faire un choix en vertu du paragraphe 83(2) dans ces circonstances est, c’est le moins qu’on puisse dire, malhonnête et contraire à l’objet et à l’esprit de cette disposition. On ne saurait valider pareil choix en ayant recours à la partie III de la Loi.

 

[95]    En dernier lieu, nous examinerons l’application aux appelants des pénalités prescrites au paragraphe 163(2) de la Loi. Cette disposition prévoit notamment ce qui suit :

 

Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse [...] rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité [...]

 

Every person who, knowingly, or under circumstances amounting to gross negligence, has made or has participated in, assented to or acquiesced in the making of, a false statement or omission in a return, form, certificate, statement or answer . . . filed or made in respect of a taxation year for the purposes of this Act, is liable to a penalty . . .

 

[96]    Les faits justifiant l’imposition aux appelants de pénalités pour avoir, « sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde », fait de faux énoncés ou des omissions dans leurs déclarations de revenus, ou y avoir participé, sont exposés dans les présents motifs et il est inutile de les répéter. Les appelants ont sciemment exécuté et promu une série d’opérations sachant qu’elles étaient artificielles et constituaient un abus de certaines dispositions de la Loi. Ils ont néanmoins rempli et produit les déclarations de revenus en cause, ou ont fait en sorte que ces déclarations soient remplies, sachant fort bien que les renseignements figurant dans les déclarations relatives à chacun des appelants pour 1987 et dans les déclarations relatives aux particuliers appelants pour 1988 comportaient de faux énoncés ou des omissions. Les sociétés appelantes savaient qu’elles exploitaient une entreprise et leurs bénéfices ont été maquillés en dividendes versés sur des CDC. Quant aux particuliers appelants, ils savaient que les dividendes qu’ils avaient reçus des sociétés appelantes étaient des dividendes imposables. Il ne servirait à rien de passer en revue la jurisprudence portant sur le paragraphe 163(2) de la Loi — les faits parlent d’eux‑mêmes. Les particuliers appelants, qui sont des avocats avertis, ont élaboré le stratagème et ont contrôlé les sociétés appelantes de manière à effectuer des opérations qui constituaient des trompe‑l’œil et des abus de certaines dispositions de la Loi. Tous les appelants savaient de quoi il retournait.

 

[97]    Les appels sont rejetés avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mai 2007.

 

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge en chef adjoint Rip

 


Annexe 1 :

 

Recotisation de 2529‑1915 Québec Inc.

 

 

Date

Nombre

Cat.

Prix de souscription

Cap. Versé

Différence

Dividende prétendu

Différence nette

 

7-Août-87

17 640

H

2 119 257,00 $

176,40

2 119 080,60

(1 764 000,00) $

355 080,60 $

2-Sep-87

6 727

K

7 752 534,07

67,27

7 752 466,80

(6 727 000,00)

1 025 466,80

3-Sep-87

18 184

J

20 971 893,32

181,84

20 971 711,48

(18 184 000,00)

2 787 711,48

4-Sep-87

10 190

I

11 586 350,75[40]

100,62

11 586 250,13

(10 063 000,00)

1 523 250,13

10-Sep-87

8 729

K

10 055 186,10[41]

82,57

10 055 103,53

(8 729 000,00)

1 326 103,53

15-Sep-87

1 450

L

1 800 002,50

14,50

1 799 988,00

(1 450 000,00)

349 988,00

16-Sep-87

2 737

K

3 010 265,71

27,37

3 010 238,34

(2 737 000,00)

273 238,34

17-Sep-87

5 250

G

630 052,50

52,50

630 000,00

(525 000,00)

105 000,00

21-Sep-87

4 000

F

495 240,00

40,00

495 200,00

(400 000,00)

95 200,00

22-Sep-87

13 490

E

1 613 444,90

134,90

1 613 310,00

(1 349 000,00)

264 310,00

 

 

Total :

60 034 226,85 $

877,97

60 033 348,88

(51 928 000,00) $

8 105 348,88 $

 

Recotisé à titre de « Revenu d’entreprise net non déclaré » [par. 6(w) de la Réponse à l'avis d'appel]

8 105 344,14 $

 

 

   

 


Annexe 2 :

 

Recotisation de 2530-1284 Québec Inc.

 

 

Date

Nombre

Cat.

Prix de souscription

Cap. Versé

Différence

Dividende prétendu

Différence nette

 

15-Sep-87

2 341

K

2 722 682,98 $

23,41

2 722 659,57

(2 341 000,00) $

381 659,57 $

16-Sep-87

5 720

J

6 593 267,20

57,20

6 593 210,00

(5 720 000,00)

873 210,00

17-Sep-87

8 160

I

9 392 384,70

81,60

9 392 303,10

(8 160 000,00)

1 232 303,10

18-Sep-87

6 016

H

6 921 060,42

60,16

6 921 000,26

(6 016 000,00)

905 000,26

21-Sep-87

516

G

600 249,12

5,16

600 243,96

(516 000,00)

84 243,96

22-Sep-87

8 031

F

9 232 380,31

80,31

9 232 300,00

(8 031 000,00)

1 201 300,00

 

 

 

 

 

 

 

 

Total :

35 462 024,73 $

307,84

35 461 716,89

(30 784 000,00) $

4 677 716,89 $

 

Recotisé à titre de « Revenu d’entreprise additionnel »

4 677 716,89 $

 

 

 

 

 

 


Annexe 3

 

Dividendes recotisés

 

Pour 1987

Cat.

