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Dossier : 2005‑2775(IT)I

ENTRE :

LYNDA D. MOSS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 20 septembre 2006 à St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

 

Devant : L’honorable juge C.H. McArthur

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

Avocats de l’intimée :

Mes Deanna Frappier et Martin Hickey

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation d’impôt établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2002 est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d’octobre 2006.

 

 

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de décembre 2007.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


 

 

 

 

 

 

Référence : 2006CCI559

Date : 20061017

Dossier : 2005‑2775(IT)I

ENTRE :

LYNDA D. MOSS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge McArthur

 

[1]   Le litige en l’espèce porte sur la question de savoir si Linda Moss, l’appelante, est tenue d’inclure dans son revenu pour l’année d’imposition 2002 la somme de 20 925 $ qui lui a été payée par son ex‑époux. Elle soutient essentiellement qu’elle ne pouvait pas utiliser cette somme à sa discrétion. En réponse à cet argument, le ministre du Revenu national (le « ministre ») fait valoir que le paiement a été fait au profit de l’appelante aux termes d’un accord de séparation et qu’il doit être inclus dans son revenu en application de l’alinéa 56(1)b) et des dispositions déterminatives des paragraphes 56.1(1), 56.1(2), 60.1(1) et 60.1(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Ces dispositions portent que, sous certaines conditions, l’époux bénéficiaire est réputé pouvoir utiliser à sa discrétion des sommes dont il ou elle ne peut pas du tout se servir de cette manière. Les dispositions en cause sont rédigées en partie ainsi :

 

56(1)    Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

 

            […]

 

            b)         le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

 

                               A - (B + C)

 

            où :

 

            A         représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l’année d’une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

 

            B          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d’un accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement et avant la fin de l’année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

 

            C         le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu’il a incluse dans son revenu pour une année d’imposition antérieure; [...]

 

 

56.1(1) Pour l’application de l’alinéa 56(1)b) et du paragraphe 118(5), dans le cas où une ordonnance ou un accord, ou une modification s’y rapportant, prévoit le paiement d’un montant à un contribuable ou à son profit, au profit d’enfants confiés à sa garde ou à la fois au profit du contribuable et de ces enfants, le montant ou une partie de celui-ci est réputé :

 

            a)         une fois payable, être payable au contribuable et à recevoir par lui;

            b)         une fois payé, avoir été payé au contribuable et reçu par lui.

 

(2)        Pour l’application de l’article 56, du présent article et du paragraphe 118(5), le résultat du calcul suivant :            [une formule suit]

 

 

56.1(4) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et à l’article 56.

 

            « pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

            a)         le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex‑époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

 

            b)         le payeur est légalement le père ou la mère d’un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province.

 

 

60.1(1) Pour l’application de l’alinéa 60(1)b) et du paragraphe 118(5), dans le cas où une ordonnance ou un accord, ou une modification s’y rapportant, prévoit le paiement d’un montant à un contribuable ou à son profit, au profit d’enfants confiés à sa garde ou à la fois au profit du contribuable et de ces enfants, le montant ou une partie de celui-ci est réputé :

 

            a)         une fois payable, être payable à la personne et à recevoir par elle;

            b)         une fois payé, avoir été payé à la personne et reçu par elle.

 

(2)        Pour l’application de l’article 60, du présent article et du paragraphe 118(5), le résultat du calcul suivant :            [une formule suit]

 

[2]   L’appelante et Nick Avis, qui se sont mariés le 11 juillet 1997, ont signé un accord de séparation respectivement en juillet et en août 2002. L’accord prévoyait que Nick Avis paierait à l’appelante 39 000 $ en 2002 pour subvenir aux besoins de celle‑ci. De cette somme, 18 000 $ représentaient une pension alimentaire versée directement par M. Avis à l’appelante, et ce dernier montant n’est pas en cause[1]. Le montant en litige inclut les sommes suivantes, que M. Avis a payées aux termes de l’accord de séparation :

 

          (i)      du 1er janvier 2002 au 11 juillet 2002 (date où a été vendu le foyer conjugal), toutes les dépenses, totalisant environ 11 600 $, payées au titre du foyer, dont M. Avis et l’appelante étaient copropriétaires à parts égales, mais qui était occupé exclusivement par Mme Moss et son fils;

 

          (ii)      les dépenses d’environ 2 400 $ afférentes à un véhicule de marque Toyota qui était immatriculé au nom de M. Avis mais utilisé par l’appelante;

 

(iii)     des paiements d’environ 2 000 $ effectués en remboursement d’un emprunt étudiant contracté par l’appelante.

