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Dossier : 2005-3965(IT)I

ENTRE :

MICHAEL H. LOEWIG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 23 août 2006 à Kitchener (Ontario).

Devant : L'honorable D.G.H. Bowman, juge en chef

Comparutions :

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                          Me Amy Kendell

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JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2003 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de septembre 2006.

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour d'avril 2007.

Jean David Robert, traducteur


Référence : 2006CCI476

Date : 20060906

Dossier : 2005-3965(IT)I

ENTRE :

MICHAEL H. LOEWIG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef Bowman

[1]      La Cour est saisie d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation d'impôt sur le revenu établie pour l'année d'imposition 2003 de l'appelant. Bien que nombre de points litigieux aient été soulevés dans l'avis d'appel et la réponse à l'avis d'appel, M. Loewig a soumis une seule de ces questions à la Cour, à savoir la question qui portait sur la déductibilité de frais juridiques de 1 391 $ qu'il avait engagés dans le cadre d'une instance judiciaire dans laquelle il avait demandé la cessation des retenues de pension alimentaire que continuait à effectuer le Bureau des obligations familiales (le « BOF » ) sur sa rémunération.

[2]      Les faits sont forts simples. L'appelant et sa première épouse (l' « ex-épouse » ) sont les parents d'une enfant, Alessandra, née le 7 mars 1989. Ils se sont séparés, et, en vertu d'un accord de séparation établi le 7 janvier 1992, l'ex-épouse a eu la garde d'Alessandra. L'appelant était tenu de verser à son ex-épouse une pension alimentaire au profit d'Alessandra jusqu'à ce qu'un événement parmi plusieurs survînt, l'événement pertinent en l'espèce correspondant au moment où Alessandra cesserait d'habiter principalement avec l'ex-épouse. Alessandra a déménagé de la maison de l'ex-épouse en mai 2003. En vertu de l'accord de séparation, l'obligation de verser la pension alimentaire pour enfants aurait dû prendre fin. Cependant, l'appelant ne pouvait pas tout simplement arrêter de verser la pension parce que les versements étaient effectués par l'entremise du BOF et qu'ils étaient retenus sur le salaire que l'appelant touchait en sa qualité de pompier du service d'incendie de Brantford. Il a demandé au BOF de cesser d'effectuer des saisies de son salaire, mais le BOF a refusé de le faire sans qu'il lui fournisse soit une lettre de l'ex-épouse ou une ordonnance judiciaire. L'ex-épouse a refusé de fournir une lettre qui aurait permis au BOF de cesser de prélever la pension alimentaire. Cependant, à un moment donné, le BOF a arrêté de verser la pension à l'ex-épouse. Les paiements étaient détenus en fiducie par le BOF.

[3]      M. Loewig croyait, correctement en l'occurrence, qu'il n'avait pas d'autre choix que d'obtenir une ordonnance judiciaire. Il a donc engagé un avocat, et, le 16 décembre 2003, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a rendu une ordonnance, qui est ainsi rédigée :

         

          [traduction]

         

1.          LA COUR ORDONNE que les parties aient la garde partagée provisoire de l'enfant, Alessandra Loewig, née le 7 mars 1989. La résidence principale de l'enfant sera celle du requérant, qui est le père.

2.          LA COUR ORDONNE que le paiement de la pension alimentaire pour enfants versée par le requérant à l'intimée cesse, la cessation entrant en vigueur le 1er juillet 2003.

3.          LA COUR ORDONNE qu'à défaut du retrait de l'ordonnance alimentaire du bureau du directeur du Bureau des obligations familiales celui-ci procède à la mise à exécution de l'ordonnance en question, les montants de pension alimentaire dus en vertu de cette ordonnance devant être versés au directeur du Bureau des obligations familiales pour qu'il les remette à la personne qui y a droit.

[4]      Le paragraphe 3, en plus d'être assez maladroitement formulé, semble très peu logique. Il n'y avait eu aucun retard dans le versement des paiements de pension alimentaire, et comme ils ont en fait été prélevés jusqu'à la fin de l'année 2003, c'est l'ex-épouse ou le BOF qui devaient de l'argent à l'appelant.

[5]      Les frais juridiques engagés en vue d'obtenir l'ordonnance judiciaire se chiffraient à 1 389 $. L'appelant les a déduits, mais leur déduction a été refusée.

