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Dossier : 97-3731(IT)G

ENTRE :

JOHN H. DANIELS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 6 mars 2007, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

 

 

Avocats de l’appelant :

Me Sheldon Silver, c.r.

Me Glenn Ernst

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Luther P. Chambers

Me Pascal Tétrault

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 1992, 1993 et 1995 sont accueillis et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour les raisons énoncées dans les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23jour de mai 2007.

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 29 jour de février 2008.

 

D. Laberge, LL.L.


 

 

Référence : 2007CCI179

Date : 20070523

Dossier : 97-3731(IT)G    

ENTRE :

JOHN H. DANIELS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     L’appelant interjette appel à l’égard de nouvelles cotisations concernant ses années d’imposition 1992, 1993 et 1995 par lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction d’une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise (la « PDTPE ») s’élevant à 3 000 000 $ dans le calcul du revenu de l’appelant pour l’année 1992. Les appels se rapportant aux années d’imposition 1993 et 1995 dépendent de la question de savoir s’il est possible de déduire une PDTPE reportée depuis l’année d’imposition 1992.

 

[2]     La perte dont l’appelant a demandé la déduction se rapportait à une débenture de 4 000 000 $ de Shoppers Trust Company (« Shoppers Trust Co. ») que le frère de l’appelant (« Phillip ») avait donnée à titre de garantie à l’égard d’un prêt bancaire. Cette débenture (la « débenture » ou la « débenture de Phillip ») a finalement été acquise par l’appelant par suite d’une série d’événements qui se sont produits après que Shoppers Trust Co. eut été mise sous séquestre. Après avoir acquis la débenture, l’appelant a choisi, pour son année d’imposition 1992, de faire appliquer le paragraphe 50(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu[1] (la « Loi »). Selon cette disposition, le contribuable est réputé avoir disposé de la débenture pour un produit nul. C’est l’application de cette disposition, en partie du moins, qui a donné lieu à la perte de 4 000 000 $.

 

[3]     Il s’agit uniquement de savoir si le sous‑alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi s’applique en vue de permettre le refus de la perte déduite par l’appelant lorsqu’il a choisi, en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi, de traiter la débenture comme s’il en avait disposé pour un produit nul. Le sous‑alinéa 40(2)g)(ii) empêche la déduction de cette perte à moins que le contribuable n’ait acquis l’actif y ayant donné lieu (la débenture) en vue de tirer un revenu. L’intimée affirme que l’appelant a omis de satisfaire à cette exigence lorsqu’il a acquis la débenture de son frère.

 

[4]     Les faits pertinents sont énoncés dans l’exposé conjoint des faits qui figure à l’appendice A des présents motifs.

 

[5]     En bref, les faits qui se sont produits jusqu’à la fin de l’année 1991 peuvent être résumés comme suit :

 

a) Au début des années 1980, l’appelant et son frère Phillip ont engagé des capitaux dans Shoppers Trust Co. Cette société s’occupait de prêts hypothécaires; pendant la période pertinente, elle était admissible à titre de société privée sous contrôle canadien (la « SPCC ») et à titre de société exploitant une petite entreprise (la « SEPE ») comme ces expressions sont définies dans la Loi. Phillip détenait directement 75 p. 100 des actions de Shoppers Trust Co., l’appelant détenant le reste (25 p. 100) par l’entremise d’une société de portefeuille qu’il contrôlait.

 

b) Avant 1988, l’appelant et Phillip possédaient chacun des débentures de Shoppers Trust Co. dont la valeur nominale s’élevait à 1 500 000 $ et Phillip devait à la Banque Toronto‑Dominion (la « Banque TD ») un montant de 3 000 000 $ (la « dette TD »).

 

c) En 1988, l’appelant et Phillip ont emprunté 8 000 000 $ de la Banque Royale du Canada sur une base solidaire (les « prêts RBC »). Le prêt consenti à Phillip s’élevait à 5 500 000 $ et le prêt consenti à l’appelant s’élevait à 2 500 000 $[2]. Phillip a utilisé le produit de son prêt en vue de rembourser la dette TD et le solde (2 500 000 $) en vue d’acquérir une autre débenture de Shoppers Trust Co.[3] L’appelant a utilisé le produit du prêt RBC (2 500 000 $) pour acheter une autre débenture de Shoppers Trust Co. Par la suite, l’appelant et son frère possédaient chacun des débentures de Shoppers Trust Co. d’un montant de 4 000 000 $. Les débentures portaient intérêt au taux de 12 p. 100.

 

                  d) Il est admis que l’appelant voulait gagner un revenu lorsqu’il est devenu solidairement responsable envers la Banque Royale à l’égard des prêts RBC qui lui avaient été consentis ainsi qu’à Phillip.

 

e) L’appelant et Phillip ont chacun donné en gage leurs débentures respectives de Shoppers Trust Co., au montant de 4 000 000 $, ainsi que des actions ordinaires qu’ils détenaient dans Shoppers Trust Co. (collectivement, les « garanties de Shoppers ») à titre de garantie du prêt RBC.

 

f) Par suite d’une vérification réglementaire effectuée par l’Office of Financial Savings Institutions, au mois de décembre 1991, Shoppers Trust Co. a été mise sous séquestre au mois de mars 1992.

 

[6]     Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 1991, l’appelant et Phillip ont conclu qu’au 31 décembre 1991, les garanties de Shoppers étaient sans valeur. Cela a donné lieu à une perte au titre d’un placement d’entreprise de 4 000 000 $ pour chacun d’eux à l’égard des débentures. Par conséquent, l’appelant et Phillip ont chacun déduit une PDTPE de 3 000 000 $. Ces déductions ont été admises par le ministre dans le calcul du revenu de l’année d’imposition 1991.

 

[7]     Au mois de janvier 1992, après que l’appelant et son frère eurent chacun effectué certains paiements à l’égard des obligations respectives qui leur incombaient aux termes des prêts RBC, Phillip devait un montant de 4 500 000 $ à la Banque Royale (il avait remboursé un montant de 1 000 000 $) et l’appelant devait un montant de 750 000 $ (il avait remboursé un montant de 1 750 000 $). Comme il en a été fait mention, l’appelant et Phillip étaient solidairement responsables à l’égard de la totalité de la dette restante, de 5 250 000 $ – responsabilité que l’appelant avait assumée, comme il a été admis, en vue de gagner un revenu au moment où les prêts RBC avaient été consentis.

 

[8]     La Banque Royale a ensuite demandé le remboursement des prêts RBC. Phillip n’a pas pu rembourser quelque montant que ce soit sur le solde impayé des prêts RBC. L’appelant a donc été tenu de rembourser le plein montant de 5 250 000 $ qui était dû à la Banque Royale conformément à son obligation solidaire. Ce montant a été payé au mois de juin 1992.

 

[9]     Dans l’ensemble, l’appelant a remboursé un montant de 7 000 000 $ sur le prêt RBC de 8 000 000 $ (2 500 000 $ en vue de rembourser le prêt qui lui avait été consenti et 4 500 000 $ au titre du prêt consenti à son frère).

 

[10]    Dans une lettre en date du 18 novembre 1992 adressée à Phillip, l’appelant demandait à celui‑ci de lui verser le montant de 4 500 000 $ qu’il avait été obligé de verser à la Banque Royale à l’égard du prêt consenti à Phillip. L’appelant disait qu’à défaut de ce faire, il obtiendrait de la Banque Royale une cession à l’égard des garanties de Shoppers et qu’il prendrait des mesures en vue de recouvrer le montant de 4 500 000 $ au complet.

