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No de dossier : 2001-3839(IT)G

ENTRE :

CHARLES B. LOEWEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requête entendue avec les requêtes d’Andrew Pringle

(2003‑446(IT)G) et de Michael De Pencier (2003‑1073(IT)G)

à Toronto (Ontario), le 21 août 2006.

 

Devant : M. juge en chef D.G.H. Bowman

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Stephen Yoker

Me A. Christina Tari

 

 

Avocates de l’intimée :

Me Elizabeth Chasson

Me Annie Paré

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

Vu la requête présentée par les avocates de l’intimée afin d’obtenir une ordonnance enjoignant aux appelants de répondre à certaines questions qui ont fait l’objet d’un refus au moment de l’interrogatoire préalable;

 

Et vu la requête présentée par l’appelant afin de contraindre le représentant de l’intimée à répondre à certaines questions;

 

Après avoir entendu les allégations formulées par les parties;

.../2

Les requêtes sont accueillies en partie et il est ordonné aux parties de répondre aux questions dans la mesure précisée dans les présents motifs. Chacune des parties a partiellement obtenu gain de cause.

 

Les parties assument leurs propres dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de septembre 2006.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de juin 2007.

 

Maurice Audet, réviseur


 

 

 

No de dossier : 2003-446(IT)G

ENTRE :

ANDREW PRINGLE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requête entendue avec les requêtes de Charles B. Loewen

(2001‑3839(IT)G) et de Michael De Pencier (2003‑1073(IT)G)

à Toronto (Ontario), le 21 août 2006.

 

Devant : M. juge en chef D.G.H. Bowman

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Stephen Yoker

Me A. Christina Tari

 

 

Avocates de l’intimée:

Me Elizabeth Chasson

Me Annie Paré

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

Vu la requête présentée par les avocates de l’intimée afin d’obtenir une ordonnance enjoignant aux appelants de répondre à certaines questions qui ont fait l’objet d’un refus au moment de l’interrogatoire préalable;

 

Et vu la requête présentée par l’appelant afin de contraindre le représentant de l’intimée à répondre à certaines questions;

.../2

Après avoir entendu les allégations formulées par les parties;

 

Les requêtes sont accueillies en partie et il est ordonné aux parties de répondre aux questions dans la mesure précisée dans les présents motifs. Chacune des parties a partiellement obtenu gain de cause.

 

Les parties assument leurs propres dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de septembre 2006.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de juin 2007.

 

Maurice Audet, réviseur


 

 

 

No de dossier : 2003-1073(IT)G

ENTRE :

MICHAEL DE PENCIER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requête entendue avec les requêtes de Charles B. Loewen

(2001‑3839(IT)G) et d’Andrew Pringle (2003‑446(IT)G)

à Toronto (Ontario), le 21 août 2006.

 

Devant : M. juge en chef D.G.H. Bowman

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Stephen Yoker

Me A. Christina Tari

 

 

Avocates de l’intimée :

Me Elizabeth Chasson

Me Annie Paré

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

Vu la requête présentée par les avocates de l’intimée afin d’obtenir une ordonnance enjoignant aux appelants de répondre à certaines questions qui ont fait l’objet d’un refus au moment de l’interrogatoire préalable;

 

Et vu la requête présentée par l’appelant afin de contraindre le représentant de l’intimée à répondre à certaines questions;

.../2

Après avoir entendu les allégations formulées par les parties;

 

Les requêtes sont accueillies en partie et il est ordonné aux parties de répondre aux questions dans la mesure précisée dans les présents motifs. Chacune des parties a partiellement obtenu gain de cause.

 

Les parties assument leurs propres dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de septembre 2006.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de juin 2007.

 

Maurice Audet, réviseur


 

 

 

Référence : 2006CCI498

Date : 20060908

No de dossier : 2001-3839(IT)G

ENTRE :

CHARLES B. LOEWEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

 

No de dossier : 2003-446(IT)G

ENTRE :

ANDREW PRINGLE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

 

No de dossier : 2003-1073(IT)G

ENTRE :

MICHAEL DE PENCIER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge en chef Bowman

[1]     Les présentes requêtes ont été entendues ensemble. L’intimée demande à la Cour de rendre des ordonnances enjoignant aux appelants de répondre à certaines questions qui ont fait l’objet d’un refus au moment de l’interrogatoire préalable. Immédiatement après la requête de l’intimée, une requête analogue a été présentée par l’appelant pour enjoindre au représentant de l’intimée de répondre à certaines questions.

