Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2006-139(IT)I

ENTRE :

CHRISTIAN ALCINDOR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 3 août 2006, à Montréal (Québec)

Devant : l'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Anne-Marie Boutin

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2002 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23ième jour d'octobre 2006.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2006CCI455

Date : 20061023

Dossier : 2006-139(IT)I

ENTRE :

CHRISTIAN ALCINDOR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

Les faits

[1]      Le présent appel, interjeté sous le régime de la procédure informelle, a été entendu à Montréal, le 3 août 2006.

[2]      L'appelant était un employé de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « Agence » ) jusqu'au 8 novembre 2002 date à laquelle il a pris sa retraite. En décembre 2002, l'Agence a versé à l'appelant les sommes suivantes :

i)                    la somme de 20 613 $, qualifiée par l'Agence d'allocation de retraite;

ii)                  la somme de 1 965 $, qualifiée par l'Agence de paye de vacances.

L'appelant soutient principalement qu'il n'avait pas à inclure ces deux sommes dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 2002, puisqu'il n'y a aucune disposition dans la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) qui l'exige.

[3]      Le 11 mars 1999, l'appelant a déposé un grief no (99-1208-0003) relativement à ses tâches et à la rémunération afférente à celles-ci. À cette époque, l'appelant était agent des services techniques de l'Agence depuis 1981 et, à ce titre, il donnait des interprétations techniques en matière de taxes à la consommation. L'appelant soutenait que ses pairs, des agents du service des interprétations techniques (dont les postes avaient la classification PM-03) de toutes les autres régions qui avaient essentiellement le même type de diplôme universitaire que le sien, avaient obtenu une promotion car leurs postes avaient été reclassifiés au niveau AU-02. En fait, l'appelant soutenait qu'il avait fait l'objet de discrimination.

[4]      À la fin d'une séance de médiation tenue les 5 et 6 mars 2002 dans le but de régler en autres ce grief, l'appelant, le syndicat et l'Agence ont signé un protocole d'entente (le « protocole » )[1] dont les principales clauses stipulent ce qui suit :

1.          Le 1er avril 2002, l'employé s'engage à quitter son poste d'Agent d'interprétation technique-Accise PM-3, poste qu'il occupe actuellement. Le lien d'emploi avec l'employeur est toujours maintenu;

2.          Du 1er avril 2002 au 8 novembre 2002, l'employeur s'engage à rémunérer l'employé de la façon suivante :

A.         Du 1er avril 2002 au 4 octobre 2002, l'employé sera en congé payé autorisé par l'employeur, soit pour une période de six mois et 5 jours ouvrables;

B.          Du 7 octobre 2002 au 8 novembre 2002, l'employé sera en congé annuel, soit durant les (13 jours) deux semaines et demi qu'il aura accumulé durant le congé payé autorisé de six mois, ainsi que les congés annuels qu'il a en banque jusqu'au 31 mars 2002 (12 jours) qui seront écoulés durant cette période;

3.          Le 8 novembre 2002, l'employé s'engage à prendre sa retraite. Le lien d'emploi avec l'employeur est définitivement rompu à cette date, soit à la fin de la journée de travail du plaignant;

3.A.      Suite à sa retraite, l'employé bénéficiera de la prime de départ prévue à la convention collective, soit 23 semaines;

[5]      L'appelant était un employé de l'Agence et du ministère du Revenu du Canada pendant 20 ans et 358 jours avant de prendre sa retraite le 8 novembre 2002. Il convient de souligner qu'indépendamment de l'engagement de prendre sa retraite conformément au protocole, l'appelant aurait pu prendre sa retraite à la même date tout en ayant droit à une pension à jouissance immédiate et à une indemnité de départ de 20 613,63 $. Je remarque que selon les termes de l'article 62.14 de la convention collective[2] signée par l'Agence et l'Alliance de la fonction publique du Canada (la « convention collective » ), l' « indemnité de départ se calcule en multipliant le nombre équivalent d'années à temps plein par le taux de rémunération hebdomadaire à temps plein correspondant au groupe et au niveau appropriés » . Autrement dit, la convention collective prévoit que l'appelant a droit à une indemnité de départ équivalant à 21 semaines de salaire lorsqu'il prend sa retraite.

