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Dossier : 2005-310(IT)I

ENTRE :

BERT TOLHOEK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 2 et 3 novembre 2005 et les 16 et 17 février 2006,

à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Clifford L. Rand

Me David C. Muha

 

Avocats de l’intimée :

Me Patricia Lee

Me Bobby Sood

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1997 est rejeté, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 


Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 15e jour de décembre 2006.

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de mars 2008.

 

Maurice Audet, réviseur


 

 

 

Référence : 2006CCI681

Date : 20061215

Dossier : 2005-310(IT)I

ENTRE :

BERT TOLHOEK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Campbell

 

Introduction

 

[1]     Le présent appel vise une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour l’année d’imposition 1997. Il soulève certaines questions touchant le financement à recours limité et le pouvoir du ministre d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale applicable, lorsque des abris fiscaux déterminés sont en cause.

 

[2]     En résumé, l’appelant a investi des fonds dans un abri fiscal lié à un logiciel et conçu pour tirer profit d’une déduction pour amortissement de 100 pour 100. Par le truchement de diverses entreprises et d’une série complexe d’opérations, l’appelant a acheté une participation dans la société en commandite propriétaire du logiciel en contrepartie d’argent comptant et de la prise en charge d’une dette. L’appelant a ensuite déduit le montant total de l’investissement (argent comptant et quote‑part d’un billet à ordre) dans sa déclaration de revenus pour 1997.

 

[3]     Le logiciel avait trait à la négociation de contrats à terme sur instrument financier. Il a été payé par la société en commandite au moyen d’un billet à ordre égal au prix d’achat. Des parts de la société ont ensuite été vendues à des investisseurs qui assumaient une quote‑part de la dette. Le vendeur du logiciel avait garanti que le logiciel pouvait générer des revenus qui permettraient à tout le moins d’acquitter le principal payable au titre du billet à ordre avant qu’il ne devienne exigible. L’entente prévoyait en outre un mécanisme de paiement de l’intérêt exigible aux termes du billet à ordre.

 

[4]     Le 18 mai 1998, le ministre a établi un avis de cotisation à l’égard de l’appelant. Par un avis de nouvelle cotisation daté du 24 novembre 2003, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant et il a réduit la déduction relative à la perte au titre de la mise de fonds dans Icon Capital Limited Partnership (« ICON ») à 15 000,00 $, soit la fraction en numéraire de l’investissement de l’appelant.

 

[5]     S’appuyant sur l’article 143.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), et ses modifications (la « Loi »), le ministre a décidé que certaines parties de la dette (principal et intérêt) étaient réputées constituer des montants à recours limité et il a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

 

Les faits

 

[6]     Bien qu’ils soient nombreux et complexes, les faits en l’espèce sont pour la plupart non contestés. Il est néanmoins primordial de situer le présent appel dans son contexte pour trancher les questions en litige. Voici donc un résumé des faits.

 

I) Icon Capital Limited Partnership (« ICON »)

 

a.      Le 30 décembre 1996, ICON était une société en commandite constituée du commanditaire initial, Edward K. Furtak, et du commandité, ICLP Management Inc., société appartenant à Greg Coleman ou sous le contrôle de ce dernier.

 

b.     ICON était enregistrée comme abri fiscal conformément aux exigences de la Loi.

 

c.     ICON a acheté 100 pour 100 du logiciel « S&P Index » au moyen d’un billet à ordre de 20 000 000,00 $ daté du 30 décembre 1996 (le « billet pour achat » ou le « billet »). Le billet portait intérêt au taux de 5 pour 100 par année (payable annuellement) et était entièrement exigible le 1er décembre 2006.

 

d.     Le vendeur du logiciel était Trafalgar Capital, filiale de la société ayant élaboré le logiciel, Trafalgar Research. Ces deux personnes morales étaient sous le contrôle d’Edward K. Furtak.

 

e.      Le logiciel S&P Index consistait en un ensemble de programmes conçus pour produire des signaux de négociation relatifs à divers marchés à terme d’instruments financiers.

 

II) Offre

 

f.       Une notice d’offre datée du 30 mai 1997 faisait état d’une offre relative à des parts de la société en commandite ICON pour une somme maximale de 20 000 000,00 $, au prix de 1 000,00 $ la part. Pour chaque part, 30 pour 100 de la contrepartie était payable en espèces, en trois versements, dans les six mois de la clôture, et 70 pour 100 était payable par la prise en charge d’une quote‑part du billet.

 

g.     Outre qu’elle prévoyait qu’ICON avait acquis 100 pour 100 du logiciel S&P Index de Trafalgar Capital, la notice d’offre comportait une copie du billet pour achat et un [TRADUCTION] « contrat de droits d’utilisation de logiciel modifié » daté du 30 mai 1997.

 

h.     Parmi les déclarations et engagements stipulés au contrat de droits d’utilisation de logiciel modifié se trouvait l’alinéa 4.01(k), selon lequel les programmes d’ordinateur pouvaient produire au moins 500 rapports d’opérations par année, par tranche de 250 000,00 $ de fonds de négociation. Le contrat garantissait également un revenu annuel moyen d’au moins 12 pour 100 sur les fonds de négociation obtenus par effet de levier entre la date du contrat (30 mai 1997) et la date d’exigibilité du billet (1er décembre 2006). Ce revenu visait à acquitter la totalité du principal dû aux termes du billet.

 

III) Acquisition effectuée par l’appelant

 

i.        Sur le conseil de son conseiller financier, l’appelant a acheté 50 parts d’ICON pour la somme de 50 000,00 $.

 

j.        Conformément aux conditions stipulées dans l’offre, le prix d’achat a été payé au moyen d’argent comptant et de la prise en charge d’une quote‑part du billet. L’appelant devait verser trois paiements comptant totalisant 15 000,00 $ : un à la clôture en décembre 1997, un le 15 avril 1998 et un le 15 juillet 1998. De plus, l’appelant a signé une entente de prise en charge par laquelle il s’est engagé à payer à Trafalgar Capital, en qualité de vendeur du logiciel, la somme de 35 000,00 $ au titre du solde de sa souscription le 30 juin 1997. Cette somme correspondait à sa quote‑part du billet.

 

IV) ICAP (Bermuda) Limited Partnership (« ICAP ») et

fonds de négociation

 

k.     La notice d’offre mentionnait qu’ICON accorderait une licence relative aux programmes à ICAP (Bermuda) Limited Partnership (« ICAP ») qui, à son tour, utiliserait les programmes pour négocier le « fonds de négociation ».

 

l.        ICAP est une société en commandite qui a été constituée le 31 octobre 1997 par Trafalgar Capital (le commandité), Trafalgar Research et ICON en conformité avec les lois des Bermudes.

 

m.   Trafalgar Research a donné en gage le fonds de négociation, lequel était constitué des sommes en espèces tirées de la vente des parts sociales d’ICON.

 

n.     À titre de commandité d’ICAP, Trafalgar Capital devait investir le fonds de négociation conformément aux signaux générés par les programmes S&P Index.

 

o.     ICAP devait payer à ICON 20,00 $US pour chaque rapport de négociation produit par le logiciel. L’entente garantissait que le logiciel produirait un nombre minimal de rapports. Ces paiements devaient être traités comme des distributions aux commanditaires prélevées sur les capitaux propres et visaient à payer l’intérêt annuel dû à Trafalgar Capital au titre du billet pris en charge par les commanditaires au prorata de leur participation.

 

V) 31 décembre 1997

 

p.     L’offre d’ICON s’est clôturée à la fin de 1997.

 

q.     Pour l’exercice se terminant le 31 décembre 1997, les états financiers d’ICON montrent que des parts sociales ont été émises pour la somme de 14 880 000,00 $ et que le programme a été acheté pour la même somme. Il s’agissait d’une participation financière de 74,5 pour 100 dans le S&P Index obtenue en contrepartie de 4 464 000,00 $ (espèces) et de 10 416 000,00 $ (billet pour achat relatif à la société en commandite qui a été pris en charge par les commanditaires au prorata de leur participation).

 

r.       Dans le calcul du revenu à des fins fiscales pour la période se terminant le 31 décembre 1997, ICON a demandé une déduction pour amortissement de 100 pour 100 au titre de l’acquisition du logiciel S&P Index au coût de 14 880 000,00 $.

