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Dossier : 2004-4537(IT)G

ENTRE :

RIDGE RUN DEVELOPMENTS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 30 novembre 2006, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge T. E. Margeson

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me John A. Gamble, c.r.

Avocate de l’intimée :

Me Marie-Thérèse Boris

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1997 est rejeté et la cotisation du ministre du Revenu national est confirmée.

 

          L’intimée a droit à ses dépens pour cette action, lesquels seront taxés.

 

      


Signé à New Glasgow (Nouvelle-Écosse), ce 16e jour d’avril 2007.

 

 

« T. E. Margeson »

Le juge Margeson

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mars 2008.

 

Maurice Audet, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2007CCI68

Date : 20070416

Dossier : 2004-4537(IT)G

ENTRE :

RIDGE RUN DEVELOPMENTS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT

 

Le juge Margeson

 

[1]     Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’un avis de nouvelle cotisation daté du 1er octobre 2004 en vertu duquel le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi à l’égard de l’appelante une nouvelle cotisation aux montants de 227 122 $ en impôt, de 15 922,55 $ à titre de pénalité pour production tardive et de 99 061,83 $ en intérêts.

 

[2]     Le ministre a adopté comme position qu’en calculant son revenu pour l’année d’imposition 1997, l’appelante avait fait une présentation erronée des faits quant à son revenu total, en incluant une perte autre qu’en capital reportée de l’année d’imposition 1994, au montant de 611 397 $. Le ministre a soutenu que cette présentation erronée des faits découlait d’une omission volontaire, ou subsidiairement, d’une inattention ou de la négligence.

 

[3]     Quant à l’appelante, elle soutient que la cotisation relative à l’année d’imposition 1997 établie le 1er octobre 2004 est nulle, et elle demande à la Cour de confirmer la validité de l’avis de nouvelle cotisation du 23 octobre 2003 relatif à l’année d’imposition 1997 de l’appelante.

 


La preuve

 

[4]     Robert Schwartz (« M. Schwartz ») est un avocat qui exerce actuellement sa profession au sein du cabinet Gardiner Roberts LLP à Toronto. Il est un associé principal au sein de ce cabinet. Il a fourni des conseils juridiques à l’appelante, Ridge Run Developments Inc. (« Ridge Run »), à partir des environs de 1992. Stanley Poulton (« M. Poulton »), qui était un commettant de Ridge Run et certainement un dirigeant de Ridge Run, a joué un rôle déterminant dans l’engagement des services de M. Schwartz. Ce témoin a affirmé dans son témoignage que M. Poulton, commettant de l’appelante, ainsi que d’autres, étaient menacés d’un recours en justice par Catherine Reynal (« Mme Reynal »), qui était une commettante d’Oakamp Developments Limited (« Oakamp Developments »). Mme Reynal soutenait qu’elle était garante de certaines avances obtenues auprès de la Banque royale du Canada et qu’un commettant de l’appelante, à savoir Peter Miller (« M. Miller »), avait fait un usage abusif de ces fonds. Mme Reynal souhaitait être replacée dans la situation où elle se trouvait avant que ces fonds soient employés de manière abusive. Il est devenu évident pour l’appelante qu’elle subirait une perte importante et, par conséquent, elle voulait connaître sa situation juridique. M. Poulton a engagé les services de M. Schwartz et de son cabinet, pour son propre compte ainsi que pour celui de l’appelante, afin d’obtenir des conseils juridiques.

 

[5]     Différentes négociations ont eu lieu entre les avocats représentant les individus et sociétés mentionnés ci-dessus, et plusieurs autres sociétés, qui étaient en cause dans cette affaire, ce qui a mené à la conclusion d’une entente, admise en preuve sous l’onglet 1 du volume 1 du recueil de documents de l’appelante. Cette entente est datée du [laissé en blanc] février 1994. En fin de compte, l’entente avait pour but d’obtenir le meilleur règlement au moindre coût possible pour l’appelante et M. Poulton, puisqu’on soutenait que la société et M. Poulton étaient responsables de tous les actes de M. Miller. Pour l’essentiel, les demandeurs [traduction] « entendaient faire valoir leur réclamation à l’encontre de tout ce que MM. Miller et Poulton possédaient, ce qui comprenait différents biens immobiliers dont ils étaient propriétaires à l’époque ».

 

[6]     Pour tenter de mettre à l’abri certains des intérêts de Ridge Run dans certains biens immobiliers, afin d’éviter les frais juridiques considérables qu’entraînerait un litige et le temps, les efforts et la distraction, suivant les conseils donnés, la meilleure solution consistait à tenter de régler l’affaire hors cour. [traduction] « Il s’agissait d’un exercice de pondération parce qu’il y avait un coût. »

 

[7]     En fin de compte, les parties sont parvenues à l’entente mentionnée précédemment.

 

[8]     M. Schwartz a dit :

 

[traduction]

En acceptant les conditions de ce règlement, Ridge Run voyait des immeubles être vendus à une époque où elle ne voulait pas vraiment vendre, alors qu’elle n’avait aucune raison de vendre. Cela constituait un désavantage considérable. Elle cédait dans les faits tout intérêt dans Huntsville et Stouffville, et je crois qu’il y avait des capitaux propres.

 

[9]     L’entente prévoyait en outre que 18 000 $ par mois reviendraient à Mme Catherine Reynal ou à Oakamp Developments pendant la durée de l’entente. Dans la mesure où cet argent pouvait être obtenu des immeubles, il provenait des intérêts des autres parties, de même que les honoraires d’Aird et Berlis et divers autres frais.

 

Comme l’a dit M. Schwartz :

 

[traduction]

Ridge Run, Greystoke et Stan Poulton payaient un prix pour ce règlement, mais nous pensions que c’était un moindre mal. Autrement, nous ne l’aurions pas accepté.

 

[10]    Cette entente a d’abord été une ébauche en 1992, mais elle a finalement été conclue en 1994. Avant sa signature, il n’y a eu aucun règlement.

 

[11]    M. Schwartz a dit :

 

[traduction]

Je crois qu’en fin de compte, l’idée était la suivante : il y a une contrepartie au fait que nous cédions tout et que nous acceptions de vendre maintenant des actifs que nous ne serions pas enclins à vendre par ailleurs. En fin de compte, tout servira à rembourser la Banque royale et sera indirectement réputé rembourser ces différents enregistrements comptables.

 

[12]    M. Schwartz a convenu qu’aucune analyse n’avait été effectuée pour prouver que l’un quelconque des prêts, y compris le prêt accordé à la colocation Hill Top Plaza (« Hill Top »), était effectivement au montant qui était reflété. Il n’y a eu aucune analyse des dettes alléguées de Ridge Run envers Termai Investments Limited (« Termai »). En fin de compte, les parties ont convenu qu’à ce stade, tout prêt serait réputé avoir été remboursé.

 

[13]    M. Schwartz a convenu que personne n’avait jamais fait de calculs ou d’analyse détaillés pour déterminer combien d’argent était imputé à chaque prêt. Dans la mesure où des montants quelconques allaient à la Banque royale du Canada, les enregistrements comptables indiquaient que c’était là le montant qui était dû au titre de ces prêts.

 

[14]    L’idée était qu’il s’agissait d’une entente finale et que toutes les parties se donneraient quittance les unes aux autres. L’entente exigeait que les parties signent des quittances, et elles ont été signées en conformité avec l’entente. Dans la mesure où l’entente principale prévoyait un acte qu’une des parties n’avait pas accompli, la quittance était conditionnelle à l’accomplissement de cet acte.

 

[15]    M. Schwartz a convenu que Ridge Run avait peut-être renoncé à certains droits pour recevoir un montant d’argent en signant la quittance. Comme l’a indiqué ce témoin lors de son contre-interrogatoire, la signature de la quittance a clos l’affaire pour ce qui était de Ridge Run. Un point final a été mis à tout ce qui se rapportait au litige, à Mme Catherine Reynal et aux problèmes reliés à M. Miller et à ses sociétés.

 

[16]    Stanley Poulton était un promoteur immobilier, non un comptable. Il était au fait du montant déclaré dans la déclaration de revenus de l’appelante pour 1994. Il a confirmé que le document se trouvant dans le volume 1, sous l’onglet 2 de la pièce A-1, était la déclaration de revenus de l’appelante pour l’année 1994. Il a confirmé : les montants figurant dans l’état des revenus et dépenses de Hill Top pour l’année 1994 pour la perte liée au prêt Dinnerex non remboursé d’un montant de 176 169 $; le gain réalisé grâce à la remise de la dette Hill Top accordée par Termai d’un montant de 1 716 442 $; et le fait qu’il s’agissait du même montant indiqué à l’annexe relative aux renseignements concernant l’impôt sur le revenu des colocataires pour l’année se terminant le 30 avril 1994 dans le contexte de la colocation Hill Top Plaza. Cette annexe indiquait une radiation du prêt à hauteur de 1 716 442 $. Cette déclaration de revenus avait été préparée par M. Miller.

 

[17]    M. Poulton a expliqué le genre d’affaires qu’il faisait et, d’après son témoignage, il était manifestement expérimenté, bien avisé et honnête dans ce genre d’affaires. Il décrivait essentiellement ce que faisait l’appelante, puisqu’il était évident qu’elle faisait exactement ce que lui faisait, étant donné qu’il était le commettant qui agissait dans toutes les affaires de l’appelante.

 

[18]    Il a affirmé ne s’être jamais associé à personne, mais avoir participé à des coentreprises. L’appelante détenait un intérêt à hauteur de 100 p. 100 dans le projet immobilier Burlington, mais cette part a été réduite à 50 p. 100 lorsque l’avocat de M. Poulton est intervenu et a investi les fonds dans le projet. Les intérêts respectifs de M. Poulton et de son avocat ont été réduits à 25 p. 100 lorsqu’une part de 50 p. 100 a été transférée à Fred Fillo (« M. Fillo »), qui a acquis le contrôle de la société Oakamp Developments. Cette société était une bailleuse de fonds. Le projet immobilier a été baptisé Patriot Fairview Shopping Centre (« Patriot Fairview »).

 

[19]    M. Fillo ne voulait pas jouer un rôle actif, et il a donc nommé M. Miller comme président-directeur général par intérim. M. Poulton le considérait comme « la société toute entière » dans le contexte de toutes les décisions relatives à Oakamp Developments. L’hypothèque Dinnerex devait être divisée entre les deux sociétés. M. Poulton ne savait pas ce qui devait advenir de l’hypothèque en vertu de l’entente de règlement. Les déclarations de location, jointes à la déclaration de revenus de l’appelante pour 1994, ont été établies par M. Miller. L’intérêt de l’appelante dans le projet Burlington a été réduit à 12 ½ p. 100, puis, à la suite d’une vente à Oakamp Developments, il est passé à 9,01 p. 100.

 

[20]    Le projet Patriot Fairview Shopping Centre a fait affaire avec la succursale de la Banque royale du Canada située au 20, rue King. M. Poulton n’a jamais été consulté à aucun moment quant aux emprunts que Patriot Fairview aurait pu contracter auprès de la Banque royale du Canada. En outre, il n’avait aucune connaissance des dispositions bancaires prises avec la Banque royale du Canada relativement à l’intérêt de 9,01 p. 100 de l’appelante. On lui a montré le bilan de Patriot Fairview daté du 30 juin 1994, et il a dit que la dette la plus importante était un prêt à la Banque de Nouvelle-Écosse d’un montant de 2 910 860 $. Lorsqu’il a été interrogé au sujet de l’entente de règlement produite sous l’onglet 1 de la pièce A-1, il a dit l’avoir signée parce que les avocats croyaient que c’était le seul moyen pour que Mme Catherine Reynal récupère quelque argent, et ils ne semblaient pas se soucier de la possibilité [traduction] « que ma société soit réduite à néant. Cette entente nous a fait perdre une somme d’argent considérable ».

 

[21]    En plus de communiquer avec M. Schwartz relativement à sa situation juridique, M. Poulton s’est fié aux conseils de son comptable, Harold Grabowski (« M. Grabowski »). Celui-ci s’est rendu aux bureaux de M. Schwartz avec M. Poulton et on lui a demandé d’examiner l’entente et de dire au témoin ce qu’il en pensait en tant que comptable agréé. Cependant, M. Grabowski n’a fourni à M. Poulton aucun document ou sur la question de savoir si l’entente devrait être conclue ou non. Il ne se souvenait pas d’avoir reçu aucun autre document précis, y compris des documents de travail, mise à part l’entente figurant sous l’onglet 1 du volume I, qu’il a reçue du cabinet de M. Schwartz. Il a reconnu sa signature sur l’entente en son nom propre et au nom de l’appelante. Il a aussi identifié d’autres signatures contenues dans l’entente. En outre, il a identifié sa signature sur l’entente de quittance mutuelle datée du 29 juin 1994. Le document a été signé aux bureaux d’Aird et Berlis le 29 juin, et il se souvenait de l’avoir signé. Il croyait que son comptable en avait une copie, mais il n’était pas certain si qui ce soit d’autre en avait. Il l’a donnée à John Gamble, vraisemblablement quelque temps après 1994.