 

[3]     L’appelante, qui est titulaire d’une maîtrise, possède une instruction étendue et elle poursuit ses études. Elle est chef de famille monoparentale et son fils est issu d’une relation antérieure à celle qu’elle avait avec M. Avis. Elle s’est représentée elle‑même à l’audience.

 

[4]     M. Avis a témoigné pour le compte de l’intimée. Il est avocat et il pratique dans un cabinet situé à St. John’s, à Terre‑Neuve‑et‑Labrador.

 

[5]     Il convient en l’espèce de citer l’accord de séparation[2] :

 

[traduction]

 

8.         Pension alimentaire pour l’épouse

 

1.         L’époux versera au profit de l’épouse une pension alimentaire de 39 000 $ en 2002 et de 36 000 $ en 2003 tel qu’il est exposé ci‑dessous.

 

2.         L’épouse reconnaît avoir reçu 8 000 $ en paiement direct de la pension alimentaire depuis le 21 juin 2002.

 

3.         Pour la période allant du 1er janvier 2002 au 11 juillet 2002, l’époux s’engage à payer toutes les dépenses afférentes au foyer conjugal. Sans restreindre le caractère général du présent accord, seront considérées comme faisant partie des dépenses en question les dépenses touchant l’emprunt hypothécaire (y compris l’impôt foncier), le câble, le téléphone, le chauffage, l’électricité, le propane et la location d’un réservoir de propane, le service Internet Roadrunner, l’assurance‑habitation et les coûts d’un système d’alarme. L’épouse reconnaît que toutes les sommes versées par l’époux en paiement des dépenses afférentes au foyer conjugal représenteront une pension alimentaire versée au profit de l’épouse.

 

4.         Pour la période allant du 1er janvier 2002 jusqu’au moment où la Toyota Echo sera retournée à l’époux, celui‑ci s’engage à payer tous les frais afférents à ce véhicule, qui est à la disposition de l’épouse depuis la séparation. Sans restreindre le caractère général du présent accord, seront considérées comme faisant partie des frais en question les dépenses reliées à la location, aux assurances, à l’entretien, aux réparations et à l’immatriculation. L’épouse reconnaît que toutes les sommes versées par l’époux en paiement des frais afférents à la Toyota Echo représenteront une pension alimentaire versée au profit de l’épouse.

 

5.         L’épouse reconnaît que l’époux effectue depuis le 1er janvier 2002 des paiements mensuels en remboursement de l’emprunt étudiant qu’elle a contracté, et que ces paiements représenteront une pension alimentaire versée à son profit.

 

6.         Dans les 10 jours suivant la réception des comptes définitifs pour toutes les dépenses à payer au titre des clauses 8.3, 8.4 et 8.5, l’époux fournira à l’épouse des documents étayant toutes les sommes payées et dues. L’épouse reconnaît que toutes les sommes payées ou dues qui sont attestées par des documents justificatifs représenteront une pension alimentaire versée à son profit.

 

7.         De juillet 2002 à décembre 2002, l’époux paiera à l’épouse 2 500 $ par mois, sous réserve de la clause 8.8.

 

8.         Dans les 10 jours suivant la détermination du montant de la pension alimentaire versée au profit de l’épouse en application de la clause 8.6, l’époux lui paiera la différence entre la pension alimentaire de 39 000 $ pour 2002 et toutes les sommes payées ou dues prévues aux clauses 8.6 et 8.7. Dans l’éventualité où le total de ces sommes dépasserait 39 000 $, l’excédant sera retranché du solde des paiements de pension alimentaire prévus à la clause 8.7 et il sera réparti mensuellement.