 

[7]     Lorsqu’il a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant, le ministre n’était pas convaincu qu’il existait des arrangements conclus de bonne foi pour le remboursement du principal exigible au titre du billet ou pour le remboursement de l’intérêt. Le ministre n’était pas convaincu, non plus, que les commanditaires avaient payé l’intérêt sur le billet. Par conséquent, il est arrivé à la conclusion que la dette au titre du billet constituait un montant à recours limité pour l’application de l’article 143.2 de la Loi. L’appelant a expressément nié les hypothèses suivantes invoquées par le ministre :

 

[Hypothèses du ministre concernant les arrangements conclus pour rembourser la dette]

 

[TRADUCTION]

nn)   La dette au titre du billet pour achat n’était pas garantie, le principal n’était pas exigible avant dix ans, le taux d’intérêt applicable à celui‑ci n’était que de cinq pour cent (5 %) par année et le billet était consenti sous réserve, notamment, de la garantie donnée par Trafalgar Capital voulant que le logiciel S&P Index génère un rendement annuel moyen d’au moins 12 pour 100 sur les fonds de négociation obtenus par effet de levier;

 

oo)   Trafalgar Capital ne pouvait transférer, céder, donner en gage ni autrement grever la dette visée par le billet sans le consentement écrit exprès de son auteur, lequel consentement pouvait être refusé de manière déraisonnable;

 

pp)   La participation du commanditaire dans la société en commandite, y compris les obligations au titre du billet, pouvait être transférée par le commanditaire;

 

qq)   Les commanditaires s’attendaient à n’avoir aucune somme à payer au titre de l’intérêt sur leurs propres fonds, peu importe les revenus ou les bénéfices réels réalisés par la société en commandite;

 

rr)    Les arrangements, quels qu’ils soient, voulant que Trafalgar Capital ou Trafalgar Research fournisse des fonds suffisants pour remplir l’obligation de payer l’intérêt, y compris les garanties visant les frais minimaux exigés pour les rapports de négociation, ne constituaient pas des arrangements commerciaux conclus de bonne foi;

 

ss)    Les arrangements relatifs au remboursement du billet pour achat et de la totalité de l’intérêt couru sur la dette ne constituaient pas des arrangements conclus de bonne foi.

 

[Hypothèses du ministre concernant le paiement d’intérêt sur le billet]

                                                                                                                             

[TRADUCTION]

ff)     Les commanditaires de la société en commandite, y compris l’appelant, n’ont payé la totalité de l’intérêt dû au titre du billet pour achat – élément de passif qui a été pris en charge par les commanditaires – relativement à aucune des dettes de 1997, 1998, 1999 ou 2000;

 

gg)   Aucun des commanditaires n’a directement payé une somme, sur ses propres fonds, au titre de l’intérêt; la société en commandite a plutôt déclaré, pour chacune des années, qu’elle avait payé l’intérêt avec les revenus versés à titre de distributions aux commanditaires;

 

hh)   La société en commandite n’a jamais réalisé de revenus suffisants dans l’une ou l’autre de ces années pour payer la totalité de l’intérêt dû par les commanditaires;

 

ii)     Au début des années 1998 et 2000, des fonds ont été transférés à la société en commandite, apparemment par Trafalgar Research, puis immédiatement retournés par la société, et l’on a déclaré qu’il s’agissait de paiements d’intérêt au titre du billet pour achat pour l’année venant juste de se terminer;

 

jj)     Les fonds transférés à la société en commandite puis retournés par celle‑ci ne constituaient pas des revenus gagnés par la société ni des sommes relatives à des revenus de la société; il ne s’agissait pas de sommes dues à la société ni de sommes payées par les débiteurs, à savoir les commanditaires, sur leur dette au titre du billet pour achat;

 

kk)   Les arrangements contractuels n’obligeaient pas Trafalgar Capital et/ou Trafalgar Research à transférer ou à fournir à la société en commandite ICON ou aux commanditaires des fonds suffisants pour payer la totalité de l’intérêt sur leur dette;

 

ll)     Quant à l’intérêt exigible aux termes du billet pour achat pour 1998, aucune somme n’a été versée à ce titre; on a plutôt procédé à un crédit au moyen d’une écriture de journal;

 

mm) La société en commandite n’a déclaré aucun revenu ni aucune distribution aux commanditaires pour l’année 2000.

 

[8]     En outre, le ministre a mentionné que des renseignements disponibles aux Bermudes étaient nécessaires pour décider si la dette des commanditaires d’ICON constituait un montant à recours limité pour l’application de l’article 143.2, et qu’on avait omis de fournir cette information à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») contrairement à la demande faite en ce sens. Le ministre n’était donc pas convaincu que la dette ne constituait pas un montant à recours limité pour l’application de cette disposition.

 

Questions en litige

 

[9]     Malgré la complexité des faits en l’espèce, j’estime que les questions en litige sont simples. Les voici :

 

(1)  Est‑ce à juste titre que le montant de la dette impayée de l’appelant aux termes du billet pour achat a été réputé constituer un montant à recours limité selon le paragraphe 143.2(7)?

 

(2)  La règle déterminative prévue au paragraphe 143.2(13), « Renseignements à l’étranger concernant une dette », s’applique‑t‑elle?

 

(3)  Le paragraphe 143.2(15) conférait‑il au ministre le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation?

 

(4)  La dette à recours limité de l’appelant a‑t‑elle été déduite, conformément au paragraphe 143.2(6), de la fraction à risques de son intérêt au sens des paragraphes 96(2.1) et (2.2)?

 

(5)  A‑t‑on retenu un impôt exigible sous le régime de la partie XIII de la Loi?

 

[10]    Au paragraphe 14 de la réponse modifiée à nouveau, le ministre soulève également une question touchant le paragraphe 143.2(8). Toutefois, comme cet argument n’a pas été invoqué à l’audience, je n’en traiterai pas ici.

 

[11]    En ce qui concerne le point (4), le paragraphe 143.2(6) est une disposition essentielle de l’article 143.2. Il est toutefois inutile que je procède à un examen approfondi du paragraphe 143.2(6) puisque j’estime que ma décision relative aux paragraphes 143.2(7) et 143.2(13) aura pour effet de trancher cette question. Il suffit de préciser que, suivant cette disposition, lorsque le paragraphe 143.2(7) ou (13) s’applique, il faut déduire la dette à recours limité réputée du montant d’une dépense du contribuable relative à l’abri fiscal.

 

[12]    Quant au point (5), la retenue d’impôt n’a été abordée par aucun des avocats dans leurs observations et je ne tirerai donc aucune conclusion à cet égard.

 

[13]    Par conséquent, les trois questions suivantes sont, dans l’ordre, celles qu’il me reste à examiner.

 

Analyse

 

(1)     Est‑ce à juste titre que le montant de la dette impayée de l’appelant aux termes du billet pour achat a été réputé constituer un montant à recours limité selon le paragraphe 143.2(7)?

 

[14]    Suivant le paragraphe 143.2(7), le principal impayé de certaines dettes à long terme est réputé être un montant à recours limité sauf si les exceptions prévues s’appliquent. Cette disposition est ainsi rédigée :

 

(7) Remboursement de dette – Pour l’application du présent article, le principal impayé d’une dette est réputé être un montant à recours limité sauf si :

 

a) des arrangements, constatés par écrit, ont été conclus de bonne foi, au moment où la dette est survenue, pour que le débiteur rembourse la dette et les intérêts y afférents dans une période raisonnable ne dépassant pas dix ans;

 

b) les intérêts sont payables au moins annuellement, à un taux égal ou supérieur au moins élevé des taux suivants, et sont payés sur la dette par le débiteur au plus tard 60 jours suivant la fin de chacune de ses années d’imposition qui se termine dans la période visée à l’alinéa a) :

 

(i) le taux d’intérêt prescrit en vigueur au moment où la dette est survenue,

 

(ii) le taux d’intérêt prescrit applicable pendant la durée de la dette.

 

[15]    Comme le signale le terme « and » [et], qui sépare les alinéas (a) et (b) de la version anglaise du paragraphe 143.2(7) [et qui est rendu par l’expression « sauf si » à la fin de la phrase introductive de ces alinéas dans la version française], les deux conditions doivent être réunies. Je me pencherai sur chacune des conditions de façon distincte.

 

a)      Arrangements conclus de bonne foi

 

[16]    L’appelant a fait valoir que, pour l’application de cette disposition, les arrangements sont conclus de bonne foi s’il existe une véritable intention de rembourser. Il a affirmé qu’au vu du billet signé le 30 décembre 1996, la condition énoncée à l’alinéa 143.2(7)a) est remplie. Il avance en outre que ni le caractère exécutoire ni la présence d’indices de commercialité ne sont pertinents à cette analyse. D’après lui, l’hypothèque du vendeur d’un bien locatif, assortie d’une garantie du vendeur selon laquelle le bien produira des fonds d’une somme donnée, peut être considérée comme un indice de référence pour évaluer l’abri fiscal visé en l’espèce. L’appelant a ajouté que, même si le mouvement du flux monétaire est essentiellement circulaire, la source des fonds utilisés pour payer le principal et/ou l’intérêt n’a pas de pertinence dans le cadre de la présente affaire.

 

[17]    L’intimée a soutenu qu’aucun arrangement de bonne foi pour le remboursement de la dette par les commanditaires d’ICON n’avait été conclu. Selon l’intimée, un contribuable est tenu de satisfaire aux cinq éléments constitutifs de l’alinéa 143.2(7)a), à savoir :

 

1.     arrangements conclus de bonne foi;

2.     constatés par écrit;

3.     conclus au moment où la dette est survenue;

4.     conclus pour que le débiteur rembourse la dette et les intérêts y afférents;

5.     dans une période raisonnable ne dépassant pas dix ans.