 

[22]    En contre-interrogatoire, le témoin a affirmé qu’une fois que les immeubles commerciaux étaient construits, Ridge Run les conservait et en tirait des revenus, et, si les conditions étaient favorables, elle les vendait. Dans le cadre de ses interactions avec des sociétés, et de ses activités dans le domaine du développement immobilier au fil de plusieurs années, M. Poulton a fait appel aux services d’un comptable agréé du nom de M. Grabowski et de deux autres comptables agréés. Ce sont vraisemblablement ces comptables qui auraient préparé ses déclarations de revenus ainsi que celles de ses sociétés. Ils dressaient aussi des états financiers. M. Poulton ne les regardait jamais parce qu’il ne les comprenait tout simplement pas. On lui présentait des choses et il les signait.

 

[23]    M. Poulton a admis avoir signé les déclarations de revenus de l’appelante pour 1994 et 1997. Il était l’unique actionnaire et le président de l’appelante. Il n’a identifié aucun autre employé de l’appelante, et il est évident qu’il faisait ce qui devait l’être pour l’appelante en matière de développement immobilier. S’il avait besoin d’autres personnes, il retenait leurs services pour la période requise.

 

[24]    Pour ce qui concerne la comptabilité de l’appelante, il avait congédié son comptable, et M. Miller a recommandé qu’il confie sa comptabilité à Arthur Andersen & Co. SC (« Arthur Andersen »). Ce cabinet a été à son service pendant deux ans. Quand ses documents comptables lui sont revenus de ce cabinet, on lui a dit que tout était tellement confus et désordonné et que ce n’était pas le genre de travail qu’on y faisait.

 

[25]    M. Poulton a été interrogé au sujet de la comptabilité de Huntsville Co-tenancy Ltd. (la « colocation Huntsville »), et il a dit que, d’après ce qu’il avait compris, c’était M. Miller qui préparait les déclarations et que, si une question d’ordre fiscal se posait, ce dernier la soumettait à Arthur Andersen. Les déclarations étaient ensuite remises à M. Grabowski par M. Miller, et non par Arthur Andersen. M. Poulton a convenu que M. Andersen aurait pris les états financiers de 1994 et y aurait apporté certaines modifications après les avoir examinés. Il ne savait pas si Arthur Andersen examinait ou commentait d’autres conventions de colocation à l’exception de la colocation Huntsville.

 

[26]    On a présenté à M. Poulton l’état des revenus et dépenses de la colocation Hill Top Plaza, sous l’onglet 2 de la pièce A-1, et l’on a attiré son attention sur le montant de 1 716 442 $, décrit comme un gain au titre d’une remise de la dette de HTP par Termai. M. Poulton n’a pu dire s’il était au courant ou non de ce montant en 1994 lorsqu’il a signé la déclaration de revenus. Il se souvenait vaguement que M. Grabowski lui ait donné le « tout » en disant : « signez ici », ce qu’il a fait. Il n’a posé aucune question à ce sujet. On ne lui a jamais fait de reddition de comptes relativement aux résultats des diverses transactions visées par l’entente. Il n’a pris aucune mesure pour qu’on lui fasse une telle reddition de comptes. Il ne pensait pas que cela changerait quoi que ce soit.

 

[27]    M. Poulton a admis que, sans reddition de comptes, il ne savait pas du tout quelle proportion du prêt Termai avait été remise, en fin de compte. Cela dit, il a affirmé qu’il ne pensait pas qu’ils leur devaient quoi que ce soit. Lorsque son comptable, M. Grabowski, a été informé du gain de 1,716 million de dollars au titre de la remise de la dette de HTP par Termai, a-t-il dit, il avait trouvé cela ridicule. À son avis, il n’y avait eu aucune remise de dette. Gordon Williamson (« M. Williamson ») lui a répété la même chose il y a trois mois, mais il n’allait pas être appelé à témoigner.

 

[28]    M. Grabowski a dit que l’appelante devrait payer de l’impôt sur ce montant, même si elle ne l’avait pas reçu. Il était au bureau de M. Schwartz et il leur a demandé à tous les deux d’examiner l’entente et de lui dire quelle serait l’étendue des dégâts. Après deux jours, on ne lui avait rien dit quant au coût que la société devrait assumer, et sa participation s’est limitée à cela, si ce n’est qu’il est venu au bureau de M. Gamble avec lui à deux reprises. Il était aux bureaux d’Aird et Berlis lorsqu’il a signé la quittance mutuelle. M. Schwartz était là, de même que les autres avocats et les parties. Il n’a obtenu copie d’aucun de ces documents avant un bon moment après cela. M. Schwartz les avait, et il les lui a fournis plus tard. Il ne savait pas s’il avait donné une copie de la quittance à M. Grabowski.

 

[29]    Fidelia Louie (« Mme Louie ») a affirmé dans son témoignage qu’elle était agente des appels à l’Agence de revenu du Canada (l’« ARC »). Elle occupe ce poste depuis 13 ans. Avant cela, elle travaillait comme vérificatrice à Revenu Canada et, auparavant, elle était vérificatrice adjointe chez Ernst & Young. Elle porte le titre de CGA, et ce, depuis environ 20 ans.

 

[30]    Mme Louie est l’agente de l’ARC qui a établi la cotisation visée par le présent appel. Suite à la réception de l’avis d’opposition, elle a communiqué avec l’avocat de l’appelante. Lors d’une réunion, ce dernier lui a expliqué comment Termai en était venu à accorder le prêt à Hill Top. Elle a obtenu le dossier de la vérificatrice relatif à l’appelante pour l’année d’imposition 1997. Elle a examiné les documents de travail et le rapport de la vérificatrice. Elle s’est également reportée au dossier principal mentionné dans le rapport de la vérificatrice.

 

[31]    Un dossier principal est constitué lorsqu’un vérificateur examine une société contribuable et que cet examen l’amène à examiner aussi d’autres sociétés liées. Le dossier principal contient le gros de la documentation ou des documents de travail. En l’espèce, ce dossier principal était celui d’Oakamp Developments. Lorsque Mme Louie a rencontré l’avocat de l’appelante, elle lui a dit qu’elle avait obtenu l’entente mentionnée précédemment. Celle-ci se trouvait dans le dossier Oakamp Developments. À ce stade-là, Mme Louie n’avait pas vu la quittance mutuelle qui avait été signée. Pour l’année d’imposition 1997, la vérificatrice chargée du dossier avait refusé l’imputation au revenu imposable d’une perte autre qu’en capital reportée aux années suivantes. Elle avait statué qu’il y avait eu une remise de prêt en 1994. Elle avait rajusté le solde des pertes autres qu’en capital reportées aux années suivantes et avait réduit en conséquence le solde pouvant être déduit pour l’année d’imposition 1997.

 

[32]    La vérificatrice appliquait les dispositions de l’article 80 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), en s’appuyant sur les états financiers. Ces états se trouvent sous l’onglet 2 de la pièce A-1 et constituent les quatre dernières pages figurant sous cet onglet et concernant l’année d’imposition 1994 pour Hill Top.

 

[33]    L’état des revenus et dépenses contient une rubrique intitulée [traduction] GAIN AU TITRE DE LA REMISE DU PRÊT HTP – TERMAI, 1 716 442 $. La vérificatrice a réévalué ce gain pour réduire le solde des pertes autres qu’en capital de 1994. Dans les états financiers, l’appelante avait déclaré le gain au titre de la remise à hauteur de 1,7 million de dollars. Cependant, aux fins de l’impôt sur le revenu, le gain avait été radié à l’annexe T2S(1), une des formules de rajustement du revenu et, par conséquent, il n’avait jamais été déclaré. L’annexe T2S(1) est un rapprochement du résultat comptable et du résultat fiscal, ou revenu imposable. Dans cette annexe, l’appelante avait déduit le gain au titre de la remise de dette qui était reconnu à des fins comptables. En réalité, le gain n’avait pas été déclaré. L’appelante n’avait pas imputé la remise figurant dans les états financiers à des pertes autre qu’en capital en 1994 ni lors d’aucune autre année.

 

[34]    Mme Louie a produit l’entente sous l’onglet 1 pour l’avocat de l’appelante et celui-ci l’a emportée à une deuxième réunion. Il y a eu d’autres communications entre le témoin et l’avocat de l’appelante, notamment des conversations téléphoniques échelonnées sur une période considérable de 2002 jusqu’en septembre 2003. La question qui se posait était celle de savoir si le prêt avait été remis ou non. Mme Louie a conclu que, pour que la dette soit acquittée, il fallait que le créancier pose un acte quelconque ayant pour effet de la remettre. Cependant, la seule mention indiquant qu’il y avait eu remise résidait dans la façon dont elle avait été déclarée dans la déclaration de revenus de Hill Top (sous l’onglet 2, dans l’état des revenus). L’avocat de l’appelante n’a produit aucun élément de preuve émanant de Termai et montrant que le prêt avait été remis. En se fondant sur ces renseignements, Mme Louie a estimé qu’il n’était pas suffisant pour la vérificatrice de se fier sur les seuls états financiers pour évaluer la remise.

 

[35]    Des discussions ont eu lieu au cours desquelles il a été question d’un règlement et d’autres rajustements, par exemple refuser une déduction au titre d’une perte autre qu’en capital en 1997 et réévaluer le montant remis en 2000, alors que le recouvrement de la dette était prescrit en vertu de la Loi sur la prescription des actions. Mme Louie a procédé au rajustement et a conclu au vu de l’entente de règlement qu’il y avait eu remise de dette.

 

[36]    Mme Louie a infirmé la conclusion de la vérificatrice, a permis que la perte autre qu’en capital soit appliquée en 1997 et a ajouté le montant remis au revenu de 2000. En se fondant sur les discussions susmentionnées, elle a statué qu’aucun prêt n’avait été remis en 1994. Par conséquent, elle a retranché le montant remis que la vérificatrice avait employé pour réduire le solde des pertes autre qu’en capital reportées aux années suivantes. Ce rajustement donnait une perte autre qu’en capital pouvant être déduite en 1997, et elle l’a donc autorisée.

 

[37]    La loi sur la prescription entrait en action puisqu’il s’était alors écoulé six ans depuis le dernier paiement, en 2000. Cette année-là, le droit du créancier de recouvrer toute dette de la contribuable était devenu prescrit. C’est alors qu’on a considéré que la dette avait été remise. À ce stade, il n’y avait plus de perte susceptible d’être réduite. En vertu du paragraphe 80(13) de la Loi, le montant remis devait être inclus dans le revenu.

 

[38]    Au moment où elle a émis les avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition se terminant en décembre 1997, il y aurait eu prescription advenant qu’il n’y ait aucune opposition. Elle a émis un avis de nouvelle cotisation en l’absence d’une renonciation écrite parce qu’elle pensait que c’était ce qu’il convenait de faire.

 

[39]    Au moment où l’avis de nouvelle cotisation a été émis en 2000, Mme Louie n’avait pas vu la quittance mutuelle. Aucun document n’avait été reçu à l’appui de cela. Mme Louie n’avait reçu aucun document indiquant qu’il n’y avait pas eu remise de dette. En outre, des observations ont été communiquées au sujet d’autres paiements qui étaient faits à Mme Catherine Raynal. Mme Louie a demandé qu’une renonciation soit signée afin qu’elle puisse effectuer le rajustement. Si elle avait vu la quittance mutuelle avant d’émettre cet avis de nouvelle cotisation pour 1997 et l’avis de nouvelle cotisation pour 2000, elle n’aurait pas émis ces avis parce que ce document aurait étayé la position de l’intimée selon laquelle le prêt avait été acquitté en 1994.

 

[40]    Mme Louie était d’avis que la remise du prêt en 2000, en vertu de l’écoulement du délai de prescription, serait incompatible avec les états financiers de Hill Top qui avaient été produits pour 1994. Dans ces états, la remise du prêt était reconnue en 1994 et l’on parlait de 2000. En outre, la quittance mutuelle serait compatible avec les états financiers produits pour Ridge Run et Hill Top qui avaient été joints à la déclaration de revenus de 1994 puisque la quittance mutuelle avait été signée en juin 1994 et que la déclaration se rapportait à l’année d’imposition 1994.

