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Dossier : 2002-2219(IT)I

ENTRE :

CONNIE BIRCHARD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

___________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Connie Birchard (2002-2216(GST)I) et Perry Birchard (2002-2214(GST)I et 2002-2218(IT)I)

le 6 janvier 2003 à Nanaimo (Colombie-Britannique)

Devant : L'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me Raj Grewal

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont l'avis est daté du 7 février 2002 et porte le numéro 27044, est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 6e jour de mars 2003.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de février 2004.

Liette Girard, traductrice


Référence : 2003CCI90

Date : 20030306

Dossiers : 2002-2219(IT)I

2002-2216(GST)I

ENTRE :

CONNIE BIRCHARD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

Dossiers : 2002-2218(IT)I

2002-2214(GST)I

PERRY BIRCHARD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]      L'appelante Connie Birchard (Mme Birchard) a comparu en son nom et au nom de son époux, Perry Birchard. L'avocat de l'intimée et Mme Birchard ont accepté que son appel interjeté à l'encontre de la cotisation no 76627, datée du 9 octobre 2001 et émise par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d'accise ( « LTA » ), au montant de 4 828,15 $, représentant l'impôt net, les intérêts et les pénalités à l'égard du défaut de Dortec Distributors Ltd. ( « Dortec » ) de remettre l'impôt en vertu du paragraphe 228(2) de la LTA, soit entendu avec l'appel de Perry Birchard interjeté à l'encontre de la cotisation no 76628, également datée du 9 octobre 2001, émise par le ministre, au même montant, à l'égard du défaut de Dortec de remettre la taxe sur les produits et services ( « TPS » ), comme l'exige la LTA.

[2]      L'avocat de l'intimée et Mme Birchard ont également accepté que l'appel de cette dernière interjeté à l'encontre de la cotisation no 27044, datée du 7 février 2002, émise par le ministre à l'égard de l'impôt sur le revenu fédéral, des cotisations d'assurance-emploi (AE), des contributions au Régime de pensions du Canada (RPC), retenus à la source mais non remis par Dortec, comme l'indique en détail l'annexe A jointe à la Réponse à l'avis d'appel (la « réponse » ), en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « LIR » ), de l'article 83 de la Loi sur l'assurance-emploi (la « LAE » ) et de l'article 21.1 du Régime de pensions du Canada (le « Régime » ), soit entendu avec l'appel de Perry Birchard interjeté à l'encontre de la cotisation no 27045, datée du 7 février 2002, émise par le ministre en vertu des mêmes dispositions des lois susmentionnées, aux mêmes montants, également en raison du défaut de Dortec d'effectuer les remises requises.

[3]      L'avocat de l'intimée et Mme Birchard ont accepté que la preuve, lorsqu'elle était pertinente, pourrait s'appliquer à l'un ou l'autre des appels susmentionnés à l'égard des cotisations établies en vertu de la LTA ou de la LIR.

