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Dossier : 2004-99(IT)G

ENTRE :

YVON RENAUD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

___________________________________________________________________Appels entendus les 3 et 4 avril 2006, à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Louis Sirois

Avocat de l'intimée :

Me Simon-Nicolas Crépin

___________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels de la détermination des pertes pour l'année d'imposition 1998 et des cotisations pour les années d'imposition 1999 et 2000, établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, sont accordés et la détermination et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national (le « Ministre » ) pour nouvel examen, nouvelles détermination et cotisations pour permettre d'inclure dans le calcul des pertes de l'appelant pour l'année 1998 un montant de salaire de 9 725 $, et pour l'année 1999, pour permettre d'inclure dans le calcul du revenu la déduction des honoraires du syndic au montant de 10 330,70 $. Quant aux autres éléments en litige pour les années 1998 à 2000, ils ont correctement été établis en fait et en droit par le Ministre. Le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

          Les frais sont accordés à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de juin 2006.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Référence : 2006CCI354

Date : 20060620

Dossier : 2004-99(IT)G

ENTRE :

YVON RENAUD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx

[1]      Il s'agit d'appels pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000. Pour l'année 1998, la cotisation fût une cotisation néant. Il y a eu une détermination de pertes pour l'année 1998 qui a été faite par le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) en date du 20 novembre 2002. C'est de cette détermination dont il y a appel. Pour les deux autres années, les appels sont des cotisations.

[2]      La question en litige pour l'année 1998 est de savoir si le montant des pertes de l'entreprise, tel que rapporté par le contribuable dans sa déclaration de revenu pour cette année, peut être modifié par le Ministre lors d'une nouvelle cotisation émise en 2002, pour l'année 1998, alors que l'appelant a fait une proposition concordataire au cours de cette année 1998.

[3]      En plus de cette question, il y avait deux autres éléments en jeu pour l'année 1998 soit le montant d'un salaire et celui d'un gain en capital. Au début de l'audience, les parties ont accepté un montant de salaire réduit de 14 625 $ à 9 725 $ et l'appelant ne conteste plus le calcul du gain en capital. Dans les deux cas, cela s'appliquera en autant que la proposition concordataire n'empêche pas le Ministre de refaire le calcul du montant des pertes de l'entreprise.

[4]      Relativement à la proposition concordataire, l'avis d'intention fut déposé le 21 décembre 1998 et un certificat d'exécution intégrale a été émis le 9 février 2001.

[5]      Pour l'année 1999, il y a trois points en litige : 1) le prix de base rajusté ( « PBR » ) d'un immeuble; 2) la déduction d'un montant de taxe foncière payée au cours de l'année 1999; et 3) les honoraires d'un syndic au montant de 13 860 $.

[6]      En ce qui concerne l'année 2000, il s'agit du PBR de trois immeubles et de l'effet corrélatif du montant des pertes subies au cours de l'année 1998.

[7]      Pour l'année d'imposition 1998, tant dans la cotisation originale que dans la nouvelle cotisation, le Ministre a imposé une cotisation néant pour cette année. Par un nouveau calcul du revenu de l'entreprise, la perte est diminuée de 71 305 $ à 48 467 $, soit une réduction de 22 838 $. Cette cotisation a été émise en 2002, soit après l'année de la proposition concordataire qui était en 1998.

[8]      Abordons maintenant la question du PBR des quatre immeubles. L'appelant est propriétaire de plusieurs immeubles locatifs. Les parties se sont entendues sur le PBR de certaines propriétés mais ne se sont pas entendues sur le PBR del'immeuble de la rue Champfleury, l'immeuble de la rue Maufils, l'immeuble du 352 et 360 de la rue Caron et celui de la rue Hébert. L'année en question pour les trois premiers est l'année 2000 et pour le dernier, 1999, année de sa disposition.

