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Dossier : 2003‑4123(IT)G

ENTRE :

GRANT McPHERSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu les 20 et 21 novembre 2006, à Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L'honorable juge L. M. Little

 

Comparutions :

 

 

Avocat de l'appelant :

Me Patrick W. Watson

 

 

Avocats de l'intimée :

Me Gavin Laird, Me Robert Carvalho

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 est rejeté avec dépens, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 6e jour de décembre 2006.

 

 

« L. M. Little »

Le juge Little

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juin 2007.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2006CCI648

Date : 20061206

Dossier : 2003‑4123(IT)G

ENTRE :

GRANT McPHERSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Little

 

A.      LES FAITS

 

[1]     L'appel a été entendu à Vancouver (Colombie‑Britannique) les 20 et 21 novembre 2006.

 

[2]     Au début de l'audience, les parties ont déposé un exposé conjoint partiel des faits (pièce A‑1).

 

[TRADUCTION]

 

1.         L'Association for the Betterment of Literacy and Education (« ABLE ») a été mise sur pied et promue à titre d'abri fiscal par Henry N. Thill.

 

2.         Le fonctionnement de l'abri fiscal ABLE variait d'une année à l'autre et d'un investisseur à l'autre.

 

3.         En 1993 et en 1994, ABLE a été promue principalement sous le nom Funded Charitable Donation Program (« FCDP ») et offrait à un contribuable la possibilité suivante :

 

(i)         fixer le montant pour lequel il désirait recevoir un reçu pour don de bienfaisance;

 

(ii)        verser 25 p. 100 de ce montant à titre de « prime d'assurance »;

 

(iii)       utiliser l'« assurance » pour garantir et, éventuellement, rembourser un « prêt » de 30 ans d'une société des îles Vierges britanniques;

 

(iv)       utiliser le « produit » du « prêt » pour faire un « don » à ABLE;

 

(v)        recevoir un reçu pour don de bienfaisance d'ABLE, au montant global du « prêt », et obtenir ainsi un taux de rendement global élevé pour l'investissement représentant 25 p. 100 de cette somme.

 

4.         En 1995, cet abri fiscal a été promu sous le nom Publishers' Philanthropic Fund of Bermuda (« PPF ») et, dans une moindre mesure, sous le nom Gift Provider's Fund. Le PPF a été décrit comme suit : un groupe « d'éditeurs, de bénéficiaires de droits de redevance et de producteurs de propriétés intellectuelles, [qui] ont réalisé des profits énormes au fil des ans en raison de leur entreprise individuelle et collective », et qui ont décidé « de rendre une partie de cette richesse à la société » en faisant des contributions jumelées à celles de contribuables, dans une proportion de trois à un, et ce, sous le couvert de l'anonymat. Cela permettait aux contribuables « choisis » de toucher le montant global du reçu pour don de bienfaisance. Ainsi, selon cette variante, le contribuable bénéficiait de la possibilité suivante :

 

(i)         fixer le montant pour lequel il désirait recevoir un reçu pour don de bienfaisance;

 

(ii)        verser une contribution de 25 p. 100 de ce montant;

 

(iii)       toucher une « contribution » supplémentaire équivalant au triple de la contribution initiale grâce à l'oeuvre de bienfaisance anonyme du PPF;

 

(iv)       recevoir un reçu pour don de bienfaisance d'ABLE, au montant global, et obtenir ainsi un taux de rendement global élevé pour l'investissement représentant 25 p. 100 de cette somme.

 

5.         Les deux parties ont convenu qu'en 1996, ABLE avait été promue sous le nom Charitable Donation Program (« CDP »). Le CDP mettait en cause le même PPF que sa variante de 1995, sauf que désormais le PPF versait un « don pour études » à des particuliers « choisis ».

 

6.         Selon la position de l'intimée, dans la variante de 1996, un contribuable :

 

(i)         fixait le montant pour lequel il désirait recevoir un reçu pour don de bienfaisance;

 

(ii)        versait ce montant (en totalité);

 

(iii)       recevait du PPF un « don pour études » équivalant à 75 p. 100 du montant de la contribution;

 

(iv)       recevait un reçu pour don de bienfaisance d'ABLE, au montant global de la contribution, et obtenait ainsi un taux de rendement global élevé pour l'investissement, compte tenu du fait qu'une proportion de 25 p. 100 seulement du montant global versé n'était pas remboursée sous forme de « don pour études ».

 

7.         Selon sa position, l'appelant :

 

a)         savait qu'il existait un don pour études;

 

b)         pensait que c'était une occasion d'obtenir quelque chose d'importance mineure, comme des bâtons de golf;

 

c)         ne prévoyait pas recevoir de remboursement équivalant à 75 p. 100 de sa contribution, et n'en a pas reçu;

 

d)         n'a jamais reçu de don pour études dans les faits.

 

8.         En 1996, ABLE comptait 101 donateurs, au nombre desquels se trouvait M. McPherson. Dans le cas de 91 des 101 donateurs, il existe des chèques attestant un remboursement de 75 p. 100 de leur contribution. L'intimée n'a en sa possession aucun chèque attestant que M. McPherson aurait reçu un remboursement de 75 p. 100 de sa contribution.

 

9.         L'appelant a effectué un paiement de 25 000 $ (le « premier paiement ») à l'intention de l'Association for the Betterment of Literacy and Education (« ABLE ») le 25 juin 1996.

 

10.       L'appelant a effectué un paiement de 100 000 $ (le « second paiement ») à l'intention de l'Association for the Betterment of Literacy and Education (« ABLE ») le 12 décembre 1996.

