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2003-781(IT)G

ENTRE :

ROBERT J. BATEMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus en partie à Sudbury (Ontario), les 27 et 28 janvier 2005; la reprise de l'audience était prévue pour le 22 novembre 2005

Devant : L'honorable juge E. A. Bowie

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même (2005-01-27)

Me T. Michael Hennessy (2005-01-28)

Personne n'a comparu (2005-11-22)

Avocat de l'intimée :

Me Michael Ezri

____________________________________________________________________

JUGEMENT

Les appels interjetés à l'encontre de la nouvelle cotisation établie pour l'impôt en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1999 et 2000 sont rejetés avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de février 2006.

« E. A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de décembre 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2006CCI97

Date : 20060215

Dossier : 2003-781(IT)G

ENTRE :

ROBERT J. BATEMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowie

[1]      Les présents appels étaient fixés pour audition sous le régime de la procédure générale de la Cour à Sudbury, en Ontario. L'audience devait avoir lieu le 27 janvier 2005 et durer deux jours. Le premier jour, M. Bateman a comparu seul, sans avocat. Le lendemain matin, il a comparu avec un avocat, lequel a expliqué qu'il avait été engagé le soir précédent et qu'il avait accepté de représenter l'appelant à condition que le juge accorde un ajournement pour lui permettre de se préparer. Il était devenu évident le jour précédent que l'appelant n'était pas capable d'agir pour son propre compte, j'ai donc accordé l'ajournement. Cependant, quelques mois après, l'avocat de M. Bateman a pris des mesures pour se retirer du dossier et l'appelant n'a pas retenu les services d'un autre avocat. Il a alors été établi que l'audition de l'appel serait complétée à Sudbury, les 22 et 23 novembre 2005. M. Bateman n'a pas comparu le 22 novembre et aucun témoin n'a comparu pour lui, même s'il avait dit qu'il avait l'intention d'appeler un certain nombre de témoins cette journée-là. Le coordonnateur des rôles de la Cour et l'avocat de l'intimée ont tous les deux laissé des messages sur le répondeur de M. Bateman. Celui-ci n'a pas encore répondu aux messages.

[2]      Comme M. Bateman ne s'est pas présenté le 22 novembre et n'a pas répondu aux messages téléphoniques, j'ai ajourné l'audience à 14 h 30 et j'ai invité l'avocat de l'intimée à présenter une preuve ou une demande de non-lieu. Il a choisi la deuxième façon de procéder et, après avoir entendu les arguments, j'ai pris l'affaire en délibéré.

[3]      Les appels sont interjetés à l'encontre des cotisations d'impôt établies à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1999 et 2000. Les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'est fondé pour établir les cotisations sont énoncées dans la réponse de l'intimée à l'avis d'appel, au paragraphe 11 :

          [traduction]

a)          L'épouse de l'appelant était la seule actionnaire de Patricia Holdings Inc. en 1999 et 2000;

b)          L'appelant avait un lien de dépendance avec Patricia Holdings Inc.;

c)          L'appelant a fourni des services de consultation à plusieurs entreprises en 1999 et en 2000; dans certains cas, les services de consultation ont été fournis par l'appelant sous le nom de « R. Bateman Financial Strategies » ;

d)          Voici le revenu brut et le revenu net que l'appelant a tiré de son travail de consultation :

ANNÉE

REVENU

DÉPENSES

REVENU NET

1999

70 494 $

7 442 $

63 052 $

2000

95 352 $

19 745 $

75 607 $

TOTAL

165 846 $

27 187 $

138 659 $

e)          Les revenus mentionnés ci-dessus ont été gagnés par l'appelant personnellement, et non par Patricia Holdings Inc. ou toute autre personne;

f)           Les revenus mentionnés ci-dessus étaient payables à l'appelant, lequel les a déposés dans son compte bancaire personnel; l'appelant a expressément demandé à ses clients de faire leurs chèques pour les services de consultation à son ordre;

g)          Aucun des revenus mentionnés ci-dessus n'a été payé ou n'était payable à Patricia Holdings Inc.;