[9]      Cette question a fait l'objet d'une longue preuve. Monsieur Serge Lavoie, c.g.a., était le comptable de l'appelant au cours des années en litige. C'est lui qui a préparé les déclarations de revenu de l'appelant et qui a collaboré à la proposition concordataire. Il n'a pas été appelé à témoigner.

[10]     Pour établir des PBR différents de ceux établis par le comptable d'origine et de ceux établis par la vérificatrice du Ministre, l'appelant, le 17 février 2004, à la suggestion de son avocat, a fait appel aux services de madame Paule McNichol, c.a.

[11]     Au début du témoignage de la comptable, l'avocat de l'appelant aurait voulu qu'elle témoigne à titre d'expert. Mais la procédure requise par l'article 145 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) n'avait pas été suivie. Madame McNichol a témoigné comme comptable qui a fait une nouvelle analyse des inscriptions au livre de l'appelant.

[12]     Elle a relaté qu'elle a d'abord établi de nouveaux PBR par l'analyse des comptes.Comme la vérificatrice de l'Agence du Revenu du Canada ( « ARC » ) n'était pas satisfaite et posait certaines questions, la comptable a tenté de corroborer ses nouveaux PBR par l'analyse des preuves de paiement et le classement des factures. Le résultat de ces analyses est présenté à la pièce A-24. Selon la méthode utilisée, les résultats sont différents.

[13]     Voici les écarts tels que calculés selon l'analyse des comptes relativement aux PBR établis par la vérificatrice du Ministre : l'immeuble de Champfleury, l'écart est de 66 818,99 $; l'immeuble de la rue Maufils, l'écart est de 46 569 $; l'immeuble situé au 352 de la rue Caron, l'écart est de 26 038,91 $, pour l'immeuble situé au 360 rue Caron, l'écart est 38 373,46 $ et celui de la rue Hébert, 18 922,39 $.

[14]     Madame McNichol fait référence à la répartition entre le terrain et l'immeuble de la rue Caron. Elle accepte celle proposée par la vérificatrice selon la pièce A-35. En fait, toutes les valeurs des terrains telles qu'établies par la vérificatrice sont acceptées par la comptable pour l'appelant.

[15]     En contre-interrogatoire, l'avocat de l'intimée lui a demandé si elle avait eu des entretiens avec monsieur Serge Lavoie, le comptable de l'entreprise à l'époque des événements, concernant sa manière d'établir les comptes de l'entreprise. Elle n'en avait pas eu. Elle lui a demandé de lui envoyer certains documents et c'est tout.

[16]     La comptable admet que quelques factures ont été inscrites en double dans sa proposition. Mais, selon elle, il s'agit de cas très rares.

[17]     Monsieur Yvon Renaud a expliqué qu'il avait acquis des propriétés qui étaient admissibles au Programme de revitalisation des Vieux Quartiers de la Ville de Québec. L'appelant dit que ce programme prévoyait le paiement de subventions pour la moitié des coûts de rénovation. Une première tranche était versée après 50% des travaux et la deuxième tranche, à la fin des travaux après vérification de l'architecte et de la Ville de Québec.

[18]     En contre-interrogatoire, l'avocat de l'intimée demande à l'appelant : « Où trouvez-vous le financement nécessaire pour combler le 50% restant entre la subvention et le montant des travaux à accomplir, vu vos déclarations d'impôt pour 1998 et 1999, où vos revenus sont très faibles? » « On peut faire faire les travaux à moindre coût, le prix est un prix de base au départ. C'est au propriétaire à se débrouiller pour le faire à moindre coût. Il y avait aussi possibilité d'emprunter sur hypothèque sur l'immeuble même. »

[19]     Madame Isabelle Pouliot est maintenant agent des appels pour l'ARC. À l'époque des événements, elle était vérificatrice. Sa vérification dans ce dossier a commencé le 24 octobre 2001. Elle avait les états financiers de l'entreprise qui indiquaient tout simplement les coûts par immeuble. Elle a demandé au comptable de l'appelant, monsieur Lavoie, de lui montrer le suivi normal d'un poste d'immobilisation. Elle a expliqué que pour établir un PBR, il faut les contrats et les pièces justificatives permettant la capitalisation. Au niveau des livres comptables, rien n'avait été capitalisé relativement aux rénovations. Il n'y avait qu'un chiffre tel que l'on le retrouve inscrit aux états financiers.