[4]      Connie Birchard a indiqué dans son témoignage qu'elle a obtenu son accréditation de comptable générale licenciée (CGL) en 2001 et qu'elle réside à Black Creek, en Colombie-Britannique. Dortec a été constituée en personne morale le 26 février 1996 et une inscription aux fins de la TPS, accompagnée d'une exigence de déclaration trimestrielle, a été remplie le 28 février 1996. Dortec fabriquait et installait des fenêtres et des portes de résidences et de commerces et louait des locaux à Campbell River, en Colombie-Britannique. Mme Birchard a déclaré que son époux, Perry Birchard, et elle-même avaient investi de l'argent dans Dortec en 1996 parce que son beau-frère, Mark Johnson, travaillait pour le commerce prédécesseur alors qu'il détenait une action de 10 p. 100 dans cette entité. Lorsque M. Johnson a eu la possibilité de participer à l'achat de cette entreprise, Mme Birchard et son époux ont amassé des fonds en consentant une hypothèque de 150 000 $ sur leur résidence. Il était prévu que M. Johnson, à partir de ses gains de Dortec, effectuerait les versements hypothécaires en découlant. M. Johnson et son coactionnaire, David Terence Bridges, détenant chacun un tiers des actions, avaient été nommés administrateurs et cadres de Dortec. Bien que les Birchard aient détenu également ensemble un tiers des actions de Dortec, ils n'ont pas été nommés administrateurs. Après une année, les Birchard n'avaient toujours pas reçu de paiements de M. Johnson et ils ont entrepris une action afin d'obtenir le contrôle de Dortec en assumant conjointement la propriété totale des actions de l'entreprise. Le 1er mars 1998, ils ont tous les deux été nommés administrateurs de la société. Mme Birchard a déclaré que son époux et elle-même avaient signé plusieurs documents au bureau de leur avocat, mais qu'ils n'avaient réalisé qu'ils étaient des administrateurs qu'en septembre 1998. Mme Birchard était étudiante au programme de CGA et, depuis mars 1998, elle avait joué un rôle actif dans la gestion des activités financières de Dortec. Elle a examiné différents documents et dossiers et a parlé avec le comptable qui avait la responsabilité de produire les déclarations d'impôt sur les sociétés de Dortec. Mme Birchard n'avait aucune expérience antérieure en gestion et elle n'avait jamais agi comme administratrice. Elle a déclaré qu'en juin ou en juillet 1998, elle avait découvert qu'une fraude avait été commise et que des fonds avaient été détournés par un commis comptable qui était à l'emploi de Dortec Securities Ltd. ( « DSL » ), une entreprise de sécurité à domicile qui était la propriété de Mme Birchard et de son époux que ce dernier exploitait de chez lui. Des accusations criminelles ont été déposées, et la personne a été reconnue coupable de fraude et de vol pour un montant de 9 000 $. Dans le cadre de l'enquête comptable qui a suivi et qui a été entreprise par Mme Birchard, cette dernière a estimé que le montant réel du détournement de fonds était d'environ 20 000 $. Comme la personne responsable du vol était prestataire de l'assurance sociale et sans biens, les Birchard ont décidé qu'il ne valait pas la peine d'entreprendre un recours civil. Mme Birchard a déclaré qu'en raison des activités de l'ancien commis comptable, elle a dû établir de nouveau les livres comptables de DSL pour la période de mars à septembre 1998 en examinant les documents originaux comme les factures et les chèques. Durant cette période, Dortec fonctionnait en partant du principe que les deux actionnaires, MM. Johnson et Bridges, y travaillaient avec l'aide de un ou de deux employés à temps partiel. Lorsque Mme Birchard a examiné les livres comptables de Dortec, elle a découvert que les déclarations de TPS avaient été préparées mais non produites. De plus, elle a déterminé que les chiffres étaient incorrects et a dû réviser les déclarations afin de fournir l'information exacte avant de les soumettre à Revenu Canada, le prédécesseur de l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ). Mme Birchard a également découvert que Dortec n'avait pas remis les taxes de vente provinciales ( « T.V.P. » ) comme elle le devait. En conséquence, elle a communiqué avec des fonctionnaires de l'Agence et a conclu un arrangement en vertu duquel les arriérés seraient payés au plus tard à la fin de septembre 1998. Mme Birchard a également eu connaissance que plusieurs comptes créditeurs, à l'égard de fournisseurs importants, étaient impayés et a décidé que ces dettes devaient être remboursées pour que Dortec puisse continuer de recevoir les matériaux requis pour la fabrication des produits offerts en vente. MM. Bridges et Johnson ont accepté de réduire leurs retraits par mois de 2 220 $ à 1 100 $, et l'épouse de M. Johnson travaillait comme commis comptable et réceptionniste pour Dortec pour un faible salaire qui lui a été attribué à partir d'une portion du montant total de 1 100 $ assigné à son époux. Le 11 septembre 1998, Mme Birchard a déposé les déclarations de TPS pour les périodes de déclaration du 1er septembre 1997 au 31 mai 1998. En octobre 1998, la déclaration de remise des retenues à la source requise par les dispositions de la LIR avait été correctement produite. Dortec avait obtenu un contrat pour fournir une importante quantité de produits à un client à compter de mars 1999. Cependant, la succursale de Campbell River de la Banque Royale ( « Royale » ) a choisi d'entreprendre des recours juridiques à l'égard d'un prêt non remboursé, et un huissier a saisi les actifs de Dortec et a verrouillé les portes le 21 décembre 1998. Mme Birchard a déclaré que par la suite tout le contrôle sur les activités de Dortec a été exercé par l'huissier ou un séquestre. Mark Johnson et David Bridges ont dû déclarer faillite le 21 juin 1999 et le 19 juillet 1999, respectivement, et ils ont cessé d'être des administrateurs de Dortec à ces dates. Mme Birchard a déclaré qu'avant le 1er mars 1998, son époux et elle-même n'avaient pas été administrateurs de Dortec et qu'ils n'ont donné l'impression à personne d'agir à ce titre. Au contraire, ils avaient agi comme des « associés passifs » et avaient investi de l'argent afin d'aider M. Johnson à acheter l'entreprise. Après avoir exercé le contrôle de Dortec, Mme Birchard a appris qu'il n'y avait pas suffisamment de fonds pour remettre le montant impayé de TPS. Le remboursement des arriérés de la T.V.P. étaient considérés représenter un problème plus urgent et potentiellement plus dommageable que celui représenté par le montant dû à l'égard de la TPS et, conformément à l'adage, « c'est à force de se plaindre qu'on obtient ce qu'on veut » , Mme Birchard, au nom de Dortec, a commencé à effectuer des paiements mensuels de 1 700 $ pour rembourser la dette de la T.V.P.. En septembre 1998, ces arriérés avaient été remboursés au complet, et Dortec a pu remettre régulièrement la T.V.P. due. Durant cette période, des fournisseurs importants de Dortec recevaient également des paiements importants de façon à ce que les relations commerciales soient maintenues. Mme Birchard a déclaré qu'au début de décembre 1998 elle avait élaboré un plan selon lequel Dortec, au plus tard à la fin de février 1999, pourrait réduire de moitié le montant dû à l'ADRC en ce qui concerne les retenues à la source non remises. Actuellement, sur la base du contrat important commençant en mars 1999, Mme Birchard a déclaré qu'elle avait élaboré un plan visant à [TRADUCTION] « persévérer de façon un peu plus agressive » pour rembourser le montant que Dortec devait à l'égard de la TPS impayée. Mme Birchard a déclaré qu'elle avait obtenu une liasse de documents, pièce A-1, en mai 1999, se rapportant à la saisie des actifs de Dortec par l'huissier agissant au nom de Royale. Un examen des différents documents et lettres a permis de révéler que les employés de Dortec avaient accepté un règlement, au montant de 6 300 $, en ce qui concerne le salaire impayé. Deux documents distincts, intitulés chacun « Avis de demande » , datés du 25 janvier 1999 et du 1er février 1999, respectivement, avaient été envoyés par un représentant du directeur de Employment Standards (commission des normes d'emploi), un organisme du gouvernement provincial, à Vancouver Island Bailiffs Ltd., l'entité qui avait effectué la saisie le 21 décembre 1998. Un certain montant avait également été payé à l'égard de la T.V.P. payable, pour la vente, par l'huissier, de l'équipement saisi de Dortec à deux acheteurs; deux factures de droits d'huissier au montant de 5 507,20 $ et de 5 229,75 $, respectivement, ont également été payées à partir du produit de la vente des actifs saisis de Dortec. Le montant de 13 838,61 $ a été remis à Royale au motif que cette dernière était un créancier garanti. Le Commissaire adjoint administrant les dispositions relatives à la perception en vertu de l'article 107 de la Social Security Tax Act, R.S.B.C. 1996 chapitre 431, avait déposé un certificat devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique le 21 juillet 1998 relativement à un montant impayé de 8 698 $ dû par Dortec. Conformément aux dispositions dudit certificat, ce dernier continuait d'être en vigueur, et toutes les procédures pouvaient être entreprises par la suite, comme s'il s'agissait d'une décision de la Cour suprême, quant au remboursement d'une dette au montant énoncé contre la personne (Dortec) qui y était mentionnée. Mme Birchard estimait que Dortec devait à Royale environ 150 000 $ avant la saisie. Au cours des mois suivant mars 1998, elle avait analysé la situation financière globale de Dortec et a conclu qu'il faudrait à la société environ cinq ans pour rembourser la dette au point où elle deviendrait rentable. Le prix d'achat de l'ancienne entreprise, plus tard possédée et exploitée par la société Dortec, nouvellement constituée, était d'environ 100 000 $, mais une somme supplémentaire de 50 000 $ avait été investie à titre de fonds de roulement. Mme Birchard a mentionné une lettre, pièce A-2, datée du 1er mars 1999, adressée à Dortec, dans laquelle elle-même et son époux, Perry Birchard, démissionnaient des postes d'administrateurs de Dortec, avec effet immédiat. Mme Birchard a livré cette lettre à la résidence d'un autre administrateur de Dortec, son beau-frère, Mark Johnson. Le 9 octobre 2001, le ministre a établi une cotisation, pièce A-3, à l'égard de Perry Birchard, en vertu du paragraphe 228(2) de la LTA. Le 9 octobre 2001, le ministre a établi une cotisation, pièce A-5, à l'égard de Connie Birchard, en vertu du paragraphe 227.1(1) de la LIR et des dispositions pertinentes de la LAE et du Régime. Le 7 février 2002, le ministre a établi une cotisation, no 27044, pièce A-4, au sujet de la même dette, mais il a inclus les intérêts courus à cette date. Mme Birchard a déclaré que lorsque l'huissier est arrivé à l'établissement de Dortec pour effectuer la saisie, le 21 décembre 1998, elle a téléphoné à Jeff Harris de Revenu Canada et l'a informé de la mesure prise à ce moment-là par Royale. Peu de temps après, elle a télécopié à M. Harris une liste des comptes débiteurs de Dortec pour que Revenu Canada puisse délivrer les documents appropriés aux clients de Dortec et obtenir directement le paiement de montants précis mentionnés dans les factures. Par la suite, plusieurs relevés de compte ont été envoyés par Revenu Canada à Dortec, et Mme Birchard a noté que différents montants de paiement y figurant correspondaient à certains comptes débiteurs inclus dans la liste qu'elle avait télécopiée à M. Harris. Des copies desdits relevés ont été déposées sous la cote A-6 et contiennent ses notes manuscrites quant à l'identité du client devant payer directement Revenu Canada. Mme Birchard a reçu un état des déboursés, pièce A-7, de l'huissier. Pour démontrer la conformité aux exigences de la TPS en matière de déclaration ainsi que ses tentatives de négocier un calendrier de paiement à l'égard des arriérés, Mme Birchard a mentionné certains documents, pièce A-8, notamment des copies de trois déclarations de TPS, se rapportant à différentes périodes, accompagnées d'un paiement de 200 $, devant être appliqué aux arriérés en signe de bonne foi. Un relevé des arriérés, pièce A-9, émis par la nouvelle ADRC, daté du 6 décembre 2002, informait Mme Birchard qu'elle devait, en sa qualité d'administratrice, le montant de 5 330,14 $ à l'égard de la TPS, en conséquence du défaut de Dortec.