 

11.       ABLE a perdu son agrément à titre d'organisme de charité le 25 septembre 1999.

 

B.      LE POINT EN LITIGE

 

[3]     Le point en litige est de savoir si l'appelant est autorisé à déduire le paiement de 125 000 $ lors du calcul de son revenu au cours de l'année d'imposition 1996.

 

C.      ANALYSE ET DÉCISION

 

[4]     Les parties ont convenu que l'intimée avait revu des chèques permettant de déterminer que 91 des 101 participants à la version 1996 d'ABLE avaient reçu un prétendu « don pour études », qui était une commission clandestine équivalant à 75 p. 100 du montant dont ils avaient fait don à ABLE.

 

[5]     L'appelant a témoigné qu'il n'avait ni prévu recevoir ni reçu de « don pour études » équivalant à 75 p. 100 des versements qu'il avait effectués à l'intention d'ABLE.

 

[6]     L'avocat de l'intimée a admis qu'il n'avait aucune preuve directe que l'appelant avait reçu la commission clandestine de 75 p. 100, à titre de « don pour études », de sa contribution de 25 000 $ versée en juin 1996.

 

[7]     L'avocat de l'intimée allègue que l'un des deux virements télégraphiques de 75 000 $ effectués le 24 décembre 1996, à l'intention de la banque Rahn & Bodmer de Zurich, en Suisse, au cours de la période qui suivait de peu celle à laquelle M. Currie (un autre donateur d'ABLE) et l'appelant ont fait des dons de 100 000 $ à ABLE, est la commission clandestine de 75 p. 100 que l'appelant a reçue en remboursement de son versement de 100 000 $.

 

[8]     En résumé, l'avocat de l'intimée maintient que l'appelant s'attendait à recevoir et a reçu le prétendu « don pour études » équivalant à 75 p. 100 des versements qu'il avait faits à ABLE. Pour affirmer cela, l'avocat de l'intimée table fortement sur des faits mis en preuve, tels que les antécédents d'ABLE en matière de fonctionnement et de publicité, et sur le fait que 91 des 101 donateurs ont reçu un chèque dont le montant équivalait à 75 p. 100 de leur don. L'avocat de l'intimée invoque également l'invraisemblance de la version de l'appelant et les inférences défavorables qu'il demande à la Cour de tirer du fait que l'appelant n'a pas fait témoigner des témoins qu'il aurait pu convoquer facilement pour corroborer sa version. L'avocat de l'intimée a fait remarquer que l'appelant aurait pu faire témoigner son frère, Stuart McPherson. En outre, l'appelant aurait pu faire témoigner M. Cusano ou M. Comparelli afin de corroborer sa version des événements, mais il ne l'a pas fait.

 

[9]     Lorsque nous examinons les faits tels qu'ils sont narrés ci‑dessus, nous remarquons que l'appelant maintient qu'il n'a reçu d'ABLE aucune commission clandestine équivalant à 75 p. 100 du montant qu'il lui avait versé. (L'appelant a effectué des paiements de 100 000 $ et de 25 000 $ en 1996.)

 

[10]    Toutefois, l'avocat de l'intimée maintient que, tout comme 91 des 101 donateurs d'ABLE ont reçu des commissions clandestines, l'appelant a aussi reçu des commissions clandestines sous forme de virements télégraphiques équivalant à 75 p. 100 de ses contributions.

 

[11]    Afin de résoudre cette contradiction entre le témoignage de l'appelant et la position adoptée par l'avocat de l'intimée, je dois examiner avec soin toutes les circonstances pertinentes.

 

[12]    À cet égard, je renvoie à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, 94 D.T.C. 6001.

 

[13]    Dans l'arrêt Symes, le juge Iacobucci affirmait ce qui suit à la page 736 :

 

Comme dans d'autres domaines du droit, lorsqu'il faut établir l'objet ou l'intention des actes, on ne doit pas supposer que les tribunaux se fonderont seulement, en répondant à cette question, sur les déclarations du contribuable, ex post facto ou autrement, quant à l'objet subjectif d'une dépense donnée. Ils examineront plutôt comment l'objet se manifeste objectivement, et l'objet est en définitive une question de fait à trancher en tenant compte de toutes les circonstances. [...]

 

[14]    Je vais maintenant résumer toutes les circonstances pertinentes.

 

A.      L'appelant est conseiller autorisé en placements, en Colombie‑Britannique. Il a reçu son permis de conseiller en placements en 1986.

 

B.      En 1996, l'appelant a touché un revenu de commissions de 313 662 $ (pièce A‑2, volume 1, onglet 1, page 1).

 

C.      L'appelant a admis en contre‑interrogatoire qu'en raison de son expérience des affaires à titre de courtier, il était rompu à la lecture de prospectus et d'autres documents promotionnels. Il a affirmé ne pas être dupe des escroqueries financières et faire preuve de diligence raisonnable avant d'effectuer un placement.

 

D.      En dépit de toutes les preuves attestant le fonctionnement d'ABLE, et du fait que cette association avait ultérieurement perdu son agrément à l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC »), l'appelant n'a pas témoigné une seule fois qu'il avait eu le sentiment d'être induit en erreur ou escroqué par les promoteurs d'ABLE. L'appelant n'a produit aucune preuve d'une éventuelle action en justice qu'il aurait intentée contre Henry R. Thill, ABLE ou toute autre personne afin de récupérer les « dons » s'élevant à 255 000 $ (125 000 $ en 1996 et 130 000 $ en 1997) qu'il avait effectués à ABLE. En outre, il ne considérait pas avoir été « dupé » en recevant autre chose que ce à quoi il s'attendait d'ABLE.

