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Dossiers : 2004-2571(IT)I, 2004-2572(IT)I,

2004-2573(IT)I, 2004-2574(IT)I,

2004-2575(IT)I

ENTRE :

MATTHEW MERCHANT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus à Calgary (Alberta), les 7 et 10 février 2005.

Devant : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Curtis Stewart

Avocate de l'intimée :

Me Galina M. Bining

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en application de la Loi de l'impôt sur le revenupour l'année d'imposition 1996 est rejeté.

           Les appels des cotisations d'impôt établies en application de l'article 160 de la Loi, dont les avis sont datés du 30 mai 2003 et portent les numéros 02550, 02624, 02627 et 02640, sont admis avec dépens et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu du fait que l'article 160 ne s'applique pas aux paiements de 2 605 $, de 3 541 $, de 3 118 $ et de 14 065 $ effectués par Tony Merchant en 1997, 1998, 1999 et 2002.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de février 2005.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de mars 2006.

Christian Laroche, LL.B.


Référence : 2005CCI161

Date : 20050225

Dossiers : 2004-2571(IT)I, 2004-2572(IT)I,

2004-2573(IT)I, 2004-2574(IT)I,

2004-2575(IT)I

ENTRE :

MATTHEW MERCHANT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Miller

[1]      Matthew Merchant interjette appel, sous le régime de la procédure informelle, de quatre cotisations établies aux termes du paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) affirmait que Matthew Merchant était le bénéficiaire de certains transferts de biens sous la forme de paiements en argent que son père, Tony Merchant, avait effectués en vue de payer ses dettes fiscales d'un montant de 2 605 $, 3 541 $, 3 118 $ et 14 065 $ pour les années d'imposition 1996, 1997, 1998 et 2001. Je conclus que l'article 160 ne s'applique pas, puisque les paiements que Tony Merchant a effectués pour payer les dettes fiscales de son fils Matthew ne constituaient pas des transferts de biens, mais qu'il s'agissait plutôt de prêts.

[2]      Matthew Merchant interjette également appel de la cotisation concernant son année d'imposition 1996 dans laquelle le ministre a refusé la déduction de frais de déménagement de 3 509 $. Le ministre a également inclus un avantage de 1 015 $ dans le revenu de Matthew Merchant. En ce qui concerne l'année d'imposition 1996, je rejette l'appel interjeté par Matthew Merchant.

[3]      En 1995, lorsqu'il avait 17 ans, Matthew Merchant s'est inscrit à un baccalauréat en droit à l'université de Dundee, en Écosse. En 1998, il a obtenu son baccalauréat, mais il devait faire des études additionnelles afin d'être autorisé à exercer sa profession au Canada, de sorte qu'il a fréquenté l'université d'Ottawa pendant deux ans, de 1998 à 2000. En l'an 2000, il a entrepris un stage en Saskatchewan; en 2001, il est devenu membre du barreau, à condition d'obtenir un certificat du comité national d'accréditation. Pour ce faire, il devait effectuer d'autres études qu'il a faites à l'université de Victoria. Il s'est présenté à trois autres examens écrits à Calgary en vue d'être accrédité.

[4]      Matthew Merchant a financé ses études de diverses façons. Il avait des économies avant de fréquenter l'université et, de toute évidence, il a fait des placements fructueux. Il tirait un revenu des entreprises familiales sous la forme de revenus d'emploi lorsqu'il travaillait au cabinet d'avocats de son père, le Merchant Law Group, et pour l'entreprise familiale, Merchant 2000 Ltd. Il touchait également des jetons de présence de la société Merchant 2000 Ltd. Cette société avait investi des fonds dans un certain nombre d'entreprises et possédait notamment un intérêt, pour un tiers, dans une station-service à Fort McMurray, ainsi que de nombreux biens immobiliers. Matthew Merchant a également emprunté de l'argent de son père, Tony Merchant. Il empruntait de l'argent chaque année au début de l'année scolaire en se fondant sur le montant prévu des dépenses de l'année et il empruntait également de l'argent au fur et à mesure qu'il en avait besoin. Tony Merchant a déclaré qu'il avait l'habitude d'aider ses trois fils dans leurs études universitaires; en effet, il estimait être obligé de le faire sur le plan moral et même sur le plan juridique. Il aidait ses fils en leur prêtant l'argent nécessaire et ensuite, au moyen du contrôle qu'il exerçait sur l'entreprise familiale, en déclarant des gratifications ou des jetons de présence en faveur de ses fils en vue de les aider à rembourser les prêts.