Dividende

Langlois

Faraggi

 

2529-1915 Québec Inc.

 

  1. 27-Août-87
  2. 04-Sep-87
  3. 10-Sep-87
  4. 10-Sep-87
  5. 16-Sep-87
  6. 17-Sep-87

 

Total :

 

 

 

ord.

priv. I

priv. K

ord.

ord.

ord.

 

 

 

87 675,00

10 191 000,00

9 201 000,00

854 565,00

358 371,00

59 580,00

 

20 752 191,00

 

33 1/3 %

 

29 225,00

64 000,00

236 000,00

284 855,00

119 457,00

19 860,00

 

753 397,00

 

33 1/3 %

 

29 225,00

64 000,00

236 000,00

284 855,00

119 457,00

19 860,00

 

753 397,00

 

2528-5644 Québec Inc.

 

  1. 27-Août-87
  2. 02-Sep-87
  3. 03-Sep-87
  4. 04-Sep-87

 

Total :

 

 

 

ord.

ord.

ord.

ord.

 

 

 

245 950,00

1 025 385,00

2 784 675,00

1 376 890,00

 

5 432 900,00

 

50 %

 

122 975,00

512 692,50

1 392 337,50

688 445,00

 

2 716 450.00

 

50 %

 

122 975,00

512 692,50

1 392 337,50

688 445,00

 

2 716 450,00

 

2530-1292 Québec Inc.

 

  1. 16-Sep-87
  2. 17-sep-87
  3. 18-Sep-87
  4. 22-Sep-87
  5. 13-Nov-87

 

Total :

 

 

 

ord.

ord.

ord.

ord.

ord.

 

 

 

 

872 972,00

1 118 630,00

904 910,00

1 495 200,00

178 600,00

 

4 570 312,00

 

50 %

 

436 486,00

559 315,00

452 455,00

747 600,00

89 300,00

 

2 285 156,00

 

50 %

 

436 486,00

559 315,00

452 455,00

747 600,00

89 300,00

 

2 285 156,00

 

2530-1276 Québec Inc.

 

  1. 16-Sep-87
  2. 17-Sep-87

 

Total :

 

 

 

ord.

ord.

 

 

 

 

276 705,00

324 676,00

 

601 381,00

 

55 %

 

152 187,75

178 571,80

 

330 759,55

 

45 %

 

124 517,25

146 104,20

 

270 621,45

 

Total des dividendes reçus

 

 

 

 

6 085 762,55

 

6 025 624,45

Majoration (1/3)

 

 

2 028 587,52

 

2 008 541,48

Montant ajouté par MRN pour 1987

 

 

8 114 350,07

8 034 165,93

 

 

Pour 1988

Cat.

Dividende

Langlois

Faraggi

 

2530-1292 Québec Inc.

 

  1. 30-Déc-88

 

 

 

 

ord.

 

 

 

233 868,00

 

50 %

 

116 934,00

 

 

50 %

 

116 934,00

Majoration (1/3)

 

 

38 978,00

 

38 978,00

Montant ajouté par MRN pour 1988

 

 

155 912,00

155 912,00


Annexe 4 :

 

2529-1915 Québec Inc.

 

Date de clôture

Société

Nombre d’actions de chaque catégorie

Prix d’achat

 

Prix de rachat

 

Différence entre le prix d’achat et de rachat

27 août 1987

Total :  Catégorie H

 

  1. Gestion Yves Beaudoin Inc.
  2. Rodolphe Bélanger Inc.
  3. Les Productions Bo-Mon Inc.
  4. Les Productions Claude Meunier Inc.
  5. Les Productions Stéphane Laporte Inc.
  6. Léo Dubois et Fils Ltée
  7. Fenêtre Métropole Inc.
  8. Les Placements Campotoro Inc.
  9. 2411-4340 Québec Inc.

17 640

 

1 600

2 480

2 500

2 500

1 250

3 000

1 653

2 480

177

 

 

200 016,00 $

300 080,00 $

300 000,00 $

300 000,00 $

150 000,00 $

369 000,00 $

200 000,00 $

300 080,00 $

177,00 $

 

 

 

16,00 $

24,80 $

25,00 $

25,00 $

12,50 $

30,00 $

16,53 $

24,80 $

1,77 $

 

 

200 000,00 $

300 055,20 $

299 975,00 $

299 975,00 $

149 987,50 $

368 970,00 $

199 983,47 $

300 055,20 $

17 700,00 $

2 septembre 1987

Total :  Catégorie K 

 

  1. 2529-2079 Québec Inc.

 

6 727

 

6 727

 

 

7 752 534,07 $

 

 

67,27 $

 

 

7 752 466,80 $

3 septembre 1987

Total :  Catégorie J

 

  1. 118562 Canada Ltée
  2. 2529-2079 Québec Inc.

