Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Référence : 2006TCC263

Date : 20060712

Dossiers : 96-1882(IT)G; 96-1883(IT)G; 96-2512(IT)G; 96-3944(IT)G;

96-3949(IT)G; 96-3952(IT)G; 96-4031(IT)G; 96-4038(IT)G;

97-981(IT)G; 97-982(IT)G; 97-983(IT)G; 97-984(IT)G;

97-985(IT)G; 97-986(IT)G; 97-987(IT)G; 97-988(IT)G

 

ENTRE :

ALEX R. MAKUZ, WILLIAM O.S. BALLARD,

MICHAEL COHL, CHARLES CSAK,

JAMES MOLYNEUX, EDWARD BOBOT,

ADEL MARCO, PETER PESCE,

EDEN HOLDINGS LTD.,

WATER’S EDGE VILLAGE ESTATES LTD.,

SANDSPIT HOLDINGS LTD.,

WATER’S EDGE VILLAGE ESTATES (PHASE II) LTD.,

TWIN OAKS VILLAGE ESTATES LTD.,

JAMES S. DUNCAN, ANTHONY R. YOUNG,

J. DUNCAN HOLDINGS LTD.,

 

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Bowman

 

[1]  Les présents appels ont été entendus sur preuve commune. Les témoignages dans neuf des appels ont été entendus à Victoria, en Colombie-Britannique, et les témoignages dans sept des appels ont été entendus à Toronto, en Ontario. En général, les appels qui ont été entendus à Victoria ont été interjetés par des résidents de la Colombie-Britannique. Les appels qui ont été entendus à Toronto ont été interjetés par des résidents de l’Ontario. Les appels entendus à Victoria étaient les suivants : Eden Holdings Ltd., (« Eden »), 97-981(IT)G; Water’s Edge Village Estates Ltd., (« Water’s Edge »), 97-982(IT)G; Sandspit Holdings Ltd., (« Sandspit »), 97-983(IT)G; Water’s Edge Village Estates (Phase II) Ltd., (« Water’s Edge II »), 97-984(IT)G; Twin Oaks Village Estates Ltd., (« Twin Oaks »), 97-985(IT)G; James S. Duncan, (« M. Duncan »), 97-986(IT)G; Anthony R. Young, (« M. Young ») 97-987(IT)G et J. Duncan Holdings Ltd., (« Duncan Holdings »), 97-988(IT)G.

 

[2]  Les appels entendus à Toronto étaient les suivants : Alex R. Makuz, (« M. Makuz »), 96-1882(IT)G; William O.S. Ballard, (« M. Ballard »), 96-1883(IT)G; Michael Cohl, (« M. Cohl »), 96-2512(IT)G; Charles Csak, (« M. Csak »), 96-3944(IT)G; James Molyneux, (« M. Molyneux »), 96-3949(IT)G; Edward Bobot, (« M. Bobot »), 96-3952(IT)G; Adel Marco, (« M. Marco »), 96-4031(IT)G et Peter Pesce, (« M. Pesce »), 96-4038(IT)G. La seule exception était que M. Ballard a rendu son témoignage à Victoria, en Colombie-Britannique.

 

[3]  Les avocats de la Couronne, relativement aux appels entendus à Victoria, étaient Me Robert Carvalho et Me Gavin Laird. Les avocats de la Couronne, en ce qui concerne les appels entendus à Toronto, étaient Me Patricia Lee et Me Eric Noble. L’avocat de tous les appelants était Me George Cadman. Dans tous les appels, les débats se sont déroulés à Toronto.

 

[4]  La question en litige, dans tous les appels, est la même pour tous les appelants. Il s’agit de savoir si une perte, dans le cas d’une société en nom collectif, dans laquelle les appelants ont déclaré avoir une participation, est déductible par les appelants lors du calcul de leur revenu pour les années 1988, 1989, 1990 et 1991. Les parties se sont entendues sur certains faits et leur entente est jointe à l’annexe A.

 

[5]  La question de la perte de cette société en nom collectif en particulier a été examinée par notre Cour et la Cour d’appel fédérale. Dans le jugement Witkin c. La Reine, le juge Beaubier ([1998] 3 C.T.C. 2869]) a rejeté les appels et la Cour d’appel fédérale ([2002] 3 C.T.C. 184) a confirmé son jugement pour des motifs différents.

 

[6]  Les faits sont complexes et comprennent une multitude d’opérations. Plusieurs sociétés et trois sociétés en nom collectif sont impliquées. Le principe de la loi de l’impôt sur le revenu invoqué est que lorsqu’une personne devient associée d’une société en nom collectif avant la fin de l’exercice, la part proportionnelle du revenu ou des pertes de la société en nom collectif, pour cette personne, doit être établie à la fin de l’exercice de la société en nom collectif. Ce principe n’est pas remis en question. En revanche, son application aux faits de l’espèce est controversée.

 

[7]  En bref, le problème est le suivant : l’exercice de la société en nom collectif A se terminait le 31 décembre 1987. L’exercice de la société en nom collectif B se terminait le 31 mars 1988. La société en nom collectif B a acquis une part dans la société en nom collectif A le 31 décembre 1987. La société en nom collectif A subi une perte avant la fin de son exercice qui se terminait le 31 décembre 1987. Par conséquent, la part de cette perte de la société en nom collectif B devrait être comprise dans le calcul de son revenu ou de ses pertes pour la période se terminant le 31 mars 1988. Les appelants soutiennent qu’ils ont acquis des parts dans la société en nom collectif B avant le 31 mars 1988. Ils ont donc réclamé leur part proportionnelle de la perte de la société en nom collectif B.

 

[8]  Le ministre du Revenu national a refusé la perte réclamée par les appelants, en la qualifiant de factice et de simulacre et en alléguant que les appelants n’achetaient pas vraiment une part dans une société en nom collectif dans le but de percevoir un revenu, mais qu’en réalité, ils achetaient simplement une perte et un montant déductible aux fins de l’impôt, et qu’il ne s’agissait pas d’un véritable placement. En outre, l’intimée s’appuie sur l’ancien article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les appelants déclarent qu’ils connaissaient l’existence du montant déductible aux fins de l’impôt, mais qu’ils avaient pour objectif d’acquérir un placement dans le marché immobilier au Texas.

 

[9]  L'exposé des faits suit et est présenté au moyen de diagrammes à l’annexe B. Les faits sont pour l’essentiel tirés des avis d’appel et ils semblent, en théorie, être étayés par la documentation. La société en nom collectif Claridge Associates (« CA ») a été constituée le 20 novembre 1979, sous le régime du droit du Texas. La fin de son exercice était le 31 décembre. Ses associés initiaux étaient la Belcourt Construction Company Ltd. (« Belcourt ») et la Realty Properties Multi-Storey Inc. (« RPMSI »), une société texane. Par la suite, la Soza Marine Service Limited (« Soza ») a acquis une participation, de sorte qu’à la fin de l’année 1986, la participation de la Soza et de la Belcourt dans la CA correspondait à 50 % et celle de la RPMSI représentait 50 %. Le 9 octobre 1987, la Multi-Storey Investments, Inc. (« MSI ») a acquis la participation de 50 % de la Soza et de la Belcourt.

 

[10]  La CA a construit à Dallas un ensemble d’unités condominiales résidentielles de luxe appelé « The Claridge ». Le 30 décembre 1987, la CA était propriétaire de près de 79 unités condominiales du complexe « The Claridge ». La Claridge Holdings No. 2 (« CH2 ») était une société en nom collectif constituée sous le régime de la loi texane. Le 31 décembre 1987, ses associés étaient la RPMSI et la Strauss Investment Construction Corp. (« SICC »), une société texane. La Claridge Holdings No. 1 (« CH1 ») était une société en nom collectif constituée sous le régime du droit du Texas dont les associés initiaux étaient la Strauss Investments Realty Corp. (« SIRC ») et la Strauss Investment Management Company (« SIMC »). La fin de l’exercice de la CH1 était le 31 mars.

 

[11]  Le 31 décembre 1987, la CH1 a acheté auprès de la MSI et de la RPMSI une participation de 49,5 % dans la CA pour un paiement de 20 $ US. En outre, le 31 décembre 1987, la CA a vendu à la CH2 une participation de 85 % dans les 79 unités. La contrepartie était que la la prise en charge par la CH2 de dettes particulières s’élevant à 23 000 000 S US de la CA et 85 % de toutes les autres dettes de la CA.

 

[12]  Dans une lettre d’accord datée du 7 mars 1988, la SIMC et la SIRC, en contrepartie de la participation de 20 $ US, ont accordé à la CMF Enterprises Ltd. (« CMF »), une société ontarienne, une option permettant l’acquisition de 99 % des participations dans la CH1.

 

[13]  Le 28 mars 1988, en contrepartie des fonds versés que j’indiquerai plus en détail ci-dessous, la CMF a conféré aux appelants le droit d’acquérir des parts à des taux variables. Par exemple, M. Ballard a versé 95 357,97 $ pour le droit d’acquérir 4,03 % de la participation dans la CH1. M. Molyneux (par l’intermédiaire de la CMF Investments), en versant 127 120,93 $, s’est vu accorder le droit d’acquérir 5,41 % des participations dans la CH1. Twin Oaks a versé 47 669,98 $ qui lui ont permis d’en acquérir 2,02 %. M. Young a versé 15 890,33 $ qui lui ont permis d’acquérir 0,67 % de la participation dans la CH1. Les fonds versés permettant l’acquisition de 1 % des participations se situent entre 23 400 $ et 23 700 $. Par souci de simplicité, je considérerai que le coût d’acquisition d’une participation de 1 % dans la CH1 s’élève à 23 500 $ US.

 

[14]  Le même jour, le 28 mars 1988, les appelants ont levé leurs options et versé à la SIMC et à la SIRC une somme nominale en vue d’acquérir les participations respectives à l’égard desquelles ils détenaient des options. Par exemple, M. Ballard a payé 4,03 $ US pour acquérir une participation de 4,03 % dans la CH1. M. Molyneaux a payé 5,41 $ US pour acquérir une participation de 5,41 %; M. Young a payé 0,67 $ US en contrepartie d’une participation de 0,67 % et Twin Oaks a payé 2,02 $ US en contrepartie d’une participation de 2,02 %.

 

[15]  Le 30 mars 1988, la MSI a émis à la CA un billet à ordre (« BO »). L’avis d’appel indique que le BO était de 64 000 000 $ US environ. Il est difficile d'en déterminer, d’après l’avis lui-même, le montant exact. Selon l’avis (qui est daté du 30 mars 1988 et qui est signé par Richard C. Strauss et qui est en faveur de la MSI), le montant de la dette correspond à la différence entre le montant de certaines dettes de la CA envers la banque Chase Manhattan Bank et la société de fiducie Morgan Guaranty Trust Company of New York et la somme de 17 705 350 $.