[5]      Au printemps, en 1997, 1998, 1999 et 2002, Matthew a eu besoin d'argent pour payer ses dettes fiscales, qui s'élevaient à 2 605 $, 3 541 $, 3 118 $ et 14 065 $. Matthew a témoigné être souvent à court d'argent à la fin de l'année scolaire. Tony Merchant a payé ces montants. Au printemps, en l'an 2000 et en 2001, Matthew n'avait pas de dettes fiscales.

[6]      Matthew a indiqué que, selon les dispositions prises avec son père, ces paiements étaient en fait des prêts qu'il devait rembourser. Il a affirmé qu'une entente formelle avait été conclue et qu'il croyait que son père consignait les montants dus par écrit, mais que, quant à lui, il se contentait d'en tenir compte mentalement. Matthew n'a présenté aucun grand livre ou document bancaire faisant foi du prêt des sommes en cause ou du remboursement de ces sommes. Il a fourni deux documents rédigés à la main, l'un indiquant un remboursement de 400 $ et l'autre l'obligation de rembourser le coût d'un billet d'avion. Matthew a affirmé qu'il ne tenait pas méticuleusement de livres. De fait, je conclus qu'il ne tenait tout simplement pas de dossiers.

[7]      Tony Merchant a produit un contrat qu'il avait conclu avec son fils aîné, Evatt, le 4 août 1988. Au verso de ce contrat, Tony Merchant avait inscrit à la main les montants qu'il avait payés pour couvrir les dettes fiscales de ses trois fils, de 1996 à 2002. Les quatre paiements qui sont ici en cause ont été enregistrés ainsi. Tony Merchant a expliqué qu'étant donné que l'impôt était principalement attribuable au revenu qu'il aurait remis à ses fils, il convenait, selon lui, de payer ces impôts tant que l'entreprise familiale n'était pas en mesure de financer les fils. Tony Merchant a témoigné consigner ces dettes fiscales par écrit afin d'indiquer les montants qui lui étaient encore dus.

[8]      La principale dette discale de Matthew Merchant se rapportait à son année d'imposition 2001. Au printemps 2002, Tony Merchant a payé l'impôt de Matthew, d'un montant de 14 065 $. En 2002, Matthew travaillait comme avocat; il touchait un salaire de base de 3 500 $ par mois ainsi que 42 p. 100 des rentrées d'argent. Il a raconté qu'il y avait une somme de 16 000 $ qui avait été reçue, sur laquelle il aurait probablement touché environ 7 000 $. Il a indiqué qu'il avait peut-être remboursé à son père une somme de 5 000 $ sur ce montant. Il a déclaré qu'au début de l'année 2003, il avait remboursé à son père tout l'argent qu'il lui devait.

[9]      Tony Merchant a produit une note que Matthew lui avait adressée le 10 juin 2002. Dans cette note, Matthew reconnaissait devoir encore à son père un montant de 9 500 $ au titre des impôts, mais qu'il fallait soustraire de ce montant un montant d'environ 3 763 $, que son père lui devait pour les services qu'il avait fournis au cabinet d'avocats. Tony Merchant a confirmé qu'à la fin de l'année 2002 ou au début de l'année 2003, il avait encouragé ses trois fils à régler les dettes qu'ils avaient contractées envers lui, et que la chose a été faite au début de l'année 2003.