[6]      La question de la déductibilité de frais juridiques engagés en vue d'obtenir une ordonnance alimentaire se pose depuis longtemps. Elle est examinée en détails par le juge Noël de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Nadeau v. R., [2004] 1 C.T.C. 293. Pendant quarante ans, les juges de la Cour ont affirmé que les frais juridiques engagés en vue d'établir ou de maintenir un droit à des aliments étaient déductibles au motif que le droit à une pension alimentaire était un bien et, donc, que les sommes déboursées en vue de gagner un revenu issu d'une pension alimentaire étaient déductibles et qu'elles n'étaient pas visées à l'alinéa 18(1)a), qui interdit la déduction de dépenses qui n'ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. Le juge Archambault a refusé de se conformer à cette jurisprudence bien établie. La Cour d'appel fédérale a statué que le juge Archambault avait eu tort, mais elle a confirmé sa conclusion selon laquelle les frais engagés par le payeur n'étaient pas déductibles. Au paragraphe 18 de ses motifs, la Cour d'appel fédérale a dit :

[18]       Inversement, les dépenses encourues par le payeur d'une pension alimentaire (soit pour empêcher qu'elle soit établie ou augmentée, ou soit pour la diminuer ou y mettre fin), ne peuvent être considérées comme ayant été encourues pour gagner un revenu et les tribunaux n'ont jamais reconnu de droit à la déduction de ces dépenses (voir, par exemple, Bayer, supra).

[7]      Selon ce raisonnement, bien que le bénéficiaire d'une pension alimentaire puisse engager des dépenses en vue de gagner un revenu, on ne peut pas en dire autant du payeur.

[8]      M. Loewig a affirmé, dans une plaidoirie motivée de façon soigneuse et détaillée, que sa démarche avait pour but d'établir un droit préexistant et de lui permettre de récupérer les sommes qui avaient été retenues à tort sur son salaire. Il se fonde sur le paragraphe 18 du bulletin d'interprétation IT-99R5 (consolidé), qui est ainsi rédigé :

   18.     Les frais juridiques engagés pour faire respecter un droit déjà existant à une pension alimentaire provisoire ou permanente sont déductibles. Un droit déjà existant à une pension alimentaire peut résulter d'un accord écrit, d'une ordonnance d'un tribunal ou de dispositions législatives comme les articles 11 et 15.1 de la Loi sur le divorce à l'égard d'une ordonnance alimentaire au profit d'un enfant, ou la partie III de la Loi sur la famille de l'Ontario, et la mise en application d'un droit de ce type n'établit pas un nouveau droit (voir la décision rendue dans l'affaire La Reine c. Burgess, [1981] CTC 258, 81 DTC 5192 (CFSPI)). En outre, les frais juridiques engagés pour contester la réduction d'une pension alimentaire sont déductibles, étant donné qu'ils ne créent pas de nouveaux droits à un revenu (voir la décision rendue dans l'affaire Le Procureur général du Canada c. Norma McCready Sembinelli, [1994] 2 CTC 378, 94 DTC 6636 (CAF)).

[9]      Je compatis sincèrement avec l'appelant, dont la position me semble tout à fait compatible avec l'équité et le bon sens. Néanmoins, les frais engagés par l'appelant en vue de récupérer des sommes payées en sus des montants versés conformément à l'accord de séparation, sommes qui, lorsqu'il les a récupérées, ne représentaient pas un revenu entre ses mains (il n'a pas déduit les sommes payées après le 1er juillet 2003), ne peuvent pas être tenues pour des frais engagés en vue de gagner un revenu.

[10]     Bien que les bulletins d'interprétation n'aient pas force de loi, le paragraphe 21 du bulletin IT-99R5 contient, à mon avis, un exposé juste du droit applicable, et il est compatible avec l'arrêt Nadeau. Ce paragraphe est ainsi rédigé :

   21.     Pour le payeur, les frais juridiques engagés pour la négociation ou la contestation d'une demande de pension alimentaire ne sont pas déductibles, étant donné qu'ils constituent des frais personnels ou de subsistance. De même, les frais juridiques engagés pour mettre fin à une pension alimentaire ou en réduire le montant ne sont pas déductibles, étant donné que le succès d'une telle démarche ne produit pas un revenu d'une entreprise ou d'un bien. Les frais juridiques engagés pour obtenir le droit de garde ou le droit de visite d'un enfant ne sont pas déductibles non plus.

[11]     L'appel est donc rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de septembre 2006.

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour d'avril 2007.

Jean David Robert, traducteur


RÉFÉRENCE :

2006CCI476

N º DU DOSSIER DE LA COUR :

2005-3965(IT)I

INTITULÉ :

Michael H. Loewig c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Kitchener (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 23 août 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable D.G.H. Bowman,

juge en chef

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS DU JUGEMENT :

Le 6 septembre 2006

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Amy Kendell

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

s.o.

Cabinet :

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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