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Dossier : 2006-3504(IT)I

ENTRE :

TINA L. WALSH,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 27 et 28 mars 2007,

à Corner Brook (Terre-Neuve-et-Labrador).

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Lindsay Holland

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel interjeté par l’appelante à l’égard de la cotisation dont elle a fait l’objet aux fins du remboursement du paiement en trop de la prestation fiscale pour enfants est rejeté, sans dépens.

 

       Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 2e jour de mai 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d’août 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

Référence : 2007CCI263

Date : 20070502

Dossier : 2006-3504(IT)I

ENTRE :

TINA L. WALSH,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]     Le présent appel se rapporte à la cotisation qui a été établie à l’égard de l’appelante compte tenu du fait qu’elle avait reçu des paiements au titre de la prestation fiscale pour enfants pour la période allant du mois de septembre 2005 au mois de janvier 2006 inclusivement, alors qu’elle n’aurait pas dû recevoir ces paiements.

 

[2]     En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), la prestation fiscale pour enfants est considérée comme un paiement en trop au titre des sommes dont le particulier est redevable en vertu de la Loi et, par conséquent, si le particulier est admissible, cette prestation lui est versée à titre de remboursement du paiement en trop. En vertu du paragraphe 122.61(1) de la Loi, le montant du paiement en trop est calculé sur une base mensuelle. Cette disposition prévoit notamment ce qui suit :

 

Lorsqu’une personne [...] produi[t] une déclaration de revenu pour l’année, un paiement en trop au titre des sommes dont la personne est redevable en vertu de la présente partie pour l’année est réputé se produire au cours d’un mois par rapport auquel l’année est l’année de base. Ce paiement correspond au résultat du calcul suivant :

 

                                    1/12 [(A - B) + C + M]

 

où :

 

A         représente le total des montants suivants :

a)         le produit de 1 090 $ par le nombre de personnes à charge admissibles à l’égard desquelles la personne était un particulier admissible au début du mois. [...]

 

[3]     Étant donné que le paiement en trop est réputé être survenu au cours d’un mois pour lequel une personne était un particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible au début du mois, il faut décider si une personne particulière était un particulier admissible au début de chaque mois à l’égard de cette personne à charge admissible. Cela ne veut donc pas nécessairement dire que, parce qu’une personne particulière était le particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible au début d’un mois particulier, cette personne serait le particulier admissible au début du mois suivant à l’égard de cette personne à charge admissible. La définition de l’expression « particulier admissible », à l’article 122.6, est rédigée comme suit :

 

« particulier admissible » S’agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

 

a)         elle réside avec la personne à charge;

 

b)         elle est la personne – père ou mère de la personne à charge – qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de cette dernière;

 

[...]

 

Pour l’application de la présente définition :

 

f)          si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

 

g)         la présomption visée à l’alinéa f) ne s’applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

 

h)         les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne.

 

[4]     En l’espèce, il n’est pas contesté que l’appelante est la mère de l’enfant en question. Il s’agit ici principalement de savoir si l’appelante était la personne qui assumait principalement, au début de chaque mois au cours de la période en question, la responsabilité pour le soin et l’éducation de l’enfant en question.

 

[5]     Dans la réponse à l’avis d’appel que l’intimée a déposée, l’une des hypothèses était que l’enfant en question passait autant de temps chez son père, Daniel Park, qu’elle en passait chez l’appelante. Selon une autre hypothèse, l’appelante et Daniel Park avaient la garde conjointe de l’enfant.

 

[6]     Compte tenu de ces hypothèses, la première question à trancher est de savoir si la présomption énoncée à l’alinéa f) de la définition de l’expression « particulier admissible » s’applique en l’espèce. Les circonstances dans lesquelles la présomption ne s’appliquerait pas sont énoncées à l’article 6301 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement ») et comprennent le cas dans lequel « plus d’une personne présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l’égard de la même personne à charge admissible qui réside avec chacune d’elles à des endroits différents ».