 

18 184

 

289

17 895

 

 

349 692,89 $

20 622 200,43 $

 

 

2,89 $

178,95 $

 

 

 

349 690,00 $

20 622 021,48 $

 

 


 

2529-1915 Québec Inc. (suite)

 

Date de clôture

Société

Nombre d’actions de chaque catégorie

Prix d’achat

 

Prix de rachat

 

Différence entre le prix d’achat et de rachat

4 septembre 1987

Total :  Catégorie I

 

  1. Robert Langlois
  2. Ralph Faraggi
  3. Hélène Pronovost
  4. 2529-2079 Québec Inc.
  5. 2411-4340 Québec Inc.

 

10 191

 

64

64

5

10 054

4

 

 

64,00 $

64,00 $

5,00 $

11 585 845,75 $

500,00 $

 

 

0,64 $

0,64 $

0,05 $

100,54 $

0,04 $

 

 

 

63,36 $

63,36 $

4,95 $

11 585 745,21 $

499,96 $

10 septembre 1987

Total :  Catégorie K

 

  1. Robert Langlois
  2. Ralph Faraggi
  3. Hélène Pronovost
  4. 2529-2079 Québec Inc.
  5. Jocelyne Tremblay

 

9 201

 

236

236

2

8 726

1

 

 

236,00 $

236,00 $

2,00 $

10 055 183,10 $

1,00 $

 

 

2,36 $

2,36 $

0,02 $

87,26 $

0,01 $

 

 

 

233,64 $

233,64 $

1,98 $

10 055 095,84 $

0,99 $

15 septembre 1987

Total :  Catégorie L

 

  1. Fernard Dufresne Inc.
  2. Les Excavations Rodrigue Inc.
  3. Gestion Alain Michon (1980) Inc.
  4. Steven Chacra Enterprises Ltd.

1 450

 

560

640

125

125

 

 

 

700 000,00 $

800 000,00 $

150 001,25 $

150 001,25 $

 

 

5,60 $

6,40 $

1,25 $

1,25 $

 

 

 

699 994,40 $

799 993,60 $

150 000,00 $

150 000,00 $

 

 


 

2529-1915 Québec Inc. (suite)

 

Date de clôture

Société

Nombre d’actions de chaque catégorie

Prix d’achat

 

Prix de rachat

 

Différence entre le prix d’achat et de rachat

16 septembre 1987

Total :  Catégorie K

 

  1. Le Matériel Industriel Ltée
  2. Mode Caccia Fashions Inc.
  3. Lulumco Inc.
  4. Plomberie André Landry Inc.
  5. 444638 Ontario Limited
  6. Gestion Guy Bussière Inc.
  7. Les Aménagements René Drouin
  8. Prestolame Inc.
  9. 2411-4340 Québec Inc.

 

2 737

 

167

300

1 039

120

125

125

400

160

301

 

 

200 401,67 $

360 003,00 $

1 299 550,74 $

150 001,20 $

150 001,25 $

150 001,25 $

500 004,00 $

200 001,60 $

301,00 $

 

 

1,67 $

3,00 $

10,39 $

1,20 $

1,25 $

1,25 $

4,00 $

1,60 $

3,01 $

 

 

200 400,00 $

360 000,00 $

1 299 540,35 $

150 000,00 $

150 000,00 $

150 000,00 $

500 000,00 $

200 000,00 $

297,99 $

17 septembre 1987

Total :  Catégorie G

 

  1. Voltelec Inc.
  2. Les Gestions Yves Bénard Inc.
  3. MacGer Holdings Ltd.

5 250

 

1 500

1 250

2 500

 

 

180 015,00 $

150 012,50 $

300 025,00 $

 

 

 

15,00 $

12,50 $

25,00 $

 

 

 

180 000,00 $

150 000,00 $

300 000,00 $

21 septembre 1987

Total :  Catégorie F

 

  1. Michal Inc.
  2. Nova Construction (Marcel Parent)
  3. Isolation Beauport (1978) Inc.

4 000

 

1200

1600

1200

 

 

145 212,00 $

200 016,00 $

150 012,00 $

 

 

12,00 $

16,00 $

12,00 $

 

 

145 200,00 $

200 000,00 $

150 000,00 $

 


 

2529-1915 Québec Inc. (suite)

 

Date de clôture

Société

Nombre d’actions de chaque catégorie

Prix d’achat

 

Prix de rachat

 

Différence entre le prix d’achat et de rachat

22 septembre 1987

Total :  Catégorie E

 

  1. B. Deneault Inc.
  2. Les Boîtes à Chanson et Café-Terrasse Les Pierrots Inc.
  3. 132331 Canada Inc.
  4. Turfquip Inc.
  5. 2530-3660 Québec Inc.
  6. 109006 Canada Inc.

 

13 490

 

4 000

3 500

 

1 500

1 500

1 490

1 500

 

 

480 040,00 $

420 035,00 $

 

180 015,00 $

180 015,00 $

173 324,90 $

180 015,00 $

 

 

40,00 $

35,00 $

 

15,00 $

15,00 $

14,90 $

15,00 $

 

 

 

480 000,00 $

420 000,00 $

 

180 000,00 $

180 000,00 $

173 310,00 $

180 000,00 $

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


2530-1284 Québec Inc.

