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Dossier : 2006-1502(IT)I

ENTRE :

MARINA JANE CARLIN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 23 février 2007,

à Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Devant : L’honorable juge L.M. Little

 

Comparutions :

 

 

   Représentant de l’appelante :

Richard Earl Nelson

 

 

   Avocate de l’intimée :

Me Selena Sit

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

         Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement aux années d’imposition 2002 et 2003 sont accueillis, sans frais, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour réexamen et établissement d’une nouvelle cotisation en conformité avec les motifs du jugement ci-joints.

 

 


Signé à Vancouver, en Colombie-Britannique, ce 16e jour d’avril 2007.

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26jour de mars 2008.

 

 

Michèle Ledecq, réviseure


 

 

 

Référence : 2007CCI143

Date : 20070416

Dossier : 2006-1502(IT)I   

ENTRE :

MARINA JANE CARLIN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Little

 

A.      LES FAITS

 

[1]     Au cours des années d’imposition 2002 et 2003, l’appelante et son conjoint de fait, Richard E. Nelson, ont vécu au 1042, rue Habgood, à White Rock, en Colombie-Britannique (l’« immeuble »).

 

[2]     L’immeuble appartenait à Stoppa Holdings Ltd. (« Stoppa »).

 

[3]     Stoppa était une société à responsabilité limitée constituée en vertu de la Company Act de la Colombie-Britannique.

 

[4]     Lorsque l’appelante a produit ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2002 et 2003, le seul revenu qu’elle a déclaré se composait des prestations d’aide sociale qu’elle avait reçues de la province de la Colombie‑Britannique au cours des années d’imposition 2002 et 2003 aux montants respectifs de 6 120,00 $ et 4 080,00 $.

 

[5]     Richard E. Nelson a produit ses déclarations de revenus pour 2002 et 2003, et il a déclaré des revenus nets pour les années d’imposition 2002 et 2003 s’élevant respectivement à 22 809,00 $ et 18 204,00 $.

 

[6]     M. Jason McCrea, un vérificateur à l’emploi de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), a procédé à une vérification de l’avoir net de l’appelante. Au terme de sa vérification de l’avoir net, M. McCrea a statué qu’il y a avait un écart entre l’avoir net et les revenus déclarés par l’appelante et son conjoint de fait pour les années d’imposition 2002 et 2003. Voici les calculs employés par M. McCrea :

 

 

2002

2003

Revenu en fonction de la valeur nette rajustée

49 089,67 $

70 503,30 $

Déduction des revenus totaux déclarés

                    -  appelante

                    -  conjoint

 

 

6 120,00 $

27 749,00 $

33 869,00 $

 

 

 

4 080,00 $

18 668,00 $

22 748,00 $

Écart – revenu non déclaré selon la valeur nette

 

15 220,67 $

 

47 755,30 $

 

[7]     M. McCrea a envoyé une lettre à l’appelante en date du 20 janvier 2005, dans laquelle il affirmait que l’ARC procéderait aux rajustements suivants de son revenu imposable : (pièce A-3):

 

Revenu locatif net :

 

 

 

Année

Déclaré sur le T1 (ligne 126)

Montant corrigé

Rajustement

2002

0,00 $

 22 920,00 $

22 920,00 $

2003

0,00 $

22 920,00 $

22 920,00 $

 

Autre revenu :

 

 

 

Année

Déclaré sur le T1 (ligne 130)

Montant corrigé

Rajustement

2002

0,00 $

10 000,00 $

10 000,00 $

2003

0,00 $

10 000,00 $

10 000,00 $

 

Revenu commercial net :

 

 

 

Année

Déclaré sur le T1 (ligne 135)

Montant corrigé

Rajustement

2002

0,00 $

0,00 $

0,00 $

2003

0,00 $

14 835,30 $

14 835,30 $

 

[8]     Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante et a émis à cet effet un avis de cotisation daté du 10 mars 2005. Les nouvelles cotisations se fondaient sur la proposition que M. McCrea avait décrite dans sa lettre datée du 20 janvier 2005.

 

[9]     L’appelante a produit des avis d’opposition, et le ministre a émis des avis de ratification. L’appelante a ensuite produit des avis d’appel auprès de la Cour.