 

[41]    À la suite des nouvelles cotisations pour 1997 et 2000, un autre avis d’opposition a été reçu. Cet avis d’opposition énonçait notamment qu’en fait, le prêt avait été remis en 1994 et que l’appelante avait des documents le démontrant. Cet avis d’opposition se rapportait à l’année d’imposition 2000. Il y a eu d’autres conversations avec l’avocat de l’appelante et le ministre a par la suite reçu la quittance mutuelle en question. Aucun avis d’opposition n’a été produit relativement à 1997. Cette nouvelle évaluation accordait à Ridge Run davantage de pertes autres qu’en capital.

 

[42]    Au vu de la quittance mutuelle, Mme Louie a conclu qu’une quittance avait été donnée en 1994 de la dette à l’étude et que le prêt avait été remis. Elle a examiné l’année 1997, et aucun avis d’opposition n’avait été produit. Le délai de prescription était écoulé à l’égard de cette année-là. La quittance mutuelle avait été signée en 1994 et la contribuable aurait dû comptabiliser une remise en 1994, mais elle ne l’avait pas fait. Mme Louie estimait qu’il y avait eu une présentation erronée des faits lors de la production de la déclaration de revenus de 1994.

 

[43]    Du fait de cette présentation erronée des faits, la déclaration de revenus de 1997 était inexacte parce que la contribuable avait employé un solde des pertes autres qu’en capital qui avait été réduit à zéro. Il y avait présentation inexacte du revenu imposable pour 1997.

 

[44]    En outre, Mme Louie a conclu que le défaut de produire la quittance mutuelle indiquait qu’un élément de preuve avait été retenu et que ce fait l’avait amené à croire qu’il n’y avait eu aucune remise en 1994 lors de la cotisation précédente.

 

[45]    En fin de compte, en se fondant sur ces renseignements, Mme Louie a rétabli l’évaluation de la vérificatrice. Elle a admis que la remise avait eu lieu en 1994 et, conformément au paragraphe 80(3) de la Loi, elle a déduit le montant remis du solde des pertes autres qu’en capital reportées aux années suivantes. De ce fait, le solde des pertes autres qu’en capital reportées aux années suivantes a été réduit. En conséquence, il n’y avait aucune perte autre qu’en capital susceptible d’être déduite en 1997. Mme Louie était d’avis qu’il était à l’avantage de la contribuable de ne pas présenter la quittance mutuelle parce qu’elle était déjà prête à établir une nouvelle cotisation autorisant l’imputation de la perte autre qu’en capital et réduisant le revenu imposable pour 1997.

 

[46]    En contre-interrogatoire, Mme Louie a admis qu’à la suite de discussions avec l’avocat de l’appelante, étant donné que le montant de 261 000 $ avait été payé en vertu de l’entente de règlement, elle avait autorisé la déduction.

 

[47]    Ce montant a été déduit du montant de l’endettement existant. Avant que Mme Louie apprenne l’existence de la quittance mutuelle, il avait été déterminé que le prêt avait été remis en 2000. Si le paiement avait été fait en 1997, le montant remis correspondrait au prêt lui-même, moins tout montant remboursé au titre du prêt, le cas échéant. La différence constituerait le montant remis en 2000. Mais c’était avant que Mme Louie apprenne l’existence de la quittance mutuelle.

 

[48]    Mme Louie a refusé de concéder à l’avocat de l’appelante que c’était en se fondant sur les dispositions de l’alinéa v), figurant à la page 41 de l’entente de règlement, qu’elle avait déduit 261 790 $ d’un montant qu’elle avait par ailleurs ajouté à la cotisation. Elle a dit que, lorsqu’elle avait fait cette déduction, elle n’avait pas cette clause à l’esprit. Selon les éléments de preuve dont elle pouvait disposer, la contribuable avait payé ce montant. La contribuable paie ce montant et, dans son esprit, la contribuable a droit à la déduction, alors la déduction a été permise. Elle ne s’appuyait pas vraiment sur l’entente de règlement. Par rapport à Patriot Fairview, il a été démontré qu’ils avaient payé un montant de 261 000 $, alors elle a permis la déduction.

 

[49]    Mme Louie a été interrogée quant à savoir où cette présentation avait été faite dans la déclaration de revenus de 1994. Elle a dit qu’en produisant la déclaration de revenus de 1994 et en se fondant sur la quittance mutuelle qui lui avait été présentée plus tard, la dette avait été acquittée en 1994. La contribuable n’a pas inclus cette remise dans l’année d’imposition 1994. Selon le paragraphe 80(3) de la Loi, la remise doit être employée pour réduire le solde des pertes autres qu’en capital reportées aux années suivantes qui figure à l’annexe T2S(4). À la quatrième page suivant l’annexe T2S(1), il y a « Continuité des pertes reportés aux années suivantes ». La contribuable a fait une présentation erronée du solde des pertes autres qu’en capital reportées aux années suivantes en ne réduisant pas le solde du montant de la dette remise. Mme Louie a convenu que l’annexe TS2(1) a pour but de rapprocher le résultat fiscal net du résultat comptable.

 

[50]    Mme Louie a été priée d’examiner quatre pages de la déclaration de revenus pour 1994, soit le T2S(1), le T2S(4), annexe appuyant le T2S(1), et les deux dernières pages de la déclaration. Après qu’elle eut examiné chacune de ces quatre pages, on lui a demandé s’il y avait une dissimulation quelconque, compte tenu de la nature des déclarations à des fins fiscales et de la différence entre les déclarations à des fins fiscales et celles à des fins comptables. Elle a répondu que, maintenant qu’elle savait qu’une quittance mutuelle avait été signée en 1994, le T2S(4) était manifestement inexact, car la contribuable avait omis de réduire le solde des pertes autres qu’en capital du montant de cette remise. Cela constitue une présentation erronée des faits parce que la contribuable omet sciemment de réduire le solde.

 

[51]    On a alors laissé entendre à Mme Louie qu’il serait possible qu’un comptable, qui ne serait pas à l’emploi de l’ARC, conclue que ces montants ne devaient pas entrer dans le calcul du revenu imposable. Mme Louie a répondu qu’un comptable professionnel devrait connaître toutes ces dispositions de la Loi et savoir comment elles s’appliquent.

 

[52]    Mme Louie a en outre reconnu que, dans les quatre ou cinq dernières pages, l’appelante avait divulgué la nature de l’affaire dont la Cour est maintenant saisie pour ce qui est de son traitement fiscal à titre de remise du prêt Hill Top par Termai dans ses états financiers joints à la déclaration. De plus, elle a dit que le montant avait été déclaré à titre de gain, mais que les documents ne divulguaient pas la dette qui devait servir à compenser les soldes de pertes. Aux yeux d’une répartitrice, cela donnait un gain dans les états financiers, mais celui-ci n’avait pas été inclus dans le revenu. En tant que répartitrice, elle dirait qu’il y a eu remise. La remise aurait dû servir à compenser les pertes reportées aux années suivantes, et cela aurait dû figurer dans le T2S(4), ce qui n’est pas le cas. Mme Louie a admis que la cotisation qui avait été établie en septembre 1998 était incorrecte.

 

[53]    Lors de son réinterrogatoire, Mme Louie a été priée d’examiner un document sous l’onglet 4 intitulé [traduction] « Règlement de la dette d’Oakamp au titre de la colocation ». Ce document concernait le paiement de 261 790 $, proportionnel à l’intérêt de Ridge Run dans la colocation, que Ridge Run avait fait pour régler la dette d’Oakamp Developments. Mme Louie avait obtenu le document du dossier principal concernant la déclaration de revenus d’Oakamp Developments. Pour ce qui concerne la question de la remise d’un prêt, si un prêt avait été remis en 1994, ce paiement n’aurait eu aucune incidence sur le prêt en question puisqu’il avait été fait en 1997. En revanche, si le prêt avait été remis après 1997, cela aurait réduit le montant du prêt. Le montant aurait servi à réduire le prêt. Il a été considéré comme un paiement effectué en 1997.

 

[54]    En bout de ligne, Mme Louie a admis qu’elle avait permis le rajustement seulement aux fins du règlement puisque la contribuable l’avait payé. Il s’agissait d’un paiement relié au gain de revenus. Puisque c’était à l’avantage de la contribuable, elle ne l’avait pas vraiment remis en question.

 

[55]    Au terme de l’enquête, il a été déterminé que l’onglet 16 n’avait pas été prouvé et que, par conséquent, il ne devait pas être considéré comme une pièce.

 

Arguments pour le compte de l’appelante

 

[56]    L’avocat de l’appelante a rappelé à la Cour que le présent appel concerne l’année d’imposition 1997 même si beaucoup d’éléments de preuve produits ont trait à l’année d’imposition 1994. Pour ce qui concerne l’année d’imposition 1994, les seuls éléments de preuve véritables se rapportent aux avis de cotisation figurant sous les onglets 3, 5, 6, 7 et 10 du volume 1, pièce A-1.

 

[57]    Seul l’avis de nouvelle cotisation du 23 octobre 2003 subsiste, et l’avis de nouvelle cotisation du 1er octobre 2004 est nul. L’entente produite sous l’onglet 1 du volume 1 de la pièce A-1 est de la plus haute importance. Toute cette entente a été conçue pour qu’Oakamp Developments et Mme Catherine Raynal aient en main les fonds qui les remettent dans une situation analogue à celle dans laquelle elles se trouvaient avant que les fonds d’Oakamp Developments soient employés aux fins de la coentreprise ou des dispositions de colocation établies par MM. Miller et Poulton. Le produit de ces fonds avait en même temps pour effet de réduire le montant des créances de Termai, l’une d’elles étant justement le prêt en cause dans le présent appel, c’est-à-dire le prêt accordé par Termai à Hill Top, dans laquelle Ridge Run détenait une part de 50 p. 100.

 

[58]    L’avocat de l’appelante a renvoyé aux pages 29 et 30 de l’entente de règlement. Dans les faits, Oakamp Developments a été payée même si Ridge Run ne lui devait rien; Ridge Run avait cependant une dette envers Termai, qui avait une dette envers Oakamp Developments. Ce prêt devait être remboursé.

 

[59]    En fin de compte, une fois que tout aurait été fait, s’il restait des dettes, elles seraient payées, et s’il y avait eu un paiement excédentaire, il serait recouvré.

 

[60]    La question initiale consiste à déterminer le montant remis. À cette fin, le ministre a appliqué les dispositions du sous-alinéa 80(3)a)(ii) de la Loi. Ce sous-alinéa a été modifié avant l’époque qui nous intéresse ici, avant quoi il ne comportait aucune disposition définissant ce qu’étaient les montants remis, mais il prévoyait l’inclusion des montants remis dans le revenu. Par suite ou comme conséquence de l’application de l’entente de règlement et de la quittance mutuelle, prévue dans l’entente de règlement et signée le 20 juin 1994, ce montant est égal à zéro.

 

[61]    Cette entente et la quittance mutuelle ont eu pour effet que les parties ont renoncé à différents droits en vertu de l’entente et de la quittance et qu’il n’y a eu aucune remise.

 

[62]    Ces différents droits n’étaient pas des droits illusoires placés là à des fins cosmétiques. Selon le témoignage de M. Schwartz, M. Poulton n’avait rien fait pour s’attirer des poursuites en justice. Il avait une cause d’action contre Termai et M. Miller parce que celui-ci était censé fournir le financement. Et ce devait être un financement qui pourrait être utilisé, et non un financement entraînant des actes qui provoqueraient le retrait de tous les fonds à un moment inopportun, comme cela semblait avoir été le cas. Le contrat prévoyait la renonciation à des frais de gestion qui étaient par ailleurs exigibles. On ne savait trop bien à combien ces montants se seraient élevés à un moment donné, mais il aurait été mathématiquement impossible d’établir le critère relatif au revenu au dollar près.

 

[63]    Il n’y a eu aucune tenue de comptes parce qu’aucune date n’avait été fixée pour l’aliénation des actifs. Si l’on interprète le paragraphe 80(3) de la Loi dans son libellé de 1994, le premier défi consiste à déterminer le montant remis dans la définition énoncée à ce paragraphe. Étant donné la nature de la transaction en 1994 et la disposition contenue dans l’entente de règlement, d’après le témoignage de M. Schwartz, ce montant remis, à cause de la compensation, était égal à zéro.

 

[64]    M. Schwartz a conclu dans son témoignage qu’en fin de compte, par suite de l’entente, toutes les dettes de Ridge Run et d’Oakamp Developments étaient considérées comme entièrement payées. C’était là l’objet de l’entente. Dans l’entente finale, toutes les parties allaient se donner quittance les unes aux autres.