 

[2]     Il n’est pas de mon intention d’exposer en détail les faits et les questions en litige en l’espèce. Les parties les connaissent bien. Les appels visent le placement que les appelants ont fait à titre de copropriétaires d’un intérêt indivis dans un logiciel désigné Arachnae Information Retrieval System Software (le « logiciel » ou « AIRS II »). Dans son avis d’appel, M. Loewen allègue qu’il a acheté un intérêt indivis de 6,25 pour 100 dans le logiciel pour une somme de 500 000 $, soit 150 000 $ en espèces et 350 000 $ au moyen d’un billet à ordre. Selon l’évaluation établie par un expert en évaluation d’entreprise, le logiciel avait une juste valeur marchande (« JVM ») de 8 000 000 $. M. Loewen a effectué son placement à la lumière de cette évaluation.

 

[3]     M. Loewen a demandé une déduction pour amortissement (« DPA ») de 250 000 $ en 1993 et de 250 000 $ en 1994 au titre du logiciel. Le ministre du Revenu national a refusé la DPA demandée. La cotisation se fonde notamment sur l’hypothèse voulant que la JVM du logiciel ne soit pas supérieure à 1 600 000 $.

 

[4]     Les appels soulèvent un certain nombre de questions. Voici un bref résumé des principaux points en litige :

 

(a)     Le vendeur et les acquéreurs avaient‑ils un lien de dépendance entre eux?

           (b)    Quelle était la JVM du logiciel aux moments pertinents?

           (c)    Quoi qu’il en soit, le prix payé était‑il raisonnable?

           (d)    Le logiciel pouvait‑il servir au moment pertinent?

(e)     Le billet à ordre faisait‑il partie de la contrepartie conditionnelle?

 

[5]     Les avocats des appelants m’ont demandé de prononcer l’ordonnance et les motifs de l’ordonnance touchant les présentes requêtes aussitôt que possible parce qu’ils pourraient avoir une incidence sur d’autres instances qui se dérouleront en septembre. Je vais m’efforcer de satisfaire les avocats, mais les motifs de mon ordonnance s’en trouveront peut‑être moins détaillés qu’ils ne l’auraient par ailleurs été.

 

[6]     Les avocats des deux parties ont produit des tableaux montrant les questions posées et refusées à l’égard desquelles ils souhaitent obtenir une ordonnance portant obligation de répondre. Je vais renvoyer aux numéros des pages et des questions tels qu’ils figurent dans les tableaux joints à la requête de l’intimée et aux numéros des rubriques inscrits à gauche du tableau joint à la requête des appelants.

 

Requête de l’intimée

 

(a)       Page no 99, questions 444 à 446.

 

           On a demandé aux appelants de produire une version électronique plutôt qu’une copie imprimée du code source. Il est évident que la JVM du logiciel ne peut être établie sans la version électronique. La version imprimée n’est tout simplement pas adéquate. La meilleure preuve de cela tient au fait que la version électronique comporte beaucoup plus de données utiles que la version imprimée. La version électronique doit être produite. Les fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada et du ministère de la Justice ainsi que l’expert retenu pour évaluer la valeur du logiciel devraient donner des engagements appropriés relativement au caractère confidentiel de ces données. La Couronne s’est engagée à assumer les frais liés à la production de la version électronique.

 

(b)

No de page

No de question

124 et 125

131

132 et 133

133

134

135

135 et 136

136 et 137

137 et 138

139

141 et 142

142 et 143

144

144 et 145

145

 

 

147

147 et 148

 

 

187 à 189

191

192 et 193

193 et 194

195

196

197

205, 206, 209 et 210

233

236

315

571

590, 591 et 600

601 à 603

604 et 605

607, 608 et 609

611, 612, 613 et 614

615

617 à 621

626

628 à 631

643

650

657

659

660 à 663

670

672

675

683

736

761

829

841

849

855

861

871

876

881

977

989

1364 et 1365

 

[7]     Dans toutes ces questions, on a demandé aux appelants de préciser à quel fait en litige se rapportaient les documents. Plus simplement, « Pourquoi ce document figure‑t‑il sur votre liste et qu’a‑t‑il à voir avec la présente affaire? » Dans tous les cas, la réponse a été la même.