 

B.      QUESTION À TRANCHER

 

[10]   Voici les questions à trancher :

 

           a)     le ministre a inclus à juste titre le revenu locatif suivant provenant de l’immeuble au cours des années d’imposition 2002 et 2003 :

 

                                                                           Revenu locatif

 

                  2002                                                         22 920,00 $

                  2003                                                         22 920,00 $

 

           b)     le ministre a inclus à juste titre le revenu provenant de services personnels fournis par l’appelante au cours des années d’imposition 2002 et 2003 :

 

                                                                           Autre revenu

 

                  2002                                                           10 000,00 $

                  2003                                                           10 000,00 $

 

           c)     le ministre a inclus à juste titre le revenu que l’appelante a reçu de l’entreprise au cours de l’année d’imposition 2003 :

 

                                                                           Revenu commercial

 

                  2003                                                            14 835,30 $

 

C.      ANALYSE ET CONCLUSION

 

a)       Revenu locatif

 

[11]   Richard Nelson, le conjoint de fait de l’appelante, a agi comme représentant de l’appelante et a témoigné pour le compte de l’appelante ainsi qu’en son nom propre. M. Nelson a affirmé dans son témoignage que lui et l’appelante payaient un loyer mensuel de 810,00 $ à Stoppa Holdings pour le premier étage de l’immeuble. Il a affirmé que l’appelante percevait un loyer mensuel de 700,00 $ pour le rez-de-chaussée, pour le compte de Stoppa, et qu’elle remettait ce montant à Stoppa. Les parents de l’appelante sont les actionnaires de Stoppa. Une lettre de M. et Mme Stoppa indique que Stoppa a perçu un revenu locatif de la location de l’immeuble. La lettre affirme aussi que tous les loyers qui ont été payés à Stoppa ont été déposés dans le compte bancaire de Stoppa. La lettre dit que Stoppa a affecté les revenus locatifs au remboursement d’un prêt hypothécaire et au paiement de taxes foncières imposées à l’égard de l’immeuble (pièce A-1).

 

[12]   Compte tenu du témoignage de M. Nelson, y compris le contre‑interrogatoire, et des renseignements contenus dans la pièce A-1, je ne suis pas convaincu que la preuve démontre que l’appelante a touché un revenu locatif annuel de 22 920,00 $ de l’immeuble en 2002 et en 2003. J’ai conclu que le loyer payé pour l’immeuble avait été versé à Stoppa.

 

b)      Autre revenu

 

                  2002                                                               10 000,00 $

                  2003                                                               10 000,00 $

 

[13]   M. McCrea a affirmé dans son témoignage que l’appelante lui avait dit avoir reçu 10 000,00 $ par année d’un locataire du nom de Noel Joberg. M. McCrea a dit que cet argent était payé à l’appelante parce qu’elle avait aidé M. Joberg à gérer son argent et l’avait reconduit à différents endroits au cours des années en cause puisque M. Joberg n’avait pas de permis de conduire.

 

[14]   Il a aussi été fait mention du fait qu’en 2002 M. Joberg avait acheté un ordinateur à l’appelante au coût de 4250,00 $. (Voir la pièce R-1, onglet 3, page 2.)

 

[15]   M. Nelson a soutenu qu’au cours des années 2002 et 2003, M. Joberg n’avait pas donné 10 000,00 $ par année à l’appelante. M. Nelson a affirmé que l’appelante avait géré de l’argent pour M. Joberg. Une lettre de M. Joberg datée du 7 novembre 2005 confirme ce point (pièce A-2). M. Joberg a dit dans sa lettre : [traduction] « En 2002 et en 2003, Marina Carlin a agi comme administratrice financière ».

 

[16]   Les éléments de preuve ne me convainquent pas que l’appelante a reçu 10 000,00 $ de M. Joberg en 2002 et en 2003.

 

[17]   Cependant, comme mentionné précédemment, M. Joberg a versé 4 250,00 $ à l’appelante pour lui permettre d’acheter un ordinateur. Je crois que ce paiement de 4 250,00 $ devrait être inclus dans le revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2002.

 

c)      Revenu commercial

 

[18]   M. Nelson a admis que l’appelante avait gagné un revenu d’une entreprise de conception de sites Web pour des escortes. M. Nelson a dit que l’appelante avait démarré cette entreprise comme un passe-temps et qu’elle était devenue plus tard une entreprise lucrative. M. Nelson a dit que l’appelante avait tiré les montants suivants de cette entreprise :

 

                  2002                                                               15 220,67 $

                  2003                                                               14 835,30 $

 

[19]   L’avocate de l’intimée a soutenu subsidiairement que, si je concluais que l’un quelconque des montants décrits plus haut n’était pas un revenu, la nouvelle cotisation devrait tout de même être confirmée à cause des calculs de valeur nette de M. McCrea.