[5]      Lors du contre-interrogatoire mené par l'avocat de l'intimée, Connie Birchard a reconnu qu'elle connaissait les exigences de déclaration et de remise de la TPS, de l'impôt sur le revenu et d'autres retenues à la source. En conséquence, elle a eu un choc lorsqu'elle a découvert que les déclarations de TPS obligatoires n'avaient pas été produites au 1er juillet 1998. L'autre société, DSL, exploitée par son époux, Perry Birchard, avait reçu un avis de la Workers' Compensation Board (WCB) selon lequel elle n'avait pas payé une évaluation au titre des cotisations. Un employé de DSL avait été blessé et, durant le processus de demande, l'absence de paiement des cotisations a été découverte. Mme Birchard a déclaré qu'en dehors des problèmes avec DSL créés par le vol et la fraude commis par un ancien commis comptable, les problèmes financiers de Dortec prenaient tout son temps, et elle a décidé que les arriérés de T.V.P. et les paiements à des fournisseurs importants constituaient sa priorité. Dortec n'utilisait pas de compte bancaire pour émettre les chèques à des fournisseurs et se fondait sur une méthode selon laquelle des mandats étaient achetés et envoyés à un fournisseur ou à un créancier pour démontrer que le paiement était garanti. Mme Birchard a déclaré que son époux travaillait à plein temps pour une société de télédistribution et qu'il avait démarré DSL comme une société parallèle qu'il continue d'exploiter de la résidence des Birchard à Black Creek. En 1999, son époux et son beau-frère, Mark Johnson, ont eu tous les deux de graves problèmes de santé. Connie Birchard a déclaré que comme Perry Birchard ne connaissait pas les questions financières, les problèmes financiers de Dortec ne lui ont pas été expliqués en détail, mais elle l'a informé des problèmes d'arriérés de TPS ainsi que d'impôt sur le revenu et d'autres retenues à la source non remis. Mme Birchard a indiqué qu'une liasse de documents, pièce A-10, se rapportait aux remises de Dortec en 1998.

[6]      Après l'envoi d'un avis à Mme Birchard et le consentement de cette dernière, l'avocat de l'intimée a déposé certains documents, dont un bref de saisie-exécution, pièce R-1, daté du 8 juin 2001, émis par la Cour fédérale, Section de première instance, donnant aux shérifs de la Colombie-Britannique des instructions pour saisir et vendre les biens meubles et immeubles de Dortec afin de rembourser un montant dû, comme le précisait le certificat rédigé en vertu de la LIR. Le 19 juin 2001, un bref de saisie-exécution, pièce R-2, a été émis par la Cour fédérale, Section de première instance, ordonnant aux shérifs de la Colombie-Britannique d'effectuer une saisie des actifs de Dortec afin de rembourser un montant dû, comme le précisait le certificat rédigé en vertu de la LTA. En ce qui concerne la saisie pour le montant dû en vertu de la LIR, le bref a été retourné avec la mention « nulla bona » (aucun bien), le 7 août 2001. L'autre bref lié à la saisie pour un montant dû en vertu de la LTA a également été retourné avec la mention « nulla bona » (aucun bien) le 13 août 2001. Certaines copies certifiées conformes des documents obtenus auprès du registraire des sociétés de la province de la Colombie-Britannique se rapportant à Dortec ont été déposées sous la cote R-3.

[7]      Jennifer Steele a indiqué dans son témoignage qu'elle est agente de perception auprès de l'ADRC et qu'elle a été à l'emploi du prédécesseur de cette dernière, Revenu Canada, pendant presque 20 ans. Le compte de Connie Birchard et de Perry Birchard lui a été assigné pour perception. Elle a examiné certains documents et a découvert que David Bridges avait présenté une proposition de faillite dans laquelle la dette due à l'ADRC avait été incluse. Elle a également reçu certains documents, pièce R-4, de Comox Valley Bailiffs Ltd. indiquant notamment l'absence d'actifs réalisables ainsi qu'une copie d'un certificat, pièce R-5, portant le timbre du greffe de la Cour fédérale du Canada, émis en vertu de l'article 316 de la LTA. Un autre rapport, pièce R-6, contenant plusieurs documents a été reçu de la firme d'huissier et indiquant qu'aucun actif réalisable n'avait été trouvé pour l'exécution du bref relativement à la dette de Dortec en vertu de la LIR. Le montant dû, ainsi qu'il est mentionné dans le certificat, pièce R-7, émis par la Cour fédérale, Section de première instance, était de 15 030,89 $ du 24 mai 2001 jusqu'au jour du paiement.

[8]      En contre-interrogatoire par l'appelante, Connie Birchard, Jennifer Steele a reconnu que l'huissier avait reçu la directive de se présenter à la résidence des Birchard pour chercher des actifs. La cotisation établie contre Mme Birchard et son époux avait été confirmée au motif qu'ils étaient les administrateurs de Dortec et qu'ils étaient conjointement et individuellement responsables en vertu du paragraphe 227.1(1) de la LIR. Un Avis de ratification, pièce R-8, daté du 4 mars 2002, avait été envoyé à Perry Birchard. Mme Steele a déclaré qu'une recherche effectuée auprès du registraire des sociétés en 2001 avait révélé que les appelants étaient les administrateurs de Dortec. Mme Steele a déclaré que les seuls renseignements qu'elle a reçus au sujet d'une démission par les Birchard des postes d'administrateurs étaient ceux obtenus à la suite de l'émission des cotisations, fondées sur la responsabilité personnelle de chacun d'eux.

[9]      L'appelante, Connie Birchard, a soutenu que son époux et elle-même avaient remis leur démission en tant qu'administrateurs de Dortec, le 1er mars 1999. Compte tenu de ce fait, les cotisations émises par le ministre, fondées sur la responsabilité personnelle découlant de leur rôle d'administrateurs, l'ont été après l'expiration des délais prescrits puisque les dispositions pertinentes de la LTA et de la LIR précisent qu'aucune action ou procédure en recouvrement d'un montant payable par l'administrateur d'une société ne peut être entreprise plus de deux ans après que l'administrateur cesse pour la dernière fois d'être un administrateur de cette société. Comme les premières cotisations émises à l'égard des appelants étaient datées du 9 octobre 2001, Mme Birchard a soutenu que les dispositions pertinentes des deux Lois interdisaient au ministre d'établir une cotisation à leur égard sur la base de leur responsabilité personnelle en tant qu'administrateur. Mme Birchard a également soutenu que la preuve a révélé qu'elle avait tenté de régler les problèmes de Dortec et qu'elle avait fait les efforts raisonnables pour s'assurer que les arriérés de TPS et les retenues à la source non remises seraient remboursés à l'intérieur d'une certaine période.