 

[TRADUCTION]

 

Lettre de Me Tari du 14 juillet 2006

 

Voir la réponse à la note en bas de page 11.

 

[Texte de la note en bas de page]

À l’heure actuelle, l’appelant ne sait à quel fait en litige se rapporte le document. Celui‑ci consiste en un document commercial d’Arachnae Management Ltd. L’appelant n’a aucune connaissance personnelle de ce document.

 

L’appelant a déposé le document conformément à l’exigence prévue à l’alinéa 81(1)b) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), lequel l’oblige à produire les documents dont il connaît l’existence et qui pourraient être présentés en preuve. De fait, l’alinéa 88(1)a) des règles relatives à la procédure générale empêche l’appelant d’utiliser un document à l’audience à moins que celui‑ci ne figure sur la liste conformément à l’alinéa 81(1)b). À l’heure actuelle, l’appelant ne sait pas à quoi doit servir ce document. Celui-ci a été produit parce qu’il paraît avoir un semblant de pertinence au regard du présent appel et la Cour pourrait juger, pendant le processus de préparation de l’instruction ou au cours de l’audition de la preuve à l’instruction, que le document est pertinent pour établir ou aider à établir une allégation de fait dans un acte de procédure déposé par l’appelant ou pour réfuter ou aider à réfuter une allégation de fait dans un acte de procédure déposé par l’intimée.

 

[8]     À mon avis, cette réponse est inacceptable. Une partie a le droit de savoir pourquoi un document est produit. Il faut se rappeler que, contrairement à l’article 82 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), l’article 81 est plutôt exceptionnel en ce qu’il exige uniquement que la partie produise une liste des documents qui pourraient être présentés en preuve. Si les réponses données étaient acceptables, cela signifierait qu’une partie au litige pourrait submerger la partie adverse de boîtes de documents qu’elle aurait produits et qu’elle lui laisserait le soin de les examiner pour tenter de découvrir à quelles fins, le cas échéant, ces documents pourraient servir. Je crois qu’une partie au litige a le droit de savoir pourquoi l’autre partie pense qu’un document est pertinent. Il ne suffit pas de dire, dans les faits, qu’un document est mentionné dans la liste de documents pour le cas improbable où il se révélerait utile pour réfuter un quelconque point non précisé que la partie adverse pourrait vouloir invoquer.

 

[9]     Les questions devraient faire l’objet d’une réponse ou les documents devraient être supprimés de la liste.

 

(c)     Pages 150 et 151, questions 690 à 695.

 

        Je crois que M. Loewen devrait soit effectuer une analyse plus précise, soit reconnaître qu’il lui est impossible de le faire.

 

          (d)     Page 160, questions 725 et 726.

 

                  Je crois que la réponse donnée est adéquate et qu’aucune autre explication n’est nécessaire.

 

          (e)      Page 256, question 1075.

 

                  Cette question doit faire l’objet d’une réponse. Elle pourrait intéresser la question de la diligence raisonnable et celle du lien de dépendance, compte tenu du seuil relativement faible du degré de pertinence nécessaire à l’étape de l’interrogatoire préalable.

 

           (f)     Pages 256 et 257, questions 1076, 1079 et 1080.

 

                   Aucune ordonnance n’est requise puisqu’on a répondu aux questions.

 

           (g)    Pages 281 et 282, question 1220.

 

Page 282, question 1222.

 

                  Cette réponse est insuffisante. Une explication technique plus détaillée est nécessaire.

 

           (h)    Pages 282 et 283, question 1223.

 

Cette question vise à obtenir des faits étayant l’allégation selon laquelle Arachnae a entrepris ses activités d’exploitation commerciale du logiciel. La réponse est vague. Il faut donner des détails sur ce qu’Arachnae a fait.

 

           (i)     Pages 282 et 283, questions 1223 et 1227.

 

Je ne suis pas disposé à étendre la notion de « privilège relatif au litige » ou de « privilège relatif au produit du travail de l’avocat » au point de permettre à une partie de refuser de communiquer des documents ou des renseignements qui se trouvent en sa possession et qui sont pertinents au litige.