[10]     M. Craig Peturson, agent des appels à l'Agence du revenu du Canada (l' « ARC » ), a confirmé que, selon les dossiers informatisés de l'ARC, Tony Merchant devait au gouvernement un montant de 23 921 $ au mois de novembre 1997, un montant de 173 720 $ au mois de juin 1998, un montant de 18 910 $ au mois d'avril 1999 et un montant de 13 717 $ au mois de juin 2002. Tony Merchant a reconnu qu'il devait de l'argent à l'ARC au fil des ans et qu'il savait que l'ARC tentait de recouvrer cet argent. Matthew Merchant a fait l'objet d'une cotisation le 30 mai 2003, en application de l'article 160 de la Loi, à l'égard des quatre paiements que Tony Merchant avait effectués pour couvrir les dettes fiscales de son fils.

[11]     En ce qui concerne l'année d'imposition 1996, les frais de déménagement qui ont été déduits, d'un montant de 3 509 $, représentaient les frais de trois voyages aller-retour entre Dundee, en Écosse, et Regina. Le premier voyage, d'une durée d'un mois, aurait été effectué vers Pâques, le deuxième aurait duré tout l'été et le troisième aurait été fait à la fin de l'année, pour les vacances de Noël. Matthew a témoigné avoir travaillé au Canada chaque fois qu'il revenait au pays. Pendant le printemps et pendant l'hiver, il travaillait pour l'entreprise familiale ainsi que pour le cabinet d'avocats de son père, en s'occupant notamment des livraisons. Pendant l'été, il a également brièvement travaillé à Calgary où il exerçait le genre d'emploi d'été que les étudiants exercent habituellement.

[12]     En ce qui concerne la question de l'avantage de 1 015 $, cela représente la moitié du coût du voyage que Matthew a effectué au Mexique à Noël en 1995. La famille Merchant a alors tenu une réunion des administrateurs de la société familiale et Tony Merchant a imputé une partie des dépenses à l'entreprise. Tony Merchant a payé la moitié du coût du voyage de Matthew et Merchant 2000 Ltd. a payé l'autre moitié. Matthew avait alors 17 ans, et comme il l'a dit, il n'était pas aussi actif que les autres - il se contentait principalement d'écouter. Il croyait que plusieurs heures avaient été consacrées à des réunions. Tony Merchant a confirmé que les séances formelles ne duraient que deux ou trois heures, mais qu'il y avait eu plusieurs discussions informelles entre les cinq administrateurs de la famille. Il a également reconnu que le voyage était principalement un voyage d'agrément.

Points litigieux

[13]     Les trois questions en litige sont ci-après énoncées :

           (i)      Matthew Merchant a-t-il reçu un avantage de 1 015 $ en 1996 à titre d'actionnaire ou à titre d'employé de Merchant 2000 Ltd.?

           (ii)      Matthew Merchant a-t-il le droit de déduire des frais de déménagement de 3 509 $ en 1996?

           (iii)     L'article 160 de la Loi s'applique-t-il aux quatre paiements que Tony Merchant a effectués pour couvrir les dettes fiscales de Matthew Merchant?

Analyse

[14]      (i) Avantage : La semaine passée au Mexique en 1995, pendant la saison des fêtes, se rapportait principalement à des vacances familiales et quelques heures seulement avaient été consacrées aux réunions d'affaires elles-mêmes. Matthew avait alors 17 ans. Il a décrit son rôle d'administrateur et d'actionnaire lors de la réunion des administrateurs comme consistant simplement à écouter. Il n'a pas payé ce voyage. Son père en a payé la moitié et Merchant 2000 Ltd. a payé l'autre moitié. Matthew Merchant était au Mexique presque exclusivement afin d'y passer ses vacances : sa participation à l'entreprise était minime. Dans ces conditions, je conclus que Matthew, en sa qualité d'actionnaire de Merchant 2000 Ltd., a reçu un avantage de 1 015 $, conformément au paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, soit un montant que la société a payé pour des vacances.