 

[16]  Si le chiffre de 64 000 000 $ US dans l’avis d’appel est retenu, cela signifierait que la dette de la CA envers les deux institutions financières dépasserait 81 000 000 $.

 

[17]  Le 31 mars 1988, après l’acquisition des participations dans la société en nom collectif, les appelants ont versé à la CH1 un apport en capital qui était proportionnel au taux de participation acquis. Par exemple, M. Ballard a versé un apport de 54 657 $ US avec une participation de 4,03 %; M. Molyneux a versé un apport de 72 874 $ US avec une participation de 5,4 %; M. Young a versé un apport de 9 109 $ US avec une participation de 0,67 % et Twin Oaks a versé un apport de 27 328 $ US avec une participation de 2,02 %. Cela correspond, avec un écart d’au plus 100 $ US, à un apport de près de 13 500 $ US pour chaque acquisition de 1 % de participation dans CH1.

 

[18]  En outre, le 31 mars 1988, la CH1 a versé à la CA un apport de 1 342 000 $ US. Ce montant représente le total des apports à la CH1 que les appelants ont versés. De plus, le 31 mars 1988, la CA, la MSI, la CH2 et Richard Strauss ont conclu la « convention de transfert de participation ». Aux termes de cette entente, la CA a transféré à la CH2 la participation restante de 15 % dans les unités du complexe « The Claridge », 1 342 000 $ US de fonds et le BO. La CH2 a pris en charge le reste des dettes garanties par une hypothèque de premier rang de la CA et la MSI a convenu de transférer à la CA un intérêt bénéficiaire de 5,4 % dans les unités du complexe « The Claridge » lorsque la CA en a fait l’acquisition.

 

[19]  Entre le 31 mars 1988 et le 13 septembre 1988, la Wasco Properties Inc. (« Wasco »), une société du Delaware, a acheté auprès de la CH2 les unités du complexe « The Claridge », puis la MSI les a achetées auprès de la Wasco et le 9 septembre 1988, la MSI a transféré à la CA un intérêt bénéficiaire de 5,4 % dans les unités.

 

[20]  En 1988, 1989, 1990 et 1991, la part des pertes de laCH1 (qui étaient les pertes de la CA) réclamée par les appelants était égale à leur part proportionnelle dans la société en nom collectif CH1. Par exemple, en 1988, M. Ballard, avec une participation de 4,03 %, a réclamé 1 763 855 $; Twin Oaks, avec une participation de 2,02 %, a réclamé 884 116 $; M. Young, avec une participation de 0,67 %, a réclamé 293 246 $. En résumé, en 1988, M. Ballard a réclamé une perte de 1 763 855 $ et le coût de sa participation dans la société en nom collectif était le total de 95 357,97 (coût de l’option payée à la CMF), de 4,03 $ (coût de la participation dans la société en nom collectif de 4,03 %) et de 54 657 $ (apport en capital à la CH1) qui s’élevait à 150 019 $.

 

[21]  Le coût que représentait la participation de 2,02 % de Twin Oaks était 47 669,98 $. À cela s’ajoutaient les 2,02 $, plus 27 328 $, soit un total de 75 000 $. Twin Oaks avait accès à une perte de 884 116 $.

 

[22]  Le coût que représentait l’adhésion par M. Young au fonds commun de pertes était 15 890,33 $. À ce chiffre s’ajoutaient 0,67 $, plus 9 109 $, soit un total de 25 003 $ et il a réclamé 293 246 $.

 

[23]  Ainsi, pour un montant total des dépenses engagées de près de 3 730 000 $ US, les appelants avaient accès à des pertes dont le montant total s’élevait à 43 200 000 $ CA.

 

[24]  Si l’on examine ces chiffres, et si l’on se penche sur l’écart notable entre ce qui a été versé et les pertes réclamées, il est difficile de croire que le motif principal, sinon unique, du placement n’était pas l’accès aux pertes. Par exemple, dans le cas de M. Ballard (et je choisis ce cas simplement à titre d’exemple), ce dernier a subi une perte fiscale de 1 763 855 $ au cours de la première année, ainsi qu’une autre perte de près de 33 000 $ au cours des années suivantes pour un montant des dépenses engagées de 150 000 $. Ce résultat est même meilleur que celui escompté et qui figurait dans les documents promotionnels présentés aux appelants. Le document sur l’aperçu des placements immobiliers aux États-Unis qui a été remis aux investisseurs est rédigé comme suit :

 

[traduction]
The Claridge est un immeuble de grande hauteur exclusif comprenant 97 logements et situé dans l’un des endroits les plus prestigieux de la ville. Le terrain a été constitué en 1979 et l’immeuble a été construit sur une période de trois ans, jusqu’en mars 1985, à un coût cumulé de plus de 70 millions de dollars. Au 31 décembre 1987, 22 logements ont été vendus. Compte tenu de la baisse de la valeur des biens immobiliers ces dernières années, la juste valeur marchande estimée des unités restantes invendues équivaut approximativement à 23 millions de dollars.

 

CMF Enterprises Ltd. a obtenu une option d’achat sur la participation indivise dans l’immeuble The Claridge par l’acquisition de toutes les participations dans la société Claridge Holdings No. 1. CMF a également négocié une entente aux termes de laquelle les associés existants du projet fourniront un apport de capital afin de financer la dette existante qui dépasse la juste valeur marchande du projet.

 

Incidences fiscales

 

CMF Enterprises Ltd. a entamé des négociations avec le groupe Strauss propriétaire de la participation dans l’immeuble The Claridge, au début de décembre 1987. Le 27 décembre, le pourcentage de participation et le prix avaient été négociés. Le 30 décembre, en vue d’améliorer davantage les négociations et d’isoler la dette excédentaire des futurs associés, CMF a demandé que le groupe Strauss entreprenne la réorganisation de sa structure de propriété. Les mesures suivantes ont été prises avant la fin de l’année :

 

  La société en nom collectif détenant le bien a été acquise par une deuxième société en nom collectif dont la fin de l’exercice était février 1988.

 

  Quatre-vingt-cinq pour cent du bien ont été vendus à la juste valeur marchande à une troisième société en nom collectif pour combler la dette.

 

Aux termes de l’entente actuelle conclue avec le groupe Strauss, la quasi-totalité des pertes subies par la société en nom collectif Claridge Associates durant l’année d’exploitation se terminant le 31 décembre 1987, dont le montant est estimé être compris entre 27 millions et 30 millions de dollars américains, seront allouées aux investisseurs canadiens propriétaires de la deuxième société en nom collectif. Si l’on se fonde sur un placement minimal de 150 000 $ CA, l’allocation au prorata des pertes correspondrait approximativement au montant minimal de 1 250 000 $ CA.

 

[25]  M. Ballard a réclamé 1 763 855 $ en 1988, pour une dépense de 150 000 $. Même en supposant que la somme de 150 000 $ n’était pas déductible, la valeur fiscale de 1 763 855 $, en présumant un taux marginal de 52 %, était de l’ordre de 917 000 $, pour un taux de rendement de près de 600 %.

 

[26]  Les appelants par l’intermédiaire de la CH1 se sont retrouvés avec 99 % d’une perte de près de 43 000 000 $, mais seulement avec un intérêt éventuel dans 5,4 % des copropriétés invendues.

 

[27]  J’ai retracé la série complexe d’opérations, en commençant par la création de la CA, la construction du complexe « The Claridge » qui s’est accompagnée de pertes élevées et de 79 unités invendues, et en terminant par les dernières opérations où la MSI a transféré une participation de 5,4 % dans les unités quelque temps après le 31 mars 1988. Il est important d’établir simplement ce que les appelants obtenaient lorsqu’ils payaient une somme totale de près de 37 220 $ US pour chaque participation de 1 % dans CH1.

 

[28]  Étant donné que les opérations étaient toutes planifiées, les appelants ont acheté le 28 mars 1988 des participations dans une société en nom collectif qui, en deux jours, serait dépouillée de tous ses actifs et qui ne se retrouverait avec rien d’autre qu’une promesse par la MSI de transférer 5,4 % des unités du complexe « The Claridge » lors de leur acquisition.

 

[29]  Les appelants se voyaient offrir la possibilité de bénéficier d’un montant déductible important aux fins de l’impôt relativement à une perte qui s’était assurément déjà produite, plus la chance, la possibilité ou l’espoir d’obtenir une participation de 5,4 % dans 79 copropriétés invendues. Nous connaissons la valeur des pertes si les appelants pouvaient s’en servir à des fins lucratives : la valeur fiscale d’un montant déductible aux fins de l’impôt supérieure à 40 000 000 $. À quelle valeur la probabilité incertaine d’obtenir une participation de 5,4 % dans 79 copropriétés invendues s’élevait-elle? Les documents promotionnels précisent que la juste valeur marchande (« jvm ») des 79 logements invendus était 23 000 000 $ US environ. Sans déterminer si le chiffre est exact, 5,4 % de 23 000 000 $ correspondent à 1 242 000 $.

 

[30]  Les appelants payaient une somme totale de 3 700 000 $ US. Si les pertes n’étaient pas le principal motif de prise d’une participation dans la société de personnes, il est difficile d’imaginer pourquoi ils paieraient 3 700 000 $ pour une participation de 5,4 % dans 79 [1]  unités invendues d’une valeur de près de 1 200 000 $. Cette valeur devrait être actualisée par un facteur indéterminé, étant donné que le 28 mars 1988, CA1 n’avait qu’une possibilité d’acquérir la participation de 5,4 % dans les logements.

 

[31]  Je discuterai brièvement certains aspects des témoignages. Le premier concerne le témoignage des appelants quant à leurs intentions. Beaucoup de temps a été consacré à cet aspect au procès.

 

[32]  Les réponses à la question de savoir pourquoi les appelants ont investi dans l’immeuble Claridge variaient. Certains ont affirmé qu’ils se fiaient à leurs conseillers, comme le cabinet comptable d’Eng, Rozon & Floor ou Me Perkins du cabinet d’avocats Perkins, Kenney & Ballard ou le cabinet comptable Cooper, Millson et Foster (« CMF »). Je présenterai brièvement les témoignages des appelants, mais je dois introduire ma présentation en précisant que les déclarations d’intention subjective quant aux motifs de conclusion d’une opération sont nettement moins convaincantes que les faits objectifs et les circonstances qui entourent l’opération. Sans toutefois laisser entendre que les déclarations d’intention subjective d’une personne étaient délibérément malhonnêtes, elles tendent à être peu fiables, car elles sont influencées par un grand nombre de facteurs externes. La réalité concrète constitue souvent une indication plus fiable de l’intention du contribuable.