 

[20]   Je ne suis pas disposé à accueillir cet argument subsidiaire pour les motifs suivants :

 

1.        Le ministre s’est fondé sur des montants spécifiques comme il est indiqué dans la lettre du vérificateur du 20 janvier 2005 pour établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante. Le ministre n’a pas employé les montants correspondant à l’écart selon la valeur nette pour établir les nouvelles cotisations. (Pièce A-3) 

 

2.        Les calculs de valeur nette sont arbitraires et ne sont pas toujours exacts. À cet égard, je citerai les décisions judiciaires suivantes :

 

           Dans Ramey v. The Queen, 93 DTC 791, le juge Bowman (aujourd’hui juge en chef) a affirmé, au paragraphe 6 :

 

[…] Estimer le revenu annuel d’un contribuable à partir de la valeur de son actif net est une méthode insatisfaisante et imprécise. C’est un instrument grossier que le ministre doit utiliser en dernier ressort. Une cotisation d’actif net repose sur une comparaison de l’actif net du contribuable, à savoir la valeur de l’actif moins le passif au début d’une année, avec son actif net à la fin de l’année. À la différence ainsi obtenue, on ajoute les dépenses qu’il a engagées pendant l’année. Le montant obtenu est réputé être le revenu du contribuable, sauf preuve contraire. Ces cotisations peuvent être inexactes dans une mesure indéterminée, mais elles sont valables jusqu’à preuve de leur inexactitude. Il est quasi impossible de les contester à la pièce. La seule façon vraiment efficace de les contester est de procéder à une reconstitution complète du revenu du contribuable pour l’année. Un contribuable dont les registres comptables et le mode de déclaration de revenus sont dans un tel fouillis que la cotisation d’actif net s’impose est souvent l’artisan de son propre malheur. M. Boudreau a déclaré que les registres de M. Allan Ramey étaient inadéquats, qu’avant 1981 ses cotisations avaient fréquemment été établies selon la méthode de l’actif net, et que son entreprise de machines automatiques, telles des machines à boules et des machines à sous de types divers, fonctionnait en espèces et était donc difficile à vérifier. […]

 

Dans Bigayan v. The Queen, [2000] DTC 161, le juge Bowman a affirmé, au paragraphe 2 :

 

   La méthode de la valeur nette est, comme on le faisait observer dans l’affaire Ramey v. The Queen, 93 D.T.C. 791, une solution de dernier recours que l’on emploie lorsque tout le reste a échoué. On l’utilise souvent lorsqu’un contribuable a omis de produire des déclarations de revenus ou n’a pas conservé de documents. C’est un instrument imprécis, exact à l’intérieur d’un registre dont le champ est indéterminé. Elle repose sur le postulat selon lequel, si l’on soustrait la valeur nette d’un contribuable en début d’année à sa valeur nette en fin d’année, si l’on ajoute les dépenses du contribuable durant l’année et si l’on soustrait les encaissements non imposables et les plus-values d’actifs existants, alors le résultat net, après déduction de toute somme déclarée par le contribuable, doit être attribuable au revenu non déclaré gagné durant l’année, sauf si le contribuable peut apporter une preuve contraire. C’est au mieux une méthode insatisfaisante, qui est arbitraire et inexacte, mais quelquefois c’est le seul moyen d’arriver à un chiffre qui se rapproche du revenu d’un contribuable.

 

J’aimerais souligner les commentaires du juge en chef Bowman dans Bigayan lorsqu’il affirme que la méthode de la valeur nette « est au mieux une méthode insatisfaisante, qui est arbitraire et inexacte […] ».

 

3.        M. Nelson a aussi affirmé dans son témoignage que l’appelante éprouvait des problèmes de santé. D’après le témoignage de M. Nelson et les pièces qu’il a produites, j’ai conclu que l’appelante était confuse lorsqu’elle a fourni des renseignements à M. McCrea concernant les revenus locatifs et les paiements qu’elle avait reçus de M. Joberg.

 

[21]   Après avoir examiné soigneusement le témoignage et les pièces, j’ai conclu que l’appelante devrait inclure les montants suivants à son revenu:

 

                  2002                                                                 4 250,00 $

                                                                                        15 220,67 $ *

                  2003                                                               14 835,30 $ *

 

[22]   Si l’appelante parvient avec succès dans les années à venir à concevoir et à vendre des sites Web, je lui conseille fortement de tenir des comptes ordonnés et d’inclure à son revenu tout profit provenant de cette entreprise.

 

[23]   Les appels sont accueillis, sans frais, et il est ordonné au ministre d’effectuer les rajustements indiqués ci-dessus.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 16e jour d’avril 2007.

 

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26jour de mars 2008.

 

 

Michèle Ledecq, réviseure

 

 

 

* (Note : Au cours de l’audience, M. Nelson a admis que l’appelante avait reçu ces montants.)

 

 

 

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2007CCI143

 

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2006-1502(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Marina Jane Carlin

c.

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge L.M. Little

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 16 avril 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Richard Earl Nelson

 

Avocate de l’intimée :

Me Selena Sit

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

Richard Earl Nelson

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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