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Dossier : 2005-4476(GST)I

ENTRE :

CONSTRUCTION BERGEROY INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus le 29 août 2006, à Trois-Rivières (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Pierre Hémond

Avocat de l'intimée :

Me Louis Cliche

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, pour la période du 1er au 31 janvier, du 1er au 30 juin, du 1er au 30 septembre et du 1er au 30 novembre de l'année 2004, dont les avis, datés du 25 février 2005, numéros D6E-2552, D6E-2553, D6E-2550 et D6E-2551, respectivement, sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'avril 2007.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2007CCI198

Date : 20070403

Dossier : 2005-4476(GST)I

ENTRE :

CONSTRUCTION BERGEROY INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]      Il s'agit d'appels interjetés à l'encontre de cotisations dont les avis, en date du 25 février 2005, portent les numéros D6E-2552, D6E-2553, D6E-2550 et D6E-2551, relativement à la taxe sur les produits et services ( « TPS » ), pour la période du 1er au 31 janvier, du 1er au 30 juin, du 1er au 30 septembre et du 1er au 30 novembre de l'année 2004 respectivement. En fait, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) par l'intermédiaire du ministre du Revenu du Québec, a établi une cotisation à l'égard de l'appelante dans laquelle il lui réclame la restitution du remboursement de la TPS accordée à titre de « remboursement pour fonds et bâtiment loués à des fins résidentielles » , (le « remboursement » ) à l'égard de quatre immeubles d'habitation qu'elle a construits et qui sont situés au 82, 88, 92 et 96 de la rue Gendron à Victoriaville (les « immeubles » ).

Les faits

[2]      L'appelante a construit les immeubles au cours des années 2003 et 2004. En juillet 2004, l'appelante a obtenu le remboursement à l'égard des immeubles. Pour chaque immeuble d'habitation, le début et la fin des travaux ont été établis comme suit :

Emplacement

Début des travaux

Fin des travaux

82, rue Gendron

2003.08.02

2004.09.01

88, rue Gendron

2003.05.03

2004.11.01

92, rue Gendron

2003.05.03

2004.06.01

96, rue Gendron

2003.05.03

2004.01.01

[3]      Une fois la construction terminée, les immeubles ont été loués à des particuliers puis vendus à la Société Habitation Bergeroy inc. ( « Bergeroy » ), société contrôlée par les mêmes actionnaires que l'appelante, et ce, aux dates suivantes :

Emplacement

Date de l'occupation

Vente à Bergeroy

82, rue Gendron

2004.09.01

2004.09.22

88, rue Gendron

2004.11.01

2004.11.02

92, rue Gendron

2004.06.01

2004.06.02

96, rue Gendron

2004.01.01

2004.05.31

Question en litige

[4]      La question est de déterminer si le ministre peut exiger de l'appelante la restitution du remboursement qui lui avait été accordé en juillet 2004 à l'égard des immeubles.

Le droit

[5]      Les dispositions pertinentes de la Loi sur la taxe d'accise ( « L.T.A. » ) se lisent comme suit :

191.(1) Pour l'application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) la construction ou les rénovations majeures d'un immeuble d'habitation - immeuble d'habitation à logement unique ou logement en copropriété - sont achevées en grande partie,

b) le constructeur de l'immeuble :

(i) soit en transfère la possession à une personne aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable (sauf un accord qui est connexe à un contrat de vente visant l'immeuble et qui porte sur la possession ou l'occupation de l'immeuble jusqu'au transfert de sa propriété à l'acheteur aux termes du contrat) conclu en vue de l'occupation de l'immeuble à titre résidentiel,

(ii) soit en transfère la possession à une personne aux termes d'une convention, sauf une convention portant sur la fourniture d'une maison mobile et d'un emplacement pour celle-ci dans un parc à roulottes résidentiel, portant sur l'une des fournitures suivantes :

(A) la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment dans lequel est située l'habitation faisant partie de l'immeuble,

(B) la fourniture par bail du fonds faisant partie de l'immeuble ou la fourniture d'un tel bail par cession,

(iii) soit, s'il est un particulier, occupe lui-même l'immeuble à titre résidentiel,

c) le constructeur, la personne ou le particulier locataire de celle-ci ou titulaire d'un permis de celle-ci est le premier à occuper l'immeuble à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur est réputé :

d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble au dernier en date du jour où les travaux sont achevés en grande partie et du jour où la possession de l'immeuble est transférée à la personne ou l'immeuble est occupé par lui;

e) avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble ce jour-là.