 

[33]  Cela concorde avec ce que la Cour d’appel fédérale a dit dans l’arrêt The Queen v. Allan McLarty, 2006 FCA 152, aux paragraphes 27 et 28.

 

[traduction]
[27]  La cour de première instance a proposé une nouvelle approche à l’égard de la question de savoir si le contribuable a acheté des données sismiques pour la prospection, comme l’exige l’alinéa 66.1(6)a) de la Loi. Parce que l’intimé était une personne qui avait conclu un accord qui stipulait que l’exploration de pétrole et de gaz ait lieu, la CCI a indiqué qu’il n’était pas nécessaire de regarder au-delà de l’intention de l’intimé d’obtenir les données, comme cela ressort de son témoignage et du mémoire sur lequel il s’appuie. Autrement dit, la preuve objective d’un lien entre l’achat de données et les travaux d’exploration réels n’était pas juridiquement pertinente dans les affaires comme celle dont la cour était saisie. Cette conclusion de droit est assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte. Voir p. ex. l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 [« Housen »] au paragraphe 36.

 

[traduction]
[28]  La CCI a admis que son approche visant à déterminer si le critère d’intention prévu par la loi était respecté s’écartait de la jurisprudence. Dans les arrêts Global Communications et Petro-Canada, les cours ont examiné les travaux qui ont réellement été effectués sur le terrain ou avec les données sismiques. En toute déférence, la dérogation par la CCI à la jurisprudence n’était pas justifiée. La jurisprudence de la Cour n'enseigne pas que le critère d’intention prévu par la loi varie selon l’identité du contribuable. Elle enseigne plutôt que la Cour doit toujours déterminer les travaux qui ont été réellement effectués ou qu’il était prévu d’effectuer à l’aide des données sismiques.

 

[34]  Une autre raison de faire preuve de prudence à l’égard des déclarations d’intention est, comme cela ressortira de la présentation qui suit, que les intentions déclarées des appelants quant au placement qu’ils ont fait ne sont pas uniformes. En l’espèce, nous sommes en présence d’une société en nom collectif qui détient une participation dans une société en nom collectif elle-même propriétaire d’un ensemble d’unités condominiales. Il ne serait pas normal que les conséquences fiscales pour chaque personne qui investit dans la société en nom collectif varient d’un investisseur à un autre, en fonction des raisons pour lesquelles la personne s’est jointe à cette société en nom collectif.

 

[35]  MM. James Duncan et Anthony Young étaient impliqués dans plusieurs sociétés qui sont appelantes : Twin Oaks, Water’s Edge et Water’s Edge II. Ils ont investi des fonds personnellement, ainsi que par l’intermédiaire de ces sociétés et de la société personnelle de M. Duncan, Duncan Holdings. Ensemble, par l’intermédiaire d’une entreprise, Swiftsure Developments Ltd., ils ont participé à un grand nombre de projets d’aménagement immobilier. Ils ont été informés du placement immobilier Claridge par l’intermédiaire de leur comptable, M. Eng. M. Duncan a investi des fonds avant d’effectuer une visite d’inspection de l’immeuble Claridge. Il a déclaré que lui-même et M. Young avaient souhaité accéder au marché immobilier des États-Unis.

 

[36]  Il ne se rappelle pas avoir été informé des avantages fiscaux liés au placement et il a déclaré que l’incidence fiscale possible n’a pas influencé sa décision de procéder au placement. M. Eng ayant promu le projet auprès de ses clients, il est étrange que les avantages fiscaux possibles importants n’aient pas été portés à l’attention de M. Duncan avec force, de telle sorte qu’il s’en souviendrait. En effet, dans le mémoire daté du 25 février 1988 de M. Eng à l’intention de MM. Duncan et Young, il est indiqué ce qui suit à la première page.

 

[traduction]
Nous vous communiquons officiellement ce qui suit :

 

1.  Les investissements groupés nous ont été communiqués par CMF Enterprises Ltd., par l’entremise de Jim Hutton.

 

2.  CMF Enterprises Ltd. a demandé à Eng, Rozon +& Floor ou à Camus Management Corporation d’intervenir en tant que médiateurs pour rechercher des investisseurs qualifiés.

 

3.  Nous vous présentons ces investissements groupés en tenant pour acquis que votre groupe est composé d’investisseurs qualifiés qui sont des promoteurs et des investisseurs avertis, dont l’activité principale concerne l’aménagement immobilier.

 

4.  Le placement :

 

  a)  Le produit est un luxueux immeuble en copropriété comprenant 97 logements et situé à Dallas, au Texas.

  b)  Le placement total disponible s’élève à près de 4,5 millions de dollars en espèces.

  c)  Les investisseurs obtiendront une part de tous les futurs bénéfices (bénéfices d’exploitation et gains en capital) qui sont assujettis à tous les risques et avantages relatifs à l’aménagement et au placement immobiliers.

  d)  Les pertes fiscales actuelles dégagées par les investisseurs sont un avantage secondaire du placement. Le montant total de ces profits est estimé à 38 millions de dollars (découlant du placement de fonds liquides de près de 4,5 millions de dollars).

  e)  Fonds suggérés pour le groupe Young/Duncan :

  1)  Placement de fonds liquides de 720 000 $.

  2)  Répartition des pertes fiscales de 6 millions de dollars environ.

  3)  Propriété : 15 % environ.

 

5.  Selon la proposition de placement ci-dessus par le groupe Young/Duncan, nous vous informons officiellement, par les présentes, que vous avez accepté des honoraires professionnels correspondant à 1 % de la perte fiscale (60 000 $ environ) attribuable à CMF Enterprises Ltd., en fonction de la réalisation de l’opération (au lieu des 2 % que vous aviez acceptés précédemment).

 

[37]  Ce document a été présenté à tous les investisseurs. Il faisait partie d’une trousse plus volumineuse qui se trouvait à la pièce R-1 intitulée [traduction] « documents promotionnels ».

 

[38]  M. Eden est depuis un grand nombre d’années associé à des projets d’aménagement immobilier avec M. Duncan et Tony Young. Il a témoigné qu’il a décidé d’investir dans le projet Claridge, car M. Eng le lui avait recommandé. Il savait aussi que MM. Duncan et Young investissaient dans ce projet.

 

[39]  M. Eden ne se rappelait pas avoir vu les prévisions de profits qui faisaient partie du document promotionnel. À l’exception de la recommandation formulée par M. Eng, il n’avait aucun souvenir des détails du placement Claridge. Il a admis qu’il connaissait l’avantage fiscal, mais il a indiqué qu’il s’intéressait surtout au placement, car il pourrait lui procurer un bon rendement. M. Eden a investi 25 000 $ et a réclamé un montant déductible aux fins d’impôt de 293 246 $ en 1988 et de petites sommes d’argent en 1989 et 1990.

 

[40]  M. Young, ainsi que MM. Duncan et Eden, sont actifs dans le domaine de l’aménagement immobilier. Il est ressorti de son témoignage que le groupe Young/Duncan, y compris ses diverses entreprises, a au départ (le 3 mars 1988) investi dans le projet la somme totale de 825 000 $. Puis environ une semaine plus tard (le 11 mars 1988), il a diminué le montant de son placement total pour qu’il s’élève à 425 000 $. M. Young a investi 25 000 $ et a réclamé une perte fiscale de 293 246 $ en 1988. Water’s Edge II a investi au total 200 000 $ et a réclamé le montant déductible aux fins d’impôt de 2 354 724 $ en 1988.

 

[41]  Il semble que M. Young ait pris une part plus active à la détermination de la rentabilité du placement, par rapport aux autres membres du groupe. Il a déclaré qu’il connaissait l’avantage fiscal, mais que son principal intérêt était l’accès au marché immobilier aux États-Unis. Il a déclaré qu’il pensait qu’il aurait procédé au placement Claridge, même sans l’existence de l’avantage fiscal. Il est un homme d’affaires avisé. Il m'est difficile de croire qu’une telle personne, qui démontre un sens évident des affaires, aurait investi dans ce projet douteux, sans l’existence de cet énorme avantage fiscal.

 

[42]  M. Young a aussi décrit un terrain de 16 acres, près de Dallas, qui appartenait à CH1. Il semble que ce terrain ait été acheté avant la vente en 1990 de l’immeuble Claridge. Il n’a pas été aménagé et voilà maintenant près de 16 ans qu’il est inexploité et inoccupé.

 

[43]  Dans son témoignage, M. Young a été clair : il savait qu’il découlerait du placement dans le projet Claridge les pertes fiscales qui seraient attribuées à lui-même et aux entreprises dans lesquelles il avait une participation.

 

[44]  Il semble que M. Young s’en soit remis entièrement à ses comptables Eng, Rozon & Floor qui connaissaient certainement le montant déductible aux fins d’impôt colossal possible de la perte subie par la CA avant la participation au projet des investisseurs, par rapport à la possibilité très incertaine de gagner de l’argent grâce à la reprise sur le marché de l’immobilier à Dallas. Lorsqu’un contribuable nie connaître les détails d’un placement et fonde la décision uniquement sur la recommandation de son conseiller professionnel, les connaissances et la finalité relatives au placement doivent reposer sur l’avis du conseiller professionnel et être imputées à l’investisseur. Le commerce étant ce qu’il est, je pense que le cabinet Eng promouvait essentiellement la vente des pertes que la CA avait subies.

 

[45]  M. William Ballard est avocat de formation, mais il n’a jamais exercé. Il se décrit comme étant un investisseur. Il a une longue expérience dans le domaine de l’aménagement immobilier. Il a aussi été très actif dans l’industrie du spectacle. Son associé, M. Perkins, lui a parlé du placement immobilier Claridge en se fondant sur le document qu’il a obtenu d’un comptable, Alex Makuz, qui est l’un des appelants dans ces affaires. M. Ballard pense qu’il a dû examiner le document promotionnel. Il a déclaré qu’il a parlé à M. Perkins à maintes reprises et que l’un des facteurs qui ont influencé sa décision d’accepter le projet Claridge était le haut calibre des personnes qui l’étudiaient. M. Ballard ne savait pas quels calculs des flux de trésorerie M. Perkins a effectués.