 

[65]    Subsidiairement, s’il y a eu un quelconque montant remis, à supposer seulement qu’il puisse y en avoir un, il s’agit du montant qui existait en 1994 et à aucune autre époque. La quittance mutuelle est datée du 29 juin 1994. L’exercice financier de l’appelante se termine en septembre. Par conséquent, « à un moment donné » signifie [traduction] « à l’époque de l’année d’imposition 1994 de l’appelante, et à aucun autre moment ». Le fait que les mots « à ce moment » reviennent trois fois dans le paragraphe doit signifier quelque chose. On fait valoir que cela signifie que les pertes reportées jusqu’à l’année 1994 doivent être déduites par suite de l’ajout au revenu du montant remis, quel qu’il ait été.

 

[66]    Le sous-alinéa (ii) de cette disposition énonce que le montant ainsi appliqué ne réduit pas, par l'effet du paragraphe 80(3), la perte autre qu'une perte en capital du débiteur pour l’année d'imposition précédente. L’avocat de l’appelante plaide donc qu’en 1994, c’est à bon droit que le ministre pouvait ajouter au revenu du contribuable tout montant remis sur une dette commerciale pour réduire le montant des pertes reportées d’années d’imposition antérieures, mais qu’il s’agissait de la seule année pour laquelle il pouvait le faire. Le ministre ne pouvait pas le faire de manière à ce que cela ait une incidence sur une année d’imposition subséquente; or, voilà précisément ce qui s’est produit en l’espèce. Le ministre reporte cette réduction d’un montant remis présumé, imputé à des pertes autres qu’en capital en 1994 et au cours d’années antérieures, et les applique en 1997. Cet article ne permet pas cela.

 

[67]    Le sous-alinéa (ii) de cette disposition n’a pas fait l’objet d’interprétations judiciaires. Le ministre peut évaluer un montant remis à ce moment, pour cette année, lorsque le montant est remis, et à aucun autre moment, et ce faisant il peut appliquer ce montant remis à la réduction des pertes autres qu’en capital de l’année antérieure. Cependant, s’il ne procède pas à une évaluation pour cette année au moment où le montant est remis, il ne peut pas faire ce qu’il ferait habituellement ensuite, à savoir procéder à une réduction relative à une année d’imposition subséquente. Le ministre a une seule occasion, soit de procéder au cours de l’année où le montant est remis, parce qu’au cours des années suivantes, ce montant de la perte reportée est réintroduit dans le cours des choses et peut être déduit lors du calcul du revenu du contribuable.

 

[68]    Lorsque le sous-alinéa dit « [réduire] la perte autre qu'une perte en capital du débiteur pour l’année d'imposition précédente », il vise toutes les années antérieures à 1994.

 

[69]    Troisièmement, l’avocat de l’appelante a plaidé que le délai de prescription était écoulé à l’égard de la cotisation dont la Cour est saisie relativement à l’année 1997. Le ministre a émis un avis de nouvelle cotisation le 23 octobre 2003 à la suite d’un avis d’opposition. Cela en dépit du fait qu’il avait dit à la comptable qu’elle n’émettrait pas l’avis de nouvelle cotisation avant d’avoir reçu une renonciation. Elle n’a pas reçu de renonciation signée. C’était la dernière flèche dans le carquois de l’intimée. Le ministre ne pouvait pas émettre un autre avis de nouvelle cotisation pour la même année d’imposition. Il ne pouvait pas émettre d’autres avis de nouvelle cotisation pour la même année à cause de la production de l’avis d’opposition. Le ministre est assujetti aux dispositions du paragraphe 152(4) de la Loi.

 

[70]    Aucune autre disposition de la Loi permettant de nouvelles cotisations ne s’applique ici puisque la contribuable n’a jamais demandé l’établissement d’une nouvelle cotisation pour report d’une perte sur une année antérieure ni à aucune autre fin.

 

[71]    Selon les dispositions du paragraphe 152(4), pour que le ministre puisse procéder à nouveau à l’établissement d’une nouvelle cotisation, il doit y avoir une présentation erronée des faits. Des éléments de preuve ont été produits quant à savoir ce qui constituait cette présentation erronée des faits pour l’année 1997. Il y avait des éléments de preuve se rapportant à 1994, et il serait peut-être raisonnable dans des circonstances normales de présumer que d’une certaine façon cela a influé sur 1997, mais aucun élément de preuve n’a été produit à cet égard. En l’absence de tout élément de preuve relativement à 1997, la Cour ne peut pas conclure qu’il y a eu une présentation erronée des faits. L’intimée dit tout au plus : [traduction] « Nous établissons une nouvelle cotisation à votre égard parce que vous avez divulgué avoir eu une remise de dette dans vos états financiers ». Cela ne constitue pas une présentation erronée des faits. C’est une affirmation inexacte, parce qu’il ne s’agissait pas d’une remise mais plutôt d’un paiement. Néanmoins, c’est l’intimée qui s’appuie sur ces mots.

 

[72]    L’avocat de l’appelante a renvoyé à la formule T2S(1), qui était fournie par l’intimée aux fins de divulguer le changement ou le rapprochement des états financiers aux fins comptables et fiscales. Il y a toutes sortes de modifications que les comptables apportent aux états financiers établis à des fins comptables lorsqu’il s’agit de les adapter en vue de les produire à des fins fiscales sous le régime de la Loi. Pour qu’on puisse invoquer le paragraphe 152(4) de la Loi, il faudrait forcément que ce soit parce que nous avons affaire à une présentation erronée des faits. Si tel est le cas, il s’agit d’une présentation erronée des faits qui n’est pas attribuable à une omission volontaire – il ne peut s’agir d’une omission volontaire. C’est indiqué noir sur blanc dans les états financiers, et les chiffres s’équilibrent. Les montants sont divulgués. Il ne s’agit pas de négligence. Négliger cela constituerait une erreur parce que les formules exigent qu’on fasse appel à des comptables professionnels qui établissent ces documents et exposent ces faits. Les déclarations sont établies par le comptable.

 

[73]    En l’espèce, les états financiers ont été établis convenablement. S’il y a eu une quelconque présentation erronée des faits, elle se rapporte à l’interprétation de la loi. Or, ce type de présentation erronée des faits n’est pas inclus dans la définition des motifs sur lesquels le ministre peut se fonder pour établir une nouvelle cotisation au-delà de la période normale de nouvelle cotisation de trois ans. En vertu du paragraphe 152(4) de la Loi, il est de jurisprudence constante qu’en l’absence d’une présentation erronée des faits faite par négligence, inattention ou omission volontaire, il ne peut y avoir aucun autre ajout au revenu ni aucune nouvelle cotisation. Tel n’a pas été le cas ici.

 

Arguments pour le compte de l’intimée

 

[74]    L’avocate de l’intimé a convenu que l’entente avait comme résultat final qu’au bout du compte, tout serait réglé. L’appelante a admis avoir signé une quittance réciproque le 29 juin 1994. Cette quittance comprenait les obligations en question, celles reliées à Hill Top. M. Poulton a obtenu une copie de cette quittance réciproque, bien qu’il ne sache pas à quel moment, et il l’a donnée à une ou plusieurs autres personnes, dont son comptable. Ce qu’il importe de retenir, c’est que l’appelante était clairement au courant de la quittance mutuelle, qu’elle la comprenait clairement à la suite de discussions avec M. Schwartz, avocat de l’appelante, et qu’elle l’avait en sa possession.

 

[75]    L’intimée plaide que la signature de cette quittance a emporté remise d’une dette commerciale due à Ridge Run. Le montant de cette remise n’était pas inférieur aux montants qui figurent dans l’état des revenus de Hill Top produit sous l’onglet 2 du volume I, à la deuxième page suivant l’onglet. L’intimée infère clairement que ces états financiers ont dû être présentés à Arthur Andersen. L’avocate a demandé : [traduction] « Qu’est-ce qui arrive lorsqu’une dette est remise? » D’un point de vue comptable, les deux états financiers sont rigoureusement exacts. Au plan de la comptabilité financière, lorsqu’un prêt est remis, il est enregistré à titre de revenu dans l’état des revenus. Voilà pour la comptabilité. Quel est l’effet de la Loi?

 

[76]    Avant l’époque en cause, c’est ainsi qu’une remise de prêt était traitée. La Loi disait que les montants remis s’ajoutaient au revenu. Pour la période en cause, l’article 80 de la Loi dans son nouveau libellé s’applique.

 

[77]    La deuxième question à traiter est celle du montant en capital dont on allègue qu’il a été remis. L’appelante a été incapable de quantifier le montant remis autrement qu’en citant le montant de 1,7 million de dollars qui a été produit en preuve dans le recueil conjoint de documents. L’appelante n’a produit aucune preuve cohérente pour indiquer que le montant établi par Arthur Andersen était exact. Elle soutient que, parce qu’il y a eu des concessions de part et d’autre, il n’y a eu aucune remise. Afin d’établir qu’il n’y a eu aucune remise en 1994, l’appelante devrait faire une preuve qu’il lui est impossible de faire parce qu’il n’y a jamais eu de reddition de comptes. Qui sait pourquoi il n’y en a jamais eu? Il pourrait y avoir de nombreuses raisons à cela. Peut-être qu’on ne voulait pas en défrayer les coûts. Peut-être qu’on ne voulait pas s’en donner la peine. On voulait seulement clore l’affaire. Comme l’a dit M. Schwartz [traduction] « que vous ayez réalisé un gain ou essuyé une perte, c’est fini. »

 

[78]    L’avocat de l’appelante a avancé que la modification à l’alinéa 9d) de l’entente faisait obstacle à toute autre réclamation. Or, rien dans cette modification ne pouvait empêcher une demande de reddition de comptes. Cela ne constitue ni la formulation d’une réclamation ni une demande de remboursement d’une somme d’argent. Il s’agit simplement de demander un compte rendu pour savoir quels ont été les revenus, quelles ont été les dettes, où ils sont passés?

 

[79]    Le fait d’avoir omis d’inclure dans l’entente une disposition requérant une reddition de comptes peut témoigner d’un manque de prévoyance ou d’une omission délibérée ou signifier qu’on ne voulait pas être embêté. Quoi qu’il en soit, faute de pouvoir retracer les fonds pour démontrer ce qui a été remboursé et ce qui ne l’a pas été, l’appelante ne peut pas contester le montant remis de 1,7 million de dollars qui a été déclaré dans les états financiers joints à la déclaration de revenus.

 

[80]    L’avocate de l’intimée a contesté la prétention de l’appelante selon laquelle, s’il y avait eu une remise, cela n’avait pas d’incidence sur l’année d’imposition 1997. Cet argument est tout à fait mal fondé. En vertu du paragraphe 80(3) de la Loi, la remise d’une dette ne s’ajoute plus au revenu aux fins de l’impôt. En un premier temps, la remise est affectée à la réduction des pertes autres qu’en capital. Si une partie de la remise subsiste au terme de cette opération, on passe aux pertes agricoles. C’est l’alinéa b). Si une partie de la remise subsiste après déduction de toutes les pertes agricoles, on passe à l’alinéa d), c’est-à-dire les pertes en capital – etc. Comme l’a dit Mme Louie dans son témoignage, si, après toutes ces étapes successives, il subsiste un solde du montant remis, celui-ci s’ajoute alors au revenu.

 

[81]    En l’espèce, les autres alinéas ne s’appliquaient pas. Nous savons que c’est l’alinéa a) qui s’applique aux montants et aux faits de la présente affaire. Que fait-on pour Ridge Run? Le montant remis à l’époque était de 1,7 million de dollars, il n’y a aucun élément de preuve contradictoire à cet égard, et il est « [appliqué] en réduction, à ce moment, » soit en 1994, année de la remise – et la disposition énonce ensuite :

 

[…] des pertes suivantes […] :

 

a) la perte autre qu'une perte en capital du débiteur pour chaque année d'imposition qui s'est terminée avant ce moment, dans la mesure où le montant ainsi appliqué [...] ne dépasse pas le [solde de pertes].