 

9.         De janvier 2003 à décembre 2003, l’époux paiera à l’épouse 3 000 $ par mois.

 

10.       Toutes les sommes payées en application de la clause 8 représenteront un revenu pour l’épouse et donneront lieu à une déduction d’impôt pour l’époux au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu, et l’épouse fournira à l’époux à sa demande des documents qu’il jugera comme étayant de façon satisfaisante toute somme payée en application de la clause 8.

 

11.       Tous les paiements mensuels seront effectués au plus tard le premier jour de chaque mois. L’époux fournira à l’épouse des chèques postdatés en paiement de la pension alimentaire pour l’année 2003, et il en fera de même pour l’année 2002 lorsque le montant de la somme mensuelle due aura été établi avec précision en application de la clause 10.8 et que la Toyota Echo lui aura été retournée.

 

12.       Le droit de l’épouse à une pension alimentaire s’éteint si elle décède, se marie ou cohabite avec un autre homme.

 

13.       L’obligation de l’époux de verser une pension alimentaire au profit de l’épouse sera acquittée intégralement et définitivement par le paiement des sommes prévues à la clause 8, jusqu’à concurrence des montants qui y sont spécifiés, sans égard à tout changement, quel qu’il soit, dans la situation de l’époux ou de l’épouse, qu’il soit ou non prévu ou connu.

 

[6]     Les témoignages de l’appelante et de M. Avis diffèrent en ce qui concerne le foyer conjugal. M. Avis a quitté le foyer conjugal au plus tard le 1er janvier 2002. Pendant la période allant de janvier 2002 jusqu’au moment où un contrat de vente a été conclu en juillet 2002, la maison était à vendre. Le témoignage non contesté de l’appelante était que M. Avis lui avait demandé de rester dans la maison jusqu’à ce qu’elle soit vendue. Au cours des premiers mois de l’année 2002, elle avait l’intention de déménager en Colombie‑Britannique, mais ses projets ont changé. M. Avis a vécu et a travaillé pendant un certain temps à Corner Brook et, lorsqu’il était à St. John’s, il habitait chez un parent à lui. M. Avis a laissé certains meubles dans le foyer. L’appelante et M. Avis se sont partagé en parts égales le produit de la vente du foyer conjugal. L’essentiel de ce témoignage consiste à dire que les époux auraient tous deux tiré profit des paiements effectués par M. Avis en règlement des dépenses afférentes à la maison. Cette version est quelque peu éclipsée par le fait que l’appelante a refusé de déménager à la clôture de la vente parce qu’elle n’avait pas d’argent et qu’elle n’avait nulle part où aller. M. Avis a obtenu une ordonnance d’un tribunal lui permettant de remplir les documents requis pour la clôture en tant qu’avocat de l’appelante.

 

[7]     Il est clair que l’appelante ne pouvait pas utiliser à sa discrétion les sommes versées à des tiers pour le règlement des dépenses se rapportant notamment à un emprunt hypothécaire, à des services publics, à des assurances, à la location d’une automobile et à l’emprunt étudiant qu’elle avait contracté.

 

[8]     Il semble y avoir trois questions importantes en litige : a) est‑ce que l’appelante a raison d’affirmer que des paiements ont été faits à des tiers, et qu’elle ne pouvait pas utiliser à sa discrétion les sommes payées? b) est‑ce que l’accord de séparation stipulait expressément que les exceptions en matière de « discrétion » s’appliquent aux paiements? c) est‑ce que le montant des paiements se rapportant à la maison dont aurait profité l’appelante doit être réduit dans la mesure où M. Avis a tiré profit d’une partie de ces paiements?