 

[46]  M. Perkins a témoigné qu’il a vu l’immeuble Claridge et qu’il a été impressionné par la qualité de sa construction. Il pensait que, vu le marasme que connaît le marché immobilier à Dallas, il était grossièrement sous-évalué. Il a recommandé le placement à ses clients, MM. Ballard et Cohl. Il a précisé que l’opération [traduction] « donnait droit à une aide fiscale », une expression qui, dans les circonstances, constitue un euphémisme selon moi. M. Perkins connaissait très bien les aspects fiscaux des placements. Par exemple, il savait que l’achat de la parcelle de terrain de 16 acres avait notamment pour effet de maintenir en vie la société en nom collectif et d’éviter d’imposer aux associés, dont le prix de base rajusté (PBR) de leur participation dans cette société était négatif, une inclusion de revenu lors de la liquidation de la société en nom collectif. M. Perkins était la personne sur laquelle plusieurs investisseurs s’appuyaient pour obtenir des conseils à la fois sur la rentabilité du placement et sur la structure juridique. La plupart d’entre eux semblaient incertains ou embrouillés quant à la structure de l’opération. J’espérais que M. Perkins ferait la lumière sur la structure juridique, mais il était presque aussi vague que les investisseurs. J’ai dû, à partir de différentes sources, réunir l’information sur la façon dont je pense que l’opération était structurée. Heureusement, même si certains détails que j’ai obtenus étaient erronés, l’information réunie ne contredit pas les grandes lignes ou la question de principe mise en cause en l’espèce.

 

[47]  M. Cohl est producteur de spectacles musicaux et a un lien d’affaires avec M. Ballard depuis de nombreuses années. Comme cela fut le cas avec M. Ballard, le projet Claridge a été présenté par M. Perkins à M. Cohl et il s’est fié aux recommandations de M. Perkins.

 

[48]  M. Cohl connaissait l’avantage fiscal, mais il estimait qu’il s’agissait d’un « ajournement fiscal ». Voici ce qui figure aux pages 96 et 97 de la transcription du 6 février 2006 :

 

[traduction]
Q.  D’après ce que vous nous avez dit plus tôt, vous saviez qu’un avantage fiscal pouvait être lié à cette opération.

 

R.  Un ajournement fiscal.

 

Q.  Un ajournement fiscal.

 

R.  Je continue à croire que c’est de cela qu’il s’agissait réellement – eh bien, c’est ce que je –

 

LE JUGE : Monsieur, je ne comprends pas l’expression « ajournement fiscal ».

 

L’APPELANT : Au final, « Perky » me l’a toujours expliquée ainsi : vous n’avez pas à payer l’impôt cette année, mais tous les abris fiscaux finissent par tomber et vous devrez payer l’impôt. Ainsi, vous n’avez pas à le payer, disons, au cours de la première année, mais vous finirez par devoir le payer peut-être au cours de la quatrième ou cinquième année. Cela ne signifie pas que vous ne paierez jamais l’impôt. Je n’ai jamais cru cela. Que cela soit vrai ou non, je comprenais que cela s’apparentait plus, comme je l’ai dit, à un ajournement fiscal qu’à une exonération fiscale.

 

Q.  Et c’est ce que vous aviez compris lorsque vous avez conclu cette opération.

 

R.  C’est ce que je continue à comprendre.

 

Q.  D’accord.

 

LE JUGE : Comme pour les films, vous voulez dire.

 

L’APPELANT : Oui, tout à fait.

 

[49]  M. Cohl avait certainement raison dans le cas d’une déduction pour amortissement (« dpa ») applicable aux films. Si la vente du film génère un bénéfice, il pourrait y avoir un recouvrement de la dpa. Cependant, si vous réclamez des pertes, il n’y a pas de recouvrement. La seule exception à cela est lorsque la perte découle d’une réduction de la valeur de l’inventaire, qu’il y a un recouvrement de la valeur de l’inventaire et que ce dernier est vendu. Je doute qu’il s’agisse de ce à quoi M. Cohl pensait. M. Cohl estimait qu’il s’agissait d’un placement très risqué, mais il a affirmé que toutes ses opérations commerciales relatives aux films sont très risquées. Il semble qu’il ait conclu aveuglément l’opération et en se fiant uniquement aux conseils de M. Perkins. Il semblait être prêt et en mesure de tenter sa chance pour 150 000 $ et c’est exactement ce qu’il a fait.

 

[50]  M. Peter Pesce est le président d’une entreprise familiale de torréfaction de café. Le projet de placement Claridge lui a été présenté par CMF, des comptables accrédités, dont les associés étaient aussi les actionnaires de CMF Enterprises qui avaient obtenu l’option sur les participations dans CH1 qu’ils vendaient dans le cadre de leur promotion du placement Claridge.

 

[51]  M. Pesce a investi dans le projet, car il faisait confiance à CMF et en raison de la réputation de certains autres investisseurs, comme MM. Ballard et Cohl. Il a déclaré qu’il n’avait aucun souvenir de l’avantage fiscal du placement Claridge et qu’il n’y pensait pas au moment de vendre son entreprise de torréfaction de café. Je dois dire que je trouve qu’il est plus qu’étrange qu’une personne, qui vend son entreprise pour plusieurs millions de dollars et qui doit payer une somme importante en impôts à la suite de cette vente, n’ait aucun souvenir du fait qu’un placement de 150 000 $ produirait un montant déductible aux fins de l’impôt de près de 1 250 000 $.

 

[52]  M. Marco est ingénieur de formation. Il a une longue expérience dans le domaine de l’aménagement immobilier partout dans le monde. Sa profession consistait à trouver un projet immobilier, à l’aménager et à attirer d’autres investisseurs. Ses comptables étaient CMF. Il a décrit d’une manière générale le marché de l’immobilier au cours des années 1980. Il n’a pas effectué des calculs de son côté, car il se fiait à CMF, ses comptables, et à John Campbell de Miller Thomson, son avocat. Il était au courant de la perte fiscale, mais il a déclaré que son objectif était d’établir la valeur de l’immeuble. Il pensait qu’ils acquéraient un immeuble de 23 millions de dollars.

 

[53]  Il a déclaré qu’il n’a effectué aucun calcul mathématique. S’il l’avait fait, il aurait su que les appelants payaient près de 3 700 000 $ pour avoir la chance d’obtenir une participation de 5,4 % dans 79 appartements invendus. En supposant que la valeur de 23 millions de dollars est exacte, ils payaient pour avoir la chance d’obtenir quelque chose dont la valeur incertaine ne dépassait pas 1 200 000 $, plus un montant déductible aux fins de l’impôt de plus de 40 000 000 $. Il est vrai qu’il a mentionné quelques chiffres intéressants comme 700 000 $ par appartement qu’il pensait pouvoir vendre dans deux ans environ. Comme M. Cohl, il a déclaré qu’il considérait que la perte serait recouvrée.

 

[54]  Je me demande si la compréhension selon laquelle, en l’espèce, il s’agit d’une perte qui ne découle pas d’une demande faite au titre d’une dpa, est exacte. Néanmoins, il semblerait que c’est ainsi qu’il comprenait les choses, même si aucun document n’indiquait qu’il y aurait un recouvrement. L’avis très circonstancié du cabinet d’avocats de Toronto, Miller Thomson, Sedgwick, Lewis et Healy, qui a été fourni à CMF Enterprises Ltd. le 30 mars 1988, et qui était accessible aux investisseurs, ne mentionne pas qu’ils bénéficieraient d’un recouvrement au sens dans lequel il semble que MM. Cohl et Marco ont compris le terme.

 

[55]  M. Marco a mentionné une lettre datée du 4 avril 1988 et envoyée aux investisseurs par CMF Enterprises Ltd. signalant la clôture (pièce A-5). Je la reproduis dans son intégralité, car elle résume relativement succinctement la situation immédiatement après le 31 mars 1988 :

 

[traduction]
Chers associés de Claridge Holdings No. 1,

 

Nous sommes heureux d’annoncer la clôture de notre placement immobilier Claridge. Les procédures préalables à la clôture ont commencé à 8 h 30 environ, le mercredi 30 mars et les documents définitifs ont été signés et remplis à 21 h, le jeudi 31 mars. Un rapport complet et les copies des documents de clôture vous seront transmis à une date ultérieure.

 

D’une façon générale, la clôture s’est bien déroulée et conformément à l’ordre du jour établi préalablement. Quant à la date de notre placement, le groupe Strauss n’avait pas encore conclu les ententes relatives à une hypothèque de deuxième rang concernant l’immeuble Claridge, mais il collaborait étroitement avec son principal candidat prêteur afin d’obtenir un engagement. Les perspectives semblent prometteuses. D’après les discussions verbales avec Wasco à New York, le groupe Strauss pense que soit Wasco accordera une prolongation officielle des mesures de forclusion, soit elle travaillera avec le groupe Strauss de manière informelle, jusqu’à ce que les dispositions relatives au financement aient été prises. C’est ce que nous avions prévu. Le groupe Strauss a bel et bien obtenu la promesse d’un montage financier complet en septembre 1987 en vue de la restructuration du projet, mais il n’a pas eu lieu, à la demande de Wasco. Nous nous attendions donc à ce que Wasco applique une approche souple par rapport à la forclusion possible cette fois-ci, si le groupe Strauss connaissait des retards dans l’obtention du soutien nécessaire.

 

La bonne nouvelle est que le groupe Strauss a établi des contrats de vente concernant cinq copropriétés au cours des quelques prochains mois, et la conclusion de vente d’un logement de 600 000 $ en argent comptant est prévue dans les deux semaines à venir.

 

Comme vous le savez, si un financement satisfaisant ne peut pas être obtenu concernant le projet Claridge, et si Wasco exécute la forclusion, le groupe Strauss doit nous céder une participation aux bénéfices nets dans une société en nom collectif propriétaire d’un bâtiment commercial de quatre étages nommé Equitable Bank Building. Lors de la clôture, et pour fournir d’autres mesures incitatives afin de clore le financement du projet Claridge, nous avons négocié afin que le groupe Strauss dépose immédiatement 250 000 $ dans un compte de garantie bloqué avec Johnson & Swanson pendant six mois au plus. Dans le cas où la Wasco exécute la forclusion, et si ce financement est obtenu à tout moment, subséquemment à cela, et que la Claridge Holdings No. 2 ou une société affiliée du groupe Strauss acquiert de nouveau le complexe « The Claridge », nous obtiendrons alors notre participation directe de 5,4 % et les fonds seront reversés au groupe Strauss. Dans le cas où ce financement n’est pas obtenu, les fonds nous seront alors reversés.