 

[82]    En l’espèce, il y avait des pertes reportées de 1991, 1992 et 1993. L’avocate de l’intimée a contesté l’argument de l’appelante selon lequel, à cause du sous-alinéa (ii), le ministre pouvait seulement réduire cela une fois et cette réduction s’appliquait à 1994. Ce n’est pas ce que dit le sous-alinéa (ii). Ce n’est pas du tout ce que fait le sous-alinéa (ii). Ce qu’il signifie, c’est qu’il y a une remise de 1,7 million de dollars. Cela s’applique à 1994. L’année 1994 présente un solde de pertes autres qu’en capital qui comprend des pertes reportées d’années d’imposition précédentes. En 1994, on réduit les soldes de pertes autres qu’en capital de 1991, 1992 et 1993 qui, autrement, se seraient appliquées à 1994. Cette remise n’a pas pour effet de retourner en arrière et de revenir sur les années 1991, 1992 et 1993 pour réduire ces soldes de pertes. Voilà l’effet du sous-alinéa (ii). En l’absence de cette disposition, on pourrait soutenir qu’il faudrait d’abord réduire une perte autre qu’en capital pour chaque année d’imposition avant que le ministre puisse retourner en arrière et revenir sur les années précédentes.

 

[83]    La loi est claire. Le calcul est fait en 1994. On traite le solde des pertes en 1994. L’ordre de traitement de ce solde de pertes consiste à traiter les pertes autres qu’en capital des années d’imposition précédentes qui s’appliqueraient autrement à 1994, sans toucher aux années précédentes. Les dispositions de la Loi se poursuivent dans les différents alinéas de l’article 80 et énoncent ce qui se produit s’il subsiste toujours une partie du montant de la remise, et s’il en subsiste toujours un après toutes les réductions prévues, on aboutit à une inclusion au revenu.

 

[84]    L’intimée soutient que Ridge Run a fait une présentation erronée des faits. Cette présentation erronée des faits tient à la manière dont elle a traité la remise dans la déclaration de revenus de 1994, mais la présentation erronée des faits survient aussi en 1997 dans l’application des pertes autres qu’en capital reportées. Ridge Run a présenté de manière inexacte au ministre le montant de ses pertes reportées en 1997, et Mme Louie a témoigné en ce sens. Mme Louie a livré un témoignage passablement clair quant à la façon dont la présentation erronée des faits en 1997 était survenue. Elle aurait pu retourner en arrière et établir une nouvelle cotisation pour les années 1994, 1995, 1996 et 1997, mais elle ne l’a pas fait. La présentation erronée des faits est dans le T2S(4).

 

[85]    Le T2S(4) pour 1994 indique un report aux années suivantes de pertes autres qu’en capital de 1 265 349 $ ou du montant quelconque qu’ils ont pu utiliser, mais il s’agit d’une présentation erronée des faits parce que le solde des pertes reportées ne correspondait pas à ce montant. Il fallait déduire de ce montant la remise de 1,7 million de dollars en vertu de l’article 80 de la Loi.

 

[86]    Cela a une incidence sur les pertes autres qu’en capital reportées aux années suivantes. Il en a résulté une présentation erronée des faits en 1994, 1995, 1996 et 1997.

 

[87]    Pour ce qui concerne les présentations erronées des faits, l’avocate de l’intimée a cité la cause Venne v. The Queen, 84 DTC 6247, au soutien de sa prétention selon laquelle les contribuables doivent faire preuve de diligence raisonnable relativement à leurs déclarations de revenus. Il y a eu une présentation erronée des faits attribuable à la négligence, et le fait que M. Poulton, agissant pour le compte de l’appelante, n’ait pas lu les déclarations de revenus de l’appelante avant de les signer le démontre.

 

[88]    On ne sait pas si M. Grabowski, comptable de l’appelante, a été négligent ou s’il a fait délibérément ce qu’il a fait. Quoi qu’il en soit, la Cour devrait tirer une conclusion défavorable à l’égard de l’appelante du fait que celle-ci n’a pas appelé M. Grabowski à témoigner. Si l’appelante voulait établir l’exactitude de la perte autre qu’en capital en 1994, telle que reportée à 1997, elle aurait dû faire témoigner M. Grabowski.

 

[89]    L’appelante ne peut échapper aux conséquences de la négligence de son comptable alors qu’elle n’a fait aucun effort pour lui poser des questions ou pour superviser le moindre aspect de ses déclarations de revenus. Il y avait le revenu de 1,7 million de dollars inclus en 1994. Si M. Poulton s’était donné la peine de regarder la déclaration de revenus de Ridge Run, il aurait demandé où apparaissait le montant de 1,7 million de dollars. S’il s’était fait dire que ce montant n’avait pas à être déclaré, il aurait pu éviter d’être considéré comme négligent ou inattentif. Cependant, il ne l’a pas fait. La Cour ne sait pas quelle explication M. Grabowski aurait fournie. Ne pas se donner la peine équivaut à de la négligence.

 

[90]    En l’espèce, il ne s’agit pas de négligence grave ou d’omission délibérée. M. Poulton a été négligent ou inattentif. Il a admis qu’au cours d’années subséquentes, il avait pris le temps d’examiner les déclarations de revenus avec M. Grabowski, et qu’il s’était alors rendu compte qu’il aurait toujours dû procéder ainsi, et qu’il avait alors remercié M. Grabowski de ses services.

 

[91]    L’avocate de l’intimée a cité la cause Can-Am Realty Limited et al. v. The Queen, 94 DTC 6293. Dans cette affaire, la Cour a statué que le contribuable ne pouvait échapper à sa responsabilité en blâmant son comptable. Comme dans la présente espèce, il ne suffit pas de plaider que le T2S(1) indiquait un rapprochement, la déduction et l’effet de la remise, le cas échéant, et que la remise n’a pas été dissimulée. Elle était indiquée là noir sur blanc. Il ne suffit pas de soutenir que, si l’ARC avait fait son travail relativement à cette cotisation initiale, elle s’en serait aperçue, elle aurait procédé à un rajustement, avec comme conséquence que nous ne serions pas ici maintenant.

 

[92]    Dans l’affaire Nesbitt v. The Queen, 96 DTC 6045, la Cour a noté qu’il ne suffit pas pour l’appelante de dire que tout a été divulgué ou que tout était là et que l’ARC aurait dû voir qu’il s’agissait d’une erreur. Dans cette affaire, la Cour a statué que l’expression « une présentation erronée des faits » était synonyme de « inexacte ». La même situation s’applique en l’espèce.

 

[93]    Dans l’affaire Minister of National Revenue v. Taylor, 61 DTC 1139, la Cour a statué :

 

[traduction]

[L]'interprétation que doit recevoir l'expression « une fausse déclaration », telle qu'employée dans l'article, est celle d'une déclaration qui était fausse quant au fond et dans les faits à la date pertinente, et que cette expression englobe les fausses déclarations qui sont frauduleuses et celles qui sont involontaires.

 

Tout comme en l’espèce, il y avait eu une présentation erronée des faits dans une déclaration qui relevait de la responsabilité de l’appelant. La question de savoir s’il y a ou non une présentation erronée des faits, par négligence ou inattention, dans l’établissement de la déclaration s’apprécie au moment où la déclaration est produite. Si la déclaration de revenus comporte une déclaration inexacte, dans la mesure où celle-ci revêt une importance aux fins de la déclaration de revenus ou de toute nouvelle cotisation ultérieure, la responsabilité de l’appelant est engagée.

 

[94]    Dans l’affaire Nesbitt v. R., 96 DTC 6588, le gain en capital était déterminant. En l’espèce, le calcul de la perte autre qu’en capital est déterminant et pertinent aux fins de la déclaration de revenus. Il est indifférent qu’il ait été possible pour le ministre de constater l’erreur sur la formule de déclaration de revenus ou qu’il ne l’ait pas constatée en analysant soigneusement les documents joints à la déclaration. Comme la Cour l’a indiqué dans cette affaire :

 

[…] Le caractère autodéclaratif du système fiscal serait miné si les contribuables pouvaient remplir avec négligence les déclarations tout en fournissant dans les documents de travail des données de base exactes, en espérant que le ministre ne trouve pas l'erreur mais que, si cela arrivait dans les quatre années suivantes, la pire conséquence serait l'établissement d'une nouvelle cotisation exacte à ce moment-là.

 

[95]    À nouveau, dans l’affaire Snowball v. The Queen, 97 DTC 512, la Cour a statué que la négligence entraînait ses conséquences, peu importe qu’il s’agisse de la négligence du contribuable, du comptable ou d’une autre personne chargée d’établir la déclaration de revenus.

 

[96]    En l’absence du témoignage de M. Grabowski, ou de celui de M. Poulton sur ce point, quant à savoir pourquoi le montant de 1,7 million de dollars était tout simplement ignoré, il s’agit d’un cas de négligence à première vue de la part du comptable et du contribuable. D’après la preuve, primo, il y a eu une présentation erronée des faits et, secundo, celle-ci est attribuable à la négligence. Même une présentation erronée des faits de bonne foi est attribuable à la négligence.

 

[97]    Il s’agit d’une présentation erronée des faits effectuée lors de la fourniture des renseignements sous le régime de la Loi en 1994 et en 1997. Il y en a aussi eu une au moment où Mme Louie traitait le premier avis d’opposition. C’était après que la vérificatrice eut réévalué le report aux années suivantes de la perte autre qu’en capital pour 1997. La vérificatrice a estimé qu’il y avait eu une remise en 1994, et elle a réduit en conséquence le solde des pertes autres qu’en capital reportées aux années suivantes. Il n’y avait rien à appliquer à 1997, et elle a donc réévalué 1997 sans imputation de pertes.

 

[98]    Un avis d’opposition a été produit, et Mme Louie l’a traité. Elle a rencontré le représentant de l’appelante et lui a dit qu’elle cherchait un document permettant de déterminer s’il y avait eu, ou non, une remise en 1994 et sur quels faits les comptables avaient fondé cette remise de prêt de 1,7 million de dollars. À la suite des observations formulées pour le compte de l’appelante, et faute pour qui que ce soit de lui communiquer une quittance reliée à 1994, elle a conclu que les rajustements effectués par la vérificatrice étaient mal fondés. Il n’y avait pas eu de remise en 1994 parce que l’entente elle-même, l’unique document dont elle disposait, ne disait pas qu’il y en avait eu une. Étant donné qu’elle croyait comprendre qu’il y avait eu, entre l’appelante et l’ARC, une entente selon laquelle la remise devait être reconnue en 2000, Mme Louie a établi une nouvelle cotisation pour 2000.

 

[99]    Par la suite, elle a reçu un avis d’opposition pour 2000 énonçant que la remise n’avait pas eu lieu en 2000. Il y avait eu remise en 1994. Alors qu’elle traitait l’avis d’opposition, elle a vu pour la première fois le document, produit sous l’onglet 9, qu’elle cherchait depuis un an et demi. Il s’agissait de la quittance indiquant clairement qu’à compter de 1994, tout montant que Ridge Run avait pu devoir à Termai était radié. La seule preuve de ce montant figure dans les états financiers établis par Arthur Andersen quant à la part attribuable à l’appelante du montant de 1,7 million de dollars.

 

[100]  Compte tenu du témoignage de M. Poulton relativement à la quittance et de tous les autres éléments de preuve indiquant que la quittance a été signée en 1994 ou quelque temps plus tard et que l’appelante avait toujours eu la quittance en sa possession et ne l’avait pas fournie à l’intimée, une présentation erronée des faits a certainement été effectuée lors de la fourniture de renseignements sous le régime de la Loi. Par suite de ces présentations erronées de faits, Mme Louie a été induite en erreur et amenée à établir une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2000 en croyant qu’il n’y avait eu aucune quittance en 1994. Lorsque l’avis d’opposition relatif à l’année 2000 a été produit, indiquant qu’il y avait eu une quittance en 1994, Mme Louie a conclu qu’elle avait été trompée et qu’il y avait toujours eu une quittance. Cela constituait une présentation erronée des faits effectuée lors de la fourniture de renseignements sous le régime de la Loi.

 

[101]  Il s’agissait d’une présentation erronée des faits visant à amener l’ARC à procéder à une nouvelle cotisation pour l’année 2000 alors que l’appelante avait en sa possession une quittance pour 1994. Cela constitue certainement une présentation erronée des faits effectuée lors de la fourniture de renseignements. Qu’elle ait été faite de bonne foi ou non, elle était suffisante pour que le ministre revienne sur une année prescrite. Toute présentation erronée des faits relative à 1994 est tout aussi erronée pour 1995, 1996 et 1997 lorsqu’elle est reportée et appliquée à chacune de ces années d’imposition subséquentes, comme c’est le cas ici.

 

[102]  Quant au remboursement du prêt, il n’y avait aucune quantification, mais s’il y en avait une, c’est seulement celle qui est établie dans les déclarations des revenus. Autrement, tous les actifs étaient mis ensemble et l’on ne savait pas vraiment ce qui était remboursé ou ce qui ne l’était pas, ni quelle proportion d’une dette pourrait être remboursée.