[10]     L'avocat de l'intimée a soutenu que la démission prétendue du poste d'administrateur, par chacun des appelants, était incorrecte et qu'elle n'avait aucun effet parce qu'elle n'était pas conforme à la disposition pertinente de la Company Act de la Colombie-Britannique touchant la démission des administrateurs. En outre, l'avocat a soutenu que la démission n'a été livrée qu'au domicile de Mark Johnson, un autre administrateur, et qu'un tel geste ne pouvait servir d'avis à l'égard de toute personne devant être avisée. L'avocat a fait valoir que la preuve avait révélé que Connie Birchard et son époux n'avaient pas pris de mesure concrète pour prévenir le défaut de Dortec de remettre les montants dus en vertu de la LIR ou de la LTA et qu'ils n'avaient pas agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

[11]     Les questions en litige dans le cadre des présents appels sont les suivantes :

1.        Le ministre a-t-il établi une cotisation à l'égard de chacun des appelants à l'intérieur du délai permis par les dispositions pertinentes de la LTA ou de la LIR en ce qui concerne le défaut de Dortec de remettre la TPS comme l'exige le paragraphe 228(2) de la LTA et le défaut de la société de remettre l'impôt sur le revenu fédéral, les cotisations d'assurance-emploi et les contributions au RPC, comme l'exigent les dispositions pertinentes de la LIR, de la LAE et du Régime, respectivement?

2.        Chacun des appelants a-t-il démontré avoir agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté suffisant dans les circonstances pour prévenir le défaut de Dortec de remettre certains montants dus?

[12]     Les dispositions pertinentes de la LTA sont les suivantes :

323(1) Responsabilité des administrateurs - Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l'exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

323(3) Diligence - L'administrateur n'encourt pas de responsabilité s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

323(5) Prescription - L'établissement d'une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu'il a cessé pour la dernière fois d'être administrateur.

[13]     La disposition pertinente de la LIR, établissant la responsabilité des administrateurs, est le paragraphe 227.1(1), et le libellé de la disposition traitant de la diligence raisonnable figurant au paragraphe 227.1(2) est identique à celui cité à partir de la LTA et le délai pour émettre une cotisation contre un administrateur est également de deux ans.

[14]     La première question que je dois aborder est celle de savoir si les cotisations ont été émises à l'intérieur du délai imposé par la loi. L'un des documents obtenus auprès du registraire des sociétés, pièce R-3, est un avis de changement de bureau, déposé le 14 octobre 1998, par Mark Johnson, en sa qualité d'administrateur de Dortec. L'adresse du siège social a été changée, passant de l'ancien endroit à Campbell River au 1620, 15e avenue, Campbell River, Colombie-Britannique, V9W 4J4. Ce siège social était l'établissement où Dortec exploitait son entreprise de fabrication et de vente. La saisie a été effectuée par l'huissier à cet endroit, et les portes ont été verrouillées. Selon Connie Birchard, il n'y avait aucune raison de livrer une lettre de démission, signée par son époux et elle-même, du poste d'administrateur à un établissement qui est maintenant vide et où personne ne pouvait recevoir la lettre ou en prendre connaissance.

[15]     Les dispositions pertinentes de la Company Act, RSBC, chapitre 62, sont les suivantes :

                   [traduction]

Fin du mandat

130       (1)         Le mandat d'un administrateur prend fin conformément aux statuts ou en raison :

a)          de son décès ou de sa démission;

b)          de sa révocation aux termes du paragraphe (3);

c)          de son inhabileté à exercer aux termes de l'article 114;

d)          de sa révocation aux termes de l'acte constitutif ou des statuts.

Avis de cessation

132       (1)         Chaque société, dans les 14 jours suivant la démission ou la révocation d'un administrateur ou lorsque la société apprend qu'un administrateur de la société est inhabile à exercer, doit déposer auprès du registraire un avis, sur le formulaire 9 de l'annexe 2, de la fin du mandat d'un administrateur, mais le dépôt n'est pas nécessaire pour un administrateur qui cesse d'être un administrateur et qui est réélu ou nommé de nouveau le même jour.

            (2)         Une société qui contrevient au paragraphe (1) commet une infraction et est passible d'une amende maximale de 50 $ pour chaque jour où elle est en défaut.

[16]     Dans l'affaire Pidskalny c. ministre du Revenu national, C.C.I., no 89-3036(IT), 3 juin 1991 (91 DTC 1046), la juge Kempo, C.C.I., s'est penchée sur la démission d'un administrateur d'une société qui avait livré une seule copie de sa lettre de démission à son frère à l'atelier. Dans cette affaire, l'appelant ne savait pas que pour que sa démission prenne effet, cette dernière devait être livrée au siège social de la société. Même si elles n'ont plus les mêmes numéros, les dispositions applicables de la Company Act de l'époque étaient formulées de la même façon que celles citées ci-dessus. La juge Kempo a fait observer qu'il n'était pas nécessaire que la démission d'un administrateur soit déposée dans un délai de 14 jours ni même déposée pour qu'elle prenne effet et que le fait que la société est susceptible de poursuites pour ne pas s'être conformée à la disposition n'annule pas la validité d'une démission. Aux pages 8 et 9 (DTC : à la page 1049) de son jugement, la juge Kempo a formulé les commentaires suivants :

À mon avis, même si l'appelant a « cessé » d'être administrateur lorsqu'il a démissionné, sa démission n'entrait pas en vigueur selon la loi tant que le paragraphe 154(2) n'était pas respecté. On ne saurait aboutir à une autre interprétation sans faire abstraction du libellé de la loi ou y passer outre. Or, on ne m'a fourni aucun motif ou précédent valables pour agir ainsi.

Le paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu est libellé ainsi :

« (4) L'action ou les procédures visant le recouvrement d'une somme payable par un administrateur d'une corporation en vertu du paragraphe (1) sont prescrites après deux ans de la date à laquelle l'administrateur cesse pour la dernière fois d'être un administrateur de cette corporation. [Le soulignement est de moi]

Il faut relever le mot souligné dans l'expression « cesse pour la dernière fois d'être un administrateur » , qui est presque identique à celui utilisé au paragraphe 154(1) de la loi de la Colombie-Britannique, « cesse d'occuper ses fonctions » . Bien que les deux dispositions paraissent mettre l'accent sur la « cessation » , ce serait un non-sens de considérer cet élément indépendamment des autres, sans tenir compte des questions de fond relatives à ses effets juridiques. La question de la cessation, dans tout le sens juridique du terme, des fonctions d'un administrateur, doit être tranchée à la lumière des lois de la province ou du territoire qui a juridiction en l'espèce.

Malheureusement pour l'appelant, son ignorance de l'obligation de remettre sa démission au siège social de sa compagnie, ainsi que le non-respect de cette obligation, suspendent en fait les effets juridiques de la cessation de ses fonctions d'administrateur. Toutefois, toute forme ou tentative d'observation du paragraphe 154(2) ou du paragraphe 156(1) de la loi de la Colombie-Britannique aurait mis fin, à mon avis, à cet effet suspensif.

En conséquence, l'appelant n'a pas perdu légalement sa qualité d'administrateur après le 1er juillet 1986 et il n'est donc pas fondé à invoquer le délai de prescription de deux ans.