[15]      (ii)      Frais de déménagement : Les alinéas 62(1)a) et b) sont rédigés comme suit :

62(1)     Lorsqu'un contribuable a, à un moment donné, commencé :

           a)           à exploiter une entreprise ou à être employé dans un lieu au Canada (appelé son « nouveau lieu de travail » au présent paragraphe);

           b)           à être étudiant à plein temps dans un établissement d'enseignement (appelé son « nouveau lieu de travail » au présent paragraphe) qui est une université, un collège ou tout autre établissement dispensant un enseignement de niveau postsecondaire,

et a, de ce fait, déménagé d'une résidence située au Canada où, avant le déménagement, il résidait habituellement (appelée son « ancienne résidence » au présent article) pour venir occuper une autre résidence située au Canada où, après le déménagement, il a résidé habituellement (appelée sa « nouvelle résidence » au présent article), de sorte que la distance entre son ancienne résidence et son nouveau lieu de travail est supérieure d'au moins 40 kilomètres à la distance entre sa nouvelle résidence et son nouveau lieu de travail, il peut déduire, dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition au cours de laquelle il a déménagé de son ancienne résidence pour venir occuper sa nouvelle résidence, ou pour l'année d'imposition suivante, les sommes qu'il a payées au titre des frais de déménagement engagés pour déménager de son ancienne résidence pour venir occuper sa nouvelle résidence, dans la mesure où [...]

Le texte du paragraphe 62(1), tel qu'il était rédigé en 1996, est clair. Les frais de déménagement engagés pour des déplacements liés au travail au Canada sont déductibles. Matthew a déduit des frais de déménagement composés de trois voyages en avion aller-retour entre l'Écosse et le Canada en vue de revenir travailler au Canada. De tels frais ne sont pas admissibles en vertu de l'alinéa 62(1)a), étant donné qu'il ne s'agit pas de déménagements entre une résidence ordinaire au Canada et une autre résidence ordinaire au Canada.

[16]      Le paragraphe 62(2) traite de la déduction des frais de déménagement dans le cas des étudiants à plein temps :

           62(2)      Lorsqu'un contribuable aurait, compte non tenu de l'alinéa (1)a) et si dans le paragraphe (1) :

                        a)          soit les mots « déménagé d'une résidence située au Canada où » étaient remplacés par les mots « déménagé d'une résidence où » ;

                        b)          soit les mots « pour venir occuper une autre résidence située au Canada où » étaient remplacés par les mots « pour venir occuper une autre résidence où » ,

                        le droit de déduire une somme en vertu de ce paragraphe dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition, cette somme peut être déduite dans le calcul de son revenu pour l'année.

Cette disposition atténuait la restriction prévue au paragraphe 62(1) en autorisant l'étudiant qui décide d'étudier à l'étranger à déduire ses frais de déménagement. Le déménagement doit être effectué parce que l'étudiant entreprend des études à plein temps. Or, Matthew Merchant affirme qu'il n'a pas effectué les voyages entre l'Écosse et le Canada pour entreprendre des études à plein temps, mais qu'il les a effectués pour commencer à travailler. Il n'a pas tenté d'invoquer le paragraphe 62(2)[1]. Toutefois, Matthew peut-il se prévaloir de cette disposition pour les frais engagés entre l'Écosse et le Canada? Selon la preuve, Matthew a entrepris ses études à plein temps en Écosse en 1995. Il a effectué les trois voyages, en 1996, en vue de retourner chez lui pour les longs congés accordés par les universités, du Royaume-Uni. Il n'a pas effectué ces voyages afin d'entreprendre des études à plein temps en Écosse. C'est en 1995 qu'il l'a fait. Je conclus que le coût de ces voyages de retour n'est pas admissible. Je tiens à ajouter que si des frais étaient en partie admissibles au titre des frais de déménagement accordés aux étudiants, ces frais ne pourraient être déduits que par rapport à des bourses d'études, à des bourses d'entretien ou à des subventions de recherches reçues par Matthew Merchant en 1996. Tony Merchant a mentionné qu'une bourse d'études avait été obtenue, mais il n'a pas mentionné d'année particulière et je ne dispose donc, pour l'année 1995, d'aucune preuve de revenu duquel Matthew aurait pu déduire des dépenses, le cas échéant.