 

[10]    L’arrêt de principe en matière de privilège relatif au litige est General Accident Assurance Co. v. Chrusz, 45 O.R. (3d) 321 (Cour d’appel de l’Ontario). Je n’ai pas l’intention d’examiner en détail la notion du privilège relatif au litige. Il s’agit d’un principe beaucoup plus restreint que ne le laisse entendre l’appelant. De nos jours, on considère que l’interrogatoire préalable emporte divulgation complète et c’est ce principe qui, à mon sens, doit être appliqué par la Cour. Il y a longtemps qu’on a cessé de recourir à des pièges pendant l’instruction, pratique qui était d’usage devant l’ancienne Commission de révision de l’impôt ou la Commission d’appel de l’impôt. L’ouvrage de Sopinka, Lederman et Bryant, intitulé The Law of Evidence in Canada, deuxième édition, supplément, fournit un bref résumé utile de cette question :

 

[TRADUCTION]

 

8.          Documents obtenus et établis en vue d’un litige / Privilège relatif au litige

 

§14.75.1  Le privilège relatif au litige s’applique au produit du travail accompli par la Couronne dans le cadre d’une affaire pénale et comprend le travail produit par la police afin de préparer le procès. Il n’englobe toutefois pas le produit du travail analogue qu’accomplit la police au cours des étapes de l’enquête menant à l’introduction de poursuites contre l’accusé. En effet, le produit de ce travail de la police serait assujetti aux obligations en matière de divulgation.

________

 

§14.78.1  Dans l’arrêt General Accident Assurance Co. v. Chrusz, la Cour d’appel de l’Ontario a analysé les communications échangées entre un expert en sinistres et l’avocat chargé de l’affaire dans le contexte du privilège relatif au litige. La Cour a reconnu que l’origine de ce privilège était différente de celle du secret professionnel de l’avocat et que le privilège relatif au litige offrait une « zone de confidentialité » permettant à l’avocat de préparer l’instruction sans l’intrusion d’un tiers dans ses réflexions ou à l’égard du produit de son travail.

 

§14.78.2  Comme sa raison d’être diffère de celle du secret professionnel de l’avocat, le privilège relatif au litige ne bénéficie pas de la même inviolabilité et la Cour s’est demandé dans quels cas il doit céder le pas à une production et à une divulgation complètes et opportunes, préalables à l’instruction.

 

§14.78.3  Le juge Carthy a signalé que la tendance moderne favorise une divulgation complète, ce qui a nécessairement réduit l’étendue du privilège relatif au litige. Il mentionne qu’en réalité, le privilège relatif au litige correspond à ce qui reste du domaine de la confidentialité dont l’avocat peut encore bénéficier après que les exigences actuelles en matière de communication sont remplies. La zone de confidentialité a ainsi été restreinte du fait des exigences étendues en matière de divulgation.

 

§14.78.4  Dans le droit fil de la tendance contemporaine favorisant une divulgation accrue, la Cour d’appel de l’Ontario a également jugé préférable que chaque affaire soit régie par le critère de l’« objet principal » plutôt que par celui de l’« objet important », lequel l’avait emporté jusqu’ici en Ontario. Par conséquent, le droit ontarien est maintenant compatible avec les décisions rendues en appel en Nouvelle‑Écosse, au Nouveau‑Brunswick, en Colombie‑Britannique et en Alberta voulant que le privilège relatif au litige ne s’applique que si la communication à un tiers a pour objet principal de servir dans le cadre d’un litige éventuel.

 

[11]    À mon avis, peu importe la portée du privilège relatif au litige ou au produit du travail de l’avocat, aucun fondement factuel n’a été établi pour justifier le refus de répondre à la question 1223, qui est manifestement pertinente.

 

           (j)     Pages 318 et 319, question 1382.

Page 321, question 1391.

 

M. Loewen devrait procéder à des vérifications et se renseigner.

 

Requête des appelants

 

[12]    Dans la présente partie des motifs, je désignerai les questions uniquement à l’aide du numéro de rubrique figurant à gauche du tableau présenté par les appelants.

 

1 et 2 :        La Couronne a fait savoir qu’elle répondra aux questions.