 

[103]  L’avocate de l’intimée a réitéré que le ministre ne cherchait pas à justifier la nouvelle cotisation relative à 1997 en se fondant sur l’avis d’opposition, mais bien à justifier la nouvelle cotisation sur le fondement du paragraphe 152(4) de la Loi. L’avocate de l’intimée a concédé qu’il serait trop tard pour que le ministre puisse procéder à une nouvelle cotisation dans le contexte des articles 167 ou 169 de la Loi s’il n’y avait pas les dispositions du paragraphe 152(4) de la Loi.

 

[104]  Pour ce qui concerne l’argument de l’appelante selon lequel, s’il y a eu une présentation erronée des faits, il s’agissait uniquement d’une interprétation erronée de la loi, l’appelante aurait dû faire témoigner M. Grabowski au sujet de son interprétation de la loi, puisque c’est lui qui l’a interprétée – autrement, le calcul de la perte autre qu’en capital en l’espèce ne diffère en rien du calcul du gain en capital dans l’affaire Nesbitt, précitée. Or, aucune explication semblable n’a été fournie et aucun élément de preuve semblable n’a été produit. L’avocat de l’appelante n’avait aucun fondement sur lequel s’appuyer pour soutenir qu’il s’agissait d’une interprétation erronée de la loi.

 

Réfutation

 

[105]  Dans sa réfutation, l’avocat de l’appelante a soutenu qu’aucune des causes citées par l’avocate de l’intimée n’était pertinente en l’espèce. Les faits étaient complètement différents. L’avocate de l’intimée était confuse quant à l’interaction entre le paragraphe 152(4) de la Loi et l’argument de l’appelante relativement au sous-alinéa 80(3)a)(ii) de la Loi. Lorsque l’avocat de l’appelante a cité ce sous-alinéa, il ne soutenait pas qu’il y avait un lien quelconque avec les dispositions du paragraphe 152(4) de la Loi. Au sujet de ce sous-alinéa, il disait seulement qu’étant donné le libellé de cette disposition, pour traiter la déduction du « montant remis », les pertes reportées pour l’année antérieure sont en 1994. Mais cela n’a aucune incidence sur ces pertes avant 1994 lorsqu’elles sont appliquées à des années d’imposition ultérieures, comme 1997. En d’autres mots, si elles ne sont pas radiées en 1994 par voie de cotisation, elles ne sont pas radiées du tout.

 

[106]  Il a convenu que, s’il y avait preuve d’une présentation erronée des faits relativement à chaque année d’imposition prise individuellement, le ministre pouvait procéder à une nouvelle cotisation en tout temps relativement à cette année, mais il ne pouvait procéder à une nouvelle cotisation que pour l’année concernée par la présentation erronée des faits. Le sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi dispose :

 

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

 

[107]  Si une fraude est alléguée, elle doit être reliée à la production de la déclaration ou à la fourniture des renseignements. La fourniture des renseignements doit être accompagnée de fraude. En l’espèce, il n’y a eu aucune fraude et il n’y a eu aucune situation où des renseignements n’ont pas été fournis. Tous les renseignements requis ont été fournis. La déclaration de revenus de 1997 incluait les renseignements.

 

[108]  La déclaration a été produite de façon régulière. L’appelante n’allègue pas que quelqu’un a commis quelque erreur, si ce n’est qu’il y a une divergence pour ce qui est de déterminer si le montant est décrit à juste titre à l’avant-dernière page de la déclaration comme une remise de dette. Le montant était exact; il a été établi dans des états financiers qui ont ensuite été rajustés par les comptables. L’avocate de l’intimée a aussi indiqué qu’elle admettait l’exactitude du T2S(1) pour 1994 et de l’annexe T2S(1) pour 1994.

 

[109]  L’avocat de l’appelante a contesté l’hypothèse avancée par l’avocate de l’intimée, selon laquelle quelqu’un aurait dû prendre les chiffres figurant dans le sommaire, soit un rajustement de données comptables à des fins fiscales, pour ensuite les déduire des pertes reportées de 1991 à 1993. Un comptable raisonnable ne procéderait pas ainsi. Si le T2S(1) indiquait déjà des montants rajustés à des fins fiscales à partir de données comptables et qu’ils étaient ensuite radiés, le comptable ne procéderait pas ensuite à une réduction des pertes reportées de 1991 sur le T2S(4). Les choses ne se passeraient pas ainsi.

 

[110]  L’appelante n’avait pas à faire témoigner M. Grabowski pour que celui-ci vienne dire à la Cour quelle est la teneur de la loi. Cette question relève de la Cour. Ces enregistrements ont été faits par un professionnel de manière à rendre compte d’un rajustement de données comptables à des fins fiscales. Voilà ce qu’ils montrent. Ils sont tous là. Tous les documents sont là. Rien n’a été caché. Rien n’a été dissimulé. En autant que la déclaration est exacte, il est indifférent que le contribuable la comprenne ou non. Telle est la situation en l’espèce. Il s’agissait d’une décision prise par des comptables professionnels. Les deux comptables ont décidé que c’était ainsi qu’il convenait de traiter ce montant. Ils ont procédé non seulement conformément à la pratique généralement suivie dans la profession, mais aussi en conformité avec les dispositions de la Loi, selon ce qu’exigeaient les formules fournies sous le régime de la Loi.

 

[111]  Ils ont procédé aux rajustements pour montrer quelle était la différence. Ils ont conclu que cette forme de traitement était celle qui convenait et ils ont agi en conséquence. Il s’agissait de l’expression de l’avis professionnel d’un comptable ou d’un cabinet de comptables, et non d’une omission volontaire. Ils n’ont pas commis d’omission en faisant quoi que ce soit.

 

[112]  Il n’y a eu aucune inattention, aucune négligence. Quelqu’un s’est assis et a fait ces calculs activement. Il se concentrait sur ce qu’il faisait; il n’a pas fait un travail bâclé.

 

[113]  Pour ce qui concerne l’année 1994, le montant a été inclus dans le revenu. Il n’avait pas à être inclus dans le revenu imposable. Il était indiqué dans les états financiers et dans la déclaration de revenus.

 

[114]  Pour ce qui concerne l’année 1997, il n’y a aucun élément de preuve indiquant que l’appelante aurait omis de tenir compte de la dette remise au moment de calculer le revenu pour l’année d’imposition 1997. Mme Louie n’a pas dit cela. Il n’y a eu à peu près aucune discussion concernant 1997. En tout cas, rien ne donnait à penser que quelque chose s’était passé en 1997.

 

[115]  Il n’y avait rien sur le T2S(4) pour 1994 qui dévoilait des calculs erronés. Il est sans conséquence que M. Poulton n’ait pas remarqué le 1,7 million de dollars, parce que l’appelante ne demande pas à la Cour de la relever de l’obligation de produire une déclaration de revenus exacte et complète, bien que ce soit ce que l’appelante a fait.

 

[116]  L’avocat de l’appelante a soutenu que celle-ci n’avait pas été négligente. Elle a traité le montant de 1,7 million de dollars en le divisant à juste titre en deux. Elle a inclus les états financiers de Hill Top et, à la dernière page de la déclaration de revenus, figurait la part proportionnelle du montant dont il est rendu compte à l’avant-dernière page, soit quelque 800 000 $. Le T2S(1) rend compte de la conversion d’un revenu établi à des fins comptables en un revenu à des fins fiscales. Le T2S(1) comportait une annexe qui décompose expressément les montants traités. Cette annexe comprend deux montants qui reflètent le traitement de l’argent mentionné à l’avant-dernière page de la déclaration de revenus. Il a été régulièrement satisfait à toutes les exigences sous le régime de la Loi. C’est ce qu’a soutenu l’appelante, et il n’y avait aucun élément de preuve indiquant le contraire.

 

[117]  La dernière observation était que le T2S(1) était rigoureusement exact pour l’essentiel – c’est-à-dire, quant au montant. Il n’y avait aucune erreur. Il n’y avait pas un cent qui n’était pas à sa place. En fait, il s’agit de l’analyse effectuée par un professionnel qui rajuste régulièrement à des fins fiscales des revenus établis aux fins d’états financiers. Il ne s’agit pas de la présentation erronée d’un fait, mais plutôt de la présentation d’un avis qui peut être erroné ou non. Il s’agit de l’expression de l’avis d’un professionnel qui conclut que c’est ainsi qu’il convient de procéder au rajustement requis.

 

[118]  Il s’agissait d’un rajustement qui était prévu dans les formules fournies et qui tient compte des méthodes admises au sein de la profession comptable. Il ne s’agissait pas d’une présentation erronée d’un fait au sens de l’arrêt Nesbitt, précité. S’il y a eu erreur, c’est la répartitrice qui l’a commise en traitant le rajustement d’une manière différente de celle employée par les comptables professionnels de l’appelante. La répartitrice croyait que ce montant représentait une remise de dette véritable au sens du paragraphe 80(3) de la Loi. C’est ce qu’elle croyait. Or, il ne s’agissait pas d’une remise de dette et d’un montant remis équivalant à 800 000 $ comme l’a cru la répartitrice.

 

[119]  L’appel devrait être accueilli. La cotisation du 1er octobre 2004 relative à l’année d’imposition 1997 devrait être annulée, et la Cour devrait confirmer la validité de la cotisation établie relativement à cette année d’imposition avant cette date, soit le 23 octobre 2003. La Cour devrait également accorder ses dépens à l’appelante.

 

Contre-réfutation

 

[120]  L’avocate de l’intimée a soutenu en outre que la présentation erronée des faits reliée à la déclaration de 1994 se trouvait dans le T2S(4) en raison du défaut de réduire les pertes autres qu’en capital. En 1997, la présentation erronée des faits figurant sous l’onglet 14 se trouve dans le T2S(4) de 1997, qui reporte à des années suivantes ce montant surévalué de pertes autres qu’en capital pouvant être appliquées à 1997. En se fondant sur les déclarations de l’appelante, si l’on regarde le T2S(4) pour 1994, il y a avait des pertes pour 1991, 1992 et 1993. Si l’on regarde le T2S(4) pour 1997, il subsiste encore des pertes de 1992 et de 1993 et il y a en plus des pertes de 1994 qui peuvent être appliquées. Cependant, elles n’étaient pas là, d’après la preuve de l’appelante. Elles avaient disparu avant 1997.

 

[121]  La présentation erronée des faits reliée à 1997 tient à ce que l’appelante a déclaré avoir des pertes autres qu’en capital, en vertu de l’article 3, qu’elle pouvait déduire de son revenu. C’est à cela que renvoie le paragraphe 39 de la réponse lorsqu’on y fait allusion au calcul du revenu. L’intimée faisait allusion au revenu visé à l’article 3. En fait, il n’y avait aucune déduction possible. Elles avaient toutes été employées en vertu de l’article 80 avant 1997.

 

[122]  Quant au montant de 261 000 $, Mme Louie en a permis la déduction parce que le montant avait été payé. Mais cela n’a eu aucune incidence sur la remise de 1994. Malgré l’intervention de la répartitrice qui a permis cette déduction, ce montant n’était pas déductible, mais cela n’a rien à voir avec la position de l’intimée pour ce qui concerne 1997.

 

[123]  La position de l’appelante relativement au sous-alinéa 80(3)a)(ii) n’est pas compatible avec le régime de la Loi. [Traduction] « On ne peut pas radier des pertes au cours d’une année puis tout à coup, tel le Phénix qui renaît de ses cendres, les faire réapparaître pour les appliquer à 1995, à 1996 et à 1997. » L’interprétation du sous-alinéa 80(3)a)(ii), proposée plus tôt par l’intimée, est la bonne.

 

Analyse et décision

 

[124]  Cette cause a été bien présentée et habilement plaidée par deux plaideurs bien informés et expérimentés. La Cour a été très impressionnée par la conduite des avocats non seulement envers la Cour mais envers l’un l’autre. Ce fut très rafraîchissant.

 

[125]  L’avocat de l’appelante a soutenu que la première question à trancher lorsqu’on applique le sous-alinéa 80(3)a)(ii) de la Loi consiste à déterminer le montant remis. Il a soutenu que, par l’effet combiné de l’entente et de la quittance réciproque, les parties avaient renoncé à différents droits et qu’il n’y avait pas eu de remise. Il a admis que ce que ces montants pouvaient être était incertain, mais il aurait été pratiquement impossible d’énoncer à quelque moment que ce soit le critère du revenu au dollar près. Il a admis qu’aucune comptabilité n’avait été tenue parce qu’aucune date n’avait été fixée pour l’aliénation des biens.

 

[126]  M. Schwartz a conclu dans son témoignage qu’en fin de compte, par suite de l’entente, toutes les dettes de Ridge Run et d’Oakamp Developments étaient considérées comme entièrement payées et que c’était là l’objet de l’entente. En fin de compte, toutes les parties allaient se donner quittance les unes aux autres.