 

[18]    L’intimée a invoqué le passage suivant de la décision Deckelbaum v. M.N.R., 82 DTC 1636, à la page 1638 :

 

[…] Un arrangement est un accord ou une entente entre des parties et quand il a pour but d’éviter consciemment de payer l’impôt sur le revenu qui serait autrement payable, les parties en cause doivent être extrêmement méticuleuses. Encore plus quand le mot « arrangement » dans l’article pertinent est suivi de l’expression « de bonne foi » qui, par son imprécision, devrait inciter à une très grande prudence.

 

Elle renvoie également à la décision Peringieri v. M.N.R., 93 DTC 158, dans laquelle le juge Rip (maintenant le juge en chef adjoint Rip) qualifie d’« authentiques » les arrangements conclus de bonne foi.

 

[19]    L’intimée a proposé une analyse en deux étapes pour décider si les exigences fixées à l’alinéa 143.2(7)a) en ce qui a trait aux arrangements conclus de bonne foi sont remplies : il faut d’abord définir les conditions de l’arrangement, puis examiner les indices d’authenticité afin de vérifier si un arrangement véritable et de bonne foi existe. Après avoir examiné les conditions des ententes intervenues en l’espèce à la lumière des indices d’authenticité, l’intimée a conclu qu’il n’existait aucune obligation véritable entre les parties. L’abri fiscal comportait un mécanisme qui visait à imprimer un mouvement circulaire au flux monétaire, mais qui ne constituait pas un paiement pour l’application de la disposition pertinente.

 

[20]    Malgré les judicieux arguments de l’appelant, j’estime que l’approche qu’il propose est problématique à plusieurs égards. Il a affirmé que la preuve de l’existence d’arrangements conclus de bonne foi était apparente à la lecture du billet, ce qui n’est tout simplement pas le cas. En outre, la thèse de l’appelant est, de nombreuses façons, définie par la négative. L’appelant a répété à maintes reprises que tous les indices d’authenticité soulevés par l’intimée sont dénués de pertinence. À mon avis, l’appelant a écarté un certain nombre de points préoccupants en se contentant d’invoquer leur manque de pertinence.

 

[21]    Selon le Black’s Law Dictionary, l’expression bona fide [de bonne foi] se définit ainsi :

 

[TRADUCTION]

adj. 1. Fait de bonne foi; en l’absence de fraude ou de tromperie. 2. Sincère; authentique.

 

En définitive, l’existence d’arrangements de bonne foi est une question de fait et je crois que l’approche proposée par l’intimée pour décider si de tels arrangements ont été conclus pour le remboursement de la dette, conformément au paragraphe 143.2(7), est celle qui convient.

 

[22]    Le terme « arrangements », tel qu’il est employé dans la disposition applicable, comporte une multitude d’aspects. Si, après avoir examiné les faits, un volet fondamental de l’ensemble des arrangements ne répond pas à l’exigence relative à la bonne foi, cela pourrait se révéler fatal pour l’abri fiscal dans son entier. Si, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le cumul des points préoccupants tend à montrer que, de façon générale, les « arrangements » n’ont pas été conclus de bonne foi, cela aussi devrait sonner le glas de l’abri fiscal. L’examen de l’éventail d’indices présentés par l’intimée donne à penser que l’abri fiscal dans son ensemble n’a pas été établi totalement de bonne foi, et l’appelant ne peut s’attendre à ce que les nombreux problèmes liés à cet abri soient résolus simplement parce qu’il affirme qu’ils ne sont pas pertinents.

 

[23]    L’analogie qu’établit l’appelant entre cet abri fiscal et l’hypothèque du vendeur n’est que partiellement valable. Peu importe la raison pour laquelle on offre une hypothèque du vendeur dans le cadre d’une opération immobilière, cela met en lumière les positions de négociation respectives des parties ainsi que l’état du marché au moment de la vente. À titre d’exemple, l’acquéreur pourrait être peu enclin à courir des risques et le vendeur, disposé à accepter des conditions moins avantageuses en raison de la faiblesse du marché.

 

[24]    Or, l’opération visée en l’espèce consiste en un abri fiscal enregistré. Ce genre d’abri est souvent financé au moyen d’une dette sans que ne soient conclus des arrangements authentiques pour son remboursement; il peut arriver que des particuliers achètent des participations dans un abri, avec peu de fonds, tout en bénéficiant de pertes importantes et des crédits correspondants. L’appelant compare une opération commerciale et un abri fiscal. Pourtant, dans le cadre d’une opération commerciale, les parties assument des obligations réciproques, alors que l’abri fiscal fait l’objet de dispositions particulières dans la Loi en tant que genre particulier d’investissement assujetti à des règles précises visant à éviter les abus potentiels.

 

[25]    L’article 143.2 a pour objet de contrecarrer un de ces abus particuliers, soit la dette sans recours. L’appelant affirme que les pratiques commerciales irrégulières constituent presque la norme dans les arrangements de ce genre. J’estime néanmoins que, si les opérations sont modifiées sans documents écrits, si les parties se livrent à des pratiques commerciales peu rigoureuses et si toute cette situation paraît suspecte en l’absence d’éléments de preuve ou de précisions à l’effet contraire, on ne devrait pas considérer qu’il s’agit de la norme. Pris ensemble, ces facteurs m’amènent à conclure qu’on peut difficilement estimer que les arrangements en l’espèce ont été pris de bonne foi.

 

Preuve de la bonne foi au vu du billet

 

[26]    L’appelant a soutenu que la preuve la plus probante de la nature de l’arrangement se trouve dans le billet pour achat. À mon sens, cette approche fait fi des détails donnés dans d’autres documents pertinents à l’opération en cause. Par exemple, l’article 5.05 du contrat de droits d’utilisation de logiciel modifié énonce que, si le logiciel ne produit pas un rendement annuel de 12 pour 100 sur les fonds de négociation obtenus par effet de levier, ICON peut remplacer les membres du conseil d’administration de Trafalgar Capital.

 

[27]    De plus, le billet comporte une clause de remboursement anticipé qui s’applique en cas de défaut d’ICON et qui permet à Trafalgar Capital d’exiger le paiement immédiat. Le recours à cette clause était toutefois des plus improbables car, même si ICON omettait de payer des fonds suffisants pour remplir ses obligations envers Trafalgar Capital, elle pouvait simplement « prendre les commandes » du conseil d’administration de cette dernière. À l’image du mouvement circulaire du flux monétaire en l’espèce, les recours que le débiteur et le créancier peuvent exercer l’un contre l’autre font aussi penser à un cercle. On pourrait avancer que, si elle ne produisait pas des revenus suffisants pour acquitter sa dette envers Trafalgar Capital, ICON avait la possibilité de « prendre les commandes » de cette société avant qu’elle n’invoque la clause de remboursement anticipé. Ce facteur revêt une importance essentielle qui transcende les conditions du billet.

 

[28]    Les conditions du billet, y compris les dates d’échéance, le montant de l’offre, les documents modificatifs et l’objet censément visé par ceux‑ci, sont sources de confusion. Il est difficile de savoir quelle est la somme d’argent totale qui a été réalisée par suite de l’offre de vente des parts. La preuve documentaire montre qu’ICON a obtenu moins que les 20 millions de dollars précisés dans la notice d’offre. La preuve documentaire consistait en des doubles du grand livre général et des états financiers. Les documents de base auraient constitué une preuve plus probante. En outre, quelque 20 pour 100 des souscripteurs d’ICON ont omis de verser leur apport et la preuve laisse entendre que de nombreux autres ne l’ont pas remis en totalité avant la clôture de l’offre. En conséquence, non seulement le montant définitif de l’offre est‑il indéterminé, mais le moment où la somme définitive a été confirmée est lui aussi inconnu, ce qui influait sur le montant de l’intérêt exigible à tout moment.

 

[29]    J’ai également des préoccupations en ce qui concerne les documents modificatifs : si le billet pour achat était assujetti au contrat de droits d’utilisation de logiciel et qu’on renvoie au « mauvais » contrat de droits d’utilisation, cela signifie que l’incertitude demeure quant aux véritables conditions de l’ensemble du contrat. Il est donc plus difficile de savoir si les arrangements, dont quelques‑uns sont incertains, ont été conclus de bonne foi. L’argument de l’appelant, selon lequel les conditions écrites de l’entente étayent à elles seules l’assertion voulant qu’il ait existé une véritable intention de rembourser, ne va pas de soi et n’est pas satisfaisant. Il est tout à fait logique d’examiner les détails de l’affaire. Pour respecter les dispositions de l’alinéa 143.2(7)a), il importe que ces détails supplémentaires pertinents étayent et renforcent les conditions écrites de l’arrangement.

 

Jurisprudence touchant les arrangements conclus de bonne foi

 

[30]    À mon sens, la jurisprudence relative au paragraphe 15(2) invoquée par l’appelant soulève des difficultés. Bien qu’il existe une présomption relative à l’uniformité d’expression – principe fondamental d’interprétation législative exigeant que les mêmes termes aient le même sens dans tout le texte législatif –, le poids accordé à cette présomption varie parce que les termes employés dans un texte législatif peuvent avoir des sens différents selon le contexte dans lequel ils sont utilisés (Barrie Public Utilities c. Association canadienne de télévision par câble, [2001] 4 C.F. 237, 2001 CAF 236). Les réalités de la rédaction législative peuvent influer sur cette présomption.