 

[11]    Le 1er décembre 1992, l’appelant a obtenu la cession de la débenture de Phillip. Le 4 décembre 1992, l’appelant a remis à Phillip un avis écrit conformément à la Loi sur les sûretés mobilières de l’Ontario (la « LSM ») indiquant qu’il avait l’intention de disposer de la débenture de Phillip à moins que celui‑ci ne lui verse 4 500 000 $, mais que si le montant n’était pas payé, il accepterait la débenture de Phillip en paiement de l’obligation que celui‑ci avait envers lui[4].

 

[12]    Phillip, qui faisait face à de sérieuses difficultés financières, n’a pas pu rembourser quoi que ce soit à l’appelant. L’appelant a donc acquis la débenture de Phillip (et les actions ordinaires) sans tenter de recouvrer le montant de 4 500 000 $ de Phillip.

 

[13]    À ce jour, Shoppers Trust Co. est encore sous séquestre. Il est convenu qu’au 31 décembre 1992, la débenture que l’appelant avait acquise de son frère n’avait aucune valeur. En sa qualité de titulaire de cette débenture nouvellement acquise et par suite du choix qu’il avait fait en vertu du paragraphe 50(1), l’appelant a déduit une perte au titre d’un placement d’entreprise de 4 000 000 $ et une PDTPE de 3 000 000 $. L’intimée a refusé la déduction de cette perte.

 

[14]    La perte dont la déduction a été demandée est fondée sur ce que le prix de base rajusté de la débenture que l’appelant avait acquise de son frère était de 4 000 000 $. L’appelant se fonde sur l’article 79 comme il existait au moment pertinent, en 1992, à l’appui de l’assertion qu’il fait à cet égard. L’avocat de l’intimée a reconnu la chose à l’instruction et il n’a pas soumis d’argument en vue de préconiser une interprétation différente de l’article 79. Puisque le prix de base rajusté était de 4 000 000 $ et que le produit de la disposition était nul en vertu du paragraphe 50(1), l’appelant avait donc subi une perte en capital de 4 000 000 $; il a demandé la déduction d’une PDTPE de 3 000 000 $.

 

[15]    Sous réserve de l’application du sous‑alinéa 40(2)g)(ii), l’intimée a convenu, à l’audience, que les alinéas 79f) et g), le paragraphe 50(1) ainsi que les alinéas 39(1)c) et 38c) de la Loi permettaient à l’appelant de déduire la PDTPE à l’égard de la débenture acquise de Phillip. Il s’agit donc uniquement de décider si l’appelant a acquis la débenture de Phillip en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien au sens du sous‑alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi.

 

[16]    Avant de me pencher sur cette question, je ferai remarquer qu’en plus de l’exposé conjoint des faits, l’appelant a présenté une preuve à l’audience. L’appelant a témoigné que lorsqu’il avait saisi la débenture de Phillip, il croyait qu’elle aurait plus tard une valeur et qu’il n’avait pas poursuivi son frère pour contribution parce que Phillip faisait déjà face à de graves problèmes financiers et qu’il n’avait pas d’actifs. L’appelant a hésité à reconnaître qu’il était au courant de certaines lettres de conseillers fiscaux concernant l’acquisition de la débenture de son frère, mais il a reconnu qu’il était au courant de l’existence de l’avantage fiscal et qu’il avait suivi les conseils de ses conseillers en vue de renforcer le mieux possible sa position, quant à la perte, à l’égard des obligations qui lui incombaient aux termes des prêts RBC dont il était solidairement responsable.


[17]    J’examinerai maintenant les arguments invoqués par les parties.

 

 

ARGUMENTATION

 

Arguments de l’appelant

 

[18]    L’appelant affirme principalement que je dois accepter son témoignage non contredit, à savoir qu’il croyait que la débenture de Phillip aurait peut‑être un jour une certaine valeur. Le fait qu’il s’agissait peut‑être d’un faible espoir plutôt que de la raison prédominante de l’acquisition de la débenture ne peut pas me dissuader d’accepter que l’appelant cherchait à gagner un revenu. L’appelant invoque l’arrêt Larry W. Rich v. Her Majesty the Queen[5].

 

[19]    L’appelant soutient d’une façon subsidiaire que le moment pertinent, lorsqu’il s’agit d’examiner le but de l’acquisition de la débenture de Phillip, n’est pas le moment où la créance sans valeur a été acquise par subrogation, mais qu’il faut plutôt tenir compte de l’événement qui a finalement donné lieu à l’acquisition. Selon la position prise par l’appelant, la saisie de la débenture de Phillip résulte directement du but recherché, à savoir la réalisation d’un revenu, lequel l’avait initialement amené à garantir en fait la dette de Phillip et à engager des capitaux dans Shoppers Trust Co.

 

[20]    L’appelant invoque la décision Cadillac Fairview Corporation Limited v. Her Majesty the Queen[6], dans laquelle le juge Bowman (maintenant juge en chef), de la Cour, dit ce qui suit (pages 406 et 407) :

 

Pour qu’il soit conclu qu’une perte en capital a été subie aux fins de la Loi, il ressort clairement des articles 3, 38 et 39 qu’il doit y avoir eu une disposition de bien réelle ou réputée. Le simple fait d’effectuer un paiement de capital ne donne pas lieu en soi à une perte en capital. Lorsqu’une garantie au titre d’une obligation d’un débiteur initial est donnée et qu’en vertu de la garantie, le garant est tenu de payer et paie effectivement le créancier en règlement de l’obligation du débiteur initial, le garant devient normalement subrogé dans la position du créancier, à moins qu’il ait explicitement ou implicitement renoncé à ces droits de subrogation ou que d’autres circonstances empêchent l’apparition de tels droits. S’il n’y a pas d’empêchement factuel ou juridique semblable, est créée par l’effet du droit une relation débiteur‑créancier entre le débiteur initial et le garant. Pour ce dernier, le coût de la créance acquise serait normalement le montant qu’il a payé en vertu de la garantie. [Non souligné dans l’original.]

 

Si, comme c’est souvent le cas, le débiteur initial ne peut payer, la créance peut être considérée comme étant devenue irrécouvrable. En vertu de l’article 50 de la Loi, le garant est réputé avoir disposé de la créance à la fin de l’année d’imposition dans laquelle elle s’est révélée irrécouvrable et l’avoir acquise de nouveau immédiatement après à un coût nul. Ainsi, par l’effet combiné du droit en matière de subrogation et de l’article 50 de la Loi, est réalisée la disposition nécessaire pour appuyer la demande de déduction d’une perte en capital.

 

[21]    Le juge Bowman s’est ensuite expressément demandé de quelle façon il fallait interpréter le sous‑alinéa 40(2)g)(ii); voici ce qu’il a dit (page 407) :

 

Dans de nombreux cas, si un garant doit suppléer un manque en vertu d’une garantie, c’est parce que le débiteur initial est incapable d’honorer l’obligation. Il s’ensuit que le droit de subrogation du garant contre le débiteur initial est, au moment de l’acquisition, susceptible d’être sans valeur ou pratiquement sans valeur dans bien des cas. Une interprétation mécanique étroite du sous‑alinéa 40(2)g)(ii) amènerait à conclure qu’au moment du paiement de la somme garantie, la créance sans valeur que le garant a acquise par subrogation ne saurait avoir été acquise en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien. Une telle interprétation manque à mon avis de bon sens commercial. Une interprétation fonctionnelle plus réaliste d’un point de vue commercial subsumerait l’objet de l’acquisition de la créance par voie de subrogation sous l’objet pour lequel la garantie avait initialement été donnée. [Non souligné dans l’original.]