 

E.      L'appelant n'a exprimé ni surprise ni indignation lorsqu'il a appris que 91 des 101 donateurs de la variante 1996 du stratagème avaient reçu des commissions clandestines directes équivalant à 75 p. 100 de leurs contributions. L'appelant a simplement affirmé qu'il ne possédait aucune connaissance « approfondie » de la situation financière des autres personnes.

 

F.      L'appelant a seulement critiqué le fait que l'ARC pouvait contester des reçus pour dons de bienfaisance des années après qu'ils avaient été émis. Il a qualifié ce processus d'« irritant ».

 

G.      L'appelant a admis en contre‑interrogatoire qu'il n'avait jamais entendu parler d'ABLE avant d'être sollicité par son frère, Stuart McPherson, et par Pasquale Cusano.

 

H.      Lors de l'appel, l'appelant n'a jamais expliqué vraiment ce que faisait ABLE, ni à quoi renvoyait cet acronyme. Les preuves qu'il a présentées n'indiquent pas clairement si, dans les faits, il savait quelque chose au sujet de cette association. Par contre, un vérificateur de l'ARC, M. Kuhn, a témoigné que l'activité de cette organisation consistait à promouvoir « l'alphabétisation et l'instruction » en distribuant des trousses de lecture rapide. Monsieur Kuhn a témoigné que lesdites trousses remontaient aux premiers stratagèmes d'abris fiscaux promus par Henry N. Thill sous diverses formes, un grand nombre d'années auparavant.

 

I.       L'appelant n'a jamais fait allusion aux trousses de lecture rapide. Les preuves produites n'indiquent pas clairement s'il en avait déjà vu une ou s'il s'était même efforcé d'en voir une.

 

J.       Nonobstant le don de 255 000 $ qu'il avait fait à l'« Association for the Betterment of Literacy and Education », l'appelant a admis en contre‑interrogatoire qu'il « ne s'intéressait pas particulièrement à l'alphabétisation ».

 

K.      Les antécédents objectifs de l'appelant en matière de dons de bienfaisance avant l'année d'imposition 1996 étaient non existants. Monsieur Kuhn a témoigné que l'appelant n'avait déclaré aucun don de bienfaisance au cours des années d'imposition 1993, 1994 ou 1995. L'appelant a également admis ce point en contre‑interrogatoire. (Remarque – En 1996, l'appelant a fait un don de 600 $ à l'hôpital pour enfants en vertu d'un accord promotionnel à son bureau.)

 

L.      L'appelant n'a jamais expliqué pour quelles raisons ABLE avait suscité sa toute nouvelle « générosité » envers un organisme de bienfaisance en 1996 et en 1997. Il a plutôt admis que les seules explications de son engagement dans ABLE étaient les suivantes :

 

a)       il avait été sollicité par son frère, Stuart McPherson, et par Pasquale Cusano et Henry Thill;

 

b)      il souhaitait obtenir la « déduction fiscale » qui était proposée;

 

c)       en 1996, il avait connu « une bonne année » (bien qu'il ait emprunté pour faire un don à ABLE);

 

d)      il voulait s'assurer que l'organisme de bienfaisance était une « organisation légitime ».

 

M.     L'appelant a admis avoir examiné les documents promotionnels d'ABLE figurant à la pièce A‑2, volume 2, onglet 9A (les « documents promotionnels de 1996 »). Ces documents ont également été identifiés par M. Kuhn comme étant les documents promotionnels de 1996.

 

N.      La page 10 du document promotionnel de 1996 se lit comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

THE CHARITABLE DONATION PROGRAM (le programme de dons de bienfaisance)

 

Le programme comprend deux étapes principales :

 

1)         La loi vous permet de faire un don de charité et de demander une déduction dans votre déclaration de revenus.

 

Un contribuable a le droit d'utiliser jusqu'à 50 p. 100 de son revenu net pour faire un don de charité [la « limite de 50 p. 100 »].

 

Les contributions en trop peuvent être reportées sur les cinq exercices ultérieurs. Un don peut être transférable à un conjoint.

 

2)         Le Publishers' Philanthropic Fund of Bermuda [« PPF »] octroie des dons pour études à des partisans qualifiés de l'Association for the Betterment of Literacy and Education (ABLE), une organisation dont l'oeuvre de bienfaisance vise à promouvoir l'alphabétisation et l'instruction.

 

Le montant de ce don pour études est d'au plus 75 p. 100 de la contribution du donateur.

 

[C'est nous qui soulignons.]

.

O.      Le document promotionnel de 1996 a été montré à l'appelant lors de l'audience. Ce dernier :

 

a)       a admis avoir revu le document promotionnel de 1996;

 

b)      a affirmé lors de l'interrogatoire principal et du contre‑interrogatoire qu'il était au courant de la limite de 50 p. 100;

 

c)       a reconnu en contre‑interrogatoire qu'il comprenait la règle du report prospectif formulée dans la Loi de l'impôt sur le revenu;

 

d)      a admis en contre‑interrogatoire qu'il avait rempli le formulaire de contribution (pièce A‑2, volume 2, onglet 9A, troisième page de la fin), au moins dans le cas du don de 100 000 $ qu'il a effectué en décembre 1996.

 

P.      Nonobstant les libellés des formulaires de contribution et d'adhésion et des documents promotionnels de 1996, qu'il admet avoir signés et examinés respectivement, l'appelant maintient qu'il n'a jamais compris qu'il pourrait recevoir un montant de 75 000 $ en commission clandestine.

 

Q.      Dans son témoignage, l'appelant a affirmé avoir pensé qu'il pourrait recevoir quelque chose comme des bâtons de golf, des billets de hockey ou peut‑être un dîner. Mais il a affirmé qu'il n'avait jamais pensé qu'on pourrait lui rembourser de l'argent.