 

[127]  En revanche, l’avocate de l’intimée a soutenu que, par suite de la signature de la quittance, une dette commerciale due par Ridge Run avait été remise. Le montant de cette remise n’était pas inférieur aux montants en cause dans la présente affaire, tel qu’il appert de l’état des revenus et dépenses de Hill Top sous l’onglet 2 de la pièce A-1. Selon l’avocate de l’intimée, l’appelante a été incapable d’attribuer à la remise un autre montant que le 1,7 million de dollars qui a été mis en preuve dans le recueil conjoint de documents. Il n’y a aucun élément de preuve indiquant que le montant de 1,7 million de dollars serait inexact. Pour établir qu’il n’y a pas eu de remise en 1994, l’appelante aurait dû faire une preuve qu’il lui était impossible de faire puisqu’il n’y a jamais eu de reddition de comptes.

 

[128]  L’avocate de l’intimée a soutenu que la modification de l’alinéa 9d) de l’entente n’empêchait pas la formulation d’autres réclamations. Il y aurait pu y avoir une reddition de comptes et rien ne pouvait l’empêcher. Peu importe la raison pour laquelle on a omis de prévoir une reddition de comptes dans l’entente, il n’y en a pas. En conséquence, l’appelante est incapable de retracer les fonds pour montrer ce qui a été remboursé et ce qui ne l’a pas été et, en fin de compte, elle ne peut pas contester le montant de remise de 1,7 million de dollars qui a été déclaré dans la déclaration de revenus et les états financiers.

 

[129]  La seule preuve qui a été produite quant à la remise possible d’un prêt réside dans les témoignages de MM. Poulton et Schwartz. La meilleure preuve que M. Schwartz a produite au soutien de la position de l’appelante sur ce point est son affirmation selon laquelle le prêt n’avait pas à être remis mais que, dans la mesure où des sommes étaient dues aux différentes entités, elles étaient remboursées par l’effet de l’entente. Pour paraphraser la réponse de M. Schwartz à la question posée par la Cour lors du procès sur ce point, il a dit qu’en fin de compte, toutes les dettes de Ridge Run envers Oakamp Developments étaient considérées comme remboursées. Tel est en substance son témoignage.

 

[130]  Cependant, ce témoin a admis qu’aucune analyse n’avait été effectuée pour prouver que le montant d’aucun prêt, y compris celui consenti à Hill Top, correspondait effectivement au montant qui était reflété. Il n’y a eu aucune analyse des dettes alléguées de Ridge Run envers Termai et personne n’a jamais effectué de calculs ou analyses détaillés pour déterminer combien d’argent était appliqué au remboursement de chaque prêt. L’argent devait être employé au remboursement de la dette envers la Banque Royale du Canada.

 

[131]  Le seul autre élément de preuve indiquant que la dette a été remboursée plutôt que remise réside dans le témoignage de M. Poulton lui-même. À la page 93 de la transcription, il a admis que, sans reddition de comptes, il était incapable de dire quelle proportion de la dette envers Termai avait été remise. Il a dit qu’après s’être rendu compte de ce qui lui arrivait, il était allé rencontrer le comptable chez Arthur Andersen. C’était environ deux ou trois semaines après avoir reçu la déclaration de M. Miller en 1994. Il l’avait interrogé au sujet des déclarations. Un document mentionnait un montant de 1,716 million de dollars. M. Grabowski a dit au comptable que c’était ridicule parce que M. Poulton allait devoir le rembourser et il ne l’avait pas reçu. M. Poulton a dit qu’il avait reçu une lettre disant qu’il n’y avait effectivement aucune remise de dette selon eux. M. Williamson a répété la même chose il y a trois mois.

 

[132]  La Cour estime que cette preuve est insuffisante pour établir de manière convaincante à ses yeux, selon la prépondérance des probabilités, que la dette a effectivement été remboursée par l’effet de l’entente. Pour cela, il aurait fallu qu’il y ait une reddition de comptes, de sorte qu’en fin de compte les parties puissent examiner les différents montants d’argent qui étaient dus au départ et les différentes entrées de fonds ou les différents montants d’argent qui avaient été appliqués au remboursement de la dette, afin qu’il puisse être établi mathématiquement que la totalité ou une partie d’un montant qui aurait été dû à l’appelante avait effectivement été remboursé et non remis.

 

[133]  Le témoignage de M. Schwartz n’est en somme que conjecture ou supputation en l’absence d’autres preuves directes de nature comptable quant aux sommes d’argent reçues, à la manière dont elles ont été employées et au solde des dettes qui ont subsisté, le cas échéant, envers les différentes entités.

 

[134]  Le témoignage de M. Poulton était insuffisant pour faire cette preuve en l’absence du témoignage du comptable ou de quelque autre document indiquant que le montant avait effectivement été remboursé et non remis.

 

[135]  La position de l’appelante était contraire à différentes déclarations qui ont été formulées par le comptable. Le montant en cause lui-même a été décrit comme un [traduction] « gain au titre de la remise du prêt de 1 716 442 $ accordé par Termai à HTP ».

 

[136]  L’argumentation de l’appelante sur ce point est rejetée.

 

[137]  Selon le deuxième argument de l’appelante, s’il y a eu un quelconque montant de remise, il s’agit du montant qui existait en 1994 et à aucune autre époque. La quittance mutuelle est datée du 29 juin 1994. L’exercice financier de l’appelante se termine en septembre et, par conséquent, « à un moment donné » au sens de la Loi signifie [traduction] « à l’époque de l’année d’imposition 1994 de l’appelante, et à aucun autre moment ». Cela signifie que les pertes reportées à des années suivantes jusqu’en 1994 doivent être déduites en conséquence de l’ajout au revenu ou du montant remis.

 

[138]  L’avocat de l’appelant plaide qu’en 1994, le ministre pouvait ajouter au revenu du contribuable tout montant remis sur une dette commerciale pour réduire le montant des pertes reportées d’années d’imposition antérieures, mais il s’agissait de la seule année pour laquelle il pouvait le faire. Le ministre ne pouvait pas le faire de manière à ce que cela ait une incidence sur une année d’imposition subséquente; or, voilà précisément ce qui s’est produit en l’espèce. Le ministre reporte cette réduction d’un présumé montant remis, appliquée à des pertes autres qu’en capital à 1994 et à des années antérieures, et les applique à 1997. L’article ne permet pas cela.

 

[139]  Si le ministre ne procède pas à une évaluation pour cette année à ce moment, en 1994, lorsque le montant a été remis, il ne peut pas faire ce qu’il ferait habituellement ensuite, à savoir procéder à une réduction relativement à une année d’imposition subséquente. Le ministre a une seule possibilité : procéder au cours de l’année où le montant est remis. C’est au cours des années suivantes que le montant de pertes reportées est réintroduit dans le cours des choses et peut être déduit lors du calcul du revenu du contribuable.

 

[140]  L’avocate de l’intimée s’est dite d’accord avec cette interprétation du paragraphe 80(3) de la Loi, sauf dans la mesure où il n’est plus tenu compte de la remise de dette, à des fins fiscales, dans le calcul du revenu pour l’année où la dette est remise. En un premier temps, la remise est affectée à la réduction des pertes autres qu’en capital. Si une partie de la remise subsiste au terme de cette opération, on passe aux pertes agricoles – c’est l’alinéa b). Si une partie de la remise subsiste après déduction de toutes les pertes agricoles, on passe à l’alinéa d). Aucune autre disposition ne s’applique en l’espèce.

 

[141]  L’avocate de l’intimée a soutenu que le montant remis était de 1,7 million de dollars et il n’y a aucun élément de preuve indiquant le contraire. Ce montant doit être appliqué à ce moment, soit en 1994, en réduction de « la perte autre qu'une perte en capital du débiteur pour chaque année d'imposition qui s'est terminée avant ce moment, dans la mesure où le montant ainsi appliqué [...] ne dépasse pas le [solde de pertes] ».

 

[142]  Cela ne veut pas dire que le ministre peut seulement procéder à une réduction une fois. Ce n’est pas ce que dit le sous-alinéa (ii). Ce n’est pas ce qu’il fait. L’avocate de l’intimé a poursuivi en expliquant comment la disposition s’applique pour l’année d’imposition, tel qu’énoncé dans le résumé de la preuve. Ce que signifie le sous-alinéa (ii), c’est qu’on ne retourne pas en arrière par suite de la remise pour revenir sur les années 1991, 1992 et 1993 afin de réduire ces soldes de pertes. Si tel était le cas, on pourrait peut-être soutenir qu’il faudrait d’abord réduire une perte autre qu’en capital pour chaque année d’imposition avant que le ministre retourne en arrière et revienne sur les années précédentes. Selon l’avocate de l’intimée, la loi est claire. Le calcul est fait en 1994 et le solde des pertes est traité en 1994. Une autre façon de traiter le solde de pertes consiste à traiter les pertes autres qu’en capital des années d’imposition précédentes qui s’appliqueraient autrement à 1994, mais on ne touche pas aux années précédentes. Les dispositions de la Loi se poursuivent dans les différents sous-alinéas de l’article 80 et énoncent ce qui se produit s’il subsiste toujours une partie du montant de la remise; le cas échéant, on en vient à inclure dans le revenu ce qui subsiste.

 

[143]  Mme Louie a affirmé dans son témoignage que la vérificatrice avait appliqué les dispositions de l’article 80 de la Loi et s’était appuyée pour ce faire sur les états financiers de l’appelante. Les états financiers de Hill Top pour l’année 1994 ont été produits sous l’onglet 2 de la pièce A-1. On y trouve la rubrique [traduction] « GAIN AU TITRE DE LA REMISE DU PRÊT HTP – TERMAI », dont il a déjà été question plus haut, au montant de 1 716 442 $. La vérificatrice a réévalué ce gain pour réduire le solde des pertes autres qu’en capital de 1994. Dans les états financiers, l’appelante avait déclaré le gain au titre de la remise à hauteur de 1,7 million de dollars. Cependant, aux fins de l’impôt sur le revenu, il avait été déduit sur l’annexe T2S(1), une des formules de rajustement du revenu, et par conséquent, il n’avait jamais été déclaré. Mme Louie a dit avoir admis que la remise avait eu lieu en 1994 et avoir appliqué le paragraphe 80(3) de la Loi pour déduire le montant remis du solde des pertes autres qu’en capital reportées aux années suivantes. Cela avait eu pour effet de réduire le solde des pertes autres qu’en capital reportées aux années suivantes. En conséquence, il n’y avait aucune perte autre qu’en capital reportée aux années suivantes qui pouvait être appliquée à l’année 1997. Le tout était conforme aux dispositions du paragraphe 80(3).

 

[144]  La position de l’appelante relativement au sous-alinéa 80(3)a)(ii) n’est pas compatible avec le régime de la Loi. L’appelante a affirmé :

 

[traduction]

… que l’on peut radier des pertes au cours d’une année puis tout à coup, tel le Phénix qui renaît de ses cendres, les faire réapparaître pour les appliquer à 1995, à 1996 et à 1997.

 

[145]  L’interprétation que l’appelante fait du sous-alinéa 80(3)a)(ii) est clairement erronée.

 

[146]  La Cour conclut que Mme Louie a interprété et appliqué intégralement les dispositions du paragraphe 80(3) de la Loi en procédant à l’établissement de la cotisation comme elle l’a fait. La Cour ne voit rien dans le libellé du sous-alinéa 80(3)a)(ii) qui puisse l’amener à tirer les mêmes conclusions que l’appelante. Les mots « à ce moment » employés dans le sous-alinéa, même s’ils sont employés trois fois, ne se prêtent pas à l’interprétation que l’appelante fait de cette disposition. Quoique ingénieuse, l’argumentation de l’avocat de l’appelante sur ce point est rejetée.

 

[147]  Reste donc à examiner la question de la violation des dispositions du paragraphe 152(4) par l’appelante. Ce paragraphe est ainsi rédigé :

 

Sous réserve du paragraphe (5), le ministre peut, à un moment donné, fixer l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou pénalités payables en vertu de la présente partie par un contribuable, ou donner avis par écrit, à toute personne qui a produit une déclaration de revenus pour une année d'imposition, qu'aucun impôt n'est payable pour l'année, et peut, selon les circonstances, établir des nouvelles cotisations, des cotisations supplémentaires ou des cotisations concernant l'impôt, les intérêts ou les pénalités en vertu de la présente partie :

 

a)         à un moment donné, si le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

(i)         soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi, […]

 

[148]  L’appelante a soutenu que la fraude présumée de la contribuable devait être reliée à la production de la déclaration ou à la fourniture de renseignements. La Cour estime qu’en vertu de cette disposition, il suffit que le ministre puisse démontrer que le contribuable a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire dans la déclaration ou en fournissant des renseignements sous le régime de la Loi, et cela comprend les présentations erronées de faits, à l’ARC, par l’appelante ou ses mandataires ou par les comptables agissant pour le compte de l’appelante.