 

[22]    En se fondant sur ce passage, l’appelant soutient que, de toute évidence, la Cour n’accepterait pas une « interprétation mécanique étroite » du sous‑alinéa 40(2)g)(ii) et qu’elle insisterait pour que le contribuable remplisse une condition à laquelle il ne serait probablement pas possible de satisfaire la plupart du temps, une fois qu’il y a eu défaut de paiement. En effet, si le but de l’acquisition de la créance sans valeur acquise par subrogation était examiné après le défaut seulement, il serait presque toujours impossible de satisfaire au critère voulant qu’un revenu soit tiré d’une entreprise ou d’un bien.

 

[23]    Dans la décision Harry Gordon v. Her Majesty the Queen[7], le juge McArthur a appliqué le critère que le juge Bowman avait préconisé dans la décision Cadillac Fairview; il a dit ce qui suit (page 1558) :

 

Le sens commun et la réalité commerciale nous amènent à tirer la conclusion évidente selon laquelle le moment pertinent, lorsqu’on se demande si le but de l’appelant était de réaliser un revenu, est celui où la garantie a été donnée et non celui où la dette garantie a de fait été payée. [Non souligné dans l’original.]

 

[24]    Dans la décision National Developments Ltd. v. Her Majesty the Queen[8], le juge Bell a conclu que le droit du contribuable de recevoir par subrogation un montant donné d’une filiale (après qu’il a versé ce montant au créancier de la filiale) remontait au moment où le montant avait été donné en gage au créancier.

 

À la page 1067, le juge a conclu ce qui suit :

 

(b) la créance ou le droit de recevoir la somme de 951 177 $ de la K‑Tel acquis par les banques sur le fondement de l’engagement de l’appelante se rapportait au moment où le montant de ce gage a été déposé dans un compte en garantie pour le paiement aux banques des obligations de la K‑Tel. Bien qu’il puisse être soutenu que, théoriquement, le renvoi à l’expression « d’une créance ou d’un autre droit de recevoir une somme » qui a été acquis ne doit viser que la date à laquelle les banques ont exigé le remboursement du prêt à la K‑Tel et ont appliqué les sommes d’argent dans les comptes en garantie aux obligations de la K‑Tel envers les banques, une telle interprétation, à mon avis, ne correspondrait pas à l’objet et à l’esprit du sous‑alinéa 40(2)g)(ii), ne respecterait pas l’objet évident de cette disposition, n’aurait pas de bon sens et fermerait les yeux sur les réalités commerciales et économiques des opérations commerciales; [Non souligné dans l’original.]

 

[25]    Dans la décision Estate of the Late Fabian Aylward v. Her Majesty the Queen[9], le juge Mogan a renvoyé à la décision National Developments; il a dit ce qui suit (page 643) :

 

Un raisonnement parallèle m’amène à conclure que les paiements faits à General Tire et à Toyo Tire par M. Aylward en 1994 remontent à la date à laquelle les deux garanties ont initialement été consenties et à la date à laquelle ces deux créanciers ont exigé un paiement de Provincial Tire (à titre de débitrice) et d’Aylward’s Limited (à titre de garante). La perte en capital que M. Aylward a subie en 1994, lorsqu’il a versé le montant de 305 000 $ n’a pas été ramenée à zéro par l’effet du sous‑alinéa 40(2)g)(ii).

 

[26]    Dans la décision Xavier V. Fernandez v. M.N.R.[10], le juge Mogan a fait la remarque suivante (page 184) :

 

Dans les motifs du jugement que j’ai exposés verbalement je me suis trompé en considérant la conservation, par les établissements financiers, du produit net de la vente comme un investissement de la part de l’appelant et des autres propriétaires au moment de la vente forcée. J’aurais plutôt dû faire remonter l’investissement de ce produit à la date à laquelle le bien avait été donné en nantissement. Je regrette de n’avoir pu entendre des arguments juridiques sur la question.

 

[27]    Toutes ces décisions clés sont invoquées à l’appui de la position de l’appelant selon laquelle le critère applicable à la question de savoir si une créance ou une garantie a été acquise aux fins de la réalisation d’un revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien doit être appliqué au moment où la garantie a initialement été donnée ou, en l’espèce, au moment où l’obligation de payer a initialement été assumée ou créée, plutôt qu’au moment où la créance ou la garantie est probablement sans valeur.

 

Arguments de l’intimée

 

[28]    L’intimée conteste le témoignage de l’appelant lorsque celui‑ci déclare avoir cru que la débenture de Phillip pourrait un jour avoir une certaine valeur; selon l’intimée, le fait de libérer Phillip de sa dette et d’acquérir une débenture sans valeur, comme il a été admis, n’est pas compatible avec une conclusion objective raisonnable selon laquelle l’appelant a acquis la débenture en vue de gagner un revenu. Lors de l’acquisition, il y avait un an que la débenture était sans valeur, la débenture n’était pas garantie, il n’y avait pas de chances qu’elle ait une valeur. En libérant Phillip de son obligation, l’appelant renonçait à de meilleures chances de recouvrement et la preuve documentaire dans son ensemble montre que les seules considérations, en ce qui concerne l’acquisition et la remise de dette, étaient des considérations d’ordre fiscal.

 

[29]    Quant à l’argument subsidiaire de l’appelant, l’intimée ne conteste pas que l’appelant a obtenu de la Banque Royale la cession de la débenture de Phillip, et que l’appelant a ainsi obtenu une garantie associée à la débenture. L’intimée reconnaît que, selon le droit applicable en matière de garanties comme il s’applique en Ontario en vertu du régime de la Loi modifiant le droit commercial (la « LMDC ») et de la LSM, sur cession du créancier, le détenteur d’une garantie se rattachant à une dette peut prendre la place du créancier et utiliser tous les recours mis à la disposition du créancier pour recouvrer la perte du débiteur initial. Toutefois, l’intimée soutient que l’appelant disposait donc de trois recours possibles en vue de recouvrer le montant qu’il avait payé par suite de l’obligation qui incombait à Phillip envers la Banque Royale :

 

a.  il aurait pu engager contre Phillip des poursuites fondées sur l’obligation qui incombait à celui‑ci;

b.     il aurait pu vendre les débentures et engager des poursuites contre Phillip afin de recouvrer le montant manquant conformément au paragraphe 64(3) de la LSM;

c.     il aurait pu accepter les débentures en paiement de la dette que Phillip avait contractée envers lui.

 

[30]    L’intimée soutient ensuite que l’acquisition du droit de propriété afférent à la débenture n’était pas une conséquence nécessaire de la détention de la garantie associée à la débenture. C’était la conséquence d’un choix que l’appelant avait fait. En choisissant de saisir la débenture de Phillip, l’appelant concluait une nouvelle opération, distincte de la garantie. Cette opération avait un effet sur le plan juridique à titre d’opération distincte. De nouveaux droits avaient pris naissance (l’appelant avait acquis la propriété effective de la débenture) et certaines obligations étaient éteintes. Il s’agissait d’une opération de fond qui doit, selon le principe énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Her Majesty the Queen v. John R. Singleton[11], être considérée d’une façon indépendante plutôt que comme partie intégrante d’une série d’opérations liées interdépendantes.