[17]      L'appel interjeté par Matthew Merchant pour l'année 1996 est rejeté.

[18]      (iii) Article 160. Le paragraphe 160(1) est rédigé comme suit :

160(1) Lorsqu'une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon à l'une des personnes suivantes:

           a)           son époux ou conjoint de fait ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

           b)           une personne qui était âgée de moins de 18 ans;

           c)           une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

                        les règles suivantes s'appliquent :

           d)           le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement d'une partie de l'impôt de l'auteur du transfert en vertu de la présente partie pour chaque année d'imposition égale à l'excédent de l'impôt pour l'année sur ce que cet impôt aurait été sans l'application des articles 74.1 à 75.1 de la présente loi et de l'article 74 de la Loi de l'impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts revisés du Canada de 1952, à l'égard de tout revenu tiré des biens ainsi transférés ou des biens y substitués ou à l'égard de tout gain tiré de la disposition de tels biens;

           e)           le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d'un montant égal au moins élevé des montants suivants:

                        (i)          l'excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien,

                        ii)          le total des montants dont chacun représente un montant que l'auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi au cours de l'année d'imposition dans laquelle les biens ont été transférés ou d'une année d'imposition antérieure ou pour une de ces années;

           aucune disposition du présent paragraphe n'est toutefois réputée limiter la responsabilité de l'auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi.

[19]     L'appelant soulève trois arguments :

           (i)      Il n'y a pas eu transfert de biens, étant donné que le paiement par Tony Merchant des impôts de Matthew constituait un prêt;

           (ii)      S'il y a eu transfert de biens, le ministre n'a pas prouvé qu'au moment où Matthew a fait l'objet d'une cotisation en 2003, Tony était tenu de payer un impôt à l'égard des années d'imposition au cours desquelles les biens ont été transférés;

           (iii)     La contrepartie, sous la forme d'une obligation morale ou juridique qu'un père ou une mère a envers un enfant, représente une contrepartie adéquate, ce qui a pour effet de soustraire les paiements que Tony a effectués pour le compte de Matthew à l'application de l'article 160.

[20]      (i) Transfert de biens. Dans la décision Tétrault c. La Reine[2], le juge Archambault se demandait si un prêt constituait un transfert de biens pour l'application de l'article 160 de la Loi; en se fondant sur les décisions Dunkelman v. M.N.R.[3] et McVey v. The Queen[4], le juge a tiré une conclusion négative. Je souscris à cette conclusion. Comme le juge Archambault l'a dit au paragraphe 39 :

[...] Or, le prêt d'argent ne constituerait pas une façon de faire échec à la perception de l'impôt dû par le prêteur.

Il s'agit donc de savoir si Tony Merchant a en fait prêté de l'argent à son fils. Selon la position que le ministre a prise, les paiements que Tony Merchant a effectués n'étaient pas de véritables paiements; en fait, ces paiements visaient à faire échec à la perception de l'impôt. La preuve n'étaye pas la position de la Couronne.