[je souligne]

256.2

(3) Sous réserve des paragraphes (7) et (8), le ministre rembourse une personne (sauf une coopérative d'habitation) dans le cas où, à la fois :

a) la personne, selon le cas :

(i) est l'acquéreur de la fourniture taxable par vente (appelée « achat auprès du fournisseur » au présent paragraphe), effectuée par une autre personne, d'un immeuble d'habitation ou d'un droit dans un tel immeuble, mais n'est pas le constructeur de l'immeuble,

(ii) est le constructeur d'un immeuble d'habitation, ou d'une adjonction à un immeuble d'habitation à logements multiples, qui effectue une fourniture exonérée par bail incluse aux articles 6 ou 6.1 de la partie I de l'annexe V par suite de laquelle elle est réputée, par l'article 191, avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable (appelée « achat présumé » au présent paragraphe) de l'immeuble ou de l'adjonction;

b) à un moment donné, la taxe devient payable pour la première fois relativement à l'achat auprès du fournisseur ou la taxe relative à l'achat présumé est réputée avoir été payée par la personne;

c) au moment donné, l'immeuble ou l'adjonction, selon le cas, est une habitation admissible de la personne ou comprend une ou plusieurs telles habitations;

d) la personne ne peut inclure, dans le calcul de son crédit de taxe sur les intrants, la taxe relative à l'achat auprès du fournisseur ou la taxe relative à l'achat présumé.

[...]

[je souligne]

256.2

(1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« habitation admissible » S'agissant de l'habitation admissible d'une personne à un moment donné :

a) l'habitation dont la personne est propriétaire, copropriétaire, locataire ou sous-locataire au moment donné ou immédiatement avant ce moment ou dont elle a la possession, au moment donné ou immédiatement avant ce moment, en tant qu'acheteur dans le cadre d'un contrat de vente, ou l'habitation qui est située dans un immeuble d'habitation dont elle est locataire ou sous-locataire au moment donné ou immédiatement avant ce moment, dans le cas où, à la fois :

(i) au moment donné, l'habitation est une résidence autonome,

(ii) la personne détient l'habitation :

(A) soit en vue d'en effectuer des fournitures exonérées incluses aux articles 5.1, 6, 6.1 ou 7 de la partie I de l'annexe V,

(B) soit à titre de lieu de résidence habituelle pour elle-même, si l'immeuble dans lequel l'habitation est située comprend une ou plusieurs autres habitations qui seraient des habitations admissibles de la personne compte non tenu de la présente division,

(iii) la première utilisation de l'habitation est ou sera, ou la personne peut raisonnablement s'attendre au moment donné à ce que cette première utilisation soit, selon le cas :

(A) de servir de lieu de résidence habituelle à la personne ou à l'un de ses proches, ou à un bailleur de l'immeuble ou à l'un de ses proches, pendant une période d'au moins un an, ou pendant une période plus courte au terme de laquelle l'habitation sera utilisée tel qu'il est prévu à la division (B),

(B) de servir de lieu de résidence à des particuliers qui peuvent chacun occuper l'habitation de façon continue, en vertu d'un ou de plusieurs baux, pendant une période d'au moins un an tout au long de laquelle l'habitation leur sert de lieu de résidence habituelle, ou pendant une période plus courte se terminant au moment où l'habitation, selon le cas :

(I) est vendue à un acquéreur qui l'acquiert pour qu'elle lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à l'un de ses proches,

(II) sert de lieu de résidence habituelle à la personne ou à l'un de ses proches, ou à un bailleur de l'immeuble ou à l'un de ses proches,

(iv) sauf en cas d'application de la subdivision (iii)(B)(II), si, au moment donné, l'intention de la personne à l'égard de l'habitation, après qu'elle a été utilisée tel qu'il est prévu au sous-alinéa (iii), est de l'occuper pour son propre usage ou de la fournir par bail pour qu'elle soit utilisée à titre résidentiel ou d'hébergement par un particulier qui est l'un de ses proches, de ses actionnaires, de ses associés ou de ses membres ou avec lequel elle a un lien de dépendance, la personne peut raisonnablement s'attendre à ce que l'habitation soit son lieu de résidence habituelle ou celui de ce particulier;

b) l'habitation de la personne, visée par règlement.