 

[31]    L’appelant s’est appuyé sur la décision Davidson v. The Queen, [1999] 3 C.T.C. 2159 (C.C.I.), dans laquelle le juge Bowie a conclu que la source des fonds utilisés pour faire les paiements n’était pas pertinente. Cependant, l’article 15 a été modifié peu après cette décision. De même, le fait que le paragraphe 15(2), examiné dans la décision Davidson, ne figurait pas dans la Loi en même temps que les dispositions relatives aux abris fiscaux mine l’argument de l’appelant lorsqu’il tente d’appliquer une approche identique, voire similaire, à l’égard de ces deux dispositions.

 

[32]    L’article 15, qui traite des avantages conférés aux actionnaires, se trouve dans la sous‑section b, « Revenu ou perte provenant d’une entreprise ou d’un bien », de la section B, « Calcul du revenu ». L’article 14 de la Loi d’interprétation, L.R. 1985, ch. I‑21, n’exclut pas expressément les rubriques et les titres; ces éléments font donc partie du contexte interprétatif de la Loi. Les investissements dans des entreprises ou des biens productifs de revenus relèveraient habituellement de la sous‑section b de la section B, soit la section contenant l’article 15. Il est donc légitime de conclure que les termes « arrangements conclus de bonne foi » employés dans toute la section B doivent être interprétés de façon uniforme. Cependant, l’article 143.2 figure dans la section F, intitulée « Règles applicables en certains cas », de la partie I.

 

[33]    Dans le présent appel, les termes « arrangements conclus de bonne foi » se trouvent dans une disposition qui vise des investissements particuliers dont le gouvernement se préoccupe spécialement : les abris fiscaux. Cette disposition a été intégrée dans une section « spéciale » qui s’intitule « Règles applicables en certains cas ». Je crois qu’il est raisonnable de conclure que le libellé des dispositions comprises dans cette section « spéciale » de la Loi régissant « certains cas » ne doit pas être interprété de la même manière que d’autres parties de la Loi.

 

[34]    Il est essentiel d’examiner divers indices et diverses exigences en matière de preuve pour saisir l’ensemble de la relation qui existe entre les parties quant à l’obligation de rembourser la dette. C’est ainsi qu’il faut interpréter cette disposition. Même s’il existe des différences entre un « arrangement » et un « contrat », j’estime que soit les parties ont conclu une entente explicite et exécutoire qui a un sens pour elles, soit elles ne l’ont pas fait. Si la preuve n’étaye pas l’existence d’une entente ayant force obligatoire, elle va alors inévitablement à l’encontre des règles relatives aux dettes à recours limité.

 

[35]    Les dispositions pertinentes ont pour objet de combattre les abus en matière d’abri fiscal. Il est tout simplement déraisonnable de laisser entendre que le législateur a édicté ce texte législatif avec l’intention d’y laisser une telle lacune. La disposition en cause ne se prête pas à une interprétation qui aurait essentiellement pour effet de soustraire à son application les parties non tenues de rembourser leur dette au titre d’un abri fiscal. La disposition vise justement les dettes à recours limité. Même si l’on accepte la prétention de l’appelant voulant que les arrangements conclus de bonne foi puissent constituer des ententes n’ayant pas force obligatoire sur le plan contractuel et commercial, je crois qu’ils doivent présenter les éléments requis qui permettront de les définir comme des ententes authentiques et conclues de bonne foi (comme l’a déclaré le juge Rip dans la décision Peringieri, précitée). À ce titre, il doit exister des éléments de preuve justifiant une telle conclusion.

 

Autres indices de l’existence d’arrangements conclus de bonne foi

 

[36]    L’intimée a proposé un certain nombre d’autres indices susceptibles d’aider la Cour à décider s’il existe des arrangements conclus de bonne foi pour le remboursement. Il y avait 99 commanditaires dont le pays de résidence différait de celui des personnes responsables de l’abri. Pourtant, les commanditaires n’ont fourni aucune sûreté ni garantie. Les documents dont la Cour est saisie sont quelque peu imprécis et la plupart des données financières ne sont pas étayées par des documents de base. Le principal de la somme visée par le billet n’était pas exigible avant la fin du terme de dix ans. Le 30 juin 2006, les débiteurs ont exercé leur option et ont pris les commandes du conseil d’administration de Trafalgar Capital peu avant que le billet ne vienne à échéance le 1er décembre 2006. De plus, le fait que M. Furtak se trouvait dans chacun des camps parties à l’opération, à tout le moins initialement, laisse planer un doute quant à la relation emprunteur/prêteur. Trafalgar Capital ne pouvait transférer la dette. Enfin, il n’y avait aucun risque de perte véritable puisque le débiteur disposait d’un puissant recours contre le créancier dans l’éventualité où ce dernier omettrait de respecter la garantie relative au revenu.

 

[37]    À elle seule, la garantie relative au revenu n’est pas préoccupante. Cependant, la véracité de l’intention de rembourser est mise en doute par l’interaction entre cette garantie, le recours d’ICON contre Trafalgar Capital et les ramifications liées au remboursement de la dette.

 

[38]    De même, à lui seul, le mouvement circulaire du flux monétaire n’est pas non plus spécialement préoccupant, dans la mesure où il s’agit de circonstances dans lesquelles l’opération a été conclue de bonne foi. Ce n’est toutefois pas un indice particulièrement utile pour décider si l’opération a été conclue de bonne foi puisque Trafalgar Capital bénéficiait de garanties selon lesquelles les sommes d’argent transférées à ICON lui seraient immédiatement retournées. Le risque lié au transfert des sommes d’argent était soit très faible, soit inexistant. Même si aucun de ces indices ne suffit, à lui seul, à faire pencher la balance, ils permettent, lorsqu’on les examine ensemble, d’affirmer que les opérations entre ICON, Bermuda LP et Trafalgar Capital n’ont pas été conclues totalement de bonne foi.

 

[39]    En outre, l’intimée a fait une observation intéressante et valable liée au fait que Trafalgar Capital a conservé environ 25 pour 100 du logiciel S&P Index. Rien dans la preuve ne donne à penser que Trafalgar Capital n’avait pas le droit de continuer d’utiliser la partie du logiciel qu’elle n’avait pas vendue à ICON. J’en arrive donc à la même question que celle posée par l’intimée : si Trafalgar Capital a vendu 75 pour 100 du progiciel, lequel peut être copié à l’infini sans diminuer la valeur du bien, pourquoi était‑elle tenue de payer pour l’utilisation du logiciel alors qu’elle avait toujours la possibilité d’utiliser environ 25 pour 100 du programme?

 

[40]    Après avoir examiné tous les faits, en particulier le mouvement circulaire du flux monétaire et les contradictions présentes dans la preuve produite, je dois conclure que les arrangements n’ont pas été conclus de bonne foi. Je crois que l’approche préconisée par l’appelant aurait pour effet de contrecarrer l’objet même de la Loi. Sans simplifier outre mesure, les termes « arrangements conclus de bonne foi », en matière d’abri fiscal, ne peuvent être interprétés en faveur d’un contribuable simplement parce qu’un investisseur comparaît devant la Cour et lui demande d’accepter qu’il existait une intention honnête de rembourser la dette. La notion d’arrangements conclus de bonne foi vise davantage que cela. On devrait voir d’emblée qu’il s’agit d’une entente ayant force obligatoire pour les parties; il faudrait que ce soit évident à première vue. Malgré l’abondante preuve dont je suis saisie, certaines questions touchant les conditions précises de l’opération sont restées sans réponse. J’arrive donc à la conclusion que l’opération intervenue entre les parties ne peut être assimilée à des arrangements conclus de bonne foi, contrairement aux exigences de l’alinéa 143.2(7)a).

 

b)      Intérêt payé

 

[41]    Il ressort sans équivoque de son libellé que l’alinéa 143.2(7)b) comporte deux exigences principales : des intérêts payables au moins annuellement au taux prescrit, et payés au plus tard 60 jours suivant la fin de chacune des années d’imposition du débiteur qui se termine dans la période. Si ma conclusion relative à l’alinéa 143.2(7)a) est fondée – c’est‑à‑dire qu’il n’y a pas d’arrangements conclus de bonne foi –, je n’ai pas à me prononcer sur la question de savoir si des intérêts ont jamais été réellement payables. Même si ma conclusion quant à l’absence d’arrangements conclus de bonne foi est erronée, il découle du critère à double volet prévu par cette disposition, selon lequel les deux conditions énoncées aux alinéas 143.2(7)a) et 143.2(7)b) doivent être remplies, que l’ensemble de la question est résolu lorsque la Cour tranche de manière définitive le point de savoir si des intérêts ont réellement été payés.