 

[7]     La question de savoir si la présomption s’applique est, à mon avis, directement liée à la question de savoir qui aura la charge de la preuve dans ce cas‑ci. Si l’appelante est présumée être la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge admissible, elle ne devrait pas avoir la charge de prouver ce qu’elle est déjà présumée être. En d’autres termes, si la présomption s’applique, la charge de la preuve passe à l’intimée, qui doit alors contester la validité de la présomption. Il importe de noter que l’alinéa f) de la définition du « particulier admissible » prévoit que « la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge est présumée être la mère » et ne prévoit pas que cette personne est réputée être la mère (je souligne). Il s’agit d’une présomption et non d’une règle déterminative. Si la présomption s’applique, il serait loisible à l’intimée de soumettre une preuve en vue de réfuter la présomption, mais la charge de la preuve incomberait alors à l’intimée.

 

[8]     En l’espèce, l’intimée a présenté une preuve afin d’établir que plus d’un avis avait été signifié au ministre en vertu de l’article 122.62 de la Loi pour la période en question et que, par conséquent, la circonstance décrite à l’alinéa d) de l’article 6301 du Règlement s’appliquait. La présomption énoncée à l’alinéa f) ne s’appliquait donc pas, et puisque l’appelante contestait la cotisation dont elle avait fait l’objet à l’égard du paiement en trop de la prestation fiscale pour enfants, la charge de la preuve lui incombait lorsqu’il s’agissait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’au cours de la période en question, elle était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge admissible.

 

[9]     L’appelante a témoigné que, pendant les deux années qui avaient précédé le mois d’août 2005, elle n’avait pas eu de contacts avec la personne à charge admissible. L’ordonnance rendue par la Cour suprême de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, Section de première instance, en date du 20 juillet 2004, a été produite en preuve. Le premier paragraphe de cette ordonnance prévoyait que Daniel Park aurait [traduction] « la garde et le soin de » la personne à charge admissible et que le droit de visite de l’appelante serait accordé [traduction] « sous surveillance avec l’intervention de Family Justice Services Western ». L’ordonnance prévoyait également que [traduction] « le début des visites supervisées [allait] être déterminé par [Family Justice Services Western] ».

 

[10]    L’ordonnance prévoyait également que la mère ne chercherait pas à communiquer avec la personne à charge admissible, mais que la personne à charge admissible pourrait communiquer avec l’appelante et que [traduction] « le contact initial au moins devait être supervisé par une personne désignée par la Cour ».

 

[11]    Par conséquent, l’appelante avait la tâche difficile d’établir qu’après n’avoir eu aucun contact avec sa fille pendant deux ans, elle était devenue la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de l’enfant dès le rétablissement du contact. À mon avis, l’appelante a omis d’établir selon la prépondérance des probabilités qu’au cours de la période en question, elle était, au début de chacun des mois en question, la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge admissible. Cette décision ne vise que la période en question. Cela ne veut pas dire que l’appelante ne peut pas être la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de l’enfant aujourd’hui, mais pour la période en question, elle n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge admissible.

 

[12]    L’appelante et Daniel Park ont tous deux témoigné. Ils ont tous les deux présenté des témoignages cohérents : au début de la période en question (au cours des mois d’août et de septembre 2005), l’appelante reprenait contact avec la personne à charge admissible. Il a également été confirmé que, durant la période en question, la personne à charge admissible passait avec l’appelante plus de temps qu’au cours des deux années précédentes. Au départ, la personne à charge admissible passait une semaine chez son père et une semaine chez sa mère; l’appelante a témoigné que la personne à charge admissible passait même plus de temps avec elle qu’avec Daniel Park. Le père et la mère ont tous deux témoigné qu’ils surveillaient les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et veillaient à ses besoins quotidiens, qu’ils maintenaient un milieu sécuritaire là où elle résidait, qu’ils obtenaient des soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin et assuraient son transport aux endroits où ces soins étaient offerts, qu’ils organisaient pour elle des activités éducatives, récréatives et athlétiques ou semblables, et assuraient son transport à cette fin, qu’ils subvenaient à ses besoins lorsqu’elle était malade ou avait besoin de l’assistance d’une autre personne, qu’ils s’occupaient des soins d’hygiène de la personne à charge admissible et que, d’une façon générale, ils lui servaient de guides et de compagnons. Daniel Park a également témoigné que sa conjointe de fait, Lisa Miles, allait magasiner avec la personne à charge admissible. Au mois de septembre 2005, la personne à charge admissible avait 14 ans.

 

[13]    L’un des facteurs qui est mentionné à l’article 6302 du Règlement est l’existence d’une ordonnance rendue à l’égard de la personne à charge admissible par un tribunal qui est valide dans la juridiction où réside cette personne.