[20]     Pour les immeubles au sujet desquels des subventions ont été versées, la vérificatrice a accepté qu'il y ait eu des rénovations capitalisables au même montant que la subvention. Normalement, une subvention diminue le PBR. Si elle n'avait pas accepté des travaux au même montant que la subvention, le PBR aurait été diminué du montant de la subvention. En fait, elle n'avait pas même les pièces justificatives pour supporter ces coûts car le comptable n'avait pas considéré ces coûts capitalisables. Ce qui veut dire, selon elle, qu'il aurait passé ces coûts dans les dépenses courantes. Elle explique que dans les factures soumises par la comptable, il n'y a pas moyen de déterminer si ces factures n'ont pas déjà été prises en compte par le comptable d'alors dans les dépenses courantes de l'un ou l'autre des immeubles de l'appelant.

[21]     La vérificatrice explique la deuxième question en litige. Le montant de taxe foncière refusé est de 31 581 $, pour l'année 1999. Ce montant avait été inclus dans les comptes à payer l'année précédente. En 1999, il y a eu une écriture de régularisation concernant ce compte à payer. Elle a suivi les écritures du comptable interne car elles étaient acceptables selon les règles comptables.

[22]     Madame McNichol, la comptable de l'appelant, admet qu'en 1998, il y a eu effectivement une surévaluation des dépenses, mais elle soutient que pour l'année 1999, la dépense a été réclamée à sa juste valeur et que l'on ne doit pas tenir compte de l'écriture de régularisation. Elle fait valoir que l'écriture de régularisation est une erreur car l'appelant calculait son revenu sur une comptabilité de caisse.

[23]     La troisième question en litige pour l'année 1999, est le paiement des honoraires du syndic à la proposition concordataire.Il y a admission que les honoraires du syndic ne sont pas de 13 000 $ mais de 10 330,70 $. La position du Ministre était que le montant ne constituait pas des honoraires mais était un dividende sur proposition.

Analyse et conclusion

[24]     L'article 4.1 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité stipule qu'elle lie sa Majesté du chef du Canada ou d'une province.

[25]     L'avocat de l'appelant fait valoir qu'une fois la proposition accordée et exécutée, le Ministre n'a plus le pouvoir de modifier la cotisation dans l'année de la proposition concordataire et qu'il ne peut, en conséquence, diminuer la perte réclamée dans cette année.

[26]     Je suis d'avis, avec égard, qu'il y a confusion entre deux situations, d'une part, la créance pour la période couverte par la proposition concordataire et d'autre part, le calcul des pertes reportables sur des années ultérieures.

[27]     C'est en tant que créancier que le Ministre est lié par la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Dans les circonstances de la présente affaire, la modification au calcul des pertes tel qu'initialement rapporté, n'a pas eu d'impact sur le montant de la cotisation pour l'année 1998. Elle était néant elle est demeurée néant. Le montant des pertes est diminué de 71 305 $ à 48 467 $.

[28]     Le montant des pertes selon la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) peut être reporté dans les années ultérieures et le contribuable veut se prévaloir de ces dispositions. Je suis d'avis que de la même façon que dans le calcul de la fraction non amortie du coût en capital, le Ministre peut refaire le calcul de la fraction non amortie pour les fins d'amortissement dans les années subséquentes, bien qu'il ne puisse modifier les cotisations des années prescrites, ainsi le Ministre, s'il ne peut modifier la cotisation qu'il a présentée à titre de créancier, peut refaire le calcul du montant de la perte en autant que ce montant ait des incidences sur les cotisations des années subséquentes. Voir Coastal Construction and Excavating Ltd. c. Canada, [1996] A.C.I. no 1102 (QL), Gaouette c. Canada, [2002] A.C.I. no 168 (QL), aux paragraphes 20 à 22, New St. James Limited v. M.N.R., 64 DTC 121 et Aallcann Wood Suppliers Inc. v. The Queen, 94 DTC 1475.

