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Dossiers : 2005-49(IT)I

ENTRE :

CHRISTIAN MURRAY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu et jugement et motifs rendus oralement sur le banc le 12 août 2005

à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions :

Représentante de l'appelant :

Lise Wauthier

Représentante de l'intimée :

Christina Ham (Stagiaire en droit)

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JUGEMENT

          L'appel de la détermination par laquelle le ministre du Revenu national ( « Ministre » ) a révisé à néant les prestations fiscales canadiennes pour enfants attribuables à l'appelant pour la période du mois de juillet 2000 au mois de juin 2002 est admis et la détermination est déférée au Ministre pour nouvel examen et nouvelle détermination en tenant compte du fait que l'appelant était le particulier admissible au sens de l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui avait droit aux prestations fiscales canadiennes pour enfants au cours de cette période.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'août 2005.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


Référence : 2005CCI514

Date : 20050818

Dossier : 2005-49(IT)I

ENTRE :

CHRISTIAN MURRAY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre

[1]      La question en litige est la suivante : qui est le particulier admissible de juillet 2000 à juin 2002 aux fins d'établir le droit à la prestation fiscale canadienne pour enfants aux termes de l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » )? Est-ce l'appelant, le père des enfants en question, ou madame Louise Mercier, sa conjointe à l'époque?

[2]      L'appelant avait la garde légale de ses deux filles mineures.

[3]      Le questionnaire déposé sous la pièce I-1 rempli par madame Louise Mercier est contredit par le témoignage de l'une des filles de l'appelant. Bien qu'assignée comme témoin, madame Mercier ne s'est pas présentée en Cour et la représentante de l'intimée n'a pas demandé à la Cour de faire des démarches supplémentaires.

[4]      Il ressort des témoignages entendus que madame Mercier, qui n'était pas la mère des enfants, s'occupait plus d'elle-même que des enfants. Ainsi, elle ne prenait pas les rendez-vous chez le médecin, ni chez le dentiste pour les filles. Elle ne faisait aucune activité avec les enfants. Elle se contentait de faire les repas et des fois il manquait de nourriture.

[5]      Il ressort également qu'elle s'appropriait l'argent dans le compte bancaire de l'appelant sans nécessairement en faire bénéficier les enfants.

[6]      Le père, camionneur de métier, quand il était présent à la maison lorsqu'il n'était pas sur la route pour son emploi, était celui qui se préoccupait le plus de ses enfants.

[7]      Par ailleurs, il veillait à leur bien-être en louant une maison et en versant une allocation pour elles. Dans le questionnaire qu'il a rempli pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « l'ADRC » ) déposé sous la pièce I-1, et qui n'est pas contredit par la preuve, on voit qu'il sortait ses enfants, les emmenait chez le médecin lorsque nécessaire et se préoccupait de leur saine alimentation.

[8]      Il ressort de la preuve aussi que madame Mercier a agi frauduleusement. Elle n'a jamais dit à monsieur Murray qu'elle encaissait les chèques de prestation fiscale canadienne pour enfants établis au nom de l'appelant. Il dit avoir donné à madame Mercier une carte bancaire pour retirer de l'argent de son compte pour les enfants. Il ne l'avait pas autorisé à déposer en son nom des chèques qu'il recevait et dont il n'avait même pas connaissance.

[9]      Madame Mercier a outrepassé les pouvoirs qu'elle avait en vertu de la procuration que lui avait donnée monsieur Murray.

[10]     À la différence des causes citées par l'avocate de l'intimée, (Healey v. Canada, [2005] T.C.J. No. 184 (Q.L.) et Davies c. Canada, [2000] A.C.I. no 591 (Q.L.)), l'appelant résidait toujours avec ses enfants au cours de la période en litige. Ce n'est qu'en juillet 2002 que monsieur Murray et madame Louise Mercier ont cessé de résider ensemble.

[11]     Les enfants résidaient donc avec le père et madame Mercier au cours de la période en litige. La présomption que l'on retrouve à l'article 122.6 de la Loi, dans la définition de « particulier admissible » à l'alinéa f), voulant que ce soit la mère (la mère pouvant inclure le conjoint du parent biologique[1]) qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation des enfants, ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement (selon l'alinéa g)). Selon l'alinéa 6301(1)b) du Règlement de la Cour canadienne de l'impôt ( « Règlement » ), si la mère est une personne à charge admissible d'un particulier admissible et que chacun d'eux a présenté un avis pour prestation fiscale canadienne pour enfants, cette présomption ne s'applique pas.

[12]     Madame Mercier ne travaillait pas et avait accès au compte bancaire de l'appelant; on peut en inférer qu'elle était à la charge de monsieur Murray. Comme des prestations fiscales canadiennes pour enfants étaient envoyées à monsieur Murray et que madame Mercier a fait aussi une demande séparée, ceci ouvre la porte pour écarter la présomption.

[13]     Selon l'article 6302 du Règlement, on retrouve les critères pour déterminer qui s'occupe principalement du soin et de l'éducation des enfants. Je considère que dans les circonstances particulières de ce cas, c'est monsieur Murray qui surveillait et veillait aux besoins quotidiens de ses enfants. Même lorsqu'il était absent pour le travail, il gardait un contact régulier. C'est lui qui maintenait un milieu sécuritaire pour ses filles.

[14]     Il ressort clairement du témoignage de la fille de l'appelant, que madame Mercier, à part s'occuper des repas, ne s'occupait pas beaucoup des filles. Elle se préoccupait plutôt de son sort à elle et montait les filles contre leur père. Elle fraudait le père et montrait aux filles comment frauder en les incitant à imiter la signature de leur père sur les chèques de prestation fiscale canadienne pour enfants. À mon avis, il est faux de prétendre que c'est madame Mercier qui s'occupait principalement du soin et de l'éducation des enfants. Sa façon de faire n'est sûrement pas celle de quelqu'un qui aurait à coeur le bien-être de ses enfants.

[15]     Je considère que le père a su démontrer, par prépondérance des probabilités, que c'est lui qui principalement veillait au soin et à l'éducation de ses filles.

[16]     Je me permettrai d'ajouter ici qu'il est toujours surprenant de voir que l'ADRC accepte de verser rétroactivement des prestations fiscales canadiennes pour enfants à un particulier qui en fait la demande alors que des prestations ont déjà été versées à un autre particulier pour les mêmes enfants et pour la même période, sans faire de contre-vérification. Dans le cas présent, alors que madame Mercier avait encaissé frauduleusement les chèques de prestation fiscale canadienne pour enfants établis à l'ordre de l'appelant, elle a fait une demande séparée et a reçu, du gouvernement fédéral, le même montant une deuxième fois, que l'on réclame maintenant de l'appelant. Il me semble que cette situation incongrue aurait pu être évitée si l'ADRC avait été un peu plus vigilante.

[17]     Je suis d'avis d'accueillir l'appel puisque je considère que c'est l'appelant et non madame Mercier qui avait le droit aux prestations fiscales canadiennes pour enfants au cour de la période en litige.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'août 2005.

« Lucie Lamarre »

Lamarre, J.


RÉFÉRENCE :

2004CCI514

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2005-49(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

CHRISTIAN MURRAY c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 12 août 2005

DATE DU JUGEMENT :

le 18 août 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Lucie Lamarre

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :

Lise Wauthier

Pour l'intimé(e) :

Christina Ham (Stagiaire en droit)

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant(e) :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé(e) :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           Selon la définition étendue des mots « enfant » et « mère » à l'article 252 de la Loi.

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