 

Date de clôture

Société

Nombre d’actions de chaque catégorie

Prix d’achat

 

Prix de rachat

 

Différence entre le prix d’achat et de rachat

15 septembre 1987

Total :  Catégorie K

 

  1. Lunettes Cartier Ltée
  2. 2530-3660 Québec Inc.
  3. 2530-0146 Québec Inc.

 

Total :  Catégorie L

 

  1. 2530-1292 Québec Inc.

2 341

 

1 000

448

893

 

5 323

 

5 323

 

 

 

1 210 010,00 $

484 164,48 $

1 028 508,50 $

 

 

 

5 323 000,00 $

 

 

10,00 $

4,48 $

8,93 $

 

 

 

S/O

 

 

1 210 000,00 $

484 160,00 $

1 028 499,57 $

 

 

 

S/O

16 septembre 1987

Total :  Catégorie J

 

  1. Le Groupe Barrette Ltée
  2. Lunettes Cartier Ltée
  3. 2530-3660 Québec Inc.
  4. 2530-0146 Québec Inc.

 

5 720

 

826

1 000

131

3 763

 

 

999 468,26 $

1 210 010,00 $

58 001,31 $

4 325 787,63 $

 

 

8,26 $

10,00 $

1,31 $

37,63 $

 

 

 

999 460,00 $

1 210 000,00 $

58 000,00 $

4 325 750,00 $

17 septembre 1987

Total :  Catégorie I

 

  1. 2530-0146 Québec Inc.
  2. Archer Personnel Inc.
  3. Archer Consultants Inc.
  4. Jocelyne Tremblay
  5. Hélène Pronovost

8 160

 

7 683

252

218

2

5

 

 

8 833 073,00 $

299 882,52 $

259 422,18 $

2,00 $

5,00 $

 

 

76,83 $

2,52 $

2,18 $

0,02 $

0,05 $

 

 

8 832 996,17 $

299 880,00 $

259 420,00 $

1,98 $

4,95 $

 

 

                   2530-1284 Québec Inc. (suite)

 

Date de clôture

Société

Nombre d’actions de chaque catégorie

Prix d’achat

 

Prix de rachat

 

Différence entre le prix d’achat et de rachat

18 septembre 1987

Total :  Catégorie H

 

  1. 2530-3660 Québec Inc.
  2. 2530-0146 Québec Inc.
  3. Jocelyne Tremblay
  4. Hélène Pronovost

 

6 016

 

577

5 436

1

2

 

 

671 355,77 $

6 249 701,65 $

1,00 $

2,00 $

 

 

 

5,77 $

54,36 $

0,01 $

0,02 $

 

 

 

671 350,00 $

6 249 647,29 $

0,99 $

1,98 $

 

21 septembre 1987

Total :  Catégorie G

 

  1. Michael Weinberg
  2. 122556 Canada Inc.
  3. 2530-3660 Québec Inc.

516

 

4

125

387

 

 

 

4,00 $

150 001,25 $

450 243,87 $

 

 

 

0,04 $

1,25 $

1,25 $

 

 

 

3,96 $

150 000,00 $

450 242,62 $

 

22 septembre 1987

Total :  Catégorie F

 

  1. 2530-0146 Québec Inc.

 

8 031

 

8 031

 

 

9 232 380,31 $

 

 

80,31 $

 

 

9 232 300,00 $

 

 

 

 

 

 

 

 


Annexe 5

 

COPIE

 

STIKEMAN, ELLIOTT

AVOCATS

SUITE 3900, 1155 OUEST, BOULEVARD DORCHESTER

MONTRÉAL, CANADA H3B 3V2

 

 

                                                                   Montréal, le 2 septembre 1987

 

2529-2079 QUÉBEC INC.

2183 De Baccarat

Vimont, Laval

(Québec)

H7M 9Z7

 

Messieurs,

 

                        Vous nous avez demandé notre opinion au sujet des incidences fiscales découlant d'un placement en actions privilégiées Catégorie "K" du capital‑actions de 2529‑1915 Québec Inc. (ci‑après la "Compagnie"), suivant les modalités qui sont décrites ci‑dessous.

 

                        La Compagnie, une compagnie constituée en vertu de la Partie IA de la Loi sur les compagnies (Québec), est une "corporation privée" au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, (Canada) S.C. 1970‑71‑72 c. 63, telle que modifiée (ci‑après la "Loi fédérale") et de la Loi sur les impôts (Québec), L.R.Q. c. I‑3, telle que modifiée (ci‑après la "Loi provinciale"). Le capital‑actions autorisé de la Compagnie est constitué, entre autres, d'un nombre illimité d'actions privilégiées Catégorie "K" d'une valeur nominale de 0,01 $ l'action (ci‑après les "Actions"). Chaque Action est rachetable par la Compagnie à un prix égal à 1 000,01 $ moins tous dividendes déclarés sur cette Action (ci‑après le "prix de rachat"), plus tous dividendes déclarés et impayés sur cette action lors du rachat, et elle confère à son détenteur le droit à un ou plusieurs dividendes préférentiels, non‑cumulatifs, d'un montant déterminé par le conseil d'administration de la Compagnie, mais jusqu'à concurrence d'une somme totale de 1 000 $ par Action.