 

[31]    Dans l’affaire Singleton, il s’agissait de décider si l’utilisation des fonds empruntés par le contribuable était une utilisation admissible. Dans cette affaire, le contribuable avait essentiellement refinancé une participation dans une société de personnes (en ce sens que le financement par emprunt remplaçait les propres fonds investis par le contribuable dans une société de personnes génératrice de revenu) et avait utilisé l’avoir libéré pour acquérir une résidence personnelle. Les opérations étaient clairement liées et elles faisaient partie d’une série d’opérations interdépendantes ininterrompues qui avaient été conclues de façon que chaque étape soit franchie en fonction de l’étape précédente.

 

[32]    Même en présence d’un tel lien direct entre les opérations, les juges majoritaires, dans l’arrêt Singleton, ont conclu que chaque opération devait être considérée comme une opération distincte. Au moment où le contribuable avait emprunté l’argent, il l’avait fait pour financer un apport en capital à sa société de personnes – apport rendu nécessaire par un retrait antérieur de son compte de capital. L’emprunt a été affecté à un actif générateur de revenu qui était détenu à cette fin. Par conséquent, le contribuable avait utilisé l’argent en vue de gagner un revenu, et il s’agissait donc d’une utilisation admissible de l’argent emprunté.

 

[33]    L’intimée soutient que le raisonnement qui a été fait dans l’arrêt Singleton fait clairement autorité et que la saisie de la débenture de Phillip doit donc être isolée en tant que mesure distincte, qui ne peut pas être objectivement considérée comme visant une acquisition faite aux fins de la réalisation d’un revenu. Le fait qu’une opération liée antérieure – un endettement assujetti à un engagement concernant la responsabilité solidaire en vue de la réalisation d’un revenu – comportait un but admissible n’est pas pertinent lorsqu’il s’agit de déterminer le but de l’acquisition finale. Même si la chaîne entre ces événements n’était pas rompue – comme c’était le cas dans l’affaire Singleton – l’acquisition elle‑même constitue une étape distincte, dont le but doit être déterminé indépendamment des opérations liées antérieures. Si la chaîne d’événements peut être rompue, l’argument voulant que l’acquisition de la débenture soit traitée comme une opération distincte aux fins de la détermination de son but est d’autant plus convaincant. L’intimée soutient que l’appelant avait le choix des mesures à prendre après avoir acquis la garantie se rattachant à la débenture de Phillip. L’exercice de ce choix a pour effet de rompre la chaîne d’événements. Une telle rupture montre d’autant plus clairement que l’acquisition de la débenture constituait une étape distincte, dont le but doit être déterminé indépendamment d’événements antérieurs.

 

[34]    Je note également que l’avocat de l’intimée estimait qu’il y avait un manque de symétrie dans l’application des dispositions de la Loi, ou une lacune fiscale en l’espèce, qui pourrait justifier que je m’y arrête. La même débenture a été déduite à titre de PDTPE par deux contribuables (par Phillip en 1991 et par l’appelant en 1992) et le montant total de la perte d’entreprise que les deux frères ont déduit s’élevait à 12 000 000 $ à l’égard d’une émission obligataire de 8 000 000 $.

 

[35]    Bien que tel soit le résultat, je ferai remarquer que toute lacune fiscale découle des dispositions de la Loi. En vertu de l’article 79, Phillip, qui a légitimement déduit sa PDTPE, est réputé avoir réalisé un gain de 4 000 000 $ en 1992 lors de la disposition de la débenture. En ce qui concerne la symétrie à laquelle on pourrait s’attendre, il est possible de considérer ce gain comme compensant la perte que Phillip avait déduite en 1992. Il importe peu que la perte soit une PDTPE, alors que le gain est un gain en capital ordinaire. Il est en outre peu pertinent que Phillip ait peut‑être subi des pertes en capital réduisant ce gain. Sous cet angle, des pertes de 12 000 000 $ ont été déduites et des gains de 4 000 000 $ ont été déclarés – de sorte qu’il restait des pertes de 8 000 000 $ à déclarer. C’est ce qui s’est produit. Je n’ai pas à m’attarder plus longuement à cet argument.

   

ANALYSE

 

[36]    Comme l’intimée l’a reconnu, sous réserve du sous‑alinéa 40(2)g)(ii), les conditions de l’alinéa 39(1)c) ont été remplies, de sorte que l’appelant pouvait réaliser une PDTPE de 3 000 000 $ lors de la disposition réputée, par l’appelant, de la débenture le 31 décembre 1992, conformément au paragraphe 50(1). Le sous‑alinéa 40(2)g)(ii) est rédigé comme suit :

 

(2) Restrictions – Malgré le paragraphe (1) :

                    [...]

g) est nulle la perte subie par un contribuable et résultant de la disposition d’un bien, dans la mesure où elle est :

                        [...]

(ii) une perte résultant de la disposition d’une créance ou d’un autre droit de recevoir une somme, sauf si la créance ou le droit a été acquis par le contribuable en vue de tirer un revenu (qui n’est pas un revenu exonéré) d’une entreprise ou d’un bien, ou en contrepartie de la disposition d’une immobilisation en faveur d’une personne avec qui le contribuable n’avait aucun lien de dépendance, [...]

 

[...]

 

[37]    J’examinerai d’abord l’exigence préliminaire concernant le but dans lequel l’appelant a saisi la débenture de Phillip à titre d’événement isolé.

 

[38]    Il serait peut‑être utile de décrire de nouveau le contexte dans lequel l’appelant a acquis la débenture de Phillip. La débenture (et les actions) remplaçait la dette de 4 500 000 $ que Phillip avait contractée envers l’appelant en vertu du droit applicable en matière de garanties et par suite du droit de contribution. L’appelant, qui avait remboursé un montant de 4 500 000 $ sur la dette que Phillip avait contractée envers la Banque Royale, a obtenu de Phillip un droit de contribution à ce montant. De plus, l’appelant avait droit à une cession de la garantie que la Banque Royale détenait à l’égard de la débenture – droit qu’il a exercé. Il a ensuite saisi la débenture ou il en est devenu titulaire en paiement de la dette que son frère avait contractée envers lui.

 

[39]    L’appelant affirme avoir saisi la débenture de 4 000 000 $ de Phillip en paiement de la dette de celui‑ci, au lieu d’engager des poursuites, pour les raisons suivantes :

a.      il était peu probable qu’il puisse recouvrer l’argent au moyen d’une réclamation contre Phillip;

b.     il croyait que les débentures auraient peut‑être une valeur par la suite;

c.     il avait été informé de l’avantage fiscal qui existerait s’il saisissait la débenture de Phillip au lieu d’engager des poursuites contre celui‑ci.

 

[40]    Si j’estimais que l’appelant a saisi la débenture parce qu’il croyait qu’elle aurait peut‑être par la suite une certaine valeur, cela serait suffisant pour statuer sur l’appel en faveur de l’appelant. En pareil cas, si les motifs énoncés dans l’arrêt Rich étaient appliqués, il ne serait pas nécessaire de mettre en question l’importance du but visant la réalisation d’un revenu, même si la conviction de l’appelant, en ce qui concerne la valeur future de la débenture, n’était qu’un faible espoir et ne venait qu’au second rang par rapport à l’avantage fiscal recherché. Chaque cas doit être considéré selon son contexte global, mais je ne puis ici rien constater qui permette de faire une distinction entre la présente espèce et la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Rich.

