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Dossier : 2006-2208(GST)I

ENTRE :

LORI FOOTE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 5 décembre 2006 à St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador).

 

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

Avocat de l’intimée :

Me Craig Silliker

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 8 octobre 2004 et porte le numéro 01PA0500501, est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de janvier 2007.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de février 2008.

 

Maurice Audet, réviseur


 

 

 

Référence : 2007CCI46

Date : 20070123

Dossier : 2006-2208(GST)I

ENTRE :

LORI FOOTE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]     Il s’agit d’un appel d’une cotisation datée du 8 octobre 2004, établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »). Le ministre a établi, à l’égard de l’appelante, une cotisation de 11 167,68 $ au titre de la taxe nette, de 468 ,03 $ au titre des intérêts et de 1 317,16 $ au titre des pénalités pour les déclarations relatives à la taxe sur les produits et services et à la taxe de vente harmonisée (la « TPS‑TVH »).

 

[2]     L’appelante habitait chez ses parents lorsqu’elle a décidé de se construire une maison. En vue d’obtenir de l’aide aux fins du paiement du coût de la nouvelle habitation, elle a acheté une parcelle de terre sur laquelle la construction d’unités locatives était autorisée. L’appelante a en fin de compte construit un immeuble d’habitation à trois étages (l’« immeuble ») dont chaque étage était composé d’une habitation, ces habitations ayant toutes la même superficie. Les habitations situées aux deux premiers étages de l’immeuble étaient des unités locatives, alors que l’appelante occupait l’habitation au troisième étage. Un escalier donnant accès aux deuxième et troisième étages a été construit, ce qui avait pour effet, selon l’appelante, d’agrandir les habitations qui s’y trouvaient. Toutefois, l’appelante convient qu’elle n’occupe pas plus de 50 p. 100 de l’immeuble.

 

[3]     L’appelante a témoigné que la construction de l’immeuble était axée sur son habitation, en ce sens que l’objet de l’immeuble était de lui procurer un lieu de résidence. L’appelante a donc investi plus d’argent dans sa propre habitation et les travaux de construction, à tous les égards, étaient adaptés à son habitation et à ses besoins. Le revenu locatif sert au remboursement de l’hypothèque grevant l’immeuble.

 

[4]     Les travaux de construction ont pris fin le 25 avril 2002, et l’appelante a commencé à occuper son habitation le mois suivant. Quant aux locataires des deux unités locatives, ils ont emménagé environ un mois plus tard.

 

[5]     L’appelante a demandé un remboursement pour habitation neuve, mais un refus lui a été opposé. C’est alors qu’elle a découvert l’existence de la règle de la fourniture à soi‑même. L’appelante a fait l’objet d’une cotisation fondée sur cette règle. Elle a admis ne pas avoir consulté un comptable ou un avocat au sujet des conséquences fiscales découlant de la construction de l’immeuble. Le montant établi n’est pas en litige, sauf en ce qui concerne la pénalité.

 

[6]     Il s’agit de savoir si, en vertu de la règle concernant la fourniture à soi‑même, l’appelante est tenue de percevoir et de verser la TPS/TVH sur la fourniture de l’immeuble et, dans l’affirmative, si une pénalité doit être imposée.

 

[7]     L’appelante fait valoir qu’elle n’est pas un constructeur selon la définition figurant au paragraphe 123(1) de la Loi et que, si elle est un constructeur, la règle concernant la fourniture à soi‑même ne s’appliquerait néanmoins pas puisqu’elle satisfait aux quatre exigences énoncées au paragraphe 191(5) de la Loi aux fins de la non‑application de la règle; elle affirme, en particulier, satisfaire à l’exigence voulant que l’immeuble soit utilisé principalement par elle‑même à titre résidentiel. De son côté, l’intimée fait valoir que l’appelante était en fait le constructeur d’un immeuble d’habitation à logements multiples qui n’était pas utilisé à titre résidentiel par l’appelante.

 

[8]     Les dispositions pertinentes de la Loi sont reproduites ci‑dessous :

 

123(1) Définitions – Les définitions qui suivent s’appliquent à l’article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

 

« constructeur » Est constructeur d’un immeuble d’habitation ou d’une adjonction à un immeuble d’habitation à logements multiples la personne qui, selon le cas :

 

a) réalise, elle-même ou par un intermédiaire, à un moment où elle a un droit sur l’immeuble sur lequel l’immeuble d’habitation est situé :

 

(i)         dans le cas d’une adjonction à un immeuble d’habitation à logements multiples, la construction de l’adjonction,

(ii)        dans le cas d’un logement en copropriété, la construction de l’immeuble d’habitation en copropriété dans lequel ce logement est situé,

(iii)       dans les autres cas, la construction ou des rénovations majeures de l’immeuble d’habitation;

 

b) acquiert un droit sur l’immeuble à un moment où :

 

(i)         dans le cas d’une adjonction à un immeuble d’habitation à logements multiples, cette adjonction est en construction,