 

Nous pensons que ces conditions, qui ont été négociées lors de la clôture, prolongeront la période disponible pour acquérir de nouveau le complexe « The Claridge », et amélioreront notre protection contre le rachat du bien par une autre entité du groupe Strauss qui n’est pas la Claridge Holdings No. 2 et qui ne sera pas tenue de nous céder la participation de 5,4 %. En résumé, nous pensons que dans tous les cas, nous avons conforté notre position au sujet de l’obtention de l’intérêt de propriété. Cependant, nous aimerions préciser que pendant toute la période de la clôture, les négociations se sont déroulées de manière très harmonieuse et le groupe Strauss a indiqué qu’il était impatient de collaborer avec nous en tant qu’associés du projet Claridge.

 

Nous fournirons à tous les associés des états financiers complets pour l’exercice se terminant le 31 mars 1988 concernant la Claridge Holdings No. 1. Ces états financiers et les copies des documents de clôture et des lettres de rapports légaux seront disponibles en temps utile.

 

Entre-temps, si vous avez des questions, n’hésitez pas à communiquer avec nous.

 

Nous vous prions de bien vouloir agréer nos salutations distinguées.

 

CMF ENTERPRISES LTD.

 

J.D. Millson

 

[56]  À mon avis, cette lettre donne une image exacte de la réalité économique de la situation. La participation aux bénéfices de 5,4 % que CH1 avait indirectement dans le bâtiment était loin d’être garantie. Elle dépendait des arrangements financiers conclus. Même si l’acquisition de la participation de 5,4 % dans le bâtiment était certaine, la valeur était inférieure à la somme versée. Une jvm de 23 millions de dollars était mentionnée dans le document promotionnel. La somme de 1 200 000 $ représente 5,4 % de ce montant, soit considérablement moins que la somme totale payée par les investisseurs. Même si nous devions admettre que quelques appartements étaient vendus 600 000 $ chacun, comme M. Marco l’a déclaré, si les 79 logements étaient tous vendus à ce prix, on parviendrait seulement à 47 400 000 $. La somme de 2 559 600 $ représenterait 5,4 %. La somme totale versée par les investisseurs était de 3 700 000 $ environ. En fait, le bâtiment a été vendu en 1990. M. Marco a déclaré qu’en tant qu’associés minoritaires (5,4 %), ils ne pouvaient exercer aucune influence sur la décision de vendre. Les investisseurs n’ont réalisé aucun gain sur la vente en 1990.

 

[57]  Me Lee a assez longuement contre-interrogé M. Marco sur les prévisions qui figurent dans la pièce R-1, onglet 3. Il semblait assez évident que M. Marco n’avait pas beaucoup réfléchi aux prévisions. Quelles que soient ces prévisions, dans le meilleur des cas, CH1 aurait obtenu 5,4 % des bénéfices découlant de la vente de 79 logements (ou 74 ou 75 logements, en fonction de la personne qui effectuait le comptage). On a dit que la jvm s’élevait à 23 000 000 $, mais même si l’on supposait que les logements pouvaient être immédiatement vendus 700 000 $ chacun (une hypothèse vraiment irréaliste), 5,4 % de la somme totale de 47 400 000 $ correspondent à 2 986 200 $ et il faut déduire de ce montant les dépenses et les coûts de détention. On pourrait donc se poser la question suivante : quel homme d’affaires rationnel paierait 3 700 000 $ pour avoir la chance de réaliser un rendement brut d’au mieux 2 900 000 $ environ, moins les dépenses? La réponse est évidente : une telle situation se produirait uniquement si cet homme d’affaires rationnel bénéficiait en plus d’un montant déductible aux fins de l’impôt de 40 000 000 $.

 

[58]  M. Marco a payé au total 150 000 $ et il a réclamé en 1988 une perte autre qu’en capital de 1 716 342 $, dont une partie pourrait être reportée aux années précédentes et aux années suivantes. La prévision la plus optimiste lui rapporterait un revenu brut de près de 70 000 $, pour une perte de 80 000 $ (150 000 $ moins 70 000 $) selon les questions que je lui ai posées à la fin de son témoignage. Une autre notion erronée qui ressortait de ces questions était l’idée selon laquelle il récupérerait 150 000 $ de capital après avoir réalisé le bénéfice de 70 000 $. Cette somme investie dans le projet disparaissait et malgré mes tentatives, il m’est impossible de la faire réapparaître.

 

[59]  Les prévisions relèvent du pur hasard et les idées de recouvrement d’une perte et d’un remboursement de capital sont inexactes. Dans la plupart des cas, ces facteurs à considérer seraient importants, mais en l’espèce ils ne le sont pas, car il est évident que la caractéristique prédominante du placement était l’avantage fiscal.

 

[60]  Le témoin suivant était Edward Bobot, un comptable agréé. De 1985 à 1989 ou 1990, il était associé dans le cabinet comptable CMF. Il a investi dans la CH1 en se fiant à Jim Millson. Il semble que les recherches indépendantes qu’il a menées étaient minimes. Il ne se souvenait pas des documents qui ont été présentés aux investisseurs ou que ceux-ci ont signés. Outre qu’il était influencé par le fait que d’autres membres de la CMF investissaient dans la CH1, il a aussi été impressionné par le fait que l’un des associés de la CMF, M. Marco, investissait également. La principale raison pour laquelle M. Bobot, membre débutant du cabinet, a investi semble avoir été que les autres associés exerçaient une certaine pression sur lui pour qu’il investisse. Il a investi dans la CH1 par l’intermédiaire d’une autre société en nom collectif, la CMF Investments, de laquelle les autres associés de la CMF étaient des associés. La CMF Investments détenait une participation de 5,41 % dans la CH1. Il a réclamé une perte de 260 463 $ en 1988 au titre de sa participation dans la CH1. Il possédait une connaissance très limitée du placement. Il a investi parce que les autres associés de la CMF le faisaient et il a apporté des fonds grâce à ses prélèvements effectués en tant qu’associé.

 

[61]  Le témoignage de James Molyneux, également associé débutant de la CMF, quant aux circonstances de son placement dans la CH1 et aux raisons de ce placement, ne différait pas notablement du témoignage d’Edward Bobot. Il possédait également une connaissance très limitée du placement relatif au projet Claridge.

 

[62]  Alex Makuz était un autre associé de la CMF ayant relativement peu d’expérience et il a aussi investi dans la CH1 par l’intermédiaire de la CMF Enterprises. Même s’il était l’administrateur fiscal de la CMF au moment du placement dans la CH1, il ne s’occupait pas des aspects fiscaux du projet Claridge. J’ai posé plusieurs questions à M. Makuz concernant la présentation comptable des états financiers de la CA et de la CH1. Je ne suis pas mieux renseigné qu’avant et je n’ai pas tiré grand-chose de la discussion (pages 374 à 382 de la transcription de l’instance du 7 février 2006). L’essentiel, toutefois, est que la perte de la CA attribuée à la CH1 et finalement aux associés qui ont investi dans la CH1 s’élevait à 43 018 740 $ (CA). Bien que j’aie eu du mal à faire concorder ce chiffre et les quelques autres chiffres figurant dans les états financiers, je dois considérer la somme de la perte attribuée en 1989 à la CH1 comme celle qui est en cause dans le présent appel. Ce chiffre n’est pas controversé par la Couronne. Je trouve toutefois surprenant que parmi les trois comptables agréés qui étaient membres du cabinet comptable, dont la responsabilité était de préparer des états financiers pour la CA et la CH1, aucun n’ait été en mesure de faire concorder les chiffres ou d’expliquer les écarts plutôt frappants constatés dans les états financiers. M. Millson, qui connaissait présumément mieux le projet que n’importe qui d’autre, avait quitté le cabinet et n’a pas été appelé à témoigner. Il a depuis déclaré faillite. C’est une bonne chose que la présente affaire ne porte pas sur la preuve comptable ou, d’après ma compréhension, sur les écritures comptables.

 

[63]  Il semble aussi que la CA ait enregistré des pertes en 1989 et 1990 et 5,4 % de ces pertes ont été attribuées à CH1 (ou plus précisément, 99 % de 5,4 %). Une partie des pertes pourrait être imputable aux pertes subies au moment de la vente en lots des unités invendues restantes en 1990.

 

[64]  Le seul témoin de la Couronne était Andrew J. McRoberts, un évaluateur expert provenant de Dallas, au Texas. Il a exprimé un avis au sujet de la valeur du bâtiment Claridge. Il lui a été posé deux questions :

 

  • Y a-t-il eu une valeur quelconque rattachée à la « participation secondaire » de 5,4 % dans les unités invendues du complexe « The Claridge », au titre d’un placement immobilier, qui ont apparemment été acquises par les acheteurs canadiens? Remarque : cela pourrait nécessiter une évaluation des prévisions de ventes qui, d’après ce que nous comprenons, ont été préparées par le vendeur à l’époque.

 

  • Y a-t-il eu une valeur quelconque rattachée à l’option de deux ans obtenue le 31 mars 1988, au titre d’un placement immobilier, pour acheter la participation de 94,6 % dans les unités invendues qui se chiffrait à 40 millions de dollars?

 

[65]  M. McRoberts a conclu que les prévisions indiquées dans l’onglet 3 de la pièce R1 n’étaient pas réalistes. Les prémisses sur lesquelles l’avis de M. McRoberts était fondé étaient les suivantes :

 

[traduction]
Le placement impliquait l’achat de 100 % de la participation dans Claridge Holdings No. 1. Claridge Holdings No. 1 possédait 99,0 % de la société Claridge Associates. À peu près au même moment où le placement a été effectué, la Claridge Associates prévoyait acquérir une participation indivise de 5,4 % dans l’immobilier. Finalement, les investisseurs ont acquis une participation indivise de 5,346 % (99,0 % x 5,4 %) dans les 79 copropriétés invendues. Il semble que pendant la durée du placement, la participation de 1 % dans la Claridge Associates est demeurée la participation connexe ou contrôlée du groupe Strauss.

 

Le prix d’achat de la participation indivise de 5,346 % et de l’option d’achat du solde des participations auprès de MSI s’élevait à 99 $, plus un apport en capital de 1 342 000 $ qui finalement a profité à Claridge Holding No. 2, une entité apparentée de Strauss. Cependant, les investisseurs ont aussi versé 1 800 000 $ (CA) à la CMF (promoteur du placement) pour la cession de l’option d’achat de la Claridge Holdings No. 1 à la CMF. Si l’on suppose un taux de conversion monétaire en mars 1998 [1988] de 1 $ CA pour 0,70 $ US, les investisseurs ont donc payé [(1 800 000 $ X 70 %) = 1 342 000 $] 2 602 099 $ [US], soit un montant arrondi de 2 600 000 $ pour le placement. Il était possible de lever l’option de deux ans pour acquérir l’autre participation indivise de 94,6 % pour la somme de 40 000 000 $ US.