 

                        En date des présentes, la Compagnie a émis 6 727 Actions en faveur de 2529‑2079 QUÉBEC INC. (ci‑après le "Souscripteur"), pour ensuite déclarer et payer un dividende de 1 000 $ par Action, le tout selon les modalités suivantes :

 

         1.            Souscription par le Souscripteur des Actions, acceptation par la Compagnie de cette souscription et émission des Actions. Le prix de souscription de chaque Action est égal à son prix de rachat initial de 1 000,01 $ plus une prime d'un montant convenu entre le Souscripteur et la Compagnie.

 

         2.            Déclaration par le conseil d'administration de la Compagnie d'un dividende sur les Actions, d'un montant de 1 000 $ par Action. Suite au paiement de ce dividende, le prix de rachat de chaque Action est réduit de 1 000,01 $ à seulement 0,01 $.

 

         3.            Le plein montant du dividende mentionné en 2 ci‑dessus fait l'objet de choix qui seront exercés par la Compagnie en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi fédérale et des articles 502 et 503 de la Loi provinciale et ce, de la manière, selon la forme et dans les délais qui y sont prévus.

 

                        Aux fins de rendre le présent avis, nous avons consulté les documents suivants :

 

         (i)            un extrait certifié conforme des résolutions adoptées le 20 août 1987 par le Conseil d'administration de 2528‑5644 Québec Inc. ("2528") relativement à l'émission et à la répartition à la Compagnie de 495 660 actions privilégiées Catégorie "L" du capital‑actions de 2528;

 

         (ii)           un extrait certifié conforme des résolutions adoptées le 21 août 1987 par le Conseil d'administration de 2528, aux fins : de déclarer un dividende de 100 $ par action privilégiée Catégorie "L" de son capital‑actions, payable le 21 août 1987; et d'autoriser 2528 à exercer, relativement au plein montant dudit dividende, des choix en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi fédérale et des articles 502 et 503 de la Loi provinciale;

 

         (iii)          un exemplaire dûment rempli et signé en date du 21 août 1987 du formulaire fédéral T 2054 et un exemplaire dûment rempli et signé de la même date du formulaire provincial C502, aux termes desquels 2528 a choisi de traiter et de considérer le montant complet dudit dividende de 49 566 000 $ comme un dividende en capital provenant de son compte de dividende en capital, y compris une copie du relevé accompagnant lesdits formulaires et faisant voir le calcul du montant du compte de dividende en capital de 2528 immédiatement avant l'exercice desdits choix, au montant de 54 998 900 $;

 

         (iv)          un affidavit donné par M. Pierre Caporicci en date du 26 août 1987, auquel est annexé un récipissé [sic] de recommandation, attestant du dépôt à la poste desdits choix le 21 août 1987 par la compagnie, par voie de courrier recommandé; et

 

         (v)           une quittance donnée par la Compagnie à 2528 attestant de la réception par la Compagnie du montant total dudit dividende de 49 566 000 $, le 21 août 1987;

 

         (vi)          et tous autres documents que nous avons jugés nécessaires ou utiles aux fins de rendre les avis exprimés aux présentes.

 

                        Lors de notre examen, nous avons pris pour acquis l'authenticité des signatures et des documents qui nous ont été soumis comme originaux, la conformité aux documents originaux de tous les documents qui nous ont été soumis comme des copies certifiées ou des fac‑similés de ceux‑ci et la capacité légale des individus qui ont signé personnellement.

 

                        En nous fondant sur ce qui précède, nous sommes d'avis que :

 

         (a)           toutes les formalités prescrites par la Loi fédérale et les règlements adoptés sous son autorité pour que soit valide le choix exercé par 2528 en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi fédérale relativement au dividende de 49 566 000 $ dont il est fait mention en (ii) ci‑dessus ont été respectées;

 

         (b)           suite à la réception par la Compagnie du dividende de 49 566 000 $ dont il est fait mention en (ii) ci‑dessus, et en raison de ce dividende, le solde du compte de dividende en capital de la compagnie, en date du 21 août 1987, s'élevait à au moins 49 566 000 $;

 

         (c)           le solde du compte de dividende en capital de la Compagnie en date des présentes, immédiatement avant la déclaration du dividende mentionné en 2 ci‑dessus, s'élevait à au moins 47 714 325 $;

 

         (d)           aucune partie du dividende mentionné en 2 ci‑dessus ne doit être incluse dans le calcul du revenu du Souscripteur aux fins de la Loi fédérale et des règlements adoptés sous son autorité : paragraphe 83(2) de la Loi fédérale;

 

         (e)           en prenant pour acquis que le Souscripteur est une "corporation privée" au sens de la Loi fédérale, le dividende reçu par le Souscripteur sur les Actions constitue en totalité un dividende en capital dont le montant est entièrement ajouté dans le calcul de son compte de dividende en capital aux fins de la Loi fédérale : sous‑alinéa 89(1)(b)(ii) de la Loi;

 

         (f)            aucune autre disposition de la Loi fédérale et des règlements adoptés sous son autorité n'a pour effet d'empêcher l'application des dispositions mentionnées en (a) et (b) ci‑dessus; et

 

         (g)           aucune autre disposition de la Loi fédérale et des règlements adoptés sous son autorité n'a pour effet d'inclure quelque montant que ce soit dans le calcul du revenu du Souscripteur ou de tout actionnaire du Souscripteur, relativement aux opérations décrites ci‑dessus.