 

[41]    Dans l’affaire Rich, le contribuable avait également demandé la déduction d’une PDTPE. Le juge de première instance avait conclu que le but prédominant de l’achat des actions qui avait donné lieu à la demande de déduction d’une PDTPE était d’aider le fils du contribuable et que le but commercial normalement associé à pareil achat, à savoir l’obtention de dividendes, ne constituait qu’un faible espoir. Le juge de première instance avait conclu que cela portait un coup fatal à l’affaire, mais la Cour d’appel fédérale ne partageait pas cet avis. La Cour d’appel a reconnu qu’il avait été satisfait au critère relatif au but prévu au sous‑alinéa 40(2)g)(ii), en reconnaissant qu’il suffisait d’avoir un faible espoir de gagner un revenu comme but secondaire de l’acquisition des actions.

 

[42]    Compte tenu du fait que les PDTPE visent à encourager les placements dans de petites entreprises canadiennes, il est peu étonnant, à mes yeux, qu’un tribunal reconnaisse qu’il suffit d’avoir un faible espoir pour satisfaire au critère relatif au but. Lorsqu’une entreprise familiale fait face à des difficultés financières, la rationalité objective des motifs d’aide pourrait toujours être mise en question après coup. Il semble essentiel de faire preuve d’énormément de tolérance. À mon avis, l’arrêt Rich étaye ce principe.

 

[43]    L’intimée se fonde néanmoins sur la différence entre un faible espoir et l’assertion selon laquelle le témoignage de l’appelant, considéré objectivement, n’est pas crédible. L’intimée veut essentiellement que je tire la conclusion voulant que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant n’a jamais cru que la débenture sans valeur puisse un jour être rentable. Il faudrait omettre de tenir compte de son témoignage intéressé.

 

[44]    Objectivement, la position prise par l’intimée n’est pas dénuée de fondement. Il n’était pas nécessaire que l’appelant libère Phillip en vue de conserver un faible espoir de recouvrer le montant dû au moyen de la garantie se rattachant à la débenture de Phillip. Il n’était pas nécessaire d’acquérir la débenture pour déduire une perte au titre d’une créance irrécouvrable. Il suffisait de traiter le montant en question en tant que PDTPE.

 

[45]    Il est difficile de ne pas reconnaître, selon la prépondérance des probabilités, que les assertions de l’intimée sont exactes en l’espèce, et ce, malgré le témoignage de l’appelant. Les souvenirs intéressés des processus mentaux douteux d’une personne il y a plusieurs années ne sont pas dignes de foi. Il peut être difficile de trouver une preuve corroborant l’intention ou le but recherché dans des cas comme celui‑ci, mais il est plus probable qu’une telle preuve existe si le but déclaré existait réellement. Ainsi, une preuve montrant que l’appelant avait analysé le rapport du séquestre nous aurait permis de conclure à l’existence d’un faible espoir quelconque. L’absence de tout élément justificatif nous amène à conclure le contraire. L’appelant s’est contenté de dire que le séquestre n’avait pas été suffisamment patient pour tirer parti des cycles immobiliers et que certains biens de Shoppers Trust Co. avaient suffisamment pris de la valeur au cours des dernières années pour susciter plus qu’un faible espoir de recouvrer l’argent, en admettant que ces biens aient été conservés. Cependant, cette preuve semble uniquement souligner que l’appelant savait bien que les séquestres ont pour tâche de liquider les actifs et que, compte tenu de la conjoncture existant alors, ses motifs d’ordre fiscal lorsqu’il a échangé son droit de contribution contre la débenture semblent objectivement être la raison prédominante pour laquelle il a procédé à l’échange et semblent en outre être l’unique raison de l’échange. En fait, la preuve tend à étayer la conclusion selon laquelle une remise de dette en échange d’une autre dette était tout simplement une mesure prise sur les conseils de conseillers fiscaux aux fins de l’obtention d’une perte en capital à des fins fiscales ainsi que d’une PDTPE.

 

[46]    D’autre part, le fait d’obtenir de la Banque Royale la cession de la débenture de Philip me semble une mesure courante fondée, objectivement, sur l’espoir de recouvrer le montant dû. Le recouvrement du montant que Phillip devait à l’appelant serait uniquement d’autant plus sûr si l’appelant obtenait une garantie associée à un actif quelconque comme il y avait droit. Même l’intimée ne conteste pas la chose.

 

[47]    Si l’intimée ne conteste pas que l’appelant songeait effectivement ou probablement à différents moyens de recouvrement lorsqu’il a obtenu la garantie, il me semble qu’elle n’est pas dans une bonne position pour attaquer le témoignage de vive voix de l’appelant selon lequel celui‑ci croyait que la débenture pouvait par la suite avoir de la valeur. La prise de mesures visant à permettre à l’appelant de disposer de différents moyens de recouvrement laisse nécessairement entendre que l’appelant croyait que la débenture elle‑même avait une valeur éventuelle. L’argument de l’intimée elle‑même est axé sur les moyens de recouvrement qu’offrait la cession de la garantie associée à la débenture sans que le motif ayant amené l’appelant à obtenir la cession soit pour autant désapprouvé. L’intimée critique simplement le moyen choisi une fois que la cession a été effectuée et, ce faisant, elle se fonde sur le fait que la garantie que la banque a cédée à l’appelant conférait à celui‑ci le droit de réaliser toute valeur que la débenture pouvait avoir sans que l’appelant détienne réellement la débenture ainsi que sur le fait que l’appelant a perdu toute voie additionnelle de recours en libérant son frère sans en retirer quelque avantage que ce soit.

 

[48]    À mon avis, cette réalité objective n’empêche pas entièrement l’inférence justificative qui pourrait à bon droit être faite si l’on reconnaît que la garantie que la banque a cédée à l’appelant pourrait raisonnablement être considérée comme ayant été acquise parce qu’elle représentait une certaine valeur éventuelle en tant que telle. Toute valeur perçue de la garantie offerte par la débenture correspond à la valeur perçue de la débenture. Cela étant, je pourrais être porté à laisser à l’appelant le bénéfice du doute quant au but recherché. Toutefois, il n’est pas nécessaire de tirer une telle conclusion puisque l’argument subsidiaire invoqué par l’appelant l’emporte de toute façon.

 

[49]    Selon l’argument subsidiaire invoqué par l’appelant, le moment qu’il faut prendre en compte pour déterminer le but recherché n’est pas le moment où la débenture a été acquise (ou saisie). En effet, si tel était le moment à prendre en compte pour appliquer le critère relatif au but recherché, à savoir la réalisation d’un revenu, il ne serait jamais possible de satisfaire au critère. Selon la position que l’appelant a prise, la saisie de la débenture de Phillip résultait directement du but recherché, soit la réalisation d’un revenu, ce qui avait initialement amené l’appelant à garantir effectivement la dette de Phillip et à engager des capitaux dans Shoppers Trust Co. L’appelant invoque la série de décisions faisant autorité rendues à la suite de la décision Cadillac Fairview, dans lesquelles une interprétation mécanique étroite du sous‑alinéa 40(2)g)(ii) a été rejetée. Comme le juge Bowman l’a dit dans les motifs de jugement qu’il a rendus dans l’affaire Cadillac Fairview :

 

Une interprétation fonctionnelle plus réaliste d’un point de vue commercial subsumerait l’objet de l’acquisition de la créance par voie de subrogation sous l’objet pour lequel la garantie avait initialement été donnée.