 

[42]    L’appelant a soutenu que les intérêts étaient payés annuellement au taux prescrit et il a présenté des témoignages et des états financiers à l’appui de cette assertion. Il a affirmé que l’opération avait été structurée de telle sorte que le revenu qu’ICON tirait des rapports de négociation soit traité comme une distribution aux commanditaires et que ces paiements servent ensuite à payer les intérêts dus à Trafalgar Capital. Selon les témoins de l’appelant, les intérêts étaient payés soit en totalité chaque année, soit au moyen d’écritures compensatoires en 1998.

 

[43]    L’intimée a fait valoir que les versements d’intérêt ne pouvaient être connus parce que l’appelant, tant pendant la vérification qu’à l’instruction, a présenté des pièces justificatives contradictoires pour étayer le montant du principal dû au titre du billet, les revenus gagnés par ICON et les sommes réellement payées par les commanditaires.

 

[44]    L’intimée a également avancé que cette disposition exige un paiement, non un crédit. Même si les écritures compensatoires peuvent être considérées comme un paiement, l’intimée invoque qu’elles ne pouvaient suffire en l’espèce puisque Trafalgar Capital ne devait d’argent ni à ICON ni à chacun des commanditaires. ICAP s’était engagée à payer les frais au titre des rapports de négociation, mais pas Trafalgar Capital. De plus, l’intimée a nié que des revenus suffisants avaient été produits pour acquitter l’intérêt dû, avec ou sans les fonds de négociation obtenus par effet de levier.

 

[45]    L’appelant et l’intimée conviennent que l’intérêt était payable au moins annuellement et qu’il y avait un taux d’intérêt prescrit. La question de savoir si l’intérêt a été payé dans les 60 jours se trouve donc au cœur du litige. Contrairement à ce qu’avance l’appelant, je suis tenue, pour résoudre cette question de façon appropriée, de me demander si des intérêts, quels qu’ils soient, ont vraiment été payés et, le cas échéant, s’il s’agissait de la bonne somme.

 

[46]    Je crois qu’il est essentiel que l’intérêt ait été payé dans le cadre d’« arrangements conclus de bonne foi ». À l’instar de ma conclusion relative à l’alinéa 143.2(7)a), je n’estime pas que le mouvement circulaire du flux monétaire constitue en soi un problème, dans la mesure où les indices liés à la bonne foi sont par ailleurs présents; de même, les écritures compensatoires effectuées en 1998 ne soulèvent à mon sens aucune difficulté. La jurisprudence à cet égard est on ne peut plus claire et la décision Armstrong v. Canada (Minister of National Revenue, M.N.R.), (1987) 88 DTC 1015, du juge Bonner, a été mentionnée avec approbation dans de nombreuses affaires.

 

[47]    Certes, lorsque j’examine chacune des années d’imposition, en particulier 1997, des fonds ont circulé et des opérations apparentées à des paiements ont eu lieu dans le délai prévu à l’alinéa 143.2(7)b). Ces faits à eux seuls ne permettent toutefois pas de résoudre l’affaire et il faut alors se demander si ces opérations apparentées à des paiements constituent un paiement d’intérêt au sens de l’alinéa 143.2(7)b). Se contenter de présenter une preuve du mouvement circulaire du flux monétaire et n’offrir pratiquement aucun autre élément de preuve sur ce point n’est pas suffisant pour faire en sorte que l’abri fiscal soit assimilé à un arrangement conclu de bonne foi. Cette preuve n’établit rien et, en réalité, comme aucun autre élément n’a été présenté, je crois qu’il convient d’examiner plus attentivement l’abri fiscal à la lumière des dispositions applicables en la matière. Comme je l’ai mentionné plus haut, il m’est difficile de déterminer avec certitude quelles étaient réellement les conditions précises de l’arrangement. Lorsque la preuve est équivoque quant au montant exact du principal de la dette, il est difficile, voire impossible, de déterminer le montant exact de l’intérêt à payer chaque année.

 

[48]    M. Coleman et M. Furtak ont tous deux témoigné de manière générale au sujet du paiement d’intérêt, mais ni l’un ni l’autre n’était en mesure de préciser comment a été calculé le paiement de 700 000,00 $ versé en 1997 (transcription, pages 362, 365, 493 et 494). De même, pendant son témoignage, M. Tolhoek a été incapable de fournir quelque précision quant à ses obligations de paiement, y compris le taux d’intérêt, le montant de l’intérêt ou les dates auxquelles des paiements ont été versés. Selon l’appelant, les états financiers vérifiés et les états des revenus d’une société de personnes montrent qu’un revenu suffisant a été gagné et que l’intérêt a été payé. Cependant, outre que ces documents ne sont pas des documents de base, les états financiers pour 1999 et 2000 ont été établis avec le niveau d’assurance le plus faible et compilés sans vérification des renseignements.

 

[49]    Je suis également saisie d’éléments de preuve contradictoires en ce qui touche le montant du principal dû au titre du billet, les revenus gagnés par ICON et les sommes en espèces initialement versées par les commanditaires. La preuve montre que le montant du principal visé par le billet a été réduit lorsque l’offre n’a pas été acceptée en entier. Cependant, je ne sais pas quand cette offre a été modifiée et on ne m’a pas remis le billet modifié. Bien qu’il ressorte des témoignages oraux que cette somme a été réduite à 14,88 millions de dollars, seuls certains d’entre eux paraissent confirmer ce chiffre.

 

[50]    La nature de la garantie relative au revenu est également discutable. L’article 4.01(k) constitue une disposition essentielle de l’abri fiscal en cause, mais il ne fait pas mention d’un fonds de négociation « obtenu par effet de levier » dans le calcul du nombre de rapports de négociation. Le lien entre le revenu et les rapports de négociation par rapport au montant du fonds de négociation est vague – s’agissait‑il de l’effet de levier ou non? De même, se fondait‑il sur un quelconque fonds de négociation théorique ou sur un fonds véritable? Pendant la vérification, diverses déclarations ont été faites au vérificateur selon lesquelles les rapports avaient été calculés sur la base de l’effet de levier. Les documents comportaient en outre des contradictions sur le point de savoir si le terme « effet de levier » visait un ratio plus élevé que 4/1 ou d’au plus 4/1. Ni l’une ni l’autre de ces hypothèses ne correspond exactement au témoignage de M. Coleman.

 

[51]    En raison de tous ces facteurs, il est impossible de déterminer avec une quelconque certitude le montant précis de l’intérêt dû pour une année donnée. Les livres comptables de Trafalgar Capital n’ont pas été mis en preuve. Ces livres et les documents de base pertinents auraient pu contribuer grandement à lever certaines de ces incertitudes mais, sans eux, les sommes dont je suis saisie ne peuvent être rapprochées convenablement. En définitive, il m’est impossible de conclure que l’intérêt a été payé dans le cadre d’un arrangement conclu de bonne foi.

 

[52]    Les dispositions déterminatives énoncées dans les divers paragraphes de l’article 143.2 s’appliquent de façon indépendante. Comme je suis arrivée à la conclusion que c’est à juste titre que la dette de l’appelant a été réputée constituer un montant à recours limité en application du paragraphe 143.2(7), il me paraît inutile de me demander si le paragraphe 143.2(13) peut également s’appliquer. Cependant, dans l’éventualité où ma conclusion fondée sur le paragraphe 143.2(7) serait erronée, je vais également me pencher sur l’application du paragraphe 143.2(13).

 

(2)     Le paragraphe 143.2(13), intitulé « Renseignements à l’étranger concernant une dette », s’applique‑t‑il?

 

[53]    Le paragraphe 143.2(13) énonce ce qui suit :

 

Renseignements à l’étranger concernant une dettePour l’application du présent article, lorsqu’il est raisonnable de considérer que des renseignements concernant une dette se rapportant à une dépense d’un contribuable se trouvent à l’étranger et que le ministre n’est pas convaincu que le principal impayé de la dette n’est pas un montant à recours limité, le principal impayé de la dette est réputé être un montant à recours limité se rapportant à la dépense, sauf si, selon le cas :

 

a)              les renseignements sont fournis au ministre;

 

b)              les renseignements se trouvent dans un pays avec lequel le gouvernement du Canada a conclu une convention ou un accord fiscal qui a force de loi au Canada et qui comprend une disposition en vertu de laquelle le ministre peut obtenir les renseignements.

 

[54]    En d’autres termes, selon le paragraphe 143.2(13), une somme est réputée être un montant à recours limité lorsque les renseignements pertinents se trouvent à l’étranger et que soit ils sont non disponibles, soit ils n’ont pas été fournis au ministre. L’enquête à cet égard porte également sur les faits. La disposition ne précise pas qui doit fournir les renseignements, mais on peut présumer que cette obligation incombe au contribuable.

 

[55]    L’appelant a allégué qu’il était difficile de savoir exactement quels renseignements demandait le ministre et que les lettres envoyées par l’ARC ne faisaient pas mention du paragraphe 143.2(13). Il a insisté sur le fait que la demande de renseignements a été adressée à ICON plutôt qu’à lui‑même. De plus, l’appelant soutient que l’ARC a omis de lui communiquer sa demande et d’en souligner l’importance.

