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Dossier : 2006-955(EI)

ENTRE :

CAROL DESJARDINS,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 21 septembre 2006, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

 

Avocate de l'intimé :

Me Christina Ham

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 14e jour de décembre 2006.

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie

 


 

 

 

 

Référence : 2006CCI645

Date : 20061214

Dossier : 2006-955(EI)

 

ENTRE :

 

CAROL DESJARDINS,

appelant,

 

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

 

intimé.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge suppléant Savoie

 

 

[1]     Lappel a été entendu le 21 septembre 2006, à Montréal (Québec).

 

[2]     Il s’agit d’un appel de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») portant sur le nombre d’heures de travail assurables de l’appelant lorsqu’il était au service de Louis Desjardins, faisant affaires sous la raison sociale « Desjardins enreg.9 », (le « payeur »), du 23 février au 21 octobre 2004 (la « période en litige »).

 

[3]     Le 23 novembre 2005, le ministre a informé l’appelant de sa décision selon laquelle le nombre d’heures de travail assurables de celui-ci s’élevait à 764 heures. Au centre du débat se situe la détermination du ministre que les indemnités versées à la Commission de la construction du Québec (la « Commission ») ne créent pas d’heures de travail assurables pour l’appelant l’appelant.

 

[4]     Pour rendre sa décision, le ministre s’est appuyé sur les faits présumés suivants :

 

5 a)      le payeur a été immatriculé le 29 septembre 1997; (admis)

 

b)         Louis Desjardins est le propriétaire unique de l’entreprise; (admis)

 

c)         l’appelant est le frère de Louis Desjardins; (admis)

 

d)         le payeur exploitait une entreprise de maçonnerie; (admis)

 

e)         l’appelant avait été embauché comme apprenti briqueteur; (admis)

 

f)          les conditions de travail de l’appelant étaient régies par le décret pour les employés de la construction du Québec; (admis)

 

g)         l’appelant était rémunéré à l’heure par le payeur, selon les normes du décret; (admis)

 

h)         le 23 novembre 2004, le payeur émettait un relevé d’emploi à l’appelant qui indiquait comme premier jour de travail le 23 février 2004 et comme dernier jour de travail le 21 octobre 2004, les heures assurables totalisaient 764 heures et la rémunération assurable totale indiquée était de 18 499.95 $; (nié)

 

i)          l’appelant a été rémunéré par le payeur pour ses heures travaillées; (admis)

 

j)          le payeur devait remettre à la Commission de la construction du Québec une indemnité égale à 11 % de la rémunération gagnée par l’appelant à chaque semaine; (admis, sauf que l’appelant dit que le montant est de 11,5 %)

 

k)         cette indemnité représentait 6 % en congés annuels obligatoires et 5 % en jours fériés chômés; (admis, sauf que l’appelant dit que le montant est de 5,5 % et non de 5 %)

 

l)          la Commission de la construction du Québec devait verser les indemnités à l’appelant selon les dates prévues au décret; (admis)

 

m)        lors des congés fériés, l’appelant ne recevait pas de rémunération du payeur; (admis)

 

n)         lors des congés fériés, l’appelante n’avait pas d’heures d’emploi assurable; (nié)

 

o)         les indemnités versées à la Commission de la construction du Québec n’engendrent pas d’heures assurables à l’appelant; (nié)

 

[5]     L’appelant a admis tous les faits présumés du ministre, sauf ceux énoncés aux alinéas 5.h), j), k), n) et o), qu’il a niés.

 

[6]     La preuve a révélé que le payeur, le 23 novembre 2004, a effectivement remis un relevé d’emploi, comme l’indique l’alinéa 5h) de la réponse à l’avis d’appel.

 

[7]     Cependant, il a été établi que le payeur, le 15 décembre 2004, a remis un autre relevé d’emploi, au même travailleur, pour la même période que le relevé précédent, dans lequel il indiquait 820 heures de travail assurables.

 

[8]     À l’audition, l’appelant a expliqué que ce deuxième relevé d’emploi avait été préparé à sa demande, lorsqu’il a appris que le calcul de ses heures de travail assurables ne tenait pas compte des indemnités versées par le payeur à la Commission.

 

[9]     À l’audition, l’appelant a précisé que le payeur devait remettre à la Commission une indemnité égale à 11,5 % de la rémunération qui lui revenait, ce qui représentait 6 % pour les congés annuels obligatoires et 5.5 % pour les jours fériés chômés.

 

[10]    Il s’agit donc pour cette Cour de déterminer quelles sont les heures de travail assurables de l’appelant pendant la période en litige, ou, pour circonscrire davantage le débat, de déterminer si les indemnités versées à la Commission créent des heures de travail assurables pour l’appelant.

 

[11]    Il est fréquemment arrivé qu’une fausse interprétation de la portée de l’article 9.1 du Règlement sur l’assurance-emploi donne lieu à une certaine confusion au caractère assurable des indemnités versées à la Commission.