 

[9]     En règle générale, les paiements de pension alimentaire pour époux versés aux termes d’un accord de séparation sont imposables entre les mains du bénéficiaire et déductibles pour le payeur (paragraphe 56(1))[3]. Un paiement versé pour l’entretien d’un conjoint représente une pension alimentaire au sens de la Loi si les conditions suivantes énoncées dans la définition du paragraphe 56.1(4) sont réunies :

 

(i)      la somme versée est une allocation;

(ii)      elle est payable et à recevoir périodiquement;

(iii)     elle est payée pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants;

(iv)     le bénéficiaire peut utiliser la somme à sa discrétion;

(v)     le bénéficiaire vit séparé du payeur pour cause d’échec de leur relation;

(vi)     la somme est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit.

 

[10]    Ces exigences énoncées au paragraphe 56.1(4) sont assorties d’exceptions. La condition selon laquelle les sommes doivent avoir été payées à l’ex‑époux et reçues par lui pour qu’elles puissent être déduites dans le calcul du revenu du payeur et incluses dans le revenu du bénéficiaire est assortie de deux exceptions qui se trouvent respectivement aux paragraphes 56.1(1) et 60.1(1), ainsi que 56.1(2) et 60.1(2) de la Loi. Ces exceptions portent sur des paiements faits à des tiers comme en l’espèce. Les paragraphes 56.1(1) et 60.1(1) prévoient que les sommes versées à un tiers au profit de l’ex‑époux, comme c’est le cas dans la présente affaire, sont réputées avoir été payées à l’ex‑époux bénéficiaire et reçues par lui, et ils énoncent que ces sommes sont à inclure dans son revenu tant et aussi longtemps qu’elles remplissent les conditions prévues par la définition du terme « pension alimentaire » donnée au paragraphe 56.1(4), selon laquelle le bénéficiaire doit notamment pouvoir utiliser la somme à sa discrétion. L’autre exception, qui est énoncée aux paragraphes 56.1(2) et 60.1(2), vise aussi les sommes qui, selon un accord ou une ordonnance, sont à payer à un tiers, mais l’exception ne s’arrête pas là en ce qu’elle prévoit que les sommes versées à un tiers, si elles sont payées et reçues, sont réputées avoir été payées et reçues à titre d’allocation périodique que le bénéficiaire peut utiliser à sa discrétion, même si, dans les faits, celui‑ci ne peut pas du tout les utiliser de cette manière.

 

[11]    Cette exception n’est applicable que si l’accord ou l’ordonnance énonce expressément que les paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) doivent s’appliquer aux paiements, et il existe des restrictions très précises sur le genre de paiements qui peuvent tomber sous le coup de cette exception. La déclaration sur laquelle se fonde l’intimée se trouve à la clause 8, au paragraphe 10, lequel il convient de reproduire[4] :

 

[traduction]

 

10.       Toutes les sommes payées en application de la clause 8 représenteront un revenu pour l’épouse et donneront lieu à une déduction d’impôt pour l’époux au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu, et l’épouse fournira à l’époux à sa demande des documents qu’il jugera comme étayant de façon satisfaisante toute somme payée en application de la clause 8.

 

[12]    L’intimée a attiré l’attention de la Cour sur l’arrêt Veilleux c. Canada[5], dans lequel la Cour d’appel fédérale a conclu que l’interprétation du ministre voulant qu’un accord écrit doive expressément renvoyer aux paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) était trop stricte. L’article 60 de la Loi ne crée aucune obligation pour le payeur; il ne fait que lui offrir l’option de déduire les paiements. L’objet des paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) est de permettre au payeur de se prévaloir de déductions. La Cour d’appel a ajouté que le paragraphe 60.1(2) n’énonce pas que l’accord dont il fait mention doit expressément renvoyer aux paragraphes 56.1(2) et 60.1(2). Il suffit qu’un accord révèle que le payeur et le bénéficiaire connaissent leurs obligations et leurs droits à l’égard des paiements versés à des tiers. Dans l’affaire Veilleux, les parties à l’accord les connaissaient. Le paragraphe 60.1(2) établit une présomption selon laquelle des paiements faits à des tiers constituent des paiements périodiques que le bénéficiaire peut utiliser à sa discrétion, et ils représentent une pension alimentaire. La Cour d’appel a conclu que l’accord remplissait les exigences énoncées aux paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) et que le contribuable avait droit aux déductions demandées.