 

R.      Lorsqu'il a été contre‑interrogé, l'appelant a admis que contrairement au fait qu'un montant égal à 75 p. 100 de la contribution est mentionné dans les documents promotionnels de 1996, il n'y a aucune allusion à des bâtons de golf ou à des billets de hockey, ni dans les documents promotionnels de 1996, ni ailleurs.

 

S.      L'appelant a reconnu en contre‑interrogatoire qu'il avait rempli le formulaire d'adhésion parce qu'il ne pouvait pas recevoir le « don » sans cela.

 

T.      On a reporté l'appelant et M. Kuhn à l'exemple du revenu net de 50 000 $, à la page 11 du document promotionnel de 1996 (pièce A‑2, volume 2, onglet 9A). L'exemple se fonde sur un calcul hypothétique selon lequel un donateur d'un montant de 25 000 $ reçoit un « don pour études » de 18 750 $. Dans le document promotionnel de 1996, on ne présente aucun cas où un donateur pourrait recevoir un « don pour études » inférieur à 75 p. 100 de sa contribution ou ne rien recevoir du tout.

 

U.      Le paragraphe central du formulaire de cession de don se lit comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

Je suis heureux d'avoir été choisi afin de recevoir un don pour études du Publishers Philanthropic Fund of Bermuda. En qualité de membre d'ABLE, l'Association for the Betterment of Literacy and Education, je vous prierais de faire parvenir le don de ____ dollars qui m'est consenti à ladite Association, au 1050‑609, rue Hastings Ouest, à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

V.      L'appelant a admis en contre‑interrogatoire qu'il avait signé le formulaire de « cession de don » (pièce A‑2, volume 2, onglet 9A, dernière page).

 

W.     L'appelant a affirmé ne pas se rappeler ce qu'il avait inscrit dans l'espace blanc où il fallait indiquer un montant sur le formulaire de cession de don. L'appelant a déclaré qu'il n'avait pu mettre la main sur une copie du formulaire de cession de don signé.

 

X.      Dans la même veine, l'appelant n'a pas été en mesure d'expliquer pour quelles raisons le formulaire de cession de don, qu'il admettait avoir signé, faisait uniquement allusion à un montant de « ____ dollars », alors qu'il avait déclaré ne s'être attendu à recevoir que des avantages en nature, comme des bâtons de golf ou des billets de hockey.

 

Y.      La page 11 des documents promotionnels de 1996 stipule que [TRADUCTION] « les collecteurs de fonds ou la collectivité dans son ensemble peuvent recommander que le donateur reçoive le don pour études consenti par le Publishers Philanthropic Fund of Bermuda » (pièce A‑2, volume 2, onglet 9A, deuxième paragraphe à partir du bas). L'appelant a admis lorsqu'il a été contre‑interrogé qu'il connaissait plusieurs initiés ou collecteurs de fonds d'ABLE. Il a plus particulièrement répondu ce qui suit en contre‑interrogatoire : « [...] si j'étais en relation avec des initiés de l'organisme de bienfaisance? Oui, c'est juste. »

 

Z.      Selon la preuve produite par l'appelant, lorsqu'il a versé le don, il s'est fié sur le fait qu'il avait assumé une diligence raisonnable. Il a affirmé plus particulièrement ceci :

 

·                    Il avait rencontré Henry Thill.

·                    Il avait discuté avec Pasquale Cusano (« M. Cusano »).

·                    Il avait rencontré son frère, Stuart McPherson, afin d'avoir une conversation avec lui.

·                    Il avait rencontré l'avocat, James Comparelli (« Me Comparelli »), afin d'avoir une conversation avec lui.

·                    Il avait discuté avec son comptable, James McPherson.

·                    Il avait discuté avec John McCoach, l'agent chargé de l'observation des normes chez son employeur, Yorkton Securities Ltd.

·                    Il avait lu l'opinion juridique de Me Ross, de Bennett Jones (pièce A‑2, volume 3, onglet 15), et il s'y était fié.

 

AA.   Lorsqu'il a été contre‑interrogé, l'appelant n'a pas pu expliquer comment il avait pu se fonder sur l'opinion juridique de Bennett Jones à l'égard du « don » qu'il avait versé à ABLE en juin 1996, alors que l'opinion juridique avait été rédigée en date du 25 septembre 1996.

 

BB.    L'appelant a fait plusieurs fois allusion à ses efforts de diligence raisonnable. Il a plus particulièrement affirmé à maintes reprises lors de l'interrogatoire principal que la raison pour laquelle il avait fait preuve de diligence raisonnable, c'était qu'il voulait s'assurer que l'organisme de bienfaisance était « légitime ».

 

CC.   Lorsqu'il a été contre‑interrogé, l'appelant a admis qu'ABLE était différente des autres organismes de bienfaisance, et que son attribut distinctif était le « don pour études » potentiel (c'est‑à‑dire la commission clandestine allant jusqu'à 75 p. 100 du montant du don). Il a en outre admis qu'il avait fait preuve de diligence raisonnable en raison du don pour études qui était évoqué dans les documents promotionnels de 1996.

 

DD.   L'appelant a témoigné avoir emprunté la somme de 100 000 $ nécessaire à son « don » de décembre 1996. Lors de l'interrogatoire principal, il a affirmé que la raison de son emprunt était le manque de liquidités (c'est‑à‑dire que son argent était immobilisé dans des placements). Toutefois, il a admis en contre‑interrogatoire qu'il avait répondu différemment lors de son interrogatoire préalable. Plus particulièrement, il avait d'abord affirmé qu'il avait emprunté cette somme afin de pouvoir obtenir une déduction fiscale. Il a déclaré que son comptable l'avait avisé du fait que cela « fonctionnait ». L'appelant n'a demandé aucune déduction d'intérêt dans sa déclaration de 1996, et son comptable n'a pas été appelé à témoigner afin de corroborer ce conseil particulier.