 

[56]    L’intimée a affirmé que la demande du vérificateur visant à obtenir les documents de base et d’autres renseignements qui, croyait‑on, se trouvaient aux Bermudes, est restée sans réponse. L’intimée a insisté sur le fait que la portée de la disposition est relativement large. Cette disposition prévoit qu’une dette sera réputée être un montant à recours limité lorsque le ministre a des motifs raisonnables de croire que des renseignements pertinents à une dépense engagée au titre de l’abri fiscal du contribuable se trouvent à l’étranger et qu’il n’est pas convaincu que le principal impayé de la dette ne constitue pas un montant à recours limité.

 

[57]    À la lumière de la preuve, lorsque les intervenants, les sociétés et les personnes morales principalement touchés se trouvent aux Bermudes et que les fonds circulent entre les Bermudes et le Canada, on peut sans crainte supposer que les renseignements relatifs à l’investissement de l’appelant se trouvaient à l’étranger. L’intimée a donc fait valoir que la dette avait, à juste titre, été réputée constituer un montant à recours limité en application du paragraphe 143.2(13) de la Loi.

 

[58]    En fin de compte, le libellé de cette disposition ne semble laisser aucune marge de manœuvre au contribuable qui affirme simplement ne pas avoir accès aux renseignements demandés. Les documents bancaires d’une partie à un arrangement visant un abri fiscal auraient certainement un lien de pertinence avec la dette et, par conséquent, avec la dépense engagée par le contribuable.

 

[59]    Dans le présent appel, Trafalgar Capital est partie à l’arrangement et ses documents bancaires sont étroitement liés au litige. Le vérificateur a expressément demandé ces renseignements, mais on a omis de les lui fournir. Je n’accepte pas l’argument de l’appelant voulant qu’ICON n’ait pas été en mesure de savoir exactement quels renseignements voulait le ministre. La preuve documentaire renferme des demandes claires du vérificateur en vue d’obtenir des renseignements au sujet des comptes de négociation (R‑1, vol. II, onglets 5 et 7) et des réponses tout aussi claires d’ICON faisant état de son incapacité à fournir certains des éléments demandés (R‑1, vol. II, onglets 6 et 8). Dans une lettre d’ICON adressée au vérificateur (A‑1, onglet 8), on laisse entendre que le ministre avait déjà accès aux renseignements demandés puisqu’il disposait des rapports d’activités mensuels, des états de fin de mois ainsi que des rapports mensuels visant la société. Pourtant, ces rapports et ces états ne pouvaient être assimilés aux documents de base demandés.

 

[60]    En outre, compte tenu de l’absence d’éléments de preuve justifiant Trafalgar Capital de n’avoir pas simplement donné suite à la demande du vérificateur et fourni les renseignements, j’en suis réduite à avancer des hypothèses pour expliquer ce manquement. Ces sociétés par actions et sociétés de personnes sont étroitement liées. Les deux témoins appelés par l’appelant, M. Furtak et M. Coleman, comptent parmi les principaux acteurs de cet abri fiscal et, en réalité, M. Furtak se trouvait initialement dans le camp de chacune des deux parties à l’opération. Le fait qu’ICON se soit contentée d’affirmer que Trafalgar Capital ne se conformerait pas à cette demande laisse planer un doute sur la nature du refus. Les documents bancaires auraient dû être aisément accessibles pour donner suite à la demande du vérificateur et j’ai certainement toute latitude pour tirer une inférence défavorable de cette omission de fournir les renseignements. Cela ne veut pas dire que d’autres types de renseignements financiers ne constituent pas des éléments de preuve dignes de foi. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de décider si une opération ou un ensemble d’opérations ont été conclues de bonne foi, il est légitime de s’attendre à ce qu’on produise les originaux des documents de base et non des résumés ou des compilations établis par les parties à l’opération contestée.

 

[61]    L’appelant a allégué que le ministre aurait dû l’aviser directement et plus clairement de la demande de renseignements parce que les autres commanditaires ne se préoccuperaient pas vraiment du fait que l’appelant ait à porter le fardeau de la nouvelle cotisation si le vérificateur ne recevait pas des renseignements suffisants. Il était pourtant manifeste que, si ICON faisait l’objet d’une vérification, l’issue de cette mesure allait avoir une incidence sur tous les commanditaires.

 

[62]    Bien que j’éprouve une certaine compassion pour M. Tolhoek et que je reconnaisse qu’il n’avait pas nécessairement les moyens d’obliger Trafalgar Capital à se conformer à la demande du ministre, il faut se rappeler que l’appelant a investi dans un abri fiscal se rapportant à un logiciel se trouvant principalement aux Bermudes (ou à tout le moins ayant des liens étroits avec ce pays). Les abris fiscaux sont assujettis à des règles particulières et, si les commanditaires et les promoteurs de l’abri omettent de fournir les renseignements se trouvant à l’étranger demandés par le ministre, il incombe malheureusement au contribuable d’en assumer les conséquences.

 

[63]    Enfin, contrairement à l’appelant, je ne crois pas que la simple omission du ministre de mentionner expressément le paragraphe 143.2(13) dans ses conclusions relatives à la nouvelle cotisation l’empêche ultérieurement d’invoquer cette disposition. Tous les faits à l’origine de la nouvelle cotisation confirment que le vérificateur s’intéressait aux exigences prévues par cette disposition et qu’on n’a, en grande partie, tenu aucun compte de ses demandes de renseignements. J’arrive donc à la conclusion que le ministre était fondé à décider que la dette était réputée constituer un montant à recours limité pour l’application du paragraphe 143.2(13).

 

(3)     Le paragraphe 143.2(15) conférait‑il au ministre le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation?

 

[64]    Le paragraphe 143.2(15) est ainsi libellé :

 

(15) Cotisations. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre peut établir les cotisations voulues et déterminer ou déterminer de nouveau les montants voulus pour l’application du présent article.

 

(15) Assessments − Notwithstanding subsections 152(4) to (5), such assessments, determinations and redeterminations may be made as are necessary to give effect to this section.

 

[65]    L’appelant a affirmé que, suivant le paragraphe 152(3.1) de la Loi, la période normale de nouvelle cotisation pour son année d’imposition 1997 expirait le 14 mai 2001; la nouvelle cotisation établie par le ministre environ deux ans et demi plus tard serait donc frappée de prescription.

 

[66]    L’appelant a fait valoir que le paragraphe 143.2(15) ne doit pas s’appliquer en l’espèce parce qu’il n’était pas [TRADUCTION] « nécessaire » [« necessary »] pour le ministre d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Selon lui, l’expression « as are necessary », employée dans la version anglaise de cette disposition, a pour effet de restreindre considérablement le pouvoir du ministre d’établir une nouvelle cotisation une fois le délai de prescription expiré.

 

[67]    L’appelant a avancé en premier lieu que tous les faits nécessaires qui sous‑tendent la cotisation étaient connus du ministre avant l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Il a ajouté que cette disposition vise à accorder au ministre un délai supplémentaire pour établir une nouvelle cotisation lorsque des faits se produisent après l’expiration de la période normale applicable, et non à offrir au ministre un redressement pour les cas où il ne respecte pas le délai de prescription, comme lorsqu’il y a pénurie de vérificateurs.

 

[68]    En deuxième lieu, l’appelant a fait valoir que, si le législateur avait eu l’intention d’accorder au ministre un recours inconditionnel à l’établissement de nouvelles cotisations, il aurait employé les termes appropriés pour ce faire. L’appelant a comparé cette disposition à plusieurs autres dispositions de la Loi qui permettent l’établissement d’une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale applicable. Il soutient que l’expression anglaise « as are necessary » est beaucoup plus restrictive que les autres formulations qu’aurait pu choisir le législateur.

 

[69]    En troisième lieu, l’appelant a mentionné que la raison d’être des délais de prescription exige que le ministre agisse avec diligence et sans retard injustifié. Il a ajouté que, dans l’arrêt Markevich c. Canada, [2003] 1 R.C.S. 94, la Cour suprême du Canada a clairement énoncé les solides justifications de principe qui sous‑tendent l’existence des délais de prescription, et que permettre au ministre d’établir, comme bon lui semble, des cotisations plusieurs années suivant l’échéance entraînerait des conséquences excessivement graves pour les contribuables.

 

[70]    L’appelant a laissé entendre qu’à la lumière du libellé de la disposition, il serait légitime de s’attendre à ce que le ministre procède avec diligence et qu’un retard injustifié devrait jouer contre lui. L’appelant a en outre invoqué l’arrêt Ginsberg c. Canada, [1996] 3 C.F. 334, qui a amené la Cour d’appel fédérale à se pencher sur l’interprétation de l’expression « toute la diligence possible », pour affirmer qu’en cas de retard qui, à première vue, indique que le ministre n’a pas agi avec célérité, il incombe à ce dernier de prouver que le retard était raisonnable. Le ministre a l’obligation d’agir d’une manière diligente et sans retard inutile même lorsque les délais de prescription sont suspendus.