 

[13]    Le juge Létourneau a affirmé ce qui suit au paragraphe 14 de l’arrêt Veilleux :

 

[14]      On peut comprendre aisément la nécessité d’informer la personne qui bénéficie de ces paiements de l’obligation qu’elle a d’inclure les montants dans son revenu ainsi que du fait que c’est elle qui a l’obligation d’acquitter les impôts dus sur ces montants. J’avoue cependant que l’obligation de faire référence dans l’accord écrit au paragraphe 60.1(2), particulièrement sous peine de déchéance du bénéfice de la déduction pour le payeur, m’apparaît moins évidente et moins nécessaire. De fait, contrairement à l’article 56, l’article 60 ne crée aucune obligation pour le payeur. Il ne fait que lui offrir l’option de déduire les montants qu’il verse s’il le désire. Pourquoi alors le pénaliser s’il sait, alors que l’accord écrit ne mentionne pas le paragraphe 60.1(2), qu’il peut se prévaloir de cette option et, de fait, s’en prévaut? Pourquoi le pénaliser alors pour la connaissance qu’il a de son droit à la déduction si le but de la disposition est de l’informer de ce droit? Pire encore, pourquoi le pénaliser lui si le tribunal, dans son jugement de divorce, réfère au paragraphe 56.1(2), mais omet par simple mégarde de mentionner les mots magiques « paragraphe 60.1(2) »? Peut-être veut-on aussi par la référence au paragraphe 60.1(2) informer la personne pour le compte de qui les paiements sont exécutés du fait que le payeur bénéficie d’un avantage fiscal dans tout ce processus. Quoiqu’il en soit, même s’il est vrai que le législateur a exigé qu’il soit fait mention dans l’accord écrit de l’application du paragraphe 60.1(2) au montant payé, je ne crois pas que ce soit son intention de priver le contribuable du bénéfice d’une option qui lui est offerte à cause de l’omission de ce dernier d’indiquer dans l’accord écrit l’existence d’une option qu’il connaît déjà ou à cause de celle du tribunal de l’en informer. Ceci m’amène à examiner la portée de l’obligation de faire référence à ces paragraphes dans l’accord écrit.

         

[…]

           

[27]      Les deux paragraphes suivants de l’entente sont au cœur de la revendication du demandeur :

 

            Toutes les sommes d’argent que M. Gaston Veilleux s’engage à verser à Mme Louise Ouellette sont des sommes d’argent nettes d’impôt; M. Gaston Veilleux s’engage donc à assumer les sommes d’impôt fédéral et provincial qui pourraient être dues par Mme Louise Ouellette et qui découlent du paiement de ladite pension alimentaire.

 

            Toutes les sommes versées à Mme Louise Ouellette ou à des tiers en son nom sont considérées faire partie de la pension alimentaire; parmi celles-ci figurent les dépenses reliées au domicile familial (i.e. le versement hypothécaire, les taxes municipales et scolaires, l’assurance-habitation, l’électricité, le chauffage, l’entretien et le câble) les dépenses reliées aux diverses assurances familiales (i.e. assurance-vie des personnes à charge, rente de survivant, frais d’hospitalisation, frais médicaux, frais para‑médicaux, assurance dentaire), l’impôt provincial et fédéral et toute autre somme sur laquelle pourront s’entendre les deux parties (ex : réparation d’automobile, frais d’activités pour les enfants, etc...).

 

[14]    En l’espèce, la teneur du paragraphe 10 de la clause 8 de l’accord de séparation appuie davantage la position du ministre que ne l’étayait le libellé de l’accord de séparation dans l’affaire Veilleux. Pour les motifs énoncés dans cet arrêt, j’arrive à la conclusion que l’accord en cause remplit les exigences énoncées aux paragraphes 56.1(2) et 60.2(2) de la Loi. De plus, dans une lettre que l’avocat de l’appelante, Ernest Gittens, a envoyée à M. Avis et qui porte la date du 16 avril 2002, soit une date antérieure à la conclusion de l’accord de séparation qui a eu lieu le 2 juillet, Me Gittens affirme au paragraphe 6 ce qui suit :

 

[traduction]

 

Votre proposition de pension alimentaire est acceptable pour Mme Moss. Cependant, comme jusqu’au 30 juin 2002 l’essentiel de ces paiements sera effectué pour le règlement de dettes contractées auprès de tiers, elle s’attend à ce que vous assumiez les conséquences fiscales qui en découleront[6].