 

3, 4 et 5 :     Ces questions portent sur des renseignements ou des documents que l’Agence du revenu du Canada a remis à M. Cole, lequel a établi un rapport sur la valeur du logiciel. Comme son rapport fait partie des documents sur lesquels sont fondées les cotisations, les renseignements dont il disposait sont pertinents et nécessaires pour vérifier et, au besoin, attaquer ses conclusions. L’avocate de l’intimée a initialement refusé de répondre aux questions en invoquant leur manque de pertinence et le privilège relatif au litige. Elle a ensuite renoncé à faire valoir l’argument fondé sur le privilège relatif au litige quant à ce refus et à tous ses autres refus. En ce qui concerne la question de la pertinence, elle soutient que les documents dont disposait M. Cole ne sont pertinents que si elle l’appelle à témoigner. Avec égards, je ne partage pas cette opinion. L’un des fondements permettant de contester une cotisation tient au fait que les hypothèses sur lesquelles le ministre s’est appuyé pour établir la cotisation sont erronées (M.N.R. v. Pillsbury Holdings Ltd., 64 DTC 5184). Selon l’une des hypothèses formulées en l’espèce, la JVM du logiciel n’excédait pas 1 600 000 $. Pour prouver que cette hypothèse est erronée, il faut connaître les documents qui étayent l’évaluation sur laquelle se fonde l’hypothèse. Si les renseignements ou les documents fournis à l’évaluateur comportent des lacunes ou sont erronées, cela peut mettre en doute l’opinion relative à la valeur et, par conséquent, l’hypothèse elle‑même. La question doit faire l’objet d’une réponse.

 

6, 7, 8 et 9 : Ces questions touchent toutes au rapport de M. Cole, y compris les documents sur lesquels il s’est appuyé, comme le rapport Blue Link. L’appelant a manifestement le droit de savoir sur quoi se fonde ce rapport.

 

10 :             De toute évidence, il faut répondre à cette question.

 

11 :             La Couronne a maintenant répondu à cette question par la négative.

 

12 et 13 :     Il s’agit manifestement d’une question légitime. Elle porte sur le fondement de l’évaluation.

 

14 :             Je crois que le refus est justifié s’il s’agit notamment d’utiliser des renseignements obtenus par le ministre du Revenu national sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu. En outre, la réponse pourrait bien porter atteinte au droit de M. McCutcheon de protéger le caractère privé de ses affaires personnelles et, comme elle n’a que peu de pertinence, je choisis d’exercer mon pouvoir discrétionnaire de ne pas permettre la question.

 

15 à 24 :      Les questions sont légitimes.

 

                  L’avocate de l’intimée a laissé tomber l’argument fondé sur le privilège relatif au litige, mais elle avance maintenant que l’appelant ne peut se servir de l’interrogatoire préalable de la Couronne pour tenter d’interroger un expert éventuel. Elle a antérieurement refusé de répondre aux questions touchant le fondement de l’opinion émise par M. Cole au motif que les questions ne pouvaient être posées que si ce dernier se voyait appelé à titre de témoin expert. Quoi qu’il en soit, le paragraphe 95(3) des Règles mentionne la possibilité d’obtenir précisément le genre de renseignements que l’appelant souhaite obtenir de M. Cole. Il faut répondre aux questions.

 

25 :             L’avocat des appelants soutient qu’il est approprié de demander un résumé du témoignage de la personne que la Couronne a l’intention d’appeler à témoigner. L’avocate de l’intimée affirme que les règles de la Cour canadienne de l’impôt ne prévoient pas de tels résumés. Les Règles sont muettes à ce sujet. Je partage l’opinion que le juge Rothstein a exprimée en qualité de membre du Tribunal de la concurrence dans la décision Canada (Director of Investigation and Research) v. Washington, 70 C.P.R. (3d) 317, à la page 3 :

 

[TRADUCTION]

 

Quant aux déclarations faites par un témoin ou un tiers, ou aux résumés ou « condensés » de ces déclarations, l’alinéa 458(1)b) des Règles de la Cour fédérale, C.R.C. 1978, ch. 663, qui s’applique en l’espèce, prévoit que la personne soumise à un interrogatoire préalable :

 

458(1) […] répond, au mieux de ses connaissances, à toute question qui :

 

[…]

 

b) soit concerne le nom et l’adresse d’une personne autre qu’un témoin expert et qui pourrait normalement être renseignée au sujet de toute question en litige.