 

                        Tout particulièrement, nous sommes d'avis que ni l'article 15 ni l'article 245 ni l'article 247 de la Loi fédérale ne s'appliquent à l'égard des opérations décrites ci‑dessus.

 

                        Bien que nos opinions ci‑dessus ne renvoient qu'aux dispositions pertinentes de la Loi fédérale, telle qu'elle se lit présentement, des dispositions semblables sont également prévues par la Loi provinciale au même effet. Nos opinions tiennent compte également de l'Avis de motion des voies et moyens ainsi que du document intitulé "Réforme de l'impôt direct" qui ont été déposés par le Ministre des finances du Canada à la Chambre des communes le 18 juin 1987.

 

                        Le présent avis juridique ne s'adresse qu'à vous seulement, pour vos propres fins. Il ne doit pas être considéré comme un avis juridique donné à toute autre personne, ni comme une recommandation faite à quiconque de souscrire à des actions du capital‑actions de la Compagnie ou du Souscripteur, ou comme un jugement porté sur la valeur intrinsèque ou l'opportunité d'un placement dans les actions du capital‑actions de la Compagnie ou du Souscripteur.

 

                        Le présent avis juridique ne doit pas être utilisé, distribué, cité ou mentionné de quelque autre manière pour quelque fin que ce soit, y compris l'achat ou la vente d'actions du Souscripteur, et il ne doit pas, ni en totalité ni en partie, être produit ou reproduit avec quelque autre document, ni faire l'objet d'aucun renvoi dans quelque autre document, si ce n'est avec notre autorisation préalable exprimée par écrit.

 

                                                                                    STIKEMAN, ELLIOTT

 

 

                                                                                    Par:            (original signé)       

                                                                                             Maurice Régnier, c.r.


Annexe 6

 

COPIE

 

STIKEMAN, ELLIOTT

AVOCATS

SUITE 3900, 1155 OUEST, BOULEVARD DORCHESTER

MONTRÉAL, CANADA H3B 3V2

 

 

 

                                                                                    Le 27 août 1987.

 

2529‑1915 QUÉBEC INC.,

et ses administrateurs

et ses actionnaires

 

Messieurs,

 

                        Vous nous avez demandé notre opinion au sujet des incidences fiscales découlant d'un placement en actions privilégiées Catégorie "H" du capital‑actions de 2529‑1915 QUÉBEC INC. (la "Compagnie"), suivant les modalités qui sont décrites ci‑dessous.

 

                        La Compagnie, une compagnie constituée en vertu de la Partie IA de la Loi sur les compagnies (Québec), est une "corporation privée" au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu (la "Loi"). Le capital‑actions autorisé de la Compagnie est constitué, entre autres, d'un nombre illimité d'actions privilégiées Catégorie "H" d'une valeur nominale de 0,01 $ l'action (les "Actions"). Chaque Action est rachetable par la Compagnie à un prix égal à 100,01 $ moins tous dividendes déclarés sur cette action (le "prix de rachat"), plus tous dividendes déclarés et impayés sur cette Action lors du rachat, et elle confère à son détenteur le droit à un dividende préférentiel, non‑cumulatif, au taux fixé par le conseil d'administration de la Compagnie, mais sans toutefois dépasser une somme totale de 100 $ par Action.

 

                        La Compagnie se propose d'émettre des Actions à certains souscripteurs, pour ensuite déclarer et payer un dividende sur lesdites actions. Dans chaque cas, le souscripteur sera une "corporation privée" au sens de la Loi et les modalités seront les suivantes.

 

1.      Souscription et émission des Actions de la Compagnie. Le prix de souscription de chaque Action sera égal à son prix de rachat initial de 100,01 $ plus une prime d'un montant convenu entre le souscripteur et la Compagnie.

 

2.      Déclaration par le conseil d'administration de la Compagnie d'un dividende sur ses Actions, d'un montant de 100 $ l'action. Suite au paiement de ce dividende, le prix de rachat de chaque Action sera réduit de 100,01 $ à seulement 0,01 $.

 

3.      Le plein montant dudit dividende fera l'objet du choix qui sera exercé par la Compagnie en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi et des articles 502 et 503 de la Loi sur les impôts (Québec) et ce, de la manière, selon la forme et dans les délais qui y sont prévus.

 

4.      Après le paiement aux souscripteurs du dividende mentionné en 2. ci‑dessus, à la date ou aux dates qui pourront être fixées par le conseil d'administration de la Compagnie, celle‑ci procédera au rachat des Actions moyennant le paiement aux souscripteurs de leur prix de rachat résiduel de 0,01 $ l'Action.

 

                        En nous fondant sur ce qui précède, nous sommes d'avis que :

 

         (a)           aucune partie du dividende mentionné en 2. ci‑dessus ne devra être incluse dans le calcul du revenu d'un souscripteur aux fins de la Loi : alinéa 83(2) de la Loi;

 

         (b)           le montant du dividende qui sera reçu par chaque souscripteur sera entièrement ajouté dans le calcul de son compte de dividende en capital aux fins de la Loi : sous‑alinéa 89(1)(b)(ii) de la Loi;

 

         (c)           aucune autre disposition de la Loi n'aura pour effet d'empêcher l'application des dispositions mentionnées en (a) et (b) ci‑dessus; et

 

         (d)           aucune autre disposition de la Loi n'aura pour effet d'inclure quelque montant que ce soit dans le calcul du revenu d'un souscripteur ou de tout actionnaire d'un souscripteur, relativement aux opérations décrites ci‑dessus.