[6]      Donc, contrairement à ce qui a été énoncé à l'article 3A du protocole, la prime de départ prévue par la convention collective n'était pas de 23 semaines mais bien de 21 semaines. L'indemnité de départ à laquelle l'appelant avait droit en date du 8 novembre 2002 représentait la somme de 20 613,63 $ (21 semaines multipliées par le salaire hebdomadaire de l'appelant) et non pas la somme de 22 678,63 $ (23 semaines multipliées par le salaire hebdomadaire de l'appelant).

[7]      Monsieur Marc Bellavance, directeur adjoint des ressources humaines de l'Agence pour le Québec et signataire du protocole pour l'Agence, a témoigné que l'Agence s'est rendu compte seulement après la signature du protocole que l'appelant avait droit, aux termes de la convention collective, à une indemnité de départ équivalant non pas à 23 semaines de salaire, mais bien à 21 semaines. Monsieur Bellavance a expliqué que l'Agence avait malgré tout décidé de verser à l'appelant, à titre de paye de vacances, la somme de 1 965 $, soit l'équivalent de deux semaines de salaire.

Position de l'appelant

[8]      La position soutenue par l'appelant dans l'avis d'appel et lors de sa plaidoirie se trouve essentiellement dans les arguments qu'il a soulevés dans l'avis d'opposition[3], ces arguments sont:

À l'appui de mon opposition, je soumets, d'une part :

1)                   que le montant de $3787.82 comprend deux montants : un de $1822.82, lequel représente effectivement une paye de vacances (non contesté) et la différence, soit $1965.00 que je conteste. Je soumets que ce dernier montant n'est pas une paye de vacances et n'est pas un revenu ou un avantage imposable. Le montant de $1965.00 ne doit pas être inclus dans mon revenu à titre de paye de vacances ou à un autre titre. Il ne s'agit pas non plus d'une somme découlant d'une charge ou d'un emploi, ni d'une allocation de retraite imposable en vertu du sous-alinéa 56(1)a)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu (L.I.R.);

2)                   que la somme de $1965.00 doit nécessairement subir le même sort que celle de $20,613.63 puisqu'elles procèdent de la clause 3A d'un contrat d'adhésion intervenu le 6 mars 2002 entre l'ADRC et moi-même. Ces sommes ne découlent pas de ma convention collective à laquelle je ne suis pas partie mais simplement bénéficiaire. L'employeur ne peut à sa guise réécrire la clause 3A du contrat du 6 mars 2002 en qualifiant ces montants indissociables, aux termes de la clause 3A dudit contrat, tantôt de paye de vacances (Voir relevé de cessation d'emploi case 17A) tantôt d'allocation de retraite (Voir relevé de cessation d'emploi case C).

Ces deux montants ne sont pas des revenus ou avantages imposables et ne sont visés par aucune disposition de la L.I.R. Il s'agit de libéralités, de don ou de paiements en raison de torts causés à ma personne.

Analyse et conclusion

[9]      Le terme « allocation de retraite » est ainsi défini au paragraphe 248(1) de la Loi :

« allocation de retraite » Somme, sauf une prestation de retraite ou de pension, une somme reçue en raison du décès d'un employé ou un avantage visé au sous-alinéa 6(1)a)(iv), reçue par un contribuable ou, après son décès, par une personne qui était à sa charge ou qui lui était apparentée, ou par un représentant légal du contribuable :

a)                   soit en reconnaissance de longs états de service du contribuable au moment où il prend sa retraite d'une charge ou d'un emploi ou par la suite;

b)                   soit à l'égard de la perte par le contribuable d'une charge ou d'un emploi, qu'elle ait été reçue ou non à titre de dommages ou conformément à une ordonnance ou sur jugement d'un tribunal compétent.

[10]     Le sous-alinéa 56(1)a)ii) de la Loi se lit comme suit :

56 : Sommes à inclure dans le revenu de l'année.