 

[66]  Son analyse a pris la forme de quatre scénarios dans lesquels les variables étaient les suivantes :

 

  a)  une augmentation annuelle du prix de 4,5 %;

 

  b)  l’hypothèse selon laquelle des frais de 1 800 000 $ ne seraient pas versés à la CMF.

 

Les résultats sont les suivants :


Eric Noble

Le 5 décembre 2005

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Analyse du modèle 1 de flux de trésorerie – Scénario 1

Augmentation annuelle du prix de 4,5 % – Sans les frais versés à la CMF

 

Analyse du modèle 1 de flux de trésorerie – Scénario 2

Augmentation annuelle du prix de 4,5 % – Avec les frais versés à la CMF

Prix d’achat de l’investisseur  1 342 000 $

Prix d’achat de l’investisseur  2 600 000 $

 

Flux net de trésorerie  36 755 186 $

 

Moins : Paiement à la Wasco  3 000 000

 

Moins : Remboursement de l’hypothèque de deuxième rang  10 000 000

  (exclut les intérêts)

 

Produit net provenant de l’immobilier  23 755 186 $

 

 

Flux net de trésorerie  36 755 186 $

 

Moins : Paiement à la Wasco  3 000 000

 

Moins : Remboursement de l’hypothèque de deuxième rang  10 000 000

  (exclut les intérêts)

 

Produit net provenant de l’immobilier  23 755 186 $

 

Claridge Holdings No. 1 – Propriétaire  5,346 %

 

Produit net versé à la Claridge Holdings No. 1 1 269 952 $

 

Taux de rendement interne  -1,370 %

 

 

Claridge Holdings No. 1 – Propriétaire  5,346 %

 

Produit net versé à la Claridge Holdings No. 1  1 269 952 $

 

Taux de rendement interne  -16,401 %

 

 

Analyse du modèle 2 de flux de trésorerie – Scénario 1

Augmentation annuelle du prix de 9 % – Sans les frais versés à la CMF

Analyse du modèle 2 de flux de trésorerie – Scénario 2

Augmentation annuelle du prix de 9 % – Avec les frais versés à la CMF

 

Prix d’achat de l’investisseur  1 342 000 $

 

Prix d’achat de l’investisseur  2 600 000 $

 

 

Flux net de trésorerie  41 783 262 $

 

Moins : Paiement à la Wasco  3 000 000

 

Moins : Remboursement de l’hypothèque de
deuxième rang  10 000 000

  (exclut les intérêts)

 

Produit net provenant de l’immobilier  28 783 262 $

 

 

Flux net de trésorerie  41 783 262 $

 

Moins : Paiement à la Wasco  3 000 000

 

Moins : Remboursement de l’hypothèque de deuxième rang  10 000 000

  (exclut les intérêts)

 

Produit net provenant de l’immobilier  28 783 262 $

 

Claridge Holdings No. 1 – Propriétaire  5,346 %

 

Produit net versé à la Claridge Holdings No. 1  1 538 753 $

 

Taux de rendement interne  3,479 %

 

 

Claridge Holdings No. 1 – Propriétaire  5,346 %

 

Produit net versé à la Claridge Holdings No. 1  1 538 753 $

 

Taux de rendement interne  -12,290 %

 

[67]  Il sera évident que la seule façon de parvenir à un taux de rendement positif est d’utiliser deux hypothèses :

 

  a)  aucun versement de 1 800 000 $ CA à CMF;

 

  b)  une augmentation annuelle du prix de 9 %.

 

La première hypothèse est contraire aux faits et la seconde est utopique. La conclusion de M. McRoberts était la suivante :

 

[traduction]
Le rendement le plus élevé est celui du deuxième modèle de flux de trésorerie, où une participation au capital de 1 342 000 $ est requise. Il correspond à une tarification dynamique des unités condominiales et à un taux de croissance des prix de 9 % par an au cours de la vente de la totalité des unités effectuée sur une période de quatre ans. Néanmoins, le rendement de 3,5 % est infime comparativement au risque de placement. Habituellement, un placement qui comporte un tel niveau de risque (risque et contrôle du marché) appellerait un rendement d’au moins 20 %, voire plus.

 

[68]  Au final, il en résulte une valeur négative. Cela est conforme à mes propres calculs indiqués ci-dessus. M. McRoberts conclut que ni la participation de 5,4 % dans les copropriétés ni l’option n’avaient une quelconque valeur marchande. Je retiens sa conclusion. Quelle est l’importance de tout ceci? Après tout, les hommes d’affaires ont le droit de commettre des erreurs de jugement et si, avec le recul, ils commettent une erreur, il n’appartient pas à la Cour de mettre en doute ce jugement ou d’affirmer que cette erreur de jugement prive l’investissement de toute valeur commerciale. Il s’agit toutefois en l’espèce d’hommes d’affaires et de professionnels avertis et expérimentés. Il pourrait être raisonnable de conclure que lorsque de telles personnes investissent ou recommandent d’investir dans un projet qui est douteux à ce point sur le plan commercial, il convient de rechercher leur véritable objectif et il ne s’agit certainement pas de la valeur de placement du bien.

 

[69]  Plusieurs considérations ressortent en l’espèce :

 

  a)  À l’exception des associés débutants de la CMF, la plupart des investisseurs qui ont financé le projet Claridge, à titre personnel ou par l’intermédiaire de leur société, étaient des hommes d’affaires brillants et avertis sur le plan commercial qui comptaient une vaste expérience dans le domaine de l’aménagement immobilier.

 

  b)  Ils ont admis avoir très peu de connaissances quant au projet, mais ils ont déclaré qu’ils s’appuyaient sur des conseillers comme M. Millson ou M. Eng.

 

  c)  Tous les investisseurs ont affirmé qu’ils n’avaient que des connaissances approximatives quant à l’avantage fiscal découlant des pertes et ils ont déclaré qu’ils investissaient en raison des bénéfices éventuels à réaliser. Le montant déductible possible aux fins de l’impôt des énormes pertes qui s’élève à plusieurs fois le montant investi était un sujet tabou que personne ne souhaitait discuter ou admettre.

 

d)  Si la CH1 peut être qualifiée de société en nom collectif, la CA l’est incontestablement. La CH était propriétaire d’un bâtiment comportant plusieurs copropriétés invendues. L’objectif de la CA était de vendre ces copropriétés en vue de réaliser un bénéfice. L’authenticité et la légalité de la CA en tant que société en nom collectif au sens reconnu de cette expression, à savoir une « relation qui subsiste entre des personnes qui font des affaires en commun en vue de réaliser un profit » sont incontestées et incontestables.

 

  e)  On ignorait quel était vraiment le nombre d’unités invendues. Leur nombre variait de 73 à 80.

 

  f)  Aucun des investisseurs ne savait précisément comment l’opération était réalisée. Ils se fiaient tous à quelqu’un d’autre. M. Perkins, qui était censé avoir réalisé l’opération, était aussi vague que n’importe qui d’autre.

 

  g)  De loin, la majeure partie de la perte n’était pas une perte de trésorerie réelle découlant d’une vente. Elle était une perte comptable créée par une réduction de la valeur de l’inventaire. Cela importe peu. Le fait que la CA ait subi une énorme perte, au cours de son exercice se terminant le 31 décembre 1987, n’est pas vraiment controversé.

 

[70]  Je conclus sans peine que pour les appelants, l’objectif réel du placement était d’avoir accès aux pertes que la CA avait subies et non de tirer un revenu de la vente des copropriétés. La plupart des investisseurs ont témoigné et j’ai résumé leurs témoignages, dans l’éventualité où mes conclusions de fait sur ce point sont jugées pertinentes en cas d’appel. Je fonde ma conclusion moins sur le fait que je retiens ou rejette les témoignages de chaque investisseur quant à leurs intentions subjectives – je suppose que certains défendent leurs arguments d’une manière plus convaincante que d’autres – que sur les faits objectifs que révèlent les chiffres et une comparaison de l’énorme avantage fiscal qui découlerait de l’utilisation des pertes avec la perspective illusoire d’en tirer un bénéfice. Je dois supposer que chaque appelant est un homme d’affaires rationnel et intelligent. En réalité, c’est plus qu’une hypothèse. Il est évident qu’ils étaient rationnels et intelligents. Il est donc plus aisé pour moi de poser une hypothèse quant à l’intention de ces personnes qui investissaient des sommes importantes dans un projet aussi bancal sur le plan commercial. Je pense que la véritable intention des appelants était d’avoir accès aux pertes de la CA qui avaient été accumulées avant leur prise d’une participation dans la CH1.

 

[71]  Dans l’arrêt Witkin c. La Reine, 98 DTC 1933, les faits étaient les mêmes que ceux des présentes affaires et ils étaient exposés essentiellement dans un exposé conjoint des faits qui a été déposé au procès. Le juge Beaubier a pour ainsi dire tiré les mêmes conclusions de fait que les miennes. Aux paragraphes 20, 21 et 22 de ses motifs, il a observé :

 

[traduction]
20.  Dans une lettre en date du 31 décembre 1987, la Claridge Associates consentait à donner une garantie sans recours à la Claridge No. 2, valable seulement à concurrence de la participation dans la Claridge Associates, pour financer l’excédent de 23 000 000 $ sur le prix de vente ou la valeur de disposition des unités invendues du complexe « The Claridge », si un tel bien était vendu ou autrement cédé volontairement ou involontairement par la Claridge Associates à un tiers de bonne foi. La copie de cette lettre d’engagement figure à l’onglet 10 du recueil de documents des appelants.

 

21.  Les états financiers de la Claridge Associates pour son exercice se terminant le 31 décembre 1987 qui avaient été établis par le cabinet d’expertise comptable Lane Gorman Trubitt & Co. indiquaient une « perte nette » de 34 341 022 $. Cette perte nette était constituée d’une « perte d’exploitation » de 2 722 084 $, d’une « perte sur vente de biens » de 648 526 $, d’une « provision pour perte sur coûts de projet » de 24 691 251 $, des « frais d’intérêt » de 6 646 942 $, ainsi que des revenus divers de 367 811 $. Une copie de ces états financiers figure à l’onglet 13 du recueil de documents des appelants.

 

22.  Le cabinet d’expertise comptable Cooper, Millson & Foster avait établi les états financiers de la Claridge Associates en dollars canadiens pour l’exercice se terminant le 31 décembre 1987, lesquels états indiquaient une perte de 45 330 148 $. La copie de ces états financiers figure à l’onglet 14 du recueil de documents des appelants.