 

                        Tout particulièrement, nous sommes d'avis que ni l'article 15, ni l'article 245, ni l'article 247 de la Loi ne sera applicable à l'égard des opérations décrites ci‑dessus.

 

                        Bien que nos opinions ci‑dessus ne renvoient qu'aux dispositions pertinentes de la Loi, telle qu'elle se lit présentement, des dispositions semblables sont également prévues par la Loi sur les impôts (Québec) et sont au même effet. Nos opinions tiennent compte également de l'avis de motion des voies et moyens ainsi que du document intitulé "Réforme de l'impôt direct" qui ont été déposés par le Ministre des finances du Canada à la Chambre des communes le 18 juin 1987.

 

                                                                                    STIKEMAN, ELLIOT

 

                                                                                    (original signé)

 

                                                                                    Par: Maurice A. Régnier

 

 


 

RÉFÉRENCE :                                  2006CCI286

 

s DES DOSSIERS DE LA COUR : 96-1457(IT)G, 96-1458(IT)G,

96-1459(IT)G et 96-1460(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              2530-1284 Québec Inc., Ralph E. Faraggi, Robert Langlois, 2529-1915 Québec Inc. c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 du 16 au 19 janvier et les 23 et 24 janvier 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge en chef adjoint

                                                          Gerald J. Rip

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 23 mai 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats des appelants :

Me Bertrand Leduc

Me Lysane Tougas

Avocats de l'intimée :

Me Daniel Marecki

Me Christina Ham

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                   Nom :                             Me Bertrand Leduc

                                                          Me Lysane Tougas

                   Cabinet :                         Miller Thompson Pouliot

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           L.R.Q., ch. C-38 [Loi sur les compagnies].

[2]           L.R.Q., ch. C-38, art. 66.

[3]           Pour éviter de confondre le lecteur avec les dénominations des sociétés à numéro, j’ai désigné chaque société participante, à l’exception de 1915 Inc. et de 1284 Inc., à l’aide d’une lettre et d’un numéro abrégé. 2528 Inc. a été constituée en société le 27 juillet 1987 et 1915 Inc. l'a été le 13 août 1987. Toutes les autres sociétés figurant sur la liste ont été constituées le 7 août 1987.

[4]           Ces sociétés ont été constituées le 8 septembre 1987.

[5]           4340 Inc. était contrôlée par M. Brian McDougall et de M. Tom Sawyer. Ces derniers étaient des clients du cabinet d’avocats où travaillaient les particuliers appelants et ils entretenaient des liens étroits avec Me Langlois et Me Faraggi. Ils ont également souscrit des actions privilégiées de 1915 Inc. et, lorsque les actions ont été rachetées, ils ont été réputés avoir touché des dividendes. M. McDougall et M. Sawyer ont participé à la promotion des opérations.

[6]           Par souci de simplification, j’ai utilisé des chiffres « ronds » dans ces exemples. Les chiffres précis et leur mode de calcul ainsi qu’une description détaillée de chacune des étapes de ces opérations et de celles de la deuxième série, y compris des précisions sur la façon dont les déclarations de revenus ont été remplies, figurent dans l’exposé des faits (pièce A‑1) produit par les appelants et dans la réponse modifiée de l’intimée à l’exposé des faits (pièce I‑1). L’exposé des faits et les annexes totalisent 165 pages et 797 paragraphes et la réponse comporte 82 pages et 179 paragraphes. Il n’est pas nécessaire de reproduire en détail dans les présents motifs la totalité des renseignements donnés dans ces documents; l’exposé et la réponse m’ont été très utiles lors de l’élaboration des motifs de ma décision. Les annexes jointes aux présents motifs explicitent comment les cotisations ont été établies.

[7]           Il s'agit en fait d'un prêt de 10 000 100 $, mais à l'audience les témoins disaient souvent 10 000 000 $.

[8]           Produit de disposition de 10 000 000 $ moins le prix de base rajusté de 100 $.

[9]           500 $ x 110 000 actions de catégorie « K » = 55 000 000 $ moins 1 100 $ (le prix de base rajusté convenu des actions de catégorie « K ») = 54 998 900 $.

[10]         L.R.Q., ch. C-38. L’article 66 permet l’émission d’actions impayées. L’intérêt s’élevait à six pour cent par année.

[11]         Les billets ont été acquittés en totalité ou en partie par la déclaration et le versement de dividendes par la société débitrice. Dans cet exemple, A Inc. a conservé une créance de 5 438 956,60 $ sur 1915 Inc. Cette dernière avait un compte de dividendes en capital de 49 566 000 $.

[12]         Voir l’annexe 1 ci-jointe.

[13]         Voir l’annexe « 1 » ci-jointe pour le calcul du revenu non déclaré par 1915 Inc. et l’annexe « 4 » ci-jointe pour une description des opérations intervenues entre 1915 Inc. et les tierces sociétés.