[17]     Dans l'affaire Sa Majesté la Reine c. Harvey Kalef, C.A.F., no A-11-95, 1er mars 1996 (96 DTC 6132), la Cour d'appel fédérale a examiné la question de savoir si le contribuable avait cessé d'être un administrateur lorsque le contrôle des activités de la société avait été ordonné par le syndic de faillite. Les motifs du jugement ont été rendus par le juge d'appel McDonald qui a formulé les commentaires suivants aux pages 4 à 6 (DTC : à la page 6134) et suivantes :

La Loi de l'impôt sur le revenu ne définit pas le terme « administrateur » et elle n'établit pas de critère en ce qui concerne le moment où une personne cesse d'occuper ce poste. Compte tenu du silence de la Loi de l'impôt sur le revenu, il est logique de se tourner vers la loi régissant la constitution en personne morale de la compagnie pour y trouver une réponse. La Bynamics a été constituée sous le régime de la Loi sur les compagnies de l'Ontario [L.O. 1982 ch. 4]. Le paragraphe 1(1) de la Loi sur les compagnies de l'Ontario définit comme suit le terme « administrateur » :

1. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[...]

« administrateur » Indépendamment de son titre, le titulaire de ce poste; « conseil d'administration » pouvant s'entendre également de l'administrateur unique.

Aux termes du paragraphe 1(1) de cette loi, « le titulaire [...] du poste [d'administrateur] » d'une compagnie en est un administrateur. Cette définition est assez passive. La Loi n'exige pas que l'intéressé exerce les pouvoirs d'un administrateur ou qu'il exerce un contrôle direct sur les biens de la compagnie pour être un « administrateur » .

La Loi sur les compagnies de l'Ontario énumère par ailleurs les circonstances dans lesquelles un administrateur cesse d'occuper son poste. Le paragraphe 121(1) de la Loi dispose en effet :

121. (1) Le mandat d'un administrateur prend fin en raison :

a)          de son décès ou, sous réserve du paragraphe 119(2), de sa démission;

b)          de sa révocation aux termes de l'article 122;

c)          de son inhabilité à l'exercer aux termes du paragraphe 118(1).

M. Kalef ne remplissait aucune de ces conditions. Il aurait pu donner sa démission ou essayer de démissionner de son poste d'administrateur de la compagnie, mais il ne l'a pas fait. Le seul empêchement à la démission que prévoit la Loi sur les compagnies de l'Ontario se trouve au paragraphe 119(2). Ce paragraphe dispose que les premiers administrateurs de la compagnie ne peuvent résigner leurs fonctions que si un successeur leur est nommé. M. Kalef n'était pas au nombre des premiers administrateurs de la Bynamics et ce paragraphe ne s'applique donc pas. Pour l'application de la Loi sur les compagnies de l'Ontario, M. Kalef est demeuré un administrateur de la Bynamics malgré la nomination du syndic de faillite.

Le jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire La Reine c. Wellburn et Perri [95 DTC 5417] a été rendu après la décision que le juge de la Cour de l'impôt a prononcée en l'espèce. Dans ce jugement, le juge MacKay conclut que la nomination d'un séquestre-gérant ne marque pas la date à laquelle les administrateurs de la compagnie cessent d'occuper leur poste pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu. Voici ce qu'il écrit au sujet de l'interprétation qu'il convient de donner au paragraphe 227.1(4) :

Le paragraphe 227.1(4) fixe le délai de prescription qui s'applique aux actions en recouvrement fondées sur cette responsabilité du fait d'autrui non pas en fonction de la capacité des administrateurs de corriger l'omission de la compagnie - c'est-à-dire dans l'exécution de leur charge d'administrateurs - mais en fonction d'un délai raisonnable après qu'ils cessent d'occuper leur poste, à savoir deux ans après qu'ils cessent d'être administrateurs de la compagnie. La cessation des fonctions prévue par la loi varie en règle générale d'une province à l'autre et selon les circonstances, suivant la loi provinciale ou fédérale applicable. Je ne suis pas certain de bien saisir ce que le juge de la Cour de l'impôt voulait dire lorsqu'il a déclaré qu' « on risquerait, dans certains cas tels que celui-ci, d'ôter toute signification au délai de prescription applicable » . À mon avis, on n'ôte pas davantage de signification au délai de prescription si celui-ci commence à courir lorsque l'administrateur cesse d'occuper sa charge aux termes de la loi applicable que si le délai de prescription court avec le résultat de la décision de la Cour de l'impôt, car, dans un cas comme dans l'autre, la responsabilité du fait d'autrui dure pendant les deux années qui suivent la cessation des fonctions de l'ancien administrateur et pendant lesquelles ce dernier peut, à titre d'administrateur, corriger le défaut de la compagnie de respecter les obligations que la Loi met à sa charge.

Je souscris au raisonnement du juge MacKay. Bien qu'il puisse être loisible au législateur fédéral de s'écarter expressément des principes du droit des compagnies pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu, je ne crois pas que l'on doive lui imputer une telle intention. Compte tenu du silence de la Loi de l'impôt sur le revenu, je crois qu'il convient de se guider sur la loi sur les compagnies applicable, en l'espèce la Loi sur les compagnies de l'Ontario. Un administrateur ne peut pas et ne devrait pas bénéficier des avantages de la constitution en personne morale que confère la Loi sur les compagnies de l'Ontario sans accepter aussi les responsabilités que cette loi lui impose. À l'époque en cause, M. Kalef était un administrateur de la Bynamics. Il n'a pas cessé d'être un administrateur en raison de la nomination du syndic de faillite. Il ne remplissait aucune des conditions prévues par la Loi sur les compagnies de l'Ontario pour cesser d'être un administrateur. Le délai de prescription prévu au paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu ne peut être invoqué à l'encontre des nouvelles cotisations.

[18]     Dans le cadre des présents appels, les appelants ont livré une lettre de démission en leur qualité d'administrateurs de Dortec à la résidence de Mark Johnson, un autre administrateur. Malheureusement, ils n'ont pas demandé d'avis juridique et ils n'ont pas songé à déposer un avis de leur démission auprès du registraire des sociétés. La lettre de démission aurait pu être collée à la porte de l'établissement de Dortec maintenant vacant et une copie aurait plus tard été fournie aux firmes d'huissiers et à l'ADRC. L'édifice vide était toujours désigné comme le siège social de Dortec et, à ce moment, Connie Birchard et Perry Birchard étaient les uniques actionnaires de Dortec. M. Johnson a fait une cession de faillite le 21 juin 1999, environ trois mois après que la démission putative lui a été livrée. J'ai de la difficulté à comprendre le but poursuivi par les appelants lorsqu'ils ont adopté cette ligne d'action puisque c'est l'acte de donner un avis au public en général, à l'occasion du dépôt du document approprié auprès du registraire des sociétés, qui était important. En outre, l'avis approprié d'une démission juridique du poste d'administrateur par chacun des appelants était essentiel puisqu'il concernait des dettes précises de Dortec, lesquelles - si elles restaient impayées - présentaient un risque encore plus grand de responsabilité personnelle.

[19]     À la lumière des questions examinées dans le contexte de la jurisprudence pertinente, je conclus qu'aucun des appelants n'a cessé d'être un administrateur de Dortec le 1er mars 1999 et que l'argument du délai de deux ans est donc rejeté.

[20]     L'autre question est celle de savoir si les appelants ont démontré qu'ils ont agi de manière à se disculper, comme le permettaient les paragraphes 227.1(3) de la LIR et 313(3) de la LTA, respectivement.