 

EE.    L'appelant a fait allusion à la signature d'un « billet à ordre » concernant le prêt de 100 000 $, mais il n'a pas été en mesure de présenter ce billet à ordre ou un autre document de prêt. Les seuls documents écrits qui attestent ce prêt sont des notes que l'appelant a rédigées sur des chèques et d'autres documents de paiement. En contre‑interrogatoire, l'appelant a admis qu'il avait rédigé les notes décrivant les paiements comme étant des remboursements de prêt après le fait.

 

FF.    Monsieur Kuhn a témoigné que, contrairement à ce qu'il avait constaté dans le cas d'autres « donateurs associés à des virements télégraphiques », comme Conrad Clemiss, il n'avait vu ni billet à ordre ni document corroborant la version des événements présentée par l'appelant au sujet du prêt de 100 000 $ (cf. pièce A‑2, volume 3, onglet 13, résumé de la documentation sur les télégrammes, pages 19 et 20).

 

GG.   L'appelant a été incapable de dire à la Cour de qui il avait emprunté le montant de 100 000 $. Il s'est plutôt contenté d'affirmer qu'il avait emprunté cet argent par l'entremise de Me James Comparelli. Ce dernier était un avocat avec lequel l'appelant n'avait jamais eu affaire antérieurement. Maître Comparelli n'a pas été appelé à témoigner par l'appelant afin de corroborer un élément de cette preuve.

 

HH.   Les documents des comptes en fiducie du cabinet d'avocats de Me Comparelli attestent clairement que les sommes d'argent proviennent de comptes bancaires suisses, et qu'ils font renvoi à « Ave Maria » (pièce A‑2, volume 1, onglet 4F et volume 3, onglet 32). Le montant de 100 000 $ n'est qualifié de prêt dans aucun des documents de Me Comparelli.

 

II.      Les « traces écrites » trouvées par M. Kuhn à la pièce A‑2, volume 1, onglet 4F, montrent plus particulièrement que le montant de 100 000 $ qui a été versé au compte en fiducie de Me Comparelli provenait de la Ankerbank de Lausanne, en Suisse. On retrace un paiement de 100 000 $ de l'appelant à Me Comparelli; ce paiement est remis à nouveau à la Ankerbank. L'appelant a d'abord qualifié d'intérêt payé sur le prêt le paiement de 10 000 $ qui avait été effectué en mai 1997, mais il a témoigné plus tard que le taux d'intérêt du prêt était de 3 p. 100 ou de 3,5 p. 100. La Cour a bien noté le fait qu'un montant de 10 000 $ versé en intérêt sur un prêt de 100 000 $ représenterait un taux supérieur à 3,5 p. 100.

 

JJ.      Dans le compte en fiducie de Me Comparelli, le versement de 10 000 $ a été affecté avec l'indication « Ave Maria », soit la même note qui accompagne le virement télégraphique correspondant (« commission clandestine ») de 37 500 $ à Rahn & Bodmer Banquiers pour le compte de Conrad Clemiss, le 27 janvier 1996 (pièce A‑2, volume 1, onglet 4G, 37 500 $; voir également le document sur les télégrammes, pièce A‑2, volume 3, onglet 13, page 19, document de résumé des virements télégraphiques).

 

KK.   L'appelant a déclaré qu'il ne possédait aucune connaissance « approfondie » de l'utilisation des comptes bancaires suisses, et ne connaissait pas non plus la personne en Suisse de qui il empruntait censément des fonds sans garantie, à un taux de 3 p. 100 ou de 3,5 p. 100.

 

LL.    L'appelant a déclaré qu'il avait remboursé le prêt de 100 000 $ en deux versements, l'un de 70 000 $ le 24 novembre 1997 et l'autre de 31 075 $ (comprenant un montant de 30 000 $ et une « part d'intérêt ») le 4 ou le 20 février 1998. Il y a eu à la fois des chèques (pièce A‑2, volume 3, onglet 21) et des traites bancaires (pièce A‑2, volume 3, onglet 24), effectués à des dates différentes. L'appelant n'a pas été en mesure d'expliquer les raisons de ce double emploi et ne savait pas exactement à quoi correspondait la traite bancaire de 30 000 $ en date du 20 février 1998.

 

MM.  Toutefois, d'après les preuves présentées par l'appelant, il ne fait aucun doute qu'il restait encore à rembourser un montant de 30 000 $ afférent au premier prêt lorsqu'il a emprunté 130 000 $ à Monte Cristo Jewellers Ltd. pour faire son « don » de 130 000 $ à ABLE en 1997. L'appelant a admis qu'il ne possédait aucun document permettant de corroborer les conditions du prêt de 130 000 $ consenti par Monte Cristo Jewellers Ltd., et que ce prêt n'était pas garanti. L'appelant n'a appelé personne à témoigner afin de corroborer l'une ou l'autre de ses opérations relatives au don versé à ABLE en 1997.

 

NN.   Monsieur Kuhn a témoigné que monsieur P. Cusano maintenait le compte bancaire de la société Westek, qui jouait un rôle « indispensable » à l'égard des virements de fonds en provenance et à destination d'ABLE, sous prétexte de produire des trousses de lecture rapide afin d'entretenir l'illusion qu'il existait un Publishers Philanthropic Fund of Bermuda (« PPF ») (précisé à la pièce A‑2, volume 2, onglet 9A, page 14).