 

[14]    En l’espèce, l’ordonnance de la Cour suprême de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, Section de première instance, en date du 20 juillet 2004 a été produite en preuve; comme il en a ci‑dessus été fait mention, cette ordonnance prévoyait que Daniel Park avait la garde et le soin de la personne à charge admissible. L’appelante a témoigné qu’elle croyait qu’il y avait une autre ordonnance qui avait modifié les droits de garde conférés dans l’ordonnance de l’année 2004. Toutefois, la seule autre ordonnance qui a été produite en preuve était une ordonnance en date du 11 juillet 2006 (après la période en question). Cette ordonnance accordait la garde conjointe de la personne à charge admissible au père et à la mère.

 

[15]    L’appelante n’a pas cité comme témoin la personne à charge admissible. Étant donné que la personne à charge admissible aurait maintenant 15 ans, elle aurait pu aider à déterminer lequel du père ou de la mère assumait principalement la responsabilité pour son soin et son éducation au cours de la période en question. Toutefois, l’appelante ne voulait pas que la personne à charge admissible soit mêlée à la présente affaire. À un moment donné, l’appelante a indiqué qu’elle aimerait mieux perdre sa cause plutôt que d’entraîner sa fille dans ce qui était essentiellement un litige entre son ancien mari et elle‑même. En l’absence du témoignage de la personne à charge admissible, l’appelante a malheureusement omis d’établir selon la prépondérance des probabilités qu’elle était la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge admissible au cours de la période en question.

 

[16]    Il reste une autre question à examiner.

 

[17]    Dans l’ordonnance de la Cour suprême de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, Section de première instance, en date du 11 juillet 2006, il était prévu que le père céderait à la mère tous les droits qu’il avait sur le « crédit d’impôt pour enfants ». En vertu de la Loi, la personne qui a droit à la prestation fiscale pour enfants est le particulier admissible à l’égard de la personne à charge admissible au début du mois. La définition du particulier admissible ne prévoit pas la cession du présumé paiement en trop d’une personne à une autre. La définition du particulier admissible n’est pas fondée sur une entente entre les parties, mais elle s’applique plutôt à la personne qui satisfait aux critères énoncés dans cette disposition, et elle est notamment fondée sur la détermination de la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge admissible compte tenu des critères prévus à l’article 6302 du Règlement. La mention de l’existence d’une ordonnance judiciaire comme critère s’entend d’une ordonnance judiciaire concernant la personne à charge admissible, et non d’une ordonnance judiciaire relative à la prestation fiscale pour enfants.

 

[18]    De plus, l’article 67 de la Loi sur la gestion des finances publiques prévoit que les dettes de la Couronne sont incessibles. Puisque la prestation fiscale pour enfants est, pour l’application de la Loi, un paiement en trop d’impôt et, par conséquent, une obligation de la Couronne envers le particulier admissible, il s’agirait d’une dette de la Couronne et cette dette serait incessible. La question de savoir qui a droit à la prestation fiscale pour enfants doit être tranchée en vertu de la Loi et non au moyen d’une entente entre les parties.

 

[19]    Le paragraphe 2(2) de la Loi sur la cession du droit au remboursement en matière d’impôt prévoit l’acquisition par une personne du remboursement d’impôt d’une autre personne. Cette disposition est rédigée comme suit :

 

(2) Pout l’application de la présente loi, une personne acquiert le droit à un remboursement d’impôt lorsqu’elle devient cessionnaire du droit à un remboursement d’impôt ou au versement d’une somme égale au montant d’un remboursement d’impôt, nonobstant le fait qu’en vertu de l’article 67 de la Loi sur la gestion des finances publiques ou des dispositions de toute autre loi fédérale ou provinciale, le remboursement d’impôt n’est pas cessible.

[Je souligne.]

 

[20]    Toutefois, puisque ce droit est reconnu uniquement pour l’application de la Loi sur la cession du droit au remboursement en matière d’impôt, cela n’aide pas la personne qui affirme avoir droit à la prestation fiscale pour enfants en vertu de la Loi.

 

[21]    L’appel est rejeté, sans dépens.

 

       Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 2e jour de mai 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d’août 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI263

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-3504(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Tina L. Walsh

                                                          c.

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Corner Brook (Terre-Neuve-et-Labrador)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 27 et 28 mars 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 mai 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Lindsay Holland

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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