h)          L'appelant n'a pas fourni ses services de consultation pour Patricia Holdings Inc. ou à titre de représentant de cette dernière;

i)           L'appelant n'a pas laissé entrevoir à ses clients qu'il était un employé ou un représentant de Patricia Holdings Inc.;

j)           Les revenus gagnés par l'appelant pour la prestation de ses services de consultation lui appartenaient et étaient imposables entre ses mains, et non pas entre les mains de Patricia Holdings Inc.;

k)          L'appelant n'a pas produit de déclaration de revenus pour les années d'imposition 1999 et 2000 de la manière et dans le délai prévus dans la Loi de l'impôt sur le revenu; le ministre a donc demandé que les déclarations soient produites;

l)           Lorsqu'il a produit ses déclarations de revenus, l'appelant n'a pas inclus les revenus tirés de ses services de consultation; il a donc déclaré en moins des revenus d'au moins 63 052 $ en 1999 et 75 607 $ en 2000.

Il est bien établi qu'il incombe à l'appelant de démontrer que ces hypothèses de fait sont inexactes.

[4]      La preuve dont j'ai été saisi au cours du seul jour d'audience tend à appuyer les hypothèses du ministre du Revenu national plutôt qu'à les réfuter. La preuve montrait que Patricia Holdings Inc. ( « Patricia Holdings » ) était vraiment une société possédée en propriété exclusive par l'épouse de l'appelant, Patricia Bateman. Patricia Holdings avait subi des pertes très importantes au cours des années antérieures à 1999 et, en raison de ces pertes et de la dette qu'elle avait envers sa banque, tous les fonds déposés dans son compte existant étaient immédiatement imputés sur son prêt bancaire. M. Bateman n'a pas témoigné, mais sa position est qu'il était employé par Patricia Holdings pour assurer la prestation de services de consultation aux clients pour le compte de la société et qu'il détenait les honoraires reçus pour ces services à titre de nu-fiduciaire pour Patricia Holdings. Pour appuyer cette théorie, il s'est fondé sur un document d'une page qui est censé être un contrat de travail[1]. Il vaut mieux énoncer toutes les clauses du document.

          [traduction]

Patricia Holdings Inc.

655 Kirkwood Drive

SS 1, bureau 6, C.P. 18

Sudbury (Ontario) P3E 1X2

705 674-6326 ou 674-2022

Nous confirmons l'entente continue que vous avez avec notre entreprise en tant que notre conseiller. Nous vous rembourserons les frais de voyage et les autres frais approuvés que vous engagerez.

Si nos clients vous payent directement, vous acceptez que l'argent appartienne à la société. Vous aurez droit à la rémunération qui sera convenue périodiquement.

Si vous vous absentez de votre travail de consultation pendant une période prolongée sans notre consentement, ou bien si vous avez une mauvaise conduite, nous pouvons cesser d'avoir recours à vos services de consultation sans préavis.

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Nous pouvons mettre fin à l'entente de consultation que nous avons avec vous en tout temps moyennant un préavis de six (6) mois ou en vous payant l'équivalent de six (6) mois de salaire, si les parties s'entendent sur une grille salariale fixe, en guise d'avis, et moyennant le remboursement des dépenses engagées et le versement des primes méritées après la résiliation. Pour les contrats que vous aurez obtenus, vous serez payé selon les modalités négociées pour ces contrats en particulier et les paiements seront effectués au pro rata au fur et à mesure que nous recevrons les paiements.

En signant ce document, vous acceptez toutes les modalités exposées aux présentes et vous admettez que vous avez consulté un conseiller juridique indépendant.

                                                                        Date : Le 31 mars 1986

« Laura Dixon » ___________               « Robert Bateman » _________

            Témoin

[5]      Pour l'appelant, il est crucial de prouver l'existence d'une relation employeur-employé entre lui et Patricia Holdings ainsi que de démontrer que les contrats de consultation qui ont permis de produire le revenu en question n'ont pas été conclus par lui personnellement, mais par Patricia Holdings. En plus d'avoir présenté le document que j'ai mentionné, l'appelant a appelé plusieurs personnes à témoigner.