[14]             Après 15 h, la Banque Royale accepte des dépôts, mais ils sont portés au crédit du compte le jour suivant.

[15]         Des ajustements ont été apportés aux sommes dues au titre des billets, les anciens billets ont été annulés et de nouveaux billets ont été émis à leur place.

[16]         Voir l’annexe 4 ci-jointe.

[17]             Me Faraggi a défini le « daylight loan » comme un prêt consenti pour une très courte période.

[18]             Un bordereau de dépôt daté du 9 septembre 1987 et visant la somme de 5 890 000 $ a été établi au nom de 1276 Inc.

[19]         Le paragraphe 83(2.1) a été ajouté par 1988, ch. 55, paragraphe 55(1), applicable aux dividendes versés après 16 h, heure avancée de l'Est, le 25 septembre 1987.

[20]             Copie d’un avis « long » et d’un avis « court » est jointe aux présents motifs aux annexes 5 et 6 respectivement.

[21]             Par une lettre datée du 12 octobre 1989, l’avocat du cabinet Stikeman Elliott a fait parvenir ce procès-verbal à un certain M. Ledoux de Revenu Canada, Enquêtes spéciales.

[22]         Me Langlois avait assisté Me Régnier dans le cadre d’un dossier concernant les aspects fiscaux de la vente, en 1986, d’une société désignée sous le nom de LAC à une autre société désignée sous le nom de SNC. À cette époque, Me Régnier et Me Langlois avaient examiné le transfert d’un compte de dividendes en capital de SNC à un tiers. Je ne sais pas s’il s’agit là de l’opération qui a poussé Me Langlois à procéder aux opérations en litige.

[23]             Il y a eu au moins sept appels téléphoniques et huit réunions. Des appels téléphoniques ont eu lieu le 21 décembre 1987 et le 21 janvier, le 22 février, le 11 mars, le 31 mars et le 17 novembre 1988. Des réunions se sont tenues le 22 décembre 1987, le 15 mars, le 1er avril, le 21 avril, le 3 mai, le 30 mai et le 16 novembre 1988.

[24]             Des notes de service auxquelles étaient joints des documents ont été envoyés pour le compte des appelants aux fonctionnaires de Revenu Canada vers le 27 janvier, le 29 février, le 1er avril, le 4 avril, le 5 avril, le 12 avril, le 21 avril (deux) et le 12 mai (deux) 1988.

[25]             [1999] 3 R.C.S. 622.

[26]             [1984] 1 R.C.S. 536.

[27]             Le ministre n'a pas établi de « cotisations » à l'égard des sociétés intermédiaires qui ont produit des choix en vertu du paragraphe 83(1), et ce, malgré le fait qu'il estimait que les sociétés en question ne disposaient pas de fonds pouvant faire l'objet de tels choix. Cette omission ne porte pas un coup fatal à la cause de l'intimée. Dans les présents appels, ce ne sont pas les actes ou les omissions de l'administration fiscale qui importent; ce sont plutôt les actes et les omissions des contribuables qui sont déterminants quant à la validité des cotisations en cause.

[28]             Voir l’arrêt Canada Trustco Mortgage Co. c. R., 2005 CarswellNat 3213 (C.S.C.), para. 60. Dans cette affaire-là, la Cour suprême du Canada a examiné les dispositions de l’art. 245 de la Loi, lesquelles ne sont entrées en vigueur qu’après 1987. Cependant, les observations formulées par la juge en chef McLachlin et le juge Major sont pertinentes, dans les appels dont je suis saisi, pour ce qui est de savoir ce qui peut être considéré comme une opération « artificielle », et ce, indépendamment de l’actuelle règle anti‑évitement.

[29]             [1967] 1 All E.R. 518, à la p. 528.

[30]             Précité, aux pp. 545 et 546.

[31]             Stubart Investments Ltd., précité, à la p. 573.

[32]             Stubart Investments Ltd., précité, aux pp. 572 et 573.

[33]             Précité, au par. 39. Voir également l’arrêt McEwen Brothers Limited c. Canada, [1999] 4 C.F. 225 (C.A.F.), le juge Robertson, aux para. 26 et 27.

[34]             Dans l’arrêt Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, à la p. 328, le juge Iacobucci considère les notions de « trompe‑l’œil » et d’« abus des dispositions de la Loi » comme analogues.

[35]             Black’s Law Dictionary, 8e éd., s.v. « loan ».

[36]             Art. 1777, 1778 C.C.B.C.

[37]             P.B. Mignault, Le droit civil canadien, Montréal, Wilson et Lafleur, 1909, vol. VIII, p. 130.

[38]             L.R.C. (1985), ch. B-4, art. 176 [Loi sur les lettres de change].

[39]             Voir, par exemple, la décision Hitch and Others v. Stone, [1999] STC 431 (Ch.D.), inf. par [2001] STC 214 (C.A.).

Sont exclus :

 

[40]

4-Sep-87                64          I         11 586 350,75 $                Langlois

4-Sep-87                64          I           11 586 350,75                 Faraggi

 

[41]

10-Sep-87             236         K         10 055 186,10                  Langlois

10-Sep-87             236         K         10 055 186,10                  Faraggi

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