 

[72]  Il a rejeté l’appel en raison de l’attente raisonnable de profit (ARP) désormais désapprouvée. Sa décision a été confirmée en appel par la Cour d’appel fédérale, mais pour des motifs différents. Aux paragraphes 6 à 15, le juge Rothstein a déclaré ce qui suit :

 

[6]  Le juge de la Cour de l’impôt a examiné cette question en se demandant si l’appelant avait une attente raisonnable de profit. Il a conclu que ce n’était pas le cas et a rejeté l’appel de l’appelant.

 

[7]  La décision du juge Beaubier a été prononcée le 19 mai 1998, soit antérieurement aux arrêts de la Cour suprême du Canada Continental Bank Leasing Corp. c. Canada [1998] 2 R.C.S. 298, Spire Freezers Ltd. c Canada [2001] 1 R.C.S. 391 et Backman c. Canada, [2001] 1 R.C.S. 367. Selon cette jurisprudence récente, il est maintenant bien établi que la question à poser dans ce genre de cas est celle de savoir si l’appelant était un associé dans une société en nom collectif selon la définition de cette société qu’en donne le droit provincial pertinent, même lorsqu’il s’agit d’une société en nom collectif étrangère (voir Backman, supra, paragraphe 17).

 

[8]  Dans Continental Bank, supra, au paragraphe 22, la cour précise quels sont les trois éléments essentiels d’une société en nom collectif :

 

À l’article 2 de la Loi sur les sociétés en nom collectif [de l’Ontario], le terme société en nom collectif est défini comme étant « la relation qui existe entre des personnes qui exploitent une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice ». Ce libellé, commun à la plupart des lois sur les sociétés en nom collectif dans les ressorts de common law, comporte trois éléments essentiels : (1) une entreprise, (2) exploitée en commun, (3) en vue de réaliser un bénéfice.

 

[9]  La décision de la Cour de l’impôt a été prononcée avant les arrêts Continental Bank, Spire Freezers et Backman de la Cour suprême, supra, et, de façon bien involontaire, le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit parce qu’il a appliqué un critère erroné, à savoir, le critère de « l’attente raisonnable de profit » et non pas celui de « l’exploitation en commun d’une entreprise en vue de réaliser un bénéfice » pour déterminer si l’appelant était un associé d’une société en nom collectif. [traduction] L’avocat a convenu devant la Cour que le critère de « l’attente raisonnable de profit » est un critère plus difficile à satisfaire que celui de « l’exploitation en commun d’une entreprise en vue de réaliser un bénéfice ».

 

[10]  La conclusion relative à la question de savoir si les faits correspondent à un critère juridique (en l’espèce, le critère de la société en nom collectif) est une conclusion mixte de fait et de droit. Voir Housen c. Nikolaisen, 2002 C.S.C. 33, aux paragraphes 26 et 27. Lorsqu’une erreur de droit a été extirpée d’une conclusion mixte de fait et de droit, la Cour d’appel doit, en se fondant sur les faits constatés par le juge de première instance qui ne sont pas touchés par l’erreur de droit (à moins que le juge ait commis une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de ces faits), en arriver à sa propre conclusion au sujet de l’application du critère juridique pertinent (voir Housen, supra, aux paragraphes 27 et 35).

 

[11]  Voici les conclusions de fait auxquelles en est arrivé le juge de la Cour de l’impôt et qui ne sont pas touchées par l’erreur de droit qui a été commise :

 

1.  L’appelant était un investisseur et un homme d’affaires avisé.

 

2.  Il est difficile de concilier le fait que l’appelant ait décidé de ne pas utiliser les prévisions qui lui ont été fournies ou de ne pas les examiner et l’affirmation selon laquelle le but recherché était de faire des bénéfices.

 

3.  D’après les éléments de preuve, l’appelant prévoyait que l’exploitation du Claridge continuerait à être déficitaire comme elle l’avait été antérieurement.

 

4.  Même d’après les prévisions optimistes fournies à l’appelant, celui-ci ne prévoyait, à toutes fins pratiques, qu’une simple possibilité d’obtenir un rendement sur le capital, possibilité qui était lointaine.

 

5.  Aucun élément n’indique que l’appelant disposait de renseignements lui permettant de calculer un rendement fondé sur la possibilité de récupérer 250 000 $ plus sa participation dans la coentreprise en equity.

 

6.  L’appelant n’aurait retiré aucun bénéfice de la levée de l’option de 40 000 000 $, même si celle-ci avait été exercée.

 

7.  D’après les preuves, l’appelant a acheté une perte fiscale et c’était bien là son intention.

 

[12]  L’appelant a beaucoup insisté sur le fait qu’il existait des documents concernant la société en nom collectif et que la cour aurait dû en tenir compte. Dans ce genre d’affaire, il est effectivement exact que l’existence de la société en nom collectif doit se fonder sur des documents valides. Mais ce n’est pas le seul critère. La cour doit également déterminer si la preuve documentaire objective et les faits de l’affaire, y compris les gestes posés concrètement par les parties, sont compatibles avec l’intention subjective d’exploiter une entreprise en commun dans le but de réaliser un bénéfice (voir Backman, supra, au paragraphe 25). Par conséquent, l’existence de documents sociaux valides et l’intention avouée des parties d’exercer une entreprise en commun dans le but de réaliser un bénéfice ne sont pas des éléments déterminants. Il peut exister d’autres preuves objectives qui se rapportent à cette question, et c’est le cas en l’espèce.

 

 

[13]  Selon les conclusions de fait du juge de la Cour de l’impôt, l’appelant est un investisseur avisé, ce qui ne l’a pas empêché de ne pas tenir compte des prévisions qui lui ont été communiquées, ni de les examiner. Il n’y avait pas de projet visant à rentabiliser le Claridge. ll n’y avait qu’une possibilité lointaine de récupérer une partie du capital, ce qui est très différent d’un rendement sur le capital ou d’un bénéfice. Il n’existait aucun élément permettant de calculer le rendement sur la somme de 250 000 $, la solution de la coentreprise en equity, et la levée de l’option de 40 000 000 $ n’aurait pas produit un bénéfice pour l’appelant.

 

[14]  L’appelant conteste l’appréciation des preuves et des faits à laquelle a procédé le juge de première instance mais il n’a pas établi que le juge avait commis une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation des faits.

 

[15]  Un contribuable peut certes avoir pour principale motivation, en se joignant à une apparence de société en nom collectif, d’obtenir une perte fiscale, mais il doit avoir au moins l’intention accessoire d’exercer une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice, s’il veut que la société réponde aux critères juridiques. (Voir Continental Bank, supra, au paragraphe 43.) En l’espèce, les seuls éléments de preuve qu’ait retenus le juge de la Cour de l’impôt étaient ceux qui montraient que l’appelant avait l’intention d’acheter une perte fiscale et que c’est ce qu’il avait fait. Si on applique le critère restrictif de la société en nom collectif aux faits établis par le juge de première instance, il ressort que l’appelant n’exerçait pas une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice grâce à l’achat de sa participation dans Claridge Holdings No. 1. Par conséquent, il n’était pas un associé d’une société en nom collectif, il ne pouvait bénéficier des règles applicables aux sociétés en nom collectif conformément à l’article 96 de la Loi de l’impôt sur le revenu et il ne pouvait déduire les pertes encourues par le Claridge de ses obligations fiscales canadiennes au cours des années en cause.

 

[73]  Je suis lié par cette décision ainsi que par le raisonnement et le principe qui l’appuient et cela suffit pour justifier le rejet des appels. Le principe de la décision Witkin ainsi que de l’arrêt Backman c. Canada, 2001 DTC 5149 rendu par la Cour suprême du Canada est que la déductibilité de la perte subie par la société en nom collectif propriétaire de l’entreprise (CA, en l’espèce) dépend de la question de savoir si le moyen (CH1, en l’espèce) qui permet d’investir dans la société en nom collectif répond au critère de société en nom collectif (« exercer une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice »). En somme, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Backman et la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Witkin ont conclu que les contribuables ont investi dans une société en nom collectif associée à une perte par le moyen d’une autre structure qui semblait posséder les attributs légaux d’une société en nom collectif, mais qui était dépourvue de l’élément essentiel d’exercice d’une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice. Par conséquent, ils n’avaient pas le droit de déduire la perte, en raison du moyen par l’intermédiaire duquel ils ont investi dans la société en nom collectif associée à la perte. Ce raisonnement met l’accent sur le moyen (CH1) qui a permis d’investir dans la CA, plutôt que sur la société dans laquelle ils ont investi (CA). La CA était assurément une société en nom collectif. Ses pertes n’ont pas résulté en une perte d'identité. Elle était exploitée pour réaliser des bénéfices, mais elle traversait une période difficile. Cependant, cela n’a pas fait en sorte que la CA cesse d’être une société en nom collectif avec une activité.

 

[74]  N'eût été de la jurisprudence Witkin de la Cour d’appel fédérale et de la jurisprudence Backman de la Cour suprême du Canada, j’aurais sans doute discuté la question d’une manière quelque peu différente en posant la question suivante : « le placement avait-il une véritable intention commerciale outre l’utilisation des pertes? » Si la réponse avait été négative, comme c’était le cas en l’espèce, j’aurais rejeté l’appel, peu importe le moyen utilisé pour réaliser l’investissement. En l’espèce, la CH1 a été créée pour prolonger le délai pendant lequel les investisseurs pouvaient avoir accès à la perte, jusqu’au 31 mars 1988. La CH1 a investi dans la CA avant la fin de son année d’imposition 1987. Puis, après la fin de l’année d’imposition 1987 de la CA, les appelants ont pris une participation dans la CH1. Le raisonnement sur lequel est fondée la décision Witkin est que la perte subie par la CA ne peut pas être allouée, par l’intermédiaire de la CH1, aux investisseurs, en raison de leur intention en investissant dans la CH1. J’ignore quel aurait été le résultat si les investisseurs, au lieu d’investir dans la CH1, avaient investi directement dans la CA, avant la fin de l’exercice 1987 de la CA. L’expression « acheter des pertes » n’est pas exacte du point de vue juridique. Il n’est pas juridiquement possible d’acheter une perte. En revanche, il est possible d’acheter un moyen par lequel on espère assumer la perte de quelqu’un d’autre et c’est exactement ce que les appelants ont fait. Je ne connais aucune disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu qui permette à une personne de réclamer une perte lorsque sa seule intention d’investir, le commerce étant ce qu’il est, est d’utiliser la perte de quelqu’un d’autre.