[6]      Me Mastin est un avocat qui exerce à Sudbury. Il est un ami et un associé de l'appelant depuis plusieurs années. Il a représenté le groupe d'entreprises de William Day avant, pendant et après les années visées par l'appel. Il a indiqué dans son témoignage que les services de consultation de Patricia Holdings avaient été retenus par le groupe Day. Deux choses ont ressorti clairement du témoignage de Me Mastin. La première est qu'il ne savait pas réellement qu'il y avait une relation entre M. Bateman et Patricia Holdings. La deuxième est qu'il était déterminé à fournir un témoignage aussi avantageux que possible pour M. Bateman, au point qu'il a affirmé des choses qu'il ignorait. En ce qui concerne la question de savoir s'il y avait un contrat de travail, qui est une question cruciale, son témoignage n'est d'aucune utilité parce qu'il n'avait tout simplement aucune connaissance directe des faits. Les renseignements qu'il avait provenaient pour la plupart de ce que lui avait dit M. Bateman et un client que lui et M. Bateman avaient en commun, M. William Day.

[7]      Mme Grace Johnston est une cadre supérieure chez William Day Construction. Comme Me Mastin, elle était clairement déterminée à témoigner que c'était Patricia Holdings, et non pas l'appelant, qui avait été engagée à titre de conseillère financière par les sociétés du groupe Day. Elle a mentionné dans son témoignage que les sociétés du groupe payaient M. Bateman directement pour les services fournis, par chèque, au lieu de payer Patricia Holdings, parce qu'il avait demandé qu'il en soit ainsi. Toutefois, il est ressorti du contre-interrogatoire que Mme Johnston n'était pas personnellement au courant des questions abordées dans le cadre de son interrogatoire principal. C'était William Day, et non pas elle, qui avait négocié les divers contrats de consultation avec M. Bateman. Donc, tout ce qu'elle savait concernant les questions au sujet desquelles elle avait témoigné provenait de discussions qu'elle avait eues avec M. Day. Pour autant qu'elle sache, il n'y avait jamais eu de contrat écrit. Elle n'avait pas non plus de connaissance directe de la relation qu'il y avait entre M. Bateman et la société de sa femme, Patricia Holdings. Étant donné qu'il repose entièrement sur des ouï-dire, le témoignage de Mme Johnston n'a aucune valeur probante à l'égard de la question que je dois trancher.

[8]      M. Lilly est un comptable agréé. Patricia Holdings avait retenu ses services à la fin de 1998 ou au début de 1999 pour l'établissement des états financiers de la société. Les derniers états financiers établis remontaient à 1995. M. Lilly a produit les états financiers pour les années 1996 à 2002. Il avait également été engagé pour préparer les déclarations de revenus de M. Bateman, Mme Bateman et Patricia Holdings. Son témoignage n'était qu'un résumé du contenu des états qu'il avait établis, lesquels font partie du dossier dont je dispose. De toute évidence, il a inclus le produit des divers contrats de consultation exécutés par M. Bateman au cours de la période en question dans les revenus de Patricia Holdings plutôt que dans ceux de Robert Bateman, même s'il savait que les fonds étaient payables à M. Bateman. Il a dit qu'il avait procédé ainsi en se fondant sur l' « entente » que j'ai mentionnée au paragraphe 4 ci-dessus. Bien entendu, il n'avait pas personnellement connaissance des contrats de consultation ni d'un contrat de travail entre M. Bateman et Patricia Holdings. Tout ce qu'il savait, c'était les Bateman qui le lui avaient dit. L'avis au lecteur qui figure dans chacun des états financiers qu'il a établis pour Patricia Holdings pour les années 1995 à 2002 résume très bien la valeur probante du témoignage de M. Lilly :

          [traduction]

AVIS AU LECTEUR

Nous avons établi le bilan de Patricia Holdings Inc. au 31 janvier [___], l'état des résultats et des bénéfices non répartis (déficit) ainsi que la liste des immobilisations et le plan d'amortissement pour l'exercice ayant pris fin, et ce, à partir des renseignements fournis par la direction. Nous n'avons pas effectué de vérification ou d'examen, ou d'une autre manière essayé de vérifier si les renseignements étaient exacts ou exhaustifs. Nous mettons en garde le lecteur contre le fait que ces états financiers puissent ne pas convenir aux fins prévues.

sostarich, ross, wright & cecutti, s.r.l.