[21]     La décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Soper c. Canada, [1998] 1 C.F. 124 (97 DTC 5407) portait abondamment sur la question de la responsabilité personnelle des administrateurs à l'égard de retenues à la source d'impôt sur le revenu non remises. Le libellé de la disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu examinée, le paragraphe 227.1(3), est identique à celui du paragraphe 323(3) de la LTA pertinent en l'espèce. Le juge d'appel Robertson a examiné le contexte et le cadre législatifs des dispositions visant la responsabilité personnelle des administrateurs ainsi que la norme de prudence illustrée par la jurisprudence dans ce domaine. Aux pages 155 et suivantes (DTC : à la page 5416), le juge d'appel Robertson a déclaré ce qui suit :

[40] Le moment convient bien pour résumer mes conclusions au sujet du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi est fondamentalement souple. Au lieu de traiter les administrateurs comme un groupe homogène de professionnels dont la conduite est régie par une seule norme immuable, cette disposition comporte un élément subjectif qui tient compte des connaissances personnelles et de l'expérience de l'administrateur, ainsi que du contexte de la société visée, notamment son organisation, ses ressources, ses usages et sa conduite. Ainsi, on attend plus des personnes qui possèdent des compétences supérieures à la moyenne (p. ex. les gens d'affaires chevronnés).

[41] La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi n'est donc pas purement objective. Elle n'est pas purement subjective non plus. Il ne suffit pas qu'un administrateur affirme qu'il a fait de son mieux, car il invoque ainsi la norme purement subjective. Il est également évident que l'intégrité ne suffit pas. Toutefois, la norme n'est pas une norme professionnelle. Ces situations ne sont pas régies non plus par la norme du droit de la négligence. La Loi contient plutôt des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la « compétence » et l'idée de « circonstances comparables » . Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme « objective subjective » .

V. ANALYSE

[42] Il existe un nombre considérable de décisions qui portent sur l'article 227.1 de la Loi. Une façon de saisir l'ampleur du droit existant consiste à classer les décisions pertinentes par catégories. En fait, cette tâche a déjà été accomplie en grande partie par quelques-uns des commentateurs : voir, p. ex. Moskowitz, précité, aux pages 556 à 566; voir aussi R. L. Campbell, « Director's Liability for Unremitted Employee Deductions » (1993), 14 Adv. Q. 453.

[43] À titre d'exemple, dans certains cas, la question pertinente sera de savoir si une personne était, dans les faits ou en droit, un administrateur à l'époque pertinente aux fins d'imposer une responsabilité personnelle ou si cette personne avait cessé d'exercer ses fonctions au moyen d'une démission valide. Dans d'autres cas, comme ceux qui concernent une faillite et une mise sous séquestre, la question centrale sera un contrôle de droit. Dans d'autres cas encore, notamment les situations dans lesquelles un administrateur dominant est en mesure de limiter l'influence exercée par les autres sur les affaires de la société, il s'agira d'un contrôle de fait. J'entends m'attarder à la catégorie de décisions relative à la distinction entre les administrateurs internes et les administrateurs externes puisqu'il s'agit de la jurisprudence qui est la plus pertinente dans le cadre du présent appel.

[44] Je tiens tout d'abord à souligner qu'en adoptant cette démarche analytique, je ne donne pas à entendre que la responsabilité est simplement fonction du fait qu'une personne est considérée comme un administrateur interne par opposition à un administrateur externe. Cette qualification constitue plutôt simplement le point de départ de mon analyse. Mais cependant, il est difficile de nier que les administrateurs internes, c'est-à-dire ceux qui s'occupent de la gestion quotidienne de la société et qui peuvent influencer la conduite de ses affaires, sont ceux qui auront le plus de mal à invoquer la défense de diligence raisonnable. Pour ces personnes, ce sera une opération ardue de soutenir avec conviction que, malgré leur participation quotidienne à la gestion de l'entreprise, elles n'avaient aucun sens des affaires, au point que ce facteur devrait l'emporter sur la présomption qu'elles étaient au courant des exigences de versement et d'un problème à cet égard, ou auraient dû l'être. Bref, les administrateurs internes auront un obstacle important à vaincre quand ils soutiendront que l'élément subjectif de la norme de prudence devrait primer l'aspect objectif de la norme.

[45] Dans certaines affaires, il est facile de voir pourquoi les administrateurs internes ont été tenus responsables. C'est vrai pour l'affaire Barnett, précitée, qui est la première affaire dans laquelle la défense de diligence raisonnable a été examinée. Dans cette affaire, le contribuable, à titre d'administrateur et d'unique actionnaire de la société, avait retenu les services d'un contrôleur. Quand celui-ci a avisé le contribuable que la société était à court d'argent, le contribuable lui a répondu que les principaux fournisseurs devraient être payés en premier. Dans les circonstances, la Cour de l'impôt a rejeté l'appel interjeté par le contribuable contre la cotisation du ministre qui tenait le contribuable personnellement responsable des retenues à la source qui avaient été faites mais n'avaient pas été versées. Il est également compréhensible que des administrateurs internes aient été tenus responsables dans les affaires suivantes : Quantz (C. c. M.R.N., [1988] 1 C.T.C. 2276 (C.C.I.); et Beutler (O.) c. M.R.N., [1988] 1 C.T.C. 2414 (C.C.I.).

[22]     Dans le cadre des présents appels, Connie Birchard terminait son programme CGA et a reçu son accréditation en 2001. Bien qu'elle n'ait pas agi auparavant comme administratrice d'une société ni ait participé aux activités d'une entreprise, elle connaissait bien les exigences de déclaration et de remise liées à la TPS et aux retenues à la source. Son époux, Perry Birchard, exploitait DSL, une entreprise de sécurité, comme emploi parallèle à son emploi à plein temps. Lorsqu'elle a eu connaissance d'un problème potentiel quant aux liquidités de DSL, Connie Birchard a été tout à fait en mesure de suivre les détails du détournement de fonds commis par un ancien commis comptable qui, bien qu'il ait été un employé de DSL, participait aussi aux activités financières et à la tenue de livres de Dortec. Lors de son témoignage, Connie Birchard a déclaré qu'elle avait informé son époux, Perry Birchard, de l'état des affaires de Dortec après qu'ils ont assumé le contrôle à la suite de l'acquisition de toutes les actions le 1er mars 1998. Selon Connie Birchard, son époux ne connaissait pas bien les questions commerciales liées à Dortec, particulièrement en ce qui concerne les détails des mesures entreprises par elle visant à régler la situation financière précaire de la société, y compris le besoin pressant de rembourser les arriérés de T.V.P. et le paiement des principaux fournisseurs afin que Dortec puisse continuer de recevoir la matière première nécessaire à la fabrication de ses produits.

[23]     Dans l'affaire Procureur général du Canada c. McKinnon et autres, [2001] 2 C.F. 203 nos A-421-98, A-422-98, A-423-98, A-424-98, A-425-98, A-426-98, 24 octobre 2000 (2000 DTC 6593), la Cour d'appel fédérale a examiné la question de la responsabilité personnelle d'administrateurs à l'égard de retenues à la source et de TPS non remises. En dehors des considérations habituelles relatives à la question de la diligence raisonnable, il y avait également la question de la perte du contrôle de fait des administrateurs après que la banque de la société avait décidé soudainement de réduire la marge de crédit et de refuser de payer des chèques payables au receveur général pour des retenues à la source.