(ii)        dans les autres cas, l’immeuble d’habitation est en construction ou fait l’objet de rénovations majeures;

 

c) dans le cas d’une maison mobile ou d’une maison flottante, fournit la maison avant qu’elle soit utilisée ou occupée à titre résidentiel;

 

d) acquiert un droit sur l’immeuble d’habitation au moment suivant, en vue principalement soit d’effectuer par vente des fournitures de tout ou partie de l’immeuble, ou de droits sur celui‑ci, soit d’effectuer des fournitures de tout ou partie de l’immeuble par bail, licence ou accord semblable au profit de personnes autres que des particuliers qui acquièrent l’immeuble ou la partie d’immeuble en dehors du cadre d’une entreprise, d’un projet à risques ou d’une affaire de caractère commercial :

 

(i)         dans le cas d’un immeuble d’habitation en copropriété ou d’un logement en copropriété, soit à un moment où l’immeuble n’est pas enregistré à titre d’immeuble d’habitation en copropriété, soit avant qu’il soit occupé à titre résidentiel ou d’hébergement,

(ii)        dans les autres cas, avant qu’il soit occupé à titre résidentiel ou d’hébergement;

 

e) dans tous les cas, est réputée par le paragraphe 190(1) être le constructeur de l’immeuble.

 

N’est pas un constructeur :

 

f) le particulier visé aux alinéas a), b) ou d) qui, en dehors du cadre d’une entreprise, d’un projet à risques ou d’une affaire de caractère commercial :

 

            (i)         soit construit ou fait construire l’immeuble d’habitation ou l’adjonction, ou y fait ou y fait faire des rénovations majeures,

(ii)        soit acquiert l’immeuble ou un droit afférent;

 

g) le particulier visé à l’alinéa c) qui fournit la maison mobile ou la maison flottante en dehors du cadre d’une entreprise, d’un projet à risques ou d’une affaire de caractère commercial;

 

h) la personne visée aux alinéas a) à c) dont le seul droit sur l’immeuble est celui d’acheter du constructeur l’immeuble ou un droit afférent.

 

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les commerces, les industries, les professions et toutes affaires quelconques avec ou sans but lucratif, ainsi que les activités exercées de façon régulière ou continue qui comportent la fourniture de biens par bail, licence ou accord semblable. En sont exclus les charges et les emplois.

 

191(3) Fourniture à soi-même d’un immeuble d’habitation à logements multiples – Pour l’application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

 

a) la construction ou les rénovations majeures d’un immeuble d’habitation à logements multiples sont achevées en grande partie,

 

b) le constructeur, selon le cas :

 

(i)         transfère à une personne, qui n’est pas l’acheteur en vertu du contrat de vente visant l’immeuble, la possession d’une habitation de celui‑ci aux termes d’un bail, d’une licence ou d’un accord semblable conclu en vue de l’occupation de l’habitation à titre résidentiel,

 

            (i.1) transfère à une personne la possession d’une habitation de l’immeuble aux termes d’une convention prévoyant :

 

(A) d’une part, la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment faisant partie de l’immeuble,

(B) d’autre part, la fourniture par bail du fonds faisant partie de l’immeuble ou la fourniture d’un tel bail par cession,

 

(ii)        étant un particulier, occupe lui‑même à titre résidentiel une habitation de l’immeuble,

 

c) le constructeur, la personne ou un particulier locataire de celle‑ci ou titulaire d’un permis de celle‑ci est le premier à occuper à titre résidentiel une habitation de l’immeuble après que les travaux sont achevés en grande partie,

 

le constructeur est réputé :

 

d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l’immeuble le jour où les travaux sont achevés en grande partie ou, s’il est postérieur, le jour où la possession de l’habitation est transférée à la personne ou l’habitation est occupée par lui;

 

e) avoir payé à titre d’acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l’immeuble ce jour‑là.

 

[...]

 

(5) Exception – utilisation personnelle Les paragraphes (1) à (4) ne s’appliquent pas au constructeur d’un immeuble d’habitation ou d’une adjonction à celui‑ci si :

 

a) le constructeur est un particulier;

 

b) à un moment donné après que la construction ou les rénovations de l’immeuble ou de l’adjonction sont achevées en grande partie, l’immeuble est utilisé principalement à titre résidentiel par le particulier, son ex‑époux ou ancien conjoint de fait ou un particulier lié à ce particulier;

 

c) l’immeuble n’est pas utilisé principalement à une autre fin entre le moment où les travaux sont achevés en grande partie et le moment donné;

 

d) le particulier n’a pas demandé de crédit de taxe sur les intrants relativement à l’acquisition de l’immeuble ou aux améliorations qui y ont été apportées.