 

[50]    Toutefois, dans cette décision et dans les autres décisions invoquées par l’appelant, la créance en question était la créance résultant du droit de contribution. En l’espèce, cette créance correspond à la dette personnelle que Phillip avait contractée envers l’appelant. Cette dette personnelle a donné lieu à une acquisition en droit lorsque l’appelant a remboursé la dette de Phillip à la Banque Royale. Si la dette avait continué à être celle de Phillip, les décisions faisant autorité invoquées seraient sur tous les points analogues et je n’hésiterais pas à les appliquer et à remonter à l’opération antérieure en déterminant le but recherché par l’appelant lorsqu’il a acquis la créance découlant de son droit de contribution. Toutefois, en l’espèce, Phillip n’a pas continué à être endetté envers l’appelant; la dette a plutôt été remplacée par la dette que Shoppers Trust Co. avait contractée sous la forme de la débenture.

 

[51]    En l’absence de cet « échange », l’appelant aurait droit à une perte en capital à l’égard de la créance irrécouvrable existant entre son frère et lui. Il s’agirait d’une créance irrécouvrable à laquelle l’article 50 s’appliquerait. Tel serait le cas même si la créance avait été créée bien après la conclusion des opérations qui ont mené et qui ont finalement donné lieu à sa création. Toutefois, en pareil cas, l’appelant n’aurait pas droit à une PDTPE. L’intimée considère cette mesure additionnelle, à savoir l’« échange », assujettie à la saisie du droit de propriété que possédait Phillip sur la débenture et à la libération de Phillip, comme une mesure qui crée une distinction d’avec la série de décisions invoquées par l’appelant. L’intimée soutient que cette mesure, en tant que mesure isolée qui confère à l’appelant un meilleur traitement fiscal, n’est pas régie par les décisions faisant autorité invoquées par l’appelant, mais qu’il s’agit plutôt d’une mesure qui doit être régie par les principes que la Cour suprême du Canada a énoncés dans l’arrêt Singleton.

 

[52]    En examinant la façon dont cette mesure additionnelle s’insère dans l’analyse, il faut examiner les dispositions de la Loi qui la régissent, c’est‑à‑dire l’article 79 de la Loi[12]. Au moment pertinent, cette disposition prévoyait que lorsqu’une personne (l’appelant) acquiert la propriété effective d’un bien (la débenture) d’un débiteur (Phillip) par suite de l’omission du débiteur (Phillip) de rembourser le montant dû (la dette de Phillip découlant du droit de contribution de l’appelant), le prix de base rajusté, pour le créancier (l’appelant), à l’égard du montant dû est réputé nul. Étant donné que la valeur de la dette éteinte qui n’a pas été payée est nulle, aucune perte ni aucun gain n’est déclenché au moment de l’extinction. Le coût du bien (la débenture) acquis par le créancier (l’appelant) en paiement de la dette est alors réputé être le coût de la dette qui s’est éteinte lors de l’acquisition (4 000 000 $).

 

[53]    D’une façon plus générale, l’article 79 fait passer au bien nouvellement acquis la perte associée à la créance irrécouvrable. Aucun attribut fiscal immédiat n’est déclenché à l’égard de la perte subie par suite de l’omission du débiteur de payer. La perte est reportée et elle est calculée de nouveau compte tenu d’événements futurs, par exemple la disposition du bien nouvellement acquis. Lorsque le bien nouvellement acquis est un titre d’emprunt comme c’est ici le cas pour la débenture, un tel événement futur comprendrait l’application de l’article 50 si les conditions qui y sont énoncées étaient réunies. En l’espèce, l’article 50 s’applique et la perte subie par l’appelant est reconnue à moins que, comme l’a soutenu l’intimée, le sous‑alinéa 40(2)g)(ii) ne s’applique en vue de permettre le rejet de la perte.

 

[54]    L’appelant soutient en fait que la Loi ne devrait pas être interprétée de façon à éliminer la perte que l’article 79 vise à préserver. Je suis d’accord avec lui. Pour préserver la perte, ce qui constitue l’objet de l’article 79, l’intention de gagner un revenu qui est reconnue à l’égard de la dette initiale doit être transmise au bien nouvellement acquis, même s’il est sans valeur, à défaut de quoi un tel échange de dette comportant une débenture sans valeur dans une société autre qu’une SEPE pourrait entraîner le rejet d’une perte en capital à l’égard de laquelle une PDTPE n’était pas recherchée. Même l’intimée n’a pas proposé une telle interprétation de la Loi. L’intimée s’oppose simplement à l’effet d’un plan fiscal lorsque l’échange de dettes entraîne une PDTPE. Toutefois, il est bien établi que le fait qu’une personne tire parti des dispositions de la Loi donnant lieu à un traitement fiscal préférentiel ne permet pas pour autant de lui refuser l’avantage recherché. Le fait qu’en raison du bien nouvellement acquis, à savoir la débenture, le créancier aurait peut‑être droit à une utilisation moins restreinte de la perte est dans ce sens un élément circonstanciel et, de toute façon, en ce qui concerne l’avantage fiscal recherché, il existe un lien direct entre le bien acquis par l’appelant en vertu de l’article 79 (un titre d’emprunt d’une SEPE) et la dette initiale qui a été créée par suite d’une garantie que le même contribuable (l’appelant) a donnée en vue de refinancer cette SEPE. Il s’ensuit donc qu’une interprétation fonctionnelle plus réaliste de l’article 79, d’un point de vue commercial, consisterait à subsumer l’objet de l’acquisition, auquel cette disposition s’applique, sous l’objet pour lequel la garantie a initialement été donnée.

 

[55]    En ce qui concerne le fait que l’intimée se fonde sur l’arrêt Singleton, il est facilement possible, à mon avis, de faire une distinction à cet égard. En effet, cet arrêt portait sur la question de savoir si l’argent emprunté était utilisé aux fins de la réalisation d’un revenu comme l’exige l’alinéa 20(1)c) de la Loi, de façon à permettre la déduction des intérêts. Aucune autre disposition de la Loi n’avait à être prise en considération en vue de faciliter ou de dicter une interprétation particulière de cette disposition eu égard aux circonstances de cette affaire. Cela étant, la Cour suprême du Canada a tiré une conclusion favorable au contribuable, en se fondant sur le lien direct existant entre l’argent emprunté et une utilisation admissible. Dans cette affaire, il a été conclu que le produit du prêt avait été utilisé aux fins de la réalisation d’un revenu parce qu’il avait directement été affecté à un actif générateur de revenu qui était détenu (et qui était déjà détenu) à cette fin.

 

[56]    En l’espèce, le critère est fort différent. Le sous‑alinéa 40(2)g)(ii) se rapporte au but de l’acquisition de la créance plutôt qu’à l’utilisation qui a été faite de l’argent. Il a déjà été conclu dans une grande série de décisions réfléchies et convaincantes que le critère relatif au « but de l’acquisition » se rapportait au but de l’opération qui avait finalement donné lieu à l’acquisition de la créance, lorsque l’acquisition était effectuée en vertu d’un droit de contribution. En somme, l’interaction entre le but et de tels événements liés influe en pareil cas sur l’interprétation qu’il convient de donner à ce critère. L’acquisition de la débenture est un tel événement lié, et cet événement exige encore plus que l’on remonte au but, à défaut de quoi l’article 79 n’atteindra pas son objectif, et ce, d’une façon fort désavantageuse. Je suis donc convaincu que le raisonnement qui a été fait dans la série de décisions rendues à la suite de la décision Cadillac Fairview doit également s’appliquer en l’espèce. L’article 79 porte sur l’acquisition d’un bien (la débenture) compte tenu du fait que la perte refusée par cette disposition (à l’égard de l’extinction de la dette de contribution contractée par Phillip) sera prise en compte lorsqu’un événement imposable se produira à l’égard de ce bien. En pareil cas, il faut subsumer l’objet de l’acquisition régi par l’article 79 sous l’objet se rapportant à la dette qui s’est éteinte, lequel se rapporte de son côté au but dans lequel la garantie a initialement été donnée.