 

OO.   Monsieur Kuhn a témoigné qu'au cours de la période de trois ans durant laquelle il avait effectué la vérification fiscale d'ABLE, il n'avait constaté aucune preuve de la production concrète de trousses de lecture rapide par Westek. Monsieur Kuhn a plutôt affirmé que deux sociétés de Vancouver, Justco Audio et Block Printing, produisaient les trousses de lecture rapide au coût global d'environ 1,30 $ l'unité. Cependant, Westek facturait 150 $ à ABLE pour chaque trousse de lecture rapide.

 

PP.    Monsieur Cusano était propriétaire des actions de Monte Cristo Jewellers Ltd. Monsieur Dwight Webb travaillait pour Monte Cristo Jewellers. L'appelant a reconnu qu'il connaissait M. Webb. (Remarque – Monsieur Webb était l'appelant dans une autre affaire liée à ABLE. Voir Webb c. La Reine, no 2004‑263(IT)I, [2005] 3 C.T.C. 2068.)

 

QQ.   L'appelant a également reconnu que son frère, Stuart McPherson, était l'un des « associés en affaires » de monsieur P. Cusano.

 

RR.   Monsieur Kuhn a témoigné qu'historiquement, tous les donateurs associés aux variantes de 1993, de 1994 et de 1995 du stratagème d'abri fiscal ont payé 1 $ pour chaque tranche de 4 $ faisant l'objet d'un reçu. Il a témoigné plus particulièrement qu'il y avait :

 

a)       6 donateurs en 1993;

 

b)      163 donateurs en 1994;

 

c)       145 donateurs en 1995;

 

d)      134 donateurs en 1996 qui ont utilisé la version 1995 du stratagème; 101 donateurs en 1996 qui ont utilisé une variante différente du stratagème. (Voir la pièce A‑2, volume 3, onglet 13, diagramme de 18 pages présentant les noms des 134 et des 101 donateurs respectivement, dont M. McPherson, qui a utilisé la variante ultérieure du stratagème.)

 

SS.    Monsieur Kuhn a témoigné qu'en ce qui concerne le stratagème d'abri fiscal auquel l'appelant a été associé, il y avait 101 donateurs. Quatre‑vingt‑onze d'entre eux ont reçu une « commission clandestine », sous forme de chèque d'un montant égal à 75 p. 100 de leur contribution. On admet le fait que 91 chèques en tout ont été reçus par des donateurs (voir la pièce A‑1). (Voir aussi la pièce A‑2, volume 3, onglet 13.)

 

TT.    Monsieur Kuhn a témoigné longuement au sujet du « schéma » des virements télégraphiques qui mettait en cause les dix autres donateurs (les « personnes associées à des virements télégraphiques »). Les renseignements fournis par M. Kuhn sont résumés dans le « document de résumé des virements télégraphiques », pièce A‑2, volume 3, onglet 13, pages 19 à 21.

 

UU.   Monsieur Kuhn a admis que le schéma des virements télégraphiques n'était pas parfaitement exact. Il a déclaré que M. Richard Coglon avait fait l'objet d'une vérification, et que l'on n'avait retracé aucun versement équivalant exactement à 75 p. 100 de son « don » de 175 000 $. En outre, aucun paiement ne correspondait au versement de 25 000 $ effectué par l'appelant en juin 1996. Toutefois, le schéma des paiements effectués par virement télégraphique ressemble de façon étonnamment étroite à celui des « commissions clandestines » dans le cas des 91 donateurs pour lesquels des chèques sont attestés.

 

VV.   De plus, les renseignements recueillis après la vérification de M. Kuhn confirment ce schéma. Ce dernier a découvert, par exemple, que deux virements télégraphiques de 18 750 $ chacun concordaient avec les contributions respectives de 25 000 $ de MM. Engh et Pinkowski. Ces deux virements télégraphiques correspondent parfaitement au schéma et confirment l'analyse de M. Kuhn. Cependant, celui‑ci ne pouvait pas affirmer de façon sûre quel versement chacun des deux hommes avait reçu. En particulier, l'un des deux virements télégraphiques de 18 750 $ était désigné sous le nom de code « Ironman ». Après sa vérification, M. Kuhn a témoigné avoir appris que M. Engh avait pris part à une compétition « Ironman ».

 

WW. M. Kuhn a spécifié que les personnes associées à des virements télégraphiques étaient des donateurs qui effectuaient un don plus important ou qui étaient « plus avertis ». On n'a présenté aucune preuve selon laquelle les personnes associées à des virements télégraphiques auraient formulé une plainte contre ABLE ou contre le traitement qu'elles avaient reçu.

 

XX.   L'appelant admet avoir eu une conversation avec MM. Thill, Cusano et Stuart McPherson au sujet d'ABLE. Il a également reconnu qu'il connaissait MM. Pinkowski, Clemiss, Currie, Coglon, Webb et Engh.

 

YY.   Nonobstant le fait qu'il s'était adressé à des intervenants clés et qu'il connaissait d'autres donateurs, très familièrement dans certains cas, l'appelant a maintenu ses allégations selon lesquelles il n'avait jamais entendu dire qu'il pouvait recevoir la commission clandestine de 75 p. 100, ni l'avoir compris à la lecture des documents promotionnels de 1996.

 

[15]    Après avoir effectué une analyse approfondie des observations ci‑dessus et des réponses présentées par l'appelant, et après avoir examiné les documents pertinents, j'ai conclu que, selon la prépondérance des probabilités, l'appelant s'attendait à recevoir et a reçu une commission clandestine équivalant à 75 p. 100 des « dons » qu'il avait versés à ABLE en 1996.

 

LOI

 

[16]    L'article 118.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit les déductions pour dons de bienfaisance dont peuvent bénéficier les particuliers qui effectuent des dons de bienfaisance, des dons à l'État et certains dons de biens culturels et de biens écosensibles.