 

[71]    Enfin, l’appelant a affirmé que la version anglaise du paragraphe 143.2(15) est celle qui reflète le mieux l’objet et l’interprétation appropriée de cette disposition. D’après lui, le fait qu’aucune expression équivalente aux termes anglais « as are necessary » ne figure dans la version française donne à penser que la disposition devrait être interprétée restrictivement, en particulier à la lumière des observations qu’il a formulées au sujet de l’obligation d’agir avec diligence et des périodes raisonnables que doit respecter le ministre.

 

[72]    L’intimée a soutenu qu’il faut interpréter le texte du paragraphe 143.2(15) selon son sens ordinaire et que l’expression anglaise « as are necessary » a simplement pour effet de restreindre l’étendue ou la nature de la nouvelle cotisation, et non le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation.

 

[73]    Le régime des abris fiscaux est particulier à la Loi et l’intimée a fait valoir que le ministre peut estimer nécessaire d’effectuer des rajustements après l’expiration du délai de prescription. Le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation en application du paragraphe 143.2(15) ne doit pas se fonder sur le moment où ont lieu les événements par rapport à la période normale de nouvelle cotisation. L’intimée a affirmé que, même si la période de nouvelle cotisation était assujettie à un délai de prescription, le ministre peut établir une nouvelle cotisation tant que tous les événements pertinents ne se sont pas produits. L’obligation de produire une déclaration en application de l’article 143.2 n’oblige pas chaque associé partie à un contrat de société à déclarer annuellement l’intérêt qu’il a ou n’a pas payé. Il est donc raisonnable de permettre au ministre d’établir une nouvelle cotisation ultérieurement, une fois que les événements pertinents ont eu lieu.

 

[74]    Selon l’intimée, la règle voulant qu’une dette soit réputée être un montant à recours limité s’applique lorsqu’il y a omission de fournir tous les renseignements demandés pendant la vérification, comme il est mentionné plus haut.

 

[75]    De plus, l’intimée a avancé que la nécessité de cette disposition découle du contexte législatif de l’article 143.2. Le libellé général du paragraphe 143.2(15) vise le recours apparemment abusif et répandu au régime des abris fiscaux, et il permet d’affirmer que le ministre doit être en mesure de surveiller les opérations et d’appliquer les dispositions de la Loi dans ce genre de situation.

 

[76]    Quant au deuxième argument de l’appelant, l’intimée a insisté sur le fait qu’il est difficile de comparer le paragraphe 143.2(15) aux autres dispositions de la Loi en raison du caractère distinct et précis des règles en matière d’abris fiscaux.

 

[77]    Enfin, l’intimée a également comparé les versions anglaise et française de cette disposition et, selon elle, l’absence d’un terme correspondant à l’expression « as are necessary » dans la version française permet d’affirmer que la possibilité d’établir une nouvelle cotisation n’est assujettie à aucune restriction dans le cadre du régime des abris fiscaux prévu par la Loi.

 

[78]    Comme les tribunaux n’ont pas encore eu l’occasion d’examiner le paragraphe 143.2(15), je dois interpréter cette disposition législative sans pouvoir m’appuyer sur des précédents. Néanmoins, dans le récent arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, aux paragraphes 10 et 11, la Cour suprême du Canada a donné instruction aux tribunaux de se fonder sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique « destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble ».

 

Analyse textuelle

 

[79]    Les deux parties au présent appel estiment que le sens et la portée de l’expression anglaise « as are necessary » sont au cœur de cette analyse. L’appelant a fait valoir que ce terme qualificatif vise le processus d’établissement de la nouvelle cotisation et qu’il n’était pas [TRADUCTION] « nécessaire » pour le ministre d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration du délai de prescription puisque tous les faits pertinents étaient connus antérieurement à cette échéance. Selon l’intimée, le libellé du paragraphe 143.2(15) vise le recours apparemment abusif et répandu au régime des abris fiscaux et il doit être interprété d’une manière libérale.

 

[80]    Le terme anglais « necessary » est défini de la façon suivante dans le Canadian Oxford Dictionary :

 

[TRADUCTION]

adj. 1 devant être fait, réalisé, etc.; requis, essentiel.

 

du latin necessarius

 

Le Black’s Law Dictionary donne la définition suivante du terme « necessarius » :

 

[TRADUCTION]

adj. [latin] 1. Nécessaire; essentiel. 2. inévitable; obligatoire; impérieux.

 

Il n’en demeure pas moins que le problème est difficile à résoudre. Le libellé du paragraphe 143.2(15) n’est ni précis ni certain et il peut manifestement être interprété de plus d’une façon.

 

[81]    Les deux parties ont signalé qu’aucune expression correspondant au terme anglais « as are necessary » ne se trouvait pas dans la version française de la disposition. L’appelant estime que la version anglaise est celle qui reflète le mieux l’objet et l’interprétation appropriée du paragraphe 143.2(15), et que la disposition doit être interprétée d’une manière restrictive. D’après l’intimée, l’absence d’une expression équivalente à « as are necessary » dans la version française permet d’affirmer que le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation ne fait l’objet d’aucune restriction dans le cadre du régime des abris fiscaux prévu par la Loi et qu’il faut donner plus de poids à cette version.

 

[82]    À mon avis, bien que la version française ne renferme pas le terme [TRADUCTION] « nécessaires » [« as are necessary »], on y trouve les adjectifs « voulues » et « voulus ». Le Petit Robert de la langue française définit ainsi le terme « voulu, ue » :

 

1¨ Exigé, requis par les circonstances

 

2¨ Délibéré, volontaire.

 

[83]    À la lumière de la première définition, je ne vois pas de différence appréciable entre les deux versions : la version anglaise autorise le ministre à établir les nouvelles cotisations [TRADUCTION] « nécessaires » [« as are necessary »] pour l’application de la disposition, tandis que la version française permet au ministre d’établir les nouvelles cotisations « requis[es] par les circonstances » [« voulues », selon le texte de la disposition] pour l’application de la disposition. Contrairement à ce qu’ont soutenu les deux avocats, j’arrive à la conclusion que les deux versions ont pour l’essentiel le même sens.

 

[84]    Il convient d’ajouter que l’examen de l’expression anglaise « as are necessary », prise isolément, est indûment restrictif. La disposition prévoit sans équivoque que le pouvoir du ministre d’établir de nouvelles cotisations est subordonné à ce qui est nécessaire ou requis « pour l’application du présent article ». Le législateur a investi le ministre, dans le cadre de l’article 143.2, d’un pouvoir d’établir de nouvelles cotisations qui excède le pouvoir « habituel » et qui vise précisément les abris fiscaux déterminés. À ce titre, le sens ordinaire du terme « voulues » [« necessary »] ne peut constituer le facteur d’interprétation prédominant; je dois donc tenir compte du contexte et de l’objet du texte législatif pour interpréter la disposition en cause.

 

[85]    Dans l’arrêt Trustco Canada, précité, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit au paragraphe 54 :

 

Dans l’interprétation des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, il faut respecter le libellé de la loi et lui donner son sens juridique bien établi. Dans certains cas, une interprétation contextuelle et téléologique peut nuancer le sens juridique bien établi de ce libellé.

 

Il importe de signaler qu’en l’espèce, le contexte et l’objet font partie intégrante de l’interprétation appropriée de cette disposition.

 

Analyse contextuelle

 

[86]    Les auteurs Driedger et Sullivan (Construction of Statutes, 4e éd., Butterworths, Toronto, 2002, aux pages 261 et 262) énoncent un certain nombre de facteurs contextuels qui sont pertinents en matière d’interprétation des lois. Voici ces facteurs :

 

·        le contexte immédiat des termes ou de la disposition dans laquelle ils figurent;

·        les dispositions adjacentes ou étroitement liées à la disposition en cause;

·        la Loi dans son ensemble;

·        les textes législatifs connexes;

·        la common law;

·        le droit international;

·        le contexte extérieur ou le cadre historique dans lequel la disposition a été édictée.

 

[87]    Le libellé de la disposition indique que le droit d’établir une nouvelle cotisation est nuancé par les termes « requis par les circonstances » [« voulues », selon le texte de la disposition] – ou « as are necessary » dans la version anglaise –, mais il ne renferme aucun autre qualificatif ayant pour effet de restreindre implicitement ou expressément le pouvoir du ministre. À mon avis, ces termes restreignent très peu le jugement et le pouvoir discrétionnaire que peut exercer le ministre lorsqu’il doit décider de l’opportunité d’établir une nouvelle cotisation relativement à un abri fiscal déterminé.