 

La règle ne fait nullement mention de déclarations ou de résumés de déclarations obtenues de ces tiers. L’avocat du directeur a présenté au Tribunal quelques sources selon lesquelles il existe en Ontario une pratique qui consiste à fournir, pour les besoins de l’interrogatoire préalable, des résumés des témoignages que l’on s’attend à ce que les témoins rendent. Cependant, les sources ontariennes ne semblent pas toutes du même avis.

 

L’alinéa 458(1)b) est entré en vigueur le 6 décembre 1990. Même s’il n’est pas dans mes intentions de m’étendre sur ce point, je suis enclin à penser que les avocats et les tribunaux à l’époque avaient suffisamment de connaissances pour qu’il ait été fait mention, à l’article 458 des Règles, de la nécessité de produire des « condensés » ou des résumés des déclarations pour les besoins de la communication préalable devant la Cour fédérale, si telle avait été l’intention du législateur. Or, je ne vois aucune mention de cette nature. Je ne veux pas laisser entendre qu’il n’existe aucune situation où un « condensé » ou un résumé pourrait se révéler utile, et le Tribunal pourrait d’ailleurs avoir le pouvoir discrétionnaire d’exiger la production d’un tel document lorsqu’il applique l’article 458 des Règles. Néanmoins, de façon générale, je ne crois pas que la production de « condensés » ou de déclarations de ce genre soit envisagée par cette disposition et je ne l’exigerais pas en l’espèce.

 

[13]    On peut comparer ce qui précède au point de vue émis par le juge Ewaschuk dans la décision Tax Time Services Ltd. v. National Trust Co., 3 O.R. (3d) 44. Le juge Ewaschuk renvoie aux paragraphes 31.06(1) et (2) des règles de l’Ontario, lesquels sont identiques aux paragraphes 95(1) et (3) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale). Aux pages 46 à 48 de la décision, il examine la jurisprudence en Ontario. Comme c’est la première fois que cette question est soulevée devant la présente cour, je reproduis l’analyse du juge Ewaschuk :

 

[TRADUCTION]

 

Contexte juridique

 

   Avant l’entrée en vigueur des nouvelles Règles des procédures civiles (Règl. de l’Ont. 560/84) en janvier 1985, il ressortait de la jurisprudence que, dans le cadre de l’interrogatoire préalable, on ne pouvait obliger la personne interrogée à divulguer des éléments de preuve (par opposition à des faits), procéder à un contre‑interrogatoire ni obliger la personne interrogée à divulguer l’identité d’un témoin [Tossy v. Robert Simpson Co., [1949] O.W.N. 57 (H.C.J.)]. Voir, de manière générale, A.I. Schein, « Rule 31.06 of the Ontario Rules of Civil Procedure » (1989), 10 Advocates' Q. 364.

 

   Les nouvelles règles ont aboli ces restrictions touchant les interrogatoires préalables. En effet, l’alinéa 31.06(1)a) des Règles oblige expressément la personne interrogée au préalable à répondre aux questions qui se rapportent à une question en litige même si le renseignement demandé est un élément de preuve. L’alinéa 31.06(1)b) oblige expressément la personne interrogée à répondre même si la question constitue un contre‑interrogatoire. Enfin, le paragraphe 31.06(2) oblige la personne interrogée à divulguer les noms et adresses des personnes dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’elles aient connaissance des opérations ou des événements en litige dans l’action.

 

   Les nouvelles règles visaient manifestement à libéraliser l’interrogatoire préalable et à obliger une divulgation plus complète entre les parties. Elles aident ainsi les parties à définir les questions en litige avant l’instruction et, au bout du compte, à promouvoir des règlements raisonnables puisque les parties sont maintenant mieux placées pour apprécier la valeur probante de la preuve qu’elles doivent présenter ou réfuter.

 

   C’est dans ce contexte que M. le juge Steele a décidé en 1985 que la partie interrogée au préalable doit divulguer les nom et adresse d’un témoin « ainsi que le résumé du témoignage que l’on s’attend à ce que le témoin rende » : voir la décision Blackmore v. Slot All Ltd. (1985), 18 C.P.C. (2d) 181, à la page 182 (H.C.J. de l’Ont.) [permission d’interjeter appel refusée (1985), 21 C.P.C. (2d) xlvii (note) (H.C.J. de l’Ont.)]. Je signale que M. le juge Steele a ordonné à la partie interrogée au préalable de se présenter à nouveau pour répondre aux questions se rapportant au témoignage que l’on s’attendait à ce que le témoin rende, plutôt que de lui ordonner de fournir un résumé écrit.