 

[75]  Je rejette les appels en me fondant sur le raisonnement de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Witkin. En outre, je suis d’avis qu’il n’est pas possible d'assumer les pertes que l’on a « achetées » dans le cadre d’une opération qui n’a aucun véritable motif commercial crédible autre que l’utilisation de pertes qui ont été accumulées lorsque la société en nom collectif était composée de différentes personnes.

 

[76]  Les appels sont rejetés. En raison du nombre important de parties et vu le fait que les affaires ont été entendues dans deux lieux, l’adjudication des dépens est un peu plus compliquée qu’à l’habitude. Je demanderais aux parties de communiquer avec la Cour dans les deux semaines suivant la publication des présents motifs afin qu'elles présentent leurs observations sur la question des dépens, à moins, bien sûr, qu’elles ne s’entendent à ce sujet.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de juillet 2006.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Le juge en chef Bowman

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de décembre 2020.

François Brunet, réviseur 


ANNEXE A

 

[traduction]
DECLARATION COMMUNE DES PARTIES SUR CERTAINS FAITS

 

  Aux fins de l’audition de ces deux appels seulement, les appelants et l’intimée déclarent que sont constants les faits suivants :

 

 

1.  Les appelants sont des résidents du Canada.

 

2.  La Claridge Associates (« Associates ») était une société en nom collectif qui avait été créée le 20 novembre 1979 en application des lois de l’État du Texas. Les associés initiaux d’Associates étaient la Belcourt Construction Company Limited, une entreprise québécoise, et la Realty Properties Multi-Storey Inc. (« RPM »), une société constituée en application des lois de l’État du Texas.

 

3.  Après juillet 1987, et jusqu’au 30 décembre 1987, les participations dans l’Associates étaient détenues également par RPM et Multi-Storey Investments Inc. (« MSI »), une autre société constituée en application des lois de l’État du Texas. Les deux associés étaient contrôlés par Richard Strauss, promoteur immobilier basé au Texas.

 

4.  Jusqu’au 31 décembre 1987 inclusivement, la fin de l’exercice de l’Associates était le 31 décembre.

 

5.  En mars 1985, l’Associates avait essentiellement terminé la construction d’une tour d’habitation à Dallas (Texas) appelée « The Claridge ».

 

6.  L’Associates a financé la construction du projet en contractant une dette sans recours, garantie par une sûreté de premier rang en contrepartie des unités condominiales et du bien, et garantie par la Beneficial, une société du Delaware (« Beneficial ») et par la WASCO Properties, Inc., également une société du Delaware (« WASCO »).

 

7.  En 1985, l’Associates a refinancé la dette et obtenu un crédit supplémentaire aux termes de billets à ordre détenus par la Chase Manhattan Bank et la Morgan Guaranty Trust. Les billets à ordre étaient sans recours, garantis en contrepartie des unités condominiales et du bien et garantis par WASCO et Beneficial. Les billets à ordre devenaient exigibles initialement en octobre 1987.

 

8.  Aux termes d’une promesse d’achat modifiée et reformulée en date d’octobre 1985 (la « promesse d’achat »), la WASCO avait le droit d’acheter les unités et l’Associates pouvait exiger que la WASCO achète les unités condominiales, dans certaines circonstances précises, au montant du principal impayé, plus les intérêts accumulés et impayés sur les billets à ordre. La durée initiale de la promesse d’achat a été prolongée jusqu’au 5 octobre 1987. L’Associates devait payer une commission d’engagement annuelle à WASCO, plus 50 % des bénéfices nets générés par les ventes des unités dont le montant dépassait 1 650 000 $.

 

9.  La WASCO et la MSI ont conclu une convention de vente en date du 19 novembre 1987 (la « convention de vente de la WASCO »), aux termes de laquelle la Wasco consentait à vendre et à transférer à la MSI, les unités invendues du complexe « The Claridge » au prix d’achat de 23 000 000 $ US, si la Wasco acquérait les unités selon la promesse d’achat. La date de clôture était le 31 mars 1988, sauf si les parties avaient convenu d’une date antérieure. La WASCO n’était pas tenue de vendre à la MSI si un tiers lui proposait un prix d’achat supérieur à 23 millions de dollars.

 

10.  La WASCO et la MSI ont conclu une convention par voie de lettre en date du 19 novembre 1987, concernant un emprunt de 3 000 000 $ auprès de la WASCO, qui prévoyait que la première tranche de 3 000 000 $ du produit net provenant de la vente d’unités invendues soit octroyée à la WASCO, puis que 40 % du produit net lui soient attribués.

 

11.  La date d’échéance des billets à ordre a été prolongée jusqu’au 15 janvier 1988.

 

12.  La durée de la promesse d’achat a été prolongée jusqu’au 31 mars 1988.

 

13.  Au 31 décembre 1987, la dette de l’Associates aux termes des billets à ordre s’élevait à 82 500 000 $.

 

14.  Le 31 décembre 1987, la Strauss Investment Realty Corp. et la Strauss Investment Management Company (« SIRC » et « SIMC », respectivement), qui étaient toutes deux des sociétés Strauss contrôlées, ont conclu un contrat écrit intitulé « contrat de société de Claridge Holdings No. 1 », dans lequel il était indiqué que la Claridge Holdings No. 1 (« No. 1 ») a été constituée en tant que société en nom collectif en application de la loi du Texas. Le contrat stipulait que la fin de l’exercice de la No. 1 serait le 31 mars.

 

15.  La Claridge Holdings No. 2 (« No. 2 ») était une société en nom collectif en application des lois de l’État du Texas. Au 31 décembre 1987, les associés de la No. 2 étaient la RPM, la MSI et la Strauss Investment Construction (« SICC »), une autre entité Strauss contrôlée.

 

16.  Le 31 décembre 1987, aux termes d’une « Cession de participation dans la société de personnes », il était déclaré que la No. 1 avait acquis une participation de 99 % dans l’Associates en acquérant de la MSI et de la RPM une participation de 49,5 %.

 

17.  Le 31 décembre 1987, l’Associates a transféré à la No. 2 un droit bénéficiaire indivis de 85 % dans les unités invendues du complexe « The Claridge ».

 

18.  La No. 2 consentait à prendre en charge et à payer 23 000 000 $ sur la dette aux termes des billets à ordre et à prendre en charge une part de 85 % de toutes les autres dettes ou obligations.

 

19.  Dans une lettre en date du 31 décembre 1987, l’Associates consentait à donner une garantie sans recours à la No. 2, valable seulement à concurrence de la participation dans l’Associates, pour l’excédent de 23 000 000 $ sur le prix de vente ou la valeur de disposition de l’intérêt de 85 % dans les unités invendues.

 

20.  Les états financiers américains de l’Associates pour l’exercice se terminant le 31 décembre 1987 indiquaient une « perte nette » de 34 341 022 $. Elle était constituée d’une « perte d’exploitation » de 2 722 084 $, d’une « perte sur vente de biens » de 648 526 $, d’une « provision pour perte sur coûts de projet » de 24 691 251 $, des « frais d’intérêt » de 6 646 942 $, ainsi que des revenus divers de 367 811 $.

 

21.  Le cabinet comptable canadien Cooper, Millson & Foster avait établi les états financiers de la Claridge Associates en dollars canadiens pour l’exercice se terminant le 31 décembre 1987, lesquels états indiquaient une perte de 45 330 148 $.

 

22.  Le 15 janvier 1988 ou vers cette date, la Wasco a acquis la dette de l’Associates aux termes des billets à ordre envers la Chase Manhattan et la Morgan Guaranty.

 

23.  Dans une convention par voie de lettre en date du 7 mars 1988, et acceptée le 24 mars 1988, la SIMC et la SIRC ont accordé à la CMF Enterprises Limited une option d’achat de 99 % des participations dans la No. 1.

 

24.  Aux termes des conventions datées du 28 mars 1988, CMF Enterprises cédait l’option aux acheteurs canadiens. Le montant total des prix de l’option était 3 428 000 $ CA.

 

25.  Chaque acheteur a signé un avis de levée d’option en date du 28 mars 1988.

 

26.  Le 30 mars 1988, la MSI a émis à l’Associates un billet à ordre de près de 64 millions de dollars américains.

 

27.  Le 31 mars 1988 a eu lieu la clôture de l’achat de la participation de 99 % dans la No. 1.

 

28.  Le 31 mars 1988 :

 

  a)  l’Associates a transféré à la No. 2 la participation restante de 15 % dans les unités, plus 1 342 000 $, plus le billet à ordre de 64 000 000 $ US émis à l’Associates par la MSI;

 

  b)  la No. 2 a convenu d’assumer l’entière responsabilité de la dette aux termes des billets à ordre, et a libéré de sa garantie l’Associates le 31 décembre 1987;

 

  c)  Les acheteurs canadiens ont payé 99 $ US, ont fait des apports de capital à la No. 1 de 1 342 000 $ US et ont acquis 99 % des participations dans la No. 1;

  d)  L’Associates, la MSI, No. 2 et Strauss ont conclu la convention de transfert de participation.

 

29.  La convention de transfert de participation prévoyait notamment qu’après l’acquisition des unités aux termes de la convention de vente de la WASCO ou autrement, la MSI transférerait à l’Associates un intérêt bénéficiaire de 5,4 %, comme cela est exposé dans cette convention.

 

30.  Le 31 mars 1988, Strauss n’avait pas obtenu un financement suffisant pour acheter les unités de la WASCO au prix de 23 millions de dollars.

 

31.  Le 9 septembre 1988, la MSI a transféré à l’Associates l’intérêt de 5,4 %.

 

32.  Le cabinet comptable Cooper, Millson et Foster a préparé des états financiers consolidés pour la No. 1 qui indiquaient un exercice de quatre mois se terminant le 31 mars 1988. Les états financiers comprenaient une déclaration de revenus T2 S(1) qui faisait état d'une perte fiscale de 43 768 104 $ décrite comme une « part des pertes de la Claridge Associates d’après les états financiers ».

 

33.  Un contrat de vente a été passé par la MSI et la Winton Equities Inc. le 2 février 1990, soit un contrat visant la vente de toutes les unités restantes invendues du complexe « The Claridge », pour un prix de 18 248 806,97 $ US. La vente s’est conclue le 22 mars 1990.

 

FAIT dans la ville de Toronto, dans la province de l’Ontario, ce 6e jour de février 2006.

 

____(Signé par Me S.P. Lee)_______

  Avocat de l’intimée

 

FAIT dans la ville de Toronto, dans la province de l’Ontario, ce 6e jour de février 2006.

 

(Signé par Me George G.H. Cadman)

  Avocat des appelants


ANNEXE B

 

 

 


 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 


 

 


 



[1]  Leur nombre varie de 75 à 79.

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