[24]     À la suite d'un examen approfondi de la jurisprudence actuelle ayant découlé de situations factuelles semblables, le juge d'appel Evans a déclaré ce qui suit à la page 232 (DTC : à la page 6603) et suivantes :

[70] J'estime qu'il est essentiel de ne pas perdre de vue la question qui est au coeur du présent appel, savoir si les administrateurs en l'espèce ont exercé la diligence raisonnable requise pour prévenir le défaut de versement de la compagnie. Il ne s'agit pas nécessairement de la même chose que de se demander s'il était raisonnable de leur part, du point de vue commercial, de continuer à exploiter l'entreprise. Pour être en mesure d'invoquer le moyen de défense tiré du paragraphe 227.1(3), il faut normalement qu'ils aient pris des mesures positives qui, si elles aboutissaient, auraient pu prévenir le défaut de versement. Il faut donc examiner si ce qu'ont fait ces administrateurs pour prévenir le défaut satisfait à la norme de soin, de diligence et d'habileté qu'aurait observée une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables.

[71] Il ne suffira normalement pas que les administrateurs aient continué à exploiter l'entreprise, sachant qu'un défaut de versement était probable mais dans l'espoir que la compagnie reprendrait pied avec une reprise de l'économie ou une amélioration de sa position sur le marché. Dans ces conditions, les administrateurs seront généralement tenus pour avoir accepté le risque inhérent à la gageure que la compagnie serait subséquemment en mesure de verser les sommes dues. Le public n'a pas à assurer contre son gré ce risque, aussi raisonnable qu'il soit du point de vue commercial pour les administrateurs de continuer à exploiter l'entreprise sans rien faire pour prévenir les défauts de versement à l'avenir.

[72] Cette conclusion a été récemment tirée dans Ruffo c. R., [1998] 2 C.T.C. 2203 (C.C.I.), décision confirmée par notre Cour le 13 avril 2000 (2000), 2000 DTC 6317, et où Mme la juge Lamarre Proulx de la Cour canadienne de l'impôt s'est prononcée en ces termes (paragraphe 20) :

Je suis d'avis que la jurisprudence de notre Cour est constante sur la diligence qui doit avoir été exercée par l'administrateur d'une corporation pour lui permettre d'échapper à la responsabilité prescrite par le paragraphe 227.1(1) de la Loi. Elle est la diligence qui s'est préoccupée de prévenir le manquement et peut dans bien des cas, se différencier de la diligence que doit exercer l'administrateur envers la corporation.

[73] Un peu plus loin, elle a cité avec approbation cette affirmation du juge Rip de la Cour canadienne de l'impôt dans K. Merson c. M.R.N., [1989] 1 C.T.C. 2074 (à la page 2083) :

La prudence qu'exige le paragraphe 227.1(3) pour agir avec soin, diligence et habileté diffère de celle que doit exercer l'administrateur qui exécute ses fonctions, en vertu du droit des compagnies, quoique le paragraphe 227.1(3) et l'alinéa 122(1)b) de la Loi sur les sociétés par actions, par exemple, emploient des mots identiques. Le soin, la diligence et l'habileté que le paragraphe 227.1(3) exige de l'administrateur ne reposent pas sur les obligations de ce dernier envers la corporation; ils reposent sur l'une des obligations de la corporation en vertu de la Loi et l'omission, par la corporation, d'exécuter cette obligation. On s'attend à ce que l'administrateur qui gère une entreprise prenne des risques pour accroître la rentabilité et c'est à cette attente que se mesurent les obligations du soin, de la diligence et de l'habileté. Le degré de prudence qu'exige le paragraphe 227.1(3) ne laisse aucune place au risque.

[74] Je n'interprète pas l'affirmation faite par le juge Rip que « le degré de prudence qu'exige le paragraphe 227.1(3) ne laisse aucune place au risque » comme signifiant que l'article 227.1 impose une présomption de responsabilité aux administrateurs dont la compagnie se révèle en fin de compte incapable d'acquitter les sommes en souffrance. Pareille conception serait indubitablement contraire au paragraphe 227.1(3), qui n'entre en jeu que dans le cas où Revenu Canada ne peut recouvrer l'argent que la compagnie aurait dû verser.

[75] Je pense au contraire qu'il a voulu dire par là que si les administrateurs décident de maintenir l'entreprise en activité dans l'espoir que la compagnie sera remise à flot et sera en mesure de rattraper les défauts de versement après coup, et que la compagnie fasse quand même faillite sans avoir payé ce qu'elle devait au fisc, ils ne peuvent arguer en défense qu'une personne raisonnable aurait accepté le risque qu'ils ont couru. Le moyen de défense tiré du paragraphe 227.1(3) ne peut servir que si les administrateurs peuvent prouver qu'ils ont agi avec le soin, la diligence et l'habileté qu'un homme d'affaires raisonnablement prudent aurait exercé dans des circonstances comparables pour prévenir le défaut.

[76] Que les administrateurs aient fait preuve ou non de diligence raisonnable pour prévenir le défaut est à la fois un point de droit et un point de fait. Sur le plan juridique, la responsabilité d'un administrateur en cas de défaut de versement des retenues à la source et de la TPS ne se cristallise qu'une fois que les conditions prévues au paragraphe 227.1(2) auront été réunies. Qui plus est, si les sommes dues sont par la suite intégralement réglées, même tardivement, ces administrateurs ne seront pas tenus responsables du défaut par la compagnie de les verser en premier lieu.

[77] Cependant, le fait qu'avant de se cristalliser, la responsabilité de l'administrateur soit latente n'est pas incompatible avec la conclusion qu'il y a eu défaut de versement si aucun versement n'a été fait à la date qui, selon les textes applicables, est la date d'échéance. Par exemple, le paragraphe 108(1) du Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945 [mod. par DORS/97-472, art. 3], prévoit que les sommes retenues sur les salaires des employés dans un mois donné en application du paragraphe 153(1) de la Loi, doivent être versées au receveur général du Canada au plus tard le 15e jour du mois suivant.

[78] Il s'ensuit, à mon avis, que les administrateurs d'Abel ne pouvaient prétendre au bénéfice du paragraphe 227.1(3) par la simple assertion qu'ils avaient poursuivi l'exploitation de l'entreprise en s'en remettant raisonnablement à l'avis de M. Humphreys que celle-ci pourrait se remettre à flot dans les 18 mois et que l'économie serait dans une meilleure conjoncture économique entre-temps. À supposer même que la compagnie ait pu se mettre en état de tirer parti de la conjoncture économique favorable et soit devenue rentable, elle serait devenue tout au plus capable d'acquitter les sommes dues et de prévenir les défauts de versement à l'avenir. L'adoption de ce conseil ne pouvait pas prévenir les défauts de versement qui devaient survenir antérieurement au renflouement de la compagnie, à supposer même que cette prévision se soit avérée exacte.

[79] Étant donné les restrictions que leur imposait le contrôle de fait exercé par la banque sur les finances de la compagnie, je conclus des faits de la cause que les administrateurs ont exercé, pour prévenir les défauts de versement, le même degré de soin, de diligence et d'habileté qu'une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables. Le fait que Mme McKinnon ait continué à préparer les chèques de versement, manifestement sans l'espoir réaliste que la banque les honorerait tous, indique aussi que ces administrateurs n'ignoraient pas la dette de la compagnie envers Revenu Canada. [...]