 

[149]  L’argument de l’avocat de l’appelante selon lequel la fraude, le cas échéant, doit être reliée à la production de la déclaration ou à la fourniture de renseignements, pourrait bien être admis. Cependant, cela n’est pas le facteur déterminant en l’espèce puisque le ministre s’appuie essentiellement sur l’allégation selon laquelle il y a eu une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire.

 

[150]  D’après l’avocat de l’appelante, il n’y a aucun élément de preuve qui indique une présentation erronée des faits de la part de l’appelante, de ses préposés, de ses mandataires ou de ses comptables. Tous les renseignements ont été fournis, et tout comptable raisonnablement formé aurait été capable de les interpréter de manière à établir la cotisation correcte. Par conséquent, s’il y a eu une erreur, elle ne résulte pas des actes de l’appelante, mais elle est plutôt attribuable aux actes du ministre. En conclusion, l’appelante a soutenu que, quoi qu’elle ait pu faire, il n’y avait eu aucune présentation erronée des faits mais plutôt l’avis d’un professionnel qui avait déterminé la méthode qu’il convenait d’appliquer pour effectuer le rajustement requis, ce qui pouvait constituer ou non une présentation erronée des faits sous le régime de la Loi.

 

[151]  L’avocat de l’appelante a dit qu’il n’y avait preuve d’aucune présentation erronée des faits. Cependant, Mme Louie a livré un témoignage, et ce, d’une manière très franche et professionnelle. Elle a passé beaucoup de temps sur cette affaire et elle a évoqué divers actes de l’appelante qu’elle considérait comme des présentations erronées des faits. Elle a été soumise à un contre-interrogatoire très serré au cours duquel l’hypothèse a été avancée qu’une erreur avait été commise par le ministre, et non par l’appelante.

 

[152]  Or, elle est restée campée sur sa position selon laquelle il y avait eu une présentation erronée des faits, comme elle l’avait expliqué. Elle a refusé de concéder à l’avocat de l’appelante qu’il était possible qu’un comptable qui n’était pas à l’emploi de l’ARC conclue que ces montants ne devaient pas être inclus dans le calcul du revenu imposable. Elle a répondu qu’un comptable professionnel devrait connaître toutes ces dispositions de la Loi et savoir comment elles s’appliquent, et que tel n’avait pas été le cas.

 

[153]  Malgré sa position, selon laquelle l’appelante avait divulgué la nature de l’affaire à la Cour, quant à son traitement fiscal et à la remise du prêt de Termai à Hill Top dans ses états financiers joints à la déclaration, et selon laquelle elle avait divulgué un gain, l’appelante n’a pas divulgué la dette qui est censée être utilisée pour compenser les soldes de pertes. Selon Mme Louie, si elle examinait la situation à titre de répartitrice, il y avait un gain dans les états financiers, mais il n’était pas inclus dans le revenu. À titre de répartitrice, elle dirait qu’il y avait eu une remise. La remise aurait dû être appliquée à la réduction des pertes reportées aux années suivantes et elle aurait dû apparaître sur le T2S(4), ce qui n’était pas le cas.

 

[154]  S’appuyant sur le témoignage livré par Mme Louie, l’avocate de l’intimée a soutenu que Ridge Run avait fait une présentation erronée des faits. Cette présentation erronée des faits tient à la manière dont Ridge Run a traité la remise dans sa déclaration de revenus de 1994 ainsi qu’à l’application du report de pertes autres qu’en capital aux années suivantes en 1997. L’appelante a fait une présentation erronée des faits au ministre en 1997 quant au montant de ses pertes reportées aux années suivantes en 1997, comme l’a indiqué Mme Louie.

 

[155]  La présentation erronée des faits a été faite dans le T2S(4). Le T2S(4) pour 1994 indique un report de pertes autres qu’en capital aux années suivantes de 1 265 349 $ ou du montant que l’appelante a utilisé, mais il s’agit là d’une présentation erronée des faits parce que le solde des pertes reportées aux années suivantes ne correspondait pas à ce montant. Le montant doit être réduit de la remise de 1,7 million de dollars en vertu de l’article 80 de la Loi.

 

[156]  Cela constitue une présentation erronée des faits dans les déclarations. Et cette présentation erronée des faits a une incidence sur le report de pertes autres qu’en capital aux années suivantes. Il en a résulté une présentation erronée des faits en 1994, 1995, 1996 et 1997.

 

[157]  La Cour accueille ces arguments de l’avocate de l’intimée. Elle est convaincue que les personnes qui ont produit les déclarations pour le compte de l’appelante ont effectué une présentation erronée des faits qui est imputable à l’appelante.

 

[158]  La Cour ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant que le mandataire de l’appelante, M. Poulton, qui a signé les déclarations, aurait posé quelque question que ce soit concernant le montant de 1,7 million de dollars en cause. S’il s’était enquis quant à savoir où apparaissait le montant de 1,7 million de dollars dans les déclarations, et si on lui avait dit que ce montant n’avait pas à être déclaré, il aurait pu éviter d’être considéré comme négligent ou inattentif. Il ne l’a pas fait. Comme l’a souligné l’avocate de l’intimée, M. Poulton a admis dans son témoignage avoir été négligent et inattentif, et ce, à telle enseigne qu’au cours d’années subséquentes, lorsqu’il a pris le temps d’examiner ses déclarations de revenus avec M. Grabowski, M. Poulton s’est rendu compte qu’il aurait toujours dû faire cela, et il a alors remercié M. Grabowski de ses services.

 

[159]  L’avocate de l’intimée a soutenu qu’en l’absence d’éléments, dans les témoignages de M. Grabowski ou de M. Poulton, expliquant pourquoi ce montant de 1,7 million de dollars était tout simplement ignoré, il s’agissait d’un cas de négligence à première vue de la part du comptable et de la contribuable. La Cour est convaincue qu’il s’agissait d’une présentation erronée des faits, et qu’elle a été faite par négligence.

 

[160]  La Cour est en outre convaincue qu’il y a eu une présentation erronée des faits dans le contexte de la fourniture de renseignements sous le régime de la Loi en 1994 ainsi qu’en 1997. Cette présentation erronée des faits est survenue au moment où Mme Louie traitait le premier avis d’opposition, soit après que la vérificatrice eut réévalué le report aux années suivantes de pertes autres qu’en capital en 1997. Mme Louie a établi une nouvelle cotisation pour l’année 1997 sans application de perte. L’avis d’opposition a été produit, et Mme Louie l’a traité et a rencontré les représentants de l’appelante et leur a dit qu’elle cherchait un document permettant de déterminer s’il y avait eu ou non une remise en 1994 et sur quels faits les comptables s’étaient appuyés pour fonder la remise de prêt de 1,7 million de dollars.

 

[161]  À la suite des observations formulées pour le compte de l’appelante, et faute pour qui que ce soit de lui présenter une quittance reliée à 1994, elle a conclu que le rajustement effectué par la vérificatrice était erroné. Elle a conclu qu’il n’y avait eu aucune remise en 1994 du fait de l’entente elle-même, qui était le seul document dont elle disposait et qui ne disait pas qu’il y avait eu une remise en 1994. En conséquence, Mme Louie a compris qu’il y avait eu une entente entre les parties et que la remise devait être reconnue en 2000, et elle a donc établi une nouvelle cotisation relativement à l’année 2000. Après cela, elle a reçu un avis d’opposition relativement à l’année 2000 affirmant que la remise n’était pas survenue en 2000. Il a été allégué qu’il y avait eu une remise en 1994.

 

[162]  Alors qu’elle traitait l’avis d’opposition, elle a vu pour la première fois le document produit sous l’onglet 9, soit la quittance mutuelle, qu’elle cherchait depuis un an et demi. Il s’agissait d’une quittance indiquant clairement qu’à compter de 1994, tout montant que Ridge Run avait pu devoir à Termai était radié. La seule preuve de ce montant figure dans les états financiers établis par Arthur Andersen quant à la part du montant de 1,7 million de dollars attribuable à l’appelante.

 

[163]  La Cour convient avec l’avocate de l’intimée que, compte tenu du témoignage de M. Poulton concernant la quittance et de tous les autres éléments de preuve indiquant que la quittance a été signée en 1994 ou quelque temps plus tard, il y a eu une présentation erronée des faits lors de la fourniture de renseignements sous le régime de la Loi. La présentation erronée des faits a amené Mme Louie à établir une nouvelle cotisation relativement à l’année d’imposition 2000 sous l’impression qu’il n’y avait pas eu de quittance en 1994.

 

[164]  La présentation erronée des faits a été confirmée dans l’avis d’objection produit relativement à l’année 2000 selon lequel il y avait eu une quittance en 1994. Mme Louie en a conclu qu’elle avait été trompée et qu’il y avait toujours eu une quittance. Il s’agissait là d’une présentation erronée des faits effectuée lors de la fourniture de renseignements sous le régime de la Loi, de l’avis de la Cour. Comme l’a soutenu l’avocate de l’intimée, il s’agissait d’une présentation erronée des faits qui visait à amener l’ARC à établir une nouvelle cotisation relativement à l’année 2000 alors que l’appelante avait en sa possession une quittance pour 1994.

 

[165]  La Cour convient avec l’avocate de l’intimée que toute présentation erronée des faits reliée à l’année 1994 constitue tout autant une présentation erronée des faits reliée aux années 1995, 1996 et 1997 dans la mesure où ce montant a été reporté et appliqué à chaque année d’imposition ultérieure.

 

[166]  L’avocat de l’appelante a exprimé l’avis qu’un comptable raisonnable n’aurait pas agi différemment du comptable de l’appelante en l’espèce. Il avait déjà procédé, dans le T2S(1), au rajustement des montants comptables à des fins fiscales et les avait radiés. Il n’était pas question de procéder ensuite à quelque réduction des pertes reportées depuis 1991 dans le T2S(4). Or, aucun élément de preuve n’a été produit par M. Grabowski, comptable de l’appelante, ni par qui que ce soit d’autre au soutien de cette proposition, et cela est tout à fait contraire au témoignage de Mme Louie. Celle-ci a rejeté cette proposition lorsque l’avocat de l’appelante la lui a soumise.

 

[167]  L’avocat de l’appelante plaide que la déclaration était exacte et qu’il n’y a eu aucune dissimulation. La déclaration était exacte et, par conséquent, il est indifférent que la contribuable l’ait comprise ou non. Il s’agissait d’une décision prise par un comptable professionnel. Comme il a été mentionné, il n’y a aucun élément de preuve au soutien de cette position, qui est contraire à celle adoptée par Mme Louie.

 

[168]  L’avocat de l’appelante a plaidé que les membres de la profession procèdent généralement ainsi en utilisant les formules fournies au contribuable sous le régime de la Loi. Les comptables de l’appelante ont conclu qu’ils devaient appliquer la méthode qu’ils ont appliquée. Il s’agissait de l’expression de l’avis professionnel d’un comptable ou d’un cabinet de comptables, et non d’une omission volontaire. Cependant, Mme Louie est en désaccord sur ce point, selon son témoignage, et la Cour aussi.

 

[169]  La Cour est convaincue que l’appelante a violé les dispositions du paragraphe 152(4) par l’entremise de ses mandataires et comptables et que le ministre pouvait établir la cotisation dont l’annulation est demandée en l’espèce.

 

[170]  La Cour est convaincue que l’appelante n’a pas réfuté les présomptions – évoquées dans la réponse – qu’elle devait réfuter et, par conséquent, l’appel est rejeté et la cotisation du ministre est confirmée.

 

[171]  L’intimée a droit à ses dépens pour cette action, lesquels seront taxés.

 

 

      


Signé à New Glasgow (Nouvelle-Écosse), ce 16e jour d’avril 2007.

 

 

 

« T. E. Margeson »

Le juge Margeson

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mars 2008.

 

Maurice Audet, réviseur


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI68

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2004-4537(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Ridge Run Developments Inc.

                                                          c.

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 30 novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge T.E. Margeson

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 16 avril 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me John A. Gamble, c.r.

Avocate de l’intimée :

Me Marie-Thérèse Boris

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :                       

 

                   Nom :                             John A. Gamble, c.r.

                                                          Avocat

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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