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Dossier : 2006-1216(IT)I

ENTRE :

PETER ALLEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 27 octobre 2006 à Hamilton (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Laurent Bartleman

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation d’impôt établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2004 est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de novembre 2006.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2008.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


 

 

 

 

 

 

Référence : 2006CCI598

Date : 20061102

Dossier : 2006-1216(IT)I

ENTRE :

PETER ALLEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

[1]     Peter Allen porte en appel sous le régime de la procédure informelle la nouvelle cotisation que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établie à son égard pour son année d’imposition 2004. Le ministre a inclus dans le calcul du revenu de M. Allen un montant de 3 879,87 $US à titre de dividende payé sous la forme d’une distribution d’actions d’une société établie aux États‑Unis (les « É.‑U. »), soit First National Bankshares. Le ministre a décidé que M. Allen ne pouvait pas se prévaloir de l’allègement prévu à l’article 86.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), qui porte que le montant d’une distribution admissible qu’un contribuable reçoit ne doit pas être inclus dans son revenu. M. Allen souhaite que je juge que l’article 86.1 s’applique en l’espèce et que je conclue que la distribution de 189 actions de First National Bankshares était une distribution admissible. Subsidiairement, il fait valoir que la distribution ne représente tout simplement pas un revenu. Le seul élément sur lequel il pourrait se fonder pour invoquer cet argument est que la distribution ne constituait pas un dividende. Malheureusement, cette position est en pleine contradiction avec sa première prétention, qui ne peut être admise sans qu’il soit conclu à l’existence d’un dividende, c’est‑à‑dire une distribution par une société établie aux É.‑U. (en l’espèce FNB Corp.) d’actions détenues par celle‑ci dans une autre société résidant dans ce pays (First National Bankshares). Mon appréciation du bien‑fondé des arguments présentés par M. Allen repose sur mes conclusions concernant les faits se rapportant à la distribution.

[2]     Il est regrettable que peu de faits aient été présentés par M. Allen et que peu d’hypothèses de fait aient été formulées par le ministre. Ce dernier s’est fondé sur les hypothèses suivantes :

 

[traduction]

 

10.       Pour ratifier la nouvelle cotisation d’impôt établie pour l’année d’imposition 2004, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

            a)         le 1er janvier 2004, l’appelant était propriétaire de 189 actions d’une société établie aux É.‑U., à savoir FNB Corp.;

 

            b)         le 2 janvier 2004, FNB Corp. est devenue deux sociétés distinctes, à savoir FNB Corp. et First National Bankshares (la « nouvelle société »), qui était également une société établie aux É.‑U.;

 

            c)         par suite du fait énoncé à l’alinéa 10b) ci‑dessus, le 2 janvier 2004, l’appelant a reçu une distribution d’actions, par laquelle il a aussi reçu 189 actions de la nouvelle société;

 

            d)         la valeur de la distribution d’actions, mentionnée à l’alinéa 10c) ci‑dessus, que l’appelant a reçue totalisait 3 879,87 $US (5 050 $CAN), montant qu’il n’a pas inclus dans son revenu pour l’année d’imposition 2004 et qui a été indiqué comme étant un dividende en actions sur des documents que l’appelant a reçus de TD;

 

            e)         la distribution d’actions n’a pas été reconnue comme une « distribution admissible » au sens du paragraphe 86.1(2) de la Loi.

 

Ces hypothèses ne jettent pas beaucoup de lumière sur la nature de la réorganisation des deux sociétés établies aux É.‑U. M. Allen a témoigné que FNB Corp. souhaitait séparer son entreprise de prestation de services bancaires de détail de son entreprise d’assurance et d’affaires immobilières pour obtenir une plus grande augmentation de la valeur de ses actions. Dans sa preuve, il n’a fourni aucun autre renseignement sur la façon dont cela a été fait au juste, à part mentionner que, dans le cadre de la réorganisation, il avait reçu le même nombre d’actions (189) de First National Bankshares que le nombre de celles qu’il détenait dans FNB Corp. À la fin de 2003, un relevé établi par TD Waterhouse chiffrait à 6 700 $ la valeur des 189 actions de FNB Corp. qui appartenaient à M. Allen. Un mois plus tard, à la fin de janvier 2004, soit après la réorganisation, il figurait sur le relevé de TD Waterhouse 189 actions de FNB Corp. d’une valeur de 3 902 $ et 189 actions de First National Bankshares d’une valeur de 3 289 $, soit des actions d’une valeur totale d’environ 7 192 $. FNB Corp. n’a fourni aucun rapport concernant la réorganisation au ministre du Revenu national au Canada.