 

[57]    En l’espèce, la dette résultait de dispositions de financement prises pour une SEPE. Par suite de ces dispositions, l’appelant a subi une perte. Le fait que cette perte peut uniquement être considérée comme une PDTPE si une mesure additionnelle de planification fiscale est prise ne permet pas pour autant de considérer cette mesure, et les dispositions de la Loi qui s’appliquent à cette mesure, de façon à exclure l’appelant de l’application des dispositions relatives aux dépenses fiscales incorporées dans la Loi en vue de faciliter le financement des SEPE. Dans ces conditions, une interprétation fonctionnelle plus réaliste, d’un point de vue commercial, des dispositions en question consisterait à subsumer l’objet de l’acquisition auquel l’article 79 s’applique sous l’objet pour lequel la garantie a initialement été donnée dans ce cas‑ci. À mon avis, une telle interprétation correspond à l’objet et à l’esprit des dispositions en cause. Une conclusion contraire ne respecterait pas leur objet évident, n’aurait pas de bon sens et fermerait les yeux sur les réalités commerciales et économiques des opérations commerciales. Telles sont les remarques que le juge Bell a faites dans la décision National Developments (page 1067). Ces remarques portaient d’une façon toute particulière sur le sous‑alinéa 40(2)g)(ii), mais à mon avis elles s’appliquent également à l’interaction entre l’article 79, le sous‑alinéa 40(2)g)(ii) et les dispositions de la Loi permettant d’accorder des PDTPE à l’égard des titres d’emprunt de SEPE.

 

[58]    Pour les motifs énoncés, les appels sont accueillis.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23jour de mai 2007.

 

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 29 jour de février 2008.

 

D. Laberge, LL.L.


 

 

APPENDICE A

 

97-3731(IT)G

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

 

ENTRE :

 

JOHN H. DANIELS,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION]

 

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

 

L’appelant et l’intimée conviennent, pour les besoins du présent appel, que les faits ci‑après énoncés sont admis :

 

1.         Pendant la période pertinente, l’appelant et son frère, Phillip Daniels (« Phillip »), résidaient au Canada.

 

2.         Pendant la période pertinente, Phillip détenait 75 p. 100 des actions ordinaires de Shoppers Trust Company (« Shoppers Trust »), et 547900 Ontario Limited, société dont toutes les actions ordinaires appartenaient à l’appelant, détenait 25 p. 100 des actions ordinaires de Shoppers Trust.

 

3.         Shoppers Trust est une société constituée en vertu de la Loi sur les sociétés de prêt et de fiducie (Ontario). Shoppers Trust était une société privée sous contrôle canadien et une société exploitant une petite entreprise au sens de la Loi pendant la période pertinente et elle s’occupait de prêts.

 

4.         Avant 1988, l’appelant et Phillip détenaient chacun des débentures de Shoppers Trust dont la valeur nominale était de 1 500 000 $ et Phillip devait à la Banque Toronto‑Dominion (la « Banque TD ») un montant de 3 000 000 $ (la « dette TD »).

 

5.         L’appelant avait acquis ses débentures de Shoppers Trust en échange d’actions privilégiées de Shoppers Trust qu’il avait payées 1 500 000 $.

 

6.         En 1988, l’appelant et Phillip ont emprunté 8 000 000 $ (le « prêt de la Banque Royale ») de la Banque Royale du Canada (la « Banque Royale ») à titre solidaire. Phillip a reçu un montant de 5 500 000 $ sur le produit du prêt de la Banque Royale, et l’appelant a reçu 2 500 000 $ sur ce produit.

 

7.         L’appelant cherchait à gagner un revenu lorsqu’il est devenu solidairement responsable envers la Banque Royale à l’égard du prêt de 8 000 000 $ que la Banque Royale lui avait consenti ainsi qu’à Phillip.

 

8.         Phillip a utilisé le produit de 5 500 000 $ sur le prêt de la Banque Royale en vue de rembourser la dette TD (de 3 000 000 $) et, à l’aide du reste du produit, il a acheté des débentures additionnelles de Shoppers Trust au montant de 2 500 000 $; par la suite, il détenait donc des débentures de Shoppers Trust d’une valeur de 4 000 000 $ (les « débentures de Phillip »).

 

9.         L’appelant a utilisé sa part du produit du prêt de la Banque Royale de 2 500 000 $ en vue d’acheter des débentures additionnelles de Shoppers Trust au montant de 2 500 000 $; par la suite, il détenait donc des débentures de Shoppers Trust d’une valeur de 4 000 000 $ (les « débentures de l’appelant »).

 

10.       L’appelant et Phillip ont chacun donné en gage leurs débentures respectives de Shoppers Trust d’une valeur de 4 000 000 $ ainsi que les actions ordinaires qu’ils détenaient dans Shoppers Trust (collectivement, les « garanties de Shoppers ») à la Banque Royale à titre de garantie du prêt de la Banque Royale.

 

11.       Avant 1992, Phillip a remboursé 1 000 000 $ sur le prêt de la Banque Royale et l’appelant a remboursé 500 000 $ sur ce prêt. Une fois ces montants remboursés, Phillip devait 4 500 000 $ à la Banque Royale, alors que l’appelant devait 2 000 000 $. L’appelant et Phillip étaient tous deux solidairement responsables à l’égard de la totalité de la dette de 6 500 000 $.

 

12.       Au mois de janvier 1992, l’appelant a remboursé un montant additionnel de 1 250 000 $ à la Banque Royale. Une fois ce montant remboursé, Phillip devait 4 500 000 $ à la Banque Royale, alors que l’appelant devait 750 000 $. L’appelant et Phillip étaient tous deux solidairement responsables à l’égard de la totalité de la dette restante de 5 250 000 $.

 

13.       Au mois de décembre 1991, l’Office of Financial Savings Institutions, organisme de réglementation de l’Ontario, a procédé à une vérification de Shoppers Trust, par suite de laquelle Shoppers Trust a été mise sous séquestre au mois de mars 1992.

 

14.       L’appelant et Phillip ont tous deux conclu qu’au 31 décembre 1991, les garanties de Shoppers n’avaient plus aucune valeur.

 

15.       Dans le calcul de leur revenu pour leur année d’imposition 1991, l’appelant et Phillip ont chacun demandé la déduction d’une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise de 3 000 000 $ relativement à la perte que chacun avait subie à l’égard des garanties de Shoppers.

 

16.       La déduction des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise a été admise par le ministre du Revenu national (le « ministre ») dans le calcul du revenu de l’appelant et de Phillip pour leur année d’imposition 1991 respective.

 

17.       La Banque Royale a demandé le remboursement du prêt de la Banque Royale en 1992. Phillip n’a pas pu rembourser quoi que ce soit sur le solde impayé du prêt de la Banque Royale. L’appelant, conformément à son obligation solidaire, a donc été obligé de rembourser le plein montant de 5 250 000 $ qui était dû à la Banque Royale. L’appelant a emprunté cette somme de la Banque Royale au mois de juin 1992 et il a utilisé le produit du prêt pour rembourser à cette banque la dette de 5 250 000 $ dont il était solidairement responsable avec Phillip.