(1)         Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

            a)          pensions, prestations d'assurance-chômage, etc. - toute somme reçue par le contribuable au cours de l'année au titre, ou en paiement intégral ou partiel :

            [...]

            ii)          d'une allocation de retraite, sauf s'il s'agit d'un montant versé dans le cadre d'un régime de prestations aux employés, d'une convention de retraite ou d'une entente d'échelonnement du traitement,

            [...]

[11]     Je conclus que le paiement dans ce cas de la somme de 20 613,83 $ était une allocation de retraite. Il correspond à la définition d'allocation de retraite qui se trouve à l'article 248 de la Loi. Cette somme de 20 613,63 $ a été versée à l'appelant en reconnaissance de longs états de service de ce dernier au moment où il a pris sa retraite ou par la suite.

[12]     Je ne peux souscrire à la prétention de l'appelant selon laquelle la somme de 20 613,63 $ ne découlait pas de la convention collective. L'article 3A du protocole ne faisait que confirmer qu'en prenant sa retraite le 8 novembre 2002, l'appelant avait droit de toute façon à une indemnité de départ prévue par la convention collective. Que les parties se soient trompées de bonne foi dans le protocole sur le nombre de semaines de salaire auxquelles l'appelant avait droit à titre d'indemnité de départ conformément à la convention collective ne change pas la qualification du montant de 20 613,63 $ reçu par l'appelant. Je ne puis voir comment le montant de 20 613,63 $ reçu par l'appelant était autre chose qu'une allocation de retraite. C'est la seule conclusion raisonnable à laquelle je puisse parvenir.

[13]     Qu'en est-il du montant de 1 965 $ que l'Agence a versé à l'appelant à titre de paye de vacances? Peu importe comment le paiement a été défini par l'Agence, il appartient à la Cour de le qualifier. Je conclus qu'il convient de qualifier ce montant de 1 965 $ d'allocation de retraite comme défini à l'article 248 de la Loi. Ainsi, cette somme de 1 965 $ doit être ajoutée au revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 2002 conformément au sous-alinéa 56(1)a)ii) de la Loi.

[14]     En l'espèce, l'agence a versé la somme de 1 965 $ à l'appelant soit en contrepartie de l'engagement de ce dernier de quitter son emploi et de prendre sa retraite, soit en reconnaissance de ses longs services. Ce paiement correspond ainsi à la définition d'allocation de retraite telle qu'elle existe à l'article 248 de la Loi.

[15]     Même si la somme de 1 965 $ n'a pas été versée par l'Agence en vertu de la convention collective, elle peut tout de même être qualifiée d'allocation de retraite. Pour être qualifiée d'allocation de retraite, la somme n'a pas nécessairement à être versée par l'employeur en vertu d'une obligation contractuelle ou en vertu d'une disposition de la convention collective à laquelle il est assujetti. Peu importe que l'Agence ait versé, en vertu d'une obligation ou non, la somme de 1 965 $ en reconnaissance des longs services de l'appelant ou pour s'assurer que l'appelant quitte son emploi et prenne sa retraite, cette somme constitue à mon avis une allocation de retraite au sens de l'article 248 de la Loi.

[16]     Quant à l'argument de l'appelant selon lequel les sommes de 20 613,63 $ et 1 965 $ seraient des dommages-intérêts versés en raison de torts causés à sa personne, je tiens à souligner que l'appelant n'a apporté aucune preuve pour appuyer cet argument. Bien au contraire, la preuve a été faite que le grief était lié à un problème de classification d'emploi, donc à un litige de nature contractuelle et non pas à un litige de nature délictuelle ou quasi délictuelle.

[17]     Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23ième jour d'octobre 2006.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :

2006CCI455

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2006-139(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Christian Alcindor et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 3 août 2006

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :

le 23 octobre 2006

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Pour l'intimée :

Me Anne-Marie Boutin

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] Pièce A-1 (P-1)

[2] Pièce A-1 (P-8)

[3] Pièce A-1 (P-6)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.