[21]      Le père et le fils ont tous deux témoigné que ces paiements ont toujours été destinés à constituer un prêt, comme le savaient les deux parties à l'opération. Les mesures que le père et le fils ont prises après que les paiements eurent été effectués indiquent l'existence d'une relation débiteur-créancier. Tony Merchant consignait par écrit les montants qu'il payait pour couvrir les dettes fiscales de chacun de ses fils. Il a en outre offert une explication vraisemblable au sujet de la raison pour laquelle il traitait ainsi les prêts. Matthew Merchant a rédigé à l'intention de son père une note dans laquelle il indiquait clairement qu'au mois de juin 2002, il devait encore une somme de 9 500 $ à son père, soit un chiffre conforme aux explications antérieures qu'il avait données au sujet du fait qu'il avait remboursé, sous la forme d'une somme globale, un montant de quelques milliers de dollars sur la dette de 14 000 $.

[22]      Aux dires de la Couronne, l'absence de documentation et l'intention de Tony d'éviter le recouvrement l'emporte sur le caractère légitime des dispositions prises à l'égard du prêt. Je ne suis pas d'accord. Premièrement, lorsqu'une famille est en cause et que les parents aident leurs enfants à poursuivre leurs études, je ne m'attends pas à voir des livres de comptabilité officiels. De fait, en consignant à la main les paiements au verso d'un contrat familial, Tony Merchant a tenu le genre même de document auquel on pourrait s'attendre lorsqu'une famille est en cause. L'absence d'autres documents ne me fait pas changer d'idée. Deuxièmement, je conclus qu'il n'existe aucune preuve d'intention de la part de Tony de faire échec à la perception de l'impôt. La Couronne signale que le fait que Tony savait que l'ARC cherchait à recouvrer de l'argent indique d'une façon ou d'une autre l'intention de faire échec aux procédures de perception. Le simple fait que Tony était au courant de la chose ne lui donne pas l'intention de se soustraire à une dette fiscale en prêtant de l'argent à ses fils. Ainsi, en 1998, Tony Merchant devait un montant de 173 000 $. Selon la preuve qu'il a présentée, il payait chaque année au titre de l'impôt un montant de 150 000 $ à la fin des années 1990. Il a payé la dette fiscale de 3 500 $ de Matthew et il s'attendait à être remboursé : cela était conforme à la méthode suivie, à savoir qu'il finançait les études de ses fils pendant un certain nombre d'années. Or, ces circonstances ne sont pas conformes à l'intention de faire échec à la perception de l'impôt. Je conclus à l'existence d'une entente d'emprunt de bonne foi entre Tony Merchant et Matthew Merchant et, partant, l'article 160 ne s'applique pas.

[23]      Il est inutile de traiter des deux autres arguments invoqués par l'appelant; il est malheureux qu'il en soit ainsi, étant donné qu'ils soulèvent des questions controversées fort intéressantes. Il faudra peut-être remettre à un autre jour l'examen de ces questions.

[24]      En conclusion, l'appel que Matthew Merchant a interjeté à l'égard de l'année d'imposition 1996 est rejeté et les appels qu'il a interjetés à l'égard des cotisations établies en application de l'article 160 sont admis, ces cotisations étant renvoyées au ministre, compte tenu du fait que l'article 160 ne s'applique pas aux paiements effectués par Tony Merchant au titre d'un prêt dans les années 1997, 1998, 1999 et 2002.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de février 2005.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de mars 2006.

Christian Laroche, LL.B.


RÉFÉRENCE :

2005CCI161

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2004-2571(IT)I, 2004-2572(IT)I, 2004-2573(IT)I, 2004-2574(IT)I, 2004-2375(IT)I

INTITULÉ :

Matthew Merchant c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :

Les 7 et 10 février 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Campbell J. Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 25 février 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Curtis Stewart

Avocate de l'intimée :

Me Galina M. Bining

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Curtis Stewart

Cabinet :

Bennett-Jones LLP

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           En fait, Matthew Merchant s'est fondé sur les dispositions législatives plus récentes, dans lesquelles l'expression « réinstallation admissible » est définie, à l'article 248. Or, ces dispositions n'étaient pas en vigueur en 1996.

[2]           2004CCI332.

[3]           59 DTC 1242.

[4]           96 DTC 1225.

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