 

[17]    Pour être admissible à la déduction, le contribuable doit, entre autres exigences, avoir versé un « don ».

 

[18]    Comme le terme « don » n'est pas défini dans la Loi, ce sont les principes généraux du droit qui en régissent le sens.

 

[19]    Dans l'arrêt La Reine c. Friedberg, no A‑65‑89, 92 D.T.C. 6031 (C.A.F.), à la page 6032, la Cour d'appel fédérale a défini un « don » comme suit :

 

[...] un don est le transfert volontaire du bien d'un donateur à un donataire, en échange duquel le donateur ne reçoit pas d'avantage ni de contrepartie (voir le juge Heald dans La Reine c. Zandstra [1974] 2 C.F. 254, à la p. 261).

 

[20]    Il y a un élément d'appauvrissement qui doit entrer en ligne de compte pour qu'une opération soit qualifiée de don. Qu'il s'exprime en termes d'animus donandi, d'intention caritative ou d'absence de contrepartie, l'élément de base demeure le même.

 

[21]    Dans l'arrêt R. c. Burns, C.F. 1re inst., no T-17-84, 22 janvier 1988, 88 D.T.C. 6101, le juge Pinard affirmait ce qui suit à la page 6105 :

 

J'aimerais souligner que l'élément essentiel d'un don est l'élément intentionnel que le droit romain a précisé comme animus donandi ou l'intention libérale (voir Mazeaud, Leçon de Droit Civil, tome 4ième, 2ième volume, 4ième édition, no 1325, page 545). Le donateur doit être conscient qu'il ne recevra pas de contrepartie autre qu'un avantage purement moral; il doit être prêt à s'appauvrir dans l'intérêt du bénéficiaire du don sans recevoir aucune contrepartie. [C'est nous qui soulignons.]

 

[22]    Il est bien établi en droit (et selon le bon sens) que l'anticipation et la réception d'une commission clandestine en argent comptant équivalant à 75 p. 100 du don vicie ce don (voir La Reine c. Friedberg, précité).

 

[23]    D'après les preuves circonstanciées que j'ai exposées ci‑dessus, j'ai conclu que les sommes transférées à ABLE par l'appelant en 1996 ne constituent pas un don, parce que l'appelant s'attendait à recevoir une commission clandestine équivalant à 75 p. 100 du montant qu'il avait versé.

 

[24]    Pour en arriver à ma conclusion selon laquelle l'appelant s'attendait à recevoir une « commission clandestine » équivalant à 75 p. 100 de ses dons à ABLE, et l'a en fait reçue, j'ai revu les décisions judiciaires qui suivent :

 

1.       Moloney c. La Reine, C.F. 1re inst., no T‑1059‑85, 20 janvier 1989, 89 D.T.C. 5099 :

Les contribuables ont versé chacun 20 000 $ à titre de paiement de redevance anticipé, plus des frais de licence de 100 $, pour être autorisés à vendre un cours de lecture de niveau supérieur pour autodidactes, à l'intérieur d'une région géographique particulière. L'appel a été rejeté. Le juge Joyal de la Section de première instance de la Cour fédérale a statué que les dépenses réclamées par les contribuables n'avaient aucune fin commerciale et qu'elles étaient artificielles.

Remarque – Henry N. Thill était le promoteur de cet abri fiscal.

 

2.       La décision rendue en l'affaire Moloney a été maintenue par la Cour d'appel fédérale (voir Moloney c. La Reine, C.A.F., no A‑73‑89, 5 octobre 1992, 92 D.T.C. 6570).

 

3.       Reginald Watson et Deborah Madayag c. La Reine, C.C.I., no 92‑1207(IT)G, 20 mars 1995, 96 D.T.C. 2006 :

Les contribuables ont subi des pertes commerciales, sous forme de frais de licence, de droits anticipés et d'autres frais rattachés à une entreprise d'édition d'un magazine (« Enjoy »). Le juge Hamlyn a conclu que les contribuables n'avaient aucun plan d'affaires et n'avaient déployé aucun effort visant à exploiter une entreprise.

Remarque – Henry N. Thill était le promoteur de ce stratagème de réduction d'impôt.

 

4.       Nicols c. Canada, no 94‑2146(IT)G, 14 février 1997, [1997] A.C.I. no 88 :

L'appelant, M. Nicols, et approximativement 90 autres appelants ont demandé des déductions pour les pertes associées à une société de personnes. Les appelants détenaient des unités d'une société de personnes qui publiait un magazine (la société de personnes est désignée sous le nom de « Enjoy »). Le juge suppléant Rowe a conclu que les appelants avaient adhéré à cette société de personnes afin d'obtenir une réduction fiscale, et il a déterminé qu'ils n'avaient aucun désir légitime de participer à une entreprise d'édition viable. Le juge Rowe a conclu que les actes du promoteur ne visaient à enrichir personne d'autre que lui‑même.

Remarque – Henry N. Thill était le promoteur de cette société de personnes.

 

5.       Lorenz c. Canada, no 95‑358(IT)G, 13 novembre 1996, [1996] A.C.I. no 1491 :

Les appelants se livraient à une activité commerciale qui mettait en cause l'édition, la commercialisation et la distribution d'un magazine connu sous le nom de « Enjoy ». Chacun des appelants avait tenté de déduire des frais de licence et des droits de redevance. Le juge suppléant Rowe a conclu que les contribuables n'avaient posé aucun geste substantiel susceptible de les amener à réaliser des profits. Les appels ont été rejetés.

Remarque – Henry N. Thill était le promoteur de ce stratagème.