 

18.       Dans l’ensemble, l’appelant a donc remboursé un montant de 7 000 000 $ sur le prêt de la Banque Royale.

 

19.       Par une lettre datée du 18 novembre 1992 adressée à Phillip, l’appelant demandait à celui‑ci de lui verser le montant de 4 500 000 $ représentant sa part du prêt de la Banque Royale, montant que l’appelant avait remboursé, à défaut de quoi l’appelant obtiendrait de la Banque Royale une cession des débentures de Shoppers Trust que Phillip avait données en gage à cette banque à titre de garantie du prêt de la Banque Royale et prendrait des mesures en vue de recouvrer le montant au complet.

 

20.       Le 1er décembre 1992, l’appelant a obtenu de la Banque Royale une cession des débentures de Phillip.

 

21.       Le 4 décembre 1992, l’appelant a remis à Phillip un avis écrit conformément à l’article 63 de la Loi sur les sûretés personnelles de l’Ontario, indiquant qu’il avait l’intention de disposer des débentures de Phillip à moins que celui‑ci ne lui verse un montant de 4 500 000 $, et qu’à défaut de payer ce montant, l’appelant accepterait les débentures de Phillip en paiement de l’obligation que celui‑ci avait envers lui.

 

22.       Par suite de la mise sous séquestre de Shoppers Trust, Phillip a fait face à de sérieuses difficultés financières qui l’ont empêché de verser à l’appelant les 4 500 000 $ que celui‑ci réclamait et qui l’ont contraint à vendre sa résidence personnelle. L’appelant n’a donc pas tenté de recouvrer les 4 500 000 $ de Phillip après le mois de mars 1992, mais il a plutôt acquis les débentures de Phillip.

 

23.       À ce jour, Shoppers Trust est encore sous séquestre, et au 31 décembre 1992, ses débentures étaient sans valeur.

 

24.       Dans le calcul de son revenu pour son année d’imposition 1992, l’appelant a déduit une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise de 3 000 000 $ à l’égard des débentures de Phillip. Le ministre a refusé cette déduction en établissant la nouvelle cotisation de l’appelant pour cette année‑là.

 

25.       Dans le calcul de son revenu pour son année d’imposition 1992, Phillip a inclus un gain en capital de 4 500 000 $ à l’égard de la disposition de ses débentures et de certaines de ses actions.

 

26.       L’appelant et l’intimée reconnaissent et conviennent qu’ils peuvent tous deux présenter dans le présent appel des éléments de preuve additionnels qui ne sont pas incompatibles avec les faits ci‑dessus admis.

 


APPENDICE B

 

ARTICLE 79 :     Forclusion d’hypothèques et reprise de biens qui ont fait l’objet d’une vente conditionnelle

 

            79. Lorsque, à un moment donné au cours d’une année d’imposition, un contribuable qui :

            a) soit était créancier hypothécaire ou autre d’une autre personne qui avait auparavant acquis des biens;

            b) soit avait auparavant vendu des biens à une autre personne en vertu d’un contrat de vente conditionnelle,

a acquis ou a acquis de nouveau la propriété effective de ces biens par suite d’un défaut de paiement total ou partiel, de la part de l’autre personne, d’une somme (appelée la « créance du contribuable » au présent article) que celle‑ci doit au contribuable, les règles suivantes s’appliquent :

            c) doivent être inclus dans le calcul du produit tiré par l’autre personne de la disposition des biens en question le principal de la créance du contribuable plus toutes les sommes dont chacune constitue le principal d’une dette qui avait été due par cette autre personne dans la mesure où cette dette a été éteinte du fait de l’acquisition ou de la nouvelle acquisition, selon le cas;

            d) toute somme payée par l’autre personne après l’acquisition ou la nouvelle acquisition, selon le cas, au titre ou en paiement intégral ou partiel de la créance du contribuable est réputée être une perte subie par cette personne du fait de la disposition de ces biens pour son année d’imposition dans laquelle cette somme a été versée;

            e) dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année, sont réputées nulles :

                        (i) la somme qu’il déduit en application des sous‑alinéas 40(1)a)(iii) ou 44(1)e)(iii) dans le calcul de son gain pour l’année d’imposition précédente, tiré de la disposition des biens,

                        (ii) la somme déduite relativement à ces biens en vertu de l’alinéa 20(1)n) dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année précédente;

             f) le contribuable est réputé avoir acquis ou avoir acquis de nouveau les biens, selon le cas, à un coût égal à l’excédent éventuel du coût, à ce moment, de la créance du contribuable sur la somme visée au sous‑alinéa e)(i) ou (ii), selon le cas, relativement à ces biens;

             g) le prix de base rajusté, pour le contribuable, de la créance du contribuable est réputé nul;

             h) dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année ou une année suivante, aucune somme n’est déductible relativement à la créance du contribuable en vertu de l’alinéa 20(1)l) ou p).

 


 

RÉFÉRENCE :                                  2007CCI179

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      97‑3731(IT)G

 

INTITULÉ :                                       John H. Daniels

                                                          c.

                                                          Sa Majesté la Reine

 

DATE ET LIEU DE L’AUDIENCE :  Le 6 mars 2007 – Toronto (Ontario)

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 23 mai 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelant :

Me Sheldon Silver, c.r.

Me Glenn Ernst

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Luther P. Chambers

Me Pascal Tétrault

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                             Sheldon Silver, c.r.

                                                          Glenn Ernst

 

                   Cabinet :                         Goodmans, LLP

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1] L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), dans sa forme modifiée.

[2] Selon le contrat de prêt et le paragraphe 6 de l’exposé conjoint des faits, il ne s’agit que d’un seul prêt. Toutefois, au cours de l’audience, les deux parties ont parlé de deux prêts distincts. Le paragraphe 11 de l’exposé conjoint des faits donne à entendre que des montants différents ont été prêtés à chacun des débiteurs. Par conséquent, suivant l’indication donnée par les deux parties, il sera question du prêt RBC dans les présents motifs comme s’il s’agissait de deux prêts.

[3] Le montant total des débentures émises en faveur de Phillip s’élevait à 4 000 000 $. C’est ce montant global qui est désigné, dans les présents motifs, comme étant la « débenture » ou la « débenture de Phillip ».

[4] Dans l’exposé conjoint des faits (paragraphes 20 et 21), il est uniquement fait mention du fait que l’appelant a accepté la débenture de Phillip en paiement intégral du montant de 4 500 000 $, mais il semble évident que les parties reconnaissent que les actions ordinaires qui faisaient partie des garanties de Shoppers ont été cédées à l’appelant et qu’elles ont également été acceptées en tant que partie intégrante de la contrepartie en échange de laquelle Phillip était libéré de la dette qu’il avait envers l’appelant. En somme, il semble évident que les parties reconnaissent que le montant de 4 000 000 $ représentait le montant de la remise de dette se rapportant à la débenture de Phillip, le solde de 500 000 $ étant attribué aux actions ordinaires.

[5] 2003 DTC 5115 (C.A.F.).

[6] 97 DTC 405 (C.C.I.), confirmé par 99 DTC 5121 (C.A.F.).

[7] 96 DTC 1554 (C.C.I.).

[8] 94 DTC 1061 (C.C.I.).

[9]  2001 DTC 638 (C.C.I.).

[10] 91 DTC 182 (C.C.I.).

[11] 2001 DTC 5533, page 5538.

[12] L’article 79, comme il existait en 1992, est reproduit à l’appendice B joint aux présents motifs.

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