 

[9]     Le « constructeur » d’un immeuble d’habitation (ce qui comprend un immeuble d’habitation à logements multiples) est la personne qui réalise, à un moment où elle avait un droit sur l’immeuble sur lequel l’immeuble d’habitation est situé, la construction de l’immeuble d’habitation. Pour être exclue de la définition du constructeur, cette personne devrait réaliser la construction de l’immeuble d’habitation en dehors du cadre d’une entreprise, d’un projet à risques ou d’une affaire de caractère commercial. En l’espèce, il s’agit de savoir si l’appelante exploitait une entreprise, un projet à risques ou une affaire de caractère commercial. Dans la décision Happy Valley Farms Ltd. v. The Queen, [1986] 2 C.T.C. 259 (C.F. 1re inst.), le juge Rouleau a énoncé les critères à utiliser en tranchant cette question. L’appelante a construit un immeuble d’habitation à logements multiples composé de trois habitations, dont deux devaient lui permettre de gagner un revenu. La nature de la propriété et les motifs pour lesquels l’immeuble a été construit sont suffisants pour me permettre de conclure que l’appelante était un constructeur au sens de la définition figurant au paragraphe 123(1). La définition de l’entreprise s’applique également à l’activité qui a ici été exercée. Or, on n’a soumis aucun élément de preuve montrant que l’appelante n’était pas la personne qui réalisait la construction de l’immeuble d’habitation.

 

[10]    Le paragraphe 191(5) dispense‑t‑il l’appelante de l’application du paragraphe 191(3)? L’intimée ne conteste pas que trois des quatre conditions sont remplies et qu’il s’agit donc de décider si l’immeuble est utilisé principalement à titre résidentiel par l’appelante. Il est certain qu’en construisant un immeuble d’habitation à trois étages comportant une habitation à chaque étage l’appelante cherchait principalement à obtenir un lieu de résidence, mais on ne saurait omettre de tenir compte du fait que l’immeuble était utilisé pour générer un revenu tiré des deux autres habitations. La superficie des trois habitations est la même, chacune occupant un étage. L’appelante utilise un vide sanitaire et l’escalier, qu’elle partage en partie avec l’occupant du deuxième étage. De son propre aveu, l’appelante utilise moins de 50 p. 100 de l’immeuble.

 

[11]    Les tribunaux se sont déjà penchés, dans des décisions antérieures, sur la question du sens à attribuer au mot « principalement ». Dans la décision Mid‑West Feed Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 394, le juge en chef Couture (tel était alors son titre), de la Cour canadienne de l’impôt, a conclu que le mot « principalement » signifie plus de 50 p. 100 de l’utilisation totale de l’actif. Dans l’arrêt Mother’s Pizza Parlour (London) Ltd. v. The Queen, 88 DTC 6397, le juge Pratte, de la Cour d’appel fédérale, a dit que, lorsque différentes parties du même bâtiment sont utilisées en permanence pour ce que l’on considère comme deux fins différentes, le facteur le plus important, lorsqu’il s’agit de déterminer la fin pour laquelle le bâtiment est principalement utilisé, est la superficie, dans le bâtiment, qui est utilisée pour chacune de ces deux fins.

 

[12]    En l’espèce, l’appelante utilise deux habitations de l’immeuble à trois étages pour gagner un revenu locatif. Je puis fort bien comprendre que, pour l’appelante, l’objet du projet était la construction d’une résidence personnelle, mais je ne puis omettre de tenir compte de l’autre utilisation de l’immeuble. Il convient peut‑être néanmoins de procéder à une appréciation qualitative. Dans l’arrêt Burger King Restaurants of Canada Inc. v. The Queen, 2000 DTC 6061, la Cour d’appel fédérale a dit que la preuve qualitative doit être suffisamment convaincante et doit pouvoir être analysée de façon à amener la cour à modifier le résultat du critère quantitatif. L’appelante a peut‑être investi plus d’argent dans sa propre habitation, mais la preuve ne suffit pas à permettre à la présente cour d’analyser une telle possibilité et de conclure que la preuve qualitative modifie le résultat du critère quantitatif. Je conclus donc que l’immeuble n’était pas utilisé principalement à titre résidentiel par l’appelante et que la règle de la fourniture à soi‑même, prévue au paragraphe 191(3), s’applique de fait en l’espèce.

 

[13]    Quant à la question de la pénalité, l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait fait preuve d’une diligence raisonnable. Elle a en fait admis ne pas avoir pris de mesures pour se renseigner sur les obligations que la Loi lui imposait à l’égard de la construction de l’immeuble. Elle n’a donc pris aucune mesure en vue de prévenir l’omission de verser la taxe. La personne qui invoque le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable doit démontrer qu’une personne raisonnable aurait commis la même erreur et qu’elle‑même comprenait mal les règles. Voir Corp. de l’École Polytechnique c. R., [2004] G.S.T.C. 39.

 

[14]    Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de janvier 2007.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de février 2008.

 

Maurice Audet, réviseur


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI46

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-2208(GST)I

 

INTITULÉ :                                       Lori Foote

                                                          c.

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 5 décembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 23 janvier 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Craig Silliker

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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