 

[3]     TD Waterhouse a fourni à M. Allen une formule T5 intitulée État des revenus de placements, dans laquelle était indiqué un dividende de 3 879,87 $US, montant qui comprenait un dividende en actions de 3 541,86 $ (représentant la distribution de 189 actions de First National Bankshares). M. Allen s’est informé auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») sur la façon de procéder pour la formule T5, car il croyait qu’il n’avait pas reçu de revenu imposable dans cette transaction. Après avoir discuté de la question avec un fonctionnaire de l’ARC, il a soumis la formule à l’ARC avec sa déclaration de revenu ainsi qu’une note explicative. Il n’a pas inclus le montant dans son revenu. L’appelant a fait l’objet d’une cotisation initiale qui était conforme à sa déclaration de revenu. Il a par la suite fait l’objet d’une nouvelle cotisation dans laquelle il était considéré qu’il avait reçu un revenu de dividendes. Il a contracté un emprunt de 2 000 $ pour payer à l’ARC cette somme, qu’il lui devait, puis il a saisi la Cour du présent appel.

 

[4]     M. Allen a présenté un témoignage éloquent. Il croit que FNB Corp. l’a laissé tomber parce que la société n’a pas fourni à l’ARC les renseignements appropriés. Je comprends totalement sa position. Cependant, il veut que je rectifie la situation tout simplement en assimilant la distribution à une distribution admissible prévue à l’article 86.1 de la Loi pour qu’il puisse bénéficier de l’allègement offert par cette disposition. Malheureusement, procéder ainsi reviendrait à fermer les yeux sur les exigences très précises de l’article 86.1.

 

[5]     Comme je l’ai dit dès le départ, l’article 86.1 ne s’applique que s’il y a eu une distribution d’actions d’une société « qui appartenaient à la société donnée immédiatement avant leur distribution ». Donc, est‑ce que FNB Corp. était propriétaire d’actions de First National Bankshares avant de les distribuer à M. Allen? Je dispose de peu d’éléments de preuve sur lesquels me fonder pour trancher cette question. Dans ses hypothèses, la Couronne mentionne simplement que [traduction] « FNB Corp. est devenue deux sociétés distinctes ». M. Allen n’a jamais reçu de certificats d’actions, mais il a témoigné qu’il avait reçu les actions de First National Bankshares en vertu de son droit de propriété sur des actions de FNB Corp. Encore une fois, ce témoignage ne jette pas de lumière sur la nature de la transaction en cause. TD Waterhouse a certainement fait état des actions comme un dividende en actions, bien que celui‑ci signifie habituellement des actions de la société émettrice (c’est‑à‑dire FNB Corp. émettant des actions de FNB Corp.) et non un dividende en nature (c’est‑à‑dire FNB Corp. payant un dividende en transférant des actions qu’elle détient dans une filiale). J’ai conclu, dans une affaire semblable à l’espèce, Morasse c. La Reine[1], que les renseignements fournis par une maison de courtage ne sont pas déterminants lorsqu’il s’agit de trancher la question en litige. Cependant, dans la présente affaire, rien ne permet de prouver que TD Waterhouse n’a pas fait état d’un dividende.

 

[6]     Plusieurs facteurs m’ont amené à conclure que la scission‑distribution en l’espèce représentait fort probablement un dividende payé par FNB Corp. au moyen d’une distribution d’actions de First National Bankshares. Premièrement, il s’agit de la position principale de M. Allen. Il croit que les conditions énoncées à l’article 86.1 sont remplies, une condition essentielle étant que FNB Corp. ait été propriétaire des actions de First National Bankshares juste avant leur distribution. Deuxièmement, si je dois conclure, comme je l’ai fait dans la décision Morasse, qu’il n’y a pas eu une telle distribution sous forme de dividende, et, par conséquent, qu’il n’y a eu aucun revenu, alors, il revient à M. Allen de me le prouver. Il n’a pas été en mesure de le faire. Comme je l’ai dit précédemment, la seule preuve présentée quant à la nature de la transaction en cause est la mention d’un dividende faite par TD Waterhouse. Je conclus donc qu’il y a eu une distribution du type qui est prévu à l’article 86.1 et que, si M. Allen doit obtenir un allègement, il doit provenir de cet article.

 

[7]     Les paragraphes 86.1(1) et (2) sont rédigés en partie ainsi :

 

86.1(1) Malgré les autres dispositions de la présente partie :

a)         le montant d’une distribution admissible qu’un contribuable reçoit n’est pas inclus dans le calcul de son revenu;

            b)         le paragraphe 52(2) ne s’applique pas à la distribution admissible reçue par le contribuable.