 

[12]    Cette Cour a eu à trancher le débat dans l’arrêt Massicotte c. Le ministre du Revenu national, n° 1999-238 (EI), 20 avril 2000,  [2000] A.C.I. 244, où le juge Cuddihy, après un bref historique de la question, s’exprimait ainsi au paragraphe 20 :

 

Ce régime a été mis en place afin de corriger plusieurs lacunes qui faisaient en sorte que plusieurs travailleurs étaient souvent privés de toute indemnité en raison, notamment, de la grande mobilité des travailleurs de la construction. En effet, il est depuis longtemps reconnu que, dans une grande proportion, les travailleurs de la construction travaillent pour plusieurs employeurs différents au cours d'une même année, selon les contrats obtenus par ces derniers. Cette situation avait pour effet, lors de l'arrivée des vacances annuelles, que les travailleurs devaient courir d'un employeur à l'autre pour réclamer leur indemnité de vacances et que, bien souvent, cette indemnité était irrécupérable, soit parce qu'un employeur était non solvable ou qu'il était tout simplement disparu dans la nature.

 

Le législateur québécois a donc décidé, il y a plusieurs années, de corriger la situation en instaurant un régime particulier qui ferait en sorte que l'indemnité serait payée à toutes les semaines et serait versée à un tiers qui la détiendrait en fidéicommis, pour et au nom des travailleurs, et leur verserait cette indemnité deux fois par année.

 

…prévoient que tout salarié bénéficie à chaque année de quatre semaines de congés annuels obligatoires (deux semaines en été et deux semaines en hiver) ainsi que d'un certain nombre de jours fériés et chômés. L'employeur doit donc, à chaque semaine, en plus de leur payer leur salaire normal, verser à chacun de ses salariés une somme égale à 11 % du salaire…

 

Giroux - et - Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, A-527-87, 15 avril 1988).

 

Dans cette affaire, le juge Pratte, qui a rendu la décision au nom de la Cour, a statué que les sommes reçues par un travailleur de la construction ne pouvaient avoir valeur de rémunération au moment où elles étaient versées par la Commission de la construction du Québec, puisque cette dernière ne faisait que remettre aux salariés leurs propres économies. Ce raisonnement de la Cour d'appel fédérale venait confirmer, pour les travailleurs de la construction du Québec, celui suivi par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Bryden [1982] 1 R.C.S. 443 et réaffirmé par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Vennari [1987] 3 C.F. 129.

 

Il faut retenir de ces décisions que les sommes versées par un fiduciaire à un salarié, à titre d'indemnité de vacances, ne peuvent avoir valeur de rémunération au moment où elles sont versées. Ces sommes constituent plutôt une rémunération au moment où l'employeur les paie au salarié, puisque c'est à ce moment que le salarié est imposé sur cette somme et qu'il verse des cotisations d'assurance-emploi.

 

C'est donc dans ce contexte particulier qu'il faut déterminer l'application des dispositions de l'article 10.1 du Règlement sur l'assurance-emploi aux sommes payées à un salarié par son employeur, à toutes les semaines, en guise d'indemnité pour congés annuels et jours fériés.

 

[13]    Quelles sont donc les heures de travail assurables de l’appelant? Les heures de travail assurables de l’appelant sont établies par l’article 9.1 du Règlement parce que la rémunération de l’appelant lui a été versée selon une base horaire. Dans ce cas, il est considéré comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures qu’il a effectivement travaillées et pour lesquelles il a été payé avant la cessation d’emploi.

 

[14]    Est-ce que la somme égale à 11.5 % du salaire gagné, qui est versée à la fin de chaque semaine par le payeur à la Commission à titre d’indemnité de congés annuels obligatoires et de jours fériés chômés crée des heures de travail assurables?

 

[15]    La décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Giroux précité, doit, à mon avis, recevoir application.

 

[16]    Les indemnités pour congés annuels obligatoires que l’appelant a reçues de la Commission n’ont pas valeur de rémunération. À mon avis, le raisonnement tient toujours et ne change pas peu importe que l’on calcule la période assurable en semaines ou en heures.

 

[17]    Le règlement de ce litige doit se faire selon les dispositions de l’article 9.1 du Règlement sur l’assurance-emploi qui prévoit que lorsque la rémunération d’une personne est versée sur une base horaire, la personne est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures qu’elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.

 

[18]    La preuve a démontré que le ministre a déterminé le nombre d’heures de travail assurables de l’appelant selon les dispositions de l’article 9.1 du Règlement sur l’assurance-emploi comme il se devait, selon l’interprétation énoncée dans les arrêts précités.

 

[19]    L’appelant n’a pas réussi à prouver le bien-fondé de l’intervention de cette Cour, qui doit conclure que les heures d’emploi assurables de l’appelant étaient, selon l’article 9.1 du Règlement sur l’assurance-emploi, de 764 heures, c’est-à-dire que les indemnités versées à la Commission ne créent pas d’heures de travail assurables pour l’appelant.

 

[20]    En conséquence, l’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

 

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 14e jour de décembre 2006.

 

 

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI645

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-955(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              CAROL DESJARDINS ET M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 21 septembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 14 décembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

 

Avocate de l'intimé :

Me Christina Ham

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                   Nom :                            

 

                   Étude :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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