Par :      « C. J. Lilly »

Comptables agréés

Encore une fois, son témoignage n'est qu'une énumération de ce que M. et Mme Bateman avaient dit au témoin et il n'a aucune valeur probante relativement aux questions en litige. Le témoignage de M. Lilly a toutefois permis d'établir clairement que, selon les états financiers et les déclarations de revenus qu'il a préparés, Patricia Holdings avait des pertes très importantes à reporter prospectivement des exercices précédents, ce qu'elle est censée avoir fait pour éliminer les revenus de consultation qu'elle a déclarés au cours des années visées par l'appel, cela la laissant sans revenu imposable. Ces états financiers indiquaient également qu'il y avait de très gros soldes de prêt dus à l'actionnaire, Mme Bateman.

[9]      L'autre témoin appelé à témoigner par l'appelant était M. Reid, un agent d'expansion des entreprises pour la ville de Sudbury. Celui-ci a mentionné certaines factures qui avaient été présentées par « R. Bateman Financial Strategies » à la Sudbury Regional Development Corporation. Son témoignage portait sur le fait [traduction] qu' « il savait » que c'était avec Patricia Holdings que le contrat avait en fait été conclu pour l'exécution du travail. Encore une fois, il s'est avéré que les connaissances qu'il avait sur le sujet provenaient de l'appelant. Il est également ressorti du contre-interrogatoire que M. Reid ainsi que M. Bateman étaient des amis intimes qui avaient des liens très étroits depuis plusieurs années et que M. et Mme Batemanavaient récemment cédé leur résidence à M. Reid, en fiducie, apparemment pour la soustraire aux créanciers. Selon moi, le témoignage de M. Reid n'est pas du tout fiable ou probant.

[10]     Le seul élément de preuve dont j'ai été saisi relativement à un contrat de travail est donc le document qui porte la signature de M. Bateman, mais qui ne porte pas de signature pour le compte de Patricia Holdings Inc. Comme le document n'a été signé que par une des parties, il n'a aucun effet. Bien entendu, il aurait pu y avoir un contrat verbal entre les parties. Les deux personnes qui seraient en mesure de présenter une preuve directe concernant un tel contrat de travail verbal sont l'appelant ainsi que Mme Bateman, et ils n'ont pas comparu. Je n'ai donc été saisi d'aucune preuve probante permettant de réfuter les hypothèses du ministre. En fait, la preuve produite tend à confirmer que les revenus en question étaient ceux de l'appelant. M. Mastin et Mme Johnston ont tous les deux admis que Patricia Holdings ne pouvait rien offrir d'utile en contrepartie des honoraires de conseil - c'était M. Bateman qui possédait la compétence monnayable.

[11]     Compte tenu de la conclusion que j'ai tirée quant aux faits, je n'ai pas l'intention de formuler des commentaires concernant le résultat auquel on aurait pu aboutir si la preuve avait permis d'établir qu'il existait un contrat de travail. Cela n'a pas été le cas et les appels doivent donc être rejetés. Les dépens sont adjugés à l'intimée, y compris des honoraires d'avocat pour deux jours d'instruction en plus du montant de 750 $ que j'ai ordonné quand j'ai ajourné l'audience le 28 janvier 2005.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de février 2006.

« E. A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de décembre 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2006CCI97

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-781(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Robert J. Bateman c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Sudbury (Ontario)

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 27 et 28 janvier et le 22 novembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge E. A. Bowie

DATE DU JUGEMENT :

Le 15 février 2006

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même (2005-01-27)

Me T. Michael Hennessy (2005-01-28)

Personne n'a comparu (2005-11-22)

Avocat de l'intimée :

Me Michael Ezri

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

S/O

Cabinet :

S/O

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           Pièce A-1, onglet D.

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