 

   L’année suivante, le juge John Holland a précisé l’interprétation du paragraphe 31.06(2) des Règles lorsqu’il a mentionné, à juste titre, que cette disposition ne vise pas les personnes qui témoignent au procès, mais bien celles dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elles aient connaissance des questions de fait en litige. Voir la décision Williams v. David Brown Gear Industries (1986), 14 C.P.C. (2d) 227 (H.C.J. de l’Ont.).

 

   Un certain nombre de décisions ont par la suite tranché le point de savoir si le défendeur doit divulguer avant le procès la preuve issue de films de surveillance d’un demandeur. Dans la décision Murray v. Woodstock General Hospital Trust (1988), 66 O.R. (2d) 129, 30 C.P.C. (2d) 268, 31 O.A.C. 153, la Cour divisionnaire s’est penchée sur cette question et a conclu que le paragraphe 31.06(1) des Règles oblige le défendeur interrogé au préalable à divulguer les renseignements contenus dans le film même si le film lui‑même constitue un document privilégié.

 

   Enfin, dans la décision Dionisopoulos v. Provias (1990), 71 O.R. (2d) 547 (H.C.J.), M. le juge Granger a examiné succinctement la jurisprudence pertinente. Il a conclu que la partie interrogée au préalable n’est pas tenue de fournir une liste des témoins qu’elle entend appeler à l’instruction, mais qu’elle doit produire, sur demande, « un résumé de la teneur du témoignage des personnes dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’elles aient connaissance des questions en litige » [à la page 552]. Je souscris à ses conclusions.

 

   L’avocat m’a informé qu’on avait instauré une pratique en réaction aux obligations prévues au paragraphe 31.06(2) et à l’alinéa 31.06(1)a) des Règles. En effet, des résumés écrits ou des « condensés » du témoignage éventuel des témoins seraient souvent fournis par la partie interrogée au préalable par voie d’engagement. Voir aussi M. le juge A.B. Rosenberg (1990), 11 Advocates' Q. 507. Cette pratique paraît de fait compatible avec une interprétation téléologique de l’article 31 favorisant une communication préalable plus complète. Cependant, il n’existe pas à ma connaissance de décision ou article publié voulant que la partie interrogée au préalable doive fournir un résumé écrit ainsi qu’un résumé de vive voix de la teneur de son témoignage à l’étape de l’interrogatoire préalable. De toute évidence, une lecture minutieuse de l’article 31.06 des Règles fait mentir une telle affirmation.

 

   Je conclus donc que l’effet conjugué de l’alinéa 31.06(1)a) et du paragraphe 31.06(2) des Règles est le suivant : une « partie peut, dans le cadre d’un interrogatoire préalable, obtenir la divulgation des noms et adresses » et, sur demande, un résumé de vive voix de la teneur du témoignage des « personnes dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’elles aient connaissance des opérations ou des événements en litige dans l’action ». (Cette conclusion fait toutefois l’objet des nuances apportées ci‑dessous.) De plus, le fait que la partie interrogée au préalable n’a pas l’intention d’appeler les personnes à témoigner n’a aucune importance. L’autre partie doit également avoir la possibilité de décider si elle doit ou non appeler la personne à témoigner au procès dans l’éventualité où la partie adverse ne le ferait pas. Une fois que la partie adverse demande les renseignements susmentionnés dans le cadre de l’interrogatoire préalable, la partie interrogée doit divulguer cette information en répondant de vive voix, mais elle n’a pas l’obligation supplémentaire de fournir un résumé ou un condensé écrit des connaissances que possède la personne. Cependant, la partie qui interroge au préalable peut choisir de demander à la partie interrogée de s’engager à fournir des résumés écrits à une date ultérieure.