 

En fait, ce que l’avocat de l’appelante est en train de dire c’est que celle‑ci devra inclure dans son revenu les paiements que M. Avis fera à des tiers au profit de l’appelante. Celle‑ci aurait dû faire témoigner Me Gittens si elle avait voulu prouver le contraire. Je rejette la prétention de l’appelante selon laquelle Me Gittens l’avait avisée que les paiements faits à des tiers à son profit n’avaient pas à être inclus dans son revenu parce qu’elle ne pouvait pas utiliser les sommes à sa discrétion.

 

[15]    Le dernier point litigieux en l’espèce porte sur la question de savoir si les paiements faits à des tiers ont été effectués entièrement au profit de l’appelante. Le paragraphe 56.1(1) de la Loi est rédigé ainsi :

 

[...] dans le cas où [...] un accord [...] prévoit le paiement d’un montant [au] profit [du contribuable] [...]

                                                                                    [Non souligné dans l’original.]

 

Et le paragraphe 60.1(1) est ainsi libellé :

 

[...] dans le cas où [...] un accord [...] prévoit le paiement d’un montant à un contribuable ou à son profit [...]

                                                                                    [Non souligné dans l’original.]

 

Il est clair que, pour pouvoir être déduit par le payeur, le paiement doit être fait au profit du bénéficiaire. En l’espèce, M. Avis a peut‑être payé les dépenses afférentes à la maison à son profit et à celui de l’appelante. Cependant, rien ne me permet de déterminer dans quelle mesure chacune des parties à l’accord a tiré profit de ces paiements, et je ne suis pas en mesure de le deviner. En ce qui concerne les versements hypothécaires, il se peut qu’il y ait eu une réduction du capital qui a profité à l’appelante et à M. Avis. Mais, aucune preuve à cet égard n’a été portée à ma connaissance. Une chose est sûre : il a été profitable à l’appelante de vivre dans la maison avec son fils, déchargée de l’obligation d’acquitter les dépenses afférentes à la maison jusqu’au moment où celle‑ci a été vendue et l’appelante a été obligée de partir. Tout ce dont a pu profiter son ex‑époux est intangible et incalculable. Les mêmes remarques valent pour l’automobile de marque Toyota.

 

[16]    En conclusion, l’appelante a reçu des paiements de pension alimentaire totalisant 38 925 $ qu’elle doit inclure dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2002 en application de l’alinéa 56(1)b) et du paragraphe 56.1(2). Ma décision est fondée sur la supposition que la somme de 38 925 $ est le montant exact de la pension alimentaire payée en 2002. Si une partie de cette somme a été payée en 2003, je m’attends à ce que le ministre du Revenu national fasse les rectifications qui s’imposent.

 

[17]    Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d’octobre 2006.

 

 

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de décembre 2007.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI559

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2005‑2775(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Lynda D. Moss et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   St. John's (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 20 septembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge C.H. McArthur

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 17 octobre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

Avocats de l’intimée :

Mes Deanna Frappier et

Martin Hickey

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             s.o.

 

                   Cabinet :                         s.o.

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Bien que les 18 000 $ fussent payables en totalité en 2002, la somme n’a été payée intégralement que vers mai 2003.

[2]           Pièce A‑3, page 3.

[3]           Les paiements de pension alimentaire pour époux sont visés par des mesures législatives différentes de celles qui s’appliquent aux paiements de pension alimentaire pour enfants, qui, après avril 1997, ne sont pas imposables entre les mains du bénéficiaire et ne peuvent pas être déduits par le payeur.

 

[4]           Pièce A‑3.

[5]           2002 CAF 201 (ci‑après « Veilleux »).

[6]           Pièce A‑1.

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