   (2)     Pour l’application du présent article et de la partie XI, une distribution effectuée par une société donnée à un contribuable est une distribution admissible si les conditions suivantes sont réunies :

            a)         la distribution porte sur l’ensemble des actions ordinaires du capital-actions de la société donnée qui appartiennent au contribuable (appelées « actions initiales » au présent article);

            b)         la distribution consiste uniquement en actions ordinaires du capital-actions d’une autre société qui appartenaient à la société donnée immédiatement avant leur distribution au contribuable (appelées « actions de distribution » au présent article);

            c)         dans le cas d’une distribution qui n’est pas visée par règlement :

                        (i)         au moment de la distribution, les deux sociétés résident aux États-Unis et n’ont jamais résidé au Canada,

                        (ii)        au moment de la distribution, les actions de la catégorie qui comprend les actions initiales sont largement réparties et activement transigées sur une bourse de valeurs visée par règlement située aux États‑Unis,

                        (iii)       selon les dispositions du United States Internal Revenue Code qui s’appliquent à la distribution, les actionnaires de la société donnée qui résident aux États‑Unis ne sont pas imposables pour ce qui est de la distribution;

            [...]

            e)         avant la fin du sixième mois suivant le jour où la société donnée transfère pour la première fois une action de distribution dans le cadre de la distribution, la société donnée fournit au ministre des renseignements, que celui-ci estime acceptables [...]

            f)          sauf si la partie XI s’applique au contribuable, celui-ci fait, dans sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition de la distribution (ou, dans le cas d’une distribution reçue avant le 18 octobre 2000, par avis écrit présenté au ministre avant juillet 2001), un choix afin que le présent article s’applique à la distribution, et fournit au ministre des renseignements, que celui-ci estime acceptables, établissant ce qui suit :

                        [...]

 

[8]     Ce qui suit représente donc les conditions nécessaires pour que la distribution de 189 actions de First National Bankshares reçue par M. Allen constitue une distribution admissible prévue à l’article 86.1, qui ne doit pas être incluse dans le revenu de M. Allen :

 

(i)      La distribution porte sur l’ensemble des actions que détient M. Allen dans FNB Corp. Cela a été prouvé.

 

(ii)      La distribution consiste uniquement en actions de First National Bankshares qui appartenaient à FNB Corp. avant leur distribution.

 

          Comme je l’ai expliqué précédemment, j’ai conclu que, tout bien pesé, cette condition avait été remplie.

 

(iii)     Les deux sociétés résidaient aux États‑Unis et n’ont jamais résidé au Canada.

 

          Je suis convaincu que c’était le cas.

 

(iv)     Les actions de FNB Corp. étaient largement réparties et activement transigées sur une bourse des valeurs visée par règlement située aux É.‑U.

 

          Aucune preuve n’a été portée à ma connaissance à cet égard.

 

(v)     En application du United States Internal Revenue Code, les actionnaires de FNB Corp. qui résidaient aux É.‑U. n’étaient pas imposables pour ce qui est de cette distribution.

 

          Encore une fois, aucune preuve n’a été portée à ma connaissance à cet égard.

 

(vi)     Dans les six mois suivant la distribution, FNB Corp. a fourni au ministre certains renseignements à propos de la distribution.

 

          Cela n’a pas été fait et c’est l’origine du problème de M. Allen.

 

(vii)    M. Allen a fait, dans sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 2004, un choix afin que l’article 86.1 s’applique à la distribution.

 

          M. Allen a témoigné qu’il avait joint à sa déclaration de revenu la formule T5 établie par TD Waterhouse et une note explicative et qu’il n’avait pas inclus le montant indiqué sur la formule dans son revenu. Comme j’ignore quels renseignements M. Allen a fournis dans sa note, je ne peux conclure qu’il a fourni les renseignements exigés à l’alinéa 86.1(2)f), et, par conséquent, cette condition n’a pas été remplie.

 

[9]     M. Allen n’a pas rendu la distribution des actions de First National Bankshares assimilable à une distribution admissible, étant donné que plusieurs des conditions qui viennent d’être examinées n’ont pas été remplies. C’est dommage, car la distribution aurait très bien pu être admissible si FNB Corp. avait fait savoir à l’ARC que toutes les conditions avaient été remplies et si M. Allen avait fait un choix dans sa déclaration de revenu et avait fourni les renseignements exigés. Mais, compte tenu des éléments de preuve portés à ma connaissance, je ne peux pas prétendre que cela a eu lieu, ou, comme l’a demandé M. Allen, considérer que la distribution est admissible. Le faire aurait pour effet de vider la loi de tout son sens.

 

[10]    Je comprends que, du point de vue de M. Allen, la valeur de ses avoirs en actions, après la distribution en cause, n’a pas augmenté; donc, comment aurait‑il pu recevoir un revenu imposable? Il n’y a aucun doute que c’est la raison d’être de l’article 86.1. Il s’agissait certainement d’une considération dans la décision Morasse. Le résultat semble injuste à M. Allen. Cependant, la réponse ne consiste pas à faire fi des prescriptions de la loi. La meilleure solution est que les sociétés établies aux É.‑U. ayant des investisseurs étrangers rendent compte de leurs transactions de façon diligente, que des avis professionnels soient demandés en cas de doute et que des registres exacts et complets soient tenus pour toutes les transactions. L’ensemble de ces trois éléments étaient absents dans l’appel de M. Allen, d’où la leçon coûteuse que je dois malheureusement lui infliger en l’espèce.

 

[11]    L’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de novembre 2006.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2008.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI598

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-1216(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Peter Allen et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 27 octobre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 novembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Laurent Bartleman

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      s.o.

 

                          Cabinet :                  s.o.

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           2004CCI239.

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