Je crois qu'il vaut la peine de citer les propos du juge Rowe concernant Henry Thill. Le juge a déclaré ce qui suit :

 

[...] Pour ce qui est de la somme de près de 395 000 $ qui a fini par aller à M. Thill, rien ne prouve que cette somme ou qu'une partie de cette somme était vraiment liée, d'un point de vue rationnel, à une tentative légitime pour produire la publication. Une fois l'écran de fumée disparu, Thill seule restait pour profiter des fruits du stratagème, qui étaient distribués entre les cadres, les administrateurs, les actionnaires et les employés de la corporation.

 

6.       Norton c. Canada, C.C.I., no 95‑1307(IT)G, 14 mars 1997, 97 D.T.C. 1116 :

Cet appel concernait la déduction par l'appelant, M. Norton (et 28 autres appelants), de leurs parts des pertes qu'ils avaient subies au cours des années 1990 et 1991 à titre d'associés d'une société de personnes censément engagée dans la publication d'un guide d'accueil destiné aux voyageurs qui séjournaient dans des hôtels et des motels. Le juge Rowe a conclu que les appelants s'étaient joints à cette société de personnes afin de réduire leurs impôts, sans enquêter sur la nature de la présumée entreprise. Le juge Rowe a conclu que tout le stratagème était une escroquerie promue par un certain M. Thill. Aux pages 1139 et 1140, le juge Rowe affirmait ce qui suit :

 

La promotion de HGP par M. Thill était un trompe-l'oeil pur et simple. Chaque fois qu'on cherchait à corroborer un point ou à obtenir une explication raisonnable, il n'y en avait jamais et toute l'entreprise était illusoire et manquait de substance. C'était une autre création de M. Thill avec une légère variante, mais cela ne changeait rien au caractère fondamental du projet et ne le rendait pas plus légitime que les programmes d'abri fiscal antérieurs ayant fait l'objet de nombreuses décisions. Lorsque M. Bendall a essayé, en 1995, de redonner vie au Hospitality Guide, M. Thill ne lui a pas fourni d'argent, il n'a pas mis à sa disposition les renseignements nécessaires pour faciliter la production et il s'est ensuite désisté de l'engagement qu'il avait pris, selon lequel il devait combler tout manque à gagner. Ici encore, M. Thill était là pour s'assurer que le coup fatal soit porté, même si, de toute évidence, on avait mis fin au projet depuis la fin de 1992. Dans tous les cas où il a développé des programmes d'abri fiscal, la façon dont M. Thill s'y prenait consistait à tendre la perche à une entreprise qui était en train de couler, puis il se sauvait pour entreprendre une autre bonne action en soutirant de l'argent aux gens en échange de quelques tours de magie intéressants et, en fin de compte, en leur offrant des remboursements d'impôt alléchants. L'échec de ces entreprises est toujours attribuable à la faute commise par une autre entité dont M. Thill a toujours le contrôle absolu, parce que c'est l'élément essentiel nécessaire pour qu'il puisse avoir à son entière disposition l'argent des investisseurs par l'entremise de ses diverses corporations.

 

7.       LaLiberté c. La Reine, C.C.I., no 93‑2360(IT)G, 17 juin 1996, 96 D.T.C. 1483 :

L'appelant réclamait une perte d'entreprise de 30 008 $ à l'égard d'une présumée entreprise de prestation de cours de lecture rapide. Le juge Bonner a rejeté l'appel, en concluant que le but principal de l'appelant, voire le seul, était d'obtenir une déduction d'impôt.

Remarque − Henry N. Thill était le promoteur de cet abri fiscal.

 

8.       Webb c. La Reine, no 2004‑263(IT)I, 9 septembre 2004, [2005] 3 C.T.C. 2068 :

L'appelant déclarait avoir fait un don de 30 000 $ à une oeuvre de charité (ABLE) au cours de l'année 1997. Le juge Bowie a rejeté l'appel, en précisant ce qui suit au paragraphe 17 :

 

Les circonstances que j'ai mentionnées m'amènent à conclure qu'il n'y avait rien du tout de libéral au sujet du paiement qu'a fait M. Webb à ABLE. Son intention était de recevoir un crédit d'impôt pour un don de bienfaisance, en plus d'un remboursement important du montant qu'il avait versé, de sorte qu'une fois additionnés, les deux éléments dépasseraient le montant de 30 000 $ pour lequel il a écrit le chèque.

 

Remarque − Le juge Bowie a souligné au paragraphe 9 qu'ABLE était une création de Henry N. Thill.

 

[25]    Toutes les décisions judiciaires susmentionnées concernaient divers stratagèmes d'abris fiscaux qui avaient été promus par Henry N. Thill. L'impression générale qui se dégage de ces décisions est que chacun de ces « stratagèmes fiscaux » était mal conçu et exploité contrairement aux bonnes règles, et que les divers « investisseurs, partenaires ou donateurs » aboutissaient toujours à un échec. L'appelant a affirmé qu'il avait fait preuve de diligence raisonnable afin de s'assurer qu'ABLE était une organisation de bienfaisance légitime. S'il avait déployé une diligence raisonnable, l'appelant se serait adressé à son frère, ou à une autre personne, afin d'obtenir des renseignements généraux sur les nombreuses promotions d'abris fiscaux infructueuses menées par Henry N. Thill.

 

[26]    L'appel est rejeté avec dépens.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 6e jour de décembre 2006.

 

 

« L. M. Little »

Le juge Little

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juin 2007.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

RÉFÉRENCE :

2006CCI648

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2003‑4123(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Grant McPherson et

Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Les 21 et 22 novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge L. M. Little

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 6 décembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Patrick W. Watson

 

Avocats de l'intimée :

Me Gavin Laird, Me Robert Carvalho

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l'appelant :

 

Nom :

Me Patrick W. Watson

 

Étude :

 

 

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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