 

   J’ajoute qu’il ne m’appartient pas de décider de la portée des paragraphes 31.06(1) et (2) des Règles, laquelle est évidemment restreinte par les règles de la preuve et en particulier les limites applicables aux éléments de preuve privilégiés. Ces limites intéressent davantage la communication d’éléments de preuve que la divulgation de l’identité des témoins éventuels, à l’exception du privilège relatif aux indicateurs de police. Je signale toutefois que le paragraphe 31.06(2) des Règles ne s’applique apparemment qu’à l’identité de la personne qui n’est pas un employé ni sous le contrôle de l’autre partie, à moins que la partie interrogée au préalable ne soit tenue ou n’ait l’intention d’obtenir une déclaration de cette personne. De plus, le paragraphe 31.06(1) des Règles ne vise apparemment que le témoignage des personnes à l’égard desquelles la partie interrogée exerce un contrôle ou avec laquelle elle peut raisonnablement s’entretenir. Il semble en outre que le paragraphe 31.06(1) des Règles n’oblige pas la partie interrogée à fournir les déclarations de personnes indépendantes avec lesquelles la partie adverse peut aussi s’entretenir, sauf dans les cas où elle a déjà obtenu ces déclarations.

 

   La partie interrogée ne serait toutefois pas toujours tenue de fournir des résumés du témoignage de tous les témoins éventuels dont l’identité doit être divulguée. À cet égard, un exemple « familier » permet de mieux saisir la portée des paragraphes 31.06(1) et (2) des Règles. Supposons que le demandeur et le défendeur ont un accident de la route dont dix personnes sont témoins oculaires. Le demandeur obtient le nom de chacune de ces personnes, mais il ne connaît le témoignage que de trois d’entre elles et il a l’intention d’appeler seulement ces trois personnes à témoigner.

 

   Dans cet exemple, le demandeur doit divulguer l’identité de chacun des dix témoins. Cependant, il n’aura à divulguer que le témoignage des trois personnes dont il connaît le témoignage. Cette conclusion se fonde sur l’hypothèse selon laquelle le défendeur peut s’entretenir avec les sept autres témoins au même titre que le demandeur et que ce dernier n’exerce aucun contrôle sur ces témoins.

 

[14]    Malgré le caractère approfondi de l’analyse du juge Ewaschuk, des doutes demeurent quant à sa décision exacte. Je partage l’opinion du juge Rothstein. Les règles de notre Cour ne prévoient pas que des résumés des témoignages de témoins éventuels doivent être fournis. Si le législateur avait eu l’intention d’imposer une telle mesure, il lui aurait été facile de le préciser dans les règles. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de répondre à la question 25.

 

26 :          L’appelant a renoncé à la deuxième partie de la question.

 

27 et 28 :  La Couronne s’est engagée à répondre à ces questions.

 

29 :          Je partage l’opinion de la Couronne sur cette question. Ce que pense M. Kingston, le répartiteur des appels, au sujet des caractéristiques techniques du AIRS II me semble totalement dénué d’intérêt pour les parties. Si les caractéristiques techniques du logiciel sont pertinentes au regard des questions en litige soulevées dans les présents appels, les appelants sont les mieux placés pour produire ce témoignage en preuve.

 

[15]     Les requêtes sont accueillies en partie et la Cour ordonne aux parties de répondre aux questions dans la mesure précisée dans les présents motifs. Chacune des parties a partiellement obtenu gain de cause et assumera ses propres dépens.

 

[16]     Je me permets de suggérer aux parties de mener à terme la présente instance, laquelle a débuté en 2001, et de cesser leurs manœuvres procédurales.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de septembre 2006.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de juin 2007.

 

Maurice Audet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2006CCI498

 

NOS DE DOSSIERS DE LA COUR :

2001-3839(IT)G

2003-446(IT)G

2003-1073(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Charles B. Loewen

Andrew Pringle

Michael De Pencier

et Sa Majesté la Reine

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 août 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

M. juge en chef D.G.H. Bowman

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

Le 8 septembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Avocats des appelants :

Me Stephen Yoker

Me A. Christina Tari

 

Avocates de l’intimée :

Me Elizabeth Chasson

Me Annie Paré

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

 

Pour l’appelant :

 

 

Nom :

Richler and Tari

 

Cabinet :

2225, avenue Sheppard Est

Pièce 1001, atrium III

Toronto (Ont.) M2J 5C2

 

Pour l’intimée :

Me John Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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