[je souligne]

256.2

(10) La personne qui avait droit au remboursement prévu au paragraphe (3) relativement à une habitation admissible (sauf une habitation située dans un immeuble d'habitation à logements multiples), mais qui, dans l'année suivant la première occupation de l'habitation à titre résidentiel, une fois achevées en grande partie sa construction ou les dernières rénovations majeures dont elle a fait l'objet, effectue la fourniture par vente de l'habitation (sauf une fourniture réputée, par les articles 183 ou 184, avoir été effectuée) à un acheteur qui ne l'acquiert pas pour qu'elle lui serve de lieu de résidence habituelle, ou serve ainsi à l'un de ses proches, est tenue de payer au receveur général un montant égal au montant du remboursement, majoré des intérêts calculés sur ce montant, au taux fixé par règlement pour l'application de l'alinéa 280(1)b), pour la période commençant le jour où le montant du remboursement lui a été versé ou a été déduit d'une somme dont elle est redevable, et se terminant le jour où elle paie le montant au receveur général.

[je souligne]

Position de l'appelante

[6]      L'appelante soutient que le paragraphe 256.2(10) de la L.T.A. doit être interprété en fonction du but qu'il vise, soit de protéger le caractère résidentiel d'une habitation admissible en empêchant que celle-ci soit vendue à l'intérieur d'une période d'un an ou par une personne qui ne l'habiterait pas comme résidence habituelle.

[7]      L'appelante prétend ensuite que le paragraphe 256.2(10) de la L.T.A. vise le cas de la « personne » qui serait un particulier visé au sous-alinéa (iii)(A) de la définition d' « habitation admissible » prévue au paragraphe 256.2(1) de la L.T.A. et non pas le cas de la société qui s'attend à ce que l'habitation « serve de lieu de résidence à des particuliers » .

[8]      L'appelante ajoute que, pour que le paragraphe 256.2(10) de la L.T.A. puisse trouver son application, il est impératif que le droit d'occupation du particulier qui habite le logement en vertu d'un bail résidentiel se termine au moment de la vente, faisant en sorte que le locataire doive quitter les lieux, puisque la même personne ne peut à la fois occuper l'habitation à titre de locataire et de propriétaire.

[9]      Finalement, l'appelante soutient que le paragraphe 256.2(10) de la L.T.A. doit être lu en corrélation avec la définition d' « habitation admissible » . Ainsi, cette disposition ne viserait que la location temporaire, c'est-à-dire le cas où il est mis un terme au bail avant une période de 12 mois, et que l'habitation est vendue à un acheteur qui ne l'acquiert pas pour qu'elle lui serve de résidence habituelle ou serve ainsi à l'un de ses proches.

Analyse et conclusion

[10]     Dans un premier temps, il importe de préciser que, selon les principes d'interprétation bien établis, lorsque les termes d'une loi sont clairs, on doit simplement appliquer cette loi sans interprétation. Tels sont les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622 :

40        Deuxièmement, la jurisprudence fiscale de notre Cour est bien établie: l'examen de la « réalité économique » d'une opération donnée ou de l'objet général et de l'esprit de la disposition en cause ne peut jamais soustraire le tribunal à l'obligation d'appliquer une disposition non équivoque de la Loi à une opération du contribuable. Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée :

[...]

[je souligne]

[11]     Dans un deuxième temps, il importe d'ajouter que, selon les principes d'interprétation bien établis[1], lorsque les termes d'une loi sont clairs, le tribunal doit les appliquer même si le résultat est absurde.