[29]     Il ne s'agit pas d'une modification au montant de la cotisation pour l'année 1998, ce qui amènerait une application de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité mais d'une modification au calcul des pertes qui sont reportables et qui affectent les cotisations subséquentes. Il s'agit alors d'une application de la Loi.

[30]     En ce qui concerne le PBR des immeubles en litige, il ressort de la prépondérance de la preuve qu'on ne peut savoir avec confiance que les dépenses que la comptable a prises en compte quant aux nouveaux coûts en capital proposés n'ont pas déjà été incluses dans les dépenses de nature courante réclamées au cours des années. Le témoignage du comptable lors de ces années relativement à ses méthodes comptables aurait été utile à la détermination des coûts en capital. Car comment peut-on conclure qu'il n'a pas pris en compte les dépenses? Si elles n'ont pas été capitalisées par ce comptable, on ne peut que penser que c'est qu'elles ont été incluses dans le calcul du revenu comme dépenses courantes. Je ne peux donc accepter avec suffisamment de certitude les conclusions de la nouvelle comptable.

[31]     Je considère que l'analyse faite par la vérificatrice du Ministre a été faite du mieux qu'elle a pu dans les circonstances et qu'elle a même eu une certaine dose de générosité pratique en ne déduisant pas le montant des subventions du coût en capital même en l'absence d'un compte de dépenses capitalisées par le comptable de l'époque.

[32]     En ce qui a trait aux taxes foncières, l'avocat de l'appelant fait valoir qu'il ne fait que réclamer les taxes payées dans l'année 1999, et qu'il ne faille pas tenir compte des écritures de régularisation du comptable de l'époque.

[33]     Pour l'année 1999, le montant des taxes foncières accordé est de 9 149 $ avec un écart de 31 581 $. En 1998, le montant des taxes foncières réclamé a été de 74 833 $ ce qui incluait le montant de 31 581 $. Ceci est admis par la partie appelante.

[34]     Je trouve étrange l'attitude de l'appelant à l'égard de ce dernier point. Il ne demande pas la correction du calcul des dépenses pour l'année 1998 mais demande la même dépense pour l'année subséquente. Il veut déduire la même dépense deux années consécutives. Je ne vois aucune raison de ne pas suivre le cheminement suivi par le comptable de l'époque. C'est la méthode comptable qu'il a adoptée et c'est une méthode acceptable.

[35]     En ce qui concerne les honoraires du syndic, il me semble que ces honoraires ont été engagés pour les fins de l'entreprise. C'est pour les fins de son entreprise que l'appelant a fait la proposition concordataire. Il s'agit à sa face même d'un contexte d'affaire.

[36]     Les appels sont accordés pour permettre d'inclure dans le calcul des pertes pour l'année 1998, un montant de salaire de 9 725 $ et pour l'année 1999, pour permettre d'inclure dans le calcul du revenu la déduction des honoraires du syndic au montant de 10 330,70 $. Quant aux autres éléments en litige pour les années 1998 à 2000, ils ont correctement été établis en fait et en droit par le Ministre. Les frais sont accordés en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de juin 2006.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI354

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2004-99(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               YVON RENAUD c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  les 3 et 4 avril 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                    le 20 juin 2006

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Louis Sirois

Avocat de l'intimée :

Me Simon-Nicolas Crépin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

                   Nom :                              Me Louis Sirois

                   Cabinet :                          Barbeau & Associés

                                                          Québec (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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