[25]     Contrairement à lasituation dans l'affaire McKinnon, précitée, Connie Birchard a mis sur pied un système de paiement des factures de Dortec à l'égard de fournisseurs en envoyant des mandats plutôt que de courir le risque de voir la direction de Royale décider soudainement de refuser de payer un chèque payable à un important fournisseur. Lorsque Connie Birchard a pris part à la gestion des activités financières de Dortec, elle a corrigé les déclarations de TPS qu'elle a trouvées dans un dossier, a inséré l'information appropriée et les a soumises à Revenu Canada. Les formulaires de retenues à la source relativement à l'impôt sur le revenu, les cotisations à l'assurance-emploi et les contributions au RPC ont été correctement remplis et soumis.

[26]     Les appelants se sont trouvés dans une situation difficile. Ils avaient investi de l'argent dans Dortec et détenaient ensemble le tiers des actions en circulation. Le fait d'aider un membre de la famille, Mark Johnson, constituait la raison principale pour laquelle ils avaient décidé de participer à l'achat de l'entreprise, plus tard possédée et exploitée par Dortec. Connie Birchard a commencé à trouver des solutions à plusieurs problèmes financiers urgents. Au 21 juillet 1998, les arriérés de T.V.P., au montant de 8 698 $, avaient fait l'objet d'un certificat, pièce A-1, déposé auprès de la Cour suprême de la Colombie-Britannique par le Commissaire adjoint de la Social Service Tax Act. Connie Birchard a choisi de s'attaquer d'abord à ce problème en concluant un arrangement selon lequel Dortec payait le montant de 1 700 $ par mois pour les arriérés et remettrait la T.V.P. en cours lorsqu'elle serait due. À ce moment, elle devait s'assurer que les principaux fournisseurs de Dortec étaient payés afin de garantir un flot régulier de matériaux nécessaires à la fabrication des portes et des fenêtres commandées par les clients. Elle savait que les remises des retenues à la source étaient en retard et que des montants étaient dus au titre de la TPS. Elle ajoutait un paiement, au montant de 200 $, lorsqu'elle produisait les déclarations pour certaines périodes de déclaration et avait l'intention de faire un suivi quant à un plan pour réduire les arriérés de TPS ainsi que les autres montants accumulés découlant des différentes retenues à la source non remises. Dortec déposait plus d'argent grâce à la vente accrue de produits, en vertu d'un important contrat de fourniture et d'installation commençant en mars 1999, qui était l'événement important pouvant améliorer la situation financière de la société. Même dans ce cas, selon Mme Birchard, Dortec ne devait être véritablement rentable que quatre ou cinq ans plus tard parce qu'elle devait rembourser une dette importante, y compris un montant de près de 150 000 $ dû à Royale. Malheureusement, le pari ne s'est pas avéré rentable, et Royale a envoyé un huissier, juste avant Noël 1998, pour saisir tous les actifs commerciaux et fermer l'entreprise. Connie Birchard a reconnu qu'elle avait choisi de donner priorité au paiement des arriérés de T.V.P. et de satisfaire les demandes des fournisseurs importants de matériaux plutôt que de remettre les montants requis dus en ce qui concerne la TPS ou les retenues à la source. Elle agissait comme le contrôleur de Dortec qu'elle possédait totalement avec son époux, Perry Birchard. Lorsque les Birchard ont assumé la propriété complète de Dortec et que l'étendue totale des problèmes financiers ont été mis au jour, Perry Birchard a été mis au courant de la situation par Connie Birchard qui fournissait de l'information continue, dans un sens général, puisqu'il ne comprenait pas très bien les aspects pratiques et les rouages internes des différents mécanismes et exigences de déclarations et de remise.

[27]     Connie Birchard a indiqué dans son témoignage qu'elle se rappelait avoir signé différents documents au bureau de son avocat avant de prendre le contrôle total de Dortec le 1er mars 1998. Cependant, elle a déclaré qu'elle n'avait précisément compris que son époux et elle-même étaient les administrateurs de Dortec qu'en septembre 1998, époque à laquelle un événement ou de l'information reçue ont fait en sorte qu'ils aient pris connaissance de leur statut. Toutefois, une liste des administrateurs, datée du 1er mars 1998 a été déposé auprès du registraire des sociétés le 3 juillet 1998, les énumérait comme administrateurs de Dortec. Je peux accepter que Connie Birchard n'ait probablement envisagé les conséquences d'être une administratrice de Dortec que lorsqu'elle y a été confrontée un peu plus tard, mais je ne peux conclure selon la preuve déposée devant moi qu'elle ne savait pas qu'elle était une administratrice de Dortec au moment où elle a pris le contrôle du reste des actions en circulation le 1er mars 1998. Elle et son époux prenaient des mesures précises visant à assumer le contrôle total, ainsi que la propriété, des activités de Dortec afin qu'elle puisse consacrer son temps et son expertise à la résolution d'une multitude de problèmes et à la protection de leur investissement qui était garanti par une hypothèque consentie sur leur résidence personnelle. Il est certainement difficile pour quelqu'un de prouver le contraire, mais il n'est pas raisonnable de conclure selon la preuve que Connie Birchard et/ou son époux ne savaient pas, le 1er mars 1998, qu'ils étaient également devenus administrateurs de Dortec en plus d'assumer la propriété de l'entreprise.

[28]     Connie Birchard a indiqué dans son témoignage qu'elle a communiqué avec un fonctionnaire de Revenu Canada afin de l'informer qu'une saisie, au nom de Royale, se déroulait à ce moment-là à l'établissement de Dortec. Elle a rapidement télécopié une liste des comptes débiteurs de Dortec à cette personne de façon à ce que Revenu Canada puisse obtenir les paiements directement et applique ces montants aux arriérés. Heureusement, Revenu Canada a pris les mesures appropriées, et certains montants ont été perçus en conséquence. Cependant, je trouve quelque peu étrange que Revenu Canada ou son successeur, l'ADRC, n'ait pas entrepris les démarches nécessaires pour assurer sa priorité, au nom de Sa Majesté du chef du gouvernement du Canada, de la même manière que la province de la Colombie-Britannique l'a fait en relation aux arriérés de T.V.P. L'avis qu'a donné Connie Birchard à Revenu Canada, alors que la saisie se déroulait, constituait la bonne marche à suivre, et elle doit en être félicitée ainsi que pour ses vaillants efforts pour avoir maintenu l'entreprise à flot et s'être assurée que les productions appropriées et les formulaires de remises étaient préparés et soumis à Revenu Canada même si les paiements joints n'ont pu être effectués. Elle a communiqué avec le service de la perception de Revenu Canada et a tenté de conclure des arrangements satisfaisants à l'égard de tous les arriérés, y compris ceux touchant la TPS. En prévenant Revenu Canada de la saisie effectuée par Royale, Mme Birchard a fourni l'occasion à cet organisme de faire valoir ses droits d'une manière à protéger son statut supérieur de créancier afin de participer à la répartition finale du produit de la vente des actifs saisis.

[29]     La responsabilité potentielle des administrateurs est considérable, et une simple absence de compréhension des conséquences juridiques possibles à un niveau personnel lorsque les choses tournent mal, et elles le font souvent, fournira rarement une réponse adéquate permettant de satisfaire au degré de diligence exigé par les dispositions pertinentes des lois applicables.

[30]     Les appelants portaient le fardeau de la preuve et ils devaient démontrer que les différentes cotisations émises par le ministre, indiquées au début des présents motifs, étaient incorrectes. La preuve ne m'a pas permis d'arriver à cette conclusion. En conséquence, les deux appels, de chacun des appelants, sont donc rejetés.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 6e jour de mars 2003.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de février 2004.

Liette Girard, traductrice

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