[12]     En l'espèce, je suis d'avis que les dispositions du paragraphe 256.2(10) de la L.T.A. sont claires et non équivoques et donc n'ont pas à être interprétées à la lumière de l'objet général et de l'esprit des dispositions prévues à l'article 256.2 de la L.T.A.

[13]     Ainsi, selon le paragraphe 256.2(10) de la L.T.A., la restitution du remboursement doit être effectuée :

a) par la personne qui avait droit au remboursement en vertu du paragraphe 256.2(3) de la L.T.A.;

b) relativement à une habitation admissible;

c) dans le cas où il y a eu vente de l'habitation admissible, dans l'année suivant la première occupation de l'habitation à titre résidentiel.

[14]     Il n'y a pas de restitution du remboursement dans les deux situations suivantes :

a) l'habitation admissible est située dans un immeuble à logements multiples;

b) l'habitation est vendue à un acheteur qui l'acquiert pour qu'elle lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à l'un de ses proches.

[15]     À mon avis, l'appelante est visée par le paragraphe 256.2(10) de la L.T.A. pour les raisons suivantes :

a) L'appelante avait droit au remboursement en vertu du paragraphe 256.2(3) de la L.T.A.;

b) Les immeubles répondaient à la définition d' « habitation admissible » édictée par l'article 256.2 de la L.T.A., notamment en raison du fait que la première utilisation des immeubles était de servir de lieu de résidence à des particuliers, en vertu d'un ou de plusieurs baux, pendant une période d'au moins un an;

c) La vente de chacun des immeubles a eu lieu dans l'année suivant leur première occupation à titre résidentiel. À cet égard, il importe peu que la vente ait eu lieu quelques jours ou quelques mois après la location des immeubles;

d) Les immeubles ne sont pas des habitations situées dans un immeuble à logement multiples en raison des définitions suivantes figurant au paragraphe 123(1) de la L.T.A.

« immeuble d'habitation à logements multiples » . - Immeuble d'habitation, à l'exclusion d'un immeuble d'habitation en copropriété, qui contient au moins deux habitations.

« immeuble d'habitation en copropriété » . - Immeuble d'habitation qui contient au moins deux logements en copropriété.

« logements en copropriété » - Immeuble d'habitation qui est, ou est censé être, un espace délimité dans un bâtiment et désigné ou décrit comme étant une unité distincte sur le plan ou la description enregistrés y afférents, ou sur un plan ou une description analogues enregistrés en conformité avec les lois d'une province, ainsi que tous droits et intérêts fonciers afférents à la propriété de l'unité.

e) Les immeubles sont des logements en copropriété qui sont exclus de la définition d' « immeuble d'habitation à logements multiples » en vertu des définitions ci-dessus. Par conséquent, les immeubles ne sont pas visés par l'exception prévue au paragraphe 256.2(10) de la L.T.A.;

f) Les immeubles n'ont pas été vendus à un acheteur pour lui servir de résidence habituelle ou servir ainsi à l'un de ses proches. L'appelante soumet que le paragraphe 256.2(10) de la L.T.A. ne s'appliquerait que lorsqu'il y a une d'une habitation admissible à un acheteur qui serait un particulier. En interprétant ainsi un paragraphe, l'appelante ajoute au texte de loi des mots qui n'y apparaissent pas. En effet, le paragraphe 256.2(10) de la L.T.A. exige comme condition qu'il y ait vente d'une habitation admissible dans l'année de sa première occupation. La seule exception prévue au paragraphe 10 de l'article 256.2 de la L.T.A. est la vente à un particulier qui acquiert l'habitation admissible afin qu'elle lui serve de résidence habituelle à lui ou serve ainsi à l'un de ses proches.

[16]     Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'avril 2007.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :                                   2007CCI198

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2005-4476(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               CONSTRUCTION BERGEROY INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Trois-Rivières (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 29 août 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :                    le 3 avril 2007

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Pierre Hémond

Avocat de l'intimée :

Me Louis Cliche

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

       Pour l'appelante:

                   Nom :                              Me Pierre Hémond

                   Étude :                             Brochet, Dussault, Lemieux, Larochelle

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] LGL Ltd. c. Canada, [1999] A.C.I. no 99.

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