 

[88]    Il est également pertinent, dans le cadre de cette analyse, d’examiner le contexte des dispositions connexes de la Loi dans son ensemble. L’appelant a avancé que les termes employés au paragraphe 143.2(15) ne confèrent pas un pouvoir inconditionnel d’établir de nouvelles cotisations parce que, s’il avait été dans l’intention du législateur de conférer un tel droit, il aurait libellé la disposition en conséquence. À l’appui de ce moyen, l’appelant a invoqué les paragraphes 74.2(4), 49(4), 159(3) et 160(2) de la Loi. Je ne crois pas que le libellé du paragraphe 74.2(4) ou 49(4) favorise la thèse de l’appelant. Bien que les deux autres dispositions accordent effectivement des pouvoirs très larges pour établir de nouvelles cotisations, l’appelant a omis de signaler que, lorsque le législateur souhaite inciter le ministre à agir avec célérité dans ses rapports avec les contribuables, il a également tendance à employer des termes très précis. La comparaison que fait l’appelant entre le paragraphe 143.2(15) et d’autres dispositions n’est que partiellement fondée. Le pouvoir d’établir de nouvelles cotisations n’est peut‑être pas aussi explicite qu’il ne l’est aux paragraphes 159(3) et 160(2), mais il ne fait pas, non plus, l’objet de conditions temporelles comme celles prévues par de nombreuses autres dispositions.

 

[89]    Un certain nombre de dispositions de la Loi obligent le ministre à agir avec « diligence ». Rien n’incite explicitement le ministre à établir en temps opportun une nouvelle cotisation en application du paragraphe 143.2(15). Même si d’une certaine manière l’exigence de procéder « avec toute la diligence possible » ressort implicitement du libellé du paragraphe 143.2(15), cela ne signifie pas qu’un délai précis est fixé par cette disposition. Dans l’arrêt Agazarian v. Canada, 2004 CAF 32, la Cour d’appel fédérale a tenu, au paragraphe 13, les propos suivants au sujet du paragraphe 152(1) :

 

On relève que, même si le paragraphe 152(1) confère au ministre le pouvoir (et l’obligation) de calculer le revenu du contribuable, et de le faire avec toute la diligence possible, cette disposition ne prévoit aucun délai à l’intérieur duquel le ministre doit exercer ce pouvoir.

 

Les délais applicables à l’établissement de nouvelles cotisations, qui sont prévus aux paragraphes 152(4) et (5), sont manifestement dénués de pertinence en ce qui concerne le paragraphe 143.2(15). Ces délais de prescription généraux ont été suspendus en matière d’abris fiscaux parce que ce domaine est souvent déroutant et complexe et que, compte tenu de la durée de ce genre d’investissements, le ministre a souvent besoin de plus de temps pour s’assurer de la régularité du régime fiscal en cause.

 

[90]    Je passe maintenant aux facteurs d’interprétation extrinsèques. L’article 143.2 a été ajouté à la Loi en 1998. Cette disposition a d’abord été présentée sous forme de projet en décembre 1994. À cette époque, le communiqué de presse joint au projet précisait qu’il s’agissait d’une mesure prise pour contrer les arrangements abusifs en matière d’abris fiscaux (recueil des textes à l’appui de l’intimée, onglet 2‑A). Selon le document d’information qui se trouve également à l’onglet 2‑A, ces mesures avaient pour objet de faire en sorte que les déductions demandées par les investisseurs se limitent à des fonds qui étaient [TRADUCTION] « entièrement à risques ». La disposition visait des arrangements [TRADUCTION] « abusifs » particuliers grâce auxquels les contribuables pouvaient se soustraire à l’application des [TRADUCTION] « règles relatives aux montants à risques » énoncées aux paragraphes 96(2.1) et (2.7), et déduire des sommes supérieures au coût de leurs investissements qui étaient réellement [TRADUCTION] « à risques ».

 

Analyse téléologique

 

[91]    Il arrive souvent que le texte même d’une disposition permette de déduire quel est l’objet de celle‑ci mais, en l’espèce, l’interprétation appropriée du texte lui‑même soulève des difficultés. Le texte de la disposition législative ne donne pas suffisamment d’indices de son objet pour contribuer à cette analyse. De plus, la disposition n’a pas été examinée par les tribunaux ni traitée d’une manière un tant soit peu approfondie, que ce soit dans un commentaire du gouvernement ou par des juristes ou encore des auteurs ou analystes du domaine juridique. Toutefois, il est également possible d’établir l’objet d’une disposition à la lumière de la nature du méfait qu’elle vise à éradiquer.

 

[92]    L’article 143.2 visait à cibler les structures d’abri fiscal abusives qui sont en grande partie financées par l’endettement et à « comprimer » le coût des abris fiscaux de manière à le réduire aux fonds réellement investis. Cette disposition accorde au ministre de larges pouvoirs discrétionnaires qui lui permettent de cerner les abus liés aux abris fiscaux et de s’y attaquer. En envisageant un délai de dix ans plus 60 jours et un événement déclencheur susceptible de se produire à n’importe quel moment pendant ce délai, le législateur a conféré au ministre le droit d’établir de nouvelles cotisations après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

 

[93]    La réalité administrative veut que les périodes normales de nouvelle cotisation varient de l’un à l’autre des contribuables participant à un même abri fiscal; un même ensemble de faits peut être porté à la connaissance du ministre à un moment qui est postérieur à l’échéance du délai de prescription visant l’un d’eux mais antérieur à celle du délai applicable à un autre. Cela voudrait dire que, parmi les contribuables participant à un même abri fiscal, certains feraient l’objet d’une nouvelle cotisation et d’autres non. Dans l’ensemble, j’estime que l’approche préconisée par l’intimée est davantage en accord avec l’intention du législateur.

 

[94]    Je conclus que le ministre pouvait, en vertu du paragraphe 143.2(15), établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Je crois que la logique et le bon sens doivent, en définitive, jouer un rôle quelconque dans mes conclusions. Dès lors, il devient évident que le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation en application du paragraphe 143.2(15) ne peut être défini par des considérations fondées sur le moment où des faits et des renseignements particuliers sont portés à la connaissance du ministre. Le contexte législatif de l’article 143.2 envisage qu’il puisse être nécessaire pour le ministre d’établir de nouvelles cotisations après l’expiration des délais normalement applicables.

 

[95]    Le terme « voulues » [« as are necessary »], au paragraphe 143.2(15), doit être examiné à la lumière de l’objet visé par la disposition; il ne renvoie donc pas à ce qui est « voulu […] » pour procéder à une nouvelle cotisation. Au contraire, la disposition accorde au ministre le pouvoir discrétionnaire d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration du délai applicable pour qu’il puisse remplir l’objet de la disposition et combattre les abris fiscaux abusifs.

 

[96]    Comme je suis arrivée à la conclusion que la dette de l’appelant a, à juste titre, été réputée être un montant à recours limité, il paraît simplement logique que le ministre puisse établir une nouvelle cotisation pour l’application de la disposition dans son ensemble. À première vue, cela peut sembler être comme l’œuf et la poule, mais il est bien établi en droit que l’assujettissement à l’impôt découle de l’application de la Loi et non d’une quelconque cotisation ou nouvelle cotisation : voir la décision R. v. Simard‑Beaudry Inc., [1971] C.F. 396 (1re inst.), à la page 403, le juge en chef adjoint Noël, et l’arrêt Wesbrook Management Ltd. v. R. (sub nomine R. v. Wesbrook Management Ltd.), 96 DTC 6590 (C.A.F.). De même, c’est en application du texte législatif qu’une somme est réputée constituer un montant à recours limité suivant les règles en matière d’abris fiscaux et non par suite d’une nouvelle cotisation par le ministre, peu importe le moment où cette nouvelle cotisation a été établie.

 

Conclusion

 

[97]    J’arrive à la conclusion que la dette visée par le billet pour achat doit être réputée constituer un montant à recours limité parce qu’elle ne faisait pas l’objet d’un arrangement conclu de bonne foi [alinéa 143.2(7)a)] et que l’intérêt n’a pas été payé dans les 60 jours [alinéa 143.2(7)b)].

 

[98]    La disposition déterminative prévue au paragraphe 143.2(13) a également pour effet de supprimer les déductions demandées par l’appelant au titre de la dette impayée.

 

[99]    Enfin, il me faut conclure que le ministre est investi de larges pouvoirs qui lui permettent d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation en application du paragraphe 143.2(15). Le terme « voulues » [« as are necessary »] n’implique pas que le ministre doit se conformer aux délais fixés dans les paragraphes 152(4) et (5). Plus exactement, la disposition est libellée en termes généraux pour combattre les éventuels abus liés aux abris fiscaux en accord avec les dispositions déterminatives prévues à l’article 143.2 et dans le contexte de celles‑ci. Par conséquent, je conclus que la nouvelle cotisation visée en l’espèce n’est pas frappée de prescription.

 


[100]  Pour ces raisons, l’appel est rejeté avec dépens.

 

 

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 15e jour de décembre 2006.

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de mars 2008.

 

Maurice Audet, réviseur

 


 

RÉFÉRENCE :

2006CCI681

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2005-310(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Bert Tolhoek

c.

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 2 et 3 novembre 2005 et

les 16 et 17 février 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 15 décembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelant :

Me Clifford L. Rand

Me David C. Muha

 

Avocats de l’intimée :

Me Patricia Lee

Me Bobby Sood

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

Cabinet :